Des mois plus tard

Se téléporter, chose d'une facilité déconcertante à présent que j'avais compris la technique. J'étais puissant, je le sentais, et les entraînements intensifs que m'avait fait subir Annabelle avaient musclé mon corps, bien plus qu'à l'époque de ma vie où j'étais un ange. Seulement, j'étais lourd, incroyablement lourd et je ressentais la souffrance de mes articulations qui criaient avec indignation. Mon agilité était un vrai problème chez moi et, pour tout avouer, elle l'avait toujours été. J'entendais encore les paroles de Mitsuko : oui, j'avais bien vu que Zéleph était plus fort que moi, plus puissant. Mais cela ne tenait pas uniquement de sa force brute, mais bien aussi de la maîtrise qu'il avait de celle-ci, du fait que ce dernier contrôle ses muscles, puisse se servir de sa force avec rapidité. Et la rapidité me faisait tellement défaut. Je ne pouvais pas être bon partout, je le savais, j'aurai toujours au moins une faiblesse. Mais lorsque mes adversaires étaient complémentaires, je devais faire en sorte de palier mes défauts et de leur faire croire à une solidité sans faille. Tromper le seigneur des deux rives semblait chose aisée, mais tromper mon jumeau, ceci était moins facile. L'intelligence était l'une de ses forces, mais sa magie était grande et les deux réunies faisaient de lui un être presque imbattable. Mais si la force était aisée à obtenir, la magie l'était moins. Je n'avais jamais été en parfaite communion avec cette dernière, ne la comprenant qu'à moitié, l'usant mais sans la ressentir couler dans mes veines. C'était difficile de décrire cette sensation de vide, comme si elle et moi ne faisions qu'un pacte de quelques secondes ou minutes avant que chacun de nous ne reparte de son côté. Je repensai à la lettre que j'avais écrite et que s'adressait au Mârid. Mitsuko avait réussi à me manipuler encore une fois et elle était une grande faiblesse pour moi, réussissant à me faire faire tout ce qu'elle souhaitait. Elle n'avait qu'à le suggérer pour que l'idée naisse dans mon esprit, elle n'avait qu'à me l'ordonner pour que je m'exécute. Je la détestais pour ça mais je ne pouvais lui en vouloir cette fois-ci. Elle cherchait un moyen de me protéger, de me sauver d'un destin qui me paraissait déjà à l'heure actuelle bien noir. J'aurai pu tout arrêter mais à quoi bon? Je ne pouvais pas revenir à la tête des sorciers et leur dire que tout était fini, qu'ils devraient se contenter de moi comme roi et que nous devions nous élever par nos propres moyens. J'avais saccagé des villes, j'avais brûlé des enfants, j'avais tué des personnalités importantes, toutes ces choses qui faisait que si j'arrêtais maintenant et que je me rendais, alors je serai juste tué ou torturé jusqu'à la fin de mon existence. Et puis, rien n'empêcherait Aria de continuer la quête des cristaux. Sa puissance était certes faible, mais elle se débrouillerait, j'en étais convaincu. On ne pouvait pas tuer ce genre de femmes si facilement et, pourtant, les dieux seuls savaient ô combien j'en avais envi. Prendre sa gorge entre mes mains et la broyer comme la vulgaire vipère qu'elle était. Elle pouvait paraître insupportable pour un certain nombre d'individus, mais moi, j'avais vécu des années à ses côtés, j'avais vécu des choses qu'aucun homme n'aurait supporté à cause d'elle et, pour tout avouer, malgré les centaines d'années qui étaient passées, malgré des milliers et des milliers d'années, je lui en voulais encore. Je lui en avais toujours voulu, pour m'avoir créé, pour m'avoir esclavagé, pour avoir fait en sorte que mon esprit soit lié à sa descendante, que mon esprit soit lié à Naram. Ma haine n'avait aucune égale, et si une personne dans ce monde osait prétendre qu'elle lui avait fait subir plus que ce qu'elle m'avait fait subir, je la tuerai sans hésitation pour l'audace d'un si gros mensonge. Le seul problème c'est qu'éliminer Aria signifiait perdre beaucoup de soutiens politiques. La situation ne serait pas envisageable et vu qu'elle était déjà tendue à l'extrême, je ne pouvais pas me le permettre.

