Une après-midi ensoleillée... un peu trop même. C’était désagréable. Kohei n'avait aucunement envie de continuer son petit voyage. Et à vrai dire, il le trouvait ennuyant. Il s'attendait à d'avantage de péripétie, mais il n'avait pas visité beaucoup d'endroits... Il préférait rester cloîtré dans sa chambre d'auberge en attendant que la météo s'annonce plus fraîche et nuageuse, mais voilà une semaine qu'ils étaient au repos total. Qu’allait-il faire maintenant ? Rentrer bêtement chez lui ? Cette idée l'ennuyait d'avance. Il fallait trouver quelque chose à faire...

Et Shi qui venait le déranger pendant qu'il... Il ne faisait strictement rien. Il s'ennuyait... Mais c'était comme si il était occupé. A réfléchir de choses et d'autres. Kohei se décida à l'écouter, las du brouhaha qu'il entendait depuis lors. Elle sommait l'alfar d'aller lui faire une course ? Comme c'était désagréable... Il devrait sortir et voir le Soleil... Il n'en avait nullement envie... Mais bon. Il n'avait absolument rien à faire. Et même s'il détestait être dehors, il commençait à ne plus supporter cette chambre qu'il n'avait pas quittée depuis trop longtemps. Et puis qui sait ? Peut-être qu'il se passerait quelque chose ? Peut-être qu'il y aurait un vol dans la boutique et qu'il serait témoin direct ? Peut-être qu'il y aurait un incendie ? Tout et n'importe quoi... Il s'attendait à voir n'importe quel événement le sortir de l’ennui... Et en vérité je vous le dis, il rêve un peu trop. Le mentale bien préparé à l'extrême, il se leva d'un bon de son poste et sortit aussi vite de la chambre. Shi ne comprenait vraiment pas ce qu'il lui prenait. Elle le regarda s'en aller, l'air moqueur. Kohei l'ignora comme à son habitude.

Pourtant, il n'appréciait pas cette situation. Retrouvé seul dehors, il savait que faire de lui. Il arriverait à la boutique ? Et puis quoi...? Que dirait-il ? Il n'avait toujours pas acquit le don d'aisance pour communiquer avec autrui. Avec sa mauvaise volonté, il se demandait si un jour il aurait la chance d'avoir une conversation normale, que ce soit pour passer commande auprès d'un épicier ou lorsque les événements le forceraient à converser avec n'importe qui pour n'importe quelle raison.

Shi n'aurait jamais dû le laisser seul. Mais elle devait s'occuper de leur chambre d'auberge. Désagréable. Kohei était gêné. Personne ne pourrait donc parler à sa place, et il fallait bien qu'il trouve une méthode, une phrase toute prête à balancer au commerçant pour avoir sa course ! Il ralentissait délibérément le pas, et se répétait sans arrêt son texte, le plus court possible dans la tête. Enfin... Il laissa tomber. Il ralentissait encore la cadence, comme à l'affut... Du moindre événement. Mais tout était trop calme. Il n'aurait jamais dû sortir. Il faisait un peu trop chaud pour lui. Pourtant la température n'était pas spécialement haute. Il n'y avait pas de vent ni nuage, et le Soleil était encore assez haut. Plus vite il en aurait fini, plus vite il retournerait à son abri anti solaire qu'est le toit dans lequel il logeait.

Un fracas de verre se fit entendre. Cela l'avait littéralement stoppé. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement sans trop changer le manque d'expression dont il faisait preuve. Quelque chose se passait donc vraiment ? Il tournait sa face là où ses oreilles le guidaient. Une étrange ruelle sombre se dessinait. Sa curiosité poussée à son paroxysme, la joie de retrouver un peu d'intrigue dans sa vie, il se dirigea naïvement vers ce lieu ou sa conscience n'osait lui avouer qu'il n'y aurait peut-être bien rien d'aussi spécial...

Du bruit.Un bruit infernal presque chaotique à ses oreilles sensibles, des petites vagues sonores déchaînées vrillant ses tympans. En ville, qui plus est au cœur de la rue marchante, il ne faut pas s'attendre à trouver autre chose que des marchands bruyants œuvrant de leur mieux dans l'espoir de vendre quelques babioles ou encore des femmes pompeuses ne sachant plus comment polir leur beauté et n'ayant pour seule occupation que faire passer de leur voix mélodieuse les ragots les plus divers. Le bouche à oreille était de loin la meilleure manière d'interroger un individu sur son semblable sans se faire prendre pour autant, sans craindre les représailles qui bien souvent étaient sources de bien des désastres. Cette méthode fonctionnant comme un réel réseau d'informations sans frontières définies, avaient parfois le défaut d'être à la portée de tout individu, n'ayant aucune certitude quant à leur véracité, quelques fois étant des plus ajustées, d'autres un véritable tissu de mensonges grossier.

Luka le savait bien. Il y avait déjà eu recours par le passé après tout, et ne se privait pas d'en profiter dans la mesure du raisonnable quand le boulot manquait ou que cet ennui mortel commençait à prendre dangereusement le dessus sur tout le reste. Cependant il ne fallait pas prendre à la légère ce système car bien nombreuses sont les rumeurs missionnaires à se transmettre par la parole des partisans mais très peu sont celles à réellement parvenir en bonne et due forme aux oreilles de ceux prêts à les exécuter. Le jeune homme ne peina pas à trouver parmi tout ce brouhaha, cette agitation démentielle qui prônaient les humains indécis et les cris d'enthousiasme des enfants, des informations plus alléchantes à son goût et qu'on criait gare de dévoiler à tout va, les croyant ainsi inaccessibles au détour d'une ruelle moins fréquentée. Luka, profitant de son ouïe surnaturelle pour les tâches de si grand ampleur ou lorsque les zones à couvrir devenaient trop conséquentes, ne les laissa pas fuir ses griffes affinées sans qu'ils ne lui fournissent plus de détails au préalable.

Prenant le projet en main, il prit la direction de l'auberge, ayant bien l'intention de s'en occuper avant  quiconque, l'ennui étant devenu un sentiment quasi tabou tant il en haïssait ses effets. « Quels sont donc tes projets pour la suite Luka ? » fit le loup en voyant son maître préparer avec hâte les affaires nécessaires à un voyage d'une si courte distance, considérant l'endroit où ils devaient se rendre, la ville dit le repaire de cette bande de voyous que le vampire tenterait tant bien que mal de saisir. « Qui sait mon petit Venom. Tu le verras en temps et en heure. » riposta-t-il sans accepter un rechignement en retour, passant le seuil du village où il séjournait habituellement et se séparer momentanément de celui-ci.

Quelques heures s'écoulèrent rapidement et la distance les séparant de leur but se réduisait avec elles. Le vampire pressa le pas une fois son périple en forêt achevé mais la recherche s'avérait rude avec le peu d'indices qu'ils s'étaient bien daigné à lui fournir, eux-mêmes n'en possédant pas des assez fiables pour que Luka les utilise ainsi. Parcourant les rues fort mouvementées de ce nouvel horizon, il ne quitta pas des yeux tout individu lui semblant un tant soit peu suspect, n'ayant qu'un seul et unique indice indéniable pour reconnaître leur appartenance particulière : un tatouage en forme de scorpion, situé assez souvent au niveau de la nuque, rite de passage et preuve de loyauté envers un chef déterminé qu'on dit fin stratège mais tout aussi cruel. Un tatouage, chose qu'on ne peut jamais effacer une fois celle-ci appliquée à la peau … Quelle forme plus aisée de revenir à la racine d'un mal rongeant dans les ténèbres les ressources d'une ville prospère, sans devoir se soucier d'être pris dans leurs méfaits tant que la menace reste leur carte maîtresse et que les otages ne manquent pas.

Ses yeux, orbes azurs des profondeurs, défilaient à toute vitesse mais ne semblaient pas s'arrêter sur un personnage en particulier, les voyant défiler devant lui tels des milliers de gouttes identiques martelant le verre glacial de la fenêtre en pleine tempête d'été, s'écoulant sur sa surface à perte de vue. Quelques uns habillés grossièrement, d'autres plus raffinés, quelque mendiant par ci par là, des paysans comme des artisans se fondant dans la masse pour qu'on ne les y reconnaisse plus … Sa vision se brouillait, ses nerfs commençaient à céder. Les minutes lentes et doucereuses, tombaient grain par grain à l'intérieur de la clepsydre du destin, le vampire n'attendant que le bon moment pour déceler parmi cet amas incroyable la pépite d'autre tant convoitée. Et Luka, hasardeux comme il est et qu'il le sera probablement à jamais, finit par trouver son homme de la manière la plus loufoque qui soit, trébuchant de ses pieds de porcelaine sur le pavé mal nivelé, manquant de dérober un homme de fière allure mais au regard froid, impitoyable. Le petit être tressaillit en plongeant ses yeux empathiques dans les abysses des siens dont la noirceur sans fin semblait l'attirer avec violence. Toutefois, malgré ce fait, le bel idylle, pour une raison qu'il ignore encore à ce jour, eut le réflexe de l'attraper par sa manche de chemise blanc cassé, feignant l'innocence la plus pure qu'il soit.

Laissant ses doigts muter jusqu'à son cou pour en écarter la chevelure dense, sans que l'homme s'en aperçoive cela dit, il n'eut alors plus le moindre doute sur son identité, une véritable pièce d'échec plaquée en argent qu'il ne devrait en aucun cas laisser filer. Tirant profit du charme qu'il sembla exercer dès le premier regard sur son interlocuteur, il l'attira dans une ruelle sombre, une voix douce, des manières minaudières et un sourire angélique,  le trio gagnant dont usaient les femmes pour attirer tout homme dans leurs filets. Loin de se considérer un membre de cette engeance, ce sexe opposé au sien, Luka avait le mérite d'être androgyne et donc de bénéficier des mêmes résultats s'il s'en donnait les moyens. Ils prirent alors une marche lente en direction des ruelles les plus mal famées, Luka prenant de soin de garder constamment un œil attentif sur cette main frêle qui empêchait l'homme, d'une carrure bien plus imposante, de le fuir, bien qu'il n'en avait aucunement la force et encore moins la volonté à cet instant précis, une telle poupée de porcelaine à ses côtés qui l'aurait voulu.

Toutefois, même les plans les plus infaillibles comportent toujours une faille que les adversaires ne savent pas toujours exploiter, manquant alors la chance gagner une bataille, si ce n'est la guerre toute entière. Malheureusement, bien souvent pour les personnages les plus malchanceux, ce sont les alliés qui finissent, certes à contre gré, par révéler la supercherie et le charme se voit rompu. Ni plus ni moins ce à quoi Luka dut s'attendre en voyant le loup noir - pompeux et fière d'avoir pu retrouver leur trace - interrompre leur petite promenade de fortune pour lancer quelques accusations à l'intention du bandit, lui faisant indirectement comprendre que Luka était bel et bien son ennemi, n'attendant que le moment opportun pour frapper.

