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 Les astres ont dessiné ton visage. [Couronne des Rêves - I]

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Mitsu
♚ Fondatrice ♔

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Mitsu
Mar 30 Oct 2012, 22:51

Spoiler:


Je t'aime, autant que je le peux...mais le puis-je?

Mitsuko sourit, un sourire qui ne cachait sans doute aucun bonheur, mais comment pouvait-elle être heureuse? Son regard s'était porté sur le visage du génie éclairé par la joie et elle avait senti la tristesse l'envahir. Cette sensation était inexplicable, mais bien présente. En réalité, c'était comme si il était convaincu de la posséder un jour, et peut-être serait-ce le cas, mais qu'en était-il pour elle? La jeune femme avait la sensation de le connaître sur le bout des doigts et, en même temps, il lui paraissait tellement étranger, tellement distant. Et lorsqu'il posa doucement sa main sur son épaule, commençant à la faire valser, elle ne put s'empêcher de penser à ce qu'il serait advenu s'ils se comportaient comme des individus normaux. Pour une fois, rien qu'une fois. Si cette fois, il avait réellement osé poser ses lèvres sur les siennes, les poser, non uniquement les frôler, si cette fois il l'avait enlacé comme un homme, qu'elle avait posé son visage tout contre lui, s'était enivrée de son odeur, l'avait aimé, qu'ils s'étaient aimés? Ses pensées s'arrêtèrent aussi brusquement qu'elles étaient venues, c'était ridicule. Elle avait envi de rêver à ses côtés, mais s'ils allaient plus loin, elle savait qu'elle le regretterait. Le plaisir qui résultait du désir n'était qu'un poison qui, trop vite consommé, sonnait la perte des êtres. Alors que si le plaisir ne répondait que périodiquement au désir, il devenait la source d'un désir encore plus grand. Mais pour combien de temps?

La création à l'état pur apparaissait au fur et à mesure de leur valse et la jeune femme gardait cette expression si triste. Non, jamais elle ne lui appartiendrait, même si c'était sans doute ce qu'elle voulait souhaiter. Ce que le génie lui offrait était bien au dessus de tout acte charnel, peut-être même au dessus de l'amour, quelque chose qui ne se vivait que très rarement, quelque chose d'unique. Pourtant, parfois, elle n'aspirait qu'à être une femme qui se perd.

« Les cieux et l'océan ne se rejoignent que pour les rêveurs portant leurs regards vers l'infini d'un paysage où nulle terre n'existe. »

Elle finit en chuchotant

« Et si la terre n'avait été mise entre la lune et le soleil que dans l'espoir fou qu'ils puissent un jour se rejoindre, en vain? Cette légende a été sans doute écrite tellement de fois qu'il est impossible de démêler le vrai du faux. Moi je veux rêver, je veux créer un lieu interdit, source de tous les désirs... »

Et une larme s'échappa de son oeil droit, roulant douloureusement sur sa joue avant d'atteindre son menton et de tomber au cœur même de la création. L'eau envahit une partie de la terre et les nuages du ciel se fondirent en cette eau, créant un lac particulier où les deux opposés se liaient. Les yeux brillant de Mitsuko se posèrent dans ceux de Naram, trahissant ainsi les codes de la valse, mais ils étaient habitués à passer outre tout schéma établi. Doucement, elle prit les rennes, l'emmenant vers le lieu qu'elle avait créé, se posant sur les rives du lac ouaté, ne regardant cependant pas dans sa direction.

« Ce lac perdra à jamais les êtres qui oseront le contempler car il ne sera que le miroir de leurs désirs. Pourtant, une fois dans cette eau nuageuse, ce seront les désirs qui se soumettront aux individus car, dans ce monde illusoire qui préservera ces derniers de la mort, tous leurs désirs se réaliseront, sans possibilité de s'éveiller, piégés à jamais dans le monde du rêve mais préservés des cauchemars de la réalité. »

La jeune femme prit le visage du génie entre ses deux mains, rompant pour de bon la danse. C'était comme si elle voulait le préserver de ce qu'il pourrait contempler ou, au contraire, comme si elle voulait le perdre à jamais dans ses yeux.

« Je t'interdis de venir t'y perdre. »

On ne pouvait pas savoir si elle cherchait à le provoquer ou si elle était sérieuse mais le décor changea et ils se retrouvèrent entourés de centaines de feuilles bleues. Elle lâcha ses joues, son expression toujours mélancolique. Elle avait envi de l'enlacer comme si ce geste aurait suffit à étancher sa peine, mais elle n'en fit rien, contemplant les merveilles qu'ils avaient créé. Pourrait-elle revenir ici? Et si elle revenait, serait-ce pour se perdre dans le lac interdit? Le bonheur ne tenait qu'à un fil, si fragile, si complexe. Une feuille virevolta doucement jusqu'à elle, atterrissant dans le creux de sa main. Alors, la jeune femme porta sa paume à ses lèvres, y soufflant doucement faisant glisser la feuille qui se transforma en une sorte de papillon aux multiples ailes qui prit son envol avant de disparaître dans le lointain. Oui, elle serait comme cet animal, éphémère. Devenir Aether signifiait s'envoler, devenir à jamais inaccessible. Elle aurait pu simplement se jeter dans les bras de Naram, le supplier de lui demander encore de ne pas entreprendre l'élévation, elle aurait pu le supplier de lui demander de rester à jamais à ses côtés et elle aurait accepté. Mais, encore une fois, elle resta immobile, et si le génie n'avait exprimé son bonheur que pour elle, elle n'exprimait sa tristesse que pour lui. Ils avaient choisis de devenir deux amoureux qui ne se le cachaient pas, des amoureux bien sages qui savaient qu'ils seraient séparés. C'était comme admettre le pire, sans chercher à l'éviter, en le regardant, attendant qu'il arrive. La voix de Mitsuko résonna alors, faible, meurtrie, une voix dont on avait l'impression qu'elle pouvait se briser à n'importe quel instant comme la femme à qui elle appartenait. Elle paraissait si fragile et pourtant si déterminée à briser le bonheur qu'elle ne pensait pas ressentir.

« Fais ton premier vœu. »
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Mer 31 Oct 2012, 01:13

    Ce fut dans un bal endiablé d’émotions si contradictoires qu’elle lança comme un caillou que l’on faisait ricocher sur l’eau déjà trouble : « Je t'interdis de venir t'y perdre. »


    « Je t’interdis de, me l’interdire. » reprit Naram à son tour d’une voix ferme et ponctuée par des aggravations frottées sur les « t » comme pour signifier que qui osait lui interdire quoi que ce soit serait confronté aux conséquences des obligations incombées. Ô, il avait admiré sans s’en lasser ce lac qui serait le miroir des yeux de la belle rêveuse qu’il avait piégé là, si belle proie que plus jamais il n’aurait ainsi sous le joug de sa verbe et de ses envies, si belle proie qui jamais ne se laisserait attraper. L’oiseau fragile et féroce, triste et absente, présente dans l’engouement, un interminable air de violon que pourtant, on aurait pour rien au monde voulu précipiter ; lorsqu’une larme coula dans son lac, c’est le génie qui fut noyé, il ne savait quoi dire, c’était si rare, il avait voulu ouvrir la bouche mais pas le moindre son vint ravir l’odieuse prétention qu’il aurait voulu chanter, il était incapable de dire quoi que ce soit car il était impuissant et face à ceci, il n’était que l’enfant devant la mer, contemplant les vagues se déchirer sans pouvoir les arrêter, comme face à une entité déjà divine et intouchable.

    « Ne sois pas triste s’il-te-plait, je préfère encore ton indifférence, il m’est moins pénible. » lança-t-il sans oser regarder ses yeux brillants, lui qui jusqu’à lors faisait son fier, le voilà étrangement différent, plus calme, il n’avait plus envie de danser.

    « Pourquoi cet air si triste ? » répéta-t-il en levant la tête vers le ciel, songeant à la femme qu’il allait perdre, à cette femme qu’il avait devant lui. Regardant avec attention la feuille se transformer en papillon d’une caresse de cette femme, il sourit à l’idée et fermant les yeux, ce fut toutes les feuilles de l’immense et interminable forêt bleue qui vint à se transformer en une immense envolée de papillons aux couleurs saphirs, le battement collectif de tous ces êtres imaginaires firent se lever un vent puissant et doux à la fois, dans leur épopée, ils vinrent même à cacher le ciel quelques minutes tant ils étaient nombreux, innombrables.

    « Mon premier vœu est qu’à jamais, une petite partie de toi soit emprisonnée ici. Que jusqu’à ce que l’éternité nous fauche tous les deux, ton fantôme hante cette forêt, comme tous les fantômes du passé. Par mon premier vœu, je veux qu’à jamais, tu sois un peu ici sans le savoir, et alors, à chaque fois que mon étreinte aimera cette infime partie de ton être, alors tu sentiras une chaleur, où que tu sois, la chaleur de mes sentiments. Ainsi, et à jamais, même si tu m’oublies, même si tu ne sauras jamais que c’est moi, tu me sentiras près de toi. Ainsi, tu ne seras jamais seule et quelque part, ton esprit sera toujours un peu perdu. » Affirma-t-il ensuite en faisant une nouvelle révérence. Les ombres gagnèrent du terrain en grignotant partiellement tout ce qu’il y avait autour d’eux et que sans que la belle ne puisse s’en rendre compte, les voilà transportés sur une sorte de grande scène au plein milieu d’un magnifique théâtre que seulement quelques lumières éclairaient. Le génie ne se releva pas, il ne voulait ou ne pouvait plus se relever, ses cheveux cachaient son visage, son expression, on ne pouvait ainsi la deviner. Les lumières furent plus intensives et l’on vit alors toute la beauté du théâtre, toute la complexité de l’architecture jonchée d’or, de partout, des colonnes jusqu’aux sièges ; et sur chacun des sièges d’un coussin rouge passionné, des ombres d’une forme primaire arrondie dont on ne voyait que de petits yeux perçants et des mains qui applaudissaient sans faire le moindre bruit vint aux yeux de la faucheuse. Des centaines d’ombres à la forme d’ovales difformes qui semblaient fixer les deux protagonistes, comme s’ils étaient les acteurs d’une pièce qui les dépassait tous les deux.

    « Peux-tu réaliser ceci Mitsuko ? » criait-il presque ensuite en se relevant, sa voix résonnant à mille lieux, faisant frémir les centaines d’ombres qui se trouvaient là, comme s’il fallait en avoir peur, comme s’il fallait ne pas prendre ceci à la légère. C’était presque comme une funeste demande de fiançailles qui n’en avait ni la forme, ni le fond, mais seulement le goût, le goût d’être éternellement liés sans pour autant que l’autre ne le sache mais pour que la douleur, jamais ne quitte cette femme pour qui, il était le plus assassin des égoïstes. Si cette dernière aurait pu rêver d’une relation « normale » avec le génie, dieu savait que l’homme la ramenait rapidement aux réalités, et ce, même en plein rêve. Elle ne pourrait jamais avoir cela car le génie l’estimait bien trop en un sens et puis dans l’autre, lorsque l’on aspire au rang d’aether, que peut-on espérer de normal ? Du moins, ce ne serait jamais le cas avec ce génie.

    « Car ce qui brulera sur le bucher, ne perdra jamais son âme. » finissait-il, d’une âme aussi démoniaque soit-elle, prêchant, jurant, pour que la foi jamais ne l’atteigne, tant bien, il ne croirait jamais en elle. Non, ce serait bien plus profond que ça. Que seulement ça. Il combattrait son culte, il combattrait la foi de ses fidèles, pour qu’un jour, elle puisse enfin revenir l’embrasser de milles feus endiablés. Il s’avança ensuite pour dépasser Mitsuko puis vint agiter ses bras, ordonnant à l’orchestre en dessous de la scène et juste avant les premiers rangs surélevés de commencer à jouer. L’orchestre était composé de tant d’instruments mais animés par les mêmes ombres que celles du public ce qui contrastait avec l’aspect de mort silencieuse des ombres qui jouaient à merveille. L’air était connu, c’était celui qui avait raisonné dans le néant au rocher au clair de lune, comme une boucle bouclée à travers les nuits et les années, voir les siècles d’existence Le génie connaissait parfaitement cette musique, elle avait rythmé ses cauchemars et ses lubies, il connaissait le tempo, les moments plus doux et ceux, plus intenses, prenant au cœur et aux tripes. Il les connaissait et ordonnait, car il avait le pouvoir, aux ombres de jouer pour elle, il ordonnait qu’une telle musique puisse transcender la complexité de ce monde et la complexité de ce qu’ils étaient lorsqu’ensemble, ils demeuraient si puissants. La mélodie comme un hymne à l’amour, comme un hymne à la haine, vint résonner à travers le monde entier, sans assourdir les tympans, il vint s’infiltrer dans le corps tant entier de ceux qui tendaient l’oreille, qui en aurait sûrement versé une larme ou qui en aurait eu le cœur lourd, car elle représentait le deus ex machina, ce destin qu’ils refusaient mais auquel ils courraient.

    Dieu que l’air était morose, que la musique était triste, dieu que tout était si joyeux il y a quelques minutes mais il ne pouvait que trop contrôler ça. Le génie avait reçu depuis sa naissance le fardeau de ressentir tous les sentiments de la personne qu’il regardait dans les yeux, et même s’il n’avait jamais réussi à lire en Mitsuko il ne fallait pas grandes qualités d’esprit pour deviner. Et incapable de la réconforter, sachant pertinemment qu’elle avait raison, que c’était bien la fin, alors il ne pouvait que lui jouer la plus belle des symphonies, pour qu’elle ne puisse jamais oublier cette nuit en sa compagnie, pour qu’elle puisse comprendre un peu plus qui était le génie, un rêveur, tel qu’il l’avait au final, toujours dit.

    « Et l’acte final est enviable mais détesté. Moi je déteste les adieux. Et je te déteste pour ainsi me forcer à te haïr alors que jamais je n’ai autant été émerveillé par quiconque. » Susurra-t-il tout bas avant qu’un immense brasier ne vienne consumer le théâtre, sans que pourtant les ombres ne bougent, elles restaient toutes là à les fixer, et le théâtre brûlait, le bruit du crépitement infernal devenait presque aussi fort que la musique qui résonnait mais le génie continuait, ses bras bien tendus, n’essayant pas d’éviter les poutres en flammes qui tombaient juste à côté de lui, comme s’il acceptait son sort avec tout le mal qu’il était capable d’éprouver.

    Et sans qu’on le remarque, Naram avait presque changé d’apparence. Le presque a toute son importance car en sa physionomie, il était resté le même, mais c’était comme s’il s’était transformé en ombre, tout son corps était d’un noir d’ébène, on ne distinguait plus ses habilles de son corps ; un corps légèrement courbé qui laissait s’échapper d’épaisses fumées de charbon. De ce corps noir, on ne vit que deux yeux brillant dans la nuit, deux yeux de flammes, des flammes qui n’étaient pas sans rappeler celles qui dévoraient sans retenu toute l’immensité du théâtre, à y réfléchir, là où ils étaient, c’était un peu dans le cœur de Naram. L’homme avait osé, la faire rentrer là où personne n’était jamais allé et où personne n’irait plus jamais. Telle une infernale comédie qui consumait l’esprit. Ô oui, Naram était fou à lier, il était pris par des démons qu’il ne voulait pas vraiment maîtriser car il les avait créés de toute pièce, comme un jeu de marionnettes qui tiraient les ficelles de son corps.

    Naram ne lui parlait pas, il ne faisait que la regarder, comme toutes les ombres qui pourtant brûlaient avec les flammes sans se débattre, sans crier, sans même montrer qu’ils ressentaient la douleur, il s’agissait d’une harmonie, celle du chaos, celle dont il avait fait référence bien des fois. Le vœu que Naram avait formulé était à double-sens, car la douleur de l’un serait, à chaque fois qu’il enlacerait ce fantôme dans la forêt aux papillons, sa douleur, sans qu’elle ne puisse savoir d’où elle provient si un jour, elle décidait de l’oublier.
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Mitsu
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◈ YinYanisé(e) le : 07/07/2005
Mitsu
Ven 02 Nov 2012, 15:29

Spoiler:

Un simple sourire apparut sur le visage de Mitsuko, un sourire triste. C'était comme si elle s'attendait aux protestations du génie par rapport à son interdiction. Oh, jamais elle ne lui aurait interdit quoi que ce soit si cela ne lui faisait pas courir un risque certain. Elle savait qu'en lui interdisant, il risquait de réaliser l'inverse, mais elle ne pouvait pas rester muette face au danger auquel il pouvait être confronté si son regard se perdait dans ce lac. Elle ne souhaitait pas qu'il disparaisse, ou peut-être était-ce l'inverse? La jeune femme ferma un instant les yeux, elle aurait tellement souhaité se réveiller, ne plus être à ses côtés. C'était trop dur. Elle s'imagina être seule mais un son attira son attention et le miroir de son âme s'ouvrit pour contempler des milliers de papillons s'envoler. Elle resta là un instant, la bouche entrouverte, le poids de sa tristesse se reflétant toujours dans ses yeux, nulle réponse aux questions du génie ne remuant ses lèvres, écoutant simplement son souhait. Et puis, le décor changea ainsi que l'expression de la jeune femme qui devint impassible, ses yeux de nouveau entièrement neutres, ses traits ne reflétant strictement rien, comme une statut de cire. Elle assista au spectacle et nul n'aurait pu dire ce qu'elle ressentait, ne bougeant pas, fixant le décor, fixant les ombres en prenant soin de ne point regarder l'homme qui était à ses côtés. Elle ne voulait pas savoir, ou si, peut-être qu'elle le voulait, mais ce n'était pas raisonnable. Et dans son regard, nulle trace de tristesse n'apparaissait, comme si Mitsuko ne pouvait la ressentir que devant la beauté, que devant la magnificence, que devant l'apparition du bonheur qu'elle se refusait. Là, dans le cœur de Naram, elle était dans son élément, devant un brasier qui la consumait sans doute aussi, devant un brasier assassin, destructeur, mais auquel elle se sentait liée. Pourtant, son cœur à elle était tout autre et elle allait lui faire le don de le lui montrer. C'était sans doute étrange, la lune qui brûlait, mais, finalement, ils se complétaient, encore. Elle le fixa enfin, nul expression de surprise marquant son visage, nulle horreur, nul amour, nulle peine. L'esprit de la mort dans toute sa splendeur, un être qu'aucun sentiments ne devaient toucher.

« De ma souffrance naîtra ta propre souffrance et, bientôt, tu ne pourras plus brûler sans ressentir les morsures des flammes. J'exhausse à présent ton premier vœu... »


Le visage froid de Mitsuko se recouvrit de glace, son expression pour de bon figée comme le reste de son corps. Et, sans crier gare, un gel éternel s'empara du théâtre, glaçant les ombres, glaçant le corps de Naram, glaçant l'architecture. La musique qui résonnait venait de partout et nulle part à la fois, des voix vibrant sans qu'on ne puisse les identifier, comme des ombres invisibles. Et l'univers de glace, telle une vallée sans fin de laquelle on ne pouvait s'échapper, brillait de mille feux merveilleux. Pourtant, il pouvait être semblable à l'enfer. La jeune femme ne contrôlait plus ce qu'il se passait, ayant juste donné silencieusement ses instructions au monde du rêve afin que le vœu du génie soit exhaussé au mieux. Et ce dernier ne pouvait plus bouger, simplement contempler, seul le haut de son corps étant libre de l'emprise de la glace. Soudain, trois pylônes s'élevèrent à quelques mètres du sol dans un bruit de verre brisé, la glace étant pourtant lisse au sommet, comme une estrade. Des silhouettes se dessinèrent doucement, deux sur la colonne centrale, une sur chaque colonne l'entourant. Au centre, Mitsuko première du nom apparut, son poignet gauche lié par des menottes de glace au poignet droit de sa sœur jumelle, Kazuki. Toutes deux regardèrent Naram un instant, avant de faire chacune un geste vers le pylône le plus proche. A la droite de Mitsuko apparut la silhouette de sa descendante, entièrement vêtues de noir, des ailes démoniaques dans le dos, ses cheveux blonds remplacés par une longue chevelure d'ébène, son regard fixant Naram, un regard qui pouvait perdre quiconque le croisait, un regard qui reflétait parfaitement toutes les idées que l'on pouvait se faire du pêcher originel. Pourtant, cette silhouette était enchainée, ne pouvant agir que par la seule force de son regard. Et, la seule silhouette libre était celle qui se trouvait à gauche de l'ancienne reine du bien, Mitsuko vêtue de blanc, des ailes d'ange dans le dos, son visage semblant tellement doux qu'on ne pouvait s'empêcher de l'aimer. Néanmoins, cette silhouette ci ne regardait pas Naram, ses yeux perdus dans l'infini, son visage reflétant une splendeur raisonnable, juste. Ce fut Kazuki qui prit la parole la première alors que devant le génie se mit à briller une petite sphère blanche, une âme.