Je finis par lever les yeux vers les deux lunes qui éclairaient le ciel ce soir. D'ici quelques semaines ou quelques mois, il y aurait une éclipse. Les deux lunes se confondraient le temps d'une nuit et, au final, je me demandais ce qu'il en ressortirait. L'une allait-elle aspirer l'autre? Les deux allaient-elles se détruire? Ou bien est-ce qu'elles continueraient ensuite leur chemin, chacune de son côté? Le vent fit voler ma cape, quelques mèches de mes cheveux obstruant ma vue quelques secondes. Je souris. Si j'étais ici, ce n'était pas pour rien. J'avais besoin de réponses et puisque l'on disait que Phoebe était la déesse de la lune avant d'être celle protégeant les béluas, je pensais avoir trouvé l'endroit idéal pour me trouver aux plus près d'elle. « Phoebe. ». Ma voix résonna, telle un échos et, un oiseau de nuit sortit d'un des arbres qui se trouvait non loin, poussant un cri d'effroi. Cependant, la déesse tant attendue ne sembla pas vouloir converser avec moi. Me détestait-elle elle aussi? Ou lui avait-on interdit d'entrer en contact avec celui qui souhaitait tuer les dieux. Ne comprenait-elle pas que si le cristal était à moi, le monde n'en serait que plus merveilleux? J'étais convaincu que les mortels n'avaient pas besoin des dieux et si cette harpie d'Aria n'était pas sur mon dos, attendant le bon moment pour me prendre ce que j'aurai mis tant de temps à reconstituer, alors le monde s'en serait bien porté. J'étais sans doute maléfique, oui, conscient qu'il y aurait eu des évolutions, mais j'avais aussi conscience que le bien devait demeurer car, sans lui, le mal mourrait aussi. J'avais bien vu cela avec Delix, j'en avais été témoin et j'étais pas le premier imbécile venu. Je voulais assurer ma domination mais j'avais à cœur de faire les choses bien et non comme un abruti d'égocentrique tapant sans réfléchir aux conséquences, détruisant tout sur son passage sans n'être jamais capable d'en tirer quelque chose. « M'ignorer ne te sauvera pas. ». Je l'avais dit plus calmement, sur le ton de la confidence. J'avais besoin de conseils mais celle-ci semblait indisposée. Tant pis. La lune blanche représentait les connaissances, l'art, la magie, mais qu'en était-il de la lune noire? Celle-ci était bien plus petite et hormis annoncer le chaos, personne n'avait jamais cherché ce qu'elle pouvait bien représenter? Quels étaient ses domaines de prédilection, un dieu y était-il attaché? Voici les questions que je me posais depuis quelques nuits déjà, regardant par la fenêtre des différentes auberges que je fréquentais cette lune silencieuse, semblant malveillante. Mais était-ce réellement le cas? N'était-elle pas seulement une excuse? A vrai dire, je n'en savais rien et le mystère devait sans doute demeurer, cause du silence de Phoebe. A moins que, le véritable problème vienne de moi, chose que j'avais du mal à avaler. Quelque part, je me demandais réellement si je posais une quelconque difficulté aux dieux ou s'ils s'amusaient à me le faire croire? Je penchais pour la deuxième solution. Ils étaient au dessus de tout cela et certains avaient vécu des centaines de milliers d'années, certaines devaient simplement espérer la mort et d'autres ne devaient absolument pas la craindre. Je me voyais bien être le roi de mon échiquier, mais uniquement un vulgaire pion sur le leur. Comment savoir la vérité? Je pouvais bien supposer, il n'y avait que ces dieux pour la connaître, en être sûrs à cent pour cent.

