Uriel Nesovjin avait du mal à cacher son excitation. Se tenant l'entrejambe, il essayait de scruter l'intérieur de la pièce par l'entrebâillement des rideaux qui avaient été tirés pour laisser de l'intimité aux occupants de la chambre. Il s'était caché à l'extérieur de la maison de passe, derrière un amoncellement de tonneaux, pensant être suffisamment à l'abri des regards des passants pour commettre son acte de voyeurisme. Le bordel en temps normal acceptait ce genre de comportement, il s'agissait même d'un service proposé par l'établissement, moyennant finance et avec accord du client et de la prostituée. Cependant, suite à quelques histoires de harcèlement et d'abus, Uriel avait été interdit d'accès aux bordels du quartier. De temps à autre Uriel jetait un coup d'œil aux alentours afin de s'assurer de n'être toujours pas remarqué. Le jour commençait à se coucher et la cité d'Avalon projetait des ombres sur ses habitants. Reportant son attention, sur la chambre, il eut l'impression que l'action entreprise par la prostituée et son client arrivait à son apothéose. La déchue eut un spasme et poussa un râle de plaisir. L'homme, le client, s'écroula sur le dos de sa partenaire après être resté immobile entre les jambes de sa partenaire. Pris d'une soudaine envie grandissante, Uriel s'approcha de plus en plus, collant son nez contre la vitre.


- Encore toi !


La voix forte fit sursauter tout le monde, la prostituée, le client et Uriel. Les deux premiers remarquèrent enfin le jeune déchu, ce dernier, leva son visage rouge de honte et de colère vers la voix qui venait du haut. Il reconnut le visage d’un des gros bras chargés de la protection des employés du bordel. Ce dernier le désigna à l'aide de la pointe d’une dague.


- Ne bouge pas ! Espèce de raclure ! Cette fois, tu ne t'en sortiras pas aussi facilement !


Uriel, dans la précipitation, se prit les pieds maladroitement dans les tonneaux qui s'écroulèrent et le firent trébucher dans sa fuite. Il réussit tant bien que mal à se dépêtrer et à prendre ses jambes à son cou afin de regagner son logis : une maison de redressement pour jeunes délinquants déchu. Le Corvus se retrouva obligé de jouer des coudes pour gravir les escaliers vertigineux de la cité, Avalon était toujours vivante, que cela soit le jour où la nuit, il y avait toujours du monde dehors en train de festoyer, de s'amuser ou de travailler. Par manque d'endurance, il se retrouva vite à bout de souffle, mais Uriel était arrivé à l'établissement dans lequel il logeait en semaine. Cependant, il ne profita pas beaucoup de cette petite victoire, car son mentor, Benamin, son mentor, l'attendait au niveau des grilles, avec le garde de la maison de passe qui le poursuivait plus tôt. Le déchu ne voulait pas se faire remarquer et se cacha derrière une charrette. Il entendit la fin de la discussion entre les deux hommes.


- Arrête de protéger ce gamin… Péché ou pas, c’est déjà la troisième fois ce mois-ci et on vient de le commencer !


- Tu es sûr que c’était Uriel ? J’ai beaucoup d’internes en ce moment, ça pourrait être un autre ou...


L’autre cracha au sol et proféra une insulte.


- Un jeune homme, un peu moins de la trentaine, petit de taille faisant à peine un mètre soixante-cinq et fin comme un épi de maïs…


- Des cheveux courts brun. Reprit Benamin. Des yeux ovales noirs. Oui, c'est bien Uriel, mais le petit a beaucoup de difficultés à gérer son péché, tu peux comprendre non ?


- Pas mon problème. Je t’avertis : la prochaine fois que cela se reproduit, je le jetterai moi-même dans le Goulot de la Murène !


Le garde battit rageusement ses ailes ce qui projeta un nuage de poussière autour de lui. Le déchu s'éleva et puis parti dans les airs. Benamin souffla et projeta son regard en direction de la charrette. Uriel avait beau se trouver à une dizaine de mètres, la voix de son mentor lui parvient aussi nettement que s'il se trouvait à côté de son oreille.


- Demain, nous parlerons sérieusement de ton avenir Uriel. Notre infrastructure ne semble pas te convenir et ça commence à avoir un impact sur l’établissement et les autres résidents. Il poussa un nouveau soupir. Tu es de corvée ce soir.

La voix partie de son esprit et Uriel s’adossa mollement contre la charrette, le regard embué de larmes. Il avait peur de son destin, honte de sa faiblesse, honte de son péché et de ce qu’il était.