« Je suis certaine que tu te demandes pourquoi je me trouve dans l'esprit de Mitsuko, n'est ce pas? Pourtant, il semblerait que la réponse soit si simple qu'il m'est sans doute impossible de te la révéler sans te faire offense. Mais soit, saches que le destin a voulu que le sang de ma sœur et le mien se trouvent réunis. Car le père de ta chère Ombre n'est autre que mon descendant, se liant à la descendante de ma sœur pour que de leur union naisse celle qui s'apprête à s'élever. »

Kazuki se tut, laissant la parole à l'ancienne reine du mal qui fixa son regard dans celui du génie, semblant ignorer les révélations de sa sœur.

« Tu recevras donc une infime partie de ce qu'est Mitsuko, une partie qui restera fichée dans un animal, un animal mi bénéfique, mi maléfique, celui duquel on dit qu'il permet d'emmener son cavalier auprès des dieux. Un animal de légende symbole de l'inspiration, de l'élévation spirituelle. »

Et alors, doucement, un filet de magie fut créé, reliant les deux représentations de la reine des Ombres à l'âme qui se trouvait près de Naram, nourrissant une forme qui grandit peu à peu. Un cheval blanc apparut, un cheval au regard majestueux sur le front duquel une corne noire prit place en même temps que ses grandes ailes d'ébènes se déployaient de chaque côté de son dos. Un pégase qui, une fois qu'il fut en possession de ses moyens, disparut dans les bras du rêve, englouti quelque part. Kazuki prit alors la parole :

« Tu devras chercher cet animal et l'apprivoiser pour qu'il t'obéisse. Une fois cela fait, il te mènera vers elle lorsque tu le voudras, prenant la forme du fantôme de Mitsuko lorsque tu le désireras. »

La voix de la reine du mal résonna à son tour :

« Néanmoins, si tu n'y arrives pas, alors notre descendante restera figée dans la glace de ce rêve, prisonnière à jamais. Et toi, tu te noieras plus que tu ne peux l'imaginer dans l'océan de ta tristesse. »

Et, alors que le silence se fit, toute la glace présente dans la pièce explosa exceptée celle qui maintenait l'esprit de la mort prisonnière. Naram se retrouva seul en compagnie de ses fantômes, le cheval ailé depuis longtemps parti. Pourtant, il devrait le rattraper.
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Lun 05 Nov 2012, 04:08

Spoiler:

    Le génie resta d’abord muet, impassible, puisque tout brûlait, il voulait brûler avec elle. Mais lorsqu’elle se mit à rejoindre la danse, alors les enjeux n’étaient plus les mêmes, lorsque tout devint de glace, que même elle devint statufiée dans l’intouchable matière qui refroidit le cœur, lorsque les deux reines dont plus personne ne se souvenait ou presque revinrent montrer leur plus belle posture, lorsqu’elles se mirent à parler, le génie changea radicalement d’expression, son énervement grimpant légèrement. Alors qu’elles commencèrent chacune à leur tour à déblatérer leur petit discours, le souffle de Naram s’accéléra, il fronça les sourcils, le sol tremblant légèrement, la glace commençait à craqueler de tout côté.

    « Vous. » se mettait-il à hurler, tant que sa voix cassa dans la raisonnante puissante qu’elle engendra, ses poings se resserrant comme un poignard enfoncé péniblement.

    « Vous n’avez pas le droit. » continuait-il, profitant que Mitsuko soit statufiée pour qu’elle ne puisse entendre quoi que ce soit. Se rapprochant d’elle, il se mit à caresser la glace qui recouvrait son corps avec tendresse, alors que sa colère, montait crescendo.

    « Encore toi, Mitsuko, je veux bien. Mais toi Kasuki. On nage en plein délire. Comment osez-vous. » Posant un instant sa tête contre celle de l’esprit de la mort, le givre se collant à son front. Laissant un instant de répit à la situation, il engendra d’une colère sifflante dans un ton de voix démoniaque.

    « Vous êtes incapables, toutes les deux, d’accepter votre mort, vous servant toujours de votre descendance pour faire parler de vous. Mais qui se souvient de vous, qui ? Vous n’êtes plus rien, vous ne vivez plus que par le souvenir de Mitsuko et les miens, et encore, ceux de Mitsuko sont manipulés par votre magie transcendante. Laissez-la choisir son destin. Vous n’avez pas le droit d’ainsi intervenir. La mort ne vous a pas rendu plus sage que de votre vivant. C’est impensable. Toute ma vie, je vous ai obéi, à toutes les deux, j’ai passé les trois quarts de ma vie à vos côtés, à soutenir une fois l’une, une fois l’autre. Vous m’avez emprisonné. Pourquoi lui avez-vous fait ça ? Elle ne mérite pas ça » continuait-il à hurler plus fort que de raisonnable.

    « Et si je décidais de ne pas chercher votre pégase, que ferez-vous ? Vous la laisserez-là, emprisonnée dans un rêve, son âme à jamais perdue ? Pourquoi me testez-vous ? Vous savez que je ne veux pas qu’elle devienne aether. Vous savez aussi que je serai prêt à tout pour elle, jusqu’à échanger nos places. POURQUOI ? Je vous hais, je me vengerai. J’ai affronté les dieux depuis mon enfance, je n’ai peur, ni de vous, ni de ce qu’elle pourrait devenir, ni de ce qu’il sera à l’avenir. Je n’ai peur que de ce que vous pourrez lui faire lorsque je ne veillerai plus sur elle. Ô Kasuki, pourtant, toi, tu connais une vérité que je n’ai révélée qu’à toi en un temps immémorial. Comment peux-tu ainsi renier tes promesses ? Ton âme est déchue. Je vous haïs, je me vengerai. Oui, je le promets, je vous ferai regretter vos actes et vos peines, pas assez endurées à mon goût. Comment pouvez-vous mettre son destin entres mes mains ? Alors qu’ainsi statufiée, jamais elle ne deviendrait aether. Vous exigez que j’actionne le rouage qui fera d’elle ce que je ne veux surtout pas qu’elle devienne. Je vous haïs. Je me vengerai. »

    Et sans perdre plus de temps, le génie fit un geste large de la main comme pour tourner une page d’un grimoire invisible, à contre cœur, on le sentait immédiatement dans son regard plein de haine. Tout disparut, et ce fut un décor céleste, Naram se retrouva au-dessus des nuages, en chute libre, le vent lui fouetta le visage comme s’il s’agissait d’une réplique grandeur nature d’un suicide. Tendant ses membres, il ne pensait rien et se posa mille question à la seconde, sa chute dans le vide s’accélérant, il comprit enfin les paroles des deux reines trépassées. Il connaissait si ben les légendes, il les avait contés à tant de personnes. Le sang pur divisé en deux redevenait unique en le corps de la future déesse. Il savait tout ce que cela impliquait sans oser l’imaginer. Si grand destin attendait Mitsuko, et peut-être que pour son bien, il ne faudrait peut-être pas la sauver mais il ne pouvait si résoudre, et ça, les deux garces en étaient conscientes, elles savaient pertinemment que quoi qu’il penserait a priori, le génie foncerait délivrer de la glace sa boite de Pandore ainsi nommé précédemment.

    Peu de temps avant l’atterrissage, Naram d’un autre revers de la main inversa la pesanteur et atterrit en toute douceur. Redressant le col de sa chemise et ses manches, il commença une marche lente mais douloureuse, sa démarche manifestait toute la colère ressentie. William alors vint faire son apparition juste à côté de Naram, marchant à même vitesse.

    « Tu le savais William, tu ne m’as rien dit. Tu sais pourtant ce que ça veut dire. Nous pensions cette race enterrée par nos actes. Nous pensions le monde en sécurité de jeux qui dépasseraient les Hommes. Et voilà qu’elle incarnera le changement que tous les livres sacrés contaient. »

    « Ne joue pas le moralisateur mon ami. Tu le savais aussi, au fond de toi, tu le savais et j’en suis sûr. Je suis aether, pas médium. Je peux te conseiller mais jamais intervenir, c’est notre règle, tu connais nos préceptes, tu les avais appris, tu te souviens, lorsque tu m’as juré me rejoindre dans nos grands rêves. »

    « Ce n’est ni l’endroit, ni le moment. Me voilà de nouveau enchainé au destin alors que depuis ma renaissance, je m’en étais défait. J’étais l’être qui avait su se délier de toutes ses chaines, jusqu’à il y a environ une minute à peine. »

    « Tu pensais vraiment être libre Naram ? Ces hasards trop nombreux vous concernant elle et toi étaient trop étranges, non ? Ne me dis pas que tu ne t’étais douté de rien. Nous avons contenu tant que nous l’avons pu ces légendes oubliées. Qui d’autre que Mitsuko pourrait incarner ce changement, ce renouveau ? »

    « N’IMPORTE QUI. Pas elle. Aether, bon sang, William, réagit, tu ne vois que tout ça nous échappe, à tous les deux. Et qu’en pensent les autres esprits ? Attends, laisse-moi deviner ce que pense cette bande d’écervelées qui ont pris la poussière dans leur petite temple bien au chaud, que du bien j’imagine ? »

    « Et moi aussi. C’est inévitable. Tu ne pourras pas l’empêcher. Tu ne pourras pas empêcher l’histoire de s’écrire ainsi. Tu ne peux pas réécrire l’histoire comme tu le voudrais. Ni toi, ni moi, ne le pouvons. » S’arrêtant net, le génie pris William par le col en le soulevant quelque peu.

    « Et lorsque le sang coulera de nouveau, que feras-tu ? Chaque mort qui suivra son ascension, tu l’auras sur la conscience. Et je te souhaite d’en crever, mon ami. » Lui crachait-il à la figure.

    « Qui a recherché le journal de Mitsuko pendant des décennies ? Alors qu’il était perdu, échangé de main en main comme une veille relique oubliée. Qui a passé sa vie à retrouver ces bouts de papiers pour les remettre à sa descendante ? Tu ne sais faire que ça, rendre fautif des personnes de tes propres fautes. ASSUME-LE Naram. Tout est de ta faute. Chaque mort qui suivra son ascension sera de ta seule responsabilité, mon ami. » Obligeant Naram à le lâcher, il en fit ainsi et le génie reprit sa route.

    « J’ai un si mauvais pressentiment. Si elle ne survie pas à son ascension, je ne me le pardonnerai jamais. Pourquoi a-t-il fallu que je veuille me prendre pour dieu sans en avoir les épaules ? Me voilà pris à mon propre piège. L’oiseau que j’ai nourri rayonnera à travers le monde de flammes aussi belles que dangereuses. Et maintenant je fais quoi ? »

    « Cesse d’avoir peur, pauvre idiot, on ne parle pas de la boulangère qui veut devenir la déesse des petits pains bien cuits. On parle de Mitsuko. Reprends un peu tes esprits, soit rationnel. »

    « Je ne peux pas être rationnel. Je suis sûr que tu ne sais même pas où nous sommes. Nous sommes à un niveau approximatif des limbes. Encore trois niveaux de rêve et notre esprit ne pourra plus remonter à la surface. Je sens déjà ce vide happant qui m’appelle au loin, à l’horizon, ce vide qui nous perdrait à jamais, il gronde. Et alors la mise en scène des deux reines, chapeau, je ne m’y attendais pas. Quelle blague. J’aurais dû prévoir tout ça, j’aurais dû le voir venir. J’ai l’air de quoi, moi ? »

    « D’un homme prêt à descendre jusqu’aux limbes pour rechercher l’âme de celle qu’il aime autant qu’il la déteste. »

    « Cesse tes clichés de vieux sage. Les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être, tu le sais. Tu sais autant que moi ce que je suis capable d’éprouver. J’aime penser être et faire tout ce dont je suis incapable. »

    « Je le sais, oui. Mais toi, es-tu sûr de le savoir ? Que sont ces choses puisqu’elles ne sont pas ce qu’elles semblent être ? Tu te perds. Vous avez été trop loin, elle et toi. Ce domaine où vous êtes est en théorie déjà uniquement réservé à ceux qui ont connu l’élévation. Alors que faites-vous là ? Pourquoi autant se perdre ? Tu es incapable de réfléchir car trop de choses doivent demeurer dans ton esprit pour que le rêve ne s’effondre pas. Vous deux, vous effrayez les esprits du temple, même eux n’osent pas aller jusque ici. Si tu ne cesses pas la relation que tu entretiens avec elle, alors nous nous en occuperons, sache-le. »

    « C’est une menace William ? Je te pensais plus révolutionnaire pour encore écouter leurs conneries. » Et l’esprit bloqua la poitrine de Naram d’un geste précis, l’obligeant à s’arrêter.

    « Je suis de leur avis. Tu n’as rien à faire ici, elle non plus tant qu’elle n’est pas aether. Votre relation n’est pas saine, elle défie trop de nos lois. Dernier avertissement Naram, va-t’en, ou je m’occuperai personnellement de cette affaire. Je peux encore annihiler la force obligatoire de ton vœu. »

    « Je ne te crois pas, je ne te fais plus confiance. Comment un esprit pourrait s’occuper des affaires des génies ? La particularité de notre race vous échappe totalement, tu ne peux pas me contredire. Tu n’as aucune garantie de pouvoir sauver Mitsuko et je me refuse à la laisser ici. Alors bannie-moi si tu veux d’une éventuelle rédemption, mais je ne m’en irai pas. Je suis venu ici chercher ce fichu pégase, je repartirai avec. Et ni toi, ni tes copains du temple, ni n’importe quel aether, ni même le dieu originel ou je ne sais quelle connerie en laquelle il faudrait croire, ne pourra m’arrêter. Alors ne perds pas ton temps et va compter les grains de poussière. »

    « Comme tu voudras mais ne t’étonne pas du retour de bâton. Puisque tu ne veux pas y mettre un terme, je m’occuperai de votre cas à tous les deux. »

    « Que grand bien te fasse. » soumit-il en grognant avant d’appeler Sin, son cheval fantomatique fait d’ombres. La monture pour avoir été celle d’un ancien esprit de la mort était capable de voyager à travers les couches de rêve, ce ne serait pas la première fois, lui qui, avant, avait l’habitude de galoper dans l’ombre du cœur, un monde bien étrange que Naram essayait d’oublier tant il était cauchemardesque. Comme à leur veille habitude, Sin et Naram n’avaient guère besoin d‘échanger le moindre mot, Sin savait sans qu’un seul mot soit prononcé et jamais Naram n’aurait osé obliger l’animal, tenant trop à son respect qu’il tenait à son égard. Montant sur sa cambrure, ils entreprirent une course folle à travers d’immenses vallées recouvertes de nuages d’un blanc puissant et pure, contrastant avec la couleur d’ébène du cheval du génie. Et le génie chercha, chercha longtemps en scrutant la moindre parcelle mais ici, tout se ressemblait, William avait raison, il se perdait ici, il avait énormément de mal à se concentrer, son esprit semblait partir en vrille à des réflexions de non-sens, ses idées n’avaient plus aucune logique, c’est à peine s’il n’oubliait pas ce qu’il était venu faire ici et ce qu’il cherchait exactement. Si la vallée était réservée aux aetheri, ce n’était pas pour rien après tout, son esprit n’était pas assez puissant pour endurer tout ça, il se perdait plus qu’il ne le pensait.

    « Bon sang, Sin, que faisons-nous là ? Je ne sais même plus ce que je cherche. Je crois qu’il s’agissait d’une personne qui m’était chère. Ou peut-être était-ce un souvenir… Je suis fatigué de cette course perpétuelle pour la vie. » Tombant du cheval comme une pierre dans l’eau, il se mit à frotter son visage avec plus de lenteur à chaque passage.

    « Je crois que je vais rester ici, je suis si confus. J’ai besoin de fermer les yeux. Je crois que j’ai donné rendez-vous à Jun, ici, il ne devrait pas tarder à sortir de son cours de dessin. Lorsqu’il viendra, tu lui diras... de… Je... Je parlai de quoi déjà ? » le cheval d’habitude silencieux vint rompre le silence par un cris surprenant, tinté de grondements semblables à ceux d’un tonnerre.

    « Sin… C’est bien ton nom ? Où sommes-nous ? C’est ça le Paradis ? Je ne vois pas d’anges pour m’accueillir. Je perds la tête, je le sens. Je... mon nom, le simple souvenir de mon nom... C’est William, il savait que je ne l’écouterai pas, il voulait que je vienne jusque ici, il veut notre mort à tous les deux... La mienne et celle de cette femme... Sin, cette femme, qui est-elle ? Elle a besoin de moi mais rien ne m’y oblige, n’est-ce pas ? » et alors que le génie perdait complétement la tête dans cet étrange lieu qui lui était pourtant interdit, il sentit une main l’attraper par le coude et l’obliger à le relever ; ouvrant faiblement ses yeux, ceux-ci firent couler des larmes de sang, le génie peinait à voir quelque chose, pourtant il aperçut la silhouette d’un jeune homme aux cheveux noirs. Le cheval du génie avait disparu, il n’y avait que lui et son visage lui était familier.

    « Mon frère, que fais-tu ici bon sang ? Tu n’as rien à faire là. »

    « Jun ? Rentrons à la maison, je ne me sens pas très bien. Je devais chercher quelque chose pour quelqu’un dont j’ai tout oublié. Mais je m’en fiche maintenant, je veux juste que nous rentrions chez nous, Lily doit s’inquiéter, je n’aurais pas dû partir aussi loin. »

    « Ton esprit s’évade, tu vas disparaitre si tu ne te reprends pas. » et il secoua le génie dans tous les sens pour que celui-ci garde les yeux ouverts.

    « Je ne sais pas. Je ne sais plus. J’ai une migraine atroce. Je… Je sais juste que j’aime cette femme. Mais pourquoi est-ce que je ne me rappelle pas de son nom ? Je dois l’aider, Jun, c’est important. Je ne sais pas pourquoi ça l’est, mais je… dieu, je perds tous mes repères, où sommes-nous ? »

    « Là où les âmes qui ne se sont pas élevées ne doivent pas aller. Je ne peux pas venir avec toi, il faut que tu te battes. Souviens-toi, fais un effort, je t’ai connu plus combatif que ça. Rappelle-toi de son nom, qui est-elle ? »

    « Je ne sais pas. Elle ne sera bientôt plus. A quoi bon ? Son choix est fait. » et des larmes de sang continuaient à perler des yeux du génie, ensanglantant son visage et tâchant ses vêtements. Sa vue était trouble, la lumière que projetait son frère était si intense qu'il lui sembla qu'il s'agissait du plus magnifique des anges.

    « Est-ce un dieu ? » - « Je le crains. » - « L’acceptes-tu ? » - « Oui. » soumit-il avec douleur.

    « Son nom, mon frère, son nom. » - « Sa chevelure est en bataille, d’un blond immaculé, elle inspire l’indomptable et le raffinement. » - « Son nom... Je t'en prie, ne t'efface pas ainsi. » - « Son parfum est délicat, ses notes épicées sont sauvages mais elles n’agressent pas l’odorat, bien au contraire. » - « Son nom. Que tes actes ne soient pas vains. » - « Son rire est celle d’une enfant à qui on a interdit de grandir. Toute sa vie, elle a été manipulée par son destin. Et moi, j'ai laissé les choses se faire sans agir. Je suis un monstre. » - « Son nom, je t’en prie, son nom. » - « Elle sait sans connaitre, et aime sans éprouver. » - « Qui est-ce ? » - « Je… Son nom... Commence par la note la plus douce que je connaisse des gammes. » - « SON NOM, mon frère. » - « Trois syllabes. C’est court, on peut le retenir sans grand mal et en général, elle fait en sorte qu’on ne puisse l’oublier. » - « Alors dis-le. » - « Elle m’a fait le plus beau des souhaits. Celui que je ne puisse jamais l’oublier. » - « Alors souviens-toi d’elle. » - « C’est… Mitsuko. »

    Jun disparut mais le pégase se trouvait juste devant le génie, calme, immobile, la tête baissée comme s’il respirait les nuages. Naram entreprit donc de ramper sur plusieurs mètres, se forçant à garder son esprit intact, il répéta à haute voix et sans s’arrêter : « Mitsuko. » pour ne pas l’oublier. Et lorsqu’il fit face à l’animal qui déploya ses ailes avec envergure, le génie ouvrit grand ses yeux comme s’il s’agissait d’un miracle.

    « Pardonne-moi. Le ciel m’a condamné à te hanter. » Et se servant de ses dernières forces, le génie grimpa sur l’animal qui, après quelques sauts de refus, finit par s’envoler loin, si loin que ce paysage ne fut bientôt plus qu’un souvenir confus, revenant au théâtre de glace.

    Naram resta un instant sur le dos du pégase, reprenant ses esprits, il soupira plusieurs fois, tout lui revenait doucement mais sûrement. Il jura dans sa tête, ô oui il jura, William aurait bientôt de ses nouvelles. Revenant, pied à terre, il s’avança vers les deux reines, trainant de la patte, il semblait qu’il venait de vivre la plus difficile des batailles. Alors, face au silence qu’elles affichèrent, le génie se mit à sourire, non pas son sourire habituel, mais un sourire victorieux, fier, comme s’il venait de soulever des montagnes et de braver des océans. Plusieurs voix se mirent à chuchoter, sûrement celles des esprits du temple, tous, susurrant des « Il a survécu », des « comment est-ce possible ? », « Il n’aurait pas dû en revenir. » et d’autres : « il a réussi. ». Le génie ne s’en soucia guère, il releva son menton, faisant face aux deux reines, il les fixa, l’une après l’autre, puis, alors que l’on attendait un autre hurlement de sa part, ne fit que chuchoter à son tour :

    « Echec et mat. » et toute la glace explosa dans un fracas assourdissant. Des lustres aux charpentes, la glace se brisa en millions de morceaux, comme s’il venait de briser mille glaces qui le représentaient. Le génie enfin s’effondra à genoux, il avait tant de mal à reprendre ses esprits, il revenait d’un royaume qui lui était interdit.