Je finis par soupirer, m'approchant de l'extrémité du rocher, regardant en bas. Je n'avais jamais eu le vertige, j'adorai le vide, et, finalement, heureusement pour moi car je me trouvais sur un sentier glissant depuis fort longtemps d'un point de vue imagé. Je me rappelai alors de la première fois où Masha et moi nous étions rencontrés. J'étais un ange, un simple ange qui avait cru bon de sauter du haut d'une des montagnes entourant celle de l'edelweiss enneigée avec la jeune femme dans les bras. Je voulais tout simplement lui faire connaître une sensation forte, loin de m'imaginer qu'elle tomberait amoureuse de celui qui lui aurait fait vivre. Je la plaignais parfois, aimer un ange, aimer un sorcier, aimer un homme qui était maudit par une peste d'ancienne reine maléfique. Sa position ne devait pas être facile et, pourtant, elle avait sacrifié beaucoup pour moi. Sa mort relevait de mon idée et même si cela servait ses intérêts, il n'empêchait qu'elle servait avant tout les miens. Et Naram qui avait tué son fils. Pourquoi? C'était tellement incongru, tellement inutile. Qu'avait-il bien pu tirer du meurtre d'un enfant comme Xantha? Je souris. Qu'il ne se permette pas de juger mes actes car je savais parfaitement qu'il était très loin d'être blanc. Il avait été sorcier, puis génie. Le mal qu'il avait fait n'avait sans doute jamais connu de compensations. Le mien était déjà payé depuis longtemps. Magicien, ange, j'avais passé ma vie à faire le bien et les gens que je faisais souffrir aujourd'hui ne servaient qu'à équilibrer la balance. Et lui, pouvait-il se vanter d'avoir fait tant de choses profitables aux autres? De s'être donné corps et âmes à un individu sans en tirer le moindre profit? J'en doutais. Au final, il était sans doute pire que moi et, aujourd'hui, il se hissait comme un sauveur, proposant aux autres chefs de race de rebeller contre moi. C'était tellement risible. Aria me l'avait raconté, cette réunion des souverains, une réunion tout à fait ridicule. Finalement, je pouvais remercier Zéleph de m'avoir permis d'éviter ce genre de choses. Bien que, pour tout avouer, peut-être que tout ceci m'aurait fortement amusé. Oh oui, peut-être me serais-je fait un plaisir sans nom de mettre le feu aux poudres, d'en faire sortir un ou deux de leurs gonds ou, mieux, d'imiter le seigneur des deux rives et de m'endormir en pleine discussion. Je reconnaissais que ceci avait dû en laisser plus d'un dans la perplexité et dans l'embarras. Un joli coup de maître. Tout comme ce que préparait ma femme. Elle, au moins, ne m'aurait jamais demandé d'écrire une missive à Naram pour presque le supplier de me transformer en génie. C'était de la folie et, au final, comment était sensé faire un génie dont le monde entier connaissait le véritable prénom? J'imaginais d'ici là le calvaire que je devrais vivre si je devenais génie, à la merci de mon plus grand ennemi, à la merci des individus avides de pouvoir, sans jamais plus sentir le goût des aliments, sans jamais plus sentir le vent sur ma peau. L'éternité était peut-être le seul avantage. Mais vivre un éternel fardeau n'était sans doute pas mon plus doux rêve. Doucement, je fis apparaître la pierre dans laquelle mon nom était inscrit, comme indélébile, ineffaçable malgré le temps. Était-ce réellement mon nom au moins? Je m'étais tellement interrogé là dessus. Aria m'avait nommé ainsi lorsque j'étais apparu devant elle, mais était-ce mon véritable prénom? Étais-je au moins attaché à un quelconque nom? Après tout, je n'étais qu'une créature, un être qui n'avait pas eu d'enfance, qui n'avait jamais serré sa mère contre lui. Aria m'avait dit que je m'appelais Jun et je l'avais accepté sans poser une quelconque question à ce propos. Et si cette femme avait gardé mon véritable prénom secret? Avait-elle prévu que je pourrai devenir génie? Je plissai les yeux. Jamais elle n'avait pu deviner le prénom de Naram, cela avait dû la troubler, l'obséder.

Je m'approchai encore plus du vide, voulant en finir avec mes questionnements qui semblaient, au final, relever de la paranoïa. Puis, sans crier gare, je me penchai dans le vide, laissant mon corps l'embrasser.

