[ Sur les lieux du crime, un petit village près de Libertas… ]
Une marre de sang, et deux âmes parties rejoindre celles de leurs illustres ancêtres. Une torpeur que l'on accompagnait d'un bain de lune, et de brises affables qui vaguaient les chevelures aux quatre vents. Seul un éclat blanc aux faibles lueurs s'était abattu dans la nuit, sous les regards navrés de l'astre qu'au centre des cieux se pavanait. Des chants funèbres s'étaient faits entendre plus tôt dans la matinée, mais ce n'est que des heures plus tard qu'on se décida à recouvrir les corps d'un maigre linceul, aux couleurs sombres néanmoins, dans l'espoir de cacher l'abomination que l'on trouvait sous ces mantes. Ils n'avaient pu se résoudre à la soustraire aux regards terrifiés et affligés des passants, avant que ces derniers n'aient emprunt dans leur mémoire la pourriture macabre dont les exhalaisons se faisaient déjà sentir. On les laissait découvrir avec horreur l'acte qui avait profané leur cité, pas plus tard que la veille au soir. Tout n'était qu'un jeu psychologique, lors duquel l'impact était majeur, le contrôle ordonné. Il fallait garder main mise sur la population et les états d'âme qui s'altéraient avec le temps. La gouvernance se devait de les accompagner, de les fanatiser, ou au contraire les amoindrir. Ce n'est qu'un jeu, un vrai jeu d'ombres. Et ce dernier s'avérait d'une proportion bien plus exacerbée, et dont seules les têtes pensantes connaissaient réellement les frontières, les limites.
Les rumeurs s'étaient propagées comme une traînée de poudre, et si quelques uns étaient restés pour détailler de plus près les dépouilles en lambeaux, d'autres s'étaient absentés et avaient pleuré de tout leur saoul ( et toutes leurs tripes ) les restes qu'on leur avait présenté. La cruauté n'était plus sujette à s'exprimer par des mots, à formuler des phrases qui furent susceptibles d'heurter les esprits, autant que cette vision le put à leur grand dam.. Le regard n'est peut-être pas des plus affûtés, mais l'esprit le sent, le décrypte. La soif, sous une forme éthérée, masquée par les sombres desseins et effroyables pulsions meurtrières, se dessine sur la peau de ceux qu'elle frappe, dont elle consume l'essence. L'on ne peut alors plus l'ignorer, négliger ou dédaigner ce que les sens comprennent si distinctement. L'on entendait plus que des cris de solitude ou d'effroi. Les proies en venaient aux suppositions lancées à tout hasard pour combler leurs attentes non-respectées et les zones d'ombre qui demeuraient intactes quant à l'identité de leur chasseur. Elles se faisaient traquer, et fuir semblait être ( pour le moment ) leur seule et unique issue.
« Vous avez entendu ? On dirait que ça se rapproche.. » , « Mais alors.. » , « Deux cadavres. À quelques rues d'ici. C'était.. L'un prit peur, pâlissant, se prosternant face à la crainte et l'effondrement de ressembler un jour à cette charogne là. Suant à grosses goûtes, des plaques de rougeurs déjà visibles sur son visage pâle, il tremblait, énormément. En a parte, se privant des odeurs nauséabondes qui s'éparpillaient aux orées du marché, des petits groupes ( à leur image ) s'étaient formés. L'on criait à l'infamie, au loup, à toutes les bêtes qu'ils purent réprimander, inculper d'un tel massacre. « L'étau se referme ! La cadence s'intensifie.. Ça tourne au vinaigre dans les environs.. » Les voix frémissaient, aussi intensément que les hauts le coeur dont certains étaient pris. « Il faut faire quelque chose.. Se bouger un peu.. 'fin je sais pas, mais.. Qui sait qui seront ses prochaines victimes.. » , « On parle d'un tueur en série, un prédateur des plus dangereux.. Assoiffé de sang, ilpiège n'importe qui et n'importe où, pourvu qu'il puisse satisfaire ses pulsions.. Ce n'est pas si simple, idiot ! On ignore quand il attaquera à nouveau.. Comment riposter alors ? Qu'est-ce qu'on peut faire nous, sérieux.. » L'agacement s'en vint, mêlé à la confusion générale. Les jurons tombaient, à foison, et les esprits s'échauffaient plus aisément que la normale. Nul ne cherchait à voir en son conjoint ou son voisin de potentiels assassins.. Toutefois, l'énervement ainsi que l'impuissance les bouffaient de l'intérieur. « On va tous se faire tuer à ce rythme.. » , « Qui a-t-on retrouvé au petit matin ? » , « Un jeune couple à ce qu'on m'a dit » , « On va TOUS CR*VER JE VOUS DIS » , « …Au moins, ils auront eu le luxe de mourir ensemble.. L'un n'aura pas à pleurer le trépas de l'âme sœur disparue.. Trop nombreux sont ceux dont le chagrin est éternel, et absolu.. Et qui sont laissés, voués à eux-mêmes sur ces terres.. » Le plus avisé hésita. « Avaient-ils des enfants ? » , « Pas à ma connaissance » C'était déjà un soulagement.