    « J’ai bravé l’ombre du cœur pour toi. » commença-t-il à l’attention de Mitsuko première du nom.

    « J’ai bravé l’enfer pour toi. » continua-t-il à l’attention de Kazuki.

    « J’aurais bravé les limbes pour elle. » finit-il avant de fermer les yeux.

    Mais, comme s'il se devait de rajouter une chose, une chose importante, sans la regarder et sans tourner la tête vers elle, il somma à la Mitsuko libérée : " Ne dis rien, s'il-te-plait, ne dis rien. ", son âme faisant encore mille tours autour de lui, des vas et biens, il avait plus que la tête qui tournait, il peinait à refaire surface dans cette réalité du rêve, quelque chose était encré, une maladie infectée au plus profond et il tentait de résister, attendre que ça passe en peu de mots.
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Dim 09 Déc 2012, 16:11

    Bloquant sa respiration, les yeux fermés, le génie tenta de garder pied à la phase du rêve. Il évacua ensuite par de lourdes aspirations la torture mentale invoquée par la plaine des aetheri qui lui était interdit pour des raisons évidentes. Mais il était bien connu, le génie détestait se borner à l’interdit, tout ce qu’il ne pouvait, il faisait, et ce qu’il savait possible, il n’en commençait pas la peine, le temps lui avait laissé tout le plaisir de connaître les limites de son corps et de son esprit, il lui fallait toujours plus de défis à présent, une soif incommensurable de dangers qui le perdait. Alors que le calme reprenait, il lançait un regard assassin aux deux reines, un regard empli de haine et d’angoisse, un dernier regard comme une dernière danse avant de proférer : « Nous nous reverrons en enfer. » et de les faire disparaitre, réfutant ce qu’il ne voulait à présent plus voir devant lui. Puis, fracturant les murs du grand théâtre, comme on ouvrirait une maison de poupée, ceux-ci firent une immense porte vers un autre lieu qui n’existait pas encore. Le génie se courba et tendit la main pour que la future déesse lui prenne puis avança jusqu’à la frontière du théâtre. Au-delà, un simple vide se dessina, diffus de multitudes nuageuses, ils étaient en plein ciel ouvert, en plein délire.


    « Je crois que si je n’avais cette horrifiante sensation de pouvoir te perdre, si cette sensation n’avait jamais été aussi forte qu’aujourd’hui, alors peut-être n’aurais-je eu l’audace de te dire quoi que ce soit. Mais quoi que je souhaite, jamais tu ne pourras m’accorder ce simple fait. J’ai l’impression que tous les dieux ont les yeux rivés sur nos actes aujourd’hui, qu’ils te regardent comme l’héritière du monde, peut-être devras-tu le porter sur ton dos comme Atlas sauf que toi, tu sembles le désirer. J’ai l’impression que les dieux scrutent notre esprit, comme si celui-ci déterminerait un tout autre destin à ce monde si nous changions subitement d’avis. N’as-tu pas peur de cette fatalité ? On l’a conte si souvent comme une ennemie, nous rendant prisonniers de sa bonne parole. Mais aujourd’hui, c’est son absence qui m’effraye. Car je ne sais pas où nous allons. Et je ne sais où aller si tu n’y vas pas avec moi. C’est idiot n’est-ce pas ? » Il lui sourit, ses yeux ne semblaient pas admirer une chose en particulier, son regard se perdait avec lui mais envers ce si vaste champ de vision, on ressentait qu’il ne faisait que la contempler, sans pouvoir délier la pensée qui l’accompagnerait, même lorsqu’il ne regardait rien d’autre que le néant, même lorsqu’il fermait les yeux, il n’était tourné que vers elle. Puis, déterminé à lui prouver la réalité d’un rêve comme un autre monde possible, il saisit Mitsuko à la taille, sans la brusquer, juste sans prévenir, puis il l’obligea à sauter avec lui dans le vide.

    Une nage en plein ciel, il fit en sorte de ne pas lâcher le corps de Mitsuko, comme pour ne former qu’un, une toupille dans ce vide sans nom, fendant les nuages comme on fendait le rêve et ses transcendances, l’on ressentait cette chute comme si elle n’était pas que chimère, les oreilles sifflaient, le vent fouettait les corps dans son aliénation de l’irréel, des chants d’opéra résonnaient au loin comme si les dieux chantaient l’ode de leur aventure, des voix de ténors au plus limpides, tout se contournait et revenait pour repartir, des bribes de rêves précédents se confondaient à celui-ci, la chute ne semblant pouvoir s’arrêter jusqu’à ce que le sol ne tarde à se montrer. Bien entendu, la peur n’habitait ni cette femme, ni cet homme, ils n’étaient pas ainsi, peu assez à vrai dire.



    Lorsque la terre se rapprocha d’assez près pour frôler leur crâne, celui-ci devint tout aussi liquide qu’un long cours d’eau, les faisant plonger avec force à des profondeurs infinies dans cet étrange liquide aux couleurs informelles. La respiration ne leur manqua pas mais le génie resserra son étreinte comme s’il avait peur du noir indélébile qui les entourait. Puis, plongeant toujours plus profondément dans cette encre légère et insaisissable, ils quittèrent les eaux sans changer leur trajectoire, comme si, après l’océan, un autre monde se présentait, fracassant les lois de la gravitation, leur poids fut si léger, que tout volait autour d’eux. Il ne voulait toujours pas lâcher cette femme, sa tête dans son cou comme s’il ne pouvait y avoir meilleur place et que le menton avait été formé pour qu’il se pose à cet exact endroit du corps de cette femme, ils formaient allégoriquement un véritable symbolisme du yin et du yang avant que le génie, sans prévenir, ne lâche sa subtile rêveuse. Alors la gravité était maîtresse de leur visée, tous deux allaient dans des sens contraires, flottant au-dessus de cette océan d’encre merveilleux, leurs cheveux plus légers volaient au-dessus de leur tête, on voyait même des gouttes d’eau s’élevaient à tout endroit. Un voyage sur un astre inconnu où la pesanteur n’existerait pas ? C’était bien l’idée.

    Lorsqu’il eut lâché l’esprit de la mort avec qui il aimait pourtant tant valser, il fit plusieurs saltos dans le vide, tourna sur lui-même plusieurs fois, attrapant ses jambes, il forma la position du fœtus avant de rouler sur lui-même quelques tours puis se libéra, allongeant son corps comme une renaissance. Son corps se dissipait dans l’espace, ne formant qu’un amas d’étoiles ayant sa physiologie et les reliefs de son visage étaient clairement reconnaissables, il ne devint bientôt plus qu’un chemin d’étoile qui zigzagua autour de Mitsuko à toute vitesse, invitant Mitsuko à en faire de même, comme une prémisse au corps d’aether qu’elle prendrait bientôt, il filait dans le ciel comme une étoile fulgurante. Puis, après plusieurs minutes à virevolter ainsi, il redevint humanoïde et se posa sur cet océan, marchant littéralement dessus comme un messie marcherait sur l’eau, il saisit les deux mains de Mitsuko pour la ramener à lui, ramenant le corps de cette femme au sien et qu’elle puisse à son tour marcher sur l’eau d’ébène.

    « Je pourrai rester ici éternellement, je songe souvent à cette solution. Ici, personne n’est ce qu’il devrait être mais ce qu’il veut être, la contrainte est inutile car les possibilités sont infinies. J’aime le rêve, comprends-tu pourquoi ? J’ai l’impression que le rêve est mon géniteur, qu’il m’a formé à la naissance, qu’il m’a tout donné et qu’il ne me demande rien en échange, il me montre tout ce que je désire voir. Il me fait même le cadeau de ta compagnie, comprends alors mon amour envers ce dernier. »

    Des flammes surgirent alors sur cet océan, des flammes qui n’avaient rien à faire sur cette contrée aqueuse vinrent les entourer et dévorer le ciel qui avait provoqué leur chute. Ces immenses flammes formèrent, à l’ordre de Naram qui faisait de larges mouvements de ses mains, de magnifiques créatures. Il créa de sublimes phœnix volant à leur côté, des lions de feu prirent de course l’infini de ce rêve avant de s’éteindre lorsque le foyer des flammes était trop loin.

    « A jamais, j’en voudrais à mon père d’avoir forcé le destin, d’avoir tué Jun pour m’obliger à souhaiter qu’il revienne à la vie en contrepartie du fait que je deviendrai un génie. Mais en réalité, quel autre personnage pourrais-je être ? J’aime tant n’être rien et tout à la fois, ce rôle me va à la perfection lorsque j’y repense. Si je serais resté un sorcier, je n’aurai jamais pu faire tout ça, être tout ça, je n’aurai jamais pu te rencontrer. Parfois, le pire du mal et la plus libératrice des passions. »

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Mitsu
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Mitsu
Dim 09 Déc 2012, 23:57


L'ignorance était sans doute le sentiment que Mitsuko détestait le plus, là, enfermée dans toute cette glace, elle n'avait été que la témoin d'un spectacle qu'elle ne pouvait contempler. Elle n'avait strictement aucune idée de ce qui était arrivé à Naram, non, strictement aucune idée, elle ne sentait que le froid, s'abandonnant petit à petit à cette sensation d'engourdissement qui causait la perte de beaucoup d'hommes. C'était comme si elle voulait mourir, ne cherchant pas à se débattre, ne le pouvant pas. Oui, celle qui souhaitait faire parti des dieux aurait sans doute pu mourir en rêve, mais un rêve bien spécial. Et c'est à ce moment précis qu'elle prit conscience qu'une fois qu'elle se serait élevée, elle ferait tout pour revenir à la base de tout, oh oui, elle ferait tout pour devenir humaine. Et quand elle leva les yeux, se fut pour contempler le génie, son génie à genoux, sans en comprendre la cause. Elle était libérée de sa prison, sachant que le vœu avait été réalisé. Elle fixa les deux reines, ne bougeant pas car il semblait que ce fusse son combat à lui. Elle ne dit rien, attendant qu'il se ressaisisse là où elle aurait tant aimer le relever. Mais le passé s'estompa tout comme le théâtre et elle le suivit, ses paroles la faisant sourire, une petite lueur se reflétant dans ses yeux. En réalité, depuis que la glace avait été brisée, elle se sentait fragile et forte à la fois, des éléments simples semblaient lui échapper alors que de nouvelles simplicités naissaient en elle. Elle murmura comme toute réponse :

« Que les dieux nous contemplent avec la conviction que nous façonnerons le monde si cela leur plait. Néanmoins, s'ils souhaitent réellement nous confier son avenir, c'est qu'ils sont bien sots car, de toi à moi, j'ai parfois peur de ce que nous pourrions accomplir ensembles, de bon comme de mauvais. Mais ce qui m'effraie encore plus, c'est ce que nous pourrions faire séparés l'un de l'autre. J'ai un sombre pressentiment depuis tout à l'heure, quelque chose que je ne pourrai expliquer mais je crois que nous devrons nous dire au revoir un temps certain à l'avenir. Peut-être que cela ne sera que le reflet d'une punition divine ou le plus malheureux des hasards mais... oh je ne saurai dire en réalité. »

Elle le laissa l'attirer à lui, c'était si rare qu'elle ne pouvait qu'apprécier. Lui avait vécu tellement d'années, tellement de siècles et quelque part, elle lui en voulait parfois. Ses yeux dans les siens, elle ne dit pas ce qu'elle pensait car il était l'homme qui façonnait les rêves et si elle désirait rêver à ses côtés, construire ces derniers avec lui, il y avait des songes qui resteraient enfouis au beau milieu de son cœur. Et elle, qui était la femme que l'on désignait parfois comme faite de la même matière que les rêves, elle comptait bien être l'unique rêve à échapper à cet homme autant qu'il le hanterait, un songe qui était en réalité tantôt le plus beau des rêves et tantôt le plus vil des cauchemars. Alors qu'ils entamaient leur chute dans ce vide, comme des êtres courant à leur perte, elle se serra contre lui de toutes ses forces. S'il y avait bien quelque chose qu'elle ne souhaitait pas, c'était qu'ils soient séparés définitivement d'une manière ou d'une autre, ou peut-être le souhaitait-elle? Non, en plein rêve, elle ne pouvait se mentir, tout comme elle savait qu'elle ne pouvait rien attendre de lui, tout attendre de lui. Fermant les yeux un instant, elle fit par la suite face à la chute et aux merveilles qui se donnaient à elle. Elle n'avait pas peur, non, mais son cœur battait si vite qu'elle n'aurait su dire si cela avait pour cause la descente vertigineuse ou la présence de Naram si près d'elle. Elle ferma les yeux de nouveau, sentant la fin de leur chemin, le début d'un autre, son menton dans son cou, surtout son menton dans son cou, et, en plus de tout cela, la pression qu'il exerçait sur son corps. Misuko détestait le désir, simplement parce que c'était le meilleur moyen de se perdre, désirer faisait rêver mais une fois celui-ci consommé, il ne restait plus que des cendres, les cendres d'un rêve qui ne pourrait plus jamais être pareil. Et elle voulait préserver celui qu'elle vivait avec lui. Ou peut-être l'éteindre, mais il ne la laisserait pas faire.

Elle n'ouvrit les yeux que lorsqu'elle ne le sentit plus si délicieusement contre elle, n'ayant à le chercher qu'une seconde. Elle finit par sourire, admirant les goûtes d'eau qui virevoltaient autour d'elle, dansant avec ses cheveux. Oh oui, elle suivrait Naram où qu'il irait, et elle accepta ses caprices, devenant étoiles à son tour, se livrant à une course folle avant de le rejoindre sur la surface de l'océan, si calme. Même si ce n'était qu'un rêve, elle avait l'impression de vivre à ses côtés. Cet homme créait, l'émerveillait, toujours, et elle savait qu'il pouvait également façonner l'inverse. Un jour, oui, un jour peut-être voudrait-il fabriquer son pire cauchemar. L'écoutant, elle se mit à danser seule, au milieu des animaux légendaires, faisant virevolter l'eau avec ses pieds. Elle tournoyait sur elle même, ses bras ondulant avec grâce, ses mains semblant si fines, capables des plus douces caresses. Elle n'avait aucune idée du spectacle qu'elle donnait mais peu lui importait, c'était la sensation qui l'étreignait qui comptait, cette sensation de légèreté, de liberté. Son corps frissonnait de plaisir, les yeux clos. Et, ce qui devait arriver arriva, elle percuta Naram, ouvrant les yeux en souriant. Elle semblait si naturelle, si pleine de vie, si heureuse. Elle rit, simplement, un rire qui contrasta totalement avec les déclarations du génie. Pourtant, si elle riait, c'était grâce à lui. Levant les yeux vers lui en même temps qu'elle levait le visage vers l'infini qui se trouvait au dessus d'eux, elle lui dit doucement.

« Je suis sûre que nous nous serions rencontrés, peu importe comment, peu importe pourquoi. Tu ne crois pas? Oh oui, j'en suis sûre. »

Elle prit chacune de ses mains dans les siennes, jouant avec celles-ci d'un naturel déconcertant, mêlant ses doigts au sien comme si elle souhaitait être liée à lui à jamais. Ce n'était sans doute pas habituel chez cette femme de se comporter ainsi mais, pendant quelques minutes, elle n'en avait que faire de passer pour une femme trop aimante. Cela fanerait bien vite. Contemplant le ciel dans lequel volaient les animaux de feu, la neige commença doucement à tomber, recouvrant l'océan sans fondre à son contact, si bien que, bientôt, une infinité blanche s'imposa à eux. Le froid ne pouvait les atteindre et Mitsuko ouvrit de nouveau la bouche.

« Nous pourrions rester ici indéfiniment tu sais. Ce serait une possibilité, nous pourrions faire ce qui nous plairait, courir, danser, nous battre encore et encore, nous déchirer, nous unir... »

Oh elle n'aurait sans doute pas dû dire ça mais ça la fit rire. Elle n'avait pas envi d'être sérieuse, ni même raisonnable et, curieusement, elle ne lui cachait rien, le fixant de ses yeux verts étincelants grâce à la neige, ou à la magie, tout simplement. Peut-être avait-elle eu une enfance trop courte et prenait-elle sa revanche à cet instant précis? Elle ne le savait mais elle s'en fichait. Elle se fichait qu'il fuit à l'autre bout du monde parce qu'elle était trop franche, elle se fichait qu'il n'exhausse jamais ce désir, elle ne le voulait sans doute pas d'ailleurs, elle se fichait que son cœur lui appartienne ou non, elle se fichait de tout. Rien n'avait plus d'importance hormis cette joie étrange qui s'était installée au fond de son cœur. Amenant l'une des mains de Naram vers son visage, elle y déposa un baiser comme une enfant l'aurait fait, un baiser léger, qui n'attendait rien en retour. Pourtant, elle lui demanda :

« Que souhaites-tu à présent? »

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Ven 04 Jan 2013, 18:34

    « Nous pourrions effectivement rester ici indéfiniment. Mais qui serions-nous ? C’est la réalité qui nous permet la création, c’est elle qui nous inspire, ses frustrations qui nous animent. Sans elle, nous ne serions que des errants de l’illusoire. »

    S’arrêtant un instant sur des derniers mots, il y songeait avec teneur. Préoccupé par la part de vérité que détenait chaque parcelle de réalité et de mensonge, il savait que la frontière était parfois invisible entre ces deux mondes, que l’un valait autant que l’autre et qu’un rien pouvait inverser les pôles entre conscience et inconscience. Si ce monde où s’était enfermé quelques heures Mitsuko et lui était le royaume de l’inconscient, le génie songea ce qu’il adviendrait sur l’inconscient basculait dans la réalité et le conscient dans le royaume onirique. Qu’adviendrait-il du rêveur ? Une simple inversion de la raison ? Non ce n’était évidemment pas si simple. Il pressentait à l’état d’un tel homme de grands traumatismes à ne pas en douter et il se voyait bien détenteur de tel mal dans l’avenir. Tout du moins il le sentait, sans Mitsuko, il se serait déjà perdu depuis longtemps. Cela était évident, Naram haïssait la réalité et ses borgnes qui ne le comprenaient pas, tant de fois il songeait à demeurer ici, éternellement. Mais il ne pouvait vivre sans cette réalité qui le faisait souffrir et Mitsuko en était l’avatar : cette souffrance sine qua non à la jouissance d’une vie tel qu’il la consumait. Plus il y repensait, à l’égard d’une réalité sans Mitsuko, plus son sourire se dissipait dans la neige caméléon qui cachait déjà tout et partie de son corps au teint déjà qualifié par beaucoup comme morbide. Elle était comme une frontière entre ses deux mondes, elle qui était autant l’un que l’autre, la parfaite harmonie, celle que Naram n’avait jamais réussi atteindre, vacillant bien trop dans l’imaginaire où il se sentait chez lui. Mais Mitsuko était capable de garder pied là où les étendues ne finissaient jamais de nous surprendre, elle était capable de faire la différence, bien plus habilement que le génie bleu et sans qu’elle ne puisse vraiment le faire intentionnellement, elle était le garde-fou du génie, un remède autant qu’une maladie, Mitsuko était le plus beau des paradoxes sans qui il deviendrait sûrement fou, se perdant plus que de raison.

    « J’ai longtemps admiré les étoiles, espérant qu’un jour, elles me guideraient vers une personne telle que toi. Suis-je le fruit du rêve ? Peut-être bien mais j’étais avant d’être ce monstre, un homme trop simple à mon goût dont la vie était celle d’une globalité effarante de rats. J’ai toujours aspiré à l’exception. Peut-être ai-je un peu trop réussi dans la tâche que je m’étais juré d’accomplir mais je n’aurais pu rêver meilleur rencontre que la nôtre. Le rocher au clair de lune où tu n’es venu à moi que par frustration de Jun. Là est le rêve, le fruit d’une frustration. Lui, créé comme ersatz à ma personne pour ta descendante, voilà que les rôles fussent inversés. C’est un peu le jeu du sort. Je l’avais bien mérité. Je ne sais ce que je dois croire du destin, des religions et ses prières mais je sais que toi tu es réelle. Bien réelle. Et si je ne prêcherai jamais ton culte, peut-être serai-je celui qui, à jamais, aura le plus foi en toi. Cette contradiction est complexe mais elle te concerne bien. »

    Ses doigts mêlés aux siens, l’homme souriait avec candeur au profile irréprochable que tenait la future déesse devant lui, comme un affront, comme une peinture d’un maître qu’il nous ait donné de contempler pour une seule et unique fois. Le génie ressentait ainsi la vision de cette femme qu’il avait peur de perdre, aujourd’hui plus que jamais. Joignant les deux mains de la demoiselle comme pour l’inviter à prier, il recouvrit de ses propres mains les siennes, la symbolique du protecteur était perceptible, inconsciente, mais ici, les moindres gestes les plus anodins prêtaient à l’interprétation car ici, l’inconscient parlait bien plus que tout le reste d’une âme.

