Spoiler:

Comment combler ce vide qui se crée une fois tous ses désirs atteints et ses objectifs définitivement accomplis ? Hélas il s'avère presque impossible, le néant ayant déjà profité de l'opportunité pour s'y installer. Ayant gravi les échelons pour parvenir à la tête d'un clan dont la terrible réputation attire certains partageant leurs idéaux et effraie ceux n'étant pas à la hauteur des exploits auxquels on s'attend, Meredith faisait partie de la hiérarchie vampirique, son nom étant connu de tout vampire qui se respecte. Personnage qu'on qualifierait de sournoise mais captivante à souhait, elle ne laisse personne indifférent à ses nombreux charmes, bien que l'attention ne soit presque jamais rendue, et encore moins à ses illusions qu'elle déploie d'une main de maître, sa place une chose à respecter, l'ordre un élément nécessaire pour régner.

Elle s'inscrit dans la grâce et la beauté les plus raffinés et ne manque pas de gratifier de sa présence les courtisans, qu'on pourrait qualifier de lèches bottes dans tout genre de soirées. Les fêtes mondées avaient chacune un charme particulier, souvent des plus exquises mais malheureusement rapidement des plus ennuyantes, toujours les mêmes musiques laborieuses des compositeurs les plus réputés, les mêmes invités dont la façade trompeuse n'est qu'évidente au premier coup d’œil et ainsi de suite. Elle ne connaissait que trop bien ce concept, nombreux étaient ceux à le pratiquer, rares étaient ceux à le maîtriser.

C'est pourquoi la vie à laquelle elle semblait avoir pris goût, avec ses maints divertissements et une concurrence quelconque pour pimenter le tout, lui semblait à ce jour des plus fades profitant de cette espérance éternelle qui lui avait été donnée. Ces face à face entre êtres perfides et dénués de toute crédibilité perdait toute son attirance et elle n'avait que faire désormais, étant obligé par ses responsabilités de prendre part et d'organiser ces petites recréations minutieusement préparées pour une multitude d’œils rouges, ne voulant pas se prêter à ce petit jeu d'ombres qui ne lui était en aucun cas anodin.

Seulement, comment dénicher le vrai du faux parmi les exclamations d'êtres nés pour charmer et pour mentir, ne reculant devant rien pour arriver à leurs fins ? Chacun devait bien y trouver son compte, entre les rencontres fortuites de deux personnages véreux et les paroles perdues dans ce tumulte de voix, on s'y noierait presque en une mer de paroles et de vagues musicales. *Cette ribambelle de vampires indisciplinés qui se croient tout permis, aptes à entrer dans le clan que je domine se verront bien assez vite remis à leur place, des sous-fifres dont je ne permet pas la moindre incartade et qui sauront me respecter comme il se doit.* Voilà l'opinion qu'elle nourrissait à l'encontre des vampires de bas niveau mais qui s'apprêtait à changer bien assez tôt.

Descendant avec lassitude les quelques escaliers menant à la salle de réception en compagnie d'un de ses serviteurs, elle fit son entrée aussi spectaculaire que d'ordinaire laissant une horde d'yeux braqués sur elle et sa robe de cérémonie carmin, couleur qui lui sciait à merveille. Son regard d'acier parcourut rapidement l’intégralité de la pièce pour venir s'échouer au final sur le visage livide et crasseux de son fidèle serviteur, un pleutre auquel elle ne vouait aucun mérite, n'eusse été son incroyable efficacité. L'invitant à le suivre, elle se mêla bien assez vite dans toute sa splendeur aux invités de marque qu'elle avait convié à cette fête assez extravagante, les salua avec milles politesses et maints compliments avant de se retirer dans un coin de la pièce, plus au calme même si elle restait le centre de l'attention.

Meredith voyait le temps s'écouler, s'éterniser, observant chaque petit grain de sable de la clepsydre tomber parmi ses congénères, un cycle infini qui se répétait sans cesse et dont on ne voyait pas la fin. Des couples dansaient dans la salle éclairée à la lueur de bougies érodées par une petite flamme innocente, les conversations s'enchaînaient pendant que certains dégustaient agréablement quelques croques en bouche assez sanglants et des boissons revigorantes.

Elle prenait un malin plaisir à inventer dans son coin tout genre de petits amusements même dans l'environnement le plus pénible. Et en effet, quoi de mieux que de pénétrer dans les pensées les plus intimes d'un individu pour découvrir quelques secrets des plus croustillants, d'autant plus dans une salle de réception regorgeant de cobayes exceptionnels. La vampire en faisait son affaire de savoir tout à leur sujet et dupes que ceux croyant encore pouvoir la devancer. Elle montrait enfin ses véritables couleurs et un de ses passe temps favoris qu'elle n'hésitait pas à mettre en pratique sans que personne ne s'en rende compte évidemment. 

Son regard se posa d'abord sur une présence qui ne lui était pas inconnue, en effet il s'agissait rien de plus rien de moins que d'un conseiller de la reine, qui évidemment assistait à la réception mais qu'elle n'avait pas encore prit la peine de saluer. Mais qui étais cette jeune demoiselle l'accompagnant ? Une personnalité proéminente attira son attention plus que l'homme fort habile dans son costume de taille, que ce soit ses pensées offusquées par une ambition incongrue ou encore son apparence tentatrice, celle-ci ne risquait pas de la décevoir mais plutôt de lui fournir une occupation des plus intéressantes. Elle vit en elle l'acquisition d'un nouveau jouet, un pantin écervelé auquel elle ne tarderait pas à enlever les ailes une par une pour le rendre susceptible à ses approches et son influence. Restée de marbre avec un seul sourire torve tressaillant le calme global de son visage, elle détaillait ouvertement d'un regard froid la jeune femme ayant piqué à vif son intérêt et agissant d'une manière plutôt cocasse. 

Lorgnant du regard la jeune vampire dont il ne reconnaissait même pas le visage, examinant avec mépris son apparence gracile et sa beauté surprenante ainsi que son esprit empli de vivacité, le serviteur chercha une manière de dissuader Meredith d'aller à sa rencontre mais hélas il ne ferait qu'attiser un courroux indésirable et ne changerait en rien ses plans.« Madame, je vous déconseille fortement de vous mêler à cela ! Vous ne savez rien d'elle ni de son environnement ! Croyez-moi sur parole, elle ne mérite pas que vous lui dédiez une entrevue ! » dit-il toujours avec cette même haute opinion de sa maîtresse qui, soyons honnêtes, se plaisait plutôt pas mal à entendre ces maints compliments à son sujet. « Cela ne saurait tarder. » lui répondit-elle avec une nonchalance qu'on lui connaissait bien et une confiance sans limites en sa personne.

Se frayant un chemin parmi les convives divertis par le somptueux tableau, elle parvint bien assez vite devant les deux concernés, arborant un délicieux sourire sur sa frimousse pâle pendant que ses boucles tombaient gracieusement sur ses épaules. « Je suis ravie de voir que vous vous êtes donné la peine de venir. Je vous prierais de passer toutes mes salutations les plus distinguées à la reine dés votre retour. La fête ne vous agréait-elle point vous n'avez pas l'air de vous réjouir ... Plus important encore, votre compagne ne m'est guère familière, pouvez-vous vous charger des présentations ? » exclama-t-elle de sa voix naturellement neutre ne laissant trépasser la moindre émotion assez naturelle alors que des nuances de moquerie s'immisçaient dans son discours.

S'adressant cette fois-ci à la jeune femme, elle ne se fit pas prier pour lui montrer son intérêt sans pour autant froisser la pauvre petite. « Votre convive sera des nôtres toute la soirée ? » Désignant évidemment l'homme à ses côtés qui n'était pour elle ce soir qu'une simple gêne. « Je voudrais m'entretenir avec vous en tête à tête, si cela ne vous déplaît guère de m'accompagner à l'extérieur bien évidemment. » « Ma dame vous ne pouvez pas vous absenter vous êtes la hôtesse principale de la soirée et ... »D'un seul regard, qui à l'intention de son serviteur se voulait des plus intenses, sans scrupules, puisqu'il se mettait malgré lui en travers de ses projets, elle le fit taire. Ses injonctions étaient des plus strictes et gare à celui qui oserait la contredire, surtout ce charlatan qu'elle soupçonnait d'une obséquiosité toute particulière.

