La journée touchait à sa fin. À l'horizon flamboyait les couleurs vives et chaudes du crépuscule. Malgré l'heure tardive, il faisait encore étrangement doux, et les chers rayons de l'Astre du Jour couchant frappait avec une certaine hargne la colline aux coquelicots. Du bout des doigts, alors qu'elle avançait d'un pas léger et aérien, Vanille caressait les pétales d'un rouge sanglant. Les paysages environnants étaient absolument magnifiques. On ne pouvait que s'émerveiller de ce champ sans fin. Un léger sourire énigmatique ornait les lèvres rose pâle de la jeune femme, qui contemplait de ses grands yeux verts les environs. La magie à l'état pur coulait à flot en ces lieux. La Sirène pouvait sans mal ressentir la puissance qui émanait de chaque brin d'herbes. Cela faisait près d'une heure qu'elle marchait. Mais elle était loin de perdre patience. Elle savait ce qu'elle voulait, et elle ferait tout pour l'obtenir. C'était déjà étonnant qu'elle n'ait jamais rendu une petite visite au Temple des Esprits avant ce jour. Cela ne lui avait jamais paru fondamental. Mais elle voulait gagner en puissance, toujours plus. Il lui paraissait judicieux de compter sur les Dieux pour obtenir son dû. C'est alors qu'elle vit les immenses statues, comme décrites dans les écrits. Sans se soucier de ces étranges regards qui semblaient peser sur elle, elle avança. Un jour, il y a bien longtemps de cela, Caliel lui avait dit que les Aetheri eux-mêmes s'étaient trompés lors de sa création. Ils l'avaient faites belle, avec un corps parfait aux courbes appétissantes. Ils lui avaient donner le visage et la grâce des Anges, l'élégance des danseuses et un sourire à faire fondre les cœurs de glace. Le masque parfait pour une fille des Enfers. Qui pourrait douter d'une femme telle qu'elle ? Personne. Pas même les Dieux qui ne s'embêtaient très certainement pas à espionner tous les êtres de ces terres, d'autant plus pour ceux du Temple qui avaient une tâche si particulière. C'est vêtue d'une robe pâle aux couleurs acidulées qu'elle se rendait près des Grands Esprits. Sa longue chevelure cuivrée était détachée, et les boucles rebondissaient doucement le long de son dos et de ses épaules nues.

Sans la moindre appréhension, Vanille s'enfonça dans les tunnels sombres qui la mèneraient à son but. Ces drôles de galeries souterraines étaient illuminées par ce qui semblaient être des constellations. Elle se laissa guider par la tendre lueur d'une de ces étoiles. Elle lui avait pour ainsi dire taper dans l’œil, et elle sentait que c'était en elle et nulle autre qu'elle devait croire. C'était peut-être sa bonne étoile, celle qui veillait sur elle, grâce à laquelle elle avait toujours survécu. Et elle sortit enfin des tunnels. Curieuse, Vanille fit quelques pas sur le côté, scrutant avec une pointe d'intérêt la dizaine de soleils qui se couchait. Où était-elle ? Bien dur à dire. Mais il paraissait évident qu'elle n'était plus sur les Terres du Yin et du Yang dont le commun des mortels avait l'habitude. Mais son humeur n'était pas spécialement artistique, elle n'avait pas de temps à perdre dans la contemplation des environs. Elle s'approcha de la fontaine et la traversa sans plus attendre. L'intérieur du Temple lui tendait les bras. La pièce était immense. Ronde, des portes ponctuaient ses murs. Vanille en compta huit, bien qu'une était si délabrée qu'on ne pouvait plus l'emprunter. La flamboyante demoiselle haussa les épaules. Son esprit de contradiction l'aurait autrefois poussé à lever le mystère de la porte fermée. Mais la hâte parlait avant tout. Les livres qu'elle avait lu ne parlait pas de cette porte. Elle tâcherait de se concentrer sur cela plus tard. Et elle passa la porte qui se trouvait juste devant elle.

La tête légèrement courbée en arrière, Vanille contemplait la nouvelle pièce quelque peu sombre dans laquelle elle se trouvait. Tout était si calme et silencieux. Les pas délicats de la jeune femme tintait doucement. Légèrement appuyée sur un mur, elle laissa son dos glisser pour s'asseoir par terre. Ses bras frêles entouraient ses jambes, repliés près de sa poitrine. Menton posé sur ses genoux, elle patientait, un petit air de chez elle sur le bout des lèvres. Elle ignorait combien de temps elle devrait attendre. Autant s'occuper du mieux qu'on peut. Sa voix claire et sucrée s’élevait doucement, sans briser la quiétude des lieux. Elle murmurait dans sa langue maternelle un air que quelqu'un lui avait chanté il y a bien longtemps de cela. Pensive, Vanille laissait ses pensées s'envoler dans le flot de son passé. Mais loin de remonter à sa petite enfance, c'est plutôt sa conversation avec Gabriella qui lui revint en mémoire. « Pourquoi n'es-tu jamais allée au Temple ?» s'était-elle étonnée. Elle avait haussé les épaules en soupirant. « Je crois ne jamais avoir eu le temps.» - « Tu en as, là.» - « Oui et non. Je ne suis pas sûre que nos chers parlementaires apprécieraient mon départ précipité.» Elle réfléchit quelques instants. « Mais je peux toujours être accablée de l’enlèvement de mon bébé, et dans l'optique de le retrouver, je tâcherais d'augmenter ma puissance.» - « Tu es ignoble.» répondit Gabriella. User de la perte de son enfant était une tactique horrible. « Mais redoutable.» lâcha-t-elle en détournant les yeux. Vanille avait sourit. Et elle avait prévenu dans les minutes qui suivirent le Parlement de ses plans. On salua son courage, on murmurait sa bonté et sa beauté, et on s’émerveillait de sa prestance. Redoutable. Et maintenant, elle était au Temple. Et elle voulait être disciple, se lancer dans la voie du dragon.

M y l è n e  F a r m e r  -  M o n k e y  M e

Kaa traînait des pieds , mais avec élégance ... Allez savoir comment pouvait-elle combiner ce geste si peu gracieux et sa gracieuseté de déesse ! Outre cela , ce geste démontrait bien l'ennui consternant auquel elle faisait face , seule ici . Mais pourquoi parlait-elle , si elle était seule me direz-vous ? On peut être une sage Aetheri et se mettre à parler tout seul quand la folie de la solitude vous a quelques peu emportés et que cela fait bien des années que vous n'avez eu l'occasion de croiser quelqu'un de tant soi peu humain à qui lancer la conversation !

« Le temps est long ... Je ne savais pas qu'atteindre si vite la toute puissance avait quelque chose d'aussi ennuyeux quand on a pas de martyrs pour exercer ses pouvoirs sur quelques victimes ... »

Elle soupira un instant , levant les yeux au plafond et croisant ses mains dans son dos , joignant ses doigts entrelacés . Faisant un tour sur elle-même . Ses illusions ne l'amusaient même plus sans spectateurs , aussi écrasa t-elle de son poignet à la peau pâle le petit papillon bleu nuit qu'elle venait de faire apparaître , qui s'estompa en fumée quand elle rouvrit la paume de sa main .

« N'y a t-il personne qui veut être mon ami ici ? »

Bien qu'elle parlait dans l'air comme touchée de schizophrénie , elle n'attendait pas de réponse . Et quel ne fut pas son sursaut suivi d'un bond à reculons quand elle vit une forme humaine là , à quelques mètres d'elle assise au mur et qui chantonnait dans une langue qu'elle ne pouvait interpréter . Elle cacha sa surprise , toussotant un instant pour se faire entendre et apercevoir , vu que la jeune femme d'ici bas semblait perdue dans ses pensées profondes . Aussi réduit-elle la distance entre elle et l'inconnue mais restant à une distance raisonnable de sécurité dirais-je , de 1 mètre environ , bien qu'en tant que Déesse , elle ne craignait pas grand chose . On aurait pu la croire bornée de son invincibilité mais non, Kaa était au final quelqu'un de sage et réfléchi , qui malgré ses airs hautains et sûrs d'eux , cachait une grande curiosité vis-à-vis du monde . Ne se méprenant pas sur le fait qu'elle ne connaissait pas tout de ce monde changeant à chaque instant .

« Hum bonjour mademoiselle . »

Elle la fixa un instant avec ses grands yeux bleus , d'un bleu rare d'ailleurs et qu'il était très agréable à regarder , voir à se perdre dan ce regard infiniment profond qui pouvait exprimer tant de choses divergentes des autres . Sans même un battement de cil , elle put sonder cette inconnue aux cheveux flamboyants qui lui faisaient face .