Un silence s'installa. Le plus osé vint le briser. « C'est horrible.. Une bête aussi sanguinaire.. Pourquoi ne s'est-elle pas encore faite attraper ? Un trop plein d'agilité ? » , « On dit qu'elle échappe complètement au contrôle de la milice.. Elle est silencieuse, fourbe, ou qui sait juste invisible ! Elle possède un grand pouvoir.. Qui sait si quelqu'un peut, seulement, encore quelque chose contre elle.. » La panique était totale, et les coeurs battaient fort. Ils affrontaient un ennemi qui n'avait rien de connu, mais tout d'atroce et épouvantable. Ils s'accrochaient au peu qu'ils détenaient, et étaient loin d'être les seuls.. Les mots que tous taisaient se lisaient sur leurs pâles visages, et leurs coeurs forçaient à l'évidence, à s'afficher. La menace s'avoisinait, était même trop proche pour simplement feindre l'ignorance. « Notre fin est proche, je vous le dis. Je le sens sur mes pauvres et vieux os ! Ils ne m'ont jamais trompé.. » , « Donc.. on ne sait même pas ce qu'elle est ? Sa façon de tuer ? Il doit bien y avoir quelque chose qui puisse révéler son identité.. » L'homme s'aperçut qu'il venait d'aborder un sujet plutôt sensible.. mais auquel ils ne pouvaient palliaient, qu'il leur fallait aborder à une certaine mesure et au plus vite, de peur de les froissés, longuement. À sa grande surprise, les yeux ébahis manquèrent à l'appel, et les haleines entrecoupées ne furent point trouvables dans l'assistance. Ses semblables paraissaient, au contraire, davantage subjugués par l'insuffisance de ses infos, sa méconnaissance du sujet et son inaptitude à réagir à leurs remarques. Certains prêtaient une crédibilité et plausibilité mal placée à tout genre de rumeurs à gogo qu'on savait aussi manipulables que les petits histoires de grand mères, mais d'autres encore s'en détachaient à l'excès. Visiblement.
« Vous ne le savez pas.. ? La rumeur court comme quoi deux autres – aux orées de la forêt des murmures – auraient été retrouvés.. Il y a quelques jours à peine. » , « Même modus operanti.. Rien à reprocher à la vraisemblance de la copie, tellement qu'elle excéderait l'original.. Il n'y a pas de doute à avoir là dessus.. » L'on parlait avec amertume, et ressentiment. « Et pour aller au fin fond de l'histoire, l'on aurait exterminé un groupe de vampires de haut grade non loin.. » , « Ils étaient en pleine chasse, non ? » , « Il semblerait bien, oui.. Leur culpabilité reste toujours à prouver selon la loi en vigueur, et ce qu'on appellerait communément 'justice'.. » , « Mais ils méritent que d*lle pour commencer !! » L'homme semblait sous le choc, heurté par la terrible nouvelle. « J'ignorais qu'une telle menace pesait sur nous.. Sommes nous.. condamnés ? » Plus pessimiste que l'on aurait cru au premier abord. Le plus exalté le regard, l'air de dire qu'il fallait encore s'attendre au pire. « Ce n'est pas tout.. » , « Pour le reste.. ce ne sont que des informations confidentielles.. mais à ce qu'on m'a dit, le problème n'est pas tant là effectivement.. On dit que les victimes sont retrouvées vidées de leur sang, et presque devenues poussière.. Il les suce jusqu'à la moelle, puis disparaît sans laisser de trace, autre qu'une violence carnassière marquée par ses griffes sur les corps de ses cibles. Je crois.. que la conclusion coule de source. »