Spoiler:

Le cheminement illogique de la soirée semblait suivre son cours, Meredith purgeait celle-ci de toute trace d'ennui avec la simple présence de la jeune vampire. Elle pouvait voir en elle une naturelle séductrice, une peau laiteuse, chevelure soyeuse noyée dans la nuit la plus obscure, des phalanges fines se pliant avec grâce autour du ver carmin qu'elle n'avait plus en main, en d'autres termes elle traversait les maintes étapes que Meredith avait réussit à déjouer à son tour par le passé. Elle représentait à elle seule toute la splendeur que suggérait leurs origines vampiriques, ayant employé des moyens que l'on préfère passer sous silence pour atteindre une position de force. Elle possédait ce corps attirant sculpté par le singulier choix de tissu bleu pétrole dont on ne pouvait que chanter les louanges et lui ayant toujours fidèlement servi en tant que monnaie d'échange si la situation l'exigeait, tous les hommes ayant eu l'éloge de le toucher se damneraient bien pour elle. Loin de la considérer comme une rivale, cela dit elle voyait en elle un amusement idéal et à tout épreuve, quelqu'un avec qui elle pouvait s'élancer tranquillement dans les plus fous discours sans crier gare, alors qu'elle suscitait de toute évidence une attention particulière chez la jeune femme, nul besoin de ses talents d’illusionniste pour déceler dans son regard brûlant le nom de la chef plaqué en lettres d'or sur un fond azur marin.

Mais hélas, en cette vision idéalisée de la protagoniste qui n'était malgré tout rien de plus qu'une étrangère, se cachait profondément encrée dans la conscience de Meredith, une toute autre définition. Une simple mouche se débattant à l'intérieur d'un piège qu'elle se croit encore capable d'échapper mais dont elle ne remarque pas l'étendue considérable et sa dernière échappatoire envolée depuis bien longtemps. Ayant perdu ses antennes, ce même insecte erre à l'infini dans cette toile machiavélique, guidé uniquement par la volonté omnisciente de la dame qui ne pouvait s'imaginer de manège plus doux et savoureux que celui-ci. Quel délice que de voir sa nouvelle proie remuer sans dessus dessous à l'intérieur de sa coquille pour cacher ses maints visages et ses milles ambitions pour ne pas les voir révélées au grand jour. Voilà la bien triste vision qu'avait Meredith de Heavenly à qui elle s'adressait de sa langue de vipère et de ses mots emplis de venin, ne négligeant certes point ses attributs avantageux et la décence de son apparence mais ne pouvant s'empêcher de la dénigrer d'un regard hautain.

Faisant claquer gracieusement ses talons hauts sur le pavé de marbre coloré et laissant les extrémités de sa robe en fine soie caresser les dalles glacées, elles s'apprêtaient à sortir quand la bise fut venue. Provoquant chez la femme un léger frisson, lui parcourant plus l'épine que le corps, ses intendants lui tendirent un habit dans une révérence des plus exagérées, mais qu'elle ne refusa pas et n'hésita pas à placer sur ses épaules ornées d'un bustier vermeil. Drapée avec élégance dans ce bout de tissu aux diverses motifs saillants, elle faisait face à l'astre lunaire baignée dans sa lumière divine. Des effluves argentées semblaient fuir la structure céleste pour venir s'immiscer dans le commun des mortels, à ras le sol une petite couche assez fine faisait office de barrière sur un horizon bien moins limpide qu'avant.

« Ne vous dérangez point voyons ! Homme, auriez-vous la bonté de nous apporter de quoi rafraîchir nos gorges asséchés ? » dit-elle simplement sur le même ton qu'elle employait et ce indépendamment de l'interlocuteur. Rien ne semblait pouvoir l'ébranler, elle et son calme légendaire ce qui le plus souvent ne donne que plus envie de tenter l'expérience. « Au nom de quoi me regardez-vous avec une telle agitation ? Soyez assurée, loin de moi l'idée de vous d'amocher la belle rose aux épines que vous êtes. Je ne cherchais qu'à m'entretenir avec vous de choses et d'autres que vous jugerez intéressantes pour nous d'aborder, faisant partie d'une engeance assez distinguée j'ose l'avouer. » Marquant une brève pause pour la détailler encore une fois du regard, elle reprit lentement. « Je n'ai nul besoin que quelque renom vienne entacher ma vision des choses qui ne saurait être plus limpide que ce soir. Je sais juger autrui d'un simple regard et je n'ai nul besoin de renseignements pour savoir sur vous plus que vous ne pourriez jamais savoir sur moi, voire sur vous-même. »

C'est alors que la présence d'un homme se fit noter et que celle-ci eut à s'interrompre contre son gré le discours qu'elle préparait, pendant que le valet de pied se dirigeait vers elles le plus discrètement possible. « Pardonnez mon intrusion, j'espère ne pas tomber très mal à propos ... » « Tu n'aurais pas pu choisir pire moment pour nous honorer de ta présence ... » extorqua-t-elle sans hésitation en souriant savoureusement, acte qui fit étrangement tressaillir l'homme tenant désormais fermement le plateau de peur de le lâcher sous les frissons assez puissants. S'approchant lentement de sa maîtresse pour ne pas encombrer le peu de temps qu'il lui était permis de rester, il lui tendit les deux vers jumeaux avant de lui murmurer à l'oreille quelques mots pour partir suite à ceux-ci dans un énorme embarras accomplissant avec diligence sa tâche.

« Vous ne voyez pas que tous ceux qui vous approchent gardent les cartes de la victoire dans leur manche pour ensuite ne les sortir qu'au moment opportun et vous achever d'une seule traite ? Je compte bien que cela ne soit qu'un jeu pour vous mais ne trouvez-vous pas plus judicieux de ... » bafouillant les propos les plus farfelus pour dieu sait quelle raison. Que craignaient-ils au juste venant de la jeune femme à première vue des plus innocentes ? Certes leur maîtresse n'avait pas pour attribut principal la méfiance ou la prudence mais elle savait se prendre en charge décemment sans qu'ils ne doivent lui faire la morale à chacun de ses agissements hors norme.

« Cependant, il ne revient qu'à moi de résoudre la question. Je vous demanderais donc de bien vouloir retourner à vos tâches qui, si je ne m'abuse, sont fort nombreuses et ne sauraient l'être davantage si désagrément ici se fait. » Elle ne permettrait pas d'autres interruptions aussi honteuses que les précédentes, ne gaspillant pas plus de mots que nécessaire avec des subalternes, le prochain à s'attirer son courroux par un faux pas quelconque regretterait certainement son geste, loin de s'en sortir qu'avec de simples réprimandes.

Elle embrassait de sa bouche de fraise les rebords du ver cristallin et ingurgitant tout en douceur la liqueur sanguine, laissant l'agacement s'écouler avec lui, reprit où elle s'était arrêtée. « Rien ne se fait par hasard. Ni votre présence ici ni mon retard et encore moins mon intervention auprès de vous. Tout fait partie d'une énorme succession d'événements inévitables lesquels on ne peut changer et sage est celui qui arrive à prévenir leur arrivée avant terme. Rien de plus. »

Peut-être se laissait-elle emporter par un discours qui sonnerait étrange pour la belle Heavenly mais cela ne semblait pas la retenir de le réciter. « La langue est une morale, un élément à part entière que nous vampires nous devons de maîtriser. Elle est la mère de tous les débats, le lien de la vie civile, la source des divisions et des guerres mais plus important encore, elle est l'organe de la vérité mais aussi du mensonge et de la trahison. C'est une arme à double tranchant qu'utilisée à bon escient produit des résultats miraculeux mais qu'on peut avec une certaine ruse retourner facilement contre vous si la situation le permet. Mais je m'égare, je crains bien. » disait-elle de ses airs de savante aguerrie que rien ne saurait tromper.

« Très chère, les méchants perpètrent des méchancetés car rien ne les arrête. C'est dans l'ordre même des choses et je crains fort qu'il ne soit trop dur pour vous de l'inverser. Je ne veux qu’apaiser vos inquiétudes avant qu'elles n'aillent crescendo. C'est pourquoi, je suppose que vous préfériez suivre le courant pour mieux vous intégrer avant d'asséner le coup de grâce si vous voyez de quoi je veux parler. Il n'est guère dans mes intentions de vous forcer la main mais disons ... que vos ambitions voire même votre histoire suscitent en moi une soif que j'entends bien étancher. Je laisse à votre discrétion de prendre ce discours qu'est le mien de la manière qui vous conviendra le plus. » stipula-t-elle comme pour défier la jeune femme dans un duel qu'à ses yeux elle était sûre de gagner. Quelques mots devraient suffire au peu qu'il reste à dire. La percée décisive qui déciderait du vainqueur de la partie approchait à grands pas. Voyant les deux camps à couteaux tirés cela ne saurai tarder.