Voyant là un risque notable et n'ayant d'autre choix que de fuir ses assaillants, le malfrat entreprit une course acharnée à travers les rues les plus insalubres, aux effluves argentées, des semblants de fumée aux odeurs nauséabondes propres aux quartiers plus pauvres de villes et villages. Le vampire, exaspéré, n'eut d'autre option que de se lancer à sa poursuite à son tour, l'animal l'ayant de toute évidence devancé pour combler ce vide qu'il avait établit, corriger ses erreurs. Détour après détour, murs de pierre et de bois s'enchaînant sans arrêt, des barils s'interposant entre eux, tous les obstacles étant bons pour dépister l'ennemi et l'empêcher de l'atteindre. Malheureusement, l'animal fut plus agile, bien plus rapide que l'homme et fut donc en mesure de le plaquer, pieds et mains liés, à terre, causant par la même occasion un chahut incroyable avec quelques bouteilles en verre, datant probablement de la dernière beuverie entre les ivrognes du coin. Ses crocs et son haleine particulière effleuraient de leur surface visqueuse et baveuse son cou, comme s'il s'apprêtait à lui trancher la carotide, cette impression étant vraisemblablement l'illusion qu'il voulait donner au voleur pour que celui-ci ne fasse pas de mouvements brusques ou de tentatives désespérées.

Cependant, pour son plus grand malheur, Luka réalisa bien tard son incapacité à s'arrêter en pleine course déchaînée, dépassant ainsi à contre cœur le petit groupe, pour se rendre directement dans la rue principale qui s'étendait le large du quartier sombre. Il ferma les yeux. Peu lui importait de voir ce qu'il y avait devant lui, il était sûr de percuter quelqu'un, espérant alors y trouver une manière de ralentir son élan, amortir sa chute. Ce qui est dû est rendu. Il sentit quelques secondes plus tard, après un choc assez prononcé au niveau du front et quelques hématomes formés tout le long des bras, une masse étrange d'où émanait une certaine chaleur s'imposer entre ses cuisses.

S'appuyant lui-même de tout son poids sur le pauvre sujet envers lequel il ne daigna pas porter un seul regard - entendant au loin l'hurlement de son loup pour lui annoncer la fuite soudaine du  bandit- le vampire reprit dans une hâte toujours aussi impressionnante sa course-poursuite, espérant la voir couronnée d'un franc succès. Luka est bien naïf d'espérer une telle chose, les bandits étant des êtres fourbes, pour ne pas bien plus que malicieux, des plus espiègles et difficiles à trouver, encore moins attraper en pleine lueur du jour. Qui plus est, il regretterait sûrement de ne pas avoir adressé proprement ses excuses au jeune homme croisé plus tôt, ignorant encore qu'ils auraient tous deux plusieurs occasions pour s'entretenir en tête-à-tête. Le destin est fait de bien des surprises certes.

L'écho retentit dans toute la ruelle... Ou du moins, c'est le crâne totalement sonné de Kohei qui lui en donnait l'illusion. Quelque chose l'avait heurté de force contre le mur dur et froid de ce lieu sordide, et le pauvre alfar avait perdu toute notion de conscience. À un tel point que les seules choses que son idiot d'instinct lui dictait, étaient de s'agripper à ce qu'il pouvait, ce qui était à portée de main, ce que ses doigts frêles étaient en mesure de toucher. Mais pourquoi contre une chose qui céda si facilement sous son poids une fois un peu de pression y infligée ? Le pauvre... Il était bien loin du ridicule, ironiquement parlant ! Et j'avais de quoi me moquer : une affiche collée au mur... Voila à quoi il s'était accroché, ce qui était censée sauver son derrière de s'écraser au seul, rien de plus rien de moins. Et il ne le savait même pas. La seule chose dont il avait conscience, c'était que son crâne était douloureux, qu'il y était les battements faibles de son propre cœur. Il s'était lamentablement écroulé le long du mur comme une vulgaire gelée jetée contre une surface verticale. Et il était marrant de voir comme son rôle se réduisit en celui d'un coussin pour ce malheureux, maladroit personnage qu'était Luka. Et même de ce fait il n'en était pas au courant ! Lorsqu'il s'en rendrait compte...! J'en ris d'avance...

Et puis cette affiche qui empêchait le garçon d'y voir, il ne saurait que bien plus tard de quoi il s'agit. Enfin... Il n'y voyait déjà rien, la vision troublée par son crâne transportant les informations nerveuses de façon défaillante. Alors le garçon réduit à l'état de comique ne fit que de la retirer de son visage, lacement, sans même en avoir conscience, pour se relever chancelant, une fois le maladroit repartit nonchalamment. Ou du moins, c'était ce que croyait Kohei. Parce que Luka était plutôt prisé par sa course-poursuite qu'autre chose !

Le garçon, une fois relevé, ne pris même pas le temps de se débarrasser de l'affiche, qu'il froissait de son poing serré. Après tout, il ne savait même pas qu'il l'a tenait. Il tituba alors en dehors de la rue, de nouveau en proie à ce Soleil brûlant d'été, se répétant bêtement " plus jamais de curiosité, plus jamais...! " paradoxalement par rapport à son comportement de tantôt. Il venait de réellement vivre ce qu'il espérait mais il regrettait ridiculement.

Kohei ne savait même plus pourquoi il était là. Le pauvre garçon était totalement étourdi et ne savait non plus ni comment ni pourquoi tout cela avait pu se produire. Sonné à tel point qu'il lui était tout aussi impossible d'avoir un simple état de conscience. Le blond se contenta de retrouver le chemin inverse qu'il avait prit afin de retourné à son auberge. Et c'était peu à peu qu'il retrouvait ses esprits, et c'étai de cette manière qu'il commençait à se poser de plus en plus de questions.

Enfin... En son fort intérieur - qui n'appartenait pas qu'à lui soit dit en passant - il savait que cela ne servait à rien. Il s'était peut-être seulement pris dans une bagarre d'ivrogne... Et il se remit en route, oubliant totalement qu'il y avait une raison à sa sortie... Il se présenta devant sa petite fée en s'affalant dans le canapé, fatigué et le crâne le faisant encore souffrir. Et celui ci se mit à réagir comme si il prenait d'énormes décharges électriques comme si un autre bruit étouffé se mettait à l'agresser.

- Tais-toi Shi. J'ai mal au crâne. Lança Kohei d'un ton glacial.
- Kohei ! Tu n'a rien été me chercher !!

Le garçon bégaya légèrement, cherchant les propos qu'il était censé tenir. Mais ses cordes vocales ne sortirent plus aucun son. Il se contenta de changer d'expression faciale, et dans la seconde où suivit sa reprise de mémoire, il se précipita dehors.
L'alfar se représenta à l'auberge après un bon moment où le Soleil avait finit par se présenté à l'horizon, et rendit-compte à sa petite accompagnatrice. Il était à présent temps de sortir de leurs chambre et d'aller manger quelque part en ville. Tant qu'il faisait presque nuit et donc plus frais, il était parfais pour Kohei d'aller prendre l'air. Il empoigna la porte, et écarquilla les yeux en vue de ce qui l'attendait derrière.

Le sens des responsabilités animait une flamme à l'intérieur du vampire, comme une soif de justice et de paix qu'il aurait hérité de tous ceux qui le précédèrent. Il s'agit là d'un sens inconscient encore à ce jour, plus dérisoire que n'importe quelle autre valeur inculquée dans sa tendre enfance par des serviteurs instruits, celui du danger étant relativement exclu de son enseignement ce qu'ils n'auraient pas du. Les pas alourdis par la fatigue se succédaient tandis que des hochements de bras et un corps tremblant cédaient à l'exténuation totale. La course continua des heures durant et pourtant aucun résultat notable, aucune information susceptible de les mener au repère de ces canailles, ne semblait faire surface. Il désespéra de voir tant d'efforts crouler sous son impuissance exaspérante mais ne put refouler plus longtemps la défaite inévitable, prenant ainsi le même chemin, le même sentier qui jusque là l'avait mené, jusque là mais pas ailleurs.

La nuit tombée, le ciel, ayant pris des nuances noirâtres mais gardant un mélange subtil des bleus des mers, berçait les voyageurs exténués. La seule chose qui les attendait, une chambre d'auberge des plus modestes pour les consoler de ce voyage au but inexistant, du moins au premier abord. Luka, affrontant le regard doux de l'aubergiste pour qui il éprouvait une certaine estime - après de nombreux échanges ainsi que de nobles mémoires de périples partagées - prit place sous ses yeux. Les jambes croisées, le haut du corps penché en avant, ses boucles bleutées meurtries entre ses doigts agités et sa tenue moulante de couleur noire d'ébène, donnaient un air quasi exotique au bel haut vampire.

Sa voix mélodieuse - douce aux accords graves - ne retentit que pour interpeller, sans hausser la voix, ce fameux personnage se tenant fièrement derrière le comptoir en bois sculpté. « Puis-je me permettre de vous importuner mon brave ? Le repas du jour je vous prie. » articula-t-il avec une certaine familiarité, laissant l'aubergiste le détailler rapidement du regard, sans pudeur. « Très certainement et avec les compliments du chef qui plus est. Mais dis moi, quel bon vent t'amènes ? Cela fait bien longtemps que je ne t'ai pas vu roder dans les parages. Que recherches-tu cette fois au juste ? »

Le silence se fit. Étrangement, Luka n'affichait pas cette mine gaie habituelle, cachant ce sourire de béatitude derrière un écran de fumée et des cernes sombres creusées au fil du temps. Il ne semblait pas accommodé de partager avec cet homme les récents événements malgré la confiance qu'il avait bien pu poser sur ses épaules. « Au nom de quoi me regardes-tu avec un tel désarroi ? Quelque chose t'importune ? » s'enquit l'homme à la carrure conséquente, n'étant pas en moyen de  déchiffrer cet air maussade dans la frimousse pâle de l'idylle. D'un simple hochement de tête, le jeune homme le fit lâcher prise et le somma simplement de lui ramener son repas fumant, l'entreposer entre les quatre semblants de murailles poussiéreuses qu'il avait réservé quelques jours plus tôt.

Il prit la direction des escaliers s'étendant sur sa gauche, bâtis de bois des forêts environnantes dont l'odeur forte de sapins et chênes en devenait étourdissante. De fil en aiguille, il dut bien avouer vouloir quitter au plus vite la ville trop calme pour ses propres exploits et ses recherches successives de divertissements divers. Il partirait à l'aube suivante, du moins s'efforcerait-il de le faire, laissant derrière lui un repart de malfrats qu'il voulait voir sous les verrous. Un bruit de serrure se fit entendre alors que sa paume livide se posait sur la poignée de sa chambre, les effluves de nourriture se faisant ressentir au loin. Le personnage qui en sortit jamais n'aurait attiré son attention, ceux croisant son chemin dans les auberges les plus fréquentées étant bien trop nombreux pour qu'il en garde souvenir bien longtemps, mais celui-ci avait bien quelque chose de spécial pour que le petit être s'arrête dans son élan. La porte empoignée, il écarquilla les yeux en vue de ce que ses orbes azurs lui suggéraient.