« Et bien ... On ne peut pas dire que ce soit simple de trouvervotre réelle identité parmi tous les noms que vous vous donnez plaisir à emprunter . Cependant , parmi tes multiples facettes , je retiendrais la véritable ... Vanille Deslyce . Mais je préfère que tu me racontes le reste , ce sera bien plus amusant de te connaître un peu si tu me racontes ce que tu viens chercher en ces lieux , sur mon territoire . »

Elle relança ses cheveux en arrière et conclus .

« Celui de Kaa , l'un des esprits du temple sacré , et Déesse bien entendue . J'espère ne pas trop t'intimider cependant ... Vanille , si je puis te tutoyer déjà . »

Vanille contemplait la jeune femme qui lui faisait face sans que la moindre expression ne vienne teinter ses traits poudrées de poupée de porcelaine. À travers ses épais cils noirs, elle scrutait la dénommée Kaa. Ce n'était ni la curiosité ni l'intérêt qui l'avait poussé à observer l'Aether, seulement un espèce de sentiment de devoir. Après tout, n'était-elle pas là pour cela, pour discuter avec un Esprit du Temple et tenter de se faire accepter comme disciple ? Sans même s'aider de ses bras, la jolie rousse se releva avec une grâce naturelle pour faire face à Kaa. « Bonsoir. » Voix douce et claire. C'était la moindre des choses que de saluer quelqu'un de son rang, et quitte à commencer par quelque part, autant débuter sur les banales courtoisies inutiles mais si précieuses dans l'esprit des bonnes gens qui se voulaient faussement irréprochables, comme si le fait de dire '' les mots magiques'' effaçaient tous les pêchés. « Tutoie moi. Mais comme tu pourras le remarquer, je ferais de même.» Vanille s'adaptait toujours à son interlocuteur, mais elle n'acceptait jamais de ne pas converser d'égal à égal. Aether ou pas, si Kaa se permettait de faire fie des convenances, la jeune femme ne se ferait pas prier pour faire de même et n'en démordrait pas. Quant à l'intimidation, il paraissait plutôt clair qu'elle se fichait pas mal que la personne en face d'elle soit une Déesse. Elle semblait faire quelques efforts, mais rien de bien extravageant. Lentement, un charmant sourire malicieux étira le coin des lèvres roses de Vanille. L'éclat qui brûlait aux tréfonds de ses prunelles claires était assez énigmatiques. « Oui bien sûr, Vanille Deslyce, ma véritable identité.» D'une politesse exquise, son ton était loin d'être irrespectueux. Pourtant, elle relevait discrètement l'erreur éhonté de l'Aether qui avait cru voir juste. Et elle finit par soupirer, tout en écartant de ses longs doigts pâles quelques mèches cuivrées qui glissaient sur ses joues.

« Que dois-je donc faire ? Raconter ma vie ? Je risque d'avoir du mal à résumer plus de sept cents ans d'existence. Je sais que par rapport aux Esprits qui hantent presque ces lieux comme toi je ne suis qu'une gamine, mais je ne tiens pas à m'éterniser sur les pauvres événements soi-disant marquant de ma petite existence personnelle. Tout n'est pas bon à entendre, tout n'est pas bon à dire, et à quoi bon s'étaler sur des sujets sans intérêt ? Si tu as quelques questions ciblées à me poser, je serais ravie de répondre du mieux possible. Je ne suis pas conte les discussions, je n'ai simplement pas envie de me lancer dans l'un de ses monologues soporifiques, digne des dégénérés reclus dans les asiles qui déblatéreraient la moindre parcelle intime à de prétendus experts. » Elle fit une brève pause avant d'enchaîner. « Ce que je viens chercher en ces lieux ? Cela me paraît évident. Si beaucoup croient en vous, Esprits du Temple, je n'ai encore jamais croisé quelqu'un d'assez fou pour venir rendre une petite visite de courtoisie, dans le simple espoir de discuter un peu autour d'une tasse de thé. J'aspire à devenir disciple de ce Temple. Je suis prête à accepter de le protéger, et à manier une de ces armes légendaires dont tout le monde parle.» Elle haussa les épaules. « Je suppose que tu as recueillies les informations que tu attendais dans ce petit discours à faire pleurer de rire un crocodile. Mais je préfère que les choses soient claires, je ne suis ni ici pour inspecter rétrospectivement ma vie, ni pour me remettre en question, et je ne tiens pas à perdre de temps inutilement. J'accepte n'importe quelle contrainte tant qu'elle est justifiée, mais j'ai à faire. Il est difficile pour une souveraine d'abandonner son peuple. On part une journée, et on retrouve son Palais à moitié délabré, le peuple affamé dans les rues et les soldats décapités. À croire qu'ils ne savent pas se débrouiller seuls quelques minutes. Je suis déjà presque effrayée des conséquences de mon départ quelque peu précipitée.»

Vanille sourit. « As-tu entendu ce que tu souhaitais Kaa ? Je peux le dire autrement. Je suis Vanille Deslyce, Dame des Abysses, je viens chercher force et puissance auprès des Dieux.» Elle pencha doucement la tête sur le côté. « Et je suis prête à te divertir un peu, puisque tu sembles t'ennuyer ici. Je te comprends. Je n'aimerais pas être enfermée dans cette jolie cage, à attendre les postulants, que je sais nombreux, et s'occuper de leur cas.» Croyait-elle être seule lorsqu'elle dit vouloir un ami ? Vanille l'avait entendu. Mais l'amitié était tout un concept pour la jeune femme. Une notion lointaine, bonne pour les contes de fées. « Des questions ?» Mains jointes derrière le dos, elle fit quelques délicats pas sur le côté, un charmant sourire aux lèvres. Elle savait pertinemment que ses dires ne seraient pas forcément appréciés. Mais au moins on ne pourrait l'accuser d'avoir dissimulé la vérité, elle avait été étonnement franche. Ce serait toujours un reproche potentiel en moins. Loin d'être une blanche colombe, elle savait que son passé pouvait déranger. Mais il était aussi un atout en or. Si Vanille était disciple du Temple, elle promettait de le protéger, et c'était une crainte en moins : celle que ces ambitions demeurent terrestres et qu'elle ne s'attaque pas aux Dieux. Qui pouvait savoir ce qui se cachait derrière un esprit dérangé ? Si Kaa avait pris la peine de contempler ce qu'aurait pu être le futur, elle avait vu l'Autre Vanille, celle d'un avenir normalement aujourd'hui révolu, d'une puissance effrayante à faire pâlir les Aetheri, disparu à cette époque. Et il y avait matière à réflexion.

T h r e e D a y s G r a c e - Misery Loves My Company

Kaa écouta avec politesse ce long récit dont elle lui fit part . Car malgré les arguments de la sirène pour dire que les monologues à rallonges l'embêtaient profondément , elle s'était presque embarquée dans l'un d'eux . Mais la Déesse n'en fit rien et attendant calmement la fin de ses propos , elle les écouta tous attentivement . Quelque soit leur intérêt , plus ou moins approprié d'ailleurs . Puis quand la jeune femme semblait avoir fini sur cette simple phrase , Kaa rit gracieusement un instant tandis qu'elle concluait .

« As-tu entendu ce que tu souhaitais Kaa ? Je peux le dire autrement. Je suis Vanille Deslyce, Dame des Abysses, je viens chercher force et puissance auprès des Dieux. »

La demoiselle à la crinière de flammes , demanda si elle avait des questions . Kaa réfléchit un instant , soupira , laissa ses mais jointes dans son dos , fit quelques pas en arrière , tournant le dos à son interlocutrice .

« Dis moi Vanille . Quel intérêt trouves-tu à mentir un Dieu ? Que tu ne reverras sans doute jamais après tout cela mais passons outre ... Ce n'est point important . Je peux te dire en tout cas que je te trouve prévisible et ponctuelle comme une horloge . Littéralement parlant . »

Elle tournoya pour lui faire à nouveau face . Levant son fin index en l'air .

« Je te cite . »

Toussota un instant en mettant son poing devant sa bouche , elle releva le doigt et imita à la perfection la voix de la sirène , ce qui était assez surprenant .

« ... Mais je préfère que les choses soient claires, je ne suis ni ici pour inspecter rétrospectivement ma vie, ni pour me remettre en question, et je ne tiens pas à perdre de temps inutilement. J'accepte n'importe quelle contrainte tant qu'elle est justifiée, mais j'ai à faire. »

Elle rit à nouveau de sa petite et parfaite imitation , reprenant sa voix et lançant d'un ton chantant , une voix cristalline :

« As-tu seulement appris à compter sur tes proches un jour chère souveraine des ondins ? N'as-tu jamais pu poser ta main sur une épaule qui te soutiendrait ? Ou les as-tu tous poignardé dans le dos de tes doigts libres ou tout simplement de ta langue de vipère ? Tu es redoutable mais il y a toujours une faille à choisir la solitude ou les autres , il faut équilibrer la chose . Même si tu vas possiblement me rire au nez en me disant que cela est tout à fait ridicule . »

Elle la fixa doucement , lui lançant un sourire aussi rassurant qu'inquiétant , un étrange mélange de sous-entendus sous ses lèvres pincées dis donc .