    « A présent, et à jamais, un fragment de ton âme est mien, quoi que tu fasses, une petite partie de toi sera toujours en moi. Tu n’en comprends peut-être pas encore la portée pour le moment mais plus tard sûrement, cela te semblera d’une évidence déconcertante, tant que tu riras de n’y avoir pas pensé avant. »

    Le génie y voit mille utilités, d’infinis intérêts. Mais le plus prévisible était le cas où Mitsuko échouerait dans sa quête envers des fidèles. Si elle venait à disparaitre, alors son âme se dissiperait dans le néant mais pas totalement. Qu’importe l’avenir, le génie savait qu’un fragment serait toujours en lui, un fragment qui ne l’abandonnerait pas, un fragment qui l’informerait du danger qu’elle encourrait si il advenait qu’elle se meurt. Il pourrait ses peurs si elles étaient telles qu’elles lui parviennent. Il pourrait sauvegarder un morcellement de l’âme de sa belle, à jamais. Il y tenait.

    « Mon deuxième vœu vient contredire le premier. Je souhaite qu’à jamais, ni toi, ni moi, ne puisse lire dans l’autre. J’ai toujours pris grand soin de ne jamais me servir du pouvoir de fissure sur toi. Tu sais, cette malédiction qui m’accable et m’oblige, dès un regard plongé, à ressentir l’émotion de l’âme comme une fenêtre ouverte sur cette dernière. Entre nous, il y a toujours comme une promesse tacite de ne jamais m’immiscer dans ton âme, j’ai toujours choisi de tout connaitre autrement, de te deviner par tes paroles et ton rire. Je désire ne plus jamais avoir à me retenir te concernant, que tes yeux ne puissent plus m’ouvrir l’accès aux secrets de ton âme, je veux tout ressentir de toi mais ne rien savoir. Je désire évidemment qu’il en soit de même pour toi, que jamais tu ne puisses lire en moi. Cela va plus loin que tu ne le penses. Réfléchis à la manière dont un aether voit l’avenir. Je ne désire pas connaître le tien et je ne désire pas que tu connaisses le mien. Tes pouvoirs te serviront à tes fidèles, à tes ennemis, mais jamais pour ma personne. J’y tiens. Car peu m’importe le statut de divinité que tu entretiendras avec le monde, je ne suis pas le monde, je ne suis pas la réalité que tu veux défier par l’élévation. Alors, dans cette logique qui est la mienne, je n’ai pas à être régi par ton omniscience. Je veux garder ce lien d’humanité avec toi, tu le comprendras aisément. »

    Il regretta déjà les instants passés. Les mains de Mitsuko toujours couvertes par les siennes, il les approcha de ses lèvres pour les embrasser avec une douceur amoureuse qu’on connaissait peu à l’homme en face d’elle. Par cet acte, il obligeait en quelque sorte Mitsuko à suivre du regard le mouvement de ses mains et a foriori, à se retrouver plongée dans les deux yeux étincelants du génie. Ceux-ci semblaient briller au fil des chimères de flammes qui dansaient toujours autour d’eux. Alors, tout air sembla s’absenter, tout bruit disparut, il n’y eut plus rien lorsque le regard de la prêtresse de la mort vint rencontrer ceux du roi du rêve. L’impression de légèreté fut décuplée, il semblait que l’âme se détachait sans cesse des chaines corporelles, que dans le regard du génie, Mitsuko se sentait aspirer vers le haut, qu’elle s’envolerait sans raison ni logique. Puis lorsque Naram cligna des yeux, avec une lenteur surnaturelle, Mitsuko fut libérée de cette brève emprise. Elle put alors constater qu’ils avaient quitté leur petit monde merveilleux.

    Il semblait qu’ils étaient dans une sorte de veille ville à l’architecture impériale et romaine où il n’y avait personne d’autre que leur présence, le moindre bruit était constaté si ce n’était celui d’une légère brise qui soufflait sans siffler, sans déranger l’oreille. Se raclant la gorge, il poursuivit : « Bienvenue chez moi. » jugeait-il en laissant les sens se confondre. S’agissait-il d’une ville qu’il avait lui-même créé ? De sa propre demeure ? Ne donnant pas d’autres explications, il glissa ses doigts dans l’entrebâillement que laissaient ceux de la jeune femme avant de marcher à ses côtés, main dans la main. Il ne d’abord rien, pas un mot de trop, il savait exactement où il allait, montrant simplement du doigt, deux trois édifices particuliers sans les commenter, laissant le mystère entier. Ils arrivèrent ensuite devant un immense palais aux allures de cathédrale revisitée par un goût de civilisation disparue.

    « Civitatis Dei. La cité des dieux. Un endroit mystique où l’on ne peut venir, ni par hasard, ni par sa seule volonté. Il faut toujours qu’un détenteur du destin en ait décidé ainsi, pour vous. Un jour, William te mènera à la véritable cité et non à cette seule reconstitution de mon esprit. C’est à cet endroit que William s’est élevé, il a reçu la cérémonie du sacre dans cette cathédrale et a recueilli ses premiers fidèles qui l’ont applaudi. A cette époque, c'était un passage obligatoire. » un silence plus pesant ponctuait ses phrases. Il reprit sa marche pour rentrer dans l’étrange église. A l’intérieur, il y avait un monde incroyable, mais tout était magnifique à l’œil, des courbes aux vitraux de cristal, de l’or aux murs et fresques au plafond, l’endroit accueillait la ville entière sans se serrer. Naram invita Mitsuko à s’asseoir sur l’un des bancs dans le fond de la cathédrale en priant la personne à côté de se pousser un peu pour leur laisser de la place. Même si tout ici n’était qu’illusion, le génie semblait croire à son délire et la personne effectivement se poussa pour que Mitsuko puisse s’asseoir. Le génie en fit de même juste à côté, leurs deux mains toujours liés, il s’approcha pour lui chuchoter :

    « J’étais là lors de la cérémonie, caché dans un tréfonds entre deux statuts pour qu’on ne puisse m’apercevoir. J’avais juré à mon ami que je ne me rendrai pas à cette mascarade car je désapprouvé totalement son élévation. Mais je n’ai pas pu résister, c’était important pour lui. » il ferma les yeux, souriant un instant, repensant à l’idiotie qui le guidait en ces temps, idiot plutôt palpable encore aujourd’hui na manqua-t-il pas de remarquer. Pointant du doigt un « lui » passé qu’il avait reconstitué, on voyait effectivement caché un deuxième Naram aux allures bien plus juvéniles et aux habilles blancs et déchirés un peu partout, à l’apparence presque d’un mendiant.

    « J’étais esclave de l’aether qui a enseigné à William tout ce qu’il sait aujourd’hui. Et ce jour-là, il m’a affranchi, m’a redonné ma liberté. J’ai alors eu le choix, le choix de pouvoir devenir également un disciple tout comme William le fut ou de rester mortel parmi les mortels et de suivre ma voie. » Évidemment, il avait choisi la seconde piste même s’il n’en donna pas les raisons à Mitsuko.

    « Je sais ce que tu dois te dire, quel rapport cela a avec toi ? Je pense que tu es reliée quelque part à tout ça. Cette cité n’est plus que ruines et plus personne ne sait où elle se trouve. Lorsque l’on quitte les frontières de ces terres, on en oublie la localisation. Il ne doit y avoir plus que William qui en connait la position. Cette cité est surtout maudite, elle a connu l’âge d’or des aetheri et a connu la chute de leur culte, à tous. Plus les évènements me reviennent, plus j’ai l’impression que, oui, tu es reliée à tout ça. William le sait et veut me tenir à l’écart. Si je dois être écarté, ce n’est pas pour rien, c’est qu’il y a un danger que je ne veux te voir courir. Alors, puisque nous allons bientôt nous dire au revoir pour… un bon moment… promets-moi de te méfier de cet homme. J’aime William comme un frère mais j’aime l’homme, non l’aether. Il sera capable de te détruire s’il a un intérêt, quand bien même ce que je ressentirais, nous sommes à la fois en paix et en guerre tous deux. Comme deux titans qui attendent l’assaut final pour se livrer bataille et qui en attendant, s’entraident. »

    Les deux protagonistes virent William à genoux se faire sacrer par des rituels inconnus que le génie ne prit la peine d’expliquer. Tous applaudirent, Naram en fit de même, les deux Naram. Il se leva ensuite, tenant toujours Mitsuko par la main mais avant de passer les portes, il y eut comme un changement. Naram se retourna et vit que les milliers de personnes présentes s’étaient toutes retournées pour les fixer tous deux avec insistance. Il semblait que le rêve venait d’être infecté par un tiers.

    « Que se passe-t-il ? On réclame la pièce pour la quête ? » Cria le génie en riant aux éclats. Alors toute la foule sembla élever en cœur d’une même voix : « Il suffit Naram. Cesse ce jeu ridicule. » Et malgré l’aspect quelque peu effrayant de la chose, ceci fit d’autant plus rire ledit Naram qui ne répondit qu’un : « Je fais comme toi mon pauvre, je prends les devants. » Et s’il s’adressait à tous, il était évident qu’il ne parlait qu’à un seul homme. Après cette réplique, toutes les têtes se tournèrent de nouveau vers l’hôtel du sacre et Mitsuko ainsi que le génie purent sortir.

    « Un jour je reviendrai ici pour découvrir la vérité sur mon passé, sur le pourquoi du déclin de la race que tu vas faire renaître par ton ascension. Je n’y arriverai jamais sans toi mais ce jour n’est pas encore venu, tu n’es pas prête et moi non-plus. Personne ne l’est je crois pour cette vérité. Cette vérité qui semble affoler les dieux. »

    Enfin, il lâcha la main de l’esprit de la mort et cette cité disparut en même temps, comme si elle n’existait que par le seul lien entre ces deux êtres. Il n’y eut alors plus qu’un chemin sinueux de dalles blanches au milieu d’un champ de blés.

    « Bien. Je pense t’en avoir assez montré pour aujourd’hui. Ceci était un petit bout de ma longue vie, un petit bout que je voulais te faire connaitre, peut-être un peu par narcissisme, ou juste parce que je voulais que tu sois la seule à le voir. Où veux-tu aller à présent ? J’ai bien envie de connaitre un peu plus ton passé. Qui étaient tes parents ? Où vivais-tu ? Que faisais-tu enfant lorsque la nuit tombait sur tes espoirs ? Pensais-tu qu’un jour tu serais à cette place, à l’odyssée de la divinité ? Sais-tu que je t’ai cherché lorsque tu étais toute jeune. Je ne sais pas si Seth t’en a déjà parlé. J’étais revenu de l’ombre du cœur et ta descendante était morte depuis longtemps. Mon premier réflexe fut de revenir au manoir Taiji, abandonné de tous, sauf de l’irréductible Seth. Nous l’avons remis en état, nous avions tout le temps nécessaire, j’avais besoin de me changer les idées. J’ai alors cherché un trésor d’archéologie qui frisait le fantasme de bien des historiens : le journal de Mitsuko première du nom. Celui qui est le tien. J’ai ensuite cherché à retrouver les successeurs de mon amante disparue. J’ai cherché les descendants de sa lignée pendant des décennies. Et ce fut plutôt drôle de voir qu’il s’agissait d’une demoiselle si jeune, au milieu d’une campagne reculée de ce monde brutal, de savoir que ce serait toi. Tu sais, je me demande ce qu’il serait arrivé si je n’avais jamais retrouvé ce journal, que serais-tu devenue ? Serais-tu heureuse aujourd’hui ? Morte ou mariée ? Peut-être que ma plus grande bêtise fut de me mêler à tout ça. Mais lorsque j’y repense, ton histoire est la plus amusante qu’il me soit arrivé d’écrire de toute ma vie. Les hasards d’une vie me fascinent. »


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Mitsu
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Mitsu
Lun 21 Jan 2013, 21:45


« Chut. ».

Ce son était sorti de la bouche de Mitsuko en même temps qu'une bourrasque de vent tiède s'était abattue sur les champs de blé. La jeune femme avait positionné l'un de ses doigts sur les lèvres de Naram, le contemplant d'une expression neutre un instant avant qu'un petit sourire n'éclaire son visage. Elle aimait le vent. « Tu sais, même si je le pouvais, je ne chercherai jamais à lire en toi. Parfois j'aimerai, j'y pense durant quelques secondes, mais je me ravise car ce que j'y trouverai pourrait aussi bien me ravir que me terrifier. Je préfère ne croire qu'en tes mensonges, qu'en tes vérités, même si je suis incapable de discerner les deux. Mais, j'y songe, peut-être que je prononce autant des deux également. Je peux te murmurer autant de paroles sucrées et de paroles amères que je le souhaite. ». Ses yeux plongés dans les siens, ses joues s'empourprèrent légèrement alors qu'elle semblait hésiter. Puis, dans un murmure, elle lui souffla : « Je t'aime. ». Mais elle ne s'arrêta pas là, non, ses traits changeant, ses sourcils se fronçant alors que d'une voix forte et blessée elle lui cria : « Je te hais! ». Puis, la neutralité, aucune trace de ces deux états. Son corps se transforma progressivement en fleurs, fleurs blanches qui tombèrent petit à petit sur le sol, ses yeux disparaissant en dernier, laissant le vent les emporter. Le silence.

L'esprit de la mort réapparut dos à dos avec le génie, attrapant ses deux mains sans pour autant dire quelque chose. Voulait-il réellement connaître un fragment de sa vie? Elle sourit, ceci était dérisoire, que pourrait-il en faire? Et puis, peu importait ce qu'elle avait vécu, peu importait. « Les souvenirs ne sont jamais exacts Naram, ils s'effritent au fil du temps et, si je dois t'avouer que j'aime lorsque tu me contes les tiens, les seuls fragments de ma vie que j'ai envi de revoir en ce jour sont ceux que j'ai passé avec toi. ». Le corps de la jeune femme traversa celui de son compagnon de rêve, celle-ci se retrouvant de nouveau face à face avec lui. « Comme il est loin ce temps où je t'ai pris pour Jun en haut du rocher au clair de lune. Pourtant, cette nuit m'apparaît comme si c'était hier, je te revois, et je me revois avec cet espoir fou de le retrouver. ». Le décor s'effaça et ils se retrouvèrent là où la lune était à son zénith ce soir là, l'un en face de l'autre. « C'est grâce à lui que nous nous sommes rencontrés, ou à cause de lui, comme tu le voudras. Néanmoins, je sais très bien que ce n'était pas la première fois, sans pour autant réussir à me l'expliquer. Je n'y avais pas prêté attention à ce moment précis parce que je pensais que tu n'avais de familier que l'ombre de Jun en mon esprit, mais, j'en suis certaine à présent. ». Elle sourit. « Te rappelles-tu du vœu que j'avais prononcé ce soir là? Que ton cœur soit mien à jamais, que jamais tu ne m'oublies. Te rappelles-tu comment notre rencontre s'était terminée? ». Elle avait disparu, si proche de ses lèvres. Elle rit, s'approchant de nouveau de lui pour recréer la scène. « Cette nuit, j'en avais tellement envi, je ne peux te le cacher. Pourquoi? Je ne saurai le dire. Parce que tu ressemblais à Jun? Parce que tes mots m'avaient envoûté? Parce que j'avais besoin de toi? Ai-je déjà eu besoin de toi? ». Elle ne répondait à aucune de ces questions, frôlant les lèvres du génie avant de disparaître, le décor redevenant celui des champs de blé quelques secondes après, la jeune femme y attendant Naram. « Peut-être que je ne fais jamais ce dont j'ai envi? ». Elle s'avança, le tirant légèrement à elle, avant de l'embrasser, quelques secondes, quelques secondes d'infini. Elle rit en se détachant de lui, ses bras se levant doucement alors que les grains de blé se détachaient un à un, libres de toute gravité, flottant dans les airs de par la seule volonté de la jeune femme qui prenait goût à ce monde chimérique, ses cheveux ondulant avec le vent qu'elle contrôlait. Elle savait qu'il avait raison, que rester ici fanerait la rose de la création, la rose du merveilleux car les rêves deviendraient la réalité, oui les rêves perdraient de leur magie pour en devenir fades. Et alors, tout le deviendrait.

Mitsuko fut de nouveau près de lui en un instant, le regardant sans le moindre commentaire sur son baiser. Mais puisqu'ils étaient dans un rêve, ne pouvait-elle pas donner libre cours à ses envies et à leur contraire? « Peu importe ce qu'il se produira après mon élévation, sache que je ne cesserai jamais de rêver. Je veux que quoi qu'il puisse arriver, tu ais la possibilité à jamais d'entrer dans mes songes, d'y prendre forme, de créer avec moi, de détruire avec moi, de m'enlacer, de me déchirer. ». Les grains de blé retombèrent silencieusement dans les champs, reprenant leur place initiale comme s'ils ne s'étaient jamais détachés de leurs tiges. « Nos rencontres sont tellement espacées, trop sans doute, ou pas assez. Je ne sais quelle est la bonne mesure quand je suis à tes côtés. Parfois, j'ai l'impression qu'ensembles, nous pourrions tout accomplir et que c'est pour cette raison qu'il vaut mieux nous séparer. Tu crois que mon destin est grand, mais, peut-être est-ce le tien dont il s'agit? Peut-être que l'on voudra m'éloigner de toi pour te libérer du poids de la réalité, pour que tu te fondes dans les rêves à jamais? Mais, je ne peux le souhaiter. Je souhaite à jamais t'éclairer, je souhaite à jamais réchauffer ce que j'ai voulu posséder, même si je me doute que ton cœur est aussi froid que la glace. Mais puisque nous rêvons... ». Délicatement, la jeune femme posa sa main sur le torse de Naram, souhaitant qu'une douce chaleur s'empare de lui, le bien être. Puis, elle posa son visage contre lui. « C'est étrange cette impression qui m'habite, celle qui me laisse penser que ce sera la dernière fois que nous nous verrons avant un très long moment. ». Elle sourit. « Peu importe ce que je serai devenue si tu n'étais pas entré dans ma vie et, à vrai dire, je crois que je n'aurai jamais besoin de le savoir car mon existence me convient amplement ainsi. Peut-être que j'aurai été heureuse et mariée comme tu le suggères, peut-être serai-je déjà morte? Mais quoi que ma vie aurait pu être, ne doute jamais du fait que je ne regretterai jamais de t'avoir rencontré, que tu m'apportes malheur ou bonheur à l'avenir. ». Le silence se fit avant qu'elle ne reprenne. « Comme tu le sais, je ne te montrerai nul souvenir. ». Elle leva le visage vers lui. « Lorsque j'étais enfant, je voulais croire au bonheur, je pensais qu'avec la gentillesse, l'on pouvait tout résoudre. J'étais consciencieuse dans l'apprentissage de la magie, j'aimais voir mes parents s'enlacer, ça me rassurait. Quand j'avais peur, j'allais dormir avec eux accompagnée de ma peluche, loin des mauvais rêves. Et puis, tu connais la suite, le mal imprégnant petit à petit mon cœur, mes valeurs changèrent. Mais est-ce vraiment utile de conter le passé? Je suis consciente qu'il possède un lien indissociable avec le présent, néanmoins, certains évènements n'ont que peu d'intérêt. Je sais que tu étais l'amant de mon ancêtre, et, la connaissant, vos lèvres ne devaient pas seulement s'effleurer comme les notre aujourd'hui, mais, Naram, cela n'a aucune importance. Ce n'est pas ce que tu étais auparavant qui m'intéresse, c'est ce que tu es maintenant, à cet instant précis, avec moi. ». Elle fit une pause avant de murmurer : « A cet instant, tu es mon rêve. Mais, demain, peut-être deviendras-tu mon cauchemar? ». Mitsuko finit par le lâcher. « Et si, nous laissions le rêve décider pour nous du prochain endroit où nous nous rendrons? Est-ce au moins possible de perdre le contrôle dans ce monde? Peut-être que cela ne me ressemble pas mais, oui, j'aimerai perdre le contrôle, j'aimerai laisser le rêve faire ce qu'il veut de nous, j'aimerai voir ce que ce monde nous réserverai si nous le laissions libre. Que ferait-il de nous deux, un rêve ou un cauchemar? ».
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Sam 02 Fév 2013, 00:39

    « Je vais te faire une promesse Mitsuko. » interrompit-il comme s’il avait pris une grande décision qui bousculerait toute chose dans un état ordonné et que son intervention pouvait vaincre tout le mal qui résonnerait d’un monde sans elle.

