Le jeune homme n'avait rien découvert, chez les magiciens, qui pût apaiser la culpabilité qui croissait en son sein. Sans en parler trop avec sa sœur qui était retombée dans un profond sommeil dont elle refusait de sortir, sans trop se concerter avec son amie, que sa tristesse inquiétait, Eilam se décida à reprendre sa longue marche, certain que seul le fait de visiter le monde pourrait lui apporter une réponse aux questions qu'il ne parvenait même pas à formuler.
Sans qu'il ne sût pourquoi, le hasard porta les pas du magicien vers le continent mystérieux. Avançant toujours avec la même confiance en l'avenir, Almagor poursuivit sa route à travers ce nouveau continent qui l'émerveilla, persuadé que chaque minute finirait par être justifiée, certain que chaque peine ne pourrait que le mener à une découverte bénéfique.
Après une longue marche, accompagné de Ludmila, plus silencieuse que jamais, le jeune homme vit, autour de lui et jusqu'à l'horizon, une mer d'un rouge à peine plus clair et plus lumineux que le rouge du sang, un lac dont la surface était secoué de vague sous les douces caresses du vent.
A la fois intrigué et émerveillé, Eilam s'avança vers la pourpre qui s'étalait devant lui et y plongea une main prudente. Il sentit alors le contact soyeux des pétales, et remonta jusqu'à ses narines la corolle d'un coquelicot, qu'il respira sereinement, avant de le reposer parmi les siens avec respect.

Au loin, il sembla au magicien apercevoir une vague plus haute que les autres. Comme aimanté par la agie de ce lieu qui commençait à le submerger, Almagor s'avança, et comprit que les coquelicots recouvraient une légère colline.
Les deux voyageurs décidèrent de gravir cette colline, pour voir jusqu'où s'étendraient les coquelicots.
Cependant, plus les deux pérégrins avançaient à travers ce tapis de pétales presque vivant qui respirait sous la brise, plus il leur semblait que le sommet de la colline s'élevait à des hauteurs surdimensionnées. Aucun des deux ne pouvait plus dire depuis combien de temps ils avançaient parmi ces coquelicots, et encore moins se situer par rapport à leur point de départ.
La magie que le jeune home avait ressentie à son arrivée s'était faite bien plus omniprésente et bien plus poignante, plus présente et plus pure encore que celle que le magicien avait pu brièvement connaître sur les rives du Lac de la Transparence.
Soudainement, une statue s'élevant vers le ciel surgit dans le champ de vision du jeune homme, bientôt suivie par de nombreuses autres pierres admirablement taillées. Par leurs regards calmes et sévères, les personnages représentés dans le marbre semblaient à la fois exercer une bienveillante surveillance sur les deux nouveaux arrivants, et à la fois semblaient les enjoindre à poursuivre plus loin leurs routes.

Les deux voyageurs, encouragés par la vue de ces statues et par cette magie qui semblait aussi vivante qu'un être, décidèrent de suivre le conseil silencieux de ces statues et avancèrent sur le sentier qui parfois disparaissait sous un flot de fleurs.
Puis le sentier s'avança sous terre et traversa de nombreuses cavités, dont Eilam ne parvint pas à déterminer l'origine, naturelle ou artificielle. Sur les parois de la grotte, des points de lumière intense se succédaient, sans aucun ordre géométrique ou logique, mais comme placés au hasard, formant de gracieux desseins rappelant ceux que laissent imaginer les étoiles dans le firmament.
Almagor se sentait de plus en plus attiré, ces étoiles qui parsemaient les murs lui semblaient être autant de guides minuscules que le magicien se décida de suivre, pour le meilleur come pour le pire.
Aussi brusquement qu'ils étaient entrés sous terre, les deux voyageurs se trouvaient à nouveau à l'air libre, accueillit par de chaleureux rayons de soleil.
Méfiante, la Tiregan questionna son ami:

Je ne comprends pas. Je suis certaine que nous avons marché plus d'une journée... Pourtant il devrait faire nuit, nous ne devrions pas voir ce soleil à son zénith...

Almagor hocha la tête, lui aussi intrigué. Cependant, au milieu du ciel, le soleil dont parlait Ludmila ne brillait pas seul.

Attends... Regarde!