Kohei restait ridiculement figé sur le seuil de la porte à observer le bleuté qui lui aussi avait l]'air chamboulé par cette rencontre des plus inattendues c'est bien le cas de le dire. L'alfar ne savait comment régir, et son esprit était tellement transpercé de milliards de pensées entrelacées qu'il ne savait plus où donner de la tête. Il appréciait beaucoup le vampire pour le pouvoir qu'il avait de le mettre aussi facilement en confiance et cela en devenait transparent comme de l'eau de roche en voyant son visage immuable en temps normal afficher un semblant d'émotion. Il savait en tout cas que cette rencontre ne pouvait qu'être pour lui d'un rendu positif, la seule ombre au tableau étant sa difficulté à tenir une conversation correcte et assez rythmée avec un autre que l'ombre de lui-même.

Et c'était là qu'intervenait habituellement Shi de ses milliers de petites manières qui lui étaient propres, bien qu'avec Luka le jeune homme pouvait se débrouiller d'une manière ou d'un autre. Pourtant la petite fée ne se retint pas d'ajouter son petit grain de sel à la situation en main. Interpellée par un Kohei bloqué au niveau d'une porte, elle pointa le bout de son nez dans le couloir, cherchant probablement à en connaître la sourcé du phénomène, son maître pouvait bien s'agir d'un des plus étranges spécimens sur la surface de ces terres mais jamais il n'agirait de la sorte sans raison.

A la vue des brillants cheveux bleus du garçon, elle se précipita sans trop réfléchir se posant directement sur la tête du concerné. Elle était toute excité à l'idée de passer peut être une ou deux heures en sa compagnie, le nombre de rencontres étant considérablement réduites par leur activité incessante et les divers voyages périlleux qu'ils menaient à bien. Elle appréciait de toute évidence énormément le vampire pour son côté doux et attrayant, charmant mais pas attardé pour autant. Elle ne manquait certainement pas de répéter à l'alfar de prendre son exemple, sans que celui ai toutefois l'habituelle amabilité de l'écouter.

- Luka !! Comme je suis heureuse de te revoir !! Dis tu veux venir manger avec nous ce soir ? Dis ! Dis ! Même si il es un peu tôt encore... Quelle coïncidence ! Ne la gâchons pas !

En son fort intérieur partagé entre folie et discernement, la personnalité fouteuse de trouble du garçon désirait intervenir pour pouvoir interagir lui-même avec le bleuté, sans que le blocage de son autre hôte ne vienne le frustrer. Pourtant Kohei se contraint, et de ce fait, il se retrouva dans l'obligation d'entrer rapidement en contact à son tour avec son ami.

- Luka ! Quelle surprise !

Cela avait eu pour effet de calmer ses mauvaises pulsions, et l'alfar était partit pour converser tranquillement et sans trop de difficulté. Il craignait très certainement une réaction négative de la part du petit vampire, ce qu'on ne pourrait en aucun cas lui reprocher, mais il était bien loin de savoir que ce genre de secrets ne fait que rendre une relation plus soudée et que Luka était bien loin de le discriminer à ce sujet. Il apprendrait cela en temps et en heure, j'en conviens.

Le vampire crut voir là, dans cette ombre uniforme aux ressemblances frappantes avec un être de sa connaissance, une illusion de son esprit, simple création bohème.  Jamais il n'aurait crut pouvoir croiser ce personnage, dont la rencontre désastreuse, n'avait rendu cette entrevue que plus destinée encore. Kohei, jeune homme d'une attitude assez timide globalement, aux expressions quelque peu restreintes - dont le semblant de sourire ainsi que les boucles dorées rendaient le résultat plutôt charmant – faisait partie de son cercle de connaissances bien réduit. Le vampire n'avait pas eu la chance d'explorer plus en profondeur les démons qui semblaient le hanter, ayant toutefois suffisamment d'empathie pour pouvoir lire dans son esprit en peine, pour le moins y discerner une entité plus maléfique que son hôte. Malgré cet esprit ingénu et cette frimousse de poupée de porcelaine, il ne fallait pas sous-estimer ce bel homme ayant monté les échelons de la hiérarchie, étant devenu haut-vampire par ses propres moyens, sans ne jamais employer ne serais-ce que le moindre service, quérir la moindre faveur de ses supérieurs. Son visage juvénile dépassait de la porte de sa chambre et ne semblait pas réaliser, pas plus que le petit être, ce qui se passait.

Shi, cependant, sut sortir Luka de sa rêverie et le ramener abruptement à la réalité en s'installant confortablement sur sa crinière bleutée, coiffée agréablement en arrière. Ce petit bout de femme - au premier abord quasi imperceptible au regard humain, ressemblant à une simple boule de lumière luisante capable d'ondoyer dans les airs - était on ne peut plus aimante avec le jeune vampire et ce depuis la première fois où ses yeux améthyste se posèrent sur son visage éblouissant. Luka - la voyant si enthousiaste à l'idée de passer avec lui quelques maigres heures et sachant que ces petites paroles sincères n'étaient point illusoires - porta son doigt sous le menton de la fée avant de la caresser par des vas-et-vient constants. « Je suis tout aussi ravi de te voir Shi, toujours aussi mignonne à ce que j'ai pu déceler. » fit-il d'un air joyeux, frottant par la même occasion  le mélange entre ses boucles soyeuses et celles de la fée déjà un peu plus raides, pour ne pas dire d'une couleur excessivement sombre. Il avait cette habitude de voir en elle un genre d'enfant des plus dévouées, le genre de personnage sociable que lui devait bien avouer ne pas être.

La seule chose qu'on pourrait à l'inverse lui reprocher serait justement cette énergie débordante quasi maladive qu'en temps d'un léger alanguissement serait pour certains quelque peu irritable. Il reprit. « Cela faisait longtemps c'est vrai. Il va bien falloir remettre la conversation à jour. Tu t'occupes toujours aussi bien de Kohei j'imagine ? Tu es bien courageuse. » Laissant le temps à Shi de réagir à sa remarque, il porta de nouveau son attention vers Kohei. Toujours aussi paisible, toujours aussi mystérieux .. Toujours dans cette optique de marbre immuable, d'une forêt dont on ne peut altérer la sérénité, il restait là à le fixer, plutôt amicalement crut-il comprendre. Il croyait devoir une fois de plus, mais certainement pas la dernière, faire le premier dans ce qui s'annonçait une conversation plutôt courte, consciente des lacunes plutôt conséquentes de l'alfar concernant ses talents d'orateur.

Néanmoins, Luka se vit agréablement surpris de le voir hausser le timbre de sa voix pour exprimer de par ses propres mots la surprise ressentie, surprise que le vampire avait bien entendu dépisté depuis un bon moment. «  De même Kohei ! » déclara-t-il en prenant ses mains pour le saluer, sachant que tout autre acte ou touché pourrait être mal interprété. « Mais je vous en prie continuons donc à l'intérieur ! Il serait irrespectueux de vous faire part de mes projets postés devant les escaliers. Venom, quémande à l'aubergiste une grande portion pour notre invité et une plus petite pour sa compagne. Rejoins-nous après avoir déniché Kyle, ce qui ne sera pas une mince affaire je crains … Merci. » ajouta-t-il non pas sans une certaine appréhension alors que surgissait derrière lui l'animal, se voyant de suite obligé de rebrousser chemin pour mettre la main sur cette demie portion qui lui apportait un nombre de problèmes considérable …

Il ouvrit grand la porte laissant ainsi les bonnes odeurs alléchantes s'échapper de la pièce,  tout en caressant de sa main droite la fourrure brillante avant de s'en détacher et de laisser la bête s’exécuter. Il invita alors ses convives à s'y introduire, s'immiscer en ces lieux qui n'étaient certes pas des plus confortables mais de toute évidence ce qu'il pourrait tout au plus leur fournir. Les faibles lueurs du crépuscule s'infiltraient dans la chambre avec abondance, baignant les deux amis dans une mer de couleurs les plus écarlates les unes que les autres que les maigres bougies ne parvenaient pas à effacer totalement. Une petite table modeste s'érigeait au fond de la pièce, quelques sièges fraîchement installés autour par le vampire soucieux de leur confort.

Quelques cuillerées d'Earl Gray, un de ses péchés mignons, quelques petits gâteaux fourrés préparés par ses soins et une agréable compagnie pour former dans l'absolut un tableau des plus accueillants, pour ne pas dire chatoyant. Croisant les jambes une fois son postérieur appuyé sur le bois finement taillé, il fit un large geste sommant les deux personnages de s'installer face à lui, regardant toujours d'un œil particulièrement attentif les moindres faits et gestes de l'alfar. « Soie aise de faire comme chez toi Kohei. Permets moi de te servir. » affirma-t-il d'un ton fort doux, tandis que ses orbes azurs se portaient sur un bout de manuscrit assez suspect dépassant de la paume fermée du blondinet, suffisamment pour pousser le jeune homme qui sait à interroger son interlocuteur à ce sujet …

Finalement c'était le doucereux vampire qui les invitait. Sa chambre était bien plus spacieuse et agréable que la toute petite et sombre pièce que les deux s'étaient prise. Shi suivait le garçon pour lequel elle avait définitivement jeté son dévolu ignorant presque son propre compagnon.

- On accepte ! J'entre ! fit elle mélodieusement.

Kohei suivit le petit mouvement se questionnant toujours sur le cas du loup qui pouvait parler. Il était fascinant et sa posture lui conférait un air si noble... Il suivait du regard l'animal qui partit aussi rapidement qu'il n'était possible puis alla rejoindre le groupe. Rejoindre le vampire dont l'esprit fin et aimable semblait pourtant puiser leur source d'un autre trait le caractérisant...

Il était vrai que Kohei n'avait pas lâché l'étrange affiche dont il s'était encombré depuis quelques heures. Il ne s'en était même pas rendu compte, il n'avait ni même desserré son poing ni même regardé de quoi il s'agissait. Pourtant les motifs et les quelques textes difficilement visibles avaient eu pour effet d'interpeller le vampire bleuté ; surement, il y avait reconnu quelque chose. Qu'il était le t d'esprit ce petit Kohei. Ce n'était pas comme si il était encore sonné depuis toi ce temps ! Mais non... Il ne s'était pas décidé à laisser ce bout de papier.

- Oh... Euh ceci ?Balbutia-t-il Je l'avais oublié... Je me suis agrippé à cette affiche plaquée à un mur dehors, plus tôt. J'étais parti faire une course pour Shi, et je me suis retrouvé au milieu d'une bagarre. Et inconsciemment je l'ai gardée.