Tous tremblèrent de peur à l'écoute de ces mots, et aussi étrange cela puisse paraître, aucun ne les mettait en doute. Nul n'avait assisté à ces meurtres, mais la hausse intarissable des attaqués portait à croire que la vérité n'était pas si différente de la fable qu'ils contaient là.. « Mais alors.. il s'agirait d'un.. » , « VAMPIRE !! » Ce simple mot résonna sur toute la place publique, et nombreux furent ceux à comprendre à quoi ce dernier faisait allusion. Plongés dans la peur et l'angoisse, combien avaient envisagé leur mort potentielle, et combien craignaient de la voir arriver le soir même… C'était imprudent de s'ouvrir autant, de ne serais-ce que montrer la face, car les chances, à leurs yeux, de se faire prendre, étaient presque absolues, immuables. « Chuuut ! On n'en sait rien encore.. De nombreux grognements semblent avoir été entendus lors de chaque incident, mais leur origine reste inconnue.. et qui sait s'ils ont réellement un lien avec l'affaire en question.. Les autorités compétentes n'ont aucune piste plausible, mais c'est plus que probable que ce soit eux.. » , « Qui sait s'il n'y en a vraiment qu'un.. Combien en a-t-on exterminé ? » , « Moins d'une demie-douzaine... » Et si le nombre était représentatif, les noms ne l'étaient pas .
« ...mais ils étaient bien organisés.. Comme on a dit, ils étaient sûrement d'une riche famille des environs.. » , « L'un d'entre eux murmurait encore un nom aux portes de l'inconscience, à ce qu'on m'a dit hihi. Alors que la faucheuse s'était déjà éprise de lui. Il croyait peut-être s'en tirer le sale monstre.. Je crois que c'était.. Du.. la ? Ka ? Du..kan ? En tout cas, on les a de suite suspecté d'être à l'origine du phénomène » Il hésita, l'espace d'un soupir. « Mais.. comment s'en prendre à des monstres pareils ?? » , « Il a raison.. On ne sait même pas où ils se cachent, ni par où ils sont entrés pour commettre leurs méfaits.. On a aucune chance de le prendre la main dans le sac non plus.. » , « Je l'ignore.. mais il faut agir. On ne peut pas laisser les vampires se jouer de nous bien plus longtemps.. » Des innocents, on en faisait des coupables ; des vampires, on en faisait des bourreaux insaisissables, sanglants, et aux mœurs non seulement inexistantes mais à la morale parfaitement décadente. Les créatures de la nuit n'avaient, en aucun cas, la main mise sur ces incidents, mais les populations, fiévreuses, agitées, s'en voyaient trop aveuglées pour s'en rendre compte.. Les émeutes poussaient, se rassemblaient, brayaient à tout va. La prolifération du phénomène n'était peut-être pas source de conflit dans la cour des Grands, mais ces hommes étaient tout sauf sensés.. Désespérés, poussés par une envie mortelle d'en finir, qui sait jusqu'où les porterait leur rage, leur fureur, leur véhémence, dépit, et aigreur. Le danger frappait à leur porte …
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Résumé:
Cette première partie consiste uniquement en les rumeurs qui circulent ( principalement ) à travers tout le Continent Naturel. Des meurtres ont été répertoriés aux alentours de la Forêt des Murmures, ici près de Libertas donc, et à travers toutes les pleines qui entourent cette zone. Le coupable reste inconnu, et il n'y a jamais eu aucun témoin à la scène. Les hommes se basent donc sur les preuves matérielles trouvées sur les lieux pour en déduire qui l'as fait : les corps sont retrouvés vidés de leur sang, avec des marques de dents, des marques de griffures.. Ils tirent des conclusions plutôt logiques, mais aussi hâtives, car les vampires n'y sont pour rien. Mais étant donné que le phénomène se répète un peu partout, il faut que les vampires envisagent de résoudre l'affaire et prouver leur innocence, tout en châtiant dans les règles de l'art ceux à les avoir fait porter le chapeau :D