Spoiler:

La belle poupée de porcelaine était sur ses gardes, prête à se défendre d'une quelconque agression qui bien sûr n'arriverait jamais, Meredith n'ayant jamais eu pour principe d'user de la force pour parvenir à son but, la méthode douce étant d'ailleurs beaucoup plus digne d'accomplissement. Silencieuse dans son coin elle semblait étudier ses faits et gestes, essayant peut-être de déchiffrer la mentalité plus qu'ardue de la vampire qui se plaisait à la laisser sombrer dans les efforts les plus farfelus.

Toutes deux voyaient là un défit qu'aucune, inconsciemment, ne se devait de refuser, Meredith ayant déclenché les hostilités par des calomnies et des mots tranchants qui savaient rouvrir des plaies ou en infliger des nouvelles bien saignantes. Elle ne perdait en rien son sang-froid, femme hardie et cruelle de nature, même en buvant ses paroles proférées se fondant dans la nature et s'enchaînant harmonieusement comme un cour d'eau agité dont la fureur prendrait à l'improviste le nageur imprudent.

« Cessez donc un peu de faire la chochotte, voulez-vous ? Je crains fort que vous ne soyez qu'une femme de plus dans ce genre de situation, peu à votre aise j'en conviens,mais toujours à la recherche d’une vengeance des plus amères pour des faits que j’avoue ignorer mais qui ne servent qu’à assouvir un caprice, un sentiment de culpabilité, croyant probablement voir ainsi vos affaires s’arranger et la souffrance diminuer. Vous êtes bien loin du compte jeune fille et je ne sais de quel autre moyen user pour vous en avertir. » faisant une légère pause dans son récit qui devenait bien trop emporté et emportant à son goût d'experte, laissant parler quelque fois ses véritables pensées. Elle se prêtait à un jeu dangereux qu'elle aurait souhaiter éviter volontiers, ne craignant aucunement une défait hypothétique de la main de la belle Heavenly mais n'éprouvant aucun désir de jouer avec une adversaire digne de ce nom qui saurait la prendre au dépourvu dés qu'elle s'y attendrait le moins.

« Combien d’autres individus peuplant ces terres sont en proie à la corruption, rongés par le dédain et le dégoût de leur propre personne juste pour continuer leur existence éphémère ? Combien d’entre eux croyez-vous voir parvenir à exécuter sans mal leurs projets et autres objectifs mesquins pour le salut de leur âme en peine ? Connaissez-vous cette sensation poignante que de se voir prisonnier des envies de votre ennemi voire même parfois courber l’échine en sa présence mais préparant en un silence de mort un retournement de situation mémorable ? » continua-t-elle n'essayant aucunement de faire la morale à la jeune femme dont les obstacles semblaient avoir bien étoffé son cœur fragile et dont la mentalité n'était plus qu'acier trempé des plus durs à transpercer.

« Que vois-je là ? Des paroles bien censées pour le monde dépravé où vous vous trouvez. Que puis-je en tirer ? Que vous avez conscience, du moins je l’espère, que gagner n’est pas un acte honorable comme beaucoup veulent bien le croire. L’on discerne le plus souvent titre après titre pour honorer les héros sortis victorieux d’une guerre sanglante mais hélas, peu imaginent la misère et la désolation qu’ils ont dû infliger et subir par la même occasion pour parvenir à ce but. La guerre n’est en rien un signe de puissance mais de faiblesse pure. » S'étant quelque peu approché de la demoiselle laissant ses longues phalanges cachemire se promener le long du rebord en pierre sculptée, elle continua espérant que celle-ci se donne à son avis en la matière.

« Devoir assiéger par la force les envies d’autrui pour les forger à l’image des vôtres. Gagner n’est rien d’autre que trôner invincible au dessus d’une pile de cadavres, un monde macabre et vil que peu supportent en toute rationalité. Il va de soit que les esprits les plus tordus représentent notamment les meilleurs boucs émissaires pour porter ces charges ou toutes les accusations qu’on veut vous attribuer, si celui-ci est rangé de votre côté nul désagrément s’en fait par la suite. » finit-elle par ajouter toujours dans ce même ton perpétuellement neutre, quasi nonchalant qui rendait son expression froide et son regard d'acier d'autant plus perçant, tout bonnement impossible d'en douter.
 
« Comme vous dites, toute personne a tendance à se baser davantage sur la parure que sur l’intégralité d’un ouvrage, j’en conçois que vous avez une bonne lucidité d’esprit et savez analyser les banalités de la vie. Mais je ne peux que vous faire remarquer qu’il n’est pas là un talent dont on nous fait don à la naissance mais d’une chose qu’on bâti sur des bases solides et qu’on passe des années à perfectionner pour s’adapter à la loi du plus fort qui est malencontreusement la plus juste et adroite. Pour répondre dorénavant à vos questions, je ne sais que très peu sur vous. Connaître tout d’un pantin n’est pas selon moi l’option la plus "distrayante" j’ose dire mais je peux en rédiger les grandes lignes, je compte cependant sur vous pour les compléter plus tard si ce n’est pas trop en demander. Je tiens à connaître mes interlocuteurs et quoi de mieux s’ils me dévoilent leur jeu d’une seule traite sans crier gare aux conséquences. »

Faisant signe à son serviteur le plus proche qui gardait malgré lui un œil sur les deux vampires, détail n'ayant certainement pas échappé à l'observation imprenable de Meredith, lui demanda de leur préparer une salle au rez-de-chaussée pour leur permettre de discuter cela dans un endroit moins mondé. La suite des événements ne seraient probablement pas des plus aises à montrer à tout sot voulant entendre et la privacité étant une notion que la rousse aux boucles outrageuses mais gracieuses tenait au mieux de respecter. Par de grands gestes, elle quérit la présence de la jeune femme en sa compagnie pour quelque petite partie ou divertissement à l'intérieur du palais, l'air froid commençant à la déranger lourdement.

Ayant traversé dans une discrétion peu commune la salle de bal pour se réfugier derrière un rideau aux longues extrémités noires, elles s’engouffrèrent dans une pièce qu'on qualifierait de taille moyenne comparée aux dimensions de la bâtisse mais qui ne perdait en rien son charme habituel. Des chaises des plus confortables en cuir noirâtre, un linge de soie recouvrant la table de bois poli sur lequel gisaient déjà quelques tasses prêtent à accueillir une quelconque liqueur ou breuvage à souhait. Elle n'avait qu'à demander. Se sentant d'autant plus confortable à présent, Meredith reprit l'analyse du personnage laissant ses orbes aux nuances carmin se poser sur Heavenly, un regard d'une intensité déconcertante notamment pour celle qu'ils avaient pris en victime.

« Vous êtes une jeune femme tenace et déterminée qui ne flanchera pas avant d'atteindre sa destination. Vous vous êtes rendue à cette soirée organisée en l’honneur de l’hiérarchie vampirique, mais dans quel but ? Quelques regards à peine m’ont permis de comprendre et de déceler en vous une grâce et une  magnificence que très peu parviennent à atteindre et encore moins à mettre en profit. Vous yeux brûlent encore d’une flamme nouvelle que personne ne semble pouvoir acquitter, mais qui est parvenu à l’attiser ? » Les grands stratèges voyaient là la meilleure façon de ferrer un gros poisson, attirer son attention sur l’appât, continuer cette attraction additive envers l'objet de leur désirs, les arrêter dans leur élan pour reprendre ensuite la course et au moment le plus inattendu tirer sur la corde fléchie pour que la cible n'ait plus la moindre chance de lutter. Ces mêmes tactiques s'appliquaient à la jeune vampire bien que dans d'autres termes et de bien plus longs débats, son discours se trouvant alors à son apogée.

« J’ose donc en déduire, bien que mon raisonnement puisse s’avérer erroné, que vous provenez d’une famille assez bien placée ou du moins avec une certaine influence, famille qui aurait pu vous inspirer et vous mener dans cette voie où votre corps n'est qu'une arme, un élément irremplaçable dans une stratégie sans faille et grand apport de ressources. Une famille qui vous effraie peut-être ? Qui accable votre esprit ? Vous venger, qui sait, d'un certain clan Darcy si je ne m’abuse ? Corrigez-moi si je m’égare ou si je me trompe lourdement sur un de ces aspects, je ne suis point au mieux de ma forme ce soir. » dit-elle en ne pouvant cacher un sourire narquois lui déformant le coin de ses lèvres écarlates dont le sang ne faisait qu'assombrir la couleur.