Kohei s'installa confortablement dans un siège après que Luka l'eut invité. Shi ne le suivi même pas, car trop heureuse de revoir Luka, elle ne voulait pas le lâcher d'une semelle. Kohei ne s'en préoccupa guère, trouvant son comportement envers lui normal. Il s'empara d'une des sucreries que Luka leur avait mises à disposition par politesse, et il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire de satisfaction, le gout mêlé de douceur et d'effluve fruité lui parcourant agréablement le long de la trachée.

- Tu veux peut-être la voir ?Termina-t-il.

Après quoi il desserra son poing presque endolorie et déplia le papier épais et froissé. Légèrement effritée et salie par la vieillesse dont le papier fait preuve. Un texte était bien évidement imprimé dessus. Mais en quoi ce banal avis avait pu attirer l’œil du vampire ?

Les deux bras de la petite fée autour de ses boucles rebelles, Luka prit confortablement place face à l'alfar. Des effluves argentées s'échappaient de la tasse et du mélange chauffé alors que celui-ci refroidissait peu à peu. Le tableau pittoresque par derrière la fenêtre noyait les deux individus dans des lueurs quasi fantomatiques tandis que l'astre lunaire, brillant et orgueilleux de sa parure, se couchait à l'horizon. Le vampire porta la tasse à ses lèvres et les baigna dans le liquide aux nuances orangées, les teignant ainsi de son goût sucré et de sa couleur particulière, se mêlant à merveille avec la couleur juteuse de sa bouche de fraise. Son regard se planta dans celui du petit homme tandis que celui-ci, dans toute sa timidité habituelle et d'une façon on ne peut plus maniérée, essayait de lui montrer ignorer complètement sa provenance exacte.

La princesse de petite taille profitait de l’inattention du vampire pour tremper légèrement dans la liqueur savoureuse, laissant les deux hommes s'entretenir assez calmement. Luka haussa un sourcil en guise de surprise, à l'écoute des mots de son interlocuteur, mais en oublia bientôt le propos, celui-ci restant fière à lui-même pour ce qui en est des paroles évasives. « Une altercation en pleine rue ? Tu as été témoin d'un drôle de spectacle … Heureux que tu en sois sorti indemne. Moi-même j'ai connu bien des troubles aujourd'hui, je ne sais plus où donner de la tête. » remarqua-t-il en repensant au chahut que cette course poursuite - ne datant pas plus que de l'après-midi même – avait créé dans les rues de la belle ville normalement paisible.

Il était à bout et ignorait comment retrouver la trace de ces malfrats maintenant qu'ils lui avaient échappé, écoulés dans la nuit comme du sable chaud entre ses phalanges frêles. L'échec le gagna et il ne put empêcher une moue de dépit de venir se dessiner sur sa frimousse livide, avant de voir celle-ci s'évaporer en une brise poussiéreuse aussi vite qu'elle n'était arrivée. Laissant le sujet planer sans vouloir inutilement s'étaler là-dessus, il se contenta de tendre la main et de lâcher un léger '' Puis-je le voir ? '' avant de saisir le papier du bout des doigts. Un manuscrit, d'une couleur brunâtre, rongé par le temps et souillé par les nombreuses tempêtes qu'il dut affronter, la saison des pluies arrivant prochainement.

Il en lit le contenu à haute voix pour bien laisser ses deux autres compagnons entendre ses propos, la demande qu'on leur adressait humblement.

« Homme d'une certaine influence, n'éprouvant aucune difficulté à récompenser grassement les services qu'on lui rend, cherche mercenaires capables de quérir un trésor fort bien gardé. Une récompense, discutable, est donc promise à celui ou celle qui exécutera cette mission. PS : La mission est périlleuse, quitte à vous y rendre seul, mieux vaut ne pas y aller du tout. »

Croisant légèrement les bras pour se permettre une certaine réflexion à ce sujet, Luka évalua la situation telle qu'il l'envisageait à l'avenir : une nouvelle rencontre, un nouveau tournant dans son quotidien fastidieux pour ainsi dire.

Il ne vit aucunement un intérêt caché, une raison particulière de contester une demande aussi poliment formulée mais refusait presque catégoriquement de s'aventurer dans les méandres d'une forêt énigmatique ou dans les fins fonds aquatiques, sans un personnage de confiance à ses côtés, un butin en bonne et due forme pour les récompenser. L'alfar était de loin un des hommes les plus imprévisibles et durs à cerner qu'il lui fut donné de rencontrer dans ce maigre siècle de vie, ignorant tout des vicissitudes qui avaient bien pu altérer l'existence même du petit. Il va donc sans dire qu'une grande curiosité le poussait à agir, une quête de l'inconnu, de déchiffrer tout de lui, dévoiler tout ce qu'il se plairait bien à lui rendre inaccessible. Puérile me diriez-vous et pourtant sans la moindre malice dans ses pensées.  

Mais, il ignorait encore comment Kohei réagirait à une telle demande de sa part, bien qu'énoncée avec maintes politesses. Pour réussir un tel exploit, même ses dons d'orateur et toutes les ruses auxquelles il pourrait avoir recours ne seraient pas de taille contre l'esprit très peu intéressé qui en émanait, et il eut donc à le prendre par les sentiments. Loin de lui l'idée de profiter d'une manière ou d'une autre des sentiments ou de l'exorbitante affection que portait Shi à son égard, mais il devait bien avouer voir en elle la clé pour une aventure palpitante dont ils risquaient de se souvenir un bon moment, du moins l'espérait-il grandement.

Dans cet état d'esprit, pour le moins chevaleresque, il regarda Shi en la prenant dans la paume de sa main et l'approchant langoureusement de ses lèvres devenues rosées, pour ainsi mieux chuchoter au creux de son oreille : « Ecoute moi, Shi. J'aimerais vraiment pouvoir accompagner ton maître dans ce périple d'une si grande envergure mais avec une telle annonce j'ignore s'il se daignera à m'accompagner, étant donné son comportement tout sauf enthousiaste, quasi laxiste sur les bords. Tu saurais le convaincre pour moi, s'il-te-plaît ? » demanda-t-il d'une voix douce résonnant considérablement et atteignant avec un certain effet la petite princesse qu'il tenait avec beaucoup de soin. Il s'en éloigna de suite lui dirigeant un sourire radieux et la déposant sur ses cuisses, lui laissant ainsi un petit instant pour reprendre ses esprits et qui sait, passer à l'attaque pour ce qui s'annonçait une bataille coriace et bel et bien risquée.

Cette affiche ne faisait rien d'autre que de signaler une sorte de chasse au trésor. Aussi étrange que cela puisse paraître, Kohei se sentit étrangement secoué par celle-ci. Il tenait en ces main cet objet depuis plusieurs heures, et voila ce qu'il signifiait. Néanmoins cela ne restait rien de plus qu'un avi de recherche, et le petit alfar n'avait jamais été emballé par ce genre de choses. Mais il s'ennuyait terriblement dans sa petite vie monotone qu'il en regrettait presque la vie remplie d'interdits qu'il menait auparavant. Au moins, il conservait cet esprit de contraction de rébellion qui bouillonnait tapie au fin fond de son être de chair. Enfin... C'était bien à cause de ce second état d'âme qu'il était devenu dangereux. Qui sait, s'il restait trop longtemps avec quelqu'un, il finirait par lui faire peur. Mais cela ne semblait pas être le cas du vampire bleuté qu'était Luka. Lui même semblait au courant du conflit perpétuel qui utilisait le corps du tout de vert vêtu comme un vulgaire champs de bataille. Il semblait le soupçonner. Et pourtant cela ne le repoussait guère.

L'alfar était assez confiant envers le vampire. Semblait se produire là, une réaction en chaîne entre les deux garçons, et peut être une grande amitié naissait-elle qui sait.
En tout cas, il n'était pas temps de penser à son petit futur. Mais c'était pourtant ce que ses sens lui inspiraient à ce moment précis. A la vue de la face angélique et chaleureuse du garçon. A l'entendre chuchoter à l'oreille de celle qui semblait être devenu une amie très proche. A goutter au petites sucreries préparées avec finesse. A toucher les aussi doucereuses matières formant le fauteuil, aussi doucereuses que le bleuté. Et à sentir le parfum frais et embaumant la chambre, sans doute laissé par la présence de son ami et ses compagnons ... Kohei se sentait réellement à l'aise dans ce décor, et contrairement à toutes les personnes qu'il se donnait de rencontrer, jamais il ne s'était sentit capable d'autant de calme, de cohérence, et surtout de maîtrise de soi.

Mais d'ailleurs. De quoi les deux personnages aux teintes bleutées pouvaient bien converser ? Le sourire de Shi semblait radieux et quant à Luka, c'était d'une légère espièglerie que son ton se teintait. Étaient-il devenus si proches ? La petite fée laissa échapper une traînée de poussière lumineuse tandis qu'elle se précipitait vers son compagnon, et c'était d'un ton enthousiaste qu'elle approcha l'oreille du blond :

- Dis... Kohei, allons avec Luka... Et... Ecoute le un peu... Laisse le s'exprimer !

Pourquoi Shi voulait que ce soit lui qui parlât ? Pourquoi simplement pour cette chasse au trésor ? Tenait-y-t-elle vraiment ? Kohei pouvait pourtant bien se débrouiller seul pour répondre. Il hésitait, certes, mais jamais il n'irait jusqu'à faire attendre des heures ce pauvre Luka !

- Eh ! Mais bien sûr que je veux t'accompagner mon cher Luka, fit-il le ton plaisantin accompagné d'un petit rictus au coin des lèvres. ce sera toujours un plaisir que de partir à l'aventure avec toi ! J'en tremble déjà de plaisir, on va vraiment s'amuser ! Hein, Shi ?

De son fort intérieur, pas de temps de voir la réaction de Luka, ni d'écouter la réponse de Shi. Le pauvre Kohei était gêné de ses propres paroles prononcées par sa seconde nature refusant l'attente, et se jetant dans le monde extérieur pour prendre contrôle des actes de son corps partagé. Quelle impatience. Il ne fallait plus que quelques préparatifs, et peut être dormir de le reste de la nuit pour se mettre en route. Shi, joyeuse, avait voleté un peu partout dans la pièce. Enfin un peu d'aventure ! Et avec Luka qui plus est ! C'était magnifique.

- Oui !! S'agita-t-elle, C'est génial ! Merci Kohei ! Tu entends ça, Luka ? Il accepte !

C'était incroyable, ce don que la petite fée avait. Elle s'avait s'y prendre, séduire, par son petit jeu inconscient de petite espiègle, ravir la seconde personnalité du blond par quelques maigres paroles, reflétant en quelque sorte la démence du second Kohei, tant le ton était enjoué, cachait un fond douteux.

