Le voyage avait été rude, et la marche longue pour rallier le sommet des collines qui surplombait l’accès à la grotte qui menait, selon les dires d’Abel, au temple des esprits. Le bélua lui avait parlé de Méli, la naturaliste. C’était elle qui avait éprouvé son ami et lui avait remis l’arbalète qui les avaient tous sortis d’un bien mauvais pas il y avait de cela quelques lunes. La banshee s’était bien débrouillée, continuant de faire preuve de pouvoirs de plus en plus impressionnants. Il n’y avait pas si longtemps, elle n’était encore qu’un être perdu, une âme errante sans aucune confiance ni courage, sans aucune force, du moins c’était ce qu’elle pensait, car en elle sommeillait une magie qu’elle voyait se libérer. Avec l’augmentation de ses facultés étaient venues beaucoup de questions, auxquelles l’aether saurait certainement trouver les réponses.
La créature à la peau pâle s’avança lentement vers la grotte. Elle savait ce qui l’attendait, elle savait que cela pourrait prendre du temps, mais elle voulait contrôler ce pouvoir dont elle disposait. Elle voulait pouvoir l’utiliser pour protéger ceux qui lui étaient chers, protéger le monde qui s’était bâti autour d’elle. Amarel, Alia, Abel… ils lui avaient bâti un foyer, une famille, une raison d’être. Si l’un de ces êtres lui était à présent enlevé, elle se retrouverait à nouveau dans cet abîme de ténèbres qu’elle ne voulait plus jamais revoir. Elle ne voulait plus jamais qu’un autre puisse décider de lui enlever ce qu’elle aimait, fusse-t-il le plus puissant des hommes ou le monstre le plus vorace. Elle serait leur rempart, leur bouclier face aux ténèbres. Ce fut sur cette pensée qu’elle entra dans le dédale de couloirs qui semblait s’étendre sur une superficie impressionnante. Elle n’était pas sûre d’avoir bien repéré l’endroit pas lequel elle était entrée, mais elle était confiante. Les temples des aetheri devaient être protégés par bien des mécanismes, enchantements et puissants sortilèges pour éloigner ceux qui étaient mal intentionnés, mais la banshee ne venait qu’avec une simple question.

Guidée par sa confiance, elle avança sans aucune considération dans le labyrinthe de pierre et ressortit de l’autre côté, comme si elle avait toujours connu le chemin, presque comme si elle était déjà venue ici. Soudain, tout lui parut bien familier. Les plaines, le promontoire qui menait au temple, ses escaliers, ses colonnes… Tout était comme ressurgi d’un rêve, comme si elle se souvenait des choses qui l’entouraient au moment où elles les apercevaient. Les paysages, les sons, les odeurs semblaient ressurgir d’un lointain passé, accentuant ses interrogations.
La banshee pénétra dans l’entrée et avança vers une pièce sombre, jetant un coup d’œil distrait aux murs qui se tenaient autour d’elle. Toutes ces entraves de pierre ne l’opressaient pas, car elle était convaincue de pouvoir les faire voler en éclat d’une seule pensée. Qui était-elle ? Pourquoi avait-elle la force de broyer le corps d’un homme et de sonner un dragon alors que la majorité des hommes qui l’entourait n’étaient à peine capable que de tenir une arme. Pourquoi lui avait-on confié cette magie qui semblait affluer en elle, prête à fondre sur le premier importun dont elle aurait décidé de terminer la vie.
« Car tu auras besoin de toutes ces forces au moment d’affronter l’épreuve de ta vie. Bienvenue, Saphir au visage opalin. Cela fait bien longtemps que j’attends ta venue. Il me semble que c’est bien moi que tu souhaitais voir, n’est-ce pas ? »
La banshee tournait sur elle-même, tâchant de savoir d’où venait la voix qu’elle entendait, mais il semblait qu’il n’y avait rien ici avec elle, si ce n’était une présence familière.
« Je… Pourquoi tout semble si étrange ? Qui suis-je, pourquoi ai-je l’impression d’être déjà venue ici ? »
« Regarde plutôt… »
Le décor changea peu à peu, comme si Saphir était projetée dans un rêve dont elle était spectatrice, à moins que…
« C… cette femme rousse, est-ce… »
« Cela fait bien longtemps, orine aux cheveux de feu. A cette époque, tu étais Léa Orrena de Maëlith. Léa la Belle, mon apprentie. Tu étais une disciple du dragon, mais tu m’as été arrachée de la main de ton maître. »
Saphir était sonnée par toutes les bribes de son passé qui prenaient soudain sens. Elle ne put pas répondre, assaillie par trop de mémoires, mais l’aether continua malgré tout.
« Je souhaiterais pouvoir faire plus pour toi. Mais je peux déjà te dire que tu vas au-devant de grands périls. Je suis navrée Léa… »
« Quels périls, de quoi parlez-vous ? »
« A la lueur de la Lune, sa rage l’aveuglera et dans un éclair d’azur, la panthère tombera. Ton bélua va mourir, banshee. »
« NON ! »
Les multiples échos qui composaient la voix de Saphir crièrent à l’unisson dans une clameur qu’elle amplifia contre son gré, venait impacter les murs en y faisant apparaître de petites fissures. La naturaliste apparu alors devant elle, son visage trahissant une certaine mélancolie.
« Et tu n’y pourras rien, Léa la Belle… Certaines choses sont immuables… »
« Mais… Comment ? »
« C’est toi, Saphir. C’est toi qui va le tuer. »