    « J’ai longtemps erré en quête d’un but, d’un réel but, qui me permettrait de savoir dans quoi j’avance car ici, il n’existe nul chemin. Et aujourd’hui, je sais que nos destins seront à jamais liés. Le temps m’a préservé pour que nous puissions nous rencontrer, un point que nul dieu n’aurait pu compromettre dans la constellation du temps où nous gravitons tous. Et si nous devions ne plus jamais nous revoir, sache que je veillerai sur toi. Ceci te parait idiot car tu n’en mesureras pas les paroles, du moins pas avant un long moment. Mais je te protégerai de tes ennemis, Dans l’ombre, ils se lèveront tous pour te détruire car les dieux effrayent et que même eux seront apeurés par ton élévation. Mais qu’ils viennent, je les attendrai, sans que tu n’en saches jamais rien. Je les attendrai et je les empêcherai de t’approcher. Et je leur souhaite que jamais ils ne connaissent la terreur de ma colère car alors ce monde serait perdu et moi aussi. » Soumit-il avant que l’esprit de la mort ne reparle de leur première rencontre. Le génie aimait peu ce dialogue, il présageait un départ prochain, on ne parle jamais des origines sans parler de fin et d’une fin, il n’en voulait pas, il aimait cette histoire sans fin, il l’aimait elle et rien que l’admettre l’aurait tué mais il ne pouvait plus lutter, ses yeux exprimaient la colère mais son cœur lui, parlait d’une voix unanime, son âme transpirait de tous ces sentiments et bien qu’il perdait totalement le contrôle, il ne reculait pas, il aurait dû s’enfuir mais il ne l’aurait jamais permis, il aurait été bien idiot de partir sans un bruit comme à son habitude.

    « Je m’en souviens. J’étais amnésique et pourtant, l’âme se souvenait, et alors que tu m’as confondu avec Jun, je t’ai confondu avec ton ancêtre. Au bout du compte, nous cherchions tous les deux quelqu’un d’autre qui nous ressemblait de près. Et pourtant, pour rien au monde je n’aurai voulu tomber sur quelqu’un d’autre à ce rocher. » Lâchait-il dans le vent dudit rocher où ils étaient transporté par la magie du nouveau décor installé par l’aether en devenir. Dos à lui, elle avait doucement attrapé ses mains et alors, sentant son étreinte, toute la tristesse du monde l’habitait.

    « Si je pouvais échanger tous ces siècles, toutes ces vies, pour une seule, un seul instant de plus. Si je pouvais échanger tous les souhaits que j’ai accordé, si je pouvais subir toutes les contreparties que j’ai fait endurer, si je pouvais tout sacrifier pour un seul souhait, ce serait le plus utopique. J’aimerais tant que tu restes avec moi. Il n'y a que toi pour aimer mon débit de parole, ne serait-ce que mon vocabulaire, il n'y a que toi pour le comprendre, saisir l'essence de mes mots. Il n'y a que toi pour faire ce que nous faisons, il n'y a qu'avec toi que je peux faire tout ça. Et tu me dis que demain peut-être ne nous appartiendra plus, que nous serons éloignés pour longtemps. Cette idée me terrifie. » Songea-t-il à voix basse, savant la chose absurde et pourtant si puissante à ses yeux brillant d’une lumière perdue.

    « Mais qui resterait avec le génie bleu. Je suis de ceux qui réalisent les souhaits, je suis cet intangible rêve que l’on admire de loin. Ce passe-temps plutôt jouissif que l’on possède puis abandonne. Je suis ce que l’on désire que je sois mais qui un jour s’intéressera à moi, qui, un jour, voudra de moi sans me demander l’impossible. Qui ? » Récita-t-il presque comme une prière, une lamentation à l’infini qui les regardait, un constat navrant et flagrant de sa vie. Mais à peine avait-il fini de le susurrer que le clair de lune n’était que souvenir, que le champ de blé était revenu, comme s’il n’était jamais parti, que nous l’avions toujours foulé. Et au moment le plus inopiné, alors elle décida de renverser la balance et de l’embrasser. C’était si étrange, la pesanteur était inexistante et jamais il n’aurait imaginé que le contact de leurs lèvres serait si doux, si léger. Quelques instants furent de longues éternités savoureuses à n’en plus en finir et dieu, qu’il n’aurait jamais voulu en finir. Serait-elle toujours ainsi ? Serait-il toujours ainsi ? Des questions qui ne trouveraient jamais leur réponse à la croisée des rêves où ils étaient bercés, tous deux, comme deux chefs d’orchestre.

    « Tu as raison, l’homme que j’étais n’est plus. Il n’a pas disparu mais il est endormi et je préfère qu’il en soit ainsi. C’est plus facile que de vivre avec les remords, j’ai préféré abandonner tout ça lorsque je suis revenu des limbes. Je pense que lorsqu’on a mon âge, il vaut mieux faire abstraction de ce qu’on ne désire plus traîner derrière soi. Certes, découvrir ton passé ne m’avancera à rien. Mais j’avais cette simple envie, nous avons tous des origines qui font de nous ce que nous sommes. Ce ne sont pas que de belles phrases. Je n’ai connu de toi que cette fillette à peine adolescente que les ténèbres dévoraient lentement. Et je n’ai pas eu pitié, je me suis lâchement dit que c’était ainsi, une malédiction de ta famille que tu ne pourrais pas contrer. J’étais si bête puisque finalement, tu as fait bien mieux que d’embrasser ou renier ta lignée, tu t’es accomplie autrement, c’est tout à ton honneur. »

    Puis l’aether soumit l’idée d’un monde abandonné de leur contrôle, une dangereuse idée. Il ne savait s’il devait accepter. Car, la dernière fois qu’il avait tenté l’expérience, c’était en compagnie d’Elena et cette dernière en était morte semblait-il. Et même si de toute évidence, Mitsuko avait cette expérience du domaine onirique qui avait fatalement manqué à l’ange déchue, se laisser ainsi aller pourrait avoir des conséquences regrettables.

    « Très bien. Comme dit l’adage, ce que femme veut, femme obtient. Mais je ne sais trop comment tu veux t’y prendre, c’est une telle manie chez moi d’avoir une main mise sur tout. Sache seulement que si nous lâchons tous deux prises, je ne pourrai nous sortir de là. Enfin, j’imagine que tu en as conscience. » Soumit-il avant d’esquisser un sourire presque encore niais du baiser et à la fois troublé de la scène à venir dont il s’inquiétait. Fermant les yeux, il tendit ses bras comme s’il se jetterait dans le vide, et de ses mains relâchées de fines poussières d’or retombaient, en signe de chaines brisées, ou de ficelles d’un rêve qu’il coupait.

    « Voyons ce que le rêve fera de nous. Pour le meilleur et pour le pire. » sa bouche se fermant, il sentir un vide le happer d'une curieuse façon, une façon qu'il n'aurait pas imaginé et pourtant il le savait, de toute façon et quoi qu'il dise, il aimerait ça.


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Mitsu
Sam 02 Fév 2013, 19:44

Il y avait une odeur, une odeur de bois ciré. C'était très agréable, enfin, du moins, c'est ce qu'elle se dit alors que le rêve se formait. Il n'y avait pas encore d'images, juste cette odeur et un bruit qui se définissait petit à petit. C'était un bruit de fond, un son mélodieux. Des oiseaux. Se réveillant doucement, son premier réflexe fut de tourner son regard vers le côté droit. Elle était seule mais ça ne semblait pas l'attrister. Se levant doucement, elle se dirigea vers sa penderie pour attraper de quoi se vêtir. Il faisait bon, ça devait être l'été et d'après les rayons du soleil qui s'infiltraient par sa fenêtre, elle avait un peu trop dormi. Pourtant, elle sourit, simplement, sortant de la pièce pour en visiter une nouvelle. Une chambre d'enfant, la chambre de sa fille. La petite était enfouie sous sa couverture, une jambe dépassant, montrant qu'elle était bien ici et qu'il ne s'agissait pas simplement d'une grosse boule. Approchant sa main du petit pied, elle le chatouilla délicatement, un air malicieux sur le visage. Elle n'était pas la seule à aimer le monde du rêve dans cette maison. Soudain, la petite tête de sa fille apparut, la regardant avec deux grands yeux bleus, un énorme sourire sur le visage, ses cheveux blonds en bataille. Elle rit avant de replacer la couverture sur sa tête. « Chipie! ». Mitsuko s'approcha de l'enfant un peu plus, doucement, comme un prédateur, avançant ses mains vers elle avant d'y aller plus rapidement, ses doigts atteignant leur cible : les flancs de la petite qui se mit à rire encore plus fort, se tortillant à droite et à gauche. Finissant par la prendre dans ses bras, la jeune femme la porta hors du lit. « Dis maman? ». « Oui? ». « Z'ai rêvé de papa cette nuit! ». « Ah bon? ». « Oui! ». Elle attendit un peu avant de lui dévoiler son rêve. « C'était un esprit enfou-it dans le désert et il te donnait une pierre. Y avait marqué euh... J... U... N dessus. ». « Dis donc, c'est un rêve intéressant ça! ». « C'est quoi J, U, N? ». « Je ne sais pas ma puce. Tu veux manger quelque chose? ». « Oh ouiii! ». « Je vais aller voir où se cache papa, d'accord? Et puis j'irai chercher des oeufs frais en même temps. ».

Mitsuko sortit de la maison pour se retrouver dans un endroit agréable. Semi-ombragé grâce aux arbres, le jardin n'en était que plus merveilleux. L'odeur des fleurs y était discrète mais bien présente. Observant les alentours, elle finit par trouver ce qu'elle cherchait : son époux. Elle sourit, voyant que planter des fleurs ne semblaient pas être une activité faite pour lui. Il les aimait, mais ni l'un ni l'autre n'étaient doués de leurs mains, enfin, lui sans doute plus qu'elle. Néanmoins, depuis qu'ils ne possédaient plus de magie, ils devaient s'y habituer. Elle avait pensé qu'ils seraient tous les deux détruits à cause de cette disparition soudaine, mais non, rendus au statut de simples humains. Oh le changement avait été si radicale, mais bénéfique pour eux, pour leur relation. Un homme, une femme, c'était tout. Elle attendit qu'il se relève avant de le serrer dans ses bras, son visage arrivant dans le haut de son dos. « Je t'aime tu sais. Et, finalement, même si je la redoutais, cette vie me plait. Si simple, je croyais que je me lasserai, mais je n'ai jamais été aussi heureuse qu'avec toi, ici. ». Il se retourna, lui souriant simplement. Il le savait, et il ressentait la même chose. Loin des complots, loin des trônes symboliques. Ici, ils étaient roi et reine, de leur bonheur, tout simplement. « Papa!! Les cocottes elles ont pondu des oeufs! Plein! ». C'était Jade, un oeuf dans chaque main, la petite n'ayant pas désiré attendre que sa mère s'en occupe. Peut-être était-ce cela le bonheur? Se contenter simplement de ce que la vie nous avait livré, de ces petites choses, profiter de pouvoir aimer sans avoir peur du lendemain. Elle l'embrassa, ce à quoi l'enfant finit par dire « Baaaa! » avec une grimace, embêtant ses parents. Détachant ses lèvres de celles de son époux, elle lui chuchota : « Je vais aller faire une omelette. Je t'appellerai quand ce sera prêt. ». La jeune femme lui fit un petit signe de la main, rejoignant sa fille, prenant ses oeufs. Elles disparurent dans la maison quelques minutes, avant que Mitsuko ne réapparaisse dans l'embrasure de la porte. Il était temps de l'appeler : « IS... » Le temps se figea bien avant qu'elle n'ait fini de prononcer son prénom, la silhouette de celle qui était à présent humaine ressemblant maintenant à une sorte de peinture, tout comme le décor autour d'elle, tout comme Naram jardinant, tout comme leur enfant souriant devant le plat. Une note de musique retentit puis le silence.

    ¤¤¤¤


« Laisse moi passer! ». Le génie se prit un coup d'aile de la part du pégase qui le fixait avec toute la haine et le désespoir dont il était capable. Peut-être que le sentiment était partagé après tout mais cet animal ne le laisserait jamais finir lui aussi dans ce lac.

    ¤¤¤¤


La scène changea, les couleurs fuyant. Mitsuko était seule, devant le lac, un air si triste sur le visage. Quelques minutes passèrent et elle décida enfin de s'y enfoncer, pour toujours. Tout serait plus facile ainsi, son esprit serait délivré.

    ¤¤¤¤


Les couleurs revinrent, le pégase continuant de lutter contre le génie, l'empêchant de passer. Il ne devait pas rejoindre le corps perdu de cette femme. Jamais.

    ¤¤¤¤


Ce fut lorsqu'elle se vit que Mitsuko se réveilla en sursaut. Elle savait qu'elle était dans le temple des esprits mais cela semblait irréel. Elle n'avait aucune idée du moment où ils avaient tout deux commencé à rêver, ni si elle était bel et bien dans le monde réel à présent. Ses yeux se posèrent sur le génie. Il dormait encore. Elle s'approcha un peu de lui, caressant l'une de ses joues. C'était si étrange de le voir ainsi, il semblait presque vulnérable. Contemplant le décor, elle se rendit compte qu'elle rêvait encore, les détails de ce monde semblant absents ou incomplets. Tout était trop grossier, tout sauf son propre corps et celui du jeune homme qui avait été reproduit à la perfection. Mais où était-il lui? Et, surtout, où est ce qu'elle avait atterri? Elle semblait être maîtresse de son corps, mais elle ne pouvait rien modifier autour d'elle, comme si elle était enfermée dans le rêve d'une toute autre personne, d'une personne qui contrôlait tout sauf elle. « Naram... ». Elle commençait à avoir un peu peur, enfermée dans cette pièce close, reproduction parfaite d'une des salles du temple. Après tout, c'était un domaine qu'elle ne maîtrisait pas tant que ça. Tant qu'elle était à ses côtés, elle se sentait rassurée mais, maintenant, tout semblait différent à ses yeux. C'était lui le maître des rêves, lui le génie bleu et ce corps ne devait pas être le sien... une copie sans doute. Mais comment avait-elle fait pour venir ici? Où était-elle?
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Dim 10 Fév 2013, 03:06

    Lorsque le génie ferma les yeux, seul le vide l’accueillit, comme seul berceau à une dimension du rêve qu’il ne comprenait toujours pas, son fonctionnement jusqu’à son existence, tout lui était trouble ici, il ne pourrait même pas être maître de ses mouvements mais seulement voir ce qui l’attendrait. Le génie semblait ici complètement omniscient, il n’était vraiment là et pourtant, il était chaque personne présente. Sans se le justifier, il regarda alors une sorte de représentation de lui-même avec magnifiques cheveux d’un blanc immaculé qui ne semblaient pas l’étonner, accoudé à une barre faite de chêne, il regardait à travers la vitre l’océan qui se déchaînait au loin. Se tournant légèrement pour mieux observer son « lui » étrange, il voyait d’étranges larmes noires couler sur ses joues. Soudainement, un homme vint s’approcher, le génie ne comprit pas immédiatement mais sa représentation lui savait.

    « Ismérie, je suis sincèrement désolé. » - « William. Nous ne contrôlons plus rien. » Parlaient les deux hommes sans se regarder. L’étrange William aux cheveux également blancs s’approcha pour poser sa main sur l’épaule de son ami.

    « Mon frère, tu dois te calmer. Les océans se déchaînent depuis une lune déjà, plus personne n’ose embarquer en mer tant les vagues déchirent tout ce qui se trouve sur leur passage. A ce rythme, c’est le monde qui sera engouffré par les eaux à la seule force de ta peine. » - « Et il l’aura bien mérité. » Affirmait-il pourtant sans cligner une seule fois, il ne semblait pas humain, ni génie, non, une race bien autre.

    « Je vais disparaître, William. » - « Disparaître ? » - « J’ai conclu un pacte avec le quatrième élu de Pandora. Il m’offre trois vies pour la retrouver. » - « Es-tu sérieux ? Comment as-tu… » - « Mitsuko. C’est le seul indice, ce qu’il me reste. Cela peut se produire dans des siècles, des millénaires entiers. Et, je dois retourner à l’essentiel pour comprendre ce monde et la retrouver. » - « Tu perdras la totalité de ta mémoire mon frère. » - « Je le sais mais c’est inévitable. » - « Alors laisse-moi t’accompagner. Ce sera notre incroyable aventure. »

    Tout devint fissures de lumière après cela, tout se fracassa comme une vitre brisée, tombant sous la gravitation inconnue de ce monde perdu, un délire incompréhensible dans lequel tout ce en quoi le génie croyait semblait graviter pour se percuter aux rebords de l’infini et imploser, un à un, tous ces souvenirs. Il avait peur, si peur de ce qu’il se passait, il était en chute libre dans un ciel sans fin ni commencement, son corps dans cette descente aux enfers laissait derrière lui un champ d’étoile magnifique mais effrayant, il avait l’impression d’être littéralement en train de mourir.


    Essayant de s’accrocher à la paroi invisible qui semblait l’entourer, ses doigts s’enflammaient d’étincelles aux mille couleurs dès qu’il tentait de ralentir sa chute. En dessous de lui, un immense océan semblait l’attendre pour l’engloutir, ces eaux semblait avoir une âme et n’attendait que lui mais peu de temps avant le point d’impact, il se réveilla. Enfin, un véritable réveil pensa-t-il, seulement il savait pertinemment que son dernier souvenir ne concernait aucun lit de draps de soie et qu’aucune femme n’était à ses côtés. C’est pourtant en sursaut qu’il se redressa, dégoulinant de la sueur de la torpeur qui avait saisi sa respiration d’une douloureuse respiration.

    « Encore ce cauchemar. » se surprit-il à dire, comme si c’était naturel. Le génie ne se sentait pourtant pas dans son assiette, des siècles entiers s’étaient écoulés sans qu’il ne s’endorme et ne rêve réellement, et là, il se réveillait, c’était une sensation qu’il avait oublié et qui le troublait au plus haut point. Tournant la tête, il caressa la joue de sa promise avant de se lever, entièrement nu, lui si pudique, c’était, si étrange que tout cela lui venait par réflexe. Faisant le tour de la maison, il saisit les premiers vêtements qu'il trouva avant de sortir pour comprendre où il était. Aucune magie ne semblait l’envahir, il était vide de cette matière en tout point mais pourtant, aucun véritable manque, comme un fumeur qui aurait arrêté sa drogue depuis des années, il ne fallait juste pas y penser. Regardant au sol, il vit immédiatement des roses et des anémones, il allait vite être fixé. S’agenouillant, il posa ses mains à plat sur l’herbe encore humide de la rosée matinale, recherchant l’essence de la douleur, celle qui lui donnait le pouvoir de capacités uniques mais rien, rien, les roses ne bougeaient que par la brise légère qui en décidait ainsi de si bon matin.

    « Que se passe-t-il ? » se chuchota-t-il avec une voix plus grave qu’il ne l’aurait cru, lorsqu’un détail qu’il n’avait pas saisi revint l’interpeller. Il y avait quelqu’un dans le lit où il s’était réveillé et maintenant qu’il y repensait, il aurait juré qu’il s’agissait de Mitsuko. Pourtant aucun mal de tête, aucune migraine en raison de son statut d’aether. Mais pourquoi aurait-il mal à la tête à la vue d’un aether se reprit-il immédiatement. Tout se confondait dans son esprit, comme si tous les rêves passés et futurs semblaient se rejoindre non loin d’ici et qu’il s’agissait d’une parcelle intermédiaire. Il fallait qu’il aille vérifier tout cela de ses propres yeux et être fixé. Se relevant, il fut alors surpris d’une douce emprise physique de la jeune femme qu’il n’aurait finalement pas besoin de chercher ailleurs. Tout semblait si réel, lui était complétement perdu, le parfum naturel que dégageait le corps de cette femme lui arrivait comme une douce mélodie, il ne pouvait s’y méprendre, c’était elle et bien elle, sans le goût de mort qui rejoignait sa qualité d’ombre.

    « Je t'aime tu sais. Et, finalement, même si je la redoutais, cette vie me plait. Si simple, je croyais que je me lasserai, mais je n'ai jamais été aussi heureuse qu'avec toi, ici. » Lui glissa-t-elle et alors le génie se retourna immédiatement, rêve ou réalité, le doute semblait encré en lui. Il devait pourtant résister, il savait à quel point les rêves incontrôlés avait la mystérieuse façon de semer le doute dans l’esprit du rêveur à tel point de lui faire croire tout ce qui s’y passait. Incapable de répondre, il lui sourit cependant de tout l’amour dont il était capable, et étonnement, il lui sembla naturel de pouvoir, c’était si facile ici, seulement ici, avec elle. C’est alors que dans son champ de vision, une petite fille fit son entrée, le nommant « papa », il crut avoir une attaque et s’évanouir. Ce qui semblait être sa famille s’éloigna alors doucement.

    « Ce n’est pas possible. » se répéta-t-il à basse voix. Cependant l’idée que ce genre de comportements pouvait lui arriver souvent au réveil n’était pas impossible. En tant qu’ancien génie, il savait que certaines séquelles étaient inévitables, comme celle de douter entre le rêve et la réalité et sûrement pensait-il que tout cela n’était pas un rêve mais peut-être que tout ce qui était avant était le rêve et qu’il venait enfin de se réveiller après des années de sommeil.

    « Pince-toi, baffe-toi, mords-toi, je ne sais pas mais fais quelque chose mon vieux, tu délires complètement » marmonnait-il en regardant l’horizon et le bruit de l’océan qui s’étendait toujours au loin comme un écho, un élément permanent.

