« Tu es stupide, ce que je souhaite c'est faire revivre les légendes oubliées à tes côtés... ». Mitsuko avait murmuré ces mots bien après qu'il soit parti, restant assise, adossée à sa chaise, remarquant à peine la servante qui vint apporter le dessert. Elle se redressa pourtant après quelques minutes, trempant sa cuillère dans le fondant au chocolat encore chaud. Elle savait qu'elle ne pourrait jamais l'avoir et à la suite de son récit, peut-être ne le voulait-elle plus. C'était idiot, bien sûr qu'elle le désirait, mais elle était jalouse quelque part. C'était indécent. Connaissant son ancêtre, chaque pièce du manoir devait encore avoir le souvenir de leurs amours brûlants. Il avait pu échanger avec elle, obéir à tous ses désirs, il devait l'avoir embrassé si souvent. Il n'était plus l'homme qu'il avait été, mais n'était-ce pas cette colère qui l'habitait qui avait embrasé leur histoire? Elle soupira. Elle jouait aussi avec lui, ne lui donnant que le strict minimum de son être, ne lui volant qu'un baiser ou qu'une caresse de temps en temps. Il était le seul avec qui elle se permettait ce genre de fantaisie mais où est ce que cela les conduirait-il? Peut-être n'avait-il été à ses côtés que pour accomplir son rôle, ce qu'il avait promis à son ancêtre? Mais, à présent, il semblait vouloir établir un mur entre elle et lui, l'un en enfer, l'autre au paradis. Elle ne le souhaitait pas. Elle goûta le gâteau, fermant les yeux en le dégustant. Leur histoire ne pouvait être sucrée, elle s'ennuierait, elle ne pouvait qu'être acide, cruellement acide. Oh oui, elle se le promettait, puisqu'il semblait vouloir se faire oublier, elle lui ferait regretter. Elle le rendrait fou de jalousie, fou d'amertume, elle excellerait dans cet art et il rirait des siècles plus tard en racontant leur histoire, plein de nostalgie.

« Madame? ». « Hum? ». Elle tourna la tête vers Seth qui baissa les yeux lorsqu'il vit qu'une larme avait coulé sur la joue de sa maîtresse. Mitsuko ne l'avait pas remarqué, l'essuyant alors d'un simple geste de la main. « M'accorderiez-vous cette danse? ». Elle sourit. « Volontiers. ». Se levant, elle se plaça dans les bras de son majordome, celui-ci commençant à la faire valser doucement, se laissant guider par une musique qu'ils imaginaient tous les deux, la pièce n'ayant jamais été aussi silencieuse. « Savez-vous comment j'ai rencontré votre ancêtre? ». « Je crois en avoir entendu parler mais je te laisse le loisir de me conter cette histoire puisque cette femme si merveilleuse semble avoir ravi le cœur de tous les hommes que j'ai un jour fréquenté. ». Il sourit, amusé. « Un jour, alors que je me promenais en forêt, je suis tombé sur un lac et, dans ce lac, je l'ai vu. J'étais un ange à l'époque, pur, chaste et je l'ai prise pour l'une de mes semblables. Elle s'apprêtait à se baigner, l'eau arrivant aux chevilles de son corps entièrement nu. J'en suis resté bouche bée et lorsque son regard croisa le mien, je sus que je serai entièrement à sa merci, sous son contrôle absolu. Je sus que cette femme pouvait faire de moi ce qu'elle voulait. ». La jeune femme posa son index sur la bouche du majordome, arrêtant ainsi la danse. « Chut... Si c'est pour me raconter ce genre de choses, je préfère encore que tu te taises. ». Elle lui tourna le dos, s'asseyant de nouveau sur sa chaise pour finir son fondant. Seth sourit.

« Mitsuko avait de grands pouvoirs d'attraction, des pouvoirs que vous ne possédez pas. Voilà où je voulais en venir. Elle trichait. Oh, peut-être pas avec le génie si cher à votre cœur, mais tous les autres n'étaient que des pantins entre ses mains. Ses dons étaient si puissants que les hommes ne pouvaient faire autrement que de la désirer, de l'aimer. Pourtant, si aujourd'hui je devais choisir entre elle et vous, soyez sûre que je vous resterais fidèle. ». Il s'inclina, doucement, la regardant avec une certaine tendresse. « Tu ne prends pas le moindre risque en me promettant cela. Néanmoins, je ne souhaite pas me comporter comme elle, déchoir les anges, pervertir les cœurs, non, je veux simplement pousser cet homme au bord du gouffre, tellement qu'il ne pourra faire autrement que de vouloir combler la distance qui nous sépare. ». Il ne dit rien, préférant écouter sans l'interrompre. Elle finit le fondant, se levant de nouveau. « Je ne peux être sa femme, je ne peux être sa maîtresse alors je serai son plus grand fantasme. ». Doucement, elle fit apparaître la couronne des génies entre ses doigts, celle-ci se matérialisant comme elle le désirait, une forme mouvante, bleue, rappelant les vagues de l'océan.