« Gardez à l’esprit cependant, que je ne suis point comme tous les autres qu’il vous a été donné de rencontrer, pour démêler cette histoire et les milliers de fils entrelacés de son destin, je suis prête à employer tous les moyens du bord, ou peu s’en faut. Et soit dit en passant, vous n’êtes ni une femme sans rang ni une femme à ma hauteur. Après tout ne sont-ils pas que des titres qu’on vous attribue par pure négligence sans chercher à connaître celui se cachant derrière le masque que vous arborez ? Ce qui compte à mes yeux ne sont autres que les capacités, la manière de penser, la façon même d’agir qui peut rendre un pleutre plus fort qu’une bête légendaire. » D'un simple claquement de doigts, n'ayant donné aucun injonction aux deux maigres majordomes d'une pâleur cadavérique mais ceux-ci sachant tout de même sur quoi s’exécuter, elle leur fit ramener devant elles un plateau de jeu ainsi que quelques pions. Inutile à dire ce qu'elle comptait en faire et comment se passeraient les prochaines heures dont elle ne pouvait se lasser, jeux et plaidoiries quel délicieuse façon d'entamer la soirée prometteuse.

« Je ne me prétends pas devin et encore moins sorcière mais je ne peux cacher ces quelques aptitudes qui me permettent de lire ces écritures manuscrites qui forment votre passé, en aucun cas la page vierge qui se dresse devant vous et que vous écrivez en cet instant précis. D'autre part, je vous conseillerai de garder secrète cette petite convention, nous ne voudrions pas que de petits insectes ne viennent déranger nos plans et nous obliger à nous salir les mains inutilement, gestes des plus salissants qui plus est. N’êtes-vous pas du même avis ? Je ne dis cela que dans votre propre intérêt, bien que je sois disposée de tout cœur disposée à vous aider si l'affaire se révèle assez alléchante. Il ne revient qu'à vous de choisir vos compatriotes et vos adversaires au final cela dit. C'est pourquoi, je vous laisse la parole et vous confère la tâche de me compter l'histoire qu'est la vôtre, qui vous a mené jusqu'ici pour devenir celle qui affronte mon regard d'une pulsion nouvelle. Ne vous pressez point, la nuit vient à peine de commencer ... »

C'était une coupure qui se voulait claire et nette. Les discours inutiles devraient bientôt s'achever bien que dans chaque réplique un sarcasme voire une ironie incalculable s'y cachais, des mots voilés d'intentions, enchaînés entre mensonge et vérité. Une discussion à part qu'elles devaient mener minutieusement mais que toutes deux avaient l'intention de remporter.

Spoiler:

La chef du clan Giovanni dont la réputation n'étais plus à faire, assise sur la chaise moulant les formes avantagées de son corps, s'enivrait des paroles de la jeune vampire, la laissant s'étaler sur tous les aspects, comme cela lui plaisait. Après tout, il ne revenait qu'à elle de choisir avec tact et ironie ses propos, d'attirer son attention voire même son regard perçant, déclencher une réaction. Elle semblait s'y connaître en la matière, sortait le grand jeu pour aussitôt calmer la cadence, sachant profiter des variations de rythme de son discours pour provoquer l'impatience chez son interlocuteur, technique qui devait triompher en somme d'un franc succès mais qu'elle était bien sotte d'utiliser.

Une feuille vierge, clairement à l'image de la vampire de rubis, détenant sa propre plume encrée, nul besoin d'une main de maître ou d'un autre se prétendant écrivain pour rédiger son destin. Un manuscrit imbibé d'encre à présent, encre qu'elle avait versée elle-même, qu'elle avait su souiller des empreintes d'un homme, qu'elle avait vu purifier par les caresses amoureuses et trempé dans la chair sanglante de ses ennemis. un maigre bout de parchemin ayant parcourut le monde, ayant appris bien plus qu'il ne l'aurait souhaité mais ayant assouvi tous les désirs et accomplit tous les péchés qu'on aurait voulu lui reprocher. Là oui, c'était une vie d'une sage aguerrie et acquittée vivant selon ses convictions, dominée par sa passion, influente sur celle des autres et le vivant plus que bien.

Meredith, de ses manières minaudières et débordantes de charme, malaxait avec lenteur les muscles meurtris de ses cuisses caressées par les brises saisonnières. Ses yeux considéraient langoureusement la jeune femme, s'attardant aussi bien sur ses boucles foncées pendant sur ses épaules que sur ses lèvres charnues que des paroles imbibées de sens traversaient sans difficulté. Elle ne put se permettre de l'interrompre qu'une seule fois, pour témoigner de l'étendue restreinte de ses connaissances concernant ce jeu en particulier qui ne faisait guère partie de ses pratiques communes. « Vous devenez de plus en plus fascinante, malgré moi très chère ... » laissa-t-elle échapper presque comme un aveux, entre deux inspirations plus ou moins profondes, perdue dans les pensées les plus sinistres, n'ayant visiblement pas conscience d'avoir prononcé ces mots à haute voix.

« Voyons dont, ne nous pressons point. La nuit n'est qu'une jeune enfant ayant quitté depuis peu la gaze brumeuse et le berceau protecteur, voyant donc s'ériger devant elle un trajet longuement périlleux avant de devenir preux adulte. Je peux vous assurer que ce voyage ne saurait s'achever sur de meilleures bases. La routine n'est qu'une illusion que nous nous efforçons de changer en effet ... Ma vie ne peut pas être dictée par de telles doctrines, je me permet de les infliger moi-même donc non. Elle est régie par ma seule volonté et je la varie bien assez. » Battre le fer pendant qu'il est encore chaud, quel beau concept que voilà qui s'appliquait à toutes situations confondues et à celle-ci en particulier. Les discussions sur le genre humain et ses pulsions ne devenaient que plus intéressantes en compagnie de quelqu'un avec qui les partager librement, ne freinant donc en rien sa langue de vipère et ne perdant pas de temps pour ajouter son petit grain de sel.  

« Quiconque n'osera vous en vouloir de ne pas dévoiler vos méthodes, mais plutôt les garder assez discrètes et vous acquitter seulement des éloges qu'on vous fournira après coup sous les acclamations de vos exploits. Comment vous y êtes parvenue et ce qu'il en adviendra ne sont que des éléments superflus voire totalement futiles une fois votre victoire annoncée, un parcours dont vous n'avez plus à vous occuper. Les grandes familles savent ce qu'il leur en faut pour garder cette position de force et le prix fort à payer est souvent bien estimable ... Je ne saurais en vouloir à votre famille d'avoir ainsi conduit votre croissance si cela vous a permit plus tard de mieux vous fondre dans le milieu ... » prononça-t-elle d'une voix presque mélodieuse, fixant néanmoins avec lassitude le verre qu'elle tenait entre ses doigts frêles et élégants, dont les mouvements hasardeux semblaient en réalité calculés à la seconde près pour un impact encore plus important.

La déchéance de l'âme, sujet lugubre à aborder mais qui s'installait en toute régularité entre les deux femmes dont seul le statut semblait pouvoir les différencier lourdement. Tous ces actes que d'autres oseraient blasphémer, rejeter et rabaisser par des termes tels qu'immoraux ou épicuriens et les libertins venus les appliquer qu'ils regardaient d'un mauvais œil, était pour l'illustre vampire un monde parallèle dont elle connaissait la maîtrise. Ces valeurs qu'on lui avait inculqué, rabâché, avaient fait d'elle celle qu'elle est aujourd'hui, n'ayant point profité d'autrui et vendu ce corps qu'on lui avait léguer pour séduire inutilement mais plutôt pour devenir une entité modèle d'un monde de violence et de perversion où les faibles ne sauraient régner. Pourquoi dénigrer tous ces accomplissements et tous ces exploits que par de maints efforts, maintes sueurs froides écoulées, maints cris de douleur délaissés, l'avaient conduite sur un chemin de gloire irréprochable jusqu'au sommet ? Collet monté, certains oseraient même l'appeler.