    « Il peut s’agir d’une condition subconsciente d'un élément perturbateur qui fait ricochet, j'ai déjà vu ça.. ou simplement d’une amnésie post-transformation, certains génies redevenus ce qu’ils étaient avant ont présenté des symptômes similaires. Alors tout ça serait vrai ? » S’interrogea-t-il de plus en plus perplexe. S’avançant doucement vers la maison, il vit ces deux brins de femme s’atteler au petit-déjeuner. Sa vie avait-elle donc évolué ainsi ? Plus de manipulation ? Plus de sang, plus de mort ? Pouvait-on vraiment aspirer à une vie normale après avoir vécu tout ça ? Mitsuko l’avait dit au rêve du temple, qu’elle m’acceptait comme j’étais aujourd’hui. La magie, si belle magie, était-elle en réalité la cause de tout ce chagrin, ces dépressions continuelles ?

    « J’arrive… » Dit-il d’abord hésitant avant de confirmer : « Oui, j’arrive, mon amour. » Comme s’il avait pris la grande décision d’accepter cette réalité, de ne pas chercher à comprendre et d’aimer cette vie, de la considérer comme l’unique. Son sourire pour une fois n’était pas sadique, juste celui d’un père et mari heureux et cette vision le dérangeait mais lui plaisait, c’était étrange et si agréable. Cependant, lorsque son prénom fut presque prononcé, tout devint risible, le génie fut risible, d’y avoir cru. Tout disparut à nouveau et une profonde tristesse le gagna. Il se mit alors à courir tant qu’il voyait encore une bride de ce rêve se dessiner encore, comme décidé à ne pas vouloir abandonner cette simple idée, si simple idée.

    Il regagna à nouveau son statut d’omniscient, s’observant au lac de l’oubli, là où Mitsuko semblait-il, avait plongé. Ne comprenant de nouveau rien, il regrettait tant le précédent rêve. Et s’il avait été dans sa tête, elle dans ce lac, son rêve serait celui qu’il venait de quitter et alors le génie voudrait forcément plonger, c’était logique mais le cheval ailé s’y refusa. Las de se voir de l’extérieur, l’omniscient Naram puisa de toutes ses forces, de rage et d’amour, avec toute la hargne dont il était capable : « Qui suis-je ? » Mais sa réponse, sa propre réponse ne lui plairait surtout pas. Il se retrouva dans un petit bureau cloisonné où tous les rideaux avaient été tirés pour qu’aucune lumière ne passe si ce n’était celle d’une bougie. Cette fois le génie semblait avoir repris son corps mais lorsqu’il tourna la tête et qu’il vu un autre Naram, assit au bureau, il se dit que le délire allait repartir de plus belle.


    « Naram. » songea à haute voix son propre reflet. « Je ne sais pas si tu entendras mon message, enfin si je l’entendrai, bref tout ça et si compliqué et plus je comprends une chose qu’une autre se complexifie. Normalement, tu es censé vivre une expérience que je n’ai pas vécue, entendre un message que je t’envoie d’un instant « i » qui se présentera à toi dans quelques décennies. Si mes calculs sont exacts, tu m’entendras très exactement à la maitrise de la couronne des rêves. Un bien étrange rêve, n’est-ce pas. » Mais lorsque le génie s’approchait, il entrevue le bras de son lui futur ensanglanté et ce dernier qui le déchirait plus intensément encore avec une lame, retenant sa plainte dans des sanglots de douleur.

    « C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour revenir à cette sphère unique du monde onirique, pour laisser tomber les rennes, il faut souffrir, physiquement, tant qu’on ne peut avoir assez d’énergie pour contrôler le rêve. Tu comprendras donc que je ne m’attarderai pas sur le message vu la douleur. Naram. Ce monde est en ruine. Je m’apprête dès demain à renoncer à mon titre de Mârid. Mais avant, tant que je le peux, je veux communiquer avec toi pour te dire une chose, une chose essentielle. Laisse-la partir. Renonce, disparais de sa vie, n’y entre plus jamais, fais confiance à William. Le monde devra tourner sans toi à un point très exact de la courbe du temps, c’est important. Tu sauras exactement quand ce sera le cas lorsque tu seras confronté à la pire douleur que tu endureras. Je ne peux t’en dire plus car que tu me crois ou non, je suis devenu plutôt partisan de l’équilibre et que celui-ci implique que tu ne saches rien par avance. Je fais seulement une petite entorse car je sais qu’une simple action de ta part peut tout changer. Disparais et laisse-la aller vers un autre astre. De leur éclipse naîtra la bénédiction, un enfant qui ne sera pas de toi. Je sais, c’est horrible de te dire ça après le rêve que tu viens de vivre. C’est horrible mais c’est ta vie, Naram, c’est la vie que tu as choisi. Laisse les choses se faire sans ton intervention et alors, nous serons sauvés car cet enfant est la clé. Aie pitié d’un homme dévoré par ses remords et écoute-moi, fais ce que je te dis, lutte, jamais tu ne devras faiblir, peu importe ce que cela te coûtera, c’est la seule solution. C’est une promesse que tu devras tenir. »

    Il ne voyait rien, n’entendait rien, il ne faisait qu’un message dans le vide, l’écho du vide, pensant qu’un jour, dans un vieux rêve passé, son destinataire l’entende et l’accepte. Mais le génie, lui, étais fatigué de ces rêves qui n’avaient aucun sens, de ces obligations, révélations sans fondement, il ne savait plus en quoi croire, ni même s’il sortirait indemne de cette maîtrise de la couronne et pourtant, il devrait. Effectivement, il ne comprenait pas le message de ce lui futur, ni même s’il y avait un rapport avec le message de son lui passé, si tout cela concordait avec le passage de Mitsuko dans le lac de la perdition. Sûrement oui, sûrement que tout ça avait un rapport. Il savait que tant qu’il ne faisait pas cette promesse, il ne pourrait la rejoindre, alors il se la fit, à lui-même, il se promit de ne pas intervenir lorsque l’heure viendrait pour lui de tirer sa révérence.

    Un « Naram... » Alors lui parvint, une main tendue pour le ramener à un endroit tout autre où elle était sûrement, ce qu’il fit. Se réveillant dans une autre couche du rêve, il était encore sous le choc des émotions vécues et des discours entendus. Il se demanda si elle avait vu la même chose que lui, cette maison, leur vie, puis le lac, à chaque fois où elle était là aussi, l’avait-elle vécu comme lui ? Il n’aurait sûrement jamais sa réponse car jamais il n’oserait poser la question, tellement apeuré par la réponse, qu’elle lui dise qu’il ne s’agissait que d’un simple rêve juste bon à être oublié.

    Le génie se releva, les mains tremblant encore, il glissa un simple : « Toujours en vie, enfin pour le moment. » sous un rire gêné. Seulement, lorsqu’il regarda derrière lui, son corps était toujours au sol, endormi. Levant ses mains devant lui, il ne vit rien, il n’était pas visible, ni audible, il était de nouveau retourné dans sa position omnisciente. Il comprit bien la peur de Mitsuko, cela lui fit bizarre, elle qui se montrait toujours si assurée devant lui. Mais il ne pouvait rien faire, condamné à n’être qu’un esprit invisible derrière elle, il commençait enfin à comprendre la logique de toute cette histoire. S’approchant d’elle, il regretta de ne pouvoir la toucher, de ne pouvoir la rassurer, ses yeux se fronçant avec regret, aussi aurait-il hurlé qu’on ne l’aurait pas entendu. Il fallait pourtant qu’il la guide à travers cette étrange reconstitution du temple des esprits, sans être vu, sans être reconnu, comme une ombre omniprésente dans le silence des promesses inavouées.

    S’il n’était qu’un fantôme, il pourrait communiquer avec elle, elle pourrait sentir sa présence car un fragment de l’un était à présent indélébile dans l’âme de l’autre et ce, « A jamais. » susurra-t-il, se jurant de s’y tenir, c’était son rôle, il ne renierait jamais cette promesse. Mais où étaient-ils ? Tant de questions se bousculaient alors qu’il entendait au loin le bruit trainé d’une lourde aiguille qui semblait défiler dans le mécanisme d’une horloge, ce bruit le gênait au plus haut point, comme s’il ne pouvait s’en débarrasser.


Spoiler:
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Mitsu
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Mitsu
Lun 18 Fév 2013, 17:26




Mitsuko fixait le corps allongé qui se trouvait là. Naram. Inconscient. Peut-être mort. Pouvait-on mourir dans un rêve? Pouvait-on mourir dans un rêve tout en étant un génie? A ce moment précis, elle regrettait de ne pas avoir fait plus de recherches, de ne pas avoir parcouru plus d'ouvrages, de ne pas s'être renseignée davantage. Les yeux rivés sur lui, elle le regarda un instant, comme si son esprit refusait de croire qu'il puisse avoir péri. C'était assez curieux car, doucement, l'esprit de la mort approcha l'une de ses mains de la joue de l'homme, se penchant lentement vers lui, s'arrêtant à quelques centimètres de son visage. Il était beau. Oh, elle le savait déjà mais il y avait tellement de façons de le paraître, par les gestes, par la parole, en usant de magie. Et puis, c'était étrange, comme si elle s'y était habituée auparavant, comme si le fait de côtoyer Jun un temps certain l'avait empêché d'apprécié son physique à sa juste valeur. Elle sourit, un peu tristement, se rendant compte qu'elle n'avait jamais fait attention à cela par le passé. Qu'avait-elle manqué d'autre? Faisant doucement glisser sa main sur sa joue, elle ne cessait de poser les yeux sur lui, là, semblant apaisé, calme, son expression figée, son visage non habité par la passion qui le prenait lorsqu'il discourait. La jeune femme remonta doucement ses doigts, les passant dans les cheveux de Naram avec délicatesse, approchant ses lèvres de son oreille avant de lui chuchoter « Réveilles toi... ».

Elle refusait de croire qu'il puisse être mort, elle voulait qu'il soit simplement endormi, son esprit perdu dans une autre dimension du rêve. Quoi qu'un corps dans un songe n'était rien, que la création de l'imagination sans doute, qu'une habitude que l'esprit refusait de perdre. Finalement, ne voyant aucun changement, Mitsuko s'en retrouva quelque peu perdue. Sa situation était semblable à celle d'une femme que l'on poussait d'une montagne alors qu'elle venait juste d'acquérir des ailes. S'allongeant aux côtés du corps sans vie, elle passa son bras autour de lui, posant sa tête contre son torse, fermant les yeux. Peut-être que si elle se rendormait, tout se finirait? Peut-être que si elle se rendormait dans ce rêve étrange, elle se réveillerait dans un autre songe et qu'il serait à ses côtés? Oui, c'était ça, elle voulait qu'il soit avec elle, nulle part ailleurs, qu'il lui raconte des choses merveilleuses, qu'il lui montre son passé, quitte à ne jamais se pencher vers elle pour l'embrasser. Mais elle avait besoin de le voir bouger, de le voir vivre. Se hissant doucement, elle appuya son coude à côté de la tête du génie, posant sa joue dans la paume de sa main, le contemplant de nouveau d'un air pensif. Voulait-elle  vivre une vie simple avec lui comme le lui avait montré le rêve? Était-ce ce qu'elle voulait? Tout ceci lui paraissait bien complexe, comme si elle devait s'avouer ô combien elle était attachée à lui pour pouvoir donner une réponse cohérente. Mais, sans doute que, à partir du moment où elle penserait « Oui je le veux »,  tout se briserait. Jusqu'où pourrait-elle aller pour le voir ouvrir les yeux? Il n'y avait pas de réponse possible car l'infini ne pouvait se mesurer. Et, pourtant, elle savait que jamais elle ne renoncerait à devenir Aether, jamais elle ne l'écouterait. Elle était prête à tout pour lui, elle le sentait, mais elle était incapable de transformer ses pensées en actes. Lentement, elle posa ses lèvres sur les siennes, simplement, sans conviction, juste comme la promesse qu'elle allait trouver une solution à son état.

Se redressant, elle eut une sorte de révélation, sans doute fausse, mais qui la conduirait sur le bon chemin. Si Naram était mort dans le rêve, alors peut-être que son esprit se trouvait en ce moment même à ses côtés? Peut-être qu'elle ne pouvait le voir comme les individus lambdas ne pouvaient apercevoir les fantômes dans la réalité? Pourtant, même si elle se retrouvait dans cette impossibilité, elle devait faire en sorte de le ressentir et, peut-être que si elle y arrivait, alors elle pourrait enfin l'apercevoir. Le raisonnement ne tenait sans doute pas la route mais la solution était celle-ci : si le lien qui l'unissait au génie était puissant, alors, peu importe qu'il soit invisible, peu importe sa localisation, elle le retrouverait toujours, elle pourrait le rejoindre. Debout, elle ferma les yeux, matérialisant sa pensée, ce qui la rapprochait de lui. Elle entendit les sons de l'océan, le roulement des vagues, le vent qui se brisait sur les rochers. Elle voyait cette vaste étendue, elle sentait l'odeur marine. Dans son esprit, il faisait nuit, la lune à son zénith et, au milieu de ce décor, le rocher au clair de lune, sa propre silhouette au sommet de celui-ci, scrutant l'horizon. Une pensée dans un rêve, un demi-rêve dans un rêve, elle ne savait ce qu'elle expérimentait mais les deux songes se mélangeaient. Les cheveux de la jeune femme qui se trouvait dans la pièce du temple voletant sans que le vent ne soit présent dans l'endroit. Elle voyait le monde qu'elle imaginait mais savait où se trouvait son corps.

Mitsuko devait trouver Naram, son cœur battant si fortement dans sa poitrine à chaque fois que le vent la caressait. C'était comme si tout dans ce qu'elle imaginait faisait partie de lui, partie d'eux aussi. Le vent qui la caressait, c'était lui, la lune qu'elle contemplait, c'était lui, les fleurs qui recouvraient le rocher, c'était lui. Tout, absolument tout. Mais elle devait faire plus que se rassurer de sa présence, elle devait le trouver, le toucher réellement, lui, son corps d'homme, non ses représentations. Elle avait besoin de lui, besoin de plonger son regard dans le sien. Sentant la tension augmenter de plus en plus dans sa poitrine, elle laissa s'échapper un soupir, levant les mains vers le ciel alors que l'océan s'écartait pour laisser place au fond marin où une statue fut révélée. Naram, un trident à la main, semblant avoir subi la malédiction de la femme serpent. Pourtant, s'envolant vers le sol, les immenses murs de l'océan l'entourant, le corps de la future déesse rejoignit celui à qui elle devait faire un aveu, celui à qui elle devait faire un aveu dans ce demi-rêve, un aveu que ses lèvres trahirent également au temple, sans pourtant qu'aucun son n'en sorte. Non, car c'était un aveu silencieux, quelque chose qui ne pouvait même pas être susurré. Un « je t'aime » simplement esquissé, un « je t'aime » qui fissura la statue, rendant à celui qu'elle cherchait sa forme originelle.

Alors, elle sentit sa présence dans le temple, ouvrant les yeux, mettant fin à ce qu'elle avait imaginé. Son regard se posa alors sur sa silhouette. Elle ne savait ce qu'elle avait fait, pourquoi soudain elle le voyait alors qu'elle prenait conscience qu'il avait été là depuis le début. C'était comme si il avait veillé sur elle dans l'ombre et qu'elle venait de le découvrir. S'approchant d'abord doucement de lui, sa vision légèrement troublée par une émotion trop forte pour en être véritable, elle accéléra le pas, l'enlaçant presque brusquement avec de dire tout bas : « Je t'ai retrouvé. ». Pour elle, c'était comme s'ils avaient été séparés une centaine d'années, il y avait trop de choses qui se mélangeaient, elle perdait le contrôle. Elle ne savait plus réellement ce que les rêves qu'elle avait fait signifiaient, si elle l'aimait, si elle le détestait mais ce qui était sûre, c'est qu'elle avait besoin de lui, elle avait besoin de pouvoir le contempler, lui parler, peu importe ses sentiments à son égard. Mitsuko n'aurait voulu le lâcher pour rien au monde, maintenant qu'elle le tenait si fermement contre elle. Seulement, le rêve se brisa et la réalité rattrapa ses envies, sa folie.

Sur le sol du temple des esprits, elle se réveilla dans l'exacte position finale du rêve, ses bras coincés sous le génie. Elle essaya de les ôter sans y parvenir, reposant son visage contre son torse sans trop vouloir y penser car elle trouvait la situation embarrassante, surtout que c'était elle qui l'avait agrippé avec une force dont elle ne se serait jamais cru capable. L'ombre finit par sourire, amusée, sachant très bien que si elle le souhaitait, elle pouvait user de magie pour se dégager. Mais le voulait-elle? Peut-être pas. Elle aimait bien sentir les mouvements de son torse illustrer sa respiration et ils ne se reverraient sans doute pas avant un long moment, alors oui, elle devait être honnête avec elle-même et avouer qu'elle aurait voulu rester comme ça plus longtemps, à sentir son parfum, à ressentir un apaisement certain. Aussi, avant de faire quoi que ce soit, elle préféra attendre qu'il se réveille, murmurant simplement dès qu'elle le sentit bouger : « Tu dois encore faire un vœu. ». Les rêves étaient merveilleux mais revenir à la réalité lui semblait bien difficile. Ici, tellement de choses dressaient une barrière entre eux, tellement d'évènements les séparaient. Mais peut-être n'était-ce pas si mal. Alors elle avait juste envi de profiter un peu, comme quelqu'un qui se réveillerait un matin dans son lit après un magnifique rêve, décidant de se laisser porter un peu par ce dernier, décidant de profiter de la chaleur des draps.
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Dim 17 Mar 2013, 01:41

    Il la suivrait, il le savait, même de loin, il ne pourrait plus détacher son regard d’elle à présent, il aurait été irrespectueux et odieux, un simple gâchis. Il la regardait avec un regard qui lui sembla nouveau, comme s’il était allé si profondément dans ce rêve qu’il avait pu détacher toutes les enveloppes de Mitsuko les unes des autres et qu’il ne voyait à présent plus que la principale, le fond de sa personne, ce qu’elle était au plus profond et il semblait qu’ici, les yeux trompaient les plus raisonnables, qu’il fallait alors les fermer pour y voir un semblant de clarté. Il la suivait, comme un fantôme intrusif lorsqu’elle se pencha au dessus de lui, regardant son air crispé, il voulait tant la rassurer mais il était fautif, c’était lui qui l’avait emmené ici, aussi puissante était-elle, il y avait des limites à son esprit que le génie méconnaissait, trop heureux et enthousiaste à l’idée d’avoir pu montrer à Mitsuko tous ces paysages, ces scènes folles qu’elle aurait été la seule à comprendre. Il se savait comme un danger pour elle, il l’avait toujours su, dès qu’il l’avait côtoyé, il n’avait engendré pour la jeune femme qu’un peu plus de chaos dans sa vie mais le remord ne lui dévorait pas l’esprit, seulement le regret de savoir que tout allait se terminer et qu’il ne ferait rien pour l’empêcher de partir. Il ne pourrait rien faire. Repensant au message que lui avait envoyé son « lui » futur et approximatif dans la faille du rêve la plus profonde et la plus délicate, il ne comprenait pas en quoi sa relation avec l’esprit de la mort pourrait modifier le destin d’un monde ? N’avait-il pas le droit d’aimer comme chacun ? Aimer comme tout le monde, était-ce si inconcevable ? Pourquoi était-il toujours lié à ces contraires, il était tombé fou amoureux d’un paradoxe de même teneur que lui et ces barrières infranchissables entre elle et lui séparaient deux mondes de leur big bang ?