La petite fée, comme le jeune homme lui avait – avec tant de clémence – demandé, s'approcha de l'alfar pour le convaincre à les accompagner. Loin d'utiliser ses sentiments à son profit, il savait simplement quel genre de situation mettre en œuvre pour que les choses aillent dans son sens et il semblait l'utiliser inconsciemment avec ces deux-là. Loin de vouloir écouter leur conversation privée – son sens inouï de l'ouïe l'en empêchant toutefois – il détourna brièvement le regard pour le figer sur sa tasse déjà vidée de sa liqueur. La remplissant à nouveau, il attendit la fin des délibérations et ne fut absolument pas déçu du résultat. La réponse du jeune alfar ne se fit pas attendre et elle en aurait surpris plus d'un, s'il leur avait été donné de rencontrer Kohei dans d'autres circonstances comme Luka avait bien pu le faire. Un visage aux traits juvéniles mais une apparence partagée entre l'ennui mortel et la démence, chose que Luka put déceler au fil des conversations qu'ils avaient entretenu ensemble et quelques événements mineurs qui relièrent le tout. Il n'avait pas l'habitude de se voir confronté à cette deuxième facette du petit être mais il était loin de l'ignorer, au contraire.

Il portait à son égard une curiosité bien particulière comme un secret bien gardé que l'on tente de faire voir le jour après des années d'enfermement, ressentir l'accomplissement de ce genre d'achèvement n'était en rien négligeable pour ceux à avoir derrière eux plus d'un siècle d'existence. C'est donc ainsi qu'avec le temps, le petit vampire nourrit un brin d'attachement envers le jeune Kohei et qu'il tenta- non pas sans une certaine application – savoir plus de lui, le faire se sentir à l'aise en sa présence, autant qu'il le lui était permis. Cette proposition ne différait pas de toutes les précédentes, espérant simplement que le lien qui les unissait déjà n'en deviendrait que plus important encore.

Il esquissa un grand sourire en voyant la manière enthousiaste par laquelle Shi virevoltait encore et encore dans les airs, ne cachant aucunement le sourire béat qui ornait sa frimousse magique. « J'ai entendu Shi. Moi aussi je suis radieux de l'entendre mais tu devrais te calmer un peu. Je crains que tu n'aies le tournis à force de t'agiter de la sorte. Vient t'installer et prend un peu de gâteau. » fit-il de nouveau avec le même ton paternel qu'il aurait utiliser avec sa progéniture, amical, intentionné et prévenant. La petite fée, heureuse de l'attention que le vampire lui portait, obéit avec plaisir et s'installa sur ses genoux, prenant en main le biscuit que Luka lui donnait sans aucune hésitation. Elle était on ne peut plus adorable en sa présence, va savoir pourquoi.

Regardant maintenant du côté de l'alfar, il ne put s'empêcher de mentionner la conversation de plutôt à propos de son double et il crut bon d'ajouter : «  Tu devrais l'écouter plus souvent, tu sais. Elle n'a peut-être pas les idées les plus censées mais parfois cela peut être bien utile. » affirma-t-il avec une légère interruption après une nouvelle gorgée. « Je sais bien que cela doit être particulièrement dérangeant de ne pas se savoir maître de soi-même en toute circonstance … Moi aussi j'ai subit ce genre de pulsions, d'élancements malgré moi et ce à de nombreuses reprises. Néanmoins, je ne vois pas là QUE un mal dont tu devrais te débarrasser. C'est bien plus que cela. Il faut établir une relation de confiance entre vous, savoir quand l'un doit prendre le dessus sur l'autre. Sache au moins qu'en ma présence tu peux le laisser se manifester quand il le souhaite. Un jour, je suis sûr que tu parviendras à faire régner la paix  sur cette deuxième moitié également et lorsque ce jour arrivera, tu te verras libéré des mille démons qui t’assiégeaient à ce jour. Un mal pour un bien. » acheva-t-il sur le même ton que lorsqu'il avait commencé, un discours étrangement calme malgré les souffrances qu'elles avaient entraîné au moment de les vivre et de les traverser, les affronter avec sa seule force intérieure, sans personne pour l'épauler.

Quelques minutes de silence et une poignée qui s'ouvre sans que personne n'eut à prévenir de son arrivée. Kyle, sans adresser ne serais-ce que la moindre politesse envers les deux visiteurs, s'assit à côté du bleuté une moue d'indignation grandement perceptible sur sa frimousse pâle. Il passa un bras autour de celui de Luka comme pour s'y attacher définitivement tandis que l'animal s'installait dans un coin à proximité. C'était impossible de ne pas sentir une certaine tension émaner de ces deux-là, accompagnée par le pas fumant que l'aubergiste apporta aussitôt. « Bien, je crois que j'en ai trop dit. Dégustons plutôt ce festin que notre ami a prit soin de nous préparer. » déclara-t-il tout en servant ses invités déjà assis à leurs places respectives et caressant avec affection la tête du petit bonhomme à ses côtés.

Il continua aussitôt sa besogne finie et les respects à table prononcés. « Nous devons reprendre des forces pour demain. Le voyage sera considérablement long. Nous devrons prendre la route dès l'aube pour espérer y parvenir le jour suivant au petit matin. Nous devrons aller chercher quelques renseignements en premier lieu – chez celui qui quémande nos services - donc notre départ ne sera fixé que le lendemain. Il faudra prendre le plus de précautions possibles, l'annonce nous avertissant très clairement du danger que nous allons courir. Qui dit danger, dit aussi excitation donc attendez-vous également à beaucoup d'émotion et d'entourloupes. Je pense que c'est tout. Nous verrons une fois cette rencontre terminée, si des changements sont nécessaires et s'il faut opérer plus de contre-mesures. » ajouta-t-il pour clore ce qui ressemblait fortement à un conseil de guerre avant une grande bataille, Luka affichant de nouveau cet air moqueur comme si c'était là le but réel de la manœuvre. Shi le salua avec de bien grands gestes mimant les soldats, particulièrement fervente de s'y rendre. Des bien plus grandes choses se préparaient dans l'ombre cela dit et ils n'étaient probablement pas aussi prêts à les affronter qu'ils n'auraient voulut le laisser paraître à première abord … Leur destin s'obscurcissait lentement mais sûrement.

Shi était réellement heureuse de tous les événements présents. Rien ne lui plaisait plus que se savoir choyée et tenue en bonne compagnie. La fraicheur qui se dégageait des deux bleutés était on ne peut plus agréable. Kohei était envieux de la petite fée. Si à l’aise. Aucun saut d’humeur ne la prenait. Elle était tout ce qu’il y avait de plus sociable. Jamais de la vie Kohei ne serait comme elle. Si seulement… Finit les douleurs au ventre causées par le stress, finit la gêne qui transpirerait à grosse goute de sa pauvre anatomie ; Il se sentirait enfin libre, enfin apte à se contrôler en toute situations, enfin apte à se défaire de cette partie terrifiante de lui. Pourtant, il gardait espoir. Avec Shi il était lui-même. Froid sur les bords, mais lui-même. Et avec Luka, cela se présenterait plutôt bien ! Il ne se sentait certainement plus aussi apeuré à son contact qu’auparavant. Le vampire avait un don avec tout cela. Mettre les gens en confiance. Voilà une vertu pour laquelle Kohei ne cessait de lui rendre grâce.

Et ils allaient partir ensemble, en quête d’un trésor, chose qui se promettait existante, et qui ne risquait pas de le décevoir ; et qui ne risquait pas non plus de le faire perdre ses moyens et de se retrouver dépossédé de ses sentiments propres.

Pourtant, le vampire avait raison. Cet autre lui qui l’habitait n’était pas une entièrement une autre personne. Il s’agissait bien de lui, et il avait conscience de ce qu’il faisait. Cette partie de lui ne partirait donc jamais. C’était lui. C’était son propre caractère. La folie de son caractère. De toute évidence, le meurtre de ses frères aura laissé d’importantes séquelles qui jamais ne s’en iront, et il lui faudra apprendre à vivre avec. Pourquoi lui infligeait-on cela ? L’alfar avait peur de lui-même, et lui fallait-il travailler son propre mental pour que cette peur laisse place à la cohésion ? Soit.

Quoi qu’il en fût, Luka avait deviné tout cela de lui. Qu’il était perspicace. Il aurait pu simplement le prendre pour un fous qui n’a pas les idées en place et versatiles sur les bords. Mais non. Il avait deviné. Et il l’en remerciait. Jamais il n’aurait pu s’ouvrir à lui tout seul, temps le sujet en soit était d’un déstabilisant.

« Je te remercie Luka. Ces conseils sont bons à prendre. » Lança-t-il souriant agréablement et légèrement, et pour une fois, du fond de son être. Et tandis qu’il regardait sa petite fée l’accompagnant se goinfrer et profiter de son siège qu’était Luka nonchalamment, il reprit en ces quelques thermes, afin de ne pas laisser sa phrase en suspense. « Peut-être qu’un jour je te raconterais les raisons de l’état étrange dans lequel je suis. Je suis heureux que tu en aies autant compris. » C’était bien prenant peur que sa phrase ne soit trop courte qu’il avait continué, même sans trop savoir par où commencer. Fallait-il ajouter qu’il aurait encore une fois parut froid, et que de ce fait, il s’agissant de la meilleur solution. S’ouvrir à son ami par la même occasion. Pourtant, d’un côté, il espérait un retour de la part de son ami. D’après ses dire, lui aussi fut autrefois tourmenté, et Kohei espérait simplement pouvoir l’épauler lui aussi. Ne pas être le seul pour qui on fait un effort, et par-dessus tout, ne pas se sentir en infériorité.

Peu de temps après, Shi fut surpris par l’arrivée quelque peu soudaine des compagnons de Luka. L’un d’eux s’était installé dans le siège la faisant chanceler au passage. Elle leva les yeux vers le garçon dont l’affection pour Luka se faisait ressentir par ses manies. Elle le dévisagea, une pointe de jalousie qu’elle ne se connaissait pas dans les yeux. C’était à elle que toute l’affection avait était concentrée.

Kohei, voyant ce spectacle n’osa prononcer un mot, mais n’en pensa pas moins. Il n’avait aucune idée de qui le garçon pouvait-être, ni de la nature de la tension qui régnait entre les deux nouveau arrivants, mais garda sa curiosité pour lui. Après tout, il était comme ça. Enfin, il était temps d’aller manger… Manger ? Luka les invitait donc. Il évita toute réaction irréfléchie, et se contenta de dire :

« - Tu es sur de vouloir nous inviter à diner avec vous ? J’ai un peu peur de déran…
- Oui ! Mangeons ! » S’excita la petite fée.

Le garçon s’arrêta sec dans ses propos et seul un petit son béat sortit de sa bouche. Il contempla le plat qui s’était donc posé devant lui et n’osa pas trop y toucher. Pourtant la fumée enivrait ses sens. Voyant Shi déguster avec plaisir, il prit son exemple, et s’empara de ses couverts.