Voyant la jeune femme mélanger avec tant d'insistance les cartes du jeu de tarot, la vampire, la mèche barrant son front, le fard ornant ses longs cils courbés, en saisit une précipitamment pour ensuite la placer sur la précédente, cachant ainsi le diable de la carte de l'Amoureux à l'envers, la délaissant à son sort. « Que puis-je faire quand quelqu'un, dont je n'avais aucunement conscience de l'existence, apparaît devant moi et balaye toutes les certitudes de me savoir seule sur ces terres avec un esprit aussi tordu ? Tomber est permis; se relever est ordonné. Je ne puis empêcher la surprise de m'atteindre et la curiosité de me dévorer, voulant comme vous avez déjà dû le comprendre, inspecter la moindre façade et savoir ce qui put vous amener au point où vous êtes aujourd'hui. Considérez cela comme il vous plaira, peu m'importe du moment que je puis observer votre déchéance de mes propres yeux et affronter celle qui à mon image se verra devenir une rivale hors pair, j'ose espérer mais je crains n'avoir placé trop d'espoirs vains en vous ... Seul le temps nous le dira hélas. »

Les paroles s'enchaînaient, se liaient entre elles par des chaînes invisibles représentant le fil des pensées de Meredith mais au même temps semblaient ne pas avoir de logique directe, une interprétation fiable ... Faisant signe de la main à son intendant, qui ne prit que quelques secondes pour se trouver déjà à son chevet ou devrais je plutôt dire à l'écoute de ses caprices, s’exécuta immédiatement. Traversant d'un côté à l'autre la pièce, les boiseries cirées, les parapets marbrés, les verreries et autres bibelots exposés, les rideaux criards, il chercha quelque chose du regard. Forçant le pas impérieux pour saisir l'objet sur le guéridon en verre, il apporta à sa maîtresse ce qui ressemblait fortement à un énorme bocal en malachite dont seule un fil doré semblait tenir le couvercle à sa place et renfermer quelques sucreries fort appétissantes. Le domestique lui tendit également un scalpel, qu'il avait saisit dans l'armoire juxtaposée, et attendit l'accord de sa maîtresse pour les laisser à nouveau vouées à elles-mêmes.

Ayant posté le récipient à portée de main aussi bien de l'une que de l'autre et invitant à tour de bras la belle Heavenly à en déguster la saveur exotique, elle reprit sur le même ton songeur et au même temps enchanteur comme si elle révélait là le fond de sa pensée qu'elle avait enrichi, après toutes ces années de pratique intensive chose guère surprenante. « Les hommes, peuplant majoritairement ces terres, sont à juste titre des êtres facilement tentés par les plaisirs les plus primitifs de la vie, l'embrasse enflammée d'une femme et la douceur de ses beaux yeux. C'est pourquoi, il ne revient qu'à nous femmes de savoir user de ces mêmes charmes pour assouvir nos besoins premiers qui ne sauraient l'être autrement, ne manquant donc pas de cibles disponibles ni d'esclaves potentiels à nos dépends. Ce n'est là que la simplicité même, sage est celle qui peut oser l'hardiesse même dans une situation délicate et savant mettre son corps sublime à disposition sous toutes les peines sans pour autant ne cesser de le chérir. »

Affichant cependant abruptement un air plus coquasse à souhait, plus recherché, plus menaçant sans pour autant chercher à agresser le regard puissant de la belle femme, elle lui demanda. « Cette partie, êtes vous sûre de vouloir la jouer ? Une fois celle-ci commencée vous ne pourrez plus y échapper et ce serait fort regrettable que d'exprimer des regrets à ce sujet. Mais ... On dirait que votre décision était déjà prise depuis bien longtemps, bien avant le moment où il croisa le mien, ce regard que vous arborez et la passion qui en découle. »L'arme blanche entre ses phalanges allongées et ces ongles écarlates, tournait dans une danse endiablée avant de venir s'échouer à un moment de son récit inconsciemment juste devant la belle femme. Celle-ci ne s'attarda pas à la ramasser mais plutôt à finir le piège qu'elle s'apprêtait à lui lancer et continuer le cours des événements tels qu'elle l'avait prédit, hélas avant même de lui adresser la parole.

« Quand deux objets entrent en collision, il y a toujours des dommages de type collatéral, faute de quoi vous n'auriez aucunement besoin d'appui pour vos projets qui à mes yeux sont plus clairs que du cristal. Si je me voyais assurée de la première éventualité, je me ferais un plaisir d'accepter la seconde, autrement dit devenir pour vous la marche dont vous avez besoin pour atteindre le but de votre quête intérieure si cela peut me procurer par la même occasion un peu de satisfaction dans ma vie monotone. Pourriez vous m'en dire plus long à ce sujet ? Je vous suis réservée toute la soirée mais pas une minute de plus. Peu voient cet honneur leur être attribué, beaucoup s'en vantent, d'autres s'en félicitent mais vous, je sens que vous n'en ferez rien. Votre réponse influencera le déroulement de la soirée et qui sait de votre destinée toute entière donc je vous conseillerais de bien méditer. »

Spoiler:

La vampire ne prit pas le temps ne serais-ce que de lorgner de son regard de rubis la jeune femme devant elle, ce genre de gestes n'avançant en rien la situation en main et n'ayant pas pour principe de se battre pour des causes perdues d'avance. En réalité, elle s'amusait assez de la voir ainsi se débattre, mais s'empêchait de l'avouer pour le moment. Meredith voyait en elle une pierre brute et s'attribuait le mérite de la polir, son futur brillait profondément dans ses yeux de cette flamme ardente et ce désir brûlant d’achèvement. Elle savait pouvoir placer ses espoirs en elle, ses croyances seraient bien transmises de par son caractère assez particulier, une femme mûre qui n'ose reculer devant rien ni personne gardant la poitrine pompée et l’œil d'acier trempé.

« Ce n'est pas la peine de le tourner d'une si vile manière. Je n'ai pas l'intention de me servir de vous proprement dit donc je m'efforce de dire seulement que je deviens votre "protectrice" en quelque sorte, d'autres insectes qui oseraient se mettre sur votre chemin et que je nettoierais pour vous permettre une traversée moins tortueuse. Ni plus ni moins que cela voyons. »dit-elle en ajustant quelque peu sa robe et en repensant à tous ces autre prétendants qui, avec des intentions beaucoup moins pertinentes, avaient chercher ses services, procuré ses faveurs sans savoir qu'à ses yeux ils devenaient à cet instant moins que des cailloux dans sa route semée d'embûches. Pour sûr ils avaient tous payé la monnaie de leur pièce mais cela restait grandement décevant aux yeux de la belle vampire qui s'attendait à beaucoup plus venant du peuple qu'elle contrôle d'une main de maître.

« Je vous rassure, du moins je l'espère, en vous annonçant que dans tous les cas je m'en verrais réjouie par le simple fait d'avoir pu faire votre connaissance et avoir pu observer votre évolution, pour le meilleur et pour le pire, à vos risques et périls. Ce qui adviendra de vous n'est guère proéminent tant que de cette affaire j'en sors gagnante. Même si je dois vous avouer que votre visage triomphant m'enchanterait bien moins que celui déformé par la honte, la haine, le mépris, le dédain, l'arrogance qui se cacheraient derrière votre défaite, je peux vous assurer que je ferais de mon mieux pour vous assister, dans la mesure du possible cela dit. Mais trêves de paroles hypothétiques je vous prie, venons-en aux faits. Ce qui importe réellement. Ce qui décidera du devenir de ce jeu, du vainqueur de la partie éphémère, cet échange endiablé. » 

Elle écouta. Elle écouta, but ses paroles les unes après les autres non pas avec cette mine d'ennui mortel mais plutôt avec un sourire assez large pour symboliser tout son intérêt et un certain amusement. Car oui, cela l'amusait. Plus que tout autre récit qu'on aurait pu lui conter, plus que n'importe quelle comptine ou blague vaseuse, c'est ce genre d'histoires qui entretenaient le plus son visage comblé, débordant, souriant.

« Je vois. Vous n'avez de pitié mais une rancune certaine envers ce clan. Cependant, je doute que vous soyez assez sotte ou devrais je dire plus exactement assez naïve pour m'en parler si vous avez une réelle raison de m'occulter de telles informations sur ce qui vous a poussé à de telles mesures. Certes, votre fameuse sœur a su saisir l'opportunité qui lui était donné, gravir les échelons sans s'attirer les foudres de personne et sans subir la moindre contestation. Elle se croit en sécurité sur ce trône fait d'argile glacée et de pierre marbrée mais c'est là sa plus grossière erreur. Elle est loin de se douter que ce trône auquel elle tient tant est celui à causer sa perte. »observa-t-elle, appuyant sur tout les lettres pour être sûre et certaine de se faire bien comprendre.