Quelques heures plus tard

Cela faisait maintenant quelques temps que je m'étais réveillé, rageant depuis contre moi-même de ne pas avoir senti un tel piège. En même temps, comment savoir? Je ne savais même pas où j'étais à vrai dire. En sautant, j'avais simplement souhaité me rappeler cette sensation si intense, celle du vide, celle de l'abandon de son corps à une force supérieure, à la nature. Néanmoins, oui, une force supérieure avait bien agit contre moi lorsque j'avais voulu ouvrir mes ailes et m'envoler afin de ne point percuter le sol. Ironie du sort? Sans doute. J'avais perdu connaissance et m'étais réveillé ici, dans une prison, mon corps reposant sur du sable tiède. Je n'étais pas seul, d'autres prisonniers se trouvaient là, des détenus qui, comme moi, ne portaient plus qu'un simple pagne de tissu blanc. Cela dit, je remarquai tout de suite que je n'étais pas exactement traité comme les autres, étant seul dans ma cellule de fortune alors que ces derniers s'entassaient les uns sur les autres. Admirant un peu plus ma prison, je découvris que les barreaux n'étaient pas en fer mais en bois. Je souris. La personne qui pensait pouvoir retenir prisonnier le roi des sorciers avec du bois devait être stupide. Pourtant, lorsque je voulus créer mon ami de toujours, le feu, rien ne vint. Les autres prisonniers ricanèrent alors, me lançant plusieurs phrases incompréhensibles. Parlaient-ils une langue que je ne connaissais pas? Je m'assis, comprenant que le bois n'était sans doute qu'un leur, le leur d'une force bien plus puissante que la mienne. Une voix sur ma droite murmura alors : « Shaana ne permet pas que l'on utilise son feu contre elle mon jeune ami. ». Je soupirai. « Je ne suis pas jeune, je ne suis pas ton ami et je ne sais pas qui est Shaana. ». Ma voix était sèche mais c'était sans doute mérité : je n'avais pas le temps de me faire enfermer par je ne savais qui. J'étais quelqu'un de relativement patient et je n'avais aucunement l'intention de me donner en spectacle en essayant de sortir de ma cellule comme un forcené. Cette Shaana, si elle était bien la femme qui nous retenait ici, finirait bien par se montrer. En tailleur, je fermai les yeux, attendant que le temps s'écoule, restant immobile, réfléchissant à ce que je ferai une fois libre. Peut-être manquai-je cruellement d'intelligence mais, selon moi, aucune entité ne pouvait garder un roi prisonnier trop longtemps. Le monde avait besoin de moi, mon peuple avait besoin de moi et les dieux ne pouvaient rater mon rendez-vous. J'avais un sombre destin à accomplir et si l'oracle du chaos l'avait prédit, alors rien ne pouvait se mettre en travers de mon chemin, ni le vent, ni la terre, ni même ces foutus bambous qui me retenait enfermé.

Je finis par ouvrir les yeux, sentant une présence à mes côtés. Une femme. Sa chevelure couleur cendre ruisselant doucement sur ses vêtements sombres, son regard me fixait avec toute la grâce et la prestance d'une reine. Qui était-elle? Pourtant, au lieu de se présenter en répondant à la question, elle me demanda simplement : « Qui es-tu? ». Absolument pas perturbé, comme si mon esprit se trouvait dans une toute autre dimension, je répondis calmement : « Je suis Jun Taiji, empereur noir. ». Elle rit alors que les prisonniers se mettaient à chuchoter. Les réactions de ces derniers me paraissaient appropriées mais celle de cette femme me plongea dans la perplexité. « Qu'y a-t-il de si drôle? » demandai-je alors sèchement. Elle s'agenouilla pour être à ma hauteur. « Jun Taiji? Vraiment? ». Je soupirai, de plus en plus agacé, essayant de contenir mon envie grandissante de la réduire en charpie. « Je ne crois pas, non. ». « Comment ça non? ». « Tu n'es pas Jun Taiji. ». « Ah oui? Et qui suis-je alors? ». Saleté de femme. Elle rit puis finit par sourire, masquant ses dents d'un blanc parfait avec ses lèvres pour ensuite articuler : « Eh bien, c'est à toi de me le dire justement. ».