Après un léger briefing des événements par Luka, Kohei hocha de la tête en signe d’approbation ne sachant quoi ajouter de plus. Une soirée agréable passa donc, avec la rencontre du nouveau compagnon légèrement tsundere de Luka. Celui-ci se tenait d’une façon plutôt polie, un peu trop même. Pourtant, Kohei décela chez Shi une façon de se comporter qui était propre à sa relation avec l’alfar. Comme si une tension naissait entre les deux. Elle en était devenue froide au point  de de se comporter avec le garçon aux cheveux noir comme avec Kohei. De la jalousie peut-être ? Ceci lui sembla amusant.

Il était qu’ils partent à la recherche des personnes ayant posé ces avis. Le point de rencontre devait bien être indiqué sur l’affiche… Et en effet, celle-ci présentait bien un lieu. Certes trop peu louable : une simple taverne située quelque part dans la ville. La seule contrainte étant leur manque d’informations sur qui ils étaient réellement. Il leur faudrait donc se débrouiller pour les reconnaître parmi la foule. D’après l’indication, ces hommes n’y étaient présents que de soirée. Heureusement pour eux, vu l’heure tardive qu’il était.

Ils partirent donc, dans leur effectif plutôt imposant. Kohei ne savait même plus où était Shi durant leur petit trajet. Il se trouvait qu’elle était restée perchée sur la tête bleutée de Luka, narguant ainsi Kyle qui lui jetait des regards agressifs. Un petit « Shi ! » s’échappa de la bouche de l’alfar, avec son ton habituellement directe et froid. Il ne voulait pas que la fée créât des problèmes, ce qui semblait de tout évidence naître, et qui serait désormais difficile d’atténuer.

La taverne ne fut pas si repoussante que cela. Elle était plus ou moins bien entretenue, et la clientèle ne semblait en moins rustre. Cela permit à Kohei d’être plus à son aise, et il pouvait presque se permettre de parler par lui-même à l’hôte des lieux. Pourtant, c’est Shi qui en prit l’initiative, habituellement vive et dénuée de toute patience.

« Bonjours ! Nous cherchons ceux qui ont posé ces avis de recherche ! » Lança-t-elle d’un franc apeurant voire même dangereux.

Le vampire savait se mêler de choses qui ne le regardaient d'aucune façon. Les tourments de ce garçon, ses épreuves éphémères - dont après coup il ne reste que les mémoires douloureuses ou quelques séquelles plaquées sur la peau, la preuve indéniable de nos défaites ou nos victoires - ne le concernaient en rien.  Il ne pouvait pas se permettre de s'immiscer ainsi dans la vie d'un autre, avec ses airs de savant comme s'il avait tout compris de lui, malgré les nombreuses défenses de son caractère distant. Il s'inquiétait, c'est cela. Oui, une inquiétude qu'il ne pouvait pas expliquer mais qu'il associait inconsciemment avec sa propre situation, un mélange de compassion et d'intérêt qui avait pris une tournure assez particulière. Il voulait le faire se sentir à son aise en sa présence, lui donner un endroit où il pourrait parler à cœur ouvert sans s'inquiéter de trahison ou de critique, une place et une présence qu'il aurait voulu trouver par le passé lui aussi. Il n'était question que de pur égoïsme de sa par - se croyant capable d'assumer un tel rôle - mais il voyait ces derniers temps – pas uniquement en sa présence – un autre côté de lui faire surface sans chaînes pour le soustraire : un instinct comme paternel de sa part. Non pas qu'il eut vu en Kohei un enfant – c'est à peine s'il restait en lui des traces de son enfance passée, sous ce masque juvénile – mais il avait cette impression de naïveté, cette envie de protection. Et il ne s'en privait juste pas, voilà tout.

L'alfar le surpris une fois de plus dans tout ce brouhaha de sentiments. Ce sourire inoffensif prouvait tout ce que le vampire venait de démontrer avec tant d'efforts dans son esprit. Il voulait protéger ce semblant d'innocence qu'il existait encore en lui, malgré sa nature à premier abord maléfique, non pas que celle-ci eut jamais déterminé le destin de quiconque, Luka le premier. Il n'y avait aucun sentiment déviant dans son attitude, juste une amitié naissante très rare en ce qui le concernait. Il laissa passer la première réplique du blondinet, voyant les hostilités se déclencher entre la petite fée et l'orine malhabile, celle-ci s'étant installée à ses côtés et ayant saisi avidement son bras au bout de quelques minutes à peine. S'installant enfin, il s'interrogea longuement sur la raison des mes-ententes entre ces deux-là, croyant toujours dur comme fer que Kyle n'avait pour lui que du mépris, une haine inexplicable qui pourtant s'était faite sentir lors de leur premiers échanges.

Il se tourna vers Kohei pour essayer de soulager ne serais-ce qu'un peu l'atmosphère, malgré ses paroles incongrues et l'intervention décisive de la petite fée qui savait en placer une dès que besoin il y  avait. « Ce serait un plaisir pour moi de t'écouter, Kohei. Ne t'en abstient pas si jamais l'envie te prend. Je ferrai de même à mon tour, espérant que mes expériences puissent t'être utiles. » articula Luka simplement, ce sourire déformant ses lèvres trahissant la neutralité qu'il aurait voulu afficher. Il reprit ... « Pour ce qui en est du souper, encore un mot et je risque de sérieusement mal le prendre. Accepte donc l'invitation d'un ami quand celui-ci te la propose de si bon cœur. » … d'un sourire si franc qu'il en devenait effrayant, une menace à lui seul qui fit sourire Kyle se tenant à ses côtés.

La soirée reprit son cours sans grands changements, la petite scène de Luka achevant ainsi le repas qui se voulait satisfaisant, de telle sorte que Luka ne pouvait se tenir debout qu'avec grand mal alors qu'ils se préparaient à sortir de l'auberge à la recherche de ceux à avoir commanditer leurs services. Kyle, se tenant toujours aussi fermement près de lui, semblait le regarder beaucoup plus que la normale, jetant des regards haineux dans la direction de cette petite entité qui déployait ses ailes flamboyantes sur sa tête bleutée. Il ignorait ce qui le poussait à agir de la sorte, faisant preuve d'une lenteur d'esprit mémorable, mais caressant sa chevelure noirâtre pour le réconforter.

Ils se dirigeaient, en ce moment même, vers une des tavernes les plus fréquentées, d'autant plus les soirs de beuverie, et il aurait été presque étonnant de les voir fixer le rendez-vous à un autre endroit que celui-ci. L'alcool avait bien le don de faciliter pour certains l'échange d'information – qu'on pourrait appeler d'escroquerie dans la plupart des cas – tandis que pour d'autres c'était une manière comme tant d'autres de développer le sens des affaires d'une façon bien plaisante. Quoi qu'il en fut, ils arrivèrent assez rapidement à l'auberge et il ne prit pas longtemps à la petite fée pour interroger le premier venu, comme tout individu de bon sens : le tavernier. Homme d'une certaine carrure avec ses deux moustaches qu'il coiffait par moments du bout des doigts tandis que ses yeux vitreux - sûrement à cause de la boisson consommée ou de cet air alcoolisé qu'il fréquentait à longueur de journée - fixaient le petit bout de femme. Il répondit sur un ton solennel, comme une réponse commanditée dès lors qu'on s'adressait à lui avec ce genre de questionnements. Dépitée, Shi retourna auprès du petit groupe comme une petite bête qu'on aurait grondé ou qui n'aurait pas réussi à réaliser un exploit qui rendrait son maître des plus heureux. Ils échangèrent quelques regards entre eux, ignorant quelle pouvait  bien être la prochaine étape de ce périple qui débutait de la manière la plus confuse qui soit.

Ces malfrats – nom que semblait leur donner Luka juste d'après leur attitude - cachaient leur existence, leur visage, leur butin et allaient même jusqu'à cacher leur propre emplacement, craignant dieu sait quoi de ces parfaits étrangers qui, outre cet avis de recherche, n'auraient jamais envisagé cette rencontre. Le nombre incalculable de précautions en devenait grandement suspect mais ils étaient loin de s'imaginer une si grande tromperie derrière des méthodes aussi sottes. Ces hommes semblaient munis d'un sens de l'humour bien singulier, le parfait cynique presque risible si ça ne tenait qu'à Luka, ingénus de croire que de telles manigances parviendraient à les débarrasser des petits insectes que ce groupe ayant pris de l'ampleur. Luka ne tarda pas à parcourir des yeux l'assistance qui n'avait remarqué leur présence qu'à moitié, tous bien trop entrepris par leur beuverie pour constater que des gens avaient pénétré dans la taverne. Ne laissant échapper qu'un simple « Suivez-moi. » Luka commença à se frayer un chemin parmi les hommes saouls aux haleines de chacal, provoquant ainsi des effluves nauséeuses – mélange de sueur, graisse et alcool – flotter dans l'air.

Arrivés devant une table, qui à première vue ne différait en rien de toutes les autres n'eusse été le fait que deux places restaient vacantes, Luka s'installa sans la moindre hésitation, croisant les bras contre son torse et sommant Kohei d'un simple regard de s'y installer à son tour. Kyle vint prendre place juste derrière lui tandis que l'animal était resté posté dehors. « Nous sommes venus comme il était convenu. Je vous écoute quant à vos conditions et notre récompense pour mener à bien la mission. » déclara-t-il d'un air quasi hautain, qu'on aurait pu traduire par un certain agacement à la place. Les deux hommes incrédules prirent quelques instants à réagir. Celui de gauche : petite stature, sourire dégoûtant, se noyant presque dans une horde d'habits fades et trop larges pour lui, nez pointu en forme de bec, des orbes rétrécis respirant la malice. Celui de droite : bien plus grand, forcé de courber l'échine rien que pour regarder en bonne et due forme son opposé, expression rabougrie, manque évident de jugeote. Après ce petit descriptif mental qui sembla se faire chez chacun des protagonistes, ils parlèrent enfin.

« 'Scusez. N'vous fâchez pas.» fit celui de droite d'un air plutôt sympathique – malgré sa corpulence imposante qui faisait fuir tout homme devant s'y frotter malgré lui - tandis que son partenaire le faisait taire froidement, de toute évidence la tête pensante de tout projet qu'ils auraient pu bâtir à deux. « Voyons, il n'est pas nécessaire de vous emporter de la sorte. Nous allons passer aux choses sérieuses sous peu alors ne vous privez pas de nous dévoiler comment vous nous avez si aisément retrouvé parmi cette foule. C'était, après le tout, le but de l'exercice. » riposta-t-il d'un ton uniforme, un sourire avec toutes ses dents collé sans retour sur son visage.