Sa voix parcourait la surface plane du rectangle aux quatre murs pour se fondre dans la cacophonie extérieure. Elle ricana en fixant son verre plongée dans sa réflexion presque intérieur à un point où n'importe quelle parole proférée à l'extérieur n'aurait pu l'atteindre à ce moment précis. Ses yeux semblaient en quelque sorte vides mais au même temps illuminés par une lueur étrange, énigmatique presque maladive de frénésie pure. Elle ajouta quelques instant après, ayant ingurgité une bonne gorgée de plus ayant décidément prêté beaucoup plus son attention que d'ordinaire à la conversation qu'elles se voyaient disputer. « Pourquoi ? Mais évidemment, car il est des plus faciles à mettre à mal et le plus difficile à quitter une fois qu'on s'est engagée, dévoué son âme, défendu bec et ongles. Le vôtre, d'une pierre plus robuste ressemblant à de l'onyx, tâché de sang et recomposé de cadavres que vous avez piétiné, ne saura flancher sous l'impact de l'autre et vous n'auriez crainte de vous affronter. Votre réussite ne sera qu'inévitable si vous continuez de mettre toutes les chances de votre côté, sans compter de vous attirer le plus de faveurs possibles, suite à quoi vous êtes prêtes pour une tel défit selon moi. »affirma-t-elle avec une confiance presque hors du commun qui aurait pu sensibiliser n'importe qui à l'étrangeté de la situation, ce qui semblait plus à des conseils qu'à une menace si l'on en croyait ses intentions à la belle rousse.

L'odeur du sang frais provenant de la plaie de sa compagne, se rependit dans la totalité de la pièce comme une traînée de poudre voire même encore plus vite que cela, n'ayant fort heureusement pas atteint la porte de voile ni la salle voisine ce qui aurait pu attirer une attention indésirable sur la pièce reculée. L'odorat aiguisé de la vampire, qui semblait encore se perdre dans un monde qui lui était propre et dont l'entrée se voyait réservée qu'à elle seule, le lui avait indiqué sans qu'elle ait à observer le petit jeu de mains de Heavenly qui décidément appuyait ses propos sur bien plus que de simples paroles dans le vent. Le cadran de la pendule était, hormis les paroles des deux vampires exquises, la seule chose que le temps n'avait pas apparemment su arrêter. Les invités en dehors, un chambellan cherchant désespérément les traces d'une maîtresse dont il ne pouvait s'en acquitter, les valets de pied à l'intérieur mais dont les oreilles semblaient plus muettes que des tombes - ceux-ci étant la première source de rumeurs et autres ragots - voire même la bâtisse entière, semblaient avoir été victime d'un charme.

Un ensorcellement sans nom qui figea le temps ou le fit se concentrer dans les deux protagonistes pour qui tout semblait se jouer à quelques mots près qui s'échappaient avec aisance et rapidité bien que tout sauf imprudemment. « Je comprends beaucoup mieux votre situation à présent et je vous remercie pour tous les renseignements que vous avez su m'apporter avec brio, toutes les réponses y dissimulées également mais je tiens tout de même à vous poser une petite question. Vous avez sans doute remarqué l'intérêt que je vous porte, outre ce fait je ne vous aurait jamais invité à vous entretenir seule à seule en ma propriété privée dans mon boudoir, mais je ne peux que remarquer la manière dont vous contez votre récit. Tout semblait insinuer que vous n'avez guère besoin de moi pour assouvir ces fameux "projets" que vous nourrissez, ou me suis-je trompée ? Non. Permettez-moi de corriger cela. Je ne vous suis guère INDISPENSABLE pour être précise et ce seul fait ne m'allègre point à vrai dire. J'aurait pris cela venant de moi comme de l'égoïsme pur et vous en ferez peut-être de même, il vaudrait mieux. »

Elle toussota légèrement dans son poing avant de préparer mentalement ce qu'elle s'apprêtait à dire, non pas car il en venait à sa fierté et qu'elle déteste parler dans l'impulsion, la chaleur du moment, mais plutôt car les mots à sortir pourraient vite devenir quelque peu agressifs sur les bords et très peu recommandés pour l'interlocutrice qu'elle avait en face d'elle. « Certes, vous allez me divertir. Certes ma vie monotone ne saurait plus l'être une fois que vous en ferez brièvement partie et que j'aurais une affaire de plus à me mêler, en dehors de toutes les autres qui ont su me lasser merveilleusement bien. Certes, je veux vous observer de près et qui sait vous infliger le coup de grâce le moment venu. Mais, que je sache, en AUCUN CAS je ne vous ai permis de me regarder de haut ou de me prendre pour garantie. »continua-t-elle avec un regard d'où jaillissait une intensité impressionnante qu'on n'aurait pas pu traduire par des notions simples comme la haine ou le regret mais qui devaient s'approcher plus du premier choix que du deuxième, sans aucun doute la connaissant.

Elle n'avait aucunement l'intention d'ôter le peu de pétales restantes à cette rose blanche dont les feuillages commençaient à se ternir, à se souiller de mélange carmin mais dont l'apparence globale restait d'une pureté sans égale, vision qu'offraient ses paroles quelques minutes plus tôt et on ne peut plus ajustées à sa manière. « Du moins, il me semble n'avoir jamais prononcé ces mots. Inutile de vous dire que je suis une femme très prise aussi bien par mes relations, que par mes devoirs aussi bien visibles que secrets mais je ne vous ai en aucun cas donné ma parole. Je préfère tirer cela au clair dés maintenant pour ne point y voir d'inconvénient plus tard. Votre arrogance ne me déplaît point, au contraire elle me réjoui en donnant un petit accent peaufinant à notre relation insipide. Votre impatience n'est guère un défaut mais une chose à modérer. Mais ne jamais en user en ma présence, ce serait le seul conseil que je pourrais vous donner dans ce genre de situation. »ajouta-t-elle plus calmement mais sans rien perdre de cette ironie incontestée qui en était presque devenu sa marque de fabrique, pour tous ceux ayant pu la déceler parmi ces mille politesses et autres gestes mondains.

Spoiler:

Voilà à nouveau ce bourdonnement qui faisait surface au creux de son oreille. D'où provenait-il ? Elle l'ignorait. Il ressemblait à un appel, à une mise en garde qu'on essaierait de lui faire parvenir, un avertissement qui lui était dirigé et qu'elle serait sotte de ne pas remarquer, mais de quoi essayait-il de la prévenir exactement ? Elle n'avait pas de rival, pas de prétendant, ceux-ci ayant toujours tendance à être plus faiblards qu'elle, chose qu'elle ne permettrait pas, pas de parents, pas de proches, pas de connaissances en qui elle avait confiance, absolument rien qui puisse la blesser inutilement. Alors pourquoi devait-elle se garder de cette vampire, fruit n'ayant pas atteint la maturité, encore vert, pas mûr ? Elle se doutait de quelque chose cela dit ...

Meredith avait toujours représenté le personnage type qu'on s'attend fortement à rencontrer lorsqu'on mentionne le peuple vampirique dont les charmes qu'ils ne cessent d'user pour atteindre leur but ne sont que monstrueusement efficaces. Elle n'en est qu'une parmi tant d'autres cela dit à porter en elle cette partie d'ombre et à arborer avec malice ce visage triomphant face à ceux qu'elle considère presque comme ses sujets. Elle sut manipuler, avancer, manier, gagner, usurper, triompher, douter, méfier, rivaliser, s'avachir pour ensuite se redresser dans toute sa splendeur. Ce n'est pas pour rien qu'elle était parvenue à dérober ce rang à tant d'autres qui le convoitaient avant elle, les moyens n'étant jamais trop sinueux pour en venir à bout, jamais trop enviables, suffisamment précieux pour cacher derrière toutes les barbaries qu'on pouvait commettre pour y aboutir.

C'était bien la première fois d'ailleurs que ce masque imperturbable se voyait ébranlé, que sa face stoïque perdait sa neutralité pour afficher une émotion, que quelqu'un parvenait à perforer ses défenses contre lesquelles tant d'autres s'étaient vu impuissants. Ce fait représentait à lui seul, une chose de laquelle elle pouvait être fière, un accomplissement point négligeable mais qui piquait à vif les nerfs peu patients de la dame. Elle se laissait emporter par ces paroles manipulées dans le seul but de la duper, de la cerner, alors qu'elle même usait de ce stratagème pour accéder tranquillement à l'esprit de son adversaire noyé dans la confusion, l'amalgame de divers concepts qu'elle ne se faisait pas prier pour discréditer.  Mais voilà que tout ceci flétrissait pour former plusieurs morceaux informes dont on ne distinguait plus l'origine, que ses idéaux et le travail de plusieurs décennies pour ne pas dire siècles entiers, prêt à s'effondrer devant ses yeux si elle ne se reprenait pas en main dès maintenant. Et au centre de cela, qui d'autre que Heavenly.

Meredith ne pouvait s'en prendre qu'à elle et à elle seule pour une telle erreur de jugement qu'elle n'était pas propice de commettre à nouveau, du moins dans les temps à venir. Elle avait si souvent sous estimer les autres, avec raison pour tous les cas précédant celui-ci, ce qui l'avait poussé à en oublier les doctrines et autres politesses à employer, ce qui avait conduit à la situation en main, le résultat obtenu. Pour tenter d'achever cet échange dans les plus brefs délais, non pas car elle souhaitait s’acquitter de la présence de la jeune femme mais bien parce qu'elle ne semblait pas capable de son seul gré de reprendre face. Pas ce soir.

