Si de prime abord, Uther avait accueilli l'idée d'étudier à Basphel comme un affront manifeste, il avait peu à peu nuancé l'intransigeance de ce jugement prématuré. Déjà parce qu'il ne ménera sans doute pas à terme sa scolarité de second cycle en ces murs et qu'il finira par revenir à Drosera pour parfaire ses connaissances mais surtout parce que cette Institution lui octroyait bien plus de libertés qu'il n'eut pu en jouir dans la très protocolaire et vétilleuse capitale Alfar. A Drosera, tout était affaire de contributions et de contreparties - le plus souvent substantielles - pour bénéficier du concours d'autrui. Basphel privilégiait une approche en trompe l'œil plus désintéressée mais non pas moins retorse et élitiste. Les titres nobiliaires et leurs passe-droits n'avaient certes pas prise ici bas. Seules les capacités inhérentes de tout-un-chacun rentraient en ligne de compte pour séparer le bon grain de l'ivraie avec pour seule métronome la performance comme déterminante de valeur. En ce sens, ce lieu empruntait bien plus aux standards Alfars que son peuple s'entêtait à ne lui en reconnaître les attributs. Loin s'en faut, l'endroit n'était pas exempt de tout reproche mais le disciple de Dothasi était bien trop jeune et inexpérimenté pour en percevoir la portée. Toutefois, même à Drosera, la réputation de la ville-école la précédait de sorte que la préoccupation première de l'Eraishah serait d'obtenir les meilleurs résultats pour tirer son épingle du jeu et en faire valoir l'équivalence auprès des meilleures universités de sa terre d'origine à son retour. A l'effigie de la capitale, le Sarethi n'avait pas été dépaysé par la compétition âpre à laquelle se livrait la hiérarchie des éléments les plus brillants des départements. S'il avait conscience de l'évidence du fossé qui le séparait de ses ainés les plus en vue, le constat amer galvanisait sa soif intarissable de savoirs et d'élévation dans les hautes sphères mais aussi l'impératif, plus prosaïque, d'enrichir ses talents. Le reconnaître équivalait pour ainsi dire à la moitié de l'exigence de l'exercice.

L'usage voulait que les jeunes Sarethi de la branche Dol Eraishah se confrontent aux mœurs et coutumes des races les plus médiocres pour mieux les appréhender et in fine pourvoir aux desseins de Dothasi. S'il était courant que la plupart des fidèles de la Déesse n'appréciaient en rien de délaisser l'aisance de leur contrée pour se mêler à la plèbe, seule la volonté de l'Aether prévalait et tous devaient l'observer dans le but d'obtenir le gage de sa bénédiction en la remise de leur Anoraë. Pour Uther, l'aventure Basphélienne s'était rapidement imposé comme une étude anthropologique. Elle relevait presque de l'ethnologie tant il avait parfois l'impression de partager ce séjour au contact de populations primitives aux comportements excessivement simplistes et prévisibles. Par le passé, il avait déjà eu l'opportunité de s'affranchir de l'autarcie de Drosera et de s'aventurer au delà de la forêt des murmures sur les terres du continent naturel pour de brèves escapades avec son père. Il avait pu profiter de ces rares occasions pour confronter ses connaissances théoriques à la réalité des peuples endémiques de ces régions lointaines. Dans l'enceinte de Basphel, l'expérience avait pourtant pris une toute autre ampleur. L'exposition prolongée à ces êtres étranges ouvrait un champ entier de nouvelles observations et d'expérimentations que le Sarethi ne se priverait pas de manquer.