« Mais la voie que tu as choisi dans cet espoir d'obtention de puissance , me dira déjà bien plus que nécessaire . Laquelle as-tu donc choisi ? »

Vanille arqua délicatement ses fins sourcils clairs. Ses lèvres s'ornait d'une charmante petite moue amusée qu'elle tentait plus ou moins de refréner tandis qu'elle contemplait Kaa. « Quelle malheur, je viens de perdre la dernière miette d'espoir que je conservais pour le genre bipède. Comme quoi les Aetheri ne valent pas plus que le commun des mortels. J'avais aspirer à mieux de la part d'une Déesse, ne serait-ce que d'une pointe de bon sens ou une once, même minime, de réflexion. Merci de m'avoir prouvé en un instant que je me trompais sur le compte de ton espèce. Toi qui semble prétendre me connaître alors que tu ignores jusqu'à mon véritable nom, ne me donne pas de leçon. Je suis bien plus sociable et aimée que toi.» C'était un don naturel chez la jeune femme. Elle rayonnait de joie de vivre et attirait les gens. Beaucoup appréciait sa présence, qu'ils soient ou non dans la confidence de sa réelle identité. Certains, hommes comme femmes, et ils étaient nombreux, se battaient pour ses faveurs. Elle avait énormément d'amis, qui n'hésitaient pas un instant à se mettre en danger pour elle. Et elle faisait souvent de même. « Je ne suis pas seule, je suis très entourée, sans pour autant me noyer avec d'autres.» Elle haussa les épaules en riant doucement. « Et si tu avais réellement jeté un coup d’œil à ma pauvre existence, tu aurais vite vu que je ne peux me passer des autres. Ils me sont très précieux, et j'entretiens avec soin les relations que je juge méritantes. Comme tout le monde. Sauf que je l'avoue aisément. Mais pardonnez-moi, ô puissants Aetheri qui peuplent les cieux, de ne pas être tel que vous m'avez faîtes. Un petit conseil : sortez de votre trou. On vous oublie, là-haut, et vous dépendez de nos croyances. Il serait bête de disparaître par orgueil.» Elle sourit. Que croyait cette Kaa ? Que Vanille était une ignorante qui ignorait le fonctionnement de ce monde ? Les Aetheri ont toujours été trop confiants. Le futur où ils n'étaient plus les avait quelque peu ébranlé, et sous leur air de fier, ils devraient craindre pour leur avenir. « Oh pardon.» répéta-t-elle avec un air faussement gêné. « Aurais-je osé répondre à la Grande Kaa, cette vile manipulatrice de l'âme, trop heureuse d'user de ces pouvoirs pour imiter une voix ? Apprends à mieux choisir tes citations, d'ailleurs. On raconte que tu aies celle qui aime montrer la vérité nue, aussi cruelle soit-elle. Tâche déjà de voir, toi, la vie en face.»

Vanille sourit, toujours aussi belle et d'apparence agréable malgré ses paroles acides prononcées de sa douce voix claire et sucrée. « Question sans sens. Qu'est-ce que cela va donc t'apprendre ? Rien. Ce sont des choix personnels et incompréhensibles pour les êtres extérieures, aussi divine sois-tu. A moins que tu aies envie d'être médisante ? Si je choisis le Phoenix, tu pourrais bien me juger d'une puissance moindre alors que je ne souhaite que perfectionner mon art ou apprendre plus sur la magie.» Car la Sirène ne prétendait pas avoir le savoir absolu, elle était friande de connaissances et ne crachait jamais sur de nouvelles informations. Les années passées en tant que bibliothécaire, son véritable emploi, devait y être pour quelque chose. « Si je choisis l'agilité, tu pourras rire de mon doigté ou de ma souplesse, alors que je cherche seulement à m'améliorer. La Tortue ? Traite moi d'idiote comme d'érudit. Le Tigre ? Critique ma force ou ma façon de réagir face aux tourments de la vie, mais je n'ai pas honte de mes petits bras et je suis satisfaite de ma volonté. Le Dragon ? Quel meilleur choix pour une poseuse comme moi ?» Elle fit une brève pause. « On va dire que j'ai toujours été une pimbêche. Ou bien que je souhaite continuer à éblouir mon auditoire, moi la catin des eaux incapable de gestes doucereux.» Elle se moquait clairement de Kaa. « Oh ? Ou peut-être que quelque chose d'autre m'attire ?» Elle laissait sa voix s'éteindre, suggestive. De toute manière, il fallait bien choisir. Mais si ça ne tiendrait qu'à elle, Vanille aurait fait toutes les voies tant elles étaient intéressantes. Il y a quelques jours, alors qu'elle y réfléchissait, elle penchait très clairement sur la Tortue. Ce n'était pas un choix aisé. « Que je suis mesquine, tu ne me posais la question que par politesse pour pouvoir me tester ou me renvoyer. Et non pas pour en apprendre plus sur ma petite personne.»

Quelques secondes s'écoulèrent. Vanille soupira. « Tu ne m'apprécies pas. Je n'en ai rien à faire, je ne te porte pas non plus dans mon cœur.» Elle sourit. Doux euphémisme. « Mais je ne t'ai pas mentis. Tu n'as juste pas fais attention au choix de mes mots.» Elle pencha quelque peu la tête sur le côté. « Affligeant.» Il fallait avouer que pour une représentation de la puissance suprême, c'était plutôt décevant. Peu importe que cette Kaa manipule l'air et la gravité, la vie comme la mort. Sa puissance magique pouvait être effarante, sa force démesurée, Vanille s'attendait à bien mieux au niveau de ses qualités d'oratrice et de réflexion. « Et refuse moi si le cœur t'en dit. Je n'en serais pas offusquée. J'irais voir ailleurs.» Ce n'était pas une menace, mais une simple constatation. Vanille voulait gagner en puissance, et elle userait de tous les moyens à disposition. Combative et déterminée, elle ne s'offusquerait pas si Kaa la virait de son temple d'un coup de pied. Au moins, elle pourrait prévoir de détruire le refuge des Esprits sans se soucier de ses engagements. Des révoltes grondaient, en haut. Certains refusaient la suprématie des Dieux et se réunissaient. Vanille n'avait pas encore choisis sa position en la matière. « Si tu préfères, je suis prête à refouler mon sale caractère pour la suite ?.» Elle rit.

J e s u i s u n h o m m e - Z a z i e

Kaa remarquait que Vanille avait beaucoup à dire , et une nécessité absolue d'avoir le dernier mot , toujours . La raison était presque inscrite d'une encre indélébile sur son front . Mais personne n'est parfait et donc personne n'avait jamais donné raison à tout , de même qu'elle avait forcément eu des torts . La déesse écouta donc son discours avec politesse , sans bouger , l'air attentive . Ses dernières paroles firent légèrement pencher la tête de la grande brune .

« Et refuse moi si le cœur t'en dit. Je n'en serais pas offusquée. J'irais voir ailleurs.»

Un sourire soulignant une émotion bien étrange se dessina sur les pommettes de la jeune femme tandis que la sirène conclut .

« Si tu préfères, je suis prête à refouler mon sale caractère pour la suite ?»

« Et tu me poses quand même la question ? »

Répliqua t-elle instinctivement . Elle soupira , repoussant ses manches larges en mousseline sur ses coudes , avec délicatesse . Répondant à ce discours dénué de sens , mais empli de fierté , de cette raison qu'on pouvait croire vraie ou fausse . Mais dont son expéditeur semblait parfaitement convaincu .

« Ma chère Vanille , tu te perds autant dans tes parole et tes propos que tu sembles savoir ce que tu dis . Il n'y a pas de match ou de fierté face aux autres en ma compagnie . Encore moins besoin de cacher ton insolente par ton ton inné de clarté et de douceur , ainsi que tes belles paroles sucrées de politesses . Je ne t'ai pas quémander de pleurer sur mon sort ni d'être gentille avec moi mais pas non plus à l'extrême de l'ironie et du sarcasme . Contrairement à ce que ton regard dit sur ma personne que tu estimes bien idiote après s'être reclus des années seule ici , je ne suis pas si peu mature d'esprit comme tu veux le croire . Ou je serais Aetheri à injuste titre . »

Une fois qu'elle eut finit son affaire avec les bouts de tissus qui couvraient ses bras , elle repoussa une mèche ébène venant encombrer son visage , et glissa d'une voix sifflante .

« On pourrait discuter comme deux femmes civilisées ma chère , car malgré nos jolis mots bien tournés , nous n'en sommes pas moins à joue cette joute verbale pour la gagner par tous les moyens . Mais je pense qu'avec toi , je n'avancerais à rien de faire un pas vers toi quand tu déverses ta haine sur moi sous de merveilleux propos avant de quérir mon avis sur ta façon d'aborder les choses . »

Elle fixa un instant l'immensité de la salle dans laquelle elles se trouvaient . Réfléchissant à la suite . Passer radicalement les politesses quand on pouvait obtenir ce même respect par les menaces ... Ou attendre sagement que la sirène ne n'en rende compte elle-même et retienne son venin ? Mais une femme forte comme elle ne semblait pas avoir de limite à ses glandes de poison dans ses paroles aussi fallut-il presser le pas . Mais Kaa lui proposa une dernière chance , une unique .

« Ainsi ... La magie t'intéresse . Es-tu sûre d'en connaître toutes les ficelles ? »

Kaa usa alors de ses pouvoirs d’illusionniste talentueuse et avérée . Elle était également maître de son territoire et sa magie lui permettait sans problème de modeler la pièce selon ses envies . Ainsi recula t-elle le mur auquel s'adossait Vanille , sans l'espoir de la faire tomber . Juste l'encercler . Ainsi tout se plongea dans l'obscurité , et la jeune femme se trouva au milieu d'un cercle blanc où était tracé une étoile à de multiples branches , au bout de chacune s'était allumée une bougie , une personne derrière , fixant la jeune femme . Toutes des personnes qu'elle connaissait , amants , enfants , ennemis . Et il fallait dire que cela formait un grand cercle bien garni avec les connaissances de la jeune femme . Kaa n'était pas dans le cercle mais avancée sur une des branches , face à la jeune femme .

« Dis moi Vanille ... Ce que tu veux dire ou ce que je veux entendre , ou ce qu'ils veulent entendre , peu m'importe . Parles mon enfant , nous t'écoutons . »

Étrangement silencieuse, Vanille se contenta de pencher la tête sur le côté, pensive. Les longues boucles de son épaisse chevelure cuivrée glissèrent de ses épaules nues pour rebondir délicatement dans le vide, le long de la courbe de son dos. Son joli minois à la peau nacré était illuminé d'un tendre sourire légèrement narquois. Perdue dans la contemplation de Kaa, elle s'interrogeait tout simplement sur le bien-fondé de sa requête. Elle avait besoin de gagner en puissance, c'était une évidence. Elle voulait s'améliorer, encore et toujours, pour attendre des sommets. Le Temple des Esprits était un bon moment de parvenir à ses fins. Mais il y existait de nombreuses alternatives, et elle était certaine qu'elle pourrait décupler sa force sans pour autant s'engager auprès de ses maîtres d'apprentissage. Et la bêtise de Kaa décourageait nettement Vanille. Cette Aether était une aberration dont la stupidité n'avait d'égal que dans son orgueil démesuré. Elle était persuadée de valoir mieux, simplement parce qu'elle était une Déesse. La Sirène ne pouvait que se moquer plus ou moins discrètement d'elle. Son charmant petit rire cristallin s'éleva doucement. « Mais tu n'es rien ma pauvre Kaa. Née ainsi, tu n'as absolument rien fait pour devenir Aether. Et cela explique bien des choses. Tu as profiter de ta place, de ton rang, sans jamais t'être battu pour l'avoir. Tu pourrais donc être la dernière des idiotes que cela ne changerait rien, on ne peut rien contre toi et ta bonne naissance. On s'attendrait pourtant à mieux de la part de quelqu'un qui porte ton titre. C'est affligeant. Alors arrête de rabâcher ta soi-disante science. Comme quoi on peut être aussi vieille que ce monde et d'une sottise impardonnable.» Ce n'était pas foncièrement sur un ton malveillant que la jeune femme prononça ces quelques mots. Elle avait souvent pour habitude de déverser dans ces paroles un venin des plus piquants. Mais en cet instant, elle ne faisait que soupirer, ses fins sourcils dessinés dans une expression consterné. À quoi bon cacher ce qu'elle pensait ? Kaa lisait peut-être les pensées. Autant lui faire part tout haut de ces constatations. « Donc oui. Pour moi, tu es Aether à injuste titre.» continua-t-elle en reprenant les mots de Kaa. Comme quoi l'on pouvait être une fille des Enfers mais vouloir un monde plus droit. Pour mieux le détruire.

Vanille haussa les épaules. C'était simplement ainsi. Ce monde n'avait jamais été équitable, il ne pouvait fonctionner dans le juste et préférait l'indigne. « Et je n'aurais qu'une question à te poser, car j'avoue tergiverser. Est-ce que tu m'écoutes réellement ou bien fais-tu semblant ? Car ta réponse laisse clairement à désirer. Alors soit tu étais ailleurs et tu parle sans savoir, et forcément à côté de la plaque, soit tu as un gros manquement de vocabulaire et tu ne comprends rien à ce qu'on te dit. L'un dans l'autre, c'est toujours aussi inquiétant. Le monde tourne grâce aux tiens. J'espère qu'ils ne sont pas tous comme toi. J'aurais aimé que tu saisisses réellement ce que je voulais te faire comprendre. Mais je n'ai pas de temps à perdre avec des incapables. Ce n'est pas à moi de t'apprendre le dictionnaire.» Et enfin, Vanille prit le temps de scruter la petite scène élaborée par Kaa, qui avait été la goutte d'eau dans un vase déjà bien trop plein. C'était plutôt agréable à regarder. La pièce était plongée dans la pénombre. Vanille était au centre d'une étoile blanche encerclée. À chaque pointe reposait une petite bougie. Les flammes et leur pâle lueur éclairaient des visages, ceux de personnes que la demoiselle avait connu. Vanille soupira, à nouveau. Ce n'était ni de l'insolence ni de l'arrogance. Juste un franche ennui. Et dire qu'elle avait voulu se montrer plus avenante. Kaa et son imbécillité ne lui permettaient pas de mettre à bien ses résolutions. On lui tendait des perches.

Une petite moue agacée aux lèvres, elle passa rapidement une main dans sa chevelure. « Navrée Kaa, mais je ne suis pas assez sentimentale pour déballer mon cœur à autrui, et pas assez folle pour converser avec tes jolies illusions.» Elle laissa son regard vagabonder sur les faces familières. « C'est tout à fait charmant, cependant. Et au risque de m'attirer ton courroux, je me dois encore une fois de relever une grossière incohérence.» Mais elle ne pouvait se taire. « Oui. Certes la magie m'intéresse. Je ne prétends pas, cependant, en connaître toutes les ficelles et j'aspire à aller plus loin.» Sourire en coin désolé face à la fatalité. Vanille, dans un élan miséricordieux, se retient de sortir à nouveau dans un contexte d'autant plus juste, la mesquinerie du dictionnaire. « Malheureusement, ce n'est point la voie du Phéonix que je suis venue suivre. Je compte apprendre l'embrasement de la magie ailleurs. En ces lieux, c'est le Dragon et son charisme qui me passionnent.» Elle haussa les épaules. « Souhaites-tu donc revisiter ton exercice ? Certes, il pourrait convenir au chemin que j'aspire. Mais c'est avec une infinie volonté d'apprendre que je te fais part de mon ressentie, ainsi que de mon dégoût de parler à des illusions du passé.» Elle contempla à nouveau les visages. « Et si par hasard te venais l'idée de faire venir les vrais ou sortir les âmes des limbes, tiens toi bien de le faire. Je doute que tu veuilles me voir tourmenter des créatures qui ont déjà trop subis de ma présence.» Autant dire la vérité crue. Vanille n'était pas quelqu'un de bien. Parler à des fantômes sans âme ou cœur n'avait aucun sens. La mettre en face de ces victimes étaient indignes d'une Déesse, car ce qu'ils voudraient entendre est une chimère. Pourtant, la Sirène prendrait un malin plaisir à ajouter le cyanure de sa joute dans des plaies encore béantes. Mais cela ne plairait très certainement pas à Kaa.

« C'est tout ce que j'ai à dire pour l'heure et dans l'état actuel des choses.»

« Mais tu n'es rien ma pauvre Kaa. Née ainsi, tu n'as absolument rien fait pour devenir Aether. Et cela explique bien des choses. Tu as profiter de ta place, de ton rang, sans jamais t'être battu pour l'avoir. Tu pourrais donc être la dernière des idiotes que cela ne changerait rien, on ne peut rien contre toi et ta bonne naissance. On s'attendrait pourtant à mieux de la part de quelqu'un qui porte ton titre. C'est affligeant. Alors arrête de rabâcher ta soi-disante science. Comme quoi on peut être aussi vieille que ce monde et d'une sottise impardonnable. »

Kaa ne lui accorda qu'un regard déçu et triste de tant d'animosité . Oh Kaa était un Dieu mais comme tout être elle n'était pas parfaite . Et Vanille en faisait un excellent exemple . Non pas de dieu mais d'imperfection bien qu'elle tentait de faire croire le contraire . Elle ne répondit que par un soupir , laissant la jeune jouir de son illusion lugubre tandis que la jeune femme rousse fanfaronnait encore et encore . Jusqu'à quelles limites fallait-il aller pour piétiner la fierté d'une femme si forte qu'elle pourrait dénuer toute logique à ses mots pour garder une once de dignité ? Ses commentaires allèrent bon train au sujet de cette petite entrevue fantaisiste d'ailleurs . Tous plus froids et cassants les uns que les autres et Kaa n'était même plus amusée , au contraire même , elle se lassait de tant de fioritures . Elle blablata encore un instant et la Déesse dans sa plus profonde lassitude , plus puissante encore que celle que la solitude lui fournissait , n'accordait qu'une seule oreille attentive à ses pics et à son venin craché sur une défensive qui en disait long sur l'atteinte à son statut de supérieure entre tous .

« Tu as beau être la Reine des Sirènes , une femme qui se dit forte ... Dans ta puissance , tu n'es que plus faible de ta croyance en ton invincibilité autant sur ta fierté que de te jouer de tout . Je n'arriverais vraiment à rien avec toi . »

D'un claquement de doigts , elle fit disparaître toutes les illusions . Soupirante , traînant les pieds mais demeurant élégante , elle commençait à trouver cet espace étroitement petit pour une femme au si fort caractère qui commençait franchement à entamer son amusement au dépit d'un grand ennui . On peut tester les gens mais la sympathie n'est pas un luxe à payer , juste une politesse à connaître pour faire preuve de ses manières . La gentillesse naïve ne mène à rien , l'animosité exagérée envoie à la fatalité , et par cela elle entendait le bout du tunnel de tout être ; LA mort . Elle soupira à nouveau pour poursuivre , s'arrêtant de bouger pour se mettre face à la dite reine et la fixer froidement .

« Tu sais ... Il n'y aucun public à épater ici . Et bien que nous ne sommes pas là en visite de courtoisie pour prendre le thé , du fait que nous ne nous reverrons sans doute jamais , tu peux arrêter tes 1001 manières pour me rabaisser . C'est bien rigolo hein ? Mais ça ne te mènera pas au but que tu recherches crois moi . J'ai trouvé ce que j'ai à te faire passer comme épreuve pour ce petit test et que tu obtiennes ta récompense . L'enjeu est de taille et ... »

Elle rit un instant , plutôt heureuse de son idée . Saugrenue mais pour une dame telle que Vanille , c'était presque comme livrer une guerre sans doute ! Elle secoua la tête se reprenant avec un large sourire .

« Pour quelqu'un comme toi ... Je pense que ce ne sera pas chose simple si je puis me permettre ! As-tu une petite idée de ce que je vais te demander ? Ce à quoi tu tiens plus que tout ... Du moins , ce que tu laisses paraître comme chose la plus précieuse qu'on ai mise à tes mains si je puis dire . »

« Mais oui mais oui, ô grand Kaa.» souffla ironiquement et non sans cynisme Vanille, avec une pointe d'exaspération dans la voix, à peine voilée, car volontairement glissé dans ses intonations sucrées. Dans un soupire, la Sirène leva les yeux au ciel. À défaut d'être en bonne compagnie, au moins les paysages étaient-ils enchanteurs. Dans les situations perdues, il fallait toujours se raccrocher à un petit détail. « Vas-y, continue à t'enfoncer en clamant que je me crois sur-puissante alors que je suis étrangement dans un lieu pour apprendre.» On frisait la démence. C'était donc ça, les Aetheri ? Vanille comprenait sans mal pourquoi, dans un futur, elle avait contribué à leur extermination totale et définitive. C'était réellement affligeant. Il fallait que ça change. Et elle contribuerait à cela. « Crois-tu sincèrement que j'essaie d'épater la galerie ? J'ai au moins eu la décence de ne pas me faire passer pour ce que je ne suis pas, quant bien même je t'ai proposé de jouer les adorables gamines après t'avoir montré la vérité, ce que tu as refusé. Assume tes choix. Comme tes erreurs.» Allusion directe à la petite mésentente sur les différentes voies de son propre temple. « Je ne cherche ni gloire ni honneur. Si tu me connaissais vraiment, tu le saurais. Je me fiche complètement de ce que toi, tes collègue, ou un potentiel public pourrait penser, je suis là pour une voie du Temple, point final et c'est tout. Je n'en demande pas plus. C'est toi qui veut sauver ta face d'un public imaginaire, à moins que tu ne veuilles être ridicule devant tes compères. Car dans le cas contraire, tu serais simplement passer à autre chose sans prêter garde à mes paroles et remplis ton rôle, au lieu de toujours chercher à me répondre avec des arguments bancales, alors que la seule chose que je veux est que tu te taises et me fasse passer tes fichues épreuves. Plus vite ce sera réglé plus vite je disparaîtrais de ta vue.» En plus, pour une fois, ce n'était même pas elle qui avait lancé les hostilités, mais la Déesse qui avait voulu faire sa maligne en se présentant.

Vanille croisa délicatement ses mains derrière son dos et se mit à faire quelques pas dans la pièce. Kaa ne s'en rendait certainement pas compte, mais la sulfureuse Ondine avait pourtant tâché de demeurer polie et courtoise, de rester calme et de ne pas s'emporter, quant bien même elle avait un caractère pour le moins extrêmes et enflammés. Si ce n'était pas une Déesse puissante qu'elle avait près d'elle mais un mortel commun des terres, il y a bien longtemps qu'elle l'aurait fait taire de façon définitive pour ne plus entendre ses simagrées et débarrassé le monde d'une petite idiote. Malheureusement, l'imbécile en question faisait partie des grands architectes de l'univers. Et on se demandait pourquoi il ne tournait pas rond. « Navrée d'être ainsi. Je ne sais pas qui m'a crée, mais allez lui dire qu'il s'est bien raté. Mais je ne peux contredire le fait que tu n'arriveras à rien avec moi en me mettant face à des illusions de mes connaissances.» Elle fit une brève pause. « Alors je t'en prie, étonne moi. Qu'as-tu concocté pour moi ? » Elle se retint de dire que boire un thé serait très certainement plus productif. Son humour serait à coup sûr mal vu. Et à raison. « J'ai hâte de voir l'épreuve en question.» Au moins était-ce vrai. Kaa semblait sûre d'elle, ce qui ne pouvait qu'éveiller une pointe de curiosité et d'espérance. « Et je me garde bien d'émettre des hypothèses sur ce qui pourrait sortir de ton esprit.» Malgré tout, elle cherchait évidemment des possibilités. Quelques idées germèrent. Et peut-être que Kaa était en train de faire la pire erreur de son existence. Car si elle s'en prenait à ce que Vanille pensait, la demoiselle n'hésiterait pas un seul instant à claquer la porte. Et à faire en sorte que l'avenir soit sombre pour la race céleste. Ce qui fut fait une fois pouvait être refait dans de meilleures conditions encore.

Mais loin de tirer de conclusions hâtives, Vanille, étrangement sage, attendait patiemment que la Déesse lui expose son épreuve. Un sourire aux lèvres, elle contemplait l'Esprit du Temple. Ce qu'on disait était de toute évidence faux. Si leur puissance était démesurée, l'âge avait altérer certaines choses. La Sirène discerna même une espèce d'once de malaise, comme si la Déesse préférerait partir. Ce qui était certainement le cas, si elle n'était pas obligée de faire passer les épreuves à qui le demandait. « Kaa.» Elle l’interpellait. « Je sais que j'abuse très clairement et qu'à ta place, je me foudroierais sur place dans la seconde, mais j'aimerais te poser une question sur tes capacités pour savoir si tu pourrais faire quelque chose. Pour moi.» Et elle enchaîna très rapidement sur une précision. « Qui bien entendu, pourrait te servir à toi aussi. Tu pourrais même être contente de ma demande qui en étonnerait plus d'un. Mais bon, nous verrons cela plus tard.» Certains s'étoufferaient même sur place à l'entendre prononcé les mots qu'elle envisageait. Mais cela partait d'un sentiment de franche curiosité et d'une petite envie. Animée de bons ou de mauvais sentiments ? C'était plutôt dur à déterminer.

Allons bon . On s'enfonçait . Et non pas Kaa toute seule non , mais Vanille s'enlisait aussi au fur et à mesure qu'elle tentait de dominer la scène de cette pièce de théâtre pathétique . Elle lui lança un regard où l'ironie coulait presque à flots comme un torrent dans le bleu de ses yeux : « C'est bon ? Tu as finis ? Tu es pire qu'une gamine . Tu ne t'arrêteras jamais tant que tu auras de la salive pour cracher ton venin . C'est insensé d'être aussi butée et obstinée que ça . »

Elle soupira , vraiment lasse , ne cherchant plus à contrecarrer les dires incessants de la jeune femme qui lui servait d'interlocutrice , soupirant et se parlant à elle-même , bien qu'elle ai haussé le ton pour que la reine des sirènes l'entende aussi : « Je devrais presque inventer une épreuve pour que tu enterres ta fierté une bonne fois pour toutes 5 minutes durant , et encore , ce laps de temps se doit être trop conséquent mais au moins tu marquerais l'histoire et ton parcours , avec un tel record . »

Elle fit quelques pas , réfléchissant un instant . « Soyons simples et claires , avec les bons mots . Car tu es aussi lasse que moi de ses broutilles patrimoniales avec ses facéties bourgeoises . Je ne m'amuserais plus à argumenter contre toi , c'est tout à fait ... Inutile et vraiment ... » , elle rit avant de reprendre , « Oh non , je me tairais , il en vaudrait mieux pour que tu ne t'aggraves pas dans ton caractère , bien que je te crois toujours au summum , tu montres toujours une facette plus détestable encore de ta petite personne . »

Kaa leva le doigt , puis hésita un instant . Avant de les faire claquer et que tout le décor change d'un extrême à un autre , les dalles du carrelage se retournant pour laisser le vide , la Déesse disparaissant et laissant la Sirène dans un néant blanc , complètement vide , où il n'y avait rien , sinon elle . Elle parla mais seule sa voix résonnait comme un écho dans ce paysage sans murs ni limites . « Quoique je te fasse subir ou démontrer ... Tu te tueras à garder un minimum de dignité . Trouver l'épreuve est plus dure que te la faire passer , c'est fou . » , elle inspira un grand coup et murmura alors :

« Je veux que tu me décrives les sentiments , images les de tes souvenirs , de ton vécu . L'amour , la tristesse , les regrets , la peine et ce genre de choses si un jour tu les as connu . Je ne parle point des sensations haineuses , qui t'habitent sans doute bien trop pour que tu m'en fasses une définition pharaoniquement longue et ennuyeuse . Prouves moi que Vanille n'est pas si noire qu'elle veut le faire croire . » elle rit pour conclure sa consigne , « Et pitié ne joues pas d'ironie ! Tu pourrais rester bien longtemps dans le néant , oublié , à errer sans but . Alors ne nous fais pas perdre notre temps mais ne te moques pas de moi non plus . Et mieux ça vaudra . »

« Non. On arrête de jouer.» La voix de Vanille était étrangement sèche. La clarté de ses intonations paraissaient comme entachée d'une résolution voilée. Mais loin d'être colérique ou tendue, c'est d'un regard tranquille qu'elle contempla le décor immaculée qui l'entourait. Le néant ne lui déplaisait pas. La solitude ne lui avait jamais parut pesante d'autant plus quand cela signifiait être débarrassée de cette créature d'une infinie stupidité qu'on osait nommer Aether. « Croyais-tu m'effrayer avec ton monde blanc ou, ô joie, je ne te vois pas ? Je vis dans les ténèbres, qu'elles soient sombres ou clairs. Mais la question ne se pose plus. C'est fini.» Elle secoua doucement la tête dans un soupire. « De toutes les créatures que j'ai pu croiser, tu remportes haut la main le prix de l'ignorance et de la bêtise. Alors je vais tâcher, une bonne fois pour toutes, d'être claire. Je vais user de mots parfois vulgaires et déplacés. Mais puisque que tu ne sembles pas assimiler les phrases normales et bien tournées, il me paraît nécessaire de changer de tactique.» Elle fit quelque pas dans le vide. Une sensation assez étrange, mais pas déplaisante. « Je n'en ai strictement rien à faire de ton Temple de pacotille et de tes considérations de déesse orgueilleuse à qui les autres font des courbettes à longueur de journée pour te plaire. Déteste moi ou aime moi, j'en ai rien à foutre. Tu ne m'intéresse pas. Tu es vraiment pitoyable, et tu ne le vois même pas. Deux ou trois fois, je t'ai proposé de te la fermer pour qu'on en finisse. Mais ton égocentrisme démesuré se devait d'agir contre l'image affligeante que tu donnes à tes collègues qui ne doivent même pas te regarder tant ils ont honte de toi, Kaa, la grande Déesse, bien plus butée et obstinée que moi. Je suis venue ici pour une arme. Des pouvoirs. De la puissance. Tu comprends ça ? Est-ce que ça rentre enfin dans ta cervelle de moineau ? Tu as l'apparence d'une jeune demoiselle, mais de toute évidence, tu es vieille et sénile. Alors arrêtes de dire que tu te tais, et ferme la pour de bon.»

Après une brève pause, elle enchaîna. « Ce n'était pas de gaieté de cœur que j'étais prête à m'enchaîner à ton foutu Temple. Je voulais simplement apprendre, gagner la force demandée. Mais non, il a fallu que mademoiselle se la ramène. Arrêtes pendant deux minutes, juste pour voir, de penser à ta pomme et sauver les apparences. Déjà, ça ne marche pas. Ensuite, il faudrait définitivement t'enfoncer dans le crane que je suis venue ici, pas pour tes beaux yeux, mais pour les épreuves. La dignité, je m'en tape. Tu ne me demandes rien. Tu ne fais que blablater. J'ai fais des choses vraiment très dégradantes pour arriver à mes fins. Plus d'une fois. Et cela ne m'a pas gêné le moins du monde. Parce que je suis tarée, et je le sais. J'aime ça.» Elle rit, sarcastique. « Mais toi.» Et son ton était soudainement bien plus ferme. « Tu bats tous les records à un point que je n'aurais osé imaginer. Comment peux-tu être là. Tu es une chose honteuse et sans nom. Et c'est sans regret que je m'en retourne chez moi, pour trouver d'autres moyens d'arriver jusqu'à me buts. Que cet avenir manqué est regrettable. Tu étais morte. Tuée, par les Hommes. Et je n'étais pas pour rien dans l'histoire. Au revoir, chère Kaa. Jusqu'à la fin, tu m'auras démontrée n'être qu'une imbécile.» Elle rit, songeant à l'épreuve merveilleuse qu'elle lui avait donné en pensant avoir une très bonne idée. « Je croyais que les êtres comme toi étaient clairvoyants. Alors à quoi rimait cette épreuve ?» Elle sourit. « Ne t'inquiète pas, je ne pense pas que nous nous reverrons. Ceci dit, je n'en ai pas fini avec toi. Merci d'avoir attiser mes convictions.»

Ce monde était entre les mains de grands architectes. Le peuple céleste était souvent peint par les artistes et les poètes comme des sages. Vanille avait face à elle une créature des plus lamentables qui ne méritait point ce titre glorieux. Comment l'univers pouvait-il tourner de façon convenable avec une Déesse telle que Kaa ? La Sirène espérait sincèrement que les autres n'étaient pas comme elle. Sinon, les terres du yin et du yang courraient à leur perte pour se jeter dans un précipice sans fin. C'était déplorable. « Maintenant, libère moi de tes tests sans queue ni tête. Ton vœu est exhaussé ma chère, je m'en vais, sans demander mon reste. Tu entendras parler de moi. Fais moi confiance sur ce point, c'est une humble promesse que je me ferais un plaisir d'honoré dans le souvenir de cette rencontre où tu m'es apparut, plus idiote que n'importe qui.»

« Bon, ça suffit. La comédie a assez duré.» tonna une voix qui fendit les airs comme un coup de tonnerre. Le décor blanc de Kaa se fissura avant de se briser en milliers de morceaux. Une pluie d'étoiles abbatiat sur la pièce du Temple, redevenue tout à fait banal, si ce n'était que Kaa et Vanille n'étaient plus seules. Une troisième personne s'était invité. La Sirène n'eut aucun mal à le reconnaître. C'était William, le Tourmenteur. On le disait maléfique à tout point de vu. Sourcils froncés, il contemplait avec hargne Kaa qui ne se privait pas de faire de même. « Voulez-vous bien fermer votre caquet, toutes les deux ? Vous nous refilez une migraine incroyable. Alors arrêtez un peu les hostilités. Toi, Kaa, si tu n'es pas fiche de demeurer objective et faire passer un test en silence, comme il se doit, retire toi et laisse un de nous s'en charger. Tu nous fais réellement honte avec tes simagrées. Si tu tiens vraiment à nous faire ta crise d'adolescence, va ailleurs mais ne nous oblige pas à subir ça ni à rabaisser les autres en apparaissant si entêtée et idiote.» - « De quel droit me parles-tu ainsi, William ?» - « De quel droit saccages-tu ainsi notre réputation ? File, je ne veux plus te voir, tu en as assez fait pour les trois prochains mois. Alors va cueillir des pâquerettes et fiche nous la paix.» La Déesse était indéniablement blessée dans son honneur et vexée. Ses doigts la démangeaient. Seulement, il n'aurait pas été raisonnable de se quereller devant une mortelle, ni de déclencher une bataille. Alors de mauvaise grâce, elle s’éclipsa. Sans plus de cérémonie, William se tourna vers Vanille. « Quant à ton cas, gamine, je tiens à ce que les choses soient claires entre toi et moi pour que tout se passe au mieux. Je veux bien te faire passer les épreuves pour la Voie du Dragon, mais je n'accepterais pas de ta part un comportement semblable à celui que tu as eu auparavant.»