Un énervement bien qu'infime avait déjà prit possession de son esprit et elle ne supporterait pas bien longtemps de laisser érigées des murailles qui ne la défendraient pas sous peine d'accomplir une erreur quelconque qui ne saurait que dégénérer dans l'état où elle se trouvait. Elle se détestait pour cela. Elle se voyait convertir dans le genre de personnage régit par ses sentiments, tout ce qu'elle haïssait le plus en somme et qu'elle rejetait totalement. Ce qui suivit ne fit qu’alourdir la charge déjà assez accablante comme ça qui pesait sur les épaules de la vampire digne mais qu'elle ne portait que très mal certainement faute de pouvoir céder facilement sa fierté poignante.

Ravalant sa salive pour préparer sa gorge qui était, sans dire, assez sèche malgré la liqueur qu'elle engloutissait de plus en plus vite , elle réagit toujours aussi adroite dans le choix de ses paroles, aussi conforme à l'opinion qu'on avait d'elle mais perdant un peu la face intérieurement, pour être sincère. « Je n’appellerais pas cela de l'hardiesse mais plutôt une démonstration de vos propos que je n'ai pas su tolérer. Je suis confuse également pour mon agressivité à votre égard, cela ne relève guère de mes attributs une telle réaction. Vos paroles me confortent, aimable à vous de les prononcer mais hélas j'en crois pas un piètre mot. J'oserais ajouter que vous ne sauriez pas m'influencer même si telle était votre intention donc mes choix se feront selon mes envies et mes disponibilités, n'ayez crainte. Cependant, laissant cela de côté, vous avez parfaitement raison de me conduire dans le droit chemin sans quoi je me serais égarée et l'on aurait pu continuer cet échange insensé pendant quelques heures davantage. »ajouta-t-elle essayant de faire bref mais sans vouloir perdre le peu qui restait d'elle de cette courtisane aguerrie dont les talents d'oratrice ne faisaient que s'intensifier au fur et à mesure que le problème se corsait, au sang froid impossible à réchauffer et cette façade démente.

Elle se serait volontiers abstenue d'accepter la proposition de la belle Heavenly, d'envoyer valser cette confiance sans failles qu'elle avait en ses méthodes mais couper dans le vif un divertissement tel que celui-ci et se daigner refuser un tel défit lui ressemblait encore moins comme démarche. Agir d'abord, réfléchir après, concept qu'elle s'efforçait d'appliquer cette fois-ci, prête à se charger de toutes les conséquences plus ou moins importantes qui suivraient. « Trêves de compliments futiles qui ne sauront point vous avancer dans votre quête de l'impossible qu'il me plait bien de défier aussi souvent que possible. »dit la belle femme avant d'évaluer de plus près les arguments de Heavenly qui ne sauraient être que très ajustés.

Elle n'éprouvait plus ne serais-ce que la moindre envie d'analyser le sujet sous différents angles ou même tendre un piège à la demoiselle pour usurper quelque satisfaction de plus que l'acte en lui-même ne saurait lui apporter. « Je crois que vous avez prit soin de détenir toutes les cartes en main nécessaires à piquer ma curiosité et vous attirer mes faveurs. C'est un bel essai je dois l'avouer. »ajouta-t-elle à nouveau bien que l'étendue de son admiration s'arrêtait effectivement bien là. Elle se cambra en avant pour atteindre la table de bois et croiser les deux mains sur lesquelles se tenait son menton tout aussi fin que le reste de son visage de porcelaine. Elle remit sa robe à la place qui lui convenait avant de reprendre son discours, tout aussi superficiel que superflu.

« Je vous vois bien assumer ce rôle que vous souhaitez vous approprier. Une manipulatrice de plus prenant le pouvoir ne semble pas une mauvaise chose. Tant que vous ne devenez pas à mes yeux une gêne ou une ennemie dont je dois me débarrasser, la suite s'annoncera plutôt prometteuse et sans doute des plus intéressantes. Cependant, je vous conseillerais probablement de laisser aller votre ego parfois, chose que je peine à faire et qui m'aurait permis de sortir de certains milieux fâcheux bien plus facilement. » dit-il en lâchant un soupir resté en cage et qui symbolisait peut-être toutes les épreuves qu'elle avait eu à traverser au fil du temps et qui lui avaient donné particulièrement du fil à retordre car elle se refusait catégoriquement à abandonner cette fierté inutile. Faisant un peu le point dans son discours, elle crut juste bon d'ajouter une dernière affirmation qui était tout compte fait, la plus importante de tout ce charabia. « Je crois qu'il est inutile de vous l'annoncer officiellement de la sorte mais je crains que vous ne comprendriez pas autrement. J'accepte bien évidemment notre contrat bien que je n'ai pas confiance en seulement un échange oral tel que celui-ci. Ma demeure, bien que des plus fréquentées où des centaines de gens pénètrent tous les jours pour ensuite ressortir par cette même porte principale, saurait être plus qu'à l’abri pour notre traité qu'il ne nous manque plus que rédiger. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le domestique qui se tenait jusque là à l'écart comme tous les autres, autre que celui-ci qui avait attendu à leurs demandes quelques instants auparavant, se précipita à aller quérir un papier manuscrit et un pot d'encre, sans oublier la plume qui leur servirait à mettre par écrit ce qu'elles avaient décrété à l'orale. « Ce n'est guère parce que je n'ai pas confiance en vous que j'en reviens à ces méthodes et encore moins car j'aime garder une trace écrite de mes accords, mais simplement pour m'assurer que tout se passera comme prévu. Je vous prie d’annoter vos conditions s'il y en a et je prendrais soin d'ajouter les miennes à la suite qu'on puisse régler ici et maintenant les derniers détails. C'est tout. »

Elle lui tendit la feuille vierge avec tout le matériel qui lui serait nécessaire et reprit une pose détendue en s'appuyant au dossier du fauteuil. Ses boucles vermeilles coiffées en arrière pour ne pas la gêner, son fard noir trônant sur ses longs cils, ses lèvres charnues, elle n'eut qu'une chose à ajouter. « Au fait, j'allais oublier. Vous saurez comment me contacter si jamais l'envie vous prends ou que vous avez réellement besoin de mes services, par missives ou à travers mon intendant qui ne manquera pas de me faire transmettre votre message. Je n'ai normalement aucun intérêt aux entrevues privées, qui ne sont à long terme que des pertes de temps excessives n'apportant que la mauvaise humeur, je saurais faire une exception dans votre cas. » Cela concluait la plus part des négociations. Les dés étaient lancés. La bataille imminente se préparait et elle saurait disposer de tous les pions en sa possession, tant que nulles pertes n'étaient perçues, et les déployer pour gagner non seulement cette altercation mais la guerre entièrement.

Spoiler:

La vampire n'avait pas l'impression de se donner en spectacle et encore moins de perdre la face. Disons qu'à ses yeux cela ne s'agissait ni plus ni moins que d'un repli stratégique et qu'à leur prochaine rencontre elle n'hésiterait pas, une fois de plus, à froisser la jeune femme comme il lui plairait. Elle ne la croyait pas inférieure, ce serait une bêtise de plus qu'elle ne pourrait se permettre, mais elle gardait confiance en sa puissance qui contrairement à la sienne, semblait bâtie sur des bases beaucoup plus stables et solides. Aucunement sur une confiance infondée et futile que le premier venu pourrait dérober.

Elle porta une pensée à ce qui l'attendait une fois cette petite réunion fort divertissante définitivement achevée. Dans son esprit s'établit un véritable parcours entre les conférences auxquelles elle se devait d'assister, en passant par ses devoirs auprès de l'hiérarchie d'autant plus auprès de la reine elle-même, en n'oubliant pas de passer par les paperasses qui s'empilaient sur son bureau. Affaires secrètes à part, tout un tas de choses des plus pénibles qui sauraient rapidement effacer le beau temps qu'elle passait à l'instant. Remarquant le désarroi que de telles pensées lui procuraient et focalisant son attention déviante sur Heavenly qui le méritait beaucoup plus, elle s'empressa de répondre à ses répliques.