    « Si seulement nous nous étions rencontrés dans une autre vie. » lui souffla-t-il, conscient qu’elle n’entendait pas. « Une vie passée ou future, ce monde ou bien un autre. Je t’aurai aimé tout autant. » Son regard divaguait vers le néant. « Et voilà que j’ai le choix. M’abandonner à ces flammes passionnelles au risque de te coûter ton immortalité ou… » Sa respiration fictive se coupa, ses yeux incarnant les tristesses de l’univers. « M’en aller. » ses yeux brillaient, d’une flamme éteinte, morte. « Ce n’est pas juste. J’ai enduré les pires maux pour en arriver ici, des deuils qu’aucun mortel n’aurait supporté et des guerres où j’ai affirmé que d’une vie, j’ai vu plus de sang que de sourires jaillir. Je n’ai plus foi en rien, mon cœur s’est fané avec le souffle d’une Mitsuko dont le nom résonne en moi comme un hymne inlassable, l’éternel chant de mon fardeau. Et voilà que tu arrives, une étoile qui scintille dans une nuit qui ne semblait plus en finir, un espoir pour un insatisfait du sort que le monde lui a réservé. » Ses yeux se fermèrent, presque humides, la respiration lourde, un poids si lourd et inconnu alourdissait son corps spectral. « Le bonheur appartient jalousement aux imbéciles et j’ai choisi de savoir plutôt que de croire. Je n’ai, ni dieux, ni maîtres. Et quelque part, chaque mot, chaque regard, chaque geste que tu m’adresses résonne en moi comme une religion. » Il parlait sans articuler, il ne voulait pas qu’elle l’entende et il savait que ce ne serait jamais le cas, jamais il n’aurait osé. « Et alors, que vaut ce monde s’il m’interdit de respirer l’air empoisonné de tes expirations ? Je te désire, tu m’animes et je te haïs pour cette importance que tu as volée. » L’amour était haine, elles se substituaient lamentablement, la colère se dessinant à la commissure de ses lèvres. « Tu m’as volé tout ce en quoi je croyais. Et j’ai si peur de ne croire qu’en toi, ce fil qui nous relie briserait tout équilibre à qui saurait le couper. Comprends-tu seulement que nous sommes dans l’interdit lorsque nous nous embrassons ? » il vacillait, au sol et à genoux, il la regardait partir vers un autre rêve bien plus diffus qu’il ne semblait pas pouvoir rejoindre, la regardant partir, se dissiper dans ce brouillard enivrant, l’image de sa personne restait gravée dans ses iris. « Une étoile sans prétention, qui brillait si faiblement est aujourd’hui devenu, soleil. » ses derniers mots, la parole lui étant interdite, s’interdisant de rajouter une vibration au vide qui ne pouvait que l’écouter sans pitié, attendait-il un miracle ? Pourtant, il fut comme transporté à travers les dimensions, son enveloppe se brisa comme glace ou terre, dans cette confusion, il la retrouva, souriante et tous deux bercés par ces vagues, il n’entendait plus rien d’autre que sa respiration. Son esprit reprit sa chair par dépit. « Je t'ai retrouvé. », l’enlacement si agréable de deux corps irréels et idéalistes. « Et moi je vais te perdre. » susurra-t-il si faiblement qu’il en était inaudible, dans un râle qu’il était incapable d’exprimer, sa tête sur son épaule, eux deux contre un monde de fauves et de malheurs, ils étaient confrontés chacun à leur façon à leur destin ; l’une aether et l’autre roi des génies. Il voulait hurler que non, il ne se laisserait pas faire, qu’il ne laisserait personne causer le moindre mal à sa muse des rêves mais il ne pourrait jamais le promettre, il en allait des ordres et des équilibres qui nous régissaient tous.

    Le rêve devait prendre fin, c’était inévitable, il le savait. Il s’y refusait mais dans le fond, il savait que prolonger l’expérience ne serait que perdre un peu plus l’esprit de Misuko et il avait déjà exagéré, abusé de ses bonnes grâces. Il ne pouvait plus reculer, alors il ouvrit les yeux sur la réalité et celle-ci se dessina, le souvenir de leur rêve s’effaçant doucement. « Tu dois encore faire un vœu. » affirma-t-elle dès leur réveil douloureux, lui en était blessé de ces souvenirs qui se bousculaient encore. Il n’en avait plus envie, il n’avait plus envie de désirer, de demander, de souhaiter. Il devait ? Non. Ce monde était façonné par les « il faut » et les « il devrait » mais que devrait-il y avoir que le génie aurait permission d’exiger ? Il se releva avec difficulté, devant prendre ses mains comme appui au sol, tremblant quelque peu, il n’aimerait définitivement jamais la réalité, cette pesanteur si lourde et si amère. Son premier pas fut long, il devait se dégourdir un peu les jambes et reprendre ses esprits, il resta ainsi silencieux plusieurs minutes, le regard toujours perdu, incapable de fixer le même point plus d’un instant sans être pris de nausées affreuses. C’est après de longues respirations et d’une concentration acharnée qu’il fit le bilan de son encore trop faible force à faire la transition entre rêve et réalité, il n’était pas encore assez puissant, c’était évident.

    « C’est évident. » se confirmait-il à haute voix, ne sachant plus faire la différence entre ses pensées et ce qu’il disait à haute voix. « Ce monde-ci est incontrôlable. J’aimerais tant faire disparaitre ces murs et voguer avec toi sur les prairies infinies de nos inspirations partagées, harmonieuses. Mais ce monde est fait de barrières, de clôtures entre les prairies et l’esprit ne peut à lui seul résoudre les frontières physiques qui nous séparent. » Il crachait sa haine envers la réalité avec une douceur inégalable, une voix tendre et fatiguée. « Je ne comprendrai jamais ce que tu peux trouver d’attirant à la réalité, elle n’a rien pour elle. Elle est si rigide, elle ne permet jamais aucune fantaisie qui ne serait prévue par rationalisme. Mais nous ne sommes pas rationnels alors pourquoi s’entêter ? Simplement pour se dire que tout ça est réel alors que le reste non ? Mais à mes yeux, tout est réel, et tout est cher à mon cœur. » il n’avait pas répondu à sa question. Il y réfléchissait pourtant. « Je veux dîner. » lança-t-il alors pour la prendre par surprise tout en tournant sa tête vers elle. « Je veux un fait simple. Comme si nous étions normaux et que nous pouvions nous permettre d’être comme tout le monde. » il faisait clairement référence au rêve étrange où il s’était vu vivre en tant qu’humain en compagnie de l’esprit de la mort. Il n’oserait sûrement jamais lui demander si elle avait rêvé la même chose que lui lorsqu’ils avaient laissé leurs songes prendre le contrôle. « Je ne veux pas d’un « comme ». Je veux qu’il soit réalité puisque tu tiens à ces choses. Je veux être normal avec toi le temps d’un dîner. Pourrais-tu m’offrir ceci comme dernier vœu, pour un vieux fou comme moi, on ne saurait me le refuser n’est-ce pas ? » question rhétorique, là était le fardeau du génie, il offrirait toujours et ne recevrait jamais rien.
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Mitsu
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Mitsu
Dim 17 Mar 2013, 16:23

Elle le contempla un instant, surprise, un petit sourire finissant tout de même par apparaître sur son visage. « Un dîner en votre compagnie, très cher, est trop d'honneur. ». Elle rit, simplement, se dirigeant vers lui. « Bien, mais il faudra te comporter en véritable gentilhomme et t'habiller pour l'évènement. ». Mitsuko ne pouvait se permettre de lui préparer quelque chose à manger, ne serait-ce que pour sa propre sécurité. Elle savait qu'il ne devait pas sentir grand chose et le comprenait pour l'avoir vécu mais si elle devait cuisiner, même visuellement, le plat risquait d'être douteux. Elle n'avait pas non plus envie de se rendre dans la première auberge où ils se retrouveraient au milieu de la foule, où l'harmonie de leur discussion serait couverte par le bruit agaçant des autres. La jeune femme désirait simplement se retrouver seule avec lui, ensembles autour d'un repas qui lui paraîtrait bien fade mais qu'elle se ferait une joie d'agrémenter. Ne quittant pas ses yeux, elle avança doucement sa main pour la nicher au creux de la sienne. « Lorsque je serai immortelle et aurai retrouvé assez de puissance pour cela, alors je créerai un monde, un monde réel qui te fera rêver. Et nous irons ensembles, tous les deux. ». Elle l'entraîna alors vers l'une des portes du temple, prise au hasard, y introduisant doucement une clef qu'elle avait fait apparaître dans sa main. « Nous allons nous rendre à notre premier rendez-vous à présent, le seul qui ne sera point de la volonté du hasard, si tant est que ce dernier existe. ». L'esprit de la mort prit un air soudain plus sérieux. « Fais attention Naram, au bout de deux rendez-vous acceptés par ma personne et respectant les convenances, tu te devras de poser tes lèvres sur les miennes. Au bout de trois, de demander ma main. Peut-être vaudrait mieux t-il pour toi que celui-ci soit le premier et le dernier, n'est ce pas? ». Elle rit, le laissant à ses pensées en se tournant vers la porte pour y tourner la clef et la poignée. Quand elle l'ouvrit, ce n'était point l'une des pièces du temple qui se trouvait derrière, mais bien le hall du manoir Taiji. L'entrainant à sa suite, elle referma la porte, les deux rêveurs déchus se retrouvant en face du majordome qui regarda tour à tour Naram et Mitsuko, cachant tant bien que mal sa surprise et le petit sourire qui avait envi de courir sur ses lèvres. La jeune femme se tourna vers le génie : « Bien, nos chemins se séparent ici, le temps que tu quittes tes habits princiers. », puis vers Seth : « J'aimerai que tu prépares notre invité en prévision d'un dîner qui aura lieu ici dans trente minutes. Ma robe sera hum... disons, blanche. Une fois qu'il sera prêt, conduis le dans la salle de bal où devra avoir été dressée une table pour deux personnes, et viens me chercher. ». Le majordome fit un petit signe de la tête avant d'inviter le génie par un geste de courtoisie à venir avec lui.

La reine se rendit donc dans sa chambre, ôtant ses vêtements, détachant ses cheveux. Elle avait fait exprès de choisir une robe blanche, sachant très bien que jamais ils ne se marieraient, jamais ils ne feraient d'enfant. Elle soupira, fermant les yeux un instant en repensant à ce rêve où ils étaient trois, heureux ensembles. En toute franchise, elle aurait tellement souhaité qu'il se continue, qu'il ne s'arrête jamais. « Is... ». C'était ce qu'elle avait souhaité dire lorsqu'elle avait éprouvé le besoin de l'appeler et, si elle se rappelait de ces deux lettres, elle ne se souvenait nullement de ce qu'elle avait en tête à ce moment précis. « Is... ». Cela ne revenait pas, même en essayant de le répéter plusieurs fois. Elle continua de chercher lorsqu'elle caressa sa peau, étalant de l'huile parfumée sur son corps. Il n'allait pas la blâmer de désirer être élégante, et puis, c'était pour lui qu'elle le voulait, pour son plaisir. Mitsuko s'approcha de son bureau, attrapant une plume, un parchemin et inscrivant simplement dessus « Is ». Personne ne saurait à quoi ceci correspondrait si le hasard voulait qu'un individu tombe dessus. Mais, ainsi, elle n'oublierait jamais. Les rêves reflétaient parfois la vérité et, bien que jamais elle ne souhaite utiliser le véritable prénom de celui qui serait bientôt le Mârid contre lui, elle était curieuse de savoir. Elle voulait être la seule à savoir, elle voulait être la seule à murmurer son nom au creux de son oreille, comme un secret, une confidence. Elle sourit. Le nom d'un génie avait une grande valeur, le révéler était sans doute la preuve d'une confiance aveugle, la preuve d'un don de soi, la preuve d'un amour puissant. Il ne lui dirait jamais, mais ce n'était pas important. Un jour, elle saurait, elle saurait le nom véritable de chaque génie de ce monde, mais ces noms lui seraient inutiles, tout ceci lui paraîtrait sans doute futile. Le seul qui avait réellement de l'importance était celui de Naram, le seul qui comptait à ses yeux, à l'image de son propriétaire. Elle s'habilla, laçant le corset de sa robe qui était en réalité l'exacte idée que l'on se ferait d'une robe de mariée. Ça l'amusait. Mitsuko coiffa ses cheveux, les attachant sur le côté droit afin qu'ils tombent en cascade sur son buste. Ses épaules nues, elle se maquilla légèrement, Seth ayant déjà frappé au mur de sa chambre depuis cinq minutes. Elle ferait patienter le génie mais, après tout, c'était bien normal. L'insupportable attente donne à l'homme qui obtient enfin ce qu'il souhaite une pleine satisfaction. Elle traversa le mur, souriant à son majordome qui lui tendit le bras, ne faisant guère de commentaires. Il n'y en avait nul besoin.

Apparaissant à la balustrade, elle regarda la salle de bal, Naram en particulier. Après quelques secondes, un léger sourire aux lèvres, elle se laissa guider par Seth dans l'escalier, le descendant lentement, satisfaite de voir que la table avait été dressée et les plats déjà présents. Une fois en bas, le majordome s'inclina légèrement, et disparut. Elle demanda alors, s'approchant du génie : « Sais-tu pourquoi j'aime tant toutes ces règles anciennes de bien séance? ». Question qui n'attendait bien entendu aucune réponse, qui n'était que l'introduction de son propos. Si proche de lui, un brin de malice naquit dans ses yeux alors qu'elle lui donna la réponse : « Elles ne s'intéressent qu'au comportement des hommes vis à vis des femmes. ». Et non l'inverse. Un homme ne pouvait jamais embrasser sa compagne lors du premier rendez-vous, mais elle restait libre de le faire. Mitsuko attrapa le visage de Naram entre ses deux mains, se hissant sur la pointe des pieds pour chercher ses lèvres. Elle s'arrêta, si près de lui et chuchota : « C'est pour cela que j'apprécie la réalité : le danger. Un rêve n'est qu'une douce illusion et, si cher à ton cœur soit-il, il n'est qu'un moyen d'évasion, un moyen d'obtenir ce que l'on souhaite, de pouvoir étudier mille fois une même situation pour la rendre parfaite, recommencer éternellement, détruire, reconstruire. Mais si je t'embrasse dans cette réalité, jamais je ne pourrai reculer, jamais je ne pourrai tout effacer, même si je le voulais. En faisant cela, je me met en danger, je m'expose à ton jugement, à ta réaction. Je ne suis plus seule à décider, nous décidons ensembles et un mot de ta part, un geste, peut briser le moment. Je ne peux le prévoir, je ne peux l'esquiver. Et c'est ça que j'aime, ne pas pouvoir prévoir, être surprise, faire un pas sans savoir si tu avanceras ou reculeras. ». Certes, pour une femme qui voulait devenir Aether, les paroles et les actes s'opposaient considérablement. Mais peu importait, oui, peu lui importait car, elle pourrait jouer à ne pas savoir, elle pourrait s'interdire la connaissance et, puisqu'il l'avait souhaité, il resterait à jamais unique pour elle, indéchiffrable. Alors, elle l'embrassa, réellement, ses lèvres faisant bien plus que juste le frôler. Elle avait besoin de sentir ce contact entre eux et les conséquences ne lui faisaient nulle peur. Demain, elle quitterait cette vie en quête de l'immortalité, et si elle devait ne jamais revenir, alors... « Comme ça, si j'échoue, j'empoisonnerai tes pensées jusqu'à la fin de ton existence. ». Elle l'avait lâché, désirant déjà retrouver ses lèvres mais se reculant. Elle lui sourit. « Si j'échoue, je serai heureuse de te savoir triste et malheureux à la recherche d'une femme embrassant mieux que moi sans jamais pouvoir la trouver. ». Elle rit puis lui fit signe de s'asseoir. « Mais ne t'inquiètes pas, je reviendrais victorieuse de cette quête. Cependant, je ne suis pas sûre d'avoir de nouveau envi d'embrasser ainsi un simple mortel. ». Elle s'installa, ne le quittant pas des yeux quelques secondes avant de prendre ses couverts. C'était un repas simple, sans entrée, de la viande et des légumes comme plat et elle ignorait encore le dessert. Changeant de sujet comme si rien ne s'était passé, elle lui demanda alors : « Naram, parle-moi d'elle. Après tout, tu as vécu un temps en sa compagnie, vous avez échangé bien plus que nous ne l'avons jamais fait, et sans doute bien plus que nous le ferons jamais. Cela m'étonne tu sais. Cette femme, je la vois comme possessive, matérielle, et toi tu... tu es le prince des rêves. Alors je me demande comment votre histoire a été possible. ». Elle parlait de son ancêtre, bien sûr, cette femme qui avait eu des centaines d'amants sans jamais en épouser un seul, cette femme qui vivait dans le vice. Elle se demandait comment il avait pu rester à ses côtés, comment il avait pu succomber. C'était aussi pour ça qu'elle l'avait embrassé, pour se libérer du désir qu'elle ressentait à son égard. Un baiser apaisant, un baiser qui cesserait de hanter son esprit puisqu'il avait eu lieu. Mitsuko ne le regardait plus, ayant commencé à manger sur une note de tristesse. Elle n'aimait pas savoir que lui et son ancêtre avaient mêlé leurs corps. Cet homme était si vieux sans paraître plus de trente printemps et elle savait qu'il avait dû embrasser beaucoup de femmes, vivre des choses que jamais elle ne pourrait vivre ou comprendre. Que pensait-il d'elle? La voyait-il comme ressemblant à une autre, comme une femme amusante qui le surprenait mais dont il se lasserait? Peut-être préférait-elle ne pas le savoir. Elle était spéciale pour lui, mais jusqu'à quel point?
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Jeu 21 Mar 2013, 00:32