Luka se résigna à tout lui expliquer, dans l'espoir de pouvoir sortir de là le plus rapidement possible, leur présence ayant attiré une attention indésirable, un effet nocif dans les esprits de toutes les âmes sensibles aux alentours. De nombreux regards se figèrent sur lui dans la seconde où il ouvrit la bouche. « Ce n'est guère mon intention  de me vanter d'une manière ou d'une autre mais il me semblait plutôt évident que vous étiez ceux à avoir rédiger l'affiche. Il nous était possible de vous voir et ce dès l'entrée dans le bâtiment. Sur vos trois doigts majeurs, utilisés en principe pour écrire, il reste des traces très claires d'encre à plume, tout comme les tâches du papier que nous avons ramassé. D'un autre côté, j'ai quelques facultés qui m'attribuent une ouïe presque infaillible et il m'a été impossible de ne pas remarquer  que vous aviez été les seuls à réagir à notre arrivée. Qui plus est, votre réaction à l'instant pour ne pas dire votre odeur, une variation de parfum et d'alcool, viennent de me prouver que j'ai raison. Voilà, ce sera tout ? Bien. Je vous laisse la parole maintenant. » argumenta-t-il d'un air nonchalant comme s'il était parfaitement normal de réagir de la sorte dans de telles situations, ne mentionnant aucunement le fait qu'il avait vérifié ses hypothèses avec son pouvoir de boussole.

Bien trop bouche-bée pour pouvoir rétorquer le moindre de ses arguments, les deux hommes se contentèrent de se regarder et de hocher la tête avant de reprendre leurs paroles. « Je serai bref et concis. Nous désirons un trésor caché dans les profondeurs du désert. Son emplacement exact nous est inconnu mais la pyramide serait un très bon endroit pour commencer. Le terrain rudimentaire est un clair obstacle à ceux qui s'y aventurent mais nous vous croyons assez malins pour y parvenir. Nous n'avons que très peu d'informations mais sachez qu'il a la forme d'un pendentif en or massif d'une valeur inestimable. Il a été volé à nos ancêtres il y a de cela des décennies entières mais nous voudrions le récupérer. Des gardiens vous y attendront peut-être alors soyez vigilants. » affirma-t-il d'un autre sourire informe qui hérissait à contre cœur les poils du vampire, comme s'il sentait de sa part autre chose que les simples paroles débitées. De tout autres propos, des ambitions plus viles qu'il ne voulait l'admettre …

Quelques minutes plus tard, ils prirent congé de la pair étrange qu'ils formaient et reprirent le chemin de l'auberge d'une humeur bien plus noire qu'ils n'affichaient au préalable. Shi virevoltait dans les airs montrant à tous son appréhension à l'égard de cette mission mais incapable de mettre le doigt sur ce qui lui semblait louche exactement … Tous semblaient partager son avis et son inquiétude mais aucun n'ose proférer mot. Le lendemain, ils prirent la route emplis d'une motivation nouvelle, celle de partager les hauts et les bas que cette excursion les forcerait à affronter. Cela avait le mérite de les rendre plus forts et plus proches, cela est sûr.

La petite fée se reposa sur l'épaule de Kohei, honteuse du raté monumental de son interrogatoire irréfléchis. Plus d'humeur à se faire choyer par Luka, il ne lui restait plus qu'à se réfugier sur son chez sois habituel, Kohei. Cette petite crise d'humeur - néanmoins discrète - sonna comme une victoire à la vue de Kyle. Celui-ci ne pu s'empêcher de sourire, ce à quoi Shi ne pris même pas la peine de répondre.

Puis le groupe s'empressa de suivre Luka qui se faufilait habilement à travers la foule, la fumée et les fortes odeurs nauséabondes. Kohei n'avait pas la moindre idée de ce qui poussait à agir aussi sûr de lui, et en vint même à lui poser la question. Mais l'écho se perdit dans le brouhaha et les odeurs, à tel point qu'il craignait de s'être trop éloigner du vampire et de le perdre de vue. Ce qui finit par arriver, le vampire s'effaçant de son champ de vision lorsqu'il s'assit soudainement. Kohei fut sollicité par ce dernier à en faire de même, et pris place sur un siège en bois inconfortable, vu les nombreuses fois où il avait du être réparé après quelconques bagarres entre ivrognes.

Sans trop comprendre pourquoi il était assis, il observait machinalement droit devant lui, remarquant ainsi que lui et le vampire n'étaient pas les seuls installés à cette table. De plus celui-ci avait nonchalamment engagé la discussion avec ces dits messieurs, et semblait très à l'aise et très sûr de lui dans ses échanges. Mais comment pouvait-il être certain de s'adresser aux bonnes personnes ? D'autant plus que rien d'apparent ne les distinguait des autres.... Trois clients quoi... Après une énumération intéressante de faits notoires à la bouche de Luka, le petit groupe fut assez agréablement surprit de l'incroyable perspicacité dont ce dernier faisait preuve. Cependant cette situation laissait l'alfar perplexe, tant il lui semblait voir une toute autre vérité se cacher dans la bouche des hommes. Cette demande que eux-même formulaient paraissait on ne peut plus louche considérant l'intelligence dont il semblaient être aguerris. Pourtant Kohei ne préférant pas ajouter quelques mot à tout ceci se contenta de remercier ces messieurs de leurs explications. puis les autres les suivirent lui et Luka a sortir de la taverne aussi vite qu'ils y étaient entrés, prêts à explorer cette pyramide étant le lieu conseillé pour les premières recherche du trésors. Néanmoins cette non-confiance que Kohei semblait nouer à l'égare de leurs employeurs le forçait quelque part à s'écarter du chemin qu'on leur avait tracer. Mais n'étant encore qu'une simple impression, il s'ôta bien vite ces idées absurdes de la tête.

Ils retournèrent avant toute chose à leur auberge, résolument décidés à préparer leurs affaires au plus vite, le voyage ne s'annonçant pas de tout repos et requérant un maximum de ressources. Un périple dans le désert s'annonçai éreintant et fatigant. Il ne leur restait plus qu'à passer une agréable nuit de sommeille, celle qui leur porterait conseille quant à la conduite qu'ils devraient adopter le lendemain pour que tout se passe pour le mieux, limiter au mieux la fatigue et les dégâts causés par la chaleur. Une très longue route les attendait, la pyramide n'étant pas la porte à côté et le désert une plage paradisiaque.

Le Soleil s'était fait bien plus pesant que la veille, à tel point que le groupe s'était réjouis d'avoir emporté de légers habit et d'avoir protéger leurs corps de long vêtements vifs. Ils traversèrent bien vite la ville, en direction du désert tant redouté mais tant prisé des chercheurs de trésors. Il leur fallut une journée entière pour commencer à apercevoir les premiers grains de sable de cette vaste étendue de néant brûlant, et de se rendre compte à quel point leur périple s'annonçait bien plus compliqué que prévu. La température montait à une vitesse vertigineuse, et très vite il fut impossible l'alfar de tenir en place. Il faisait si chaud qu'il ne pouvait se contenir et rester calme, lui, qui détestait tant cet astre lumineux et brûlant qu'était le Soleil. Le temps s'écoulait, tandis qu'ils se repéraient comme ils le pouvaient à la recherche de la pyramide, et le petit alfar était déjà épuisé par la chaleur. Pourtant il s'efforçait de se contenir, prenant exemple sur Shi par exemple qui semblait survivre du mieux qu'elle pouvait, pouvant presque affirmer qu'elle était à son aise. C'était de l'eau que l'alfar désirait plus que tout à ce moment même, mais il ne fallait absolument pas puiser dans les sources si tôt. Une odeur vint s’engouffrer dans ses narines une odeur de nature fraîche et luxuriante, si agréable en vu du feu qu'elle remplaçait que Kohei ferma les yeux d'apaisement. Par delà l'horizon se distordant, il y voyait un amas vert se profiler à mesure que leurs pas évoluaient mêlant ainsi son odorat rafraîchit à la beauté du décor naissant : une oasis qui plus ait, avec une étendue d'eau limpide, comme dans les décor clichés illustrés par les lecture qu'ils faisait de toute sorte d’endroit mythiques étant jeune.

La motivation fut bien présente, celle qui lui permettait une dernière accélération avant de pouvoir se requinquer et se dire que jamais il ne quitterait cette endroit. Et même sous le regard surpris de la fée, - qui visiblement conféra à l'alfar d'être le seul à voir ce mirage - il s'approcha rapidement de son miracle, l'embrassant d'un bond de réjouissance, et ainsi récompensé de ses délires par une couverture de sable brûlant.

La course était lancée, le char se hasardait sur les routes d'une seule destination, la ligne d'arrivée était bien loin de leur portée. Ils tiraient des sacs emplis de provisions – que Luka avait financé pour la plupart –  espérant ne manquer de rien pour ce périple qui ne s'avérait pas tout à son aise. Une tension étrangère sommeillait au plus profond du vampire, repensant de temps à autres, aléatoirement, à ces étranges personnages qui, pour être franc, ne lui inspiraient que malheur et dégoût. Une autre de ses idées de génie en somme qui finirait bien par les conduire à la catastrophe, en plein dans la tanière du lion, un piège perpétré avec malice et ingéniosité, sans oublier une certaine persévérance obscène.

Ses pieds, souffrant de la chaleur intense malgré la maigre semelle les protégeant du mieux de ses capacités, s'engouffraient dans le sable chaud et granulé, sa peau blanche fondant au soleil tel du caramel aussi délicieux pour les yeux qu'au touché, qu'à l'odeur qu'il émanait. Quelques draps blanchâtres – ternis et privés de leur pureté par les rafales venteuses transportant les sables environnants – drapaient son anatomie frêle, réduite en chair, appétissante à l’œil comme à l’ouï, sa voix légèrement rauque dès qu'ils y eurent entré. Senteur étouffante, odeur de milliers de grains sablés qui vous inondent la gorge à l'en nouer, aridité répugnante qui en asséchait plus d'un.

Il se voyait – une fois de plus – entouré par ces mêmes précipices de roches, ces dunes mouvantes à n'en plus finir aussi identiques aux précédentes qu'à celles qui les succèdent une dizaine de mètres à l'avant : une véritable mer désertique dont les crocs s'élançaient pour saisir entières ses nouvelles proies qui l'étaient devenues depuis l'instant même où ils pénétrèrent en son sein, où un de leurs cheveux se mêla à ses flots continus. Impossible d retrouver son chemin, impossible pour une fleur du désert telle que le petit être d'y survivre plus que nécessaire, s'exposant déjà bien assez au danger en fréquentant pour la énième fois – ayant déjà perdu le décompte de toutes les antérieures – d'arpenter les lieux : nature paradisiaque au milieu d'un  chaos de flammes embrasées.

Luka s'aperçut de suite que l'alfar à ses côtés vivait la situation d'une toute autre manière, bien sensible à ces effluves fraîches illusoires, ses élans humides, ces sensations entreprenantes et pourtant purement inventées qu'exhalaient de cette éternité sableuse. Il vacillait par moments, d'autres il s'entêtait à se redresser comme un roi craignant de perdre posture face à ses sujets. Il finit par perdre, dans la lueur de ses iris bleutés, la dernière ficelle de rationalité qui lui restait et se laissa assouvir par l’insinuation optique que pratiquait sur lui le désert. Il commença alors – dans un mouvement fluide mais tout aussi désespéré – un pas à pas lent mais assuré, une marche que mène un condamné à mort amenait sans idée de son sort jusqu'à la pénitence : ici représentée par la dite vision, cette chimère se voyant au final purement récompensée par un met de sable et de chaleur intense, brûlant de manière inquiétante les abords de la bouche du petit bonhomme. Il esquissa premièrement un sourire informe mais celui-ci fut bien vite remplacé par une mine de déterré, sachant pertinemment les dangers d'un tel climat et ne voyant là aucune chose risible.