Elle n'avait perdu en rien sa défiance qui lui était propre malgré ses avertissements et la vampire voyait cela d'un bon œil. « Je me dois de vous reconnaître comme tel à partir du moment où vous mesurez vos paroles au point où elles cessent de sortir de votre bouche, libérées. Selon moi, une fois que vous auriez posé ces chaînes, vous ne serez plus en mesure de les ôter et vous emprunterez alors un chemin irréversible très chère. Le mal est un fardeau hardi qu'il est difficile de porter aussi bien qu'une libération à bien des mœurs que seuls les êtres purs peuvent éprouver. Cependant, je dois avouer que très certainement arrivé à un certain point dans leur progression, tout individu se voit confronté à des choix et choisir une façade fausse et réfléchie est souvent celui que le plus font. Cela dit, les plus courageux, ou devrais-je dire téméraires inconscients, restent fidèles à eux-mêmes. »

Voyant que son petit discours sortait de l'orbite que lui imposait le thème d'origine, elle toussota légèrement pour finalement ne rien ajouter de plus.  Perdre le fil au cours d'une conversation n'était point commun de sa part, puisqu'elle prenait soin de toujours écouter avec la plus grande attention mêmes les dialogues les plus incongrus. Pour se démarquer parmi ceux se considérant nobles, une apparence décente, un don de parole miséreux accompagné des plus futiles sujets de conversation, sans oublier une hypocrisie sans limites, étaient les seules notions nécessaires. Faites cela et vous deviendrez facilement une de plus parmi ces énergumènes perdus hors de leur petit monde de beauté, n'ayant jamais connu de véritables différends ou autres troubles. Sortant de sa petite bulle, elle se ressaisit.

« J'espère que vous plaisantez ! » dit-elle entre deux éclats de rire assez discrets comme si elle venait d'entendre une des blagues du meilleur des humoristes. « Le jour où je ferais pleinement confiance à d'autres que moi, c'est ce que je serais prête à leur confier ma vie si la situation l’exige. Je vais donc vous décevoir en répondant qu'effectivement, non je ne vous fait pas confiance. Certes, je ne crois pas que vous me tromperez, bien que ce traité ne serve qu'à mettre par écrit ce dont nous avons discuté aujourd'hui, mais je me dois de garder une certaine distance. J'ai vu trop de sang couleur devant moi pour des affaires relevant de ce domaine et même si je crois pleinement en mon jugement, je ne veux pas courir ce risque. Ce serait trop après une seule rencontre. Mon avis peut être amené à changer au fil du temps si vous me montrez que j'ai tort. » Elle sourit. « Vous n'avez à craindre, cette condition sera toujours respectée puisque moi-même, si je me voyais poussée à vous contacter, je préférerais largement m'entretenir avec vous en face à face quitte à vous faire venir me rejoindre. Pour ce qui en est des entrevues, j'ai un emploi du temps assez chargé, surtout dernièrement, mais je saurais vous réserver un peu de mon temps à chaque fois qu'il sera nécessaire. Après tout, je dois avouez votre compagnie plaisante, plus que celle de ses courtisans postés dehors. Sans aucun doute. » rétorqua-t-elle.

Ses paroles se voulaient peut-être réconfortantes mais hélas sa mention aux individus qui l'entouraient quelques heures auparavant, n'était guère joyeuse contrairement au reste du récit. « Pour ce qui est de cette affirmation, je voudrais vous rassurer ma chère. Si j'avais voulut vous trahir, je l'aurais au moment de notre rencontre ou déroulement de notre échange, jamais une fois celui-ci conclut. Je ne verrais aucun mérite à vous voler la vedette de la sorte, à employer de sordides projets pour rendre votre déchéance encore plus évidente alors que le défit, pari oserais-je l'appeler, se base exactement la dessus. Mais vous êtes bien prévenante de le mentionner. Après tant de mesures, ce ne serait qu'une perte d'envie et de temps que d'interrompre ce combat presque intérieur que vous menez entre votre passé et votre futur. » fit-elle avant de saisir d'une main le manuscrit que son interlocutrice lui rendait, prenant avec soin la plume à l'encre pour ne pas risquer de tâcher sa robe carmin.

Marquant une brève pause pour remettre sa robe tombante à l'endroit qui lui convenait, elle continua jugeant l'information qui suivrait des plus importantes. « Bien évidemment. Cela ne ferait qu'attirer une attention indésirable sur nous si une alliance venait à se créer venue de rien. Vous avez l'air d'une jeune femme respectable et vous possédez, rien qu'en regardant je peux le déceler, le calibre incontournable pour faire partie des nôtres. Je dois cependant vous prévenir que aucun écart de conduite ne sera permis et que je souhaiterais probablement être mise au courant de vos plus grands coups, si cela concerne de près ou de loin le clan. Je l'ai toujours contrôlé à ma façon et dans l'obéissance la plus totale, je ne vais pas laisser les choses changer tout à coup. » déclara-t-elle avec un ton descendant pour confirmer la fin de cet argument.

Tendant le bras pour parvenir jusqu'à l'élément renfermant les petites sucreries que son valet lui avait apporté plus tôt, elle en prit un, enleva la fine membrane le recouvrant pour éviter que ceux-ci ne fondent très certainement, pour porter ses lèvres à celui-ci le croquant le plus langoureusement possible. Celui-ci laissa après son passage un goût amer, piquant au contact de la langue, laissant toutefois une odeur sucrée et un arrière goût étonnamment sirupeux. C'était de loin la saveur qui lui correspondait le plus. Elle le savourait à son rythme posant ses yeux sur la jeune femme qui, si l'on croyait à l'évolution de leur discours, ne tarderait pas à partir ne voyant certainement pas l'utilité de rester en compagnie de la Giovanni plus de temps que nécessaire pour conclure l'affaire.

Avec une certaine déception, comme si elle voyait son jouet préféré lui être enlevé juste sous ses yeux, ce qui n'était pas faux si on se basait à son caractère mesquin, elle continua de manière inopinée. « En temps normal avec une nouvelle recrue telle que vous, je me serais permise une réception pour vous accueillir dans nos rangs et vous permettre de rencontrer les autres membres de la haute hiérarchie mais je pense que dans de telles circonstances, j'éviterais de trop ébruiter cela. Si vous avez des spécifications là dessus n'hésitez pas à les formuler, je verrais ce que je peux y faire. » ajouta-t-elle alors qu'un deuxième délice venait se dissoudre entre ses lèvres avides, voulant impérativement poser une question de plus avant de la laisser procéder à la suite. D'ailleurs le fait que vous ayez précisé " durant cette collaboration" signifie-t-il qu'une fois celle-ci terminée, il serait possible de vous voir devenir non pas une rivale mais une ennemie dont je dois me méfier ? »

Prenant un bout de tissu en soie immaculée qui trônait sur la tête juste à côté d'elle, Meredith s'essuya légèrement les doigts qui avaient porté les confiseries, ceux-ci extrêmement glissants. Prenant alors la plume pour ajouter sa signature royale au fameux document, elle s’exécuta rapidement avant d'enrouler soigneusement le parchemin et le donner à une de ses intendants le temps que leur discours ne se termine et qu'elle se voit donc dans l'obligeance de partir. Elle devait s'assurer qu'en aucun cas cette décision qu'elle prenait, cela va sans dire dans la foulée, ne prendrait des proportions démesurées et ne sortirait pas du cadre qu'elle s'était fixé, faute de quoi cela deviendrait trop entreprenant pour elle. Sa conduite qu'elle devait gardé des plus discrètes, ses mesures qui ne devaient pas devenir trop importantes au sein du clan pour que celui-ci ne se voit aucunement impliqué.

Ce n'était là que les grandes lignes de ce qu'elle avait rédigé mais absolument faisable pour quelqu'un de si désespéré. Elle n'avait que faire de ceux n'étant pas capables d’obéir aux ordres, se plier, se tenir à leur place, et Heavenly n'était pas une exception à cette règle qu'aucun dans ce clan n'ignorait. Vous sauriez vouloir exiger beaucoup plus et abuser de ma bonne volonté ? » affirma-t-elle comme si elle voulait observer la réaction qu'aurait cette dame à l'écoute de tels mots.

Croyant cependant avoir poussé le bouchon trop loin et proférer un avis qui n'étais pas le sien, elle reprit rapidement sans la laisser intervenir. « Je vous taquine bien évidemment. N'hésitez surtout pas à me les dire à haute voix plutôt que les réciter intérieurement. Je vous assure que je saurais les rejeter si elles ne me plaisent pas bien qu'on pourrait tout aussi les ajouter plus tard lors d'une deuxième rencontre. Je vous laisse prendre les rennes puisque par la suite ce qui revient à vous, ne revient qu'à vous de décider. Le plus infime mot, une expression un peu trop ouverte ou au contraire trop renfermée en certaines circonstances, pourrait vous coûter la partie après tout. »