La vampire avait compris, saisi toute la subtilité de la manœuvre. Yulenka avait décelé dans ses menteries le fil d'or de la vérité, et bientôt cette dernière verrait ses derniers pétales flétrir, et son masque d'innocence se briser en morceaux. L'échec était presque assuré, mais comment dire.. qu'une fois lui faisant face, qu'une fois confrontée à sa lame, la vampire n'avait plus le même cran que dans ces maints scénarios édifiés dans son esprit au préalable. La peur n'est pas envisageable jusqu'à s'y voir heurté. Hélas, c'était inévitable.. Elle la connaissait, premier mensonge. L'existence de son cousin, un mensonge de plus visant à cacher le premier, cette apparence qu'elle avait choisi de dévêtir y comprise. Un mensonge en entraîne un autre.. Jamais elle ne crut comprendre aussi bien ces dires. Tout n'était qu'un tissu de ces mêmes mensonges, de mots faussés disposés bout à bout pour offrir une illusion de vérité. Même privée des pensées de sa reine, Lucrezia n'eut aucun mal à discerner une once de colère, sa déception, et son éventuel ahurissement. Or, la vérité était plus effroyable encore que la fabulation, et ils n'auraient pu, Cocoon le premier, se permettre de la révéler.. Tout était en jeu, leur avenir récemment bâti et leur passé épineux. Son visage s'était crispé, sans pour autant transmettre une quelconque émotion à même de vendre la mèche, bien que ça ait été perdu d'avance. Ses propos restaient calmes, neutres, mais Cocoon saurait voir la différence. « À ma connaissance, elles ne sauraient parler de vous en mal, donc rien de déplaisant, je vous rassure. Pour ce qui en est de mon cousin.. Luka Cross. Il est possible que vous l'ayez déjà rencontré effectivement, il est plus extravagant que je ne le serai jamais » Elle avait peur. Peur de lui fournir cet indice de leur proximité, peur de lui donner la clé de la toile tissée, et emmêlée fictivement. Non pas pour elle, mais pour l'homme qui se tenait à ses côtés.. Elle assumait tout, et pour sa part, cela ne saurait être une faiblesse. Cocoon était sa fierté, et le renier aurait suffit à amputer presque toute son identité, ses dernières années d'existence en somme. Lucrezia était devenue celle du souverain, tandis que Luka restait l'ombre éthérée, dont il fallait réussir à chasser la présence, arracher par la racine.

Elle tressaillit intérieurement quand l'envahirent les pensées de l'orisha. * J'ai été trop transparente, c'est ça ? J'avais bien peur que ça ne marche pas.. * Tout n'était qu'une question de secondes, mais le temps lui paraissait interminable. Elle était figée sur place, et le fait que Cocoon avoue de lui-même leur 'défaite' la mit en contre pied. Elle ignorait complètement comment agir par la suite, maintenant qu'on l'avait dépossédée de ce voile mensonger.. Mais le bronzé sut, une fois de plus et non pas de trop, comment la sortir de cet acharnement personnel, bien que lui ne soit pas mieux loti.. Il avait les mots, il suffisait de les utiliser. La belle n'avait pas à craindre à ses côtés. Il était son pilier, sa force, et ne pas dépendre de lui, pourtant si proche, si attentionné et bon amant, n'étais-ce pas un paradoxe insurmontable ? Son rire l'attendrit davantage, et ses mots l'auraient fait rougir si elle l'avait pu. Ces petits gestes, ces attentions en publique qu'il lui dédiait.. débordaient tellement plus d'affection que les baisers les plus langoureux, ou les plus lyriques discours amoureux. Cocoon n'avait rien à envier à ces bardes, à ces savants de fortune capables de charmer par la parole, à défaut de le faire par leur emblème charismatique, ce corps qu'ils avaient reçu à la naissance. Pour lui, les deux marchaient, mais cela n'en ajoutait rien à son égo. Il leur était supérieur de nature, tout simplement. Sa petite main s'arrachait le tissu de son haut, réclamait la proximité qu'il avait installé. Elle sourit délicieusement en sentant les lèvres chaudes de l'idylle, le voyant se redresser tout en la tenant contre son corps. Le laissant parler, elle vint coiffer les quelques mèches qui barraient son front. Elle n'avait en rien oublié la présence de la souveraine, et au contraire, cette dernière alimentait les tremblements de ses membres, ainsi qu'une certaine timidité. Les exigences de la bienséance stipulaient que toute démonstration publique d'affection en devenait grossière, et s'y pliant, elle ne put l'enlacer, détailler du bout des doigts son visage viril ni ses larges paumes.. C'était assez contraignant.

Ça ne servait qu'à en ajouter davantage à l'anxiété de la jeune femme. Ça y est. Elle avait atteint le fond. Elle ne savait plus quoi dire, ni comment le faire. Elle perdait peu à peu ses moyens. Mal à l'aise et embarrassée, recluse, renfermée sur elle-même et croulant sous le flot de ses pensées, elle demeura ainsi quelques secondes, jusqu'à sentir un éclair, un courant la traverser. Son regard d'abord porté vers l'Orishala, elle comprit rapidement qu'il n'en était pas l'instigateur. Liant ses fines oreilles et son cerveau à l'affut, elle décela dans les accords de cette voix familière tous les accords de la tragédie, de la panique, du hasard, du chahut, de l'adoration, de l'attachement qu'elle lui avait témoigné, de tout ce qui la représentait aux yeux de la vampire. Lucrezia ne ressentit même pas le besoin de le chercher des yeux pour être sûre de sa présence, et l'état des lieux indiquait en tout point qu'il était concerné de près ou de loin.. Un tel degré d'anarchie, de confusion, et d'absurdité réunis, ne pouvaient qu'être le fruit de son caractère trempé, extravagant, euphorique et que sais-je encore. Un certain enthousiasme prit ses veines glacées, vint rejoindre ses pores, et Cocoon ne put que sentir s'écouler la vague. * Il ne changera donc jamais celui-là.. Toujours au coeur des ennuis ahaha ! Cocoon, j'aurais un ami à aller voir plus tard si ça ne te dérange pas. Par contre, en sa présence, prive toi de tout sens de la logique. Ça n'existe pas dans son monde à lui *  Dorénavant de retour sur terre, plus calme grâce à ce petit rire intérieur qu'avait déclenché l'humain, elle put répondre avec sincérité. « Je suis confuse, tu as bien raison.. Mais, je suis sûre que nous aurons l'occasion de réitérer l'expérience, et qui sait de faire plus ample connaissance. Ce serait un plaisir de pouvoir m'entretenir plus calmement avec vous.. Majesté. » Scrutant son visage, elle aspirait réellement au pardon, et à un rejet  emprunt d'un espoir simultané, de la part de la belle jeune femme aux couettes bleutées..

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