Assise sur le large rebord de l'une des innombrables fenêtre de la tour inconnue, l'esprit un peu brumeux, je tentais de rédiger une lettre à l'intention d'un ami perdu de vue depuis au moins trente lunes. Postée face à la porte que j'étais censée garder au péril de ma vie, j'attendais, assez peu soucieuse, la relève de mon tour de garde. En effet, quoi qu'il fut enfermé à l'intérieur de cette pièce, il relèverai déjà du miracle que quelqu'un arrive à trouver la tour, semer une armée de spectres farceurs, subir les caprices de la tour... Bref, je n'attendais pas particulièrement de visite, et profitais du calme pour mettre mon courrier à jour. La pointe de ma plume raclait la papier, hésitante, raturant une énième feuille... Te soucies tu encore de mon sort, Soupirais-je, en panne d'inspiration.
Pas une journée ne s'était passée sans que je ne pense à lui, et le temps ne suffisait pas à effacer la mémoire que j'avais de cette dernière minute en sa compagnie. Ma longévité faisait de moi un être patient, j'en avais conscience... Et bien qu'il soit qualifié de tous par "le grand méchant", j'appréciais la facette plus scintillante et plus altruiste que ma présence suscitait en lui. Ma plume barra encore un parchemin, les mots n'étant toujours pas à mon goût. En vaux tu seulement la peine. Deux longues années que le reflet du miroir ne renvoyait plus mon véritable visage, que ma fausse identité me protégeait, ainsi que ceux qui me sont cher. Deux années à croiser mes parents dans la rue sans pouvoir leur parler, sans qu'ils ne me reconnaissent. Leur visage peiné, ils avaient fini par se résoudre à ma mort pour éviter la douleur des espoirs vains. Deux années, que je m'interdis de te demander pourquoi tu es parti après m'avoir volé un baiser. Les larmes montaient, roulant sur les joues échaudées par un sentiment de colère. Je ne savais pas vraiment à qui j'en voulais, mais une chose était certaine, ce n'est pas aujourd'hui que j'arriverai à rédiger cette maudite lettre.
Froissant le parchemin en cours, le serrant fort dans mon poing, je dus me résoudre à régler ce problème plus tard.
Ouvrant la fenêtre devant laquelle je m'étais postée, je sorti mon visage par l’entrebâillement pour me rafraichir et tenter de faire descendre cette colère intérieur. J'aurais aimé être à la salle d'entraînement, frapper du bout de mon estoc une escouade de pantins de bois pour extérioriser tout ça, mais je devrais me contenter du vent glacial, parant mugir entre les cimes des arbres de la forêt environnante. Où suis-je ? J'étais placée bien trop haut pour voir en détail cette forêt, incapable d'identifier les essences, et donc le continent sur lequel j'étais, et j'osais à peine m'approcher du bord tant la vue du pied de la tour me soulevait l'estomac, me donnant le vertige. Il serait bien téméraire, celui qui tenterai de prendre le contenu de cette pièce... me dis-je à voix haute. "Ça n'a jamais empêché les voleurs d'essayer". Persuadée d'être seule, n'ayant entendu aucun bruit, je failli basculer de peur dans le vide, et eu à peine le temps de me rattraper au battant. D'un mouvement précipité je portais une main à mon fourreau pour en extraire une arme légère, la pointant vers... Un spectre aux cheveux roses. Vous avez manqué de me tuer... Deux fois. On m'avait prévenu que je risquais d'en croiser et que j'étais pour eux un sujet de distraction. Il était heureux que je n'ai pas basculé dans le vide, ni n'ai eu de crise cardiaque à cause de cette apparition. Un petit malin s'est faufilé dans les étages inférieurs, attendez vous à un peu de compagnie. Étonnée et curieuse, je me mis à lui demander plus d'informations. Le spectre se contenta de me sourire, simplement amusée, et poursuit son chemin à l'affut d'une autre âme à torturer sans me renseigner.
Gardant l'arme sortie, je pris soin de vérifier mon uniforme, resserrant les liens de cuir qui maintenaient en place quelques pièces d'armure. En effet des bruit de pas se faisaient entendre, tandis que la tour avait décidé de faire éclater un orage. Bientôt, le grondement du tonnerre fut incessant, m’empêchant de distinguer les bruits de pas. Par où arrivait il, passerait il seulement son chemin, était il venu voler la relique ? Si le spectre rose avait bel et bien croisé quelqu'un, et vu l'heure, ça ne pouvait pas être la relève, alors, je devais rester sur mes gardes.
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