La vampire ne put empêcher un rire sincère de quitter ses lèvres. Elle avait affronté tellement pire, et son coeur s'était déjà vu en proie à tant d'autres géhennes plus puissantes, harcelantes que ces dernières.. mais dans cette bataille, le fait est que la vie qu'elle appréhendait de perdre, n'était point la sienne, mais cette petite flamme qui réunissait à la fois cette petite fée aux airs ingénus à souhait, et le jeune alfar dont l'insouciance laissait encore énormément à désirer. Elle était soulagée, car tout avait pris fin. Elle savait à quoi s'attendre en le rejoignant, mais pour dire vrai.. n'avait aucunement songé aux véritables conséquences que cette énième rencontre pourrait avoir.. Fort heureusement, ils s'en sortaient toujours, mais non pas sans une quelconque leçon à la clé, ou d'éprouvants souvenirs qu'ils espéraient, à chaque reprise, ne pas réellement avoir à traverser de nouveau. Elle vint chercher la main de la petite fée, brossa des siennes ses boucles noires, assez courtes. Ce petit brin de paix était le bienvenu. Les consonances de la voix de la créature ailée, l'attendrirent réellement, la vampire étant beaucoup plus douce et propice aux charmes de cette dernière, qu'aux accords graves de celui qui l'accompagnait. Lucrezia comprit d'où venaient ses milliers d'excuses, bien qu'elle eut encore à discerner cette malédiction qui planait sur le jeune homme.. Elle se contenta de demander « Quelque chose ne vas pas depuis la dernière fois que l'on s'est vus ? Les catastrophes ont l'air d'un peu trop bien se succéder.. » Et elle venait ainsi de mettre le doigt sur le plus grand dilemme qu'affrontait l'alfar dernièrement ( outre ses parents aux vastes ambitions, et ses troubles intérieurs que Heiko ne simplifiait en rien ).

Elle fut surprise qu'on l'abordât tout à coup par une question des plus incongrues. Elle n'avait de cesse de s'inquiéter pour eux, mais c'est vrai qu'elle aussi avait échappé de belle à de grandes occasions de perdre la vie une troisième fois, et cette fois à tout jamais.. Devenir un vrai morceau de chair ambulante dont le seul but est d'obéir à un maître qui n'aura de cesse de nous remplacer, dès que la viande putride ne se montrera plus assez mobile, trop cuite par les rayons du soleil, pour entreprendre ses commandes comme il l'aurait voulu.. Se tournant vers le jeune homme, elle sourit faiblement, mais un sourire qui conviait à ce genre de situations ludiques, et prompte échappade de dernière minute. « Tu n'as pas de quoi t'en faire. J'oserais presque dire que cet affrontement était nécessaire, et que le pardon y fut.. en quelque sorte.. au rendez-vous » C'était sûrement quelque chose que l'homme n'était pas en mesure de comprendre, d'où cette hésitation dans la voix de la petite dame, mais en rien elle ne lui en voulait cette fois. Elle ne voulait pas trop gâcher ce semblant de calme qui l'avait pris, celui qui précède la tempête que le sorcier n'aurait de cesse de déclarer en cette belle journée..

Les paroles de Shi.. n'étaient pas tout à fait vraies. Elle ne savait rien de ce qu'elle était devenue, voire de ce qu'elle avait toujours été au fond. Elle n'avait de plaisir à massacrer les autres, à les étriper dans leur sommeil pour quelque butin comme certains de ses semblables, mais elle était capable de tout autant de massacres s'ils s'avéraient nourrir ses ambitions, ses envies, ses croyances, sa propre justice. Elle ne voulait prétendre à aucune de ces dernières, en ce qui concernait les petites sociétés qui s'étaient établies. Pour elle, fière vampire déchue, d'un ancien haut rang, l'indépendance quant aux mœurs d'autrui et leur façon de vivre, était ce qui les caractérisait le plus, et une force de leur part leur était exigée. On avait le droit d'être faibles, certes, mais en aucun cas celui d'agir en lâche. Voilà sa philosophie, et il n'y avait pas moyen de faire demi-tour, tant elle se voyait ancrée dans son corps, son sang, dans les rudiments de son esprit. « En gros, tout est bien qui finit bien. Et nous allons tous nous enjailler bras dessus, bras dessous, pour aller chanter ensemble dans la praire. » Son ton était emprunt d'un certain cynique qu'il ne chercha pas à cacher, ayant du s'occuper du sorcier jusque là, et ce dernier n'ayant aucunement pallié à son manque de patience déjà bien conséquent pour tout autre qui ne serait pas Luka. « Aller, il faut nettoyer cette sale besogne.. Et heureusement pour vous, je vais vous aider. On sera pas trop de quatre et demi pour nettoyer tout ça » Oui, il comptait dedans le sale hypocrite de tantôt qui malgré ce geste de sacrifice de l'alfar, au prix de sa propre vie, avait essayé de s'attirer ses faveurs, en traître. Il avait alors son mot à dire, et il s'avérait d'autant plus celui à devoir corriger ses erreurs, et si le temps ne les eut point pressé, la jeune femme l'aurait laissé faire, seul cependant.

Traînant les corps au sol, il était celui à les transporter, tandis que les deux autres se chargeaient plutôt de les entreposer en lieu sûr, et s'assurer maintenant qu'ils ne s'en échapperaient pas de nouveau.. Ce n'était aucunement à leur envers, mais ils n'avaient légèrement pas envie de rentrer de nouveau dans un cimetière, et dans le cas échéant, se retrouver de nouveau impliqués dans une telle vague d'êtres sans vie. La jeune femme acquiesça à la question du jeune homme et le suivit dans son mouvement d'accablement, et de poursuite de ses fautes en justice, ce jugement qu'ils lui imposaient, car il n'avait non seulement fait usage de ces corps pour ses expériences ( et encore cela était le moindre ), mais s'était aussi servi de leurs corps comme de boucliers, et semé la zizanie au sein de leur groupe pour sa petite vie minable dont ils n'avaient ( hormis Shi ) que faire. Le chassant à la fin de ce dit sermon, ils se virent prendre alors des routes différentes. Chacun avait ses petites priorités, et il ne fallait pas sous-estimer leurs lourds emplois-du-temps. Lucrezia n'était point une exception, mais pour une fois.. elle se vit prise d'un certain ennui ( assise sur un banc, à contempler le ciel étoilé que quelques nuages gris et lourds d'orage dissimulaient de leur grande surface ), une certaine lassitude. Elle ne voulut pas rentrer. Elle se sentait fatiguée, éreinté, par cette journée qui s'était avérée une véritable épreuve, aussi bien à ses nerfs, qu'à son pouvoir de changement d'apparence.

Sa méfiance était toujours présente.. Elle savait néanmoins, mieux la méfier qu'auparavant. Il n'était alors plus question de l'effacer ou de la corriger, mais plutôt de procéder à renouer ces liens que l'alfar avait si – stupidement – coupés. La belle ne prit que quelques instants à songer, se remémorer cet homme au charisme insondable ( lèvres charnues, yeux vairons profonds, traits définis mais balzanes, et assez rudes dans la généralité ), et aux capacités hors du commun. Il n'avait rien du commun des mortels décidément, et l'on s'étonnât encore que la jeune femme l'admire si profondément. * Cocoon.. Je veux te voir * Et ainsi, faisant preuve de ce courage innommable dont ses sens l'auraient privé quelques mois plus tôt.. elle se vit commettre ici l'appel qui faisait d'eux, maintenant, des êtres réellement inséparables.. Cet appel qu'il n'avait jamais osé, malgré les avertissements de l'orisha, prodiguer, de peur de le profaner.. Cocoon lui avait bien fait comprendre depuis l'amour qu'il ressentait pour elle.. et elle était, du moins ici, moins hésitante dans sa façon d'agir. Si elle avait eu un coeur capable de palpiter, elle sut qu'elle l'aurait senti, sous sa paume, battre à tout rompre, jusqu'à vouloir en faire de même avec sa poitrine généreuse. Ce petit côté nerveux n'avait décidément rien changé, et ses yeux pétillaient à l'idée de le revoir.. Ces retrouvailles étaient à chaque fois des plus douces, tandis que les rapides au revoirs s'avéraient des plus déchirants, des plus acerbes pour cette dépendance qu'elle nourrissait dorénavant. Sa femme demandait de l'attention.. Et elle risquait d'en être satisfaite.

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