Neuf autres soleils l'accompagnaient, formant une ligne parfaitement droite. Autour d'eux, de nombreux nuages prenaient des formes diverses et variées sans aucune action du vent, se déformant bien trop rapidement pour un nuage normal, ou se déchirant en deux là où un nuage ordinaire serait resté entier.
Puis, il sembla à Eilam que, parmi ces nuages, il en remarquait qui devenait de plus en plus imposant et qui représentait un brasier. Au cœur de ces flammes, un oiseau aux ailes déployées se fraya un chemin, avant de dominer le feu et en tirer sa vitalité. Le jeune home reconnut aussitôt le Phœnix, mais se demanda pourquoi il le voyait ce jour-là dans le ciel.
De plus en plus intrigué, le jeune home continua d'avancer. La végétation luxuriante, qui formait come une barrière au-dessus du sentier, détourna la tête, comme par une ignorance feinte, à l'arrivée du magicien.
Une fois cette végétation passée, Almagir entendit le bruit d'une fontaine. En effet, il vit aussitôt une fontaine en lévitation, dont l'eau ne venait de nulle part et ne s'écoulait nulle part, merveilleusement. La Tiregan fronça les sourcils.
Cette onde attirait le jeune homme irrésistiblement, et celui-ci décida de faire confiance à la agie de ce lieu. Confiant, sans se posant de questions, Eilam traversa la fontaine.

Le paysage printanier qui entourait alors le magicien disparut, laissant place à une salle circulaire dotée de huit portes.
Come porté par une force inconnue, Almagor se dirigea vers l'une de ces portes, qu'il ouvrit.
Son amie ne l'avait pas suivi: Eilam était seul. La porte se referma en silence, puis émit un claquement sec. Aucune lumière ne filtrait à travers les pierres, le magicien se retrouva plongé dans l'obscurité la plus profonde.
Peu à peu, une chaleur étouffante se mit à monter des dalles qui tapissaient le sol. Sans s'inquiéter pour autant, le jeune homme s'assit par terre, de telle sorte qu'il prenait le moins de place possible et pourrait se défendre en cas d'attaque. Prudemment, il ferma les yeux et tendit les oreilles, à la recherche du moindre souffle, à la recherche du moindre bruit qui signalerait la présence d'un être vivant.
Après quelques minutes où l'anxiété, de plus en plus présente, formait un nœud dans la cage thoracique d'Eilam, ce dernier ressentit une présence vivante, au milieu même de la salle.
Aussitôt, le magicien se leva et, scrutant l'obscurité, s'avança.

Almagor vit d'abord une flamme timide, au pierre d'une imposante statue de marbre rouge représentant un majestueux Phœnix. Puis, soudainement, la statue s'enflamma, se protégeant d'un bouclier formé par un brasier ronflant.
Les flammes affaiblissaient grandement le jeune homme. Celui-ci réfléchit un instant. Comment un incendie avait-il pu se déclencher seul dans un lieu où se trouve uniquement de la pierre, où une étincelle n'avait pu arriver? S'agirait-il d'une illusion?
Se protéger d'une telle attaque, Eilam savait le faire. Aussitôt, il se concentra pour éloigner de son esprit tout sort, toute hypnose, avant de se rendre compte qu'il n'y avait rien. Ou presque rien.

Ces flammes étaient réelles. Seule la peur ne l'était pas. Le magicien se trouvait dans la demeure d'un Aether. Il n'y était donc pas arrivé par hasard. Soit il se montrait digne de sa venue en ces lieux, soit il la payait de sa vie.
Le jeune homme savait bien que sa faible magie ne pourrait rivaliser avec ses flammes. Alors, sans hésiter, sachant que son acte, s'il ne lui ôtait pas la vie, lui ouvrirait la voie vers un avenir où il trouverait ses réponses, tenta de travers les flammes.
Aussitôt, le feu se jeta sur lui, l'enveloppa et commença le morde avec cruauté. Eilam laissa une larme de douleur couler le long de sa joue, mais avança jusqu'à la statue, sur laquelle il posa sa main avec foi.

Pourquoi est-ce que je me trouve ici? Puis-je vous être utile en quoi que ce soit?

Aussitôt, une lumière pure apparut au centre même de la statue et envahit toute la salle, chassant les flammes en une explosion de magie.
Frappé en plein fouet, Almagor s'évanouit.


Le magicien se réveilla bien plus tard, au milieu du champ de coquelicots. Eilam ouvrit les yeux avec difficultés, et vit, au-dessus de lui, la figure inquiète de Ludmila.

Je suis contente de voir que tu t'es réveillé. J'ai pansé tes blessures comme je l'ai pu. Tiens, au fait, quand tu es arrivé, il y avait ça dans tes mains...

La jeune fille lui tendit alors un magnifique jo en bois de rose, ouvragé finement en son milieu avec des fils d'or qui s'entrecroisaient, représentant un phœnix en plein vol.
Certains que l'Aether le regardait encore, le magicien posa un genou à terre:

Je vous remercie pour votre présent, et tâcherai de m'en montrer digne!

mots et arme: