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 Les astres ont dessiné ton visage. [Couronne des Rêves - I]

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Lun 13 Fév 2012, 22:19

    Les nuits ne se ressemblaient plus, tout était différent, ce goût était acide, il était encré en moi, comme indélébile, gravé au plus profond de mon âme, pouvais-je seulement résister encore à ma nature ? Était-ce encore l'heure de songer aux droits de ma race, mon errance trouvant son terme dans le sang. Cela faisait des mois que je n'avais donné signe de vie, aux ragots de mauvaise augure de trouver raison à cette absence, je n'avais de comptes à rendre à personne pour peu qu'on l'ait remarqué. Et chaque fois que j'osais fermer les yeux, mon âme suait.

    Tant de choses avaient marqué le tournent d'une vie éphémère. Qui aurait cru qu'un simple test de passage aurait marqué la continuité des évènements. Ma tête contre le vitrail du palais du Mârid, je passais parfois des heures à admirer les seuls rayons du soleil qui donnaient vie aux dessins des vitres, contant l'histoire de la race que je ne pouvais plus renier. Et dire que tout était parti d'un simple désir, d'un voeu. Pourquoi y repenser ? Tenant fermement l’habitacle de mes malédictions au bout d'une chaîne pendante, le sang de mon ange y était encore gravé, tant de crimes pour si peu d'espoir. Elle était morte comme toutes les personnes m'ayant un jour approché. Quelle ironie. Le diable demeure, la lumière s'est fanée dans ma démence.

    Un " Naram " s'échappa au loin, de sa voix grave, le Mârid entrait dans mes appartements. Je ne prenais la peine de lui répondre ou même de le regarder.

    " Il est temps. " grogna-t-il avant de me jeter vulgairement une couronne que je rattrapais au vol.

    " Je ris d'avance du fou qui serait prêt à endurer le fardeau que nous traînons depuis déjà une éternité. " rétorquai-je, désabusé de la situation.

    " C'est une surprise ? Les hommes sont tous devenus fous. C'est ta première sortie depuis ton retour ici. Ne commets aucune imprudence. "

    " Ce n'est pas mon genre. " ironisai-je à présent. Sans éterniser la discussion, il s'en alla. Qui aurait cru qu'un jour lui et moi nous retrouverions dans une même pièce sans sonner une mise à mort comme deux fauves. Tant que j'étais ici, je ne faisais de mal à personne, le fantôme tel le reflet de ma folie, tout ceci était bien loin à présent, il n'était pas mort puisqu'il n'avait jamais existé, ma schizophrénie comme prétexte à tout ce sang et Jun que l'on disait mort. Tout comme Sayuri avant lui, les anges tombaient les uns après les autres, le monde tournant au chaos, je savais à chaque respiration que la dernière ne serait tarder, l'apocalypse comme dessein à tant d'utopiques.

    Être malicieux, être perfide, être l'horreur et la beauté à la fois. Se pavaner de tant de possibilités qui nous étaient offertes, manipuler les pantins, gerber sa misanthropie. Qui aurait désiré ce quotidien ? Je ne tarderai pas à le savoir, maintenant que j'étais aux services du Mârid, je n'avais plus à courir ou à m'échapper. Je pouvais à mon grès paraître et disparaître, me rendre au temple des esprits, revoir William tiens, un vieil ami à l'apparence familière.

    Sur place, tout était aussi aride que dans mes souvenirs, eux qui étaient pratiquement tous revenus. La couronne pris vie sous la forme d'un serpent qui disparut sous ma manche. Entrant avec méfiance dans les lieux, je ne fus seul bien longtemps.

    " Naram-Sin. Quel plaisir ! Cela doit bien faire... " chantonna William avec ses habituels gestes amples de comédiens d'un autre temps.

    " Un sacré bout de temps. Tu n'as pas pris une ride. "

    " Toi non plus ! C'est peut-être le seul avantage que l'on doit à l'immortalité n'est-ce pas ? Avec le fait que j'ai pu revendre ma veille montre à gousset qui, au delà du fait qu'elle fut d'un moche ridicule, ne m'était plus d'une grande utilité. "

    Je ris un instant puis repris mon sérieux, changeant complètement de sujet " J'ai une accréditation spéciale du coup ? "

    " Oui j'ai entendu cela. L'éternel révolutionnaire au service de son plus grand rival. J'ai du mal à l'admettre. "

    " Les circonstances l'exigent. "

    " Je l'imagine. Dis-mois Naram, as-tu une petite idée de la personne à qui tu dois faire passer la maîtrise ? "

    " Non. Je sais juste que c'est ici que ça se passe, le reste m'importe peu. Tous les hommes se ressemblent, seul leur costume diffère, mais leur fond reste mauvais. "

    " Dommage, ma foi, la surprise n'en sera que plus grande car tu omets comme toujours le détail qui te fait défaut mon cher. L'imprévision. Et qui saurait mieux incarner l'imprévu que.. ? "

    " Mitsuko. "

    Tout disparut. William aussi. Les portes du temples s'ouvrirent à nouveau, ne laissant que l'ombre de sa silhouette s’accroître sur son passage. Un rire plutôt nerveux et assez diabolique s'échappa de ma bouche comme si je m'étais fait prendre dans un piège que je me serai tendu à moi-même.

    " Je vais finir par croire que tu fais tout ton possible pour me revoir. " lui glissai-je en me retournant avec douceur. Quel ironie décidément. Ma foi, elle n'aurait grand mal à me reconnaître, mes cheveux avaient poussé et je portais désormais de beaux habilles princiers tels que je les ais toujours haïs. Mais à part le costume, mon fond restait inchangé, aussi mauvais soit-il.


    Spoiler:
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Mitsu
♚ Fondatrice ♔

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◈ YinYanisé(e) le : 07/07/2005
Mitsu
Mar 14 Fév 2012, 23:27

Spoiler:


    Mitsuko regardait dans le noir du royaume des abîmes les âmes des défunts que sa magie lavait de tout souvenir afin de faciliter leur réincarnation. Et depuis qu'elle était devenue reine des Ombres, aucun nouvel être n'avait pu se rappeler de sa vie antérieure, aucune personne n'avait eu cette impression de déjà vu si familière lorsque le travail est mal fait. La jeune femme accomplissait son travail avec une minutie rare, étudiant chaque âme afin de la réincarner de la meilleure façon qu'il soit. Mais, quelque part, elle trouvait cela triste, très triste, de se dire que les travaux d'une vie disparaissait ainsi dans le néant. Et plus elle pratiquait son rôle de reine, plus la dépression s'emparait de son être, si bien qu'elle avait accompli depuis peu un acte qui se voulait irréversible en pratique : elle avait supprimé Vlad de sa mémoire et l'objet où étaient enfermé chacun de ses souvenirs en la compagnie du seigneur des vampires se trouvait quelque part dans le musée, à l'abri et quasiment introuvable. Ainsi, l'esprit de Mitsuko avait remplacé tous les instants avec cet homme par des souvenirs de substitution.

    Pourquoi avait-elle fait cela? Hé bien, elle ne pourrait le dire aujourd'hui puisqu'elle n'avait même plus le souvenir d'avoir souhaité cet oubli. Mais peut-être était-ce justement pour être la seule à décider de ce que deviendraient ses souvenirs, peut-être était-ce justement pour ne point tarir ses sentiments. Mais si l'on partait du principe qu'elle n'en avait pas, peut-être était-ce tout simplement pour vivre dans le présent, sans regarder vers le passé, un passé qui ne serait plus jamais d'actualité.


    Mitsuko sourit, il était temps de se rendre là où le futur l'attendait.

    La jeune femme avait acquis depuis son suicide, si l'on pouvait appeler cela comme ça, un don bien étrange : celui de voir l'avenir. Et, bien souvent, alors qu'elle accomplissait ses fonctions de souveraine, son esprit s'égarait dans les différentes hypothèses que lui montrait ce pouvoir. Car si certaines personnes voyaient réellement l'avenir, sans aucun doute sur celui-ci, Mitsuko ne voyait que des possibilités, des possibilité qui changeaient en fonction de ses propres agissements et en fonction du temps qui passait. Mais ce qui n'avait jamais changé dans l'épreuve qu'elle s'apprêtait à passer en ce jour c'était l'identité de l'homme qu'elle aurait en face d'elle. Et rien que de le savoir présent, lui, son faux Jun qu'elle ne voulait pour rien au monde oublier, rien que d'envisager de le revoir une nouvelle fois la ravissait, même si cette rencontre n'était en rien une surprise. Et c'est justement ce manque de surprise qui faisait que Mitsuko trouvait ce don totalement inutile. Oui, elle aimait être étonnée par la vie et les personnes qui l'entouraient et si, en temps normal, ces plaisirs inattendus étaient rares, à présent, ils étaient totalement inexistants.

    Contrairement à ses habitudes, en ce jour, la reine ne portait nullement une robe, mais un habit que l'on voyait souvent sur les génies femmes. Ainsi, elle était vêtue d'une jupe bouffante assortie d'un haut qui laissait apercevoir son ventre, ses cheveux attachés par une queue de cheval sur le côté. Si elle s'était permis cette petite fantaisie, c'était simplement pour modifier le futur puisque dans chacune de ses visions, elle se voyait porter les mêmes habits, différents de ceux-ci. Ainsi, la surprise réapparaitrait sans doute et en considérant le fait qu'elle ne voyait l'avenir que dans le royaume des abîmes, elle ne pourrait pas anticiper les événements à venir. Ainsi, elle ferait en sorte de ne point prononcer les mots qu'elle prononçait dans ses vision, de ne point agir comme ce qu'elle avait pu observer.

    La reine ouvrit donc les portes du temple. Elle aurait certes pu passer au travers de celles-ci mais n'était ce pas plus poli d'annoncer son arrivée? Ainsi, elle aperçut Naram, de dos, le génie ne semblant pas surpris par son apparition en vue des propos qu'il tint. La jeune femme sourit avant de déclarer, s'appuyant contre l'embrasure de la porte en plongeant ses yeux dans ceux de l'homme qui lui faisait à présent face :

    « Oh mais je n'ai jamais caché mon intérêt pour ta personne voyons... »

    Bien entendu, son ton semblait ironique mais n'était-ce pas plus amusant ainsi? Sans le laisser répondre, elle continua :

    « Hé bien, il semblerait que nous ayons tous les deux des tendances au changement vestimentaire, changement assez douteux dans ton cas, mais puisque nous parlons de cela, que penses-tu de mon déguisement? »

    Mitsuko fit un geste lent de la main afin d'appuyer ses dires, désignant ses vêtements en attendant une réponse de la part du jeune homme. Elle savait pertinemment qu'il serait celui qui lui fournirait la couronne qu'elle espérait obtenir mais pourquoi gâcher ce moment dès maintenant?
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Dim 19 Fév 2012, 16:56




    Aussi loin que la mémoire le permet, parfois, mes souvenirs se manifestent sous la forme de rêves sinueux qui traversent mon esprit lorsque l’orage déchire le ciel et que plane en moi, un instant de repos. Je ne dois pas avoir plus de treize printemps et pourtant, j’ai conscience de toute ma vie à venir, j’ai conscience de chaque évènement déterminant qui suivrait, au milieu d’un champ de fleurs dont les tiges me dépassaient par trois fois, leur forme indescriptible s’habillait d’un bleu m’apparentant à un caméléon, perdu dans l’infini. Jun est là, il marche déjà mais ne semble pas pouvoir parler, il me tient la main en me regardant d’un air curieux et parfois effrayé mais je n’arrive pas à le rassurer, j’ai moi-même peur, je ne veux pas avancer, car je sais que l’horreur nous attend à la sortie. J’entends notre mère hurler nos noms au loin à l’horizon, nous priant de nous montrer et pourtant, je suis persuadé que cela n’est qu’un mirage. Soudain, l’orage s’abat sur ce champ et le vent fouette les fleurs qui perdent leurs pétales, pleuvant la beauté, je répète à Jun de se méfier de la merveille qui cache la terreur. M’agenouillant, je le serre contre moi, je sens son cœur battre si vite, je suis faible face à la peur car je sais que je ne peux pas modifier l’avenir. Le tonnerre le fait sursauter, j’essaye de lui chanter une simple berceuse comme si cela pouvait avoir le moindre impacte sur son état. Soudainement, les fleurs pourrissent et tombent au sol, certaines prennent feu au contact d’un éclair, je porte alors Jun dont le poids est risible et me mets à courir, je ferme même les yeux, peu importe où nous allons, je voulais le protéger de toutes les craintes de ce monde sans même savoir que ma méfiance pouvait générer ces craintes. Et alors que le temps me semble durer une éternité, tout disparait, se dissout en poussière bleu, s’envolant, nous sommes seuls sur une terre aride et brûlée ; l’endroit est étrange, j’ai l’impression qu’au moindre faux mouvement, le sol craquèlerait, se fendant, il nous ferait basculer dans le vide et la mort. Je somme Jun de ne pas faire un pas, qu’il attende que je puisse m’approcher mais il me sourit et alors que je suis persuadé qu’il ne peut parler, une voix démoniaque d’outre-tombe résonne dans son gosier d’enfant, hurlant comme un possédé que je l’ai laissé mourir. Je suis alors sûr que je ne pourrai pas le sauver mais un ange m’apparait, c’est Sayuri, je ne comprends pas, elle n’appartient qu’à mon avenir et non à cette période de mon passé, tout me semble irréel et pourtant si fiable. Je la prie de s’envoler, de prendre Jun au passage dans ses bras et qu’elle puisse le sauver. Mais c’est à son tour de prendre une voix terrifiante, des perles de sang coulent sur son visage, elle me crie à son tour que je l’ai laissé mourir et se fane jusqu’à devenir cendres. Le fantôme aussi apparait, derrière mon dos, il colle sa bouche à mon oreille et je sens son souffle froid ; il me susurre « et tout ça pour une femme que tu ne reverras jamais car qui peut vaincre la mort ? » avant de m’enfoncer la tête dans la terre, terre qui devient liquide, je me noie dans une mer d’encre et j’étouffe, mes poumons se remplissent de douleurs. J’ouvre alors les yeux et je comprends que ceci n’était qu’un rêve. Le problème avec les génies, c’est qu’ils ne dorment jamais, et ce que j’appelle un rêve est en réalité chaque instant où je ferme les yeux. Le temps me parait si long alors. Comment pouvait-elle désirer cela ? Comment quiconque pouvait un jour désirer être un génie, un être n’aspirant qu’à l’horreur.

    Malgré ma respiration rapide et la sueur que j’éponge rapidement sur mon front d’un revers de la main, je garde mes esprits, je n’aurais pas dû fermer les yeux, je sais ô combien l’inconscience torture ceux qui ne connaissent ni le pardon, ni la pitié. Je garde difficilement ce sourire narquois mais je préfère lui afficher ce dernier, elle ne mérite ni mieux ni pire que ce sourire malicieux.

    « Oh mais je n'ai jamais caché mon intérêt pour ta personne voyons... » M’avoua-t-elle non sans ironie, comme à sa grande habitude, ainsi elle restait fidèle à elle-même, peut-être un peu trop à mon goût. Et sans s’essouffler, elle continua en me demandant ce que je pensai de son accoutrement. Alors, un rire s’échappa, l’ambiance me sembla bien plus détendue qu’auparavant.

    « Ma chère Mitsuko. Moi qui te pensais un minimum originale, te voilà dans l’apparat le plus stéréotypé qu’il soit. Cela fait bien quelques siècles que les génies ne pratiquent plus la danse du ventre en mangeant une datte près du grand vizir qui se vante de la beauté de son harem. Bien qu’à avoir un harem, je ne saurais me priver de vantardises s’il fallait t’y compter. Aussi, fut-ce-t-il dommage que tu ne suffises à déboussoler mes horizons. Peut-être est-ce la faute de notre curieuse rencontre ou plutôt mascarade du rocher, tu m’apparais plus comme une succube à l’heure actuelle mais en mes mots, n’y vois qu’un compliment. » Et c’était en soit, ma façon de la saluer et de lui faire comprendre que j’étais plutôt heureux de la revoir, elle qui avait pourtant juré ne jamais vouloir me revoir, cela faisait la troisième fois. Comme les trois vœux d’un génie, quelle ironie. Peut-être était-elle la seule à même capable de comprendre mon humour et mes répliques assassines pour certains incultes.

    « Quant à moi, je ne demanderais pas ton avis sur la question de mes habilles. Toi comme moi s’en fichons royalement et s’il fallait te dire le pourquoi d’un tel accoutrement, je ne suis pas certain que tu veuilles le savoir, mes ambitions t’importent peu, toi qui, à présent, fauches les âmes comme le blé qui a pourri sur cette Terre. Sorcière, vampire, ombre ? A quand la réincarnation en cafard ? » et je riais encore, car je savais que tant de changements ne témoignaient pas tant de destiné ou d’autres choses. Non, elle ne cherchait au final qu’à se divertir, à pallier l’ennui de sa vie et je ne la comprenais que trop bien, seulement si ces petits tours de passe-passe lui faisait passer le temps justement, celui qu’elle s’apprêtait à réaliser était peut-être celui de trop.

    « Et maintenant génie. A temps partiel de plus si j’ai bien compris les capacités fortes étranges de cette couronne que tu convoites. Sérieusement ma chère, pourquoi cette couronne-ci ? Soyons réalistes, tu es de celles qui souhaites et non de celles qui réalises les souhaits. Peut-être est-ce là le serpent qui te dévore l’esprit, celui de l’ennui. Mais c’est un jeu quelque peu étonnant pour celle qui se veut l’éternel esprit de la mort, celui qui ne doit jamais prendre part aux choses, l’arbitre du monde qui jamais ne se réjouit ou s’attriste des décès que tant de personnes pleurent. Et tous ces gens qui crachent à la figure de la mort lorsque tu leur enlèves un fils parti trop tôt sous prétexte que « c’est l’heure ». Suis-je donc le seul à te dire que ce rôle n’est pas fait pour toi ? » Tournant autour d’elle, je caressai au passage d’un geste léger son dos dénudé en constatant que la mort était finalement plus palpable que dans les légendes.

    « Toi et moi n’aspirons qu’au chaos, au changement constant. Nous sommes comme des sortes d’observateurs qui aiment voir comment les fourmis se comportent dans des conditions que nous aurions a priori, créés. Nous aimons bousculer le destin, forcer les choses. Et te voilà l’engrenage qui régule la vie, rendant ce monde si... stable... si ennuyeux. Et je te plaints Mitsuko, je te plaints d’être devenu si fade alors que tu étais il n’y a pas si longtemps, ce qu’il y avait de plus imprévisible en ce monde, l’électron libre, le danger à l’état pure, ce qu’il y avait de plus excitant selon ma vision des choses en ce bas monde. » M’arrêtant sans prévenir après quelques petits tours, je lui soufflais à l’oreille : « Ose me dire que si l’occasion se présentait, tu ne renoncerais pas à ce titre sans saveur que tu portes sur les épaules comme un fardeau plus qu'une bénédiction des dieux. »
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Mitsu
♚ Fondatrice ♔

◈ Parchemins usagés : 36409
◈ YinYanisé(e) le : 07/07/2005
Mitsu
Mer 22 Fév 2012, 23:36

« L'étonnement, voilà le secret. »

Mitsuko observait Naram avec un regard qu'elle souhaitait neutre, comme si elle n'avait pas remarqué son étrange état, un état qui passa rapidement mais qui resta gravé dans l'esprit de la jeune femme. Qu'avait-il bien pu se passer à l'instant? La reine savait que les Génies étaient des êtres mystérieux au plus haut point et, d'un côté, c'était peut-être pour cela qu'elle cherchait la couronne des rêves. D'ailleurs, rien que son nom « couronne des rêves » l'attirait. Si elle la souhaitait, peut-être n'était ce qu'un caprice de plus, une volonté qui ne rimerait sans doute à rien d'ici quelques temps lorsqu'elle aurait acquis le statut dont elle rêvait depuis bien longtemps. Mais ce qu'elle comptait faire avec cette couronne était sans doute bien plus intéressant, surtout pour l'homme qu'elle avait à présent en face d'elle. Elle le laissa donc parler, un sourire se maintenant sur ses lèvres tout au long du discours de son faux Jun. Elle le contemplait sans relâche, le fixant d'un regard amusé. Puis, lorsqu'il eut finit, elle prit la parole à son tour, s'approchant de lui dangereusement.

« Je reconnais que tes paroles sont bien plus véridiques que je ne le voudrai. Cependant, tu te trompes sur certains points mon cher et après ce que je vais te révéler, peut-être me trouveras-tu bien plus imprévisible que ce que tu croyais... »

Mitsuko avançait toujours vers Naram, profitant de son costume de danseuse pour endosser le rôle de la femme irrésistible, regardant l'homme d'une façon provocante à souhait. Oh bien entendu, elle savait que le Génie ne serait point sensible à ce genre de petit jeu mais ça l'amusait considérablement. La reine des Ombres n'avait jamais profité de sa beauté pour devenir l'incarnation du pêché et de la luxure comme son ancêtre, non, elle profitait de cette beauté angélique pour obtenir la confiance de n'importe quel individu qui posait son regard sur elle. Oh bien sûr, les hommes étaient des victimes de choix, leur instinct protecteur évinçant leur raison. Mais Naram était différent et lorsqu'elle arriva vers lui, posant sa main sur son torse, ses yeux dans les siens, elle savait qu'il serait bien plus préoccupé par ce qu'elle allait dire que par la proximité de leurs corps. Et quelque part, ça la rassurait de savoir qu'il semblait imperturbable.

« Peux-tu un seul instant imaginer qu'un être acquiert l'éternité? Une puissance bien au dessus de celle d'un souverain, bien au dessus de tout ce que ton esprit peut envisager? »

Elle marqua une pause avant de reprendre, murmurant de telle sorte que Naram puisse être le seul à entendre :

« Naram, j'ai trouvé le moyen de devenir une déesse, un statut que même mon ancêtre n'a réussi à atteindre... »

La nouvelle aurait pu être dite de façon bien plus spectaculaire mais ce n'était pas sur cela que la jeune femme souhaitait insister. Lâchant l'homme, elle commença une ronde autour de lui, ne le quittant pas des yeux, comme un vautour autour de sa proie. Elle avait encore la sensation de la main du Génie sur son dos nu et elle ne le laisserait pas s'en sortir si facilement. Ils souhaitaient tous les deux être le maître de leur jeu mais nul ne savait qui l'était effectivement. Mitsuko continua :

« Je pourrai t'offrir mon corps, mais cela ne te plairait point car tu es homme à pouvoir obtenir toutes les femmes que tu souhaites. A quoi bon constituer ton harem si ce n'est pour être qu'une succube parmi tant d'autre? Je pourrai faire en sorte d'être la plus magnifique de toutes à tes yeux mais ce n'est pas mon but. Comme tu l'as si clairement énoncé, je suis une femme qui aime manipuler le destin des êtres qui l'entoure, semer le chaos dans la vie des individus, s'amuser de leur sort, je suis une femme qui souhaite. »

Elle marque une pause, une pause qu'elle voulait longue, comme si la jeune femme arrivait au point culminant de son discours, comme si ce qu'elle s'apprêtait à énoncer était d'une importance capitale. D'ailleurs, d'un mouvement gracieux, elle arrêta sa marche, se positionnant de nouveau devant Naram :

« Et si je te disais que si je souhaite obtenir cette couronne c'est dans un but précis? Et si je te disais que je souhaite devenir la Génie d'un homme en particulier? »

Elle sourit mystérieusement, comme si elle s'attendait à ce qu'il réalise d'une minute à l'autre ce qu'elle était en train de lui proposer. Elle poursuivit son discours sur le même ton :

« Imagine ce que cet homme pourrait faire avec un Génie de mon niveau, un Génie qui serait en fait une déesse, un Génie bien plus puissant que le Marid lui-même... »

Et Mitsuko laissait entrevoir à Naram toutes les possibilités qui s'offrait à lui s'il acceptait d'entrer dans son jeu. La jeune femme savait pertinemment qu'elle n'avait pas besoin de préciser à son faux Jun ce qu'il se passerait si jamais elle changeait d'avis, devenant ainsi la Génie d'une toute autre personne. Une fois qu'elle aurait la couronne des rêves, elle pourrait servir quiconque lui plairait, comme bon lui semblerait. Et si elle souhaitait briser le lien qui la liait à son maître, refuser d'exécuter un vœux de celui-ci, elle n'aurait cas enlever la couronne. Et si une personne essayait d'abuser d'elle, elle pourrait la tuer dans d'atroces souffrances pour lui faire payer son offense. Cette couronne lui permettrait d'être soumise en apparence, lui permettrait de réaliser des vœux, lui permettrait de se confronter à des situations qu'elle n'avait point envisagé. Oh bien entendu, elle savait que tout vœux avait une contrepartie et si, justement, elle proposait à Naram de devenir son Génie, c'était parce qu'elle savait qu'il n'avait rien à perdre et beaucoup à gagner auprès d'elle.

« Ose me dire que je ne t'étonne pas, ose me redire que je suis fade... »

Elle ne le quittait toujours pas des yeux puis, après un instant, finit par dire :

« Alors mon cher, préfères-tu bouleverser le monde seul comme à ton habitude ou souhaites-tu le faire à mes côtés? »

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Lun 19 Mar 2012, 15:55

    De l'étonnement naissait la jouissance de nos vies; car que possède l'Homme, toutes races confondues, pour qu'il ait réussi à dominer le primitivisme de tous les autres êtres, moins curieux de leur monde ? Leur capacité à changer, à surprendre, à penser. Réfléchir était le propre de notre civilisation, écrire était notre histoire et nous aimions raconter les légendes, les mythes fabuleux qui nous faisaient penser à tout ce que nous n'avons pas connu mais que nos ancêtres avaient vécu pour nous. Alors que reste-il à l'Homme qui vieillit, sa peau flétrit et ses organes pourrissent, son cerveau tourne en rond jusqu'à se décomposer mais sa pensée reste intacte ; que lui reste-t-il si ce n'est la surprise de sa vie ? Il aime se dire fervent admirateur d'un carpe diem dont il ne comprend finalement rien, il se croit épicurien d'un monde pour lequel il se crée malheur et tentations plus que la libération de l'âme. Profiter de la vie est une notion si vague, qui peut prétendre la comprendre ? Profiter inspire à ne prendre plaisir que pour soi, d'un égoïsme propre à sa nature, pour profiter il doit détruire, marcher sur l'Eden sur de son voisin et si paradis il y a, alors il est sur Terre et nous conduit tous à l'apocalypse. Quant à moi, je ne trouve plaisir à vivre que dans la contemplation du changement, le chaos étant sous cet angle, le plus parfait des tableau qui incarnerait la beauté humaine, incluant malgré les naïfs, les fleurs qui se fanent en voyant le sang couler sur leurs pétales.

    " Laisse moi, avant tout te raconter une histoire si tu me le permets toi qui avais, si je ne m'abuse, apprécié le conte sur le soleil et la lune qui jamais ne se rejoignent. Lorsque j'ai passé quelques années dans l'ancienne citée des elfes en plein âge d'or, c'est te dire l'époque, un elfe qui se disait sage m'avait raconté leur vision de la création du monde. Et si je ne vois pas en quoi ils détiendraient la vérité, je trouvais l'histoire assez pertinente, surtout par rapport à ton projet. "

    Je m'approchai d'un pas pour réduire encore plus l'espace semblant béant malgré l’approximation réelle de nos deux corps de glace et qu'ils s'effleurent sans vraiment se toucher ;

    " D'après ces illuminés, le monde serait né d'un désir. Le désir d'une déesse qui s’ennuyait et dont l'imagination était infinie. Un jour, alors qu'elle s'ennuyait bien plus que les autres, elle réclama l'attention de tous les autres dieux pour exposer sa fabuleuse idée : créer un monde nouveau de sa seule magie. Bien entendu, on lui a rit au nez, qui voudrait créer des semblants de dieux ? Triste, elle s'en alla pleurer sur nuage qui surplombait l'horizon d'un ciel qui nous dépasse tous. C'est alors que la mort vint la réconforter et si on disait d'elle qu'elle était le diable, la déesse créatrice voyait la mort comme un allié qu'elle n'attendait pas. La mort rassura la créatrice en ses mots les plus doux, la suppliant de sécher ses larmes. Ils créèrent alors le monde à deux. Ainsi la déesse créatrice peigna une Terre, des collines et des rivières, ses larmes furent un océan mais le réconfort de la mort en gela quelques fragments, façonnant les montagnes; quant à la faucheuse proprement dites, elle insufflait l'éphémère en chaque être, animal, végétal, humaine. Pour la plus part, il s'agirait ainsi de prendre la mort pour la plus horrible des créatures alors qu'en réalité, son rôle était tout aussi parfait. En rendant toute chose mortelle, elle voulait empêcher les Hommes de subir leur malédiction car immortels, ils ne savaient prendre aucun plaisir à ce qu'ils vivaient, eux qui ne savaient plus vraiment s'ils vivaient vraiment. Savoir qu'une chose n'est jamais acquise, que tout ce qu'on possède sera forcément perdu un jour, que les paysages que nous contemplons ne seront un jour que de la cendre, nous permet d'apprécier l'ampleur de l'oeuvre créatrice. " je m'arrêtai un instant.

    " T'élever au rang d'un dieu, Mitsuko ? Conçois-tu vraiment ? Non pas que tu n'en sois pas capable, nous savons tous deux tes capacités et ta détermination. Mais ton rêve est une boite de Pandore ma belle. Tout ce qui ne meurt jamais souffre jusqu'à oublier qu'il existe réellement. T'élever à un tel rang est, je te l'accorde, une chose qu'aucun Homme ne connait jamais et à vrai dire, si je le désirai, je ne le pourrai, c'est bien une chose qui dépasse notre entendement à tous. Mais une fois que cela sera fait, qu'est ce que cela t'auras apporté ? La gloire ? Tu n'as jamais recherché la reconnaissance. La puissance ? Tu l'es déjà tant que personne n'ose t'affronter. La fierté de ton ancêtre ? Tu as tout fait pour qu'elle cesse de te hanter. A moins que ce soit la curiosité... Comprendre les rouages de ce monde, qui d'autre qu'un dieu pourrait en être capable ? En cela, alors oui, tu aurais raison, car comme toi, comprendre l'essence même de la magie, de la création et du chaos est un mystère qui m'a toujours passionné. Mais là où tu penses atteindre l'hypotypose de ta vie, j'ai bien peur que tu ne trouves qu'un vide sans fonds qui te mène à un suicide impossible. "

    Puis, comme si je ne pensais pas un mot de tout ce que je venais de dire : " Mais pour être honnête, je te jalouserai éternellement pour tout ce que tu découvriras alors que je ne ferai qu'imaginer le découvrir. Là sera ta plus belle ascension et tu serais bien idiote de ne pas atteindre un sommet que l'on ne conte que par des mythes approximatifs. A quoi bon toujours déblatérer les mêmes légendes. Toi tu ne feras pas que raconter, tu créeras la légende et la morale. Et crois moi que je serai fier en cela, de raconter aux simples Hommes ta légende. Pourquoi ai-je alors cette impression que ton ascension marquera ton départ de cette réalité, de ce monde ? Un dieu ne ressent plus le temps, ne connait plus les distances, l'espace n'est plus qu'une boite qu'il secoue. Pourquoi ai-je alors peur que ce soit comme si tu quittais ce monde ? Ai-je donc si peur de m'ennuyer sans tes caprices ? " et je riais à demi-teinte, comme si l'agacement se mêlait à un rire véritable.

    Prenant l'audace de caresser sa joue tout en la fixant de façon presque trop insistante la neige de sa peau, pendant peut-être quelques secondes tout au plus, il était évident que je réfléchissais.

    " Tu m'étonneras toujours, Mitsuko et je crois que c'est assez caractéristique à ta famille. Mais de là à m'associer à un ersatz de divinité, une ancienne vampire qui plus est, ce serait vraiment une aberration et une insulte à ce que je suis et pense. " Je reprenais doucement le cours de mon sarcasme.

    " Cependant, tu le sais déjà de toute façon, il est évident que je vais accepter. Je serai le plus crétin de tous les Hommes à refuser une telle offre. Et si j'ai toujours aimé semer le chaos, à tes côtés, je ne saurais encore imaginer tout ce qui me serait permis. Même si j'en ai une maigre idée. " ironisai-je finalement.

    Je repensai ensuite à ce que Aya m'avait un jour dit. - Je sais déjà que toutes les flatteries et les tentatives de séduction seront totalement veines face à un oiseau d'une si grande envergure. Pour vous il n'y a que le dédain et l'ignorance qui puisse piquer votre curiosité. Me tromperais-je? - et je devais l'avouer, elle avait raison. Je n'aspirai qu'à ce que je ne pouvais avoir, n'aimait que ce que je savais perdu d'avance et ne courrai qu'après un rêve qui me perdrait. Le défi tel une raison de vivre, la passion tel un poison et à la fois une libération. Un sentiment de liberté.

    Mais ce que Mitsuko proposait défiait les lois établies d'une magie détournée. Etre le génie d'un génie ? De mémoire, j'avais été le seul à oser cela il y a fort longtemps à présent lorsque ces terres se prénommaient encore Cassilmena. Pour affronter le Mârid à l'époque, je n'avais trouvé meilleur stratagème qu'invoquer Dianka, ma rivale génie de l'époque. Les temps ont seulement bien changé depuis mais le fonds reste le même, peu importe sa forme. Je repensai ensuite et enfin à ce que Lily m'avait dit avant qu'elle ne s'en aille. Ne pas reproduire la même erreur, une deuxième fois. Il était vrai que la dernière fois que je m'étais allié à une Mitsuko, la chose avait été plutôt marquante pour ma vie. Et malgré cet euphémisme, ce souvenait restait le meilleur de mon existence toute entière. Alors qui saurait dire s'il s'agissait de folie ou lucidité mais j'étais déterminé à embraser, à nouveau, un monde en compagnie d'une femme défiant l'Harmonie.


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Mitsu
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Mitsu
Dim 15 Avr 2012, 02:29


Mitsuko sourit d'un air mélancolique lorsque Naram lui indiqua qu'il allait lui raconter une histoire. C'était comme ce soir là où elle l'avait confondu avec Jun, une soirée qu'elle n'oublierait sans doute jamais. La proximité qui se faisait sentir entre le Génie et elle l'agaçait d'une manière qui lui plaisait pourtant étrangement. Elle ferma les yeux un instant, décidant d'écouter la légende merveilleuse qu'allait sans doute lui conter son interlocuteur. Il ne faisait aucun doute que s'il lui racontait cela, ce n'était pas pour rien. Seulement, quoi qu'il dirait ce soir, il ne lui ferait jamais abandonner son désir de s'élever au dessus des rois et reines de ces terres. Mais si elle fermait les yeux, c'était aussi pour entendre le son de sa voix raisonner dans la pièce, une voix qu'elle trouvait envoûtante, une voix qui ressemblait à celle de Jun à quelques détails prêts. C'était si surprenant. A vrai dire, elle ne comprenait pas pourquoi son ancêtre avait fait de son esprit protecteur un clone du Génie. Mitsuko se doutait que ce n'était pas pour assouvir ses propres désirs sur lui, mais alors pourquoi? La reine ouvrit les yeux, regardant Naram qui s'était rapproché un peu plus. Elle sourit, commençant à comprendre le fin mot de l'histoire...

La reine écoutait le discours d'un homme qui lui contait que la vie ne s'appréciait réellement que parce qu'elle était éphémère, mais cela ne la faisait que sourire, et elle espérait sincèrement qu'il ne pense pas un mot de ce qui sortait de sa bouche. N'avait-il pas toute sa vie regretté la mort de celle qu'il aimait? Et si l'éphémère n'avait pas joué un rôle dans leur histoire, où seraient-ils tout deux à présent, quelle serait la vie du génie? Au fond, elle ne pouvait qu'être reconnaissance à Naram d'avoir quitté son ancêtre pour essayer de sauver Jun, son frère, car s'il ne l'avait pas fait, elle n'aurait alors jamais vu le jour. Elle se trouvait devant un homme qui avait partagé bien des choses avec son ascendante, avait partagé son lit, sa vie, et, à dire vrai, cela lui déplaisait. Une pointe d'énervement aussi brève qu'une seconde passa alors dans ses yeux avant qu'un air neutre n'apparaisse de nouveau sur son visage. La jeune femme savait que les derniers moments qu'elle passerait avec le jeune homme seraient sans doute les plus complexes, une scène si difficile à jouer qu'elle n'était même pas sûre d'y arriver et elle était heureuse que leur entrevue ne fasse que commencer. Son visage resta de marbre lorsqu'il posa délicatement sa main sur sa joue. La sensation, elle, était belle et bien présente, un mélange de chaleur et de froideur, une sensation à la fois agréable et son contraire, comme une flamme qui réchauffe avant de brûler. La reine finit par fermer les yeux de nouveau, écoutant ce qu'elle savait inéluctable : l'acceptation du Génie.

Mitsuko ne souhaitait pas ne point regarder son interlocuteur en face mais elle décida tout de même de se diriger vers l'une des fenêtres qui éclairait le lieu lorsque le soleil réchauffait la terre de ses doux rayons, se soustrayant alors de l'emprise de Naram. Au lieu de contempler l'extérieur, la reine se retrouva face à son reflet qu'elle admira un instant, une expression toujours neutre sur le visage. C'était amusant. Doucement, elle prit l'apparence de son ancêtre, un physique qu'il lui était tellement aisé de copier, comme si elle avait eu tout le loisir de le contempler durant des années. Elle sourit. Le lien de parenté n'était pas évident à établir. Comment une femme au corps n'appelant qu'à la tentation avait pu engendrer une femme semblant si pure? Et pourtant, était-il question de cela, d'un simple lien de parenté? Non, c'était certain, et c'était d'ailleurs en partie pour cela que Jun avait été créé, un homme ressemblant étonnement à Naram, un homme possédant pratiquement la même voix, mais au caractère quelque peu différent. Elle n'était pas son ancêtre, mais quelque part, celle-ci vivait en elle, c'était une certitude, comme si Mitsuko était un mélange de deux femmes à la fois, la rousse et la blonde. Les sentiments de son ascendante, elle les partageait, sinon comment expliquer qu'elle soit tombée dans les bras des mêmes hommes? C'était amusant, oui. Et si Jun existait, c'était justement pour créer une barrière entre Naram et elle, car l'esprit protecteur se rapprochait de la perfection, d'un être qui correspondait parfaitement aux attentes que l'on pourrait avoir, mais était-ce cela que Mitsuko souhaitait? La perfection?

« Je me demande bien ce que tu as pu lui trouver... »

La reine sourit avant de rajouter :

« En tout cas, il ne fait aucun doute qu'elle souhaite te garder jalousement pour elle. »

La jeune femme parlait bien sûr de son ancêtre, ne revenant pas sur leur conversation précédente. Elle avait envi d'autres choses, de savoir, de connaître une vérité qu'elle ne souhaiterait jamais entendre, un besoin si paradoxal, impossible à réaliser. Le corps de son ancêtre avait été détruit mais son âme, son esprit vivaient en elle à présent comme une malédiction et, si elle pouvait la contempler grâce à la dague noire, elle n'observait qu'une partie d'elle-même qu'elle voulait faire disparaître à jamais. Sa quête de l'éternel annihilerait les dernières composantes de cette femme, et détruirait sans doute ce qui l'attristait lorsqu'elle se retrouvait face à Naram, ce qui l'attirait aussi. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il se produirait après, si leur relation demeurerait tout aussi proche, proche et éloignée à la fois.

Reprenant son apparence initiale, elle se retourna vers le Génie avant de murmurer :

« Et si moi-aussi je disparaissais de ta vie? »

Joignant le geste à la parole par un sortilège parfaitement mené, son corps se transforma en ombres avant de s'évaporer comme par enchantement. La jeune femme créa alors une illusion dans laquelle le Génie avait le choix de se plonger, il lui suffisait juste de se rendre d'une quelconque manière à l'extérieur de la pièce dans laquelle il se trouvait. Elle savait oh combien les dons de l'homme étaient grands dans ce domaine, mais peu lui importait, elle avait besoin de faire le vide dans ses pensées, peu importe qu'il la cherche ou non, peu importe qu'il lui court après, peu importe qu'il essaye de détruire cette illusion. Aussi, recréant de toute pièce le parc de sa demeure de l'antre des damnées, elle se mit à courir dans ce dernier sous un ciel étoilé d'une beauté à couper le souffle. Mitsuko savait que son ancêtre aurait pu trouver un moyen de rejoindre le Génie lorsqu'il était parti, elle savait aussi qu'il aurait pu tout simplement ne pas la quitter, mais la vie avait été ainsi faite. Et ce soir, s'il ne venait pas la rejoindre, elle était déterminée à ne plus jamais le revoir, à faillir à la proposition qu'elle lui avait fait. La vie n'était qu'une suite d'opportunités qu'il fallait saisir. Il avait accepté son marché, accepterait-il de la suivre, de la rejoindre?

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Dim 13 Mai 2012, 03:12

Thème musical.


    S’il y avait bien une chose qui m’avait toujours plu chez cette femme, c’était bien cette ardeur l’appelant à l’égocentrisme et ce regard de fauve, vous signifiant à quel point vous lui êtes inférieur. Oui, là où tous ne verront qu’un visage de glace, moi je vois mille sentiments qui ne s’expriment pas sur ledit visage mais qui stimulent notre propre subconscience, nous évoquant ces sentiments qu’elle veut suggérer sans montrer. Je ressens dans ces mots, aussi banals soient-ils, l’illusion de ces désirs, aussi est-elle dans l’attente de son ascension pour y concéder.

    J’avais toujours détesté le temple des esprits. Il était à mes yeux une aberration pure et simple et si j’avais l’accréditation nécessaire, dieu sait que j’aurais démonté moi-même pierre par pierre cette boutade divine aussi bien pour son architecture que pour son principe. Pourtant, je devais l’avouer, je venais souvent rendre visite à William. Il était de loin un être hors du commun. Et j’aimais à penser que lorsque j’aurai son âge, je lui ressemblerai sûrement plus que je ne le voudrai, aussi irascible est-il. Je lui demandai souvent conseil, car lui comprenait par quelles étranges lentilles je regardai ce monde si changeant. Mais peu importait mes positions, je n’étais pas là pour ça.

    Mitsuko pris enfin la parole. Je m’attendais à vrai dire à plus loquace mais peut-être plus pour mon propre égoïsme, celui où elle me ferait comprendre la pertinence de mes paroles. Il était amusant de constater comme je restai accroché à sa verbe casuelle, comme si j’attendais qu’elle dise ce que je m’attendais à ce qu’elle dise, comme je l’aurais d’habitude fait pour d’autres, ces autres qui se seraient jetés dans le gueule de l’ennui et de l’attendu. Seulement, cette femme-ci, ne me ferait pas ce plaisir. Elle ne me le faisait jamais de toute façon. Il était normal qu’elle se pose certaines questions et même si je me demandai si elle s’attendait vraiment à une réponse de ma part, je savais que tôt ou tard j’aurai à répondre de mes actes, aussi ceux dont elle ne se doute pas encore.

    « Pourquoi elle ? Hum. Je ne crois pas que tu sois prête pour cette vérité-ci. Elle n’est plus qu’un fantôme. Et moi je déborde de vitalité. Si la loi du plus fort est contestable, celle du chanceux, un simple mythe, celui du plus malin reste une valeur sûre. Faut-il dans ce cas être la bonne personne. Comprends-tu ? Ce que je suis en ta compagnie est différent lorsque je suis avec une autre. La véritable question serait, suis-je le même que lorsque j’étais avec elle ? » Dis-je en songeant à son ancêtre.

    « Et si la réponse était positive, alors cela signifierait-il que les enjeux sont les mêmes ? Ce besoin de survivre ? Prouver ma valeur ? Prouver que je peux déchoir quiconque ? Faire pousser une rose en terre aride où il y a tant d’épines que la blessure est inéluctable au toucher, même le plus hésitant ? Ou les règles auraient-elles, au contraire, changées depuis ? Et peut-être alors que tout est plus sérieux qu’à l’époque ou au contraire, pris sous l’angle du jeu. Mais au final, quel intérêt pour ces questions. Toi qui détiens la volonté d’être une sorte de demi-dieu. Toi qui dois garantir l’ordre établi. Où se positionnent nos futurs dans la logique ? Toi avec le Jun qui n’est que le fruit d’une frustration, de dépravation et de regrets qui n’aurait fait que pourrir dès l’instant où il t’a approché ? Et moi au trône des génies en passant l’éternité à détruire les rêves des heureux imbéciles, pensant éternellement à ceux que j’ai perdu ? Est-ce là ce qui est écrit pour nous ? Est-ce là ce qu’il serait préférable de vivre pour nous deux ? Comprends-tu... Je déteste être prévisible. Et je serai prêt à changer mes plans rien que pour cela ; je le sais, c’est une faiblesse mais je ne risque rien à te la dévoiler car tu me décevrais si tu m’avouerais ne pas l’avoir remarqué par toi-même. Ce qu’il te sera nécessaire de comprendre c’est que tout ce que tu penses savoir à propos de mes sentiments à ton égard valent autant que mes promesses, dites avec autant de solennité que nécessaire pour paraitre crédible. Désires-tu vraiment jouer avec moi sur ce terrain si glissant ? Car à aucun moment, tu n’auras la certitude d’être dans le vrai. Et ce autant que moi pour toi, évidemment. Sinon, quel plaisir ? »

    Je lui avais sorti tout ça, d’une traite, sans respirer et en lui tournant le dos. Bon d’accord, c’était surtout pour jouer de la proximité de nos corps, tantôt se frôlant, tantôt s’esquivant, n’osant s’affronter par un regard jeté trop tôt ou trop tard sur son adversaire. Adverse, amie, amant. Qui était-elle vraiment ? Je n’étais pas sûr de vouloir définir Mitsuko, j’aimais ce flou qui la caractérisait si bien. Elle m’amusait, j’avais parfois l’impression qu’elle rythmait ma vie. Que si je devais faire un sommaire du récit de mon retour, il serait paraphé à chaque chapitre de ses initiales. Comme si lesdits chapitres étaient entrecoupés par nos rencontres, aussi étranges étaient-elles. Oui, je le savais, jamais je ne saurai qui elle était vraiment, ce qu’elle ressent, si même elle ressent et pour qui. Je le savais, à jamais, elle serait cette ombre pour laquelle la lune s’était inclinée une nuit devant moi. Au rocher où les fleurs poussaient dans la pierre et où la musique retentissait dans le silence béant. L’ombre qui m’avait fait tant frissonner. L’ombre qui avait osé m’affronter, me tenir tête alors même que tous ont péri, annihilés par ma folie. Cette ombre serait ou était déjà une drogue. Dévorant le creux au cœur qui se glissait à l’antre de ma poitrine, mordant à pleine dents dans cette vie charnière, cette pomme noire. Où était le vrai ? Qui détenait la vérité ? Là était le plus excitant, j’étais incapable de prédire, décrire ou même comprendre et ainsi manipuler, détourner, la vérité. Mais j’aimais ça. Car je savais que je pouvais perdre, je désirai presque l’échec, je voulais un défi capable de me stimuler. Et cela était triste à dire mais j’avais beau haïr Mitsuko, détester son attitude, ses grands airs et ses manières, j’avais beau lui reprocher mille défauts et mille autres encore, que je pouvais cracher sans respirer comme tous mes laïus, mais jamais, oui jamais, je ne pourrai accepter de ne jamais la revoir.

    C’est pour cette raison, que j’ouvris la porte.

    M’approchant de la poignée, je savais que la saisir était la mauvaise option. Je savais que pactiser avec le diable était folie. Je savais que Mitsuko était encore plus tordue que le diable. Pourtant, pour la première fois depuis bien longtemps, l’ennui qui grignote mon âme à petits feus disparut. Oui, plus aucun soupir. Je saisissais la poignet de la porte comme on saisissait une occasion qu’on aurait toujours refusé et qui, par une folle envie de nouveau, nous aurait paru irrésistible. Elle prenait un risque immense en s’aventurant sur le terrain de l’illusion. Seulement je le savais aussi, si je voulais percer un peu plus le mystère qu’elle créait pour me tenir en haleine, je devais me laisser faire et ne pas chercher à corrompre un tel effort. Car, comment mieux me séduire qu’en créant le rêve ? Elle qui désirait justement la couronne des rêves, était-ce là la plus belle des épreuves ? Forçant le passeur que j’étais à endurer son épreuve, elle venait à l’instant d’inverser les rôles. Tel un génie asservi qui appelle maître sa future victime. Oui, elle venait là de me montrer qu’elle était digne. Ce qui rajoutait un défaut de plus à la liste : ceux qui ressemblent de près ou de loin aux génies devraient se faire interner de toute urgence.

    Elle choisit comme plateau de jeu, son manoir. La case de départ ou d’arrivé, je ne savais vraiment, était le parc qui entourait le domaine. Le ciel semblait statique, d’un mélange étrange de blanc, de gris et de noir, sans nuage, ni volatile. Le vent était léger et frais, la brise parcourait mon corps comme le frisson au niveau de mon nombril ressenti à l’instant où j’eus cru que nous nous embrasserions au rocher. Ce frisson que je ne connaissais pas. Que je n’arrivai toujours pas à définir. Il me hantait ici, dans son illusion. Je me noyai. Je marchai dans l’herbe parsemé aux quatre coins et j’entrevue même le saule pleureur, étonné du détail de l’illusion. J’oubliai parfois que c’était une femme puissante. Il était vrai qu’elle m’en avait très peu fait la démonstration. Car elle savait peut-être qu’avec moi, ce n’était pas la solution, aucune force ne pouvait m’impressionner en tant que telle, j’étais homme à être émerveillé par d’autres choses. Ce genre de choses. Le réalisme de la création. Elle qui avait couru vers cette porte, où était-elle maintenant ?
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Mitsu
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Mitsu
Jeu 31 Mai 2012, 02:48


Mitsuko se trouvait allongée dans le parc de son manoir, cachée en partie par les herbes hautes qu'elle avait imaginé, créant de toute pièce une illusion dans laquelle tout semblait calme, paisible. Le ciel au dessus de sa tête était dégagé, les étoiles brillant de mille feux et elle attendait Naram, espérant sans différence aucune qu'il vienne ou qu'il ne vienne pas. Elle ne souhaitait pas penser qu'il la rejoindrait alors qu'il ne le ferait pas, et elle ne souhaitait pas penser qu'elle pouvait enfin se débarrasser de lui pour l'éternité alors que ce ne serait pas le cas. La jeune femme avait tendance à vouloir à la fois détruire et sauvegarder ce qu'elle aimait mais souvent, elle brisait les âmes des êtres qui pourraient s'approcher d'elle de trop près, les oubliant de par sa seule volonté et les forçant au final à se perdre seul. Et si le génie faisait encore partie de sa vie aujourd'hui, peut-être chercherait-elle à l'éjecter de celle-ci un beau jour, sans raison apparente. Mais en attendant, elle contemplait le ciel, sensible à la beauté de celui-ci, son corps caressé par le vent qui apportait fraicheur et existence au rêve. En réalité, elle y pensait à présent, mais elle avait toujours aimé le vent, se voulant parfois violent, parfois doux, disparaissant avant de réapparaître. Et finalement, elle se demandait si ce n'était pas pour cela qu'elle restait attachée à la présence de Naram dans son existence. Il était aussi instable qu'elle, si ce n'est plus. La jeune femme prit un brin d'herbe dans sa main, le coupant avant de jouer avec, le coinçant entre ses pouces avant de souffler, obtenant alors un son aigüe qui serait facilement repérable par le jeune homme qui avait choisi d'entrer dans l'illusion pour la retrouver. Quoi qu'il en soit, elle décida de modifier le jeu en façonnant l'espace autrement, le génie se retrouvant à ses côtés, couché à sa gauche. Ce qui n'était pas réel était si facilement modulable lorsque l'on avait de l'imagination, lorsque l'on visualisait la scène. Il lui avait juste fallu inverser les axes et rapprocher les parcelles. Elle aimait cet exercice.

Tournant la tête sur le côté, Mitsuko planta ses yeux verts dans l'océan de ceux de Naram avant de murmurer :

« Ne t'inquiètes pas, je ne veux pas savoir pourquoi tu as choisi de me rejoindre. Par intérêt ou sur le coup d'une impulsion, cela m'est égal. Tu aurais pu juste être curieux d'admirer cette illusion que cela ne ferait aucune différence. »

La jeune femme tourna la tête de nouveau vers le ciel, souriant à la voûte céleste. Elle inspira puis finit par reprendre la parole :

« J'ai toujours voulu mourir ici, dans ce parc, sous un ciel étoilé comme celui qui se trouve juste au dessus de nous, mon esprit s'élevant vers les cieux alors que mon corps resterait là un long moment. Je me plais à songer que les serviteurs du manoir penseraient que la folie de dormir ici m'aurait prise, ne souhaitant pas me déranger avant de constater l'évidence de ma mort. Et à ce moment là, peut-être que nul être au monde ne me pleurera, mais j'ai toujours eu la certitude que mes actions resteraient dans les mémoires bien après mon décès. »

Mitsuko contempla de nouveau le génie qui se trouvait à côté d'elle. La jeune femme avait réfléchi à ce qu'il lui avait dit plus tôt et elle prenait plaisir à lui répondre en lui exposant sa propre vision des choses. Pour une fois, elle avait décidé de faire dans la simplicité, chose qui laisserait sans doute Naram perplexe, mais peu lui importait. Elle s'approcha de lui.

« Je sais que tu n'aimes pas être prévisible, que tu n'aimes pas formuler ton existence, donner un nom aux choses que tu aimes ou que tu voudrais détruire, je sais que tu peux dire oui et ensuite non, que tu peux te montrer aussi cruel que bienfaisant. Je te connais sans te connaître et j'aime la situation telle qu'elle est aujourd'hui, sans forme, sans fond, quelque chose d'indéfinie. J'aimerai réellement que ton futur se trouve sur le trône des génies à ressasser un passé devenu surement idyllique et terriblement douloureux à tes yeux, j'aimerai tellement t'oublier, retrouvant mon vrai Jun, l'homme qui a été conçu par mon ancêtre pour être parfait à mes yeux. Mais crois-tu cela réellement possible? Pourtant, à continuer de la sorte, cette image qui me conviendrait risquerait de se réaliser et, cela, je ne le veux pour rien au monde. J'aime les paradoxes mais à nous enfoncer tout deux vers un néant pourtant fait d'infini, le futur risque de devenir le plus prévisible qui soit. »

La jeune femme s'approcha de nouveau, toujours un peu, continuant son discours jusqu'au moment où cela ne serait plus possible.

« Je pense que c'est uniquement lorsque le cauchemar se transforme en rêve que l'on prend conscience de l'horreur que l'on vivait. Et, au contraire, lorsque le rêve se transforme en cauchemar, on s'aperçoit de tout ce que l'on a perdu. Si je me servais de la couronne des génies une fois que j'aurai atteint l'éternité pour ramener à la vie mon ancêtre, ton cauchemar se transformerait-il en rêve? Si elle n'était plus un fantôme, voudrais-tu cesser cette ritournelle d'imprévisibilités qui t'entoure? Et si je t'avouais que je connaissais ton vrai nom, à supposer que cela soit vrai, aurais-tu peur? Et si, je t'avouais que je l'eus connu un jour, me forçant à l'oublier pour n'être jamais tentée de l'utiliser, que ressentirais-tu? Et si je te disais simplement que je t'aime, t'enfuirais-tu aussi loin que tu le peux? Et si je t'avouais que je te déteste, resterais-tu à mes côtés toute ta vie? Et si je n'étais moi aussi qu'une illusion de ton esprit cherchant simplement quelqu'un pour lui tenir compagnie? »

Mitsuko posa ses deux mains de chaque côté de la tête de l'homme, son visage se trouvant au dessus de celui de Naram, ses cheveux tombant doucement de part et d'autre de ce dernier.

« Tu crois pouvoir tout contrôler? »

Lentement, elle avança son visage de celui du génie, effleurant ses lèvres avec les siennes, fermant les yeux. Elle le touchait à peine, comme si cela n'était que la caresse du vent et peut-être qu'au fond, elle ressemblait bien plus au vent que le jeune homme. Car, quoi que l'on fasse, le vent restait insaisissable, doux puis violent. Et surement lorsque le génie s'y attendait le moins, l'une des mains de Mitsuko s'abattit violemment sur sa joue alors qu'elle disparaissait comme un rêve au petit matin. Seule sa voix raisonna dans le parc :

« Que vas-tu faire maintenant? Rompre l'illusion? Chercher à te venger? Me retrouver? Attendre que je revienne? Ou prendre un malin plaisir à ne choisir aucune de ces options pour ne point être prévisible, faisant dans l'originalité? »

La jeune femme se trouvait maintenant à l'intérieur du manoir, commençant à jouer du piano, un fin sourire sur les lèvres.

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Mer 03 Oct 2012, 00:21

    J'étais si loin, tout était si beau. Tout me paraissait confus et clair à la fois, j'avais l'impression que tout venait de moi alors que je n'avais rien fait, c'était étrange et fascinant de contempler ce à quoi Mitsuko s'adonnait, cela était tellement révélateur. J'étais couché là, juste à côté d'elle, sans en faire trop, sans n'en faire pas assez. Il s'agissait peut-être même de notre rencontre la plus simple de toute, loin des jeux de séduction du rocher, de nos brèves entrevues ici et là, oui tout était ici bien plus sobre, et pourtant je n'eus jamais plus grande sensation d'être si proche d'une femme, de cette femme.

    « Pourquoi ainsi songer à ta mort ? Pour avoir connu cet épisode, il n'y a rien à prendre de bon là-dedans, il n'y a qu'un néant, un puits sans fond. L'ennui ne m'avait jamais autant consumé. Aucune ombre n'a osé toucher à mon âme, j'étais sans espoir de réincarnation, comme le fut mon frère. Si je suis revenu, si, comme la légende se plait à le narrer, j'ai grimpé aux remparts de l'enfer, ce n'était pas pour retrouver l'âme de ta descendante qui n'y était pas, malgré ce que certains disent à mon propos. Personne ne peut se vanter de connaitre la vérité, tout simplement car si cela avait été vrai, je n'aurais pu revenir à la vie par cette seule force. Quelqu'un est intervenu, quelqu'un dont tu ne peux imaginer la vertu. Quoi que, en réalité, si, vu ce à quoi tu aspires. Et j'ai tant envie de tout te dire. J'ai envie de t'avouer le pourquoi de ma raison, de ma tristesse, loin de ce que tu peux penser. J'ai tant envie de partager ça avec toi, malgré les conséquences. L'heure y est pourtant parfaite. Si je suis revenu d'entre les morts, c'est pour une raison précise. Ma tâche que les dieux m'ont incombé n'était pas terminée, que je le veuille ou non. »

    Je regardais fixement les étoiles, je n'avais pas besoin de regarder Mitsuko, les astres dessinaient son visage à travers la constellation de son corps, la savoir ici me suffisait à cet instant, je ne pouvais désirer plus.

    « J'ai souvent songé à ce monde, à ce qu'il est, ce qu'il devrait être. Je l'ai souvent songé, mais jamais sans elle, jamais sans toi. Tu peux bien la faire renaître, à présent, tout est différent. Je connaissais les conséquences de mes actes dès l'instant où j'ai quitté la chambre de ton ancêtre, quand j'ai fermé la porte, je le savais, plus jamais elle ne serait à moi. A moi. Comme s'il s'agissait d'une chose merveilleuse. Je crois que c'est aussi ça qui me plaisait, elle était convoitée de tous mais n'était qu'à moi et à moi seul. Elle pouvait bien donner son corps, je donnais aussi le mien à cette époque. Mais le cœur, lui, n'appelait qu'au vide béant si ce n'était pas elle que je contemplais dans son sommeil. Et son cœur, quoi qu'elle en dise, n'appartenait qu'à moi, qu'elle le veuille ou non, je faisais tout pour être son poison des merveilles, tout pour qu'elle soit le mien. Et pourtant, aujourd'hui, si les choses devaient pouvoir se refaire, jamais je ne les referai. Je ne suis plus cet homme. Depuis j'ai vu le monde, j'ai vu les hommes s’entre-tuer pour du vent, j'ai compris que je n'avais été qu'un jeune homme noyé par ses désirs, en proie à une ambition bien plus grosse que lui. Que j'étais idiot.

    Pour être tout à fait honnête avec toi, je pensais l'aimer. Mais je peux clairement t'affirmer aujourd'hui que je me trompais. J'ai eu une passion infinie pour cette femme, une passion que tu ne pourrais imaginer, comprendre, cerner ; mais de l'amour, en ça, n'était réduit qu'à la volonté de désirer l'aimer sans le pouvoir. Pour être plus honnête encore, et profite en, c'est assez rare, je pensais l'aimer, mais à être là, ainsi, allongé dans cette herbe chimérique, je me rends compte que je ne l'aimais pas. Non, car je ne te connaissais pas. »
    Et j'aimais ainsi laisser le double raisonnement se faire car soit, pouvait-elle penser, s'il éprouve même sentiment, alors il sait que ce n'était rien ou qu'au contraire, face à ce qui a été, ceci est tellement plus et alors il s'agissait de belles paroles à son égard. Mais selon son interprétation, elle pouvait le prendre comme la plus acerbe des fermetures.

    « Tu peux bien connaitre mon prénom, ma chère, cela ne t'aidera en rien. Bien au contraire, car si demain il s’avérait que j'étais à toi, tout à toi, éternellement serviteur à ta petite personne, alors tu n'éprouverais plus aucun intérêt à m'avoir, car ce qui est acquis n'est plus à prendre. Tout comme pour moi, si tu étais à moi, je n'éprouverais aucun plaisir, mon intérêt pour toi, si grand à ce jour, serait réduit alors à néant. Car tant que tu me fuiras, je te serais dévoué, mais le jour où tu cesseras de me fuir, alors je disparaîtrais de ta vie. J'ai souvent pensé que je t'aimais autant que je te haïssais mais aujourd'hui, je crois que c'est bien plus complexe que ça. » Et il ria avec douceur, comme s'il avait peur qu'au moindre geste brusque, le rêve se détruise et qu'il cesse.


    Puis elle disparut, me laissant seul dans l'univers de son esprit, quel plus beau cadeau. Ô, j'aurais tant aimé être dans l'esprit matérialisé de toutes ces femmes que j'ai rencontré, quelle belle occasion. Et pourtant, maintenant que j'étais ici, je n'avais aucune curiosité, comme si au final, sans Mitsuko avec qui converser, découvrir son monde m'était inutile, futile, voir même nuisible. Je restai là pendant, je ne sais combien de temps. J'étais pensif, je ne pensais en réalité qu'à elle, Mitsuko. Quel étrange nom. J'étais plus ou moins lié à sa famille sans comprendre pourquoi. Mais depuis son annonce, depuis son aspiration au rang d'aether, je comprenais... Pourquoi.. Toute ma vie.. était dirigé ainsi. Deus Ex Machina. Ce n'était plus qu'une question de désir pour elle, je ne voulais pas qu'elle parte, je ne voulais pas qu'elle s'en aille. S'élever au rang de dieu ? Je refusais. Pas elle. Je voulais encore qu'elle me surprenne, qu'elle me dise de belles choses, puis qu'elle me sorte des phrases assassines. J'aimais tout cela. J'avais besoin d'elle. Je voulais qu'elle ait besoin de moi. Je ne pouvais accepter.

    Me relevant, je pris tout mon temps. Je longeais le manoir pour arriver au Saul-pleureur. Là-bas, je m'abaissai puis identifiai les noms sur les pierres tombales. Mitsuko y était effectivement mais pour l'autre nom, il y avait comme un mot indéchiffrable ; pourtant les lettres étaient lisibles mais ce fut comme si le cerveau bloquait dans la lecture entière du mot. Elle ne savait rien de mon prénom. J'en souriais, je savais que je venais de lui révéler la clé de l'énigme mais en vue de ce que je lui avais dit, jamais elle ne s'en servirait, bien au contraire, elle savait qu'un tel acte n'aurait aucun intérêt et éviterait sûrement même de venir, dans le monde réel, découvrir ce nom. A moins que sa curiosité maladive soit plus forte que le risque mais alors, pourquoi aurais-je pris la peine de venir ici lui montrer la solution ? Elle savait pourtant que je tenais à ma liberté plus que tout, cela la ferait sûrement cogiter quelque peu au moins.

    Je savais qu’elle remplissait ce rêve avec mes propres souvenirs, ainsi je ne fus étonné lorsqu’en parcourant les couloirs du manoir, je vis de véritables fantômes déambuler autour de moi, je me vis même, à certains moments, me dirigeant à des endroits précis, et Mitsuko partir dans l’autre sens, comme deux inconnus. Je me souvenais exactement de ce temps, ce temps où elle m’avait fait jurer une discrétion extrême à laquelle j’avais consenti de toute manière, pour les mêmes raisons. Me remémorer ce souvenir me fit sourire, nous étions comme Roméo et Juliette, nous savions fort bien que nous aimer n’était permis mais cette interdiction, il était justement intéressant d’y goûter. Je décidai par la suite de faire une sorte de petit tour à Mitsuko qui après tout, n’était pas la seule à pouvoir contrôler les mouvements de mon corps pour me faire venir à elle. J’y réfléchis un instant, incertain du bénéfice de l’expérience. Devait-elle voir un secret de plus de mon existence ? Je pesais le pour et le contre et...

    Entrant dans la pièce, j’étais habillé d’un épais manteau noir à capuche que je retirais pour laisser le jour éclairer mon visage. Mitsuko alors se leva de son banc où elle jouait jusqu’à lors, et se dirigeant vers moi, elle put, en passant devant une glace, remarquer que ses cheveux avaient pris une couleur flamboyante, ses habilles plus provoquants, laissant ses formes embellir le ciel et ses étoiles.

    « Naram ? » pouvait-elle-même se surprendre à dire sans contrôler sa verbe.

    « Oui ? » répondis-je le plus naturellement du monde.

    « J’ai trouvé ce livre, le conte de l’homme aussi âgé que l’était son océan. Bon titre, ça fait vendeur. » Reprit-elle avant que j’aborde une figure plus gênée.

    « Ne fouille pas dans mes affaires. C’est compris ? » Grognai-je en lui reprenant violemment le livre des mains.

    « Tu m’as caché ta passion pour la religion mon cher génie. J’étais vraiment loin de penser que tu t’intéressais autant aux aetheris. Des ambitions voilées ? » Crachait-elle, le sourire aux lèvres, comme plus fière qu’une lionne de sa trouvaille.

    « Tu es bien trop jeune pour comprendre. » - « Mais instruits-moi, ça m’intéresse. »

    On sentait une hésitation presque morbide, comme si ma vie en dépendait.

    « William. » - « Ce vieux grincheux du temple ? A chaque fois qu’il me voit arriver, il soupire d’avance ! » - « Je me demande pourquoi... » - « Cesse ton ironie. » - « Milles excuses. » - « Continue. »

    « William est aujourd’hui un esprit du temple. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. En réalité, nous avons, lui et moi, grandit ensemble. C’était le plus grand de mes amis mais un homme détestable, arrogant, froid et manipulateur. » - « Vous vous étiez bien trouvé. » - « Nous avons grandi dans une cité où le culte des aetheris était omniprésent. » - « Tu n’es pas né dans la cité des mirages ? » - « Elle n’a pas toujours été là. Je suis né sous le ciel du culte des aetheris. Dans une cité en autarcie par rapport au monde. Lorsque nous naissions, nous étions destiné à leur rendre hommage, nous ne devions vivre que pour leur apporter notre foi, notre soutien, notre destin était entre leurs mains. Et bien souvent, notre vie était brève. Nous étions aussi naïfs que des orines et pourtant, aussi cultivés que des relhas. » - « ça devait te plaire tiens, toi qui déteste la soumission. » - « C’est pour cela que j’ai fuis avec Jun. Tu ne peux imaginer ce que c’était. Nous étions de véritables esclaves de faux dieux. Mais William m’en a toujours voulu. Lorsque bien plus tard, il a aspiré à son tour au rang d’aether... je l’ai... trahi. » - « Je ne comprends toujours pas ton intérêt pour les aetheris et pourquoi dans ton conte, tu parles de cette femme qui est devenu une étoile. » - « Lorsque Jun a grandi, je l’ai confié un certain temps à Lily. Je suis retourné à la cité des aetheris, pour retrouver William, mais il était déjà parti. Mais j’y ai rencontré une femme, une femme qui aspirait à devenir elle aussi aether. Cette femme, mon dieu, a causé ma perte. » - « Tu t’es entichée d’une aether alors que tu détestais en tout point cette race ? Alors qu’elle t’avait asservi toute ton enfance ? Tu te trompes, ce n’était pas toi voyons ! » - « C’était bien plus complexe. Depuis mon départ, la donne avait changé. Les hommes de la cité ne naissaient plus pour servir les aetheris mais au contraire, les aetheris naissaient pour servir ces hommes. »

    « Comment était-ce possible ? » - « ils avaient compris que ce qui marchait dans un sens, marchait dans l’autre. Ils l’ont tué, Mitsuko. Ils ont tué cette femme. Un sort bien pire que la mort, ils ont cessé de croire en elle. Elle était devenue déesse de l’harmonie et personne ne comprenait que pour garantir l’équilibre, elle ne pouvait pas protéger tout le monde, il fallait des sacrifices. » - « Mais toi, tu ne croyais pas en elle ? » - « C’est bien plus complexe te dis-je. Et depuis, j’ai cessé de croire. Ma haine pour l’humanité est née à ce moment précis, lorsque sous mes yeux, l’étoile est morte. Les aetheris sont une plaie, un secret qu’il ne faut pas déterrer. Avec la chute de la cité, la race s’est, entre guillemets, éteinte. Je suis persuadé que d’autres cités à travers ces terres ont dû aspirer aux mêmes ambitions que la mienne et chuter de la même manière. Mais toute ma vie, je n’oublierai pas ce que ce mot signifie. Et je souhaite que jamais plus, un seul être ne devienne aether. » - « Mais toi, Naram, tu n’étais pas aspirant au titre d’aether ? » - « J’ai trahis William dans ses ambitions qui nous concernaient, j’ai trahis cette femme, j’ai trahis tout le monde. Je n’étais plus méritant. De toute manière, j’étais bien trop en colère pour élever mon esprit ou je ne sais quoi, je n’ai jamais tellement compris tous ces préceptes religieux. J’étais trop jeune. » - « ô Naram, qui aurait cru... Je comprends maintenant pourquoi tous mes ouvrages sur les aetheris ont disparu de la bibliothèque du manoir. » - « J’en avais besoin. Je... C’est compliqué. »

    « Dis-moi Naram. » - « ça ne te concerne pas ! » - « Et si je veux devenir aether moi aussi ? » - « J’userais de tout ce qui est en mon pouvoir pour t’en empêcher ! Tu entends ! Reste sur Terre. Cette femme, lorsqu’elle est devenue déesse... était, inaccessible. Et toi, tu es à moi. » Hurlai-je pour finir tout en arrachant les fameuses pages du conte comme pour les faire disparaître de ma vie, ma voix résonna dans le vide comme le hurlement d’un mauvais esprit, faisant ainsi comme une cassure du rêve dans le rêve de Mitsuko. Celle-ci pu alors reprendre possession de son corps et moi, j’avais disparu.

    Mais que la belle se rassure, je n’étais pas parti loin, j’étais exactement à l’endroit où elle était avant de se lever, au piano, où je jouais à mon tour, silencieux, sans la regarder.

    « Je ne veux pas que tu deviennes aether. Je ne veux pas que l’histoire se répète. Je ne veux pas que tu disparaisses. Pas toi. Oublie-moi si tu veux, je t’oublierai si c’est le prix, je ferai en sorte que Jun et toi vivaient heureux éternellement ; si c’est le prix, je suis prêt à faire ce vœu. Mais reste ce que tu es. Ta passion dévorante pour ce monde te tuera. Ne m’oblige pas à être contre toi. Je t’ai toujours, moi, mon clone, tout ce que je représente au sens large, toujours protégé. Même quand j’étais mort, loin, quand tu n’étais qu’une gamine qui s’est émancipé de l’étouffement de ses parents, j’étais là. Quand tu as ouvert ton fichu grimoire, j’étais là. J’ai toujours été là. Mais si tu deviens aether, je ne pourrai plus, être là. Et contrairement à ce que tu penses, le risque n’aura pour toi jamais été aussi grand, ta vie pourra s’éclipser car tu ne vivras qu’à la bonne volonté des croyants. Et je n’aurais pas la force de croire en toi pour tous ceux qui t’oublieront quand ils se rendront compte qu’un dieu n’est pas un bon génie qui exauce tous leurs souhaits futiles mais un garant de l’équilibre nécessaire du monde. En d’autres termes Mitsuko, si tu deviens aether, je sortirai définitivement de ta vie. Je ne veux pas revoir une autre légende faner devant mes yeux. C’était bien trop dur la dernière fois. L’humanité n’est composée que de crétins, d’égoïstes, d’assassins, d’imbéciles indolents. Et toi, tu veux les aider à croire au meilleur de l’Homme. Le peu de ta vie ne t’a donc rien enseigné sur notre nature ? Nous sommes mauvais, toi, moi, tout le monde. Et ils te tueront. Ils t’aduleront au début, quand tu leur seras utile, et quand ils se rendront compte que tu n’auras plus besoin d’eux pour exister ou du moins quand tu seras bientôt à ce stade, ils cesseront de croire en toi, ils perdront leur poule aux œufs d’or, ils préféreront qu’elle meurt plutôt qu’elle ait un contrôle total sur eux. Tu peux comprendre ça, je t’en prie, oui je te prie à cet instant, ne serait-ce que pour ça. Ne deviens pas aether. Deus ex machina, Mitsuko, deus ex machina. »

    Il avait osé. Il l'avait dit. Son ton était froid et paradoxalement, on sentait une étrange chaleur dans ses paroles, une sincérité nouvelle, il lui parlait comme à une femme qu'il connaissait depuis des lustres, comme s'il pouvait se le permettre. Peut-être s'était-il dit qu'il fallait tenter le tout pour tout. Un coup de poker ? Non, c'était bien plus. Il souhaitait. Et en cela, tout changeait car jusqu'à lors, jamais le génie n'avait osé. Mitsuko après tout lui avait demandé au rocher, lui avait demandé de ne jamais l'oublier. Que ce moment puisse être éternel dans l'histoire de ces deux inconnus mais qu'il demeure comme crucial. Un choix. Un destin. Naram ne pouvait certes pas tout contrôler, alors il laissait volontiers ce pouvoir à Mitsuko qui apprendrait qu'à vouloir tout contrôler, les conséquences peuvent être dramatiques. A ainsi planifier une vie dans un sens, on finit par la voir dégringoler dans tous les autres. Jun, Naram. Deux êtres, une envie, celle de posséder la femme faite de la même matière que les rêves. Et Naram, de quoi était-il fait ?

    Spoiler:



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Mitsu
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Mitsu
Lun 22 Oct 2012, 02:39

Mitsuko regardait Naram et il fallut quelques longues secondes de silence pour qu'un petit sourire apparaisse sur son visage. Elle n'avait pas l'intention de faire le moindre commentaire sur ce qui venait de se passer, ou peut-être un seul, une seule phrase qui ne tarda pas à résonner dans la pièce :

« Je t'ai connu moins bavard mon cher mais il semblerait que ce soit la soirée des révélations sur nos vies, sur nos attentes...peut-être. Car j'ai moi-aussi une petite expérience à te faire vivre, trois fois rien...vraiment. »

Peut-être était-ce par vengeance de ce moment d'intimité qu'il lui avait livré? Peut-être était-ce par jalousie? Ou peut-être par désir? Ou simplement une simple manière de lui dévoiler un petit secret, quelque chose qu'il ne savait pas encore sur elle : ses enfants, ceux qu'elle s'apprêtait à créer, ceux qui seraient le fruit de longues années de travail.

« N'en profites pas. »

Se dirigeant vers lui, elle prit un petit élan avant de l'enlacer, leurs corps traversant la matière du rêve, de l'illusion. Aussi, ils tombèrent tous les deux sur le lit de la jeune femme, lui sur elle. Sauf qu'il s'agissait du monde des souvenirs, que les cheveux de Naram s'étaient teints en noir, deux canines dépassant doucement de sa bouche qui formait un sourire de triomphe. Il était impuissant, enfermé dans le corps de Vlad qui, épuisé, avait enfin attrapé Mitsuko après une longue partie de cache-cache dans le manoir. Elle rit, puis finit par lui dire :

« Félicitation, tu as gagné la haine définitive de Seth je crois pour tes délits à l'intérieur du manoir. »

« Je ne l'ai jamais aimé de toute façon. Et puis ce n'est pas de ma faute si ce service en porcelaine se trouvait entre ma proie et moi. »

Son regard était brulant, brulant de désir et lorsqu'il plongea ses yeux hypnotisant dans ceux de Mitsuko, il finit par craquer, se dirigeant vers son cou pour le mordiller sans ménagement, l'une de ses mains descendant peu à peu du poignet qu'il maintenait alors fermement vers des formes bien plus généreuses.

« Vlad... »

Il ne s'arrêterait pas, pas cette fois. Il savait qu'elle le désirait, il le savait. Elle devait se donner à lui, il ne pouvait plus se contrôler, son parfum, l'odeur de son sang, ses yeux, il n'en pouvait plus. Et pourtant, lorsque sa main se rapprocha de plus en plus d'un de ses seins, une violente poussée se fit sentir sur son abdomen, un coup qui le projeta à travers la pièce. Il atterrit dans un violent choc et la colère s'empara de lui. Pourquoi? Il grogna, ses yeux virant au rouge, il était fou de cette femme et elle le rendait cinglé, il n'en pouvait plus.

« Mitsuko, je ne vais pas pouvoir attendre encore longtemps. »

La jeune femme se redressa, s'avançant vers lui pour lui empoigner les cheveux avec une force colossale, relevant la tête de Vlad pour la placer à quelques centimètres de son visage. Elle n'était pas spécialement puissante mais sa place dans la hiérarchie assurait sa domination sur ses sujets, lui y compris :

« Figure toi que je ne serai jamais comme mon ancêtre à écarter les cuisses devant le premier homme qui passe. Mais si cela te manque Vlad, tu peux aller te rassasier au bordel le plus proche. Nous ne sommes pas mariés après tout. Maintenant vas-t-en! »

Elle se redressa, quelques cheveux de l'homme restant coincés dans le creux de sa main. Cela ne lui ressemblait pas d'élever la voix sur lui et elle savait très bien qu'il la trouvait cruelle de jouer ainsi, de lui promettre quelque chose qu'elle ne pouvait encore lui donner alors qu'il n'y a pas si longtemps leurs contacts physiques étaient de plus en plus entreprenants. Pourtant, malgré la distance qu'elle prenait depuis quelques semaines, ce serait avec lui qu'elle le ferait, elle le savait, mais le moment n'était pas venu. Le vampire se releva et quitta la pièce, Naram sortant alors du corps de ce dernier comme par enchantement, à temps pour voir la jeune femme faire apparaître un meuble aux multiples tiroirs, des centaines de petits tiroirs sur lesquels étaient marqués des noms de personnes plus ou moins connues : des anciens souverains, des souverains actuels, des hauts placés dans la hiérarchie de chaque race. Tirant l'un d'eux, elle y plaça les cheveux de Vlad doucement, se tournant vers le génie avec un regard amusé, le souvenir se brisait :

« Tu finiras par comprendre ce qui aujourd'hui te semble flou. Car si je te révélais tout maintenant, ton intérêt n'en serait que diminué, alors que j'aimerai, au contraire, le renforcer... »

Elle lui sourit, semblant fière de sa petite mise en scène, fière de l'avoir rapproché d'elle considérablement par l'intermédiaire d'un souvenir, mais était-ce pour le contact presque charnel du début ou pour le contact plus méprisant de la fin? Il était impossible de le savoir et ce n'était ni plus ni moins qu'une douce vengeance pour ce qu'il lui avait dit lorsqu'ils étaient encore allongés dans l'herbe. Elle changeait de visages souvent lorsqu'elle était avec Naram et, à vrai dire, elle aimait cela, elle aimait le regarder avec amour un instant puis l'observer comme si elle le détestait, lui susurrer de douces paroles avant de prononcer des mots aussi coupants que des lames de rasoir. Elle finit par s'approcher de lui et le décor changea petit à petit :

« Pour ce qui est du reste... »


Son corps changea et elle redevint enfant. Une petite fille blonde fasse à un petit garçon au cheveux bleus, tous les deux sur une plage au bord de l'océan. Elle l'enlaça comme s'il n'était qu'un ami, l'ami d'une petite fille, peut-être son amoureux qu'elle aimait en secret, ou l'inverse...mais cela importe peu au final. Puis, doucement, elle s'approcha de son oreille innocemment. Qui se méfiait des enfants? Qui pouvait penser que de l'amour, du désir, de la haine, de la manipulation ou même des mensonges pouvaient peut-être existé dans ce tableau? Non, il n'y avait que l'innocence, que la vérité, que la beauté de la pureté. Elle finit par lui chuchoter :

« Je ne changerai pas d'avis, jamais. Aussi, si j'avais un souhait à te formuler, ce serait celui-ci : détestes-moi, oui, détestes-moi, éloignes toi de moi si cela peut te faire plaisir, mais, quoi qu'il arrive, ne m'oublie pas. »

Déposant un baiser sur sa joue, elle finit par poser sa tête sur l'épaule frêle du petit garçon. Quelle demande égoïste après ce qu'il avait pu lui dire. Mais elle n'était qu'une enfant, et les enfants sont égoïstes non?

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Lun 22 Oct 2012, 20:13

    Le génie continua à faire glisser ses doigts sur le piano comme l’on caressait le visage d’une femme, les yeux toujours fermés, il cessa son discours, il n’avait plus rien à dire, plus rien à révéler comme la jeune femme l’avait si maladroitement exprimé. Il était vrai, le génie aimait peu jouer aux révélations, il préférait le mystère mais l’on sentait dans son visage crispé comme une pointe de peur, la peur que cette femme à qui il tenait plus qu’il ne voulait l’avouer disparaisse. Pourtant, il le savait dès qu’il eut fini de le prononcer, il savait que cela ne servirait à rien mais il voulait que ses paroles résonnent à jamais dans le cœur de l’esprit de la mort, qu’elle s’en souvienne lorsque le génie paraitrait si loin qu’il ne serait alors plus qu’un mauvais souvenir aux yeux de la belle, il voulait le formuler, car jamais plus, il ne répéterait sa mise en garde.

    « Moins bavard ? Quitte à écouter tes utopies, je préfère ma vision pessimiste de la situation. C’est à ton déclin que te mèneras tout ça. Le problème est que là où tu te penseras entourée par d’abrutit fidèles, tu seras seule. Ta vie n’aura été qu’une succession de personnes que tu auras cherché à effacer de ta vie. Vlad, Jun, suis-je le suivant ? Cela ne m’étonnerait pas, c’est la suite logique des choses. Je te connais un peu trop et peut-être que toi aussi tu me connais un peu trop. C’est même certain. » Et alors qu’il finit sur une fausse note, une note exagérée, qu’il perdurait par la pédale résonnante de l’instrument, ses mains faisaient retentir plusieurs sons inharmonieux comme pour signifier une chute, une cassure.

    « Alors si nous n’avons plus rien à nous dire, que fais-je encore là ? Relâche-moi puisque tu ne veux plus de mes révélations de vieux grincheux. Puisque ton ascension est une évidence. Fais, va, envole-toi. Je me contenterai de regarder les étoiles en pensant que tu n’étais qu’un rêve, je m’en convaincrai. » Son regard était mêlé d’une tristesse infinie, une tristesse que ni la nuit ni la mort n’aurait pu cacher ou apaiser, une tristesse mêlée à la colère, celle d’un destin rejeté par le génie, refusant que l’ordre soit établi, se refusant à croire qu’il serait impuissant. Il avait cessé de jouer au piano, l’instrument amoureux comme il le nommait, il avait cessé de jouer, oui. Se relevant, il ne lâchait pas son poison d’un trait, comme s’il cherchait dans le regard de la jeune femme quelque chose, une explication, un fait manquant de l’énigme.

    « C’est évident, ce monde n’était qu’un néant tant que je ne te connaissais pas. A présent, il m’est bien plus amer. Et sans toi, ce sera bien pire. » Sifflant son paradoxe dans un grognement presque arrogant. Il n’essayait même plus de sourire à présent, son visage dégageait une profonde inexpression que toute parole, tout fait, toute caresse, n’aurait suffi à adoucir. Son ton n’avait plus rien d’enjoué, comme s’il était revenu à leur première rencontre, lorsqu’il aperçût la belle et qu’aucun sentiment n’était permis.

    Mais peut-être avait-il parlé trop vite. Sans qu’il ne puisse s’en rendre vraiment compte, le voilà sur un lit de baldaquin qu’un léger vent fit flotter les enchevêtrements de soieries blanches, dans le corps d’un homme qu’il n’avait pas vraiment connu, qu’il n’avait de toute façon, pas vraiment aimé. William tenait beaucoup à lui parait-il qu’il fut vraiment peiné de sa disparition inexpliquée mais il fut sûrement le seul pensa le génie. C’était pourtant dans son corps qu’il se tenait, par la même magie que celle qui avait possédé le corps de Mitsuko, dans le corps de celui qui avait planté ses deux canines dans son cou, ces deux canines que Naram avait longuement regardé au rocher en se disant déjà à l’époque qu’elle ne lui appartiendra pas bien qu’il en avait déjà le dessein. Cet homme qu’il ne connaissait pas, qu’il n’avait jamais pris la peine de connaitre, cet homme qu’il haïssait déjà pour avoir souillé l’Eden aimait-il se dire, le voilà enfermé à l’intérieur de lui comme un mauvais esprit. Ceci énerva le génie, il sortait de sa torpeur, il ne pouvait rien contrôler, condamner à copier les exacts gestes qu’a eu le vampire à ce moment précis, pourtant il rageait, ô si l’on pouvait voir son âme à travers les muscles de Vlad, aussi aurait-elle vu cette colère exprimée, ces yeux remplies de haines meurtrières, aussi détestait-il s’abandonner aux émotions auxquels Vlad apparemment aimait s’abandonner.

    Le génie n’était pas ce vampire, il était l’exact inverse à vrai dire, non pas qu’il n’appréciait pas les plaisirs de la chair mais il avait assez connu de cela et aspirait à bien plus d’une femme mais voilà que celle-ci ne veuille que lui montrer ceci, que c’était rabaisser la capacité du génie. Ô oui, il hurlait dans le silence de sa prison de chair, il admirait impuissant ce qu’il ne pouvait que croire être ses propres mains glisser sur la peau prune de la dame de la nuit, il désirait tant son corps, ce bouillon d’hormones se mêlaient aux propres désirs physiques du génie à l’égard de la future déesse mais s’il désirait, ce n’était pas comme ça qu’il voulait s’y prendre, pas comme ça qu’il aurait consommé la chose, c’était bien trop brut, trop de passion, pas assez d’enivrement, le génie tentait de se débattre pour sortir de ce corps illégitime mais la magie qu’employait Mitsuko était trop prenante pour que l’on veuille ainsi se libérer, il était pris par de perverses chaînes dont le génie peinait à se délier, après tout, on ne pouvait lui en vouloir, tout était dans la nature de sa race, lui qui a par sa vie tant été contraint par les hommes, Mitsuko le forçait à agir, c’était comme museler un animal sauvage, c’était contre-nature, il ne pouvait plus se taire, il attendait patiemment que son calvaire se finisse, quelle pire frustration alors d’être si près spectateur, quel plaisir retire-t-on au constat qu’il ne faille rester que simple spectateur.

    Le vampire éjecté, le génie réussit enfin à s’extirper non sans mal, le laissant sortir de la pièce, il reprit son souffle comme s’il s’était battu comme le diable en personne au corps à corps. Les bras tendus en appui sur ses jambes, ses yeux fixèrent comme ceux d’un serpent ladite « proie » sans dire un seul mot, il semblait qu’il n’ait rien à dire d’intéressant. Des enfants ? Quel intérêt ? Ce ne serait pas demain de sitôt que cela arriverait au génie. Mais pourquoi tout ce mal pour lui dire ça ? Ne pouvait-elle pas simplement l’énoncer, cet art de se donner en spectacle n’en devenait-il pas navrant à force de vouloir trop en faire pensait-il tout en regrettant déjà le trop maigre repos, allongés dans l’herbe où tout était encore simple et honnête.

    Ce fut ensuite le grand chamboulement. Plus de chambre, plus de manoir, encore moins de temple. Une plage, une simple plage où les deux compères semblaient avoir perdu quelques années et c’était peu de le dire. Le génie avait encore pensé trop vite, il la pensait trop extravagante ? La voilà de nouveau à revenir à une base simple et saine. L’innocence. Le génie suivait le fil des passages avec assez de facilité, il avait l’habitude lorsque c’était lui qui menait la barque du rêve, il laissait faire, que pouvait-il faire d’autre ? C’était amusant dans le fond.

    Spoiler:

    Naram mit ses bras devant lui pour observer la juvénile posture qu’il prenait, se rappelant ce temps immémorial que l’histoire ne saurait se souvenir sans pour autant reprendre la moindre expression, son visage toujours de glace. La petite fille dont tous les garçons se serraient arraché le sourire vint porter son coeur au rivage usé et poser sa tête sur la sienne, le blond sablé se mêlant au bleu océanique, deux chevelures indomptables, tout en proliférant de bien viles et acerbes paroles, celles sonnant comme le glas. Elle jouait de cette image d’enfant, mais cela signifiait bien plus la perdition de son âme qu’un quelconque jeu.

    « Mitsuko, la femme faite de la même matière que les rêves, quelle blague. Dès l’instant où tu fusses le plus beau de mes rêves, tu t’es empressée d’en faire un supplice. » Prononça-t-il avec une voix d’enfant certes, mais avec un brin de sérieux auquel on ne s’habitue pas venant de leur part, toute étincelle de fraicheur était inexistante, c’était comme si la voix de la mort résonnait dans un corps de gamin.

    « Peut-être la lune n’est pas forcément incapable de rejoindre le soleil, non. Peut-être la lune ne le désire pas car alors, elle s’enflammerait, incandescente, elle mourrait, peut-être alors la lune se contente-elle d’admirer le monde que le soleil embellit et ce, seulement lorsque le soleil disparait ; peut-être que la lune ne peut vivre qu’en l’absence du soleil et vice versa. Peut-être que la lune n’est à l’hiver de son inspiration qu’à cause de ce soleil qui désirait tant embellir le monde, ce soleil si prétentieux qui désirait tant contrôler les mouvements de ce monde, à quelle heure devrait-il se lever et se coucher, quand les fleurs devraient éclore et quand les amants pourraient-ils s’aimer à l’abri de ses rayons. C’est peut-être à notre destruction mutuelle que nous courrons. Je dois t’avouer que cela me parait de plus en plus évident, nous nous ressemblons peut-être un peu trop, nous devons dominer, manipuler, mais s’il advient que même teneur vienne embellir notre cœur, alors que faire ? Nous sommes fiers, nous ne laisserons personne dominer nos vies, nous contrôlons. Et nous sommes prêts à tout pour garder cet avantage sur le reste du monde. Je comprends alors, le pourquoi de notre déclin, à tous les deux. Notre chute ne vient pas d’un sentiment partagé ou non, il vient de notre seule capacité à vouloir subsister, ici, dans une peur constante d’un être humain monstrueux. » Ces paroles étaient impensables de la simple bouche d’un enfant mais venant d’un Naram aussi rajeuni, cela semblait presque naturel, comme s’il ne put y avoir un autre ton.

    « Je t’aime mais je te haïrai, à jamais. Et ça, tu ne pourras pas l’oublier, tout comme mon nom. Et je te mentirai. Je t'ai déjà tant menti. Mais je te mentirai, pour que jamais tu ne t'ennuies avec moi. » Crachait-il avec plus de douceur qu’il ne l’aurait voulu, il aurait sûrement désiré être plus dur avec elle, plus méchant en soit, mais il en était incapable. Il n’en avait, ni la volonté, ni la capacité. En réalité, quoi qu’il veuille admettre, il était soumis à des lois bien supérieures, des lois qui l’obligeaient à ne pas feindre l’irréel. Ces lois là le poussaient à mêler la croyance et l’amour, la raison et la perdition. Ce qui serait vrai ici, ne le serait plus une fois revenu à la « réalité », douce et assassine réalité, celle que le génie ne supportait plus. Cette réalité auquel il était sans cesse confronté, sans cessé déçu, cette réalité qui le mettait toujours en colère, celle qui lui faisait toujours comprendre qu’il était marginal, incompris et incapable de comprendre, cette réalité imprévisible qui manquait pourtant tant de surprises.

    Quelle étrange complexité en cette situation peu commune ; cette situation qu’il était heureux de partager avec elle et qui le faisait tant souffrir. Était-ce l’avatar de la passion ? Ce bonheur qui fait souffrir ? Le génie en était persuadé, il comprenait toute la valeur du mot, bien plus que celle d’une amourette d’enfant. Malgré les vagues qui l’apaisaient généralement, l’homme restait crispé, énervé, incapable de reprendre son calme habituel. Il voyait bien que la situation lui échappait complètement. Il aurait tant voulu revenir en arrière. Et peut-être que s’il fermait les yeux, il comprendrait que ce supplice ne serait qu’un mauvais rêve.
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Mitsu
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Mitsu
Jeu 25 Oct 2012, 17:23


Le regard de la petite fille qu'était Mitsuko devint plus sévère, plus froid, comme s'il répondait à l'état dans lequel se trouvait le génie. C'était étrange, comme si les mots que la jeune femme entendait la troublaient mais qu'elle préférait les ignorer plutôt que de les admettre. Il était bien plus facile de se cacher derrière la colère ou l'indifférence que de faire face à ses propres sentiments et, à vrai dire, c'était ce à quoi elle s'était toujours adonnée. Fixant Naram, son visage enfantin entouré de cheveux dorés qui lui donnaient déjà l'air d'un ange, elle finit par lui lâcher sans ménagement aucun :

« Tu as accepté de rêver de ton plein grès, je ne t'ai en rien forcé, jamais. »

S'approchant doucement de lui, elle plaça sa main sur l'épaule du petit garçon, son emprise se resserrant au fur et à mesure qu'elle parlait, comme si elle souhaitait le faire souffrir physiquement comme jamais il n'avait souffert auparavant, mais la douleur physique était-elle la pire?

« Il serait plus simple effectivement que tu disparaisses de ma vie, que plus jamais nos chemins ne se croisent, idéal pour toi comme pour moi. Et si nous ne nous étions tout simplement jamais rencontrés? Oui, peut-être cela aurait-il été bien mieux car on ne regrette pas ce à quoi l'on ne peut prétendre. Et puis, même, qui te dit que ce n'est pas ce que je souhaite? Être seule, sans que personne n'ait à se brûler en s'approchant trop près de moi. Mais es-tu réellement en train de brûler Naram? Ou ne vois-tu en moi qu'un moyen de combler le vide de ton existence? Ne te forces-tu pas à croire en quelque chose qui n'existe pas? »

Relâchant la pression de sa main sur son épaule, elle se tourna pour contempler l'océan, la scène n'étant éclairée par aucun astre. Elle s'éloigna un peu, fixant le ciel comme si elle y cherchait une réponse et puis, soudain, à l'horizon, la lune montra sa pâleur, rejoint peu à peu par les premiers rayons du soleil.

« Je pense comme toi que la lune pourrait rejoindre le soleil si elle le souhaitait, mais elle a bien trop peur, peur de ce qui pourrait advenir. Et peut-être que le soleil ressent la même chose. Mais comment savoir ce qu'il adviendrait si aucun essai n'est jamais réalisé, si la dernière marche n'est pas franchie au moins une fois? Qui peut prétendre savoir ce qu'il se passerait? »

Doucement, montant de plus en plus, la lune et le soleil se rejoignirent dans le ciel, s'imbriquant l'une dans l'autre, se fondant alors que la nuit et le jour se rejoignaient.

« De l'union de ces deux astres pourrait naître tant de merveilles, assurant un équilibre. Mais aucun des deux n'est assez sage pour le souhaiter. Qui rêve d'équilibre, qui rêve de perfection? »

Elle se tourna vers lui alors que les deux astres hauts dans le ciel se consumaient petit à petit, voués à présent à disparaître. Se rapprochant de Naram, elle lui prit la main avec une douceur qui contrastait parfaitement avec la pression qu'elle avait exercé plus tôt sur son épaule. Leurs corps retrouvèrent leur forme adulte, Mitsuko regardant le génie avec une douceur dont on ne l'aurait sans doute jamais cru capable, ses mots résonnant néanmoins comme un poignard en plein cœur.

« Si je pouvais aimer, je te garantie que je n'aimerai que toi, rien que toi. »

Resserrant l'emprise sur sa main, elle continua doucement :

« Mais je ne peux que désirer t'enchainer, un désir tout aussi fort que celui de préserver ta liberté... »

Elle lâcha sa main, se détournant de lui pour contempler de nouveau le ciel, des morceaux de la lune et du soleil commençant à tomber autour d'eux dans un paysage de fin du monde :

« Car je sais que quoi que je désire, j'aurai toujours en ma possession son contraire. A moins que je ne cesse de désirer, que nos places soient échangées et que tu sois à présent celui qui souhaite? Mais si tu ne fais que souhaiter que je ne rejoigne pas les cieux, alors ton souhait demeurera inassouvi. Je pourrai tout te donner, je pourrai tout te prendre, mais que souhaites-tu au juste? »

Restant debout, admirant le nouvel astre qui venait de naître, ressemblant à la foi au soleil et à la lune, un astre n'ayant peur de rien, elle finit par lui dire :

« Une fois que je serai Aether, le seul moyen pour toi de n'être plus qu'un simple spectateur sera de me rejoindre, de devenir Aether à ton tour. Et, alors, tous les deux, nous aurons sans doute le courage de nous consumer réellement, pour le meilleur et pour le pire. Disparaître ensembles ne serait-il pas amusant? »

Elle rit. Elle n'était pas sérieuse, en fait elle n'en savait rien. A force d'être plongée dans cette illusion, dans ce rêve, elle en venait à s'égarer elle-même. Elle s'égarait à chaque fois qu'il était présent, au moins dix petites secondes, dix secondes où elle souhaitait être à ses côtés, où elle le désirait d'une manière qui ferait rougir n'importe quelle dame de haut rang, dix petites secondes où elle devenait fantasque. Mais une fois celles-ci passées, elle le détestait, elle n'avait plus envi qu'il se tienne à ses côtés, elle voulait qu'il disparaisse. Redevenant enfant, elle finit par s'asseoir parmi les cendres des astres déchus comme si elle souhaitait nier qu'il fut là, comme si elle souhaitait l'oublier, qu'il ne soit qu'un mauvais rêve ou un merveilleux cauchemar.
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Jeu 25 Oct 2012, 22:49

Spoiler:

    Le chaos naîtra de deux harmonies bien distinctes, de deux équilibres en des valeurs dont la confession étaient des parjures à ce de monde toujours en convulsion entre ce qui devait être Yin et pas assez Yang. Le chaos naîtrait d'un amour imparfait et d'une haine parfaite, le chaos sonnerait la fin des rêves désuets et le commencement d'autres, le cercle vicieux gangrenant, vos esprits, le mien, je me voyais d'ailleurs très bien en être l'avatar. Le chaos naîtrait des cendres de choix faits trop hâtivement ou de regrets gardés bien trop longtemps pour soi, le chaos de nos âmes, ne seraient qu'une pierre à l'édifice de notre avenir, peut-être trop écrit pour être réalisable. Mitsuko aimait bien plus les images que les mots, là voilà créant le monde et le détruisant dans sa songe infinie, moi je ne faisais que contempler ce qui mourrait à mes pieds, les astres déchus de s'être trop rapprochés. Bien entendu, j'aurais voulu répondre à ses répliques comme à mon habitude, mais elle était si belle créatrice des fléaux, je l'aurais bien vu moi, ordonner l'apocalypse et promettre le renouveau d'un monde plus juste. Mais la justesse était lassante, et je me lassais bien trop de la rigueur, un peu de folie, d'excentrique. Elle voulait être harmonie, je serai le chaos, elle voulait être justice, je serai anarchie ; je me taisais, inexpressif, j'admirais le soleil se fendre dans ses flammes les plus belles, les explosions de rage et les pluies d'étoiles, nous étions au coeur d'un système que nous tenions tous deux d'une main, l'un à chaque bout et dès que l'un lâcherait, l'autre perdrait.

    " Si je souhaitais ma chère, crois-moi que ce rêve serait réalité. Si je souhaite, tu serais mienne et moi, sûrement déjà loin pour que tu gardes mon deuil à jamais, égoïstement, si justement. Si je souhaitais, combien mourraient, les forêts brûleraient, les villes tomberaient, l'océan qui m'a bercé ravagerait injustement et arbitrairement tout ce que je haïs, le chaos, résonnerait et apeurait seulement ceux qui ont trop à perdre. Car en réalité, le meilleur de nous même ressortirait des plus vils esprits qui ne songent jamais assez et agissent trop souvent pour polluer la sagesse. Si je souhaitais, toi et moi, nous ririons, ô oui, nous ririons. Mais en cela je n'ai pas besoin de souhaiter, sans que tu ne puisses vraiment le savoir, tu as déjà fait le plus merveilleux des souhaits. "

    Me relevant et agitant mon épaule et peu engourdie par l'excès de colère de l'esprit de la mort, je tournais autour d'elle comme si j'étais prêt à lui sauter dessus, comme si je le voulais tant que rien ne pourrait m'en empêcher, mais j'aimais juste qu'elle soit dans mon champ de vision. Et chaque tour, mon apparence changeait, la fixant comme un psychopathe, je pris l'apparence de Jun tout d'abord, puis de Vlad, continua avec celle d'Orion, puis la mienne d'abord juvénile, puis vieilli, en arborant plusieurs, mêmes celles qu'elle ne connaissait pas encore.

    " J'ai bien trop vécu pour devenir aether. Je n'aurais de l'espoir que pour ceux qui n'en ont plus. Je suis devenu bien trop mauvais. Tout du moins, peut-être deviendrais-je celui de la mort, de la peste, du chaos ? Ce qui est sûr, c'est que je symboliserai toujours ce que tu détestes, de sorte de toujours te posséder. Quoi que tu dises, quoi que tu fasses, peu importe tes mesquineries. Au fond, je ne laisserais jamais personne te connaitre comme je te connais, tu es ma boite de Pandore, et je tuerai quiconque voudra l'ouvrir à ma place. Mais en cela tu ne sauras rien car de moi, tu n'auras plus que de maigres souvenirs. Le temps nous séparera, sûrement bien plus que nous le voudrons. Mais s'il te vient un jour d'oeuvrer avec tes souvenirs à mon égard comme tu l'as fait avec Vlad, alors je comprendrais ton choix. Et alors, je sortirais définitivement de ta vie. Mais jamais ceux qui t'entoureront pourront jouir librement de ta personne car dans ces murs froids qui résonnent, par le vent qui souffle et susurre, je serai là, toujours là, et je délivrerai toujours le malheur à qui voudra te chérir. Tu ne me connais que trop peu, je suis capable du meilleur comme du pire. Mais plus je te respire, plus je t'aime, plus j'aspire au pire. Et si je pouvais aimer, alors crois-moi que ce ne serait jamais toi que j'aimerais. Mais puisque je ne peux, il n'y a que toi qui anime ma raison et ma perdition. " Puis s'arrêtant devant elle, je posai mes mains sur ses joues, descendit sur ses épaules, longeant ses bras, je revenais à caresser ses hanches et remontai, saisissant les plis de sa robe : " Ou peut-être est-ce l'exact inverse. Dans ce rêve tout est vrai, tout est faux. Ici je peux éprouver l'amour et la haine car ici, même le mensonge a sa part de vérité. Et tu es le plus beau des mensonges. "

    Mais alors qu'il avait obligé en quelque sorte la concentration de Mitsuko a se focaliser sur ses caresses amples et douces et son regard saisissant, l'océan s'était soulevé, c'est d'ailleurs le tambourinement assourdissant de cet océan levé qui certainement fit cesser la chose. L'océan s'était levée pour recouvrir comme une ombrelle les deux jeunes gens et l'on vit la pluie d'astre s'abattre sur ce voile océanique qui, une fois traversée, se transformèrent en poussière de cristal, pleuvant par délicatesse sur eux.

    " Mais, je vais souhaiter, ici, maintenant. " levant le bras, un serpent fait d'argent remonta le long de son avant-bras avant de s'arrêter au bout de ses doigts.

    " La couronne des génies, faites de rêves. Elle sera tienne si tu m'accordes trois voeux. Tu entends parfaitement. Mais tu n'auras pas le choix. Je n'aime pas cette optique de pouvoir l'enlever quand bon te semblera. Et si peu m'importe ce que tu feras de cette couronne avec tes fidèles corrompus, il en sera autre avec moi. J'exige trois voeux. Jusqu'à preuve de ton mérite, cette couronne me revient, elle m'obéit par la simple raison que je ne veux pas d'elle, je la haïs et puisque la couronne nous symbolise, nous génies, alors elle sera à qui la détestera le plus. C'est mon objectif. Au bout de ces trois voeux, tu me haïras tant que tu n'en voudras plus et alors, elle sera tienne. Tu commences seulement à te perdre Mitsuko mais pas assez à mon goût, je veux que ton âme souffre, je veux que tu te perdes, que ce rêve-ci demeure un traumatisme pour toi. J'y arriverai, ne t'en fais. " et si j'avais dit cela avec la plus grande simplicité du monde, ce que mes dires représentaient étaient tout autre.

    " Mais avant tout, c'est tout à fait égoïstement que je vais te demander quelque chose dont seule toi est capable. Laisse moi t'expliquer. Le fait que je sois bientôt Mârid n'est plus une question de chance. Mes plans sont élaborées depuis si longtemps, ô, ne doute pas de ma qualité de stratège. Les génies ont pour seul refuge un rêve complexe que le Mârid a créé pour terres imaginaires au sein d'une sorte de dimension au creux de la porte des songes en continent mystérieux. Le pauvre, sa vision des choses est si restrictive. Mais moi, toi.. nous deux. Je veux créer des terres avec toi, un endroit de ce rêve, je veux qu'il prenne vie, devienne réalité et devienne la nouvelle terre d’accueil des génies. Bien entendu, elle sera inhabitée jusqu'à mon règne mais je m'en fiche. Car c'est avec toi que je veux vivre ça. Ne me dis pas que c'est impossible, j'ai fait de nombreuses recherches à ce sujet. Sur la création à l'état pure. Un génie puissant et un rêveur puissant peuvent faire cela. Deux génies, toi, moi, ta puissance, notre rêve. Je veux que la matière se crée. " et tout en disant ceci, je lui tendis la main, le serpent d'argent doublant le bout de mes doigts pour sinueusement se diriger vers la main de Mitsuko, la gueule de la bête laissant entrevoir de fines et aiguisées dents de sabre.

    " N'aie pas peur. Tu n'as jamais peur. Il faut bien qu'il te morde un coup, cela ne te changera de mes morsures " métaphoriques évidemment, le génie est un homme qui se respecte, il ne mord pas les dames, du moins, pas dès le deuxième rendez-vous.

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Mitsu
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Mitsu
Ven 26 Oct 2012, 14:55


« Alors nous sommes aussi égoïstes l'un et l'autre. Tant mieux. »

Mitsuko regardait Naram puis, alors qu'il se mettait à tourner autour d'elle, elle ferma simplement les yeux. C'était si simple, car, ainsi, peu importe de qui il prenait l'apparence, c'était toujours lui qu'elle sentait, sa force magique en parfaite communion avec la sienne dans le monde du rêve. Car ici, ils étaient seuls, construisant peu à peu un paysage qu'ils avaient le loisir de détruire. Créer pour annihiler, peut-être étaient-ils les deux individus qui se prêtaient le mieux à ce jeu. Susurrer un « je t'aime » du bout des lèvres, s'approcher de l'autre pour frôler sa bouche avant de se retirer en enfonçant des paroles assassines dans l'esprit de cette même personne, la blesser encore et recommencer. C'était comme une danse en réalité, une danse passionnelle qui cachait deux faces opposées. Pile je t'aime, face je te haïs. Sauf que dans le cas présent, c'était comme si jamais la pièce ne retombait, comme s'il fallait souffrir pour jouir, jouir pour souffrir, comme si ces deux facteurs ne pouvaient être distincts. Mitsuko détestait ressentir la présence du génie quand il était à ses côtés mais adorait l'imaginer quand il était loin. Elle l'écoutait, le son de sa voix résonnant autour d'elle. Oui, elle aimait l'entendre parler, mais l'écouter était une chose presque insupportable. Elle n'ouvrit les yeux que lorsqu'il posa ses mains sur ses joues. La jeune femme savait depuis longtemps maintenant qu'il n'oserait la toucher plus que de raisonnable, c'était une évidence pour elle mais elle se prêta au jeu, un petit sourire naissant sur ses lèvres, un air de défit brillant dans ses yeux. Mais c'était vain car à ce jeu là, ils demeureraient sans doute à jamais perdants tous les deux. Elle ne se donnerait jamais à lui, comment cela aurait-il pu être possible alors qu'ils ne cessaient de se combattre? Elle finit par rire, découvrant la poussière d'étoiles qui les entourait avec fascination. Ici, tout était possible mais il avait raison lorsqu'il disait qu'il était capable du meilleur comme du pire. Et elle, de quoi était-elle capable au juste?

Regardant le serpent, elle n'hésita pas une seule seconde lorsque le génie eut finis son discours, se rapprochant de lui pour le fixer dans les yeux à une distance telle qu'elle en était presque gênante. Elle gardait sa main pourtant loin de la sienne comme s'il était hors de question qu'elle la saisisse. Pourtant, son autre main vint glisser doucement sur la nuque du génie, ses lèvres s'entrouvrant avec délicatesse :

« Tu as raison, je n'ai pas peur, ni de toi, ni de ce serpent, ni de ce que tu pourrais souhaiter. Créons un monde ensembles, le monde fait de rêves dans lequel les génies viendront se réfugier auprès de l'homme aussi âgé que l'était l'océan... »

Elle sourit avant de continuer lentement s'approchant de son oreille tout en posant sa joue sur celle de l'homme :

« Mais si je peux te garantir une chose, c'est que jamais je ne serai à toi car même si tu pouvais le souhaiter, tu ne le ferais pas. Alors, tu devras me regarder en silence, telle une ombre, oui, me regarder être chérie comme jamais tu ne pourrais le faire, me regarder éprouver un plaisir certain dans les bras d'un autre, qui sait? Alors, à ce moment là, tu prendras réellement conscience de ce que tu éprouves pour moi, mais il sera trop tard. Et moi, je penserai à toi, bien sûr, je penserai à ce que j'éprouve pour toi. Alors nous pourrons rire sans doute, rire de ne s'être déchirés plus tôt. »

Mitsuko s'écarta doucement, puis reprit la parole, son visage de nouveau face à face avec celui de Naram, si proches :

« Alors aujourd'hui, j'ai décidé que je serai à toi, que je te suivrais, comme un cadeau d'adieu avant que je ne devienne totalement inaccessible pour le mortel que tu représenteras pour moi. Je vais réaliser tes vœux, je vais te haïr si tu le souhaites, haïr cette couronne pour la posséder et de notre union naitra un monde qui te fera à jamais penser à moi, tout comme cette couronne me fera penser à toi. Aujourd'hui, tu seras le chef d'orchestre et je jouerai les plus belles mélodies pour toi, tu commanderas et j'obéirai. Mais ne crois en aucun cas que je me soumet car ce serait une grossière erreur. »

Sans écarter son visage du sien, elle finit par saisir sa main, le serpent s'enroulant fermement autour de son poignet avant de planter ses crocs d'argent dans son avant bras. Sur le visage de Mitsuko, la douleur ne s'afficha qu'une demi seconde. Elle préférait lutter contre elle en silence, la souffrance étant une chose qu'elle avait toujours refusé de ressentir. A y réfléchir, ils étaient bien loin de leur première rencontre, cette nuit où elle l'avait pris pour Jun. Pourtant, elle était sûre à présent que si Naram prenait l'apparence de ce dernier, elle le reconnaitrait quand même. Elle le ressentait comme s'il hantait son être et qu'il y resterait à jamais. Mais était-ce si sûr? La douleur était fulgurante et elle trouvait cela injuste d'être la seule à la ressentir. Ils allaient créer ensembles, ils devaient souffrir ensembles. Approchant son visage jusqu'à ce que leurs lèvres se touchent, elle resta ainsi un instant sans faire le moindre mouvement, comme si elle refusait de l'embrasser malgré le contact créé. Puis, lentement elle attrapa sa lèvre inférieure avant de la mordre, doucement, appuyant de plus en plus fort jusqu'à ce qu'il saigne, s'écartant ensuite de lui, sa main toujours dans la sienne.

« Je te promet que tu ne cesseras jamais de souffrir... »
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Mar 30 Oct 2012, 00:41

    Spoiler:


    Leur souffle se confondant dans la faible lueur invisible que leur âme faisait naître à travers la nuit sans fin de ce rêve, le génie appréciait la douloureuse proximité de leurs lèvres tant et si bien qu’il savoura l’instant en omettant la blessure, il la savait ainsi de toute manière et là n’était pas l’essentiel. Lorsqu’elle s’était approchée, l’homme avait pourtant hésité, Mitsuko savait Naram froid comme la glace alors jamais elle n’aurait osé aller trop loin mais ceci lui suffit. Il n’avait pas besoin de grands sauts bestiaux, tout était dans la suggestion. Naram cependant se mit à rire, de façon impromptue ;

    « Ô ma douce, … » se mettait-il à dire pour contraster avec ce baiser empoisonné, « je vois que tu aimes me promettre tant de choses, mais garde ces promesses pour ceux qui te penseront capable de les tenir, n’oublie jamais que tu parles au plus beau parleur des génies, en cela n’y voit aucune qualité vantée, seulement qu’il est sot de vouloir prêcher un converti. », elle pouvait bien lui promettre qu’il souffrirait, que jamais elle ne serait à lui, qu’il ne pourra que la regarder sans agir. Cela lui faisait peu de choses, au final car la relation qu’il entretenait avec elle était unique, enviable et sûrement envié mais même en cela il s’en fichait. Chaque fois qu’il était avec elle, le monde entier lui importait peu, le temps s’arrêtait promptement, elle pouvait bien décréter que son venin lui serait douloureux dans un avenir proche, le génie en rirait car il aurait alors eu bien plus qu’il n’en aurait demandé.

    « Tu pourras les aimer, les enlacer, tous, sous tes draps de soie si cela te chante, quoi qu’il advienne, un jour, tu me reviendras. Et tu peux me croire, je sais me montrer convainquant lorsqu’il me prend l’idée de vouloir posséder. Et si pour l’heure tu me possèdes, tu me hantes, en cet instant et à jamais, je demeure libre, insaisissable, on peut me vouloir mais jamais m’avoir. » Disait-il en rapprochant de nouveau son visage. Restant à la même hauteur qu’elle, son visage juste en face du sien, leurs yeux se percutaient presque dans leurs schémas perdus entre perdition et désire. Plongeant toute l’ardeur de son regard dans le sien, l’on sentait que le génie prenait le contrôle du rêve, venant de lui voler les commandes avec toute la douceur imaginable, avec l’adresse du plus astucieux des cleptomanes.


    « Que tu le veuilles ou non, nous serons toujours de près ou de loin, toujours liés. Ça, tu ne pourras pas le nier, peu importe la magie et la volonté que tu emploieras, nous sommes l’infini d’un tout bien plus grand que l’imaginaire, l’onirique est notre volonté commune d’exister, ensemble ; et dès que tu rêveras, même sans mettre mon visage sur tes plus lugubres fantasmes, toutes tes songes porteront mon nom, que tu en ais conscience ou non. Je demeurai ton fantôme oublié. » C’était sûrement prétentieux, mais il le disait avec le plus grand des sérieux, une pointe d’amour et un brin de mélancolie, tout en reprenant son sourire habituel, un sourire communicatif, presque heureux. Rapprochant son visage, il effleura de ses lèvres le visage de la faucheuse, il désirait la mort sans désirer son fardeau, l’image était belle, perdu ici, au milieu d’un nulle part caché aux yeux d’un monde trop suspicieux, trop attentif, il lui était aussi dévoué qu’infidèle. La douceur de sa peau fit frémir le génie, c’était certes un rêve mais la différence avec la réalité était si faible, presque inexistante, qui aurait pu dire que tout ceci n’avait jamais existé, qu’elle le veuille ou non, tout ceci était réel, existant, il n’y avait seulement aucun témoin, il n’y aurait que la mémoire pour se souvenir de tout ceci mais que pouvait-on exiger de plus d’un rêve si ce n’était s’en souvenir éternellement ? N’était-ce pas ce qu’elle avait d’ailleurs souhaité ? C’était peut-être inutile car lui aussi l’aurait souhaité, il n’était pas du genre à pouvoir oublier quoi que ce soit de sa simple volonté, comme il le disait souvent, il serait trop curieux de se souvenir à nouveau s’il oubliait, il aimait avoir connaissance de tout, que rien ne lui échappe, il analysait le monde avec son vécu, sa réflexion, tout oubli serait préjudiciable à son analyse. Quant au reste, il ne reprit rien de ce qu’elle avait dit. Ô, il n’en pensait pas moins, son sourire se crispa au « cadeau d’adieu » car lorsque l’on vivait aussi longtemps que lui, l’on savait que s’il y avait bien une chose qui n’existait pas en ce monde, c’était bien les adieux. Il pensait à tous ceux qu’il pensait ne jamais revoir, pour le plus évident des exemples, à Mitsuko première du nom dont la dague qu’on lui offrit servit à rompre l’absence. Ici, et au royaume des rêves plus qu’ailleurs, rien n’étais jamais définitif, le changement était omniprésent et constant, asservi à notre volonté d’en vouloir toujours plus.

    « Bien. Maintenant que je suis en pleine connaissance de toutes tes menaces, rêvons d’un monde meilleur et moins assassin. » euphémisait-il alors qu’il n’avait plus peur de souffrir. Dire à Naram qu’il souffrirait, c’était comme dire à l’esprit de la mort qu’il faucherait la vie, tout était dans le nom, dans le titre, dans le prestige. Dire à Naram qu’il souffrirait à s'approcher ainsi du soleil le faisait rire car les sommets atteints en la matière étaient tels qu’il regrettait de ne pouvoir connaitre plus intenses douleurs que celles déjà vécues, bien que Mitsuko à elle seule incarnait les douleurs à elles toutes.

    Regardant en l’air la poussière d’étoile s’effondrer, Naram prit délicatement l’une des mains de Mitsuko en la posant sur son épaule droite puis pris l’autre en la tenant fermement, comme s’il s’agissait du plus beau des joyaux : « Rêvons, oui rêvons, car demain, tout sera perdu. » somma-t-il comme si cela était inéluctable, irréversible et qu’il ne pouvait y avoir meilleure solution. Puis, sans prévenir, il se mit à faire tourner sa belle en faisant voler les plis de la robe de la demoiselle. Dans leur tumultueuse mais harmonieuse symphonie, l’océan tout entier se souleva, et si les traits de fin du monde s’étaient révélés avec l’effondrement des astres, voilà qu’une nouvelle catastrophe se présageait. Ce fut étrange et logique en même temps, l’océan sembla suivre les exactes mouvements des deux jeunes gens, se mettant à tourbillonner autour d’eux, comme un immense typhon à ciel ouvert qui les aurait tous les deux épargné.

    « Et d’un néant sans espoir, je te penserai bien trop, pour que la vie jamais ne cesse entre nos mains. » continua-t-il en la faisant s’envoler un instant en la saisissant par la taille puis en la reposant en sol tout en continuant sa valse ; l’océan alors suivit le mouvement en s’abaissant, comme pour faire une révérence dès l’instant où Mitsuko fut surélevée, oui, l’océan s’inclina devant elle, l’océan obéissait à Naram et Naram s’inclinait devant elle, comme pour lui soumettre que rien ne l’égalerait à ses yeux. Et ce fut ainsi pendant quelques tours, les déchaînements devenant de puissantes falaises aqueuses puis redescendaient au niveau de leurs pieds jusqu’à ce que le néant existe, qu’il n’y ait qu’une nuit sans étoile, que le sol ne soit plus vraiment consistant, comme s’ils dansaient à travers les lueurs inexistantes d’un espace inégalé.

    « Je veux que mon royaume soit merveilleux, je veux qu’il te ressemble un peu, beau mais dangereux. Je le veux au-dessus des océans, caché par les nuages pour que les Hommes n’aient jamais l’idée de conquérir ce bout de rêve matérialisé, je le veux ainsi placé car tu seras les cieux, et moi l’océan. » Affirma-t-il ensuite alors que dans ce néant apeurant et happant, un véritable nid de nuage se forma sous leurs pieds en constant mouvement.

    « De notre inertie, la beauté naitra, car pour ce soir seulement, nous serons deux amoureux qui ne se le cacheront pas. » et une lumière aveuglante vint transcender l’ombre et l’inconnu, une puissante lumière chaleureuse qui réchauffa leurs corps glacés par tant de haines et de paroles préférées pour blesser ; une lumière puissante qui se divisa en une infinie de lumières réfléchies par un cristal invisible, sûrement une référence pour le génie au cristal maître, lui qui aimait tant jouer des métaphores. Les lumières formèrent des passages, comme d’immenses champs d’étoiles traversant tout le paysage, c’était l’essence de la création, ce que le génie avait cherché depuis des siècles sans pouvoir le voir de ses propres yeux, ici avec elle, tout était possible, même ce qui n’était par nature, inenvisageable

    « Tu te souviens de mon conte désuet sur la nature et la mort qui ont créé le monde ? Voilà qu’il reprend vie sous nos traits les plus humbles » lui soufflait-il à l’oreille tout en continuant de faire valser sa plus belle promesse.

    Doucement, un ciel fragmenté se dessina au-dessus de leur tête tandis qu’il se mit à pleuvoir des étincelles, des milliards et des milliards d’étincelles, tant que l’on aurait pu croire que le monde prenait feu mais c’était faux, il renaissait de ses cendres. Cette pluie de fines gouttes de feu vint prendre la forme de végétations étranges et imaginaires, de chemins tracés et de forêts aux feuilles bleues, et à y regarder de plus près, tout se dessina plutôt loin d’eux car ils valsaient réellement dans ce ciel étrange et inqualifiable, tout semblait naitre au-dessus d’eux mais finissaient bien en dessous, ils étaient l’instrument médium, au centre du tout dont parlait sûrement Naram tout à l’heure.

    « Les merveilles d’un monde sous la danse des âmes perdues en plein rêve. » avant que des cascades de même couleur que les étincelles, d’un rouge flamboyant, ne viennent se déverser sur ce monde ; on ne savait trop de quelle matière tout ce qui était ici était fait, de rêve c’était certain, et puis un peu avec ce qu’il y avait dans le ciel, un peu de molécules divine, oui on ne savait trop mais ce n’était pas utile car cela existait réellement. Des cascades innombrables vinrent embellir leur danse, ne les touchant jamais, les deux êtres semblaient naturellement les éviter, et plus on les regardait, plus on pouvait penser qu’il s’agissait en réalité d’écoulement infinis d’or pure, l’or de l’esprit penserait-on et à juste titre.

    « Le ciel et l’océan, l’harmonie du désastre. » finit-il par dire comme s’il devait donner un titre à ce qu’il se passait. Et plus le temps passait, plus Naram souriait, d'un bonheur qu'aucun trait de son visage n'aurait réussi à exprimer si ce n'avait pas été pour elle.
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Les astres ont dessiné ton visage. [Couronne des Rêves - I]

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