Elle m'avait laissé là, ne rajoutant pas un mot de plus, me tournant le dos avant de partir dans un nuage de fumée. Je sentais cette rage en moi, cette rage qui embrasait mon cœur et me faisait commettre l'irréparable. Pendant de longues minutes, voire même des heures, les prisonniers ne cessèrent de me regarder comme une bête curieuse, chuchotant des mots que je ne comprenais pas. « L'empereur noir hein? Enchanté, moi je suis Romuald. Oh moins on sait déjà qui gagnera les jeux... ». Je n'avais pas envi de répondre. Il était certain que cet individu n'allait plus m'appeler « mon jeune ami » à l'avenir. Au moins, mon titre me rapportait un privilège non négociable : l'on m'estimait beaucoup plus. Pourtant, qu'avais-je de si différent? Je n'étais qu'un homme qui avançait en suivant ses objectifs, ces mêmes objectifs qui me permettaient d'exister. Restant assis en tailleur, je me mis à méditer, mes oreilles devenant bientôt hermétique aux commentaires des détenus qui semblaient pourtant de plus en plus nerveux. Je n'entendais rien, ne voyais rien, non, je sentais simplement leurs sentiments, leur état et je ne percevais qu'une chose plus le temps s'écoulait : leur peur augmentait. Je me rappelai alors des mots de cet homme, Romuald. Il avait parlé de jeux, quels jeux? Et à peine m'étais-je posé cette question qu'un homme encapuchonné apparut, déroulant une liste sur laquelle étaient alignées des noms. Il commença, appelant une vingtaine d'individus avant de me regarder : « Toi là! Tu vas jouer aussi. ». « Il n'en est pas question. ». J'avais dit cela toujours aussi sèchement, fusillant du regard cet homme qui pensait pouvoir me dicter une conduite. Il sourit, son regard des plus mauvais soutenant le mien. « Et pourquoi donc? ». Il ne me faisait pas peur. Etais-je inconscient? Peut-être bien mais je n'avais pas l'intention de me comporter en lâche ou en esclave. Je participerai à ces jeux que lorsque je l'aurai décidé. Je ricanai. « Eh bien, déjà, je ne suis pas ton esclave. Je n'obéis à personne d'autre que moi. Une seule personne en ce monde a le droit de guider mes pas et j'ai le regret de te dire que sa beauté est mille fois supérieure à la tienne. Je ne procéderai donc pas à un échange de bourreau. Je me retrouve enfermé ici alors que je n'ai rien demandé et une espèce de folle arrive pour remettre en doute mon identité sans même m'expliquer les raisons de ma présence ici. Alors non, je ne participerai pas aux jeux avant que l'on ait étanché ma soif de connaissances. ». Je souris, restant en tailleur, mon regard planté dans celui de cet homme qui semblait ne pas savoir que répondre à mon argumentation. Il réfléchit un instant avant de dire. « Tu es ici en tant qu'invité de Shaana, déesse du feu. ». Je marquai un temps avant de répondre, trouvant la situation de plus en plus risible : « Ainsi donc, la déesse du feu enferme-t-elle ses invités? Je serai curieux de savoir où est-ce qu'elle a appris les bonnes manières. Veut-elle que je lui en inculque quelques notions? ». « Tiens ta langue mortel! ». « Sinon quoi? ». Les traits de mon visage changèrent doucement, une lueur de défi passant dans mon regard. L'homme encapuchonné fit un geste de la main, bouillonnant de colère. Les barreaux de ma cellule venaient de disparaître et je pouvais aisément deviner quelles étaient ses intentions.

« Artis, stop. ». La voix de Shaana avait raisonné, celle-ci se trouvant à quelques mètres de là. Elle me regardait. « Ainsi donc, le roi des sorciers est tel que le peuple le décrit. Je serai curieuse de savoir qui t'a enseigné une telle confiance en toi. Ne sais-tu pas à quel point cela pourrait t'être préjudiciable? ». « Et c'est la femme qui représente le feu qui dit cela? ».

Shaana me fixa un instant puis se mit à sourire sans que je ne puisse comprendre le sens d'une telle expression. Elle me rappelait Mitsuko, à sourire pour une raison inconnue, à sourire d'une façon à ce que j'ai l'impression qu'elle savait quelque chose que j'ignorai. Je ne dis rien, ne souhaitant pas me prêter à un petit jeu de devinette. Si cette déesse avait quelque chose à me dire, alors elle parlerait. Et ce fut justement ce qu'elle fit. « Viens avec moi. Les jeux attendront un peu. ». Elle me fit signe de venir. Je me levai avant d'avancer vers elle, la rejoignant. « Je vais te faire visiter les lieux. Nous avons à parler tous les deux. ». Elle se mit à marcher dans ce drôle d'univers, moi sur ses talons. Je n'avais aucune raison de refuser et je ne restais en aucun cas sur mes gardes. Après tout, si une Aether décidait de s'en prendre à moi, essayer de me défendre ne servirait guère à grand chose. Observant le paysage bien plus qu'elle, je me rendis compte que son monde était fait de cendres. Elle souriait de ce sourire étrange, paraissant bien plus bénéfique que maléfique. Je ne savais me faire une réelle idée sur elle. « Vois-tu, si le feu détruit, il purifie également. Il est source de vérité, source de renouveau. ». Elle me montra une direction que nous empruntâmes, nous engageant dans ce qui semblait avoir été un jour une forêt. Doucement, elle s'accroupit sur le sol, balayant la cendre d'une de ses mains, me montrant une jeune pousse. « Le feu est symbole d'éternité. Il signifie que toute chose a une fin et que c'est justement cette fin qui peut permettre le renouveau. ». J'étais d'accord avec elle mais je ne voyais pas ce qu'elle cherchait à me dire. S'il s'agissait d'une énigme, je ne la comprenais pas. Elle se releva, me fixant un instant. « Les êtres maléfiques peuplant ce monde doivent le détruire pour faire naître le bien, pour faire naître l'évolution. Chaque guerre apporte à la fois son lot de tragédies et de bonheur. L'économie est fleurissante la plupart du temps quand une contrée a été détruite. Ce que tu feras subir au monde lui sera bénéfique au final. Et, de même, le bien appelle le mal. C'est sans fin. Tout comme le feu brûle les habitations pour que la nature reprenne ses droits, pour que de nouvelles soient construites. On ne comprend véritablement le poids des choses qu'une fois qu'on les a perdu. ». « Et quel est le rapport avec moi. ». Elle sourit, se retournant pour continuer la route. « Toi tu es différent parce que tu ne te rappelles pas de ce que tu étais avant que Mitsuko ne te créée. Tu ne ressens pas le poids du manque puisque tu ne te souviens plus de ce que tu étais jadis. Mais laisse moi t'assurer que tu es très loin d'avoir été créé à l'ère du Yin et du Yang. Ton corps sans doute, mais nullement ton esprit. ». « Et si vous me disiez ce que j'ai à savoir? ». Elle rit alors que je perdais patience. Je détestais tellement que l'on me cache ce genre de choses, je détestais tellement rester ignorant. Mais comment me rappeler de quelque chose qui avait été effacé à tout jamais de mon être. Depuis le règne de Mitsuko à aujourd'hui, des siècles et des siècles étaient passés et je ne m'étais jamais souvenu de quoi que ce soit. Aussi, j'étais persuadé qu'elle se jouait de moi.