Un charmant et délicat sourire aux lèvres, Vanille haussa les épaules. « Parfait.» William dévisagea la jeune femme quelques instants avant de hocher la tête. « Bien.» Il sembla hésiter brièvement avant d'ajouter. « Il me tardait de te rencontrer plus officiellement. J'ai beaucoup entendu parler de toi.» Et un sourire moqueur aux lèvres, il posa une simple question. « Si tu étais acceptée parmi les disciples, quelle arme voudrais-tu obtenir ?» - « Elle n'a pas de nom.» - « J'en conclus donc qu'il ne s'agit point de quelque chose de traditionnel.» - « Pas du tout. C'est un instrument que j'ai imaginé.» - « Laisse-toi faire.» Sans ménagement et sans attendre le consentement de Vanille, puisqu'il se doutait qu'elle n'en avait rien à faire, il posa sa main sur le front de l'Ondine pour fouiller ses pensées et dénicher ce qu'elle voulait. « Je vois.» Et d'un geste lent, il fit apparaître l'arme en question. Elle flottait fébrilement en équilibre. Le manche était bleu, décoré d'argent, et l’extrémité du bâton était d'or. Quelques pierres étaient incrustées dans le métal. William la saisit pour l'envoyer à Vanille qui la rattrapa au vol. « Elle sera à toi si tu réussis à me satisfaire.» Un sourire aux lèvres, la jeune femme s'employait à tester la maniabilité du bâton enchantée. « Pourquoi me dévisages-tu ?» demanda Vanille qui sentait peser sur elle le poids du regard du Tourmenteur. « C'est donc toi, la fille qui a eut un gamin avec Naram-Sin.» - « Tout à fait, enchantée.» Il rit, acide. « Trêve de plaisanterie, fin de bavardages.Je t'apprendrais la Protection du Dragon avec cette arme comme cadeau si tu réussis ce test.» Et il disparut.

Le décor se tordit. Vanille ferma les yeux, patientant immobile. Elle ne les rouvrit qu'au bout de longues secondes où elle put découvrir le nouvel environnement qui l'entourait. Le vent soufflait fort et giflait ses joues. C'était une forêt, dont les arbres bien rangés formaient un charmant labyrinthe en perpétuel mutation. Les bois semblaient avoir des fourmis dans les racines, et avec une étonnante vivacité, ils se déplaçaient quand la Sirène ne les regardait pas. C'est alors que la voix de William résonna. « Tu dois trouver la sortie qui te mènera à une pièce, qui te mènera encore ailleurs. Je te donnerais des instructions à chaque pallier. Pour l'heure, tu es seule. Enfin. Tout est relatif.» Vanille ne tarda pas à comprendre le sens caché de ces mystérieuses phrases.

Non loi devant Vanille se tenait une étrange femme aux traits familiers. De taille moyenne, élancée, elle était menue et avait un visage doux qui inspirait confiance. Ses yeux était d'un gris pâle aux reflets blancs qui n'étaient pas sans rappeler la lueur de la Lune. Elle avait de très longs cheveux noirs, retenus dans une tresse artistique qui entourait sa tête avant de demeurer libre dans son dos. Curieuse et intriguée, l'étrangère pencha la tête sur le côté. « Je te vois. Je te connais, qui es-tu ?» demanda-t-elle d'une voix basse. Le vent soufflait toujours aussi fort. Il balayait les feuilles mortes qui jonchaient le sol et conférait un côté inquiétant aux alentours déjà sombre et gris. Vanille réfléchit une seconde durant. Elle connaissait cette femme, pour l'avoir déjà vu peinte sur des tableaux, autrefois, dans la maison de sa mère. « Tu es Jasmine.» constata simplement la Sirène. Troublée par cette vérité, l'autre écarquilla les yeux. « Oui. Et toi tu es … ?» - « La fille de Ren.» Jasmine sourit. « Je suis ta grand-mère. C'est drôle. Je suis trop jeune pour cela.» - « Simplement physiquement parlant, comme toutes les Deslyce. Mais surtout, tu es morte.» Jasmine soupira. « Cruelle vérité. Je n'ai jamais pu te connaître. J'aurais aimé.» - « Je ne le pense pas.» - « Je crois le contraire. On parle beaucoup de toi.» - « Pardon ?» Elle sourit. « Oui. Les espoirs de notre famille sont sur toi. Nous espérons que tu te montreras digne de ton ascendance. Tu ne nous as jamais déçue, nous, tes aïeules, jusqu'à présent.» Vanille rit. « J'aurais cru que certains de mes actes vous aurez déplut.» - « Tu as tué ton père et c'est une bonne chose .Les hommes n'ont jamais réellement été les bienvenues au sein de notre famille. Tu as tué ma fille. Je ne peux te blâmer pour cela, elle était faible. Tu as tué la plupart de tes enfants. Mais ils demeurent des filles en vie. Tu veux deux garçons. C'est ton droit. Voilà. J'ai fais la liste de ce qui aurait pu nous déplaire. Et il n'en ait rien. Nous sommes fières de toi.» La Sirène leva les yeux au ciel. Cela ne l'importait guère. Sans crier gare, elle tourna les talons pour s'enfoncer dans un pan du labyrinthe et trouver sa sortie.

Jasmine lui emboîta le pas sans tarder. « Que fais-tu là ?» finit par demander Vanille, agacer que sa grand-mère s'entête à la suivre. « J'ai été tiré de l'autre monde jusqu'ici. Il doit y avoir une raison.» - « Oui, et elle s'appelle William. Je suis au Temple des Esprits.» - « Il veut sûrement quelque chose me concernant.» - « Peut-être que je te renvoie dans cet univers où tu ne m'importunais pas.» Jasmine rit. « J'aime ton caractère. Tu es forte. Ça me plaît.» - « Chut.» Vanille plaqua sa main sur la bouche de Jasmine pour l'inciter à se taire, ce qu'elle fit sans plus tarder. La Sirène se plaqua contre l'écorce rugueuse d'un arbre et jeta un coup d’œil au loin. Trois espèces de chiens monstrueux étaient assis un peu plus loin. Squelettiques et noirs, ils semblaient appartenir aux enfers. Leurs yeux étaient jeunes, et du sang paraissaient couler de leur gueule. « Ils sont abominables.» souffla Jasmine avec une pointe dé dégoût dans la voix.Vanille leva les yeux au ciel. Puis une idée germa. « Je veux passer.» - « Oui je sais.» - « Tu es morte.» Jasmine réfléchit quelques instants. « Oh. » Elle se pinça le bras. « Mais il me semble que je ressens la douleur.» - « Si toi et les autres êtes si heureuses de mon parcours, vous devriez m'encourager dans cette voie.» - « C'est mesquin. Mais je ne peux te contredire. Fais bon usage du temps que je te laisse imparti.» Et Jasmine, tranquillement, fit quelques pas vers les bêtes qui ne tardèrent guère à se jeter sur elle. Vanille, féline et rapide, bondit pour passer par dessus la bataille et détala à travers la forêt sans même s'en retourner. Un des chiens voulut la suivre. Il se prit dans la face un coup d'arme violent qui le fit voler un peu plus loin.

Vanille, un sourire aux lèvres, repensa à Jasmine. Ainsi donc, c'était ça le plan de William. L'Aether la testait psychologiquement sur ses sentiments. Il n'allait pas être déçu du spectacle. La Sirène n'aurait aucun scrupule à sacrifier des personnes déjà mortes qu'elle ne connaissait pas sous pretexte qu'elles avaient le même sang. Après tout, elle n'hésitait déjà pas à user de personnes qu'elle fréquentait depuis des lustres.