    Elle accorda immédiatement le vœu, le dernier, celui qui clôturait le lien du rêveur et du maître, je le savais, sans recul possible, demandant une simplicité, une réalité mais je ne rechignerai pas, consentant que les bonnes choses avaient une fin aussi agréable pouvait-elle être alors. Ce n’étaient pourtant pas les bonnes fins qui m’animaient, tout au contraire, elles me laissaient toujours un étrange goût amer en bouche. De nature nostalgique ? Il y avait forcément de ça, j’étais homme qui réfléchissait beaucoup, repensait aux choses, à leur conduite, bonne ou mauvaise, il fallait toujours avoir un regard sur un espace bien plus étendu que celui du présent pour bien agir, là était la clé de la sagesse paraissait-il que l’on obtenait qu’avec l’âge, personnellement ce n’était pas vraiment mon cas, j’avais changé, oui, mais j’étais resté quelque part le même, les mêmes faiblesses, les mêmes défauts qui perturbaient le cours des choses. Lorsqu’elle fit l’explication des conséquences inhérentes aux rendez-vous en sa compagnie, cela me fit sourire sans que je n’y réponde expressément, l’inclinaison de ma tête suffisait à consentir que j’acceptai les règles. Il était évident que ce genre de choses ne m’arriverait sûrement jamais et à vrai dire, j’imaginai également fort mal l’esprit de la mort dans de telles circonstances. Elle qui était si mesquine, joueuse, charmeuse, imprévisible, tant de détails que l’union éternelle annihilait d’une simple cérémonie symbolique, celle où on renonce à tellement de possibilités pour faire plaisir à un être qui sera trop bien plus mortel que l’ennui au bout du compte. Aussi Mitsuko pourrait être la promise, j’étais persuadé de ne jamais pouvoir dire oui à telle proposition, j’aimais ma situation, j’étais le nomade du cœur, l’orisha dans le corps d’un génie et j’y tenais plus que tout, jamais je ne pourrai me soumettre, j’en avais déjà bien trop fait les frais de mes précédentes unions dans d’antécédentes vies dont il ne me restait plus que des échos me rappelant que je ne devrais pas recommencer la même erreur. C’est au manoir Taiji que se jouerait finalement le dernier acte de notre pièce commune. J’y fus accueilli à bien des égards avec convenance, c’était rare surtout ici. Je n’évoquerai ainsi que trop peu le malaise ressenti lorsque Seth et moi-même nous confrontions du regard, n’osant nous dire une parole, un simple regard comme salutation, notre amitié restait secrète et nos confidences bien plus encore. Elle m’abandonna ainsi sur le pas de la porte, me laissant entre les mains expertes de Seth qui joua l’air officiel, sans expression véritable, me conduisant dans des appartements réservés aux invités de marque. Je le suivais et restai muet jusqu’à ce qu’il ferme la porte derrière moi. « Alors, qu’est-ce que ça te fait ? » m’interrogea-t-il, me laissant dans l’intrigue du sens de sa question. « Pardon ? » - « De venir ici en étant invité. » je ris aussitôt. « Je n’ai pas l’habitude, c’est agréable. C’est-à-dire que le majordome des lieux n’est pas très spécialisé dans la surveillance, on y entre comme dans un moulin. » Il rit à son tour. « Elle part seule au petit matin et revient en ta compagnie le soir venu. Tu es toujours la dernière personne que je m’attends à voir. Comment fais-tu ? » - « Le hasard parait-il. Il me malmène. » - « Bien tu fais toujours la même taille qu’à l’époque ? Tu as tout de même grossi. » - « Heu. Non. Enfin. Tu m’énerves ! Ne me dis pas que tu as gardé mes affaires. Je vais te prendre pour une mère poule. » Mais c’était peu de le dire, il sortit d’une armoire un ensemble impeccable que ni le temps ni la poussière n’avait enlaidi. « C’est.. ? » - « Le costume que tu portais le soir du bal. J’ai mal fait ? » - « Non, non. » Disais-je à faible voix, ma gorge se nouant. « Si tu veux, je peux te prêter autre chose. Mais j’ai pensé que c’était une bonne idée. » - « Parce qu’il fait son petit effet sur toutes les Taiji ? » - « Non, idiot. Parce qu’il insinue que la vie est un changement continuel et que tu ne dois pas rester en retrait par rapport à tout ça. Ce monde tourne et tu dois avancer, faire partie de cette gravité qui t’apaise souvent, elle te sert aussi. Aujourd’hui. » - « C’est symbolique. Merci vieux fou. » il ne répondit plus rien, sortant de la chambre pour me laisser me préparer. Préparation qui soit dit en passant pour un génie prit un millième de seconde mais ce n’était pas important. Cela me laissait le temps de regarder par la fenêtre, et alors le vieux saule pleureur semblait m’appeler, je ne pouvais résister, il fallait que je file en douce mais après tout, ce n’était rien, je serai à l’heure pour le dîner. Je sortais par la fenêtre et fit de mon corps un nuage d’étoile bleue grâce à l’éther merveilleux jusqu’à reformer ma silhouette sous l’arbre du parc où les deux pierres tombales se trouvaient. Je ne fis que peu attention à la mienne. Je me demandais seulement ce qui se trouvait sous terre, la poussière d’un corps ? Mon corps ? Mais j’étais un génie. Peut-être n’y avait-il rien, que c’était purement symbolique tout ça. Au final, il n’y avait que le néant pour border la glace des pierres où nos deux noms étaient gravés. Je m’agenouillai, joignant mes mains et fermant les yeux, j’adressai une prière à cette femme. Un instant durant, me remémorant toute une vie si étrange en sa compagnie, c’était finalement drôle de me retrouver là à nouveau, une sorte de boucle bouclée. Trop prévisible peut-être ? Je n’en avais rien à faire, j’étais épanoui ainsi. Caressant la terre où elle était enterrée, les fleurs poussèrent par magie, s’enroulant autour du monument funéraire, d’empreintes bleues elles furent écloses. Ma prière terminée, je disparus à nouveau, il ne fallait pas que je tarde trop et surtout, il ne fallait pas salir mes belles chaussures dans la terre humide des accalmies pluvieuses. Revenu à la salle de bal, tout était prêt, il ne restait plus qu’à attendre Mitsuko. Quant à moi, je faisais le tour du lieu, un lieu plein de souvenirs, qui avait vécu et qui aurait à en dire s’il pouvait parler. Toutes ces personnes oubliées par le temps, que j’avais en mémoire, moi et quelques autres aussi rares qu’éphémères. Tous ces gens qui se pensaient importants, défilant à la cour de Mitsuko pour réclamer ceci ou cela d’elle, se pensant irremplaçables, et voilà ce que le monde leur avait rendu : l’amnésie des descendants du règne de la terreur de la belle à la chevelure de flammes. Nous n’étions rien sur cette planète, un tas de poussière qui prenait vie et fanait à un moment donné, sans rien laisser derrière lui, si peu de choses en soit qu’il était démesuré de penser son passage gravé à jamais, il n’était au final que dans la mémoire de ceux qui vivaient encore. Je revenais ensuite vers l’entrée où elle fit rapidement son apparition. Descendant les escaliers main dans la main avec Seth, mon regard fut émerveillé par la beauté qu’elle démontrait posséder, de nature et embelli par les magies naturelles qui n’étaient offertes qu’aux femmes aussi uniques qu’elle. Je me tenais droit, les bras croisés dans le dos, le menton légèrement surélevé à la regarder marcher, habillée de blanc et de pureté, elle ressemblait déjà à une déesse, la prestance au cœur, j’étais à côté le mendiant qu’on avait invité à manger pour une nuit, un simple sans abris à côté d’une reine, je faisais bien pâle figure. Descendant la dernière marche, Seth baissa le bras pour libérer la maitresse qu’il affectionnait tant. Je savais Seth pris d’une grande affection pour elle, ça n’avait après tout jamais été facile pour lui. Rester si neutre alors que sa précédente maitresse était reine du mal et elle, reine du tout. Il avait du vaciller sans broncher, une fidélité à toute épreuve. Il avait beaucoup souffert du deuil de Mitsuko, au moins autant que moi à n’en plus douter. Il était ainsi évident qu’il avait peur pour l’élévation de Mitsuko, peur qu’un nouveau drame survienne, que l’histoire ne se répète, je le ressentais dans son regard, à chaque instant, sans même qu’il me le dise, sa peur était palpable. Cette peur était mienne. Je me reculai d’un pas pour la laisser passer, tendant mon bras vers la salle de bal pour qu’elle me devance et prenne place, elle était l’hôte et avait la primauté de toutes les attentions. « Tu es magnifique. » glissai-je seulement lorsqu’elle s’avança si près de moi que j’en frissonnai. Elle m’embrassa alors après un court monologue, me prenant par surprise, laissant au rocher du clair de lune l’amertume des désirs insatisfaits, ici tout serait différent. Animé par tel baiser, mon regard frémit de plaisir, ma lèvre tressautant à son contact, évidemment que j’aurai été fou de reculer. « Si tu échoues, je viendrais te rechercher moi-même dans les limbes par la peau des fesses pour te dire un simple "je t’avais prévenu". » je riais, n’espérant pas telle tournure, cela me tuerai sûrement. Prenant place en face d’elle, je m’assis sans plus de cérémonie, tentant d’humer les parfums d’une nourriture que je savais d’avance sans goût. Mais j’avais bien l’intention de faire comme si il s’agissait du meilleur repas que j’avais eu la chance de goûter. Laissant ma dame commencer le repas, j’avais au final déjà oublié qu’il fallait manger, ne faisant que la fixer sans cligner des yeux d’un air si sombre, indéchiffrable. C’est lorsque je remarquai que mon assiette fut pratiquement vide que je compris, enfin plutôt me rappelai, que moi aussi devais manger. Seulement mon appétit était ailleurs et je n’avais faim que d’elle et seulement d’elle, drôle d’ironie. Elle sembla ensuite s’intéresser à la relation que j’avais menée avec son ancêtre, ce qui me fit d’autant plus sourire. Elle n’avait jamais vraiment osé oser poser des questions à propos de notre histoire, le sujet avait été si peu abordé d’ailleurs. « Veux-tu vraiment savoir ? » voulais-je l’interroger plus sérieusement. Elle semblait réellement vouloir, je ne pouvais refuser une telle invitation. « Bien. Prépare-toi alors. Car cette vérité, personne ne la connait si ce n’est par la principale intéressée. » Ce n’était en réalité pas tout à fait vrai, Seth aurait pu lui raconter mais sûrement pas comme moi. [youtube]NO4K6VYWWWg?hl=fr_FR&version=2[/flash]« Tout a commencé il y a des siècles. Lorsque tes deux ancêtres sont nées, cela a été un choc pour la population. On n’avait jamais vu ça. Un ange et une déchue d’une même mère. Un sang royal qui plus est, je te laisse imaginer la tête des juristes qui devaient trouver dans les textes désuets en cette situation la mention qui permettrait de ne pas leur laisser la couronne, mais rien. Abomination pour certains, miracle pour d’autres. Des guerres ont germé rapidement, j’ai vécu tout ça. J’étais là quand un camp a annoncé se battre pour que l’une ait la couronne et l’autre pour l’inverse. Et pourtant, ces deux enfants n’en avaient que faire, elles étaient fusionnelles. Je ne sais pas comment mais Jun est arrivé au château du millenium, je me demande bien ce qu’il advenu de ce château d’ailleurs mais bref, il faisait partie de la garde rapprochée de Mitsuko. Plus tard, il est allé combattre pour elle et je l’ai retrouvé à ce stade. Il me l’a caché à l’époque mais il voulait la revoir, une dernière fois. J’ignorai encore son plan à l’époque. Il nous a fait faire un détour incroyable pour arriver à ce fameux château. Mitsuko était très malade et il fallait un médecin de toute urgence. Les médecins des enfants ne pouvaient rien faire pour la soigner alors ils demandaient à qui passait par là, des fois que. J’étais à l’époque un piètre médecin, mon père l’était et je l’avais regardé faire quelques fois mais autant dire que j’étais assez minable dans le domaine. Seulement il semblait que ce n’était pas le corps de cette enfant qu’il fallait soigner mais son âme. J’ai alors rencontré Mitsuko et j’avais quoi... Une dizaine d’année de plus qu’elle à l’époque, vingt tout au plus, j’étais un sorcier comme tant d’autres. J’ai rapidement compris que le précepteur des deux jumelles, un mage noir qui savait la couronne à lui tant que la situation restait inchangée, faisait tout pour monter les deux enfants l’une contre l’autre. C’est à partir de là qu’elles ont commencé à se détruire. Le sorcier avait ensorcelé Mitsuko qui mourrait et dépérissait à vue d’œil, les médecins grassement payés par le sorcier n’avaient alors aucune solution. Seulement à l’époque, je n’étais de nature corruptible. Nous avons alors lutté, et j’ai dû le tuer après une bataille que tu n’imagines pas. Jun m’a alors supplié pour que j’enlève Mitsuko, sans rien dire, que je la prenne avec nous pour qu’elle échappe à un destin tracé pour elle sans son consentement. J’ai refusé mais je lui ai jeté un puissant sort, un sort de protection comme je l’avais fait pour Jun. Je ne saurai plus te le décrire, c’était compliqué, j’avais les connaissances et la maitrise à l’époque que je n’ai plus. Seulement je me souviens que ce sort demeurait faible, il produisait chez la personne une sorte de bouclier qui permettait de développer chez le sujet une sorte d’instinct naturel pour la prévenir des dangers et la guérir plus vite de ses blessures. Seulement il s’est passé quelque chose ce jour-là. » Lorsque je parlai, je m’emportai, habité par mes souvenirs qui me hantaient, je retraçai le puzzle de cette histoire ; je savais que cela n’avait pas grand rapport avec cette question mais pour moi, il était essentiel de commencer par là. « C’est comme si nos deux âmes s’étaient liées l’une à l’autre. Un sort a priori banal est devenu d’une puissance effroyable à notre contact, il a alors s’agit d’un puissant bouclier qui la rendait presque invincible, la protégeant de tous les sorts, de tous les maux de cette terre, comme si mon âme dans une inconscience intemporelle m’avait soufflé : C’est elle que tu jureras vouloir protéger jusqu’à ta mort. Et je n’ai pas compris à l’époque. » J’arrêtai là ma phrase, buvant une gorgée d’un vin que Seth nous avait servi. « Je ne l’ai retrouvé que bien plus tard. Je ne saurai te dire combien de temps exactement. Des décennies, des siècles peut-être. Je ne me souvenais pas d’elle car depuis elle avait migré au manoir Taiji et c’est là qu’on m’amena de force. Pour faire bref sur ce passage, le Mârid avait assassiné mon frère et m’avait proposé de le ramener à  la vie si je consentais devenir un génie. Voilà comme je suis devenu Naram. En réalité, mon père voulait tuer Jun pour nous séparer, Jun et moi, nous étions trop puissants contre lui. Mais bien plus tard, je suis sorti de mon habitacle, il ne l’avait pas prévu et il a alors eu peur. Il a été voir Mitsuko lui promettant que le plus puissant génie de ce monde serait à son service si elle allait chercher un habitacle dont il lui a donné la localisation exacte. Il a bluffé, j’étais loin d’être puissant, j’étais même sûrement le plus faible de ma race à l’époque. Mais vu que j’étais dans l’habitacle du Mârid, le plus connu des habitacles, Mitsuko n’y verrait que du feu. Le Mârid a alors fait d’une pierre, deux coups. Mitsuko est arrivée sur place, a tué ceux qui détenaient l’habitacle, en l’occurrence la descendance de Jun. Et il savait qu’entre les mains de Mitsuko, je ne causerai jamais de tort à mon père, quel malin. » Voilà comme tout avait commencé, comment son étrange lien avec la famille Taiji avait débuté, des manipulations, des conspirations, des ambitions, une recherche de pouvoir, l’amour était né sur un nid de serpents. « Je suis arrivé dans un contexte compliqué qu’on oublie souvent. Les fluctuations d’influence entre Mitsuko et sa sœur variaient selon le moment. Et à ce moment-là, Mitsuko perdait complétement le fil de la guerre, il lui fallait plus de puissance, elle a alors pensé qu’un génie puissant l’aiderait et elle a été bien déçu de ce côté-là. Mitsuko était une femme qui a énormément souffert des tortures de son précepteur, le sorcier dont je t’ai parlé tout à l’heure. Je n’en ai pas su plus sur son enfance mais elle m’a toujours dit que ça avait été loin d’être rose, elle a compris l’horreur de l’Homme et s’est simplement adaptée. Elle était reine des vices, elle couchait avec le premier venu qui n’attendait que cela, pouvoir dire de s’être fait la reine du mal à l’époque tu imagines le tableau. Mais attention, elle ne choisissait que la crème de la crème ! Mais sans jamais s’attacher. J’aurai pu m’échapper mais je ne l’ai pas fait, car mon âme réclamait la sienne, c’était plus fort que moi, je ne pouvais pas me contrôler. Nous nous sommes revus dans ses appartements, appâté par le son d’un piano désaccordé. Elle jouait comme un pied. » Je riais alors, me rappelant de l’horreur qui s’échappait de l’instrument lorsqu’elle s’aventurait sur ce terrain-là. « Personne n’osait lui tenir tête. Tout le monde avait peur d’elle, acceptait ses avances, elle avait toujours raison même quand elle avait tort. Sauf qu’avec moi, elle était tombée sur un os. Elle pouvait hurler, me frapper, faire démonstration de sa grande et légendaire puissance, je lui riais au nez, je la traitai de tous les noms, je n’avais rien à faire de son titre. Et je refusai de coucher avec elle. Non pas par principe, mais par défiance. Et le pire c’est qu’elle m’en a voulu d’avoir pensé qu’elle serait une proie facile, du coup si moi je la désirai, elle y mettait une ferme halte et vice-versa. On a joué comme ça longtemps. J’étais haineux envers mon père, j’avais tellement de colère en moi, tout le monde m’aurait pris pour un monstre mais pas elle. Elle m’acceptait pour ce que j’étais. La journée, nous étions des inconnus pour l’autre et dès que le soleil tombait, j’arrivai, c’était notre accord : ne jamais demander ce que l’autre a fait la journée. La nuit n’appartenait qu’à nous deux. Elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait d’ailleurs, je m’en fichai, elle était à moi et rien qu’à moi ensuite. Au début nous avons beaucoup discuté, je lui ai enseigné des choses que sa vie ne lui avais pas permis d’apprendre. Comme le piano. Mais aussi l’art d’écrire car tu pourras rire mais à l’époque les illettrés étaient nombreux et ses fautes d’orthographe étaient nombreuses. Je lui ai fait découvrir mes auteurs préférés, enfin ceux qu’on a retrouvé. Je partais souvent à la recherche d’ouvrages la journée que je lui ramenai le soir, que je volai souvent à des maîtres que je torturai. Ils sont d’ailleurs encore dans la bibliothèque du manoir. Mitsuko quant à elle m’a appris l’art de la politique que j’ignorai, elle m’a appris à accepter mon corps immatériel, à m’habituer à l’absence de goût des aliments, l’absence d’odeur des choses, l’absence de sensation qui me rendait fou à lier. On s’amusait, on faisait des expériences, enfin je te passe les détails. J’ai alors rejoint le corps diplomatique, à ses côtés nous étions... invincibles. Les alliés affluèrent en nombre, nous finissions par passer nos journées et nos nuits ensemble sans que quiconque n’apprenne notre relation, nous étions les maîtres d’un monde meurtri par la guerre perpétuelle. » Mon regard se détournait, nous vivions dans un palais d’or, on se fichait quelque part bien de la guerre. Nous étions criminels, sans pitié de la population et du calvaire qu’ils vivaient. « Mitsuko a alors fait quelque chose que je n’ai pas compris. Nous étions trop attachés à l’autre je crois. Elle a exigé que je quitte le manoir pour partir en reconnaissance chez Kazuki. En réalité, elle voulait que je la fasse plier par les sentiments, avoir sa confiance, ses sentiments et ensuite la trahir. Sauf que c’est moi qu’elle a trahi. Elle s’est débarrassée de moi et j’étais l’âme en peine de m’être fait ainsi avoir. Je suis alors resté avec Kazuki quelques mois mais elle savait pourquoi j’étais venu, au final nous étions juste de bons amis et elle m’avait mis en garde contre sa sœur Mitsuko. Mais je ne voulais pas l’écouter, trop en colère. Mon objectif était de lui faire regretter son geste. Je savais qu’elle passait ses nuits avec d’autres hommes, elle voulait m’écarter. Alors j’ai pris une décision ce jour-là. J’allais lui faire payer son affront, j’allais la rendre si folle de moi qu’elle en souffrirait d’autant plus lorsque je la trahirai à mon tour. Une relation très malsaine s’en suivit, je suis revenu au manoir, elle en fut pourtant heureuse mais comprit rapidement que tout avait changé. J’étais plus démonstratif, j’en demandais plus de sa part, je devenais jaloux, possessif, violent. Je voulais qu’elle me montre son amour et je la malmenai. Pourtant elle en a fait des efforts mais ce n’était jamais assez. Je voulais la rendre faible. J’ai organisé ici même, là où nous nous trouvons un grand bal où il y avait tous les plus grands de ce monde. Et je l’ai invité à danser, enfin je te passe les détails. Cette nuit-là fut différente car la luxure avait remplacé la connaissance mutuelle. Nous avons commencé à nous aimer et nous déchirer, nous embrasser puis nous crier dessus, on se détestait autant qu’on s’aimait. On voulait que l’autre faiblisse, elle jouait mon jeu et moi le sien. Jusqu’au jour où nous avons tous les deux perdu. » J’avais évidemment omis des passages essentiels. Celui du pendentif qu’elle portait d’ailleurs, je ne voulais pas qu’elle sache. « Voilà pourquoi notre histoire a été possible. Car nous étions tous les deux des êtres torturés, plein de colère. Nous avions tous deux des siècles d’existence, un passé lourd et un présent si noir à partager à  l’autre. Nous étions comme deux âmes sœurs, tous les deux incapables d’aimer l’autre mais surtout encore plus incapable de vivre sans l’autre. Trop attachés à notre indépendance, nous nous sommes détruits mutuellement. Elle voulait mon nom et moi seulement entendre de sa bouche qu’elle m’aimait. Mais pour une reine du mal, autant la poignarder tout de suite. J’ai été trop impatient, trop exigent. Mais je ne l’oublierai jamais. Elle a donné un sens à ma vie alors que je n’étais qu’un sorcier de bas étage à peine capable d’un ou deux tours de passe-passe. Un minable, un errant, elle a fait de moi un homme. Je ne sais pas vraiment ce que je lui ai rendu, je lui ai donné le pire et le meilleur de mon être. » J’avais fini ma narration et par  la même occasion mon assiette. « Comme tu le vois notre histoire est différente. Ma colère passée n’est plus, les choses ont changé. Je suis un homme plus réfléchis, moins bête, mais toujours aussi égoïste. Nous ne partageons pas notre haine pour l’humanité, la preuve, tu veux apporter à ce monde l’espoir et la prospérité alors que je leur crache à la figure. Je réclame le chaos et toi l’harmonie. Nous sommes si différents. Et pourtant, crois-moi que la passion te concernant est immense. » Les contraires s’attiraient quelque part, leur goût commun pour l’émerveillement comme fil conducteur de leur si étrange liaison. « De mon enfer, je te regarderai te rendre au Paradis. » suggéra-t-il à la femme qui lui faisait face. « C’est ce que Mitsuko me disait tout le temps. Pensant que je trouverai la rédemption, le bonheur. Et aujourd’hui, le fait que je te dise cette phrase me fait comprendre pourquoi elle me l’avait dit à moi à l’époque. Quelle ironie du sort. » son rire devint diffus, les étincelles dans son regard s’éteignant avec la fin de son histoire, les fantômes de son passé rejoignant leur place dans sa mémoire, cessant de danser dans ses iris. « Ce repas était excellent. » Pure mensonge, il ne voulait pas la vexer. « J’ai monopolisé la conversation de ce repas, je suis un bien piètre gentleman. » mais après tout, il ne pouvait pas s’en empêcher, il était comme ça, il aimait raconter les histoires qu’il avait vécu, persuadé qu’il en vivrait d’autres, comme un retraité à qui on proposerait bientôt un premier rôle comme apothéose de sa carrière. « Je crois que tout ça a un sens, tu sais. Ton élévation, le fait que ce soit moi qui se soit trouvé sur ta route ce soir où tu cherchais Jun et encore aujourd’hui où tu cherchais la couronne des génies. Non pas que celle-ci soit capitale mais que je puisse te dire tout ça la veille de ton élévation, ce ne peut pas être un hasard. » Confirma-t-il en s’essuyant la bouche avec la serviette qu’il tapotait légèrement avant de la replier et de la poser à côté de son assiette. « Tu es prête. Tu es celle qui fera revivre les légendes mortes par l’oubli de nos mémoires défaillantes. » Lui, sa génération, tous ceux qui comme lui peinaient à tout cela. « J’ai donc accompli mon rôle. » dit-il enfin avant de se lever, s’approchant d’elle en prenant au passage son verre qu’il leva bien haut en s’abaissant par un appui sur ses genoux pour se mettre au niveau de la demoiselle toujours assise. Collant sa bouche contre son oreille, il susurra alors : « Ma grande comédie est celle où je t’apprends que le monde va mourir de sa sottise et où je te souhaite bonne chance pour tenter de le sauver pendant que je regarderai le spectacle. » buvant la fin de son verre d’une traite, il poursuivit : « Et toi au moins, tu sais déjà jouer du piano. » glissant une main sur sin visage, il reposa le verre à côté du sien, l’embrassant tendrement sur la joue : « Les mauvais génies sont les plus à craindre en ce bas monde. Qu’un seul dieu n’ait l’audace de te défier, de te causer du tort, et je lui montrerai qui je suis. Que le Paradis tremble car l’enfer veille sur son ange. » C’était si paradoxal mais il le voyait ainsi. Lui un enfer prêt à tuer pour un ange qui s’élevait vers le paradis. Jouant de cette dernière symbolique, il disparut alors dans un élan de poussière bleue qui s’envola dans toute la pièce, sans détourner son regard vers elle. Cette fois, il aurait la primauté de l’adieu.
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Les astres ont dessiné ton visage. [Couronne des Rêves - I]

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