Ses yeux plombaient sous les gestes des petites mains du vampire s'appliquant à essuyer son visage meurtri – l'ayant relevé et le tenant fermement entre ses bras – tandis que les liens du turban dont Luka avait enveloppé sa chevelure blonde, commencèrent à se défaire. Soulevant du mieux qu'il put le corps inerte et immobilisé de Kohei, il laissa une de ces mains longer son propre corps tandis que la seconde parvint d'une manière ou d'une autre à saisir son épaule. L'installant derrière une chaîne de rochers toute proche qui leur permettait de profiter d'un peu d'ombre avant de retourner sous les rayons de l'astre solaire, il défit la totalité des bandages et se mit aussitôt à les remettre, aussi proprement qu'au premier abord. « Tu vas finir par te déshydrater idiot. Que suis-je censé faire maintenant ? On est dans de beaux draps tu sais … » songea Luka croyant probablement que l'homme pourrait lui répondre ou du moins lui faire un geste reconnaissable et digne de ce nom.

Ouvrant la besace qu'il tenait fermement à sa ceinture et remarquant dans le regard vitré du blondinet qu'il lui était impossible d'ingurgiter le liquide par ses seuls moyens, il en ingéra quelques gorgées et les administra à l'alfar soulevant son menton de ses doigts glacés, chose invraisemblable en temps normal compte-tenu de la chaleur éclatante au dehors. Il est inutile de décrire la face inopinée de ses deux amis devant un tel geste, opprimant une quelconque remarque toutefois compte tenu de la gravité de la situation. Ce n'est pas pour rien que Shi, dans ses élans d'affection habituels, restait le plus près possible du vampire, touchant la surface de sa peau dès qu'il lui était permis et que quelques circonstances étaient réunies.

Une fois qu'il eut repris ses esprits – quelques toussotements et moments d'absence s'étant affirmés entre le moment de son évanouissement et celui de son réveil – Luka tapota sa tête et effleura sa joue douce de ses propres phalanges, voyant dessinée sur ses traits la peine qui le rongeait d'ores et déjà de l'intérieur. Au fond ne valait-il pas mieux que de garder foi en quelque chose d'utopique plutôt que d'errer sans but et nulle motivation ? Une consolation pour le cœur, un soulagement pour les sens mais une fois arrivé à bout, une fois cette dernière croyance consommée, on sombre à nouveau dans les ténèbres. Qu'on les protège dieux et déesses, de ces yeux de fer se posant sur eux, de cette nature perfide se jouant de leur nature chétive, d'un désespoir destiné, d'une incertitude de l'espérance.

La prochaine fois que le petit homme ouvrit les yeux, ceux-ci se virent aveuglés par la lumière intense qui malgré son acharnement sur sa personne, ne le brûlait en aucun cas, son corps maintenant dénudé de ses anciens habits sans qu'ils ne les aient pour autant remplacé par des neufs. Une main froide restait continuellement sur son front jusqu'à ses paupières à demi-closes ne sentirent une liqueur froide en leur surface. Elles s'ouvrirent sans peine pour voir la poupée bleutée juste en face, souriant béatement à l'égard de Kohei, se réveillant enfin. Une vue par la fenêtre et il jura se croire toujours dans une illusion.

Des palmiers sortant de terre, des feuillages verdâtres filtrant l'air, un lac limpide accueillant la bouche des partisans de la mort s'agrippant au liquide de vie, à la vie éphémère qu'est la leur comme on s'accrocherait à une branche pendus par dessus une falaise … Un tableau digne des meilleurs expressionnistes de l'époque, d'un réalisme hors pair qu'on y crut voir représenté le paysage en question comme si l'on venait à l'observer de nous-mêmes. « Tu devrais rester allongé. Nous sommes en sécurité maintenant. J'ai réussit à t'apporter jusqu'ici mais je dois t'avouer que mon corps en a pris un coup. Nous nous reposerons ici quelques heures ou quelques jours tout au plus avant de rebrousser chemin. Ça te va, Kohei ? » affirma-t-il avec sincérité, reprenant l'entretien d'une blessure minime, quelques éraflures, que lui avait causé l'alfar pendant la route, quelques rochers se trouvant de temps en temps un obstacle bien impertinent. Finissant la sale besogne, il reprit le chemin de la table de nuit juxtaposée, saisissant à deux mains le plateau y déposé avec quelques plats et garnitures préparés par ses soins. Souriant, les deux coudes appuyés sur l'arrière de sa chaise, il observa brièvement l'alfar manger avant de faire entrer la petite fée, malade d'inquiétude pour son maître qu'elle écorchait affectivement.

L'alfar était définitivement beaucoup trop sensible à la chaleur... À tel point que ses réactions devenaient indécises et étaient d'une précision monstrueusement défectueuse. N'y voyez pas là une remarque scrupuleuse, mais cet idiot de Kohei aurait bien fait d'apprendre à supporter un tant soit peu la chaleur avant d'entreprendre ce voyage par la folie. Il était entre la conscience et l'inconscience, ne comprenant même plus par quel moyen son corps pouvait bien être transporté à l'abri, ou quel pouvait bien être cette lumière aveuglante qu'on appelait « Soleil ». Mais avec le peu de force qu'il lui restait, il tentait désespérément la communication, et ce, même en dépit de sa gorge si asséchées que même ses cordes vocales étaient entravées. Par de vulgaires signes de mains, il essayait d'imposer son refus de boire, il fallait absolument éviter d'épuiser les ressources si rapidement. Mais rien n’y fit. Le pauvre idiot étai incompréhensible.

Il entendait les paroles lui étant destinées... Il les entendait, certes, mais dans un brouhaha indescriptible. C'était un son défaillant résultant d'oreilles endolorie voire entravée par le manque de conscience, c'était l'écho étrangement grave et déformer des paroles tentant de se frayer un chemin sous des eaux profondes... Et au vrai réveil, il ne savait même plus où il était... Était-ce encore un mirage ? ... Mais cette fois-ci, il était entièrement enveloppé à l'intérieur... Et il était beaucoup trop net pour pouvoir ainsi être le fruit de son imagination... C’était vraiment une maison... Et qui semblait luxieuse... Elle devait être grande... Ha ? Une maison telle que celle-ci en plein désert ? Il devait rêver. Mais comme je vous l'ai dis, cette vision était beaucoup trop net pour faire partit de sa tête... Mais soit. Dans tous les cas, le petit alfar s’y sentait reposé, bien plus au frais que sur le tapis brûlant de sable de tantôt.

« Faire demi-tour ? Je refuse. Je nous ralentis peut-être, mais dans ce cas-là, il faudra prendre de l’avance sur moi. Je ne veux pas partir alors qu’on est qu’au début de notre voyage. » Au moins, il avait eu le don c’être catégorique. Et même si dans son regard se lisait la détermination de continuer, il en fut tout autre. Il cachait aussi certainement une honte qu’il s’efforçait de cacher, cette honte qu’il avait de succomber ainsi face à la chaleur. « Ces… Blessures… Mais d’où elles viennent Luka ? » Cette vision l’avait refroidit. Et pour tout dire, il avait une idée de la réponse, chose pour laquelle il eut très peur.

Kohei tenta de se relever, mais ses membres trop endoloris par la fatigue l’en empêchèrent. Il ne comprenait même pas ce qu’il lui arrivait. Juste… Qu’il était trop fatigué pour faire les choses correctement. « Ce n’est pas parce que je suis engourdis que je ne reprendrais pas la route… » Abandonner maintenant ? Hors de question, quelle honte ! Et Kohei espéra de tout cœur que le vampire soit en accord avec lui. Celui-ci avait vraiment l’air d’avoir sué sang et eau pour le mettre à l’abris… Pour en prendre soins… Et même maintenant, il le regardait souriant, heureux surement de le voir en forme… Et la moindre des choses que l’alfar aurait pu faire pour l’en remerciait, c’était de se soustraire à sa volonté… Mais là tout de suite… Il ne voulait pas… Partir comme ça, avoir souffert de la chaleur en vain, il trouvait ça désolant. Quitte à encore en souffrir, il préférait le faire en direction de la pyramide. « Je suis d’accord pour que l’on se repose ici quelques temps bien sûr… » Se calma-t-il « Mais pas plus que quelques heure… Nous avons des ressources à ne pas épuiser. » Aussi, il s’arrêta de manger, prenant peur de gaspiller ce qui n’était pas absolument nécessaire actuellement.

« Je suis désolé si ce n’est pas ce que tu veux… Je suis peut-être égoïste… » L’alfar le prenait vraiment trop à cœur. À tel point qu’il en laissait libre court à ses émotions. Mais finalement, inconscient du temps qu’il avait bien pu dormir, il fut bien surpris de voir le Soleil se présenter à son Zénith. Le petit blond observa le ciel rougeoyant déverser ses faisceaux lumineux sur le sable coloré depuis la fenêtre. Ces couleurs chaudes… Si apaisantes… « On ne peut pas partir de nuit… » Grogna-il dépité. Cependant, sa voix était restée basse, il ne voulait tout de même pas qu’on l’entende râler. Ce n’était tellement pas dans sa personne que d’agir comme cela. Mais il fallait bien l’avouer, certaines choses tenait au cœur du garçon. Et en l’occurrence, c’était surtout le fait de voyager avec Luka. Il ne voulait absolument pas le quitter non plus. Le vampire n’était pas le genre de personne face à laquelle Kohei se comportait comme toujours.

Il était un être sur lequel Kohei savait qu’il pourrait toujours compter, cette aventure contre les groupe de briguant en attestant. Il le sentait bien, son amitié avec le vampire était grandissante, et ce qu’il en tirait, c’était une envie de s’en voir accompagné le plus possible. Il savait qu’avec lui les aventures qu’ils mèneraient seraient les plus palpitantes, les relations qu’ils auraient seraient basées sur la plus grandes des consciences, les mots dont les deux seraient atteint se verraient apaisés par leurs seul amitié… Peut-être que Kohei était trop confient, mais il savait au fond de lui qu’il n’avait pas de raison de s’en faire… Car après tout, jamais l’affection qui le prenait envers quelqu’un était chose habituelle, et de ce fait, il se fiait à cette dite personne…

Il fermait les yeux, soupirant… Et reformais ainsi son visage avec un léger sourire, léger mais sincère. Il ne s’excusa pas. Mais à sa manière détournée de faire les choses, c’était le message qu’il fallait en tirer : « Je me sentirais mieux demain je le pense très sincèrement. On pourra donc repartir à l’aube quand il fera assez frais. Vers la destination que toi tu souhaites Luka. »