Les racines et les branchages étaient furies. Ils griffaient la Sirène sur son passage et lacéraient sa peau. La jeune femme ne s'en préoccupait guère. La douleur était une partie importante de sa vie, elle l’acceptait sans peine et l’accueillait à bras ouvert. Les souffrances étaient délices. Ce n'était certainement pas cela qui allait l'empêcher d'avancer toujours et encore. La silhouette qui se profilait à l'horizon, quant à elle, pouvait se révéler être un véritable frein. Les lèvres pincées, Vanille ralentit jusqu'à arriver à la hauteur d'une nouvelle étrangère. Elle avait les cheveux blonds et lisses et les yeux aussi noirs que l'encre. « Vanille. Je suis ravie de faire enfin ta connaissance.» - « A qui ai-je l'honneur cette fois-ci ?» - « Je suis Ambre. Hum. Si mes calculs ne sont pas faussés, je suis, à peu de choses près, de ton arrière-arrière-arrière grande tante.» - « Intéressant.» Vanille semblait pourtant déjà lasse de cette conversation. Ambre ricana. « Oui. Quelque de ta famille, en somme. Hey, attends !» Vanille continuait d'avancer sans même écouter ce que cette femme avait à lui dire. Mais Ambre ne tarda pas à la rattraper et à la suivre. « Est-ce que tu t'es déjà penchée sur ton arbre généalogique ?» - « Pas vraiment. Je me fiche de savoir comment a-t-on pu arriver jusqu'à moi.» - « Pourtant, tu devrais. C'est cruellement intéressant. Tu verrais tes origines, tu comprendrais quel sang coule dans tes veines. Tu es une créature rare. Il existe très peu d'hybrides.» Vanille fit une grimace. Elle n'aimait guère qu'on lui rappelle que les Fées la considérait comme faisant partie du peuple tant son sang était semblable au leur. « Allez pose moi une question.» Désireuse d'être en paix, Vanille s'exécuta sans vraiment participer à la conversation puisqu'elle guettait en réalité les environs. « Qui est ma famille ?» Ambre se fit un plaisir de partir dans quelques explications.

« Tu sais déjà être une Sirène et une Fée. Mais dans ton sang coule aussi l'énergie des Génies et la sagesse des Elfes. Et même la pureté des Anges.» - « Et bien me voilà rassurée.» railla Vanille qui détestait la race elfique. « C'était la volonté de Marilyn que de faire ton sang d'une pureté pareille. Elle avait laissé des instructions grâce à un livre. Pour ma part, je ne devais sous aucun prétexte être dans ta lignée directe. Et je me devais de m'unir à un Seigneur Sorcier. A ton sourire moqueur, je sais que tu aurais préféré être de cette descendance. Mais tu dois comprendre que le Mal ne pouvait teinter ton sang. Juste ton esprit. Ainsi, d'autres Deslyce ont eu des filles avec des Réprouvés ou des Démons. Mais pas une goutte n'en souille ton être.» - « Magnifique. Tu vas m'arracher une larme.» Ambre sourit. « Tu comprendras, un jour.» - « Pour l'heure, j'aimerais simplement repartir du Temple avec cette arme. Et non pas que la compagnie de mes défuntes aïeules m'encombre, mais j'aimerais la paix. Et ça pue la mort, par ici.»

Ce n'était pas une expression. L'odeur pestilentielle de la mort régnait en maître dans les environs. Cette puanteur avait pu être ressentit, il y a quelques années, par tous les habitants de ces terres. Vanille soupira tandis qu'Ambre se bouchait le nez. « Quelle horreur. Je n'ai rien sentit de pareil jusqu'alors. J'espère que ce fumet va disparaître.» - « J'en doute. Et il va même falloir qu'on s'en approche de très près. Ce sont des zombis.» - « Eurk. Aurais-tu une arme pour moi ?» Vanille soupira. Elle comptait plutôt abandonner cette femme aux zombis. Mais entendant qu'ils arrivaient de toute part, le combat semblait une meilleure alternative. Alors elle sortir le poignard de la famille. Ambre le prit délicatement avec un sourire. « Je ne m'attendais pas à le revoir un jour.» Et la bataille commença avec les créatures répugnantes qu'étaient les zombis. Vanille en avait assez vu pour les anéantir en quelques coups. Ambre eut plus de mal, au début du moins. Copiant les gestes de sa descendante, elle imita ses coups et eut raison de l'armée infernale.

Tout était calme. Ambre et Vanille reprenaient leur souffle. « D'autres arrivent.» souffla doucement la Sirène. « Je crois avoir compris ce que tu veux. J'ai entendu Jasmine crier d'ici, tout à l'heure.» Ambre rendit le poignard à Vanille. « Ce fut un plaisir.» Ce n'était pas tout à fait vrai. Mais qu'importe. Vanille fila, laissant Ambre seule et sans défense. Un cadeau offert.

« Tiens. Voilà qui change.» Acide et froide, Vanille ne prit pas même la peine de saluer le jeune homme qui se tenait non loin. Il avait les cheveux sombres et les yeux bleus. Ses oreilles dépassaient légèrement de sa tignasse bien ordonnée. Elles étaient légèrement pointues. Pourtant, ce n'était pas un Elfe, mais un Ondin. La Sirène en était persuadée. « Voilà enfin la rencontre à laquelle j'aspirais tant.» - « Luthel, je suppose.» Il hocha la tête. « Je dois faire vite. Je ne devrais pas être là. J'ai profité de la faille de William pour revenir, mais il ne tarda pas à se rendre compte de mon intrusion et me chassera.» - « Je te conseille d'économiser ton temps. Je n'accepterais aucune leçon de morale ou conseils psychologiques.» - « Ne voudrais donc tu pas connaître les desseins de ma mère à ton égard ?» - « Pas le moins du monde. Vous vous comportez tous avec moi comme si j'étais censée être honorée de mon ascendance et que je vous devais obéissance et obligeance. Ce n'est pas le cas. Vous êtes comme les autres pour moi, et je n'accepterais point qu'on me prenne pour une vulgaire marionnette. Si j'intéresse Marilyne, elle m'importe peu.» - « Tu devrais te méfier d'elle, pourtant. Tu ne l'a pas connu, tu ne peux te douter de ces ambitions.» - « Figure toi que si. Et je ne la laisserais pas faire.» Luthel vacilla. « Je crois que William m'a trouvé.» Il sourit, avant de disparaître.

Cette grotesque mascarade commençait à ennuyer au plus haut point la jeune femme. Elle espérait que la fin approche. Il faisait sombre dans cette immense forêt. Mais l'atmosphère ne pesait pas sur l'âme et la conscience de Vanille qui courrait à travers les dédales au labyrinthe. Sa robe au drapé rose pâle était en lambeaux. Elle ne tenait plus qu'à un fil, tant la végétation s'était acharné sur elle. Le rouge de son sang tâchait le vêtement. Mais elle s'en fichait éperdument. Vanille sourit. Elle vit la sortie, et ne tarda pas à s'en aller de cet univers. Et voilà qu'elle se retrouvait dans une pièce d'un blanc immaculé à faire mal aux yeux. Sur une petite table en verre reposait trois fioles. La voix de William résonna alors à nouveau. « Voici trois fioles. Tu dois en boire une. Tu te doutes bien qu'il y aura des conséquences.» La Sirène ne chercha même pas à comprendre. Elle avisa rapidement les petits récipients avant de prendre celui qui contenait un liquide bleu, qu'elle avala sans broncher. Le sol se fissura au rythme des vagues. Et elle tomba dans l'Océan. Les illusions étaient vraiment parfaites. La Sirène se serait cru au cœur des abysses. Si ce n'est qu'elle avait gardé ses jambes.

Des requins se jetèrent sur elle sans même annoncer leur présence. Vanille tâcha de s'en débarrasser avec l'arme qu'elle avait entre les mains. Elle était plutôt efficace. Plus ou moins à l'intention de William qui devait la suivre, Vanille murmura. « Si je la garde, j'ai déjà trouver son nom. Ce sera Laevateinn.» L'eau ne tarda pas à être teintée de rouge. Et la jeune fille se sentit aspirer. Dans un hoquet de surprise et pour reprendre son souffle, elle retomba dans la pièce tout à fait banal du Temple. C'est du moins ce qu'elle crut aux premiers abords, lorsqu'elle sentit la pierre sous ses doigts. Mais lorsqu'elle releva les yeux, elle comprit son erreur. C'était une espèce de salle du trône. Et sur ce dernier reposait une femme, assise en travers, les jambes un peu en l'air. Lentement, elle les décroisa, avant de les croiser dans l'autre sens. Elle était grande et fine, avec un teint de porcelaine et de grands cheveux noirs. Un de ses yeux était émeraude, et l'autre saphir. D'une attitude indifférente et distante, elle tourna avec lassitude la tête pour poser son regard troublant sur Vanille. La Sirène n'avait jamais vu cette femme. Pourtant, elle savait de qui il s'agissait.

Les demoiselles ne dirent rien, se bornant à se scruter en silence. L'atmosphère était lourde et électrique. « Vanille ?» C'était William. Le décor changea. Et cette fois-ci, elle était de retour dans le Temple, loin de ses apparitions familiales. « Pourrais-tu me signifier quelle est cette manie des tiens à venir s’incruster dans mes tests ? Je n'avais convier que Jasmine et Ambre.» Il ne semblait pas ravi de ces intrusions. Vanille rit doucement.