« Tu as tord de croire cela. Je ne suis ici que pour t'aider à trouver la voie. Réfléchis-y. Tu auras tout le temps d'ici quelques mois. Tu seras seul, dans un univers désastreux, dans un univers qui te tuera à petit feu. Et, si tu ne te souviens pas de qui tu étais, alors tu ne pourras jamais en sortir. ». Elle fi tune pause, faisant brûler les arbres encore vivants de la forêt dans laquelle nous avions dévié. « Mon monde t'aidera. Tu ne pourras en sortir qu'après avoir trouvé ton véritable prénom, celui qui fut le tien lors de ta naissance. Tu ne t'appelle pas Jun et encore moins Taiji. Tu as une identité, une réelle identité. ». Je soupirai, la trouvant désolante, m'énervant presque pour ce que je trouvais n'être qu'une farce de mauvais goût. Mais, en même temps, pourquoi une déesse s'amuserait-elle à me mener en bateau, à me mentir?

« L'opale de l'oubli que tu cherches depuis si longtemps est sans doute le fragment du cristal maître le plus difficile à trouver. ». Il est vrai que je le cherchais depuis bien longtemps. Cependant, je demandai : « Pourquoi donc? ». Elle rit. « Comment trouver ce que l'on a oublié? ». Elle fit une courte pause avant d'ajouter. « L'oubli est une chose réellement étrange car il n'est pas complet. Quelque part, en notre esprit, se trouve ce que l'on a oublié, ce que l'on sait depuis longtemps, ce qui est au fond de nous mais qu'on ne peut atteindre. Zéleph a... ». « Quel rapport avec lui? ». J'avais dit ça plus agressivement que je le souhaitais, finissant par soupirer devant ma propre faiblesse. Pourtant Shaana ne releva pas, continuant calmement. « Zéleph a oublié Mitsuko... ou peut-être ne l'a-t-il pas encore oublié? ». Elle me posait la question comme si elle n'était pas sûre que ce qu'elle avançait ce soit déjà produit. J'en étais étonné, ne sachant que répondre. Elle sourit, concluant sans doute à mon air que cela ne s'était pas encore déroulé. « Zéleph va donc oublier Mitsuko mais, quelque part, dans son esprit, elle sera toujours là. Ce que tu cherches, Jun, c'est ce qui a toujours été là, quelque part, ce que tu ressens, tes propres sensations qui s'éveillent au contact de certains lieux, au contact de certains objets ou de certaines sonorités. Les mortels n'écoutent pas assez, n'observent pas assez mais dès que tu commenceras à le faire, à chercher en toi, tu découvriras ce que tu n'as jamais vu. ». J'étais sceptique. Si tant est que cette histoire soit vraie, je ne pouvais prendre connaissance ainsi de ce que je n'avais jamais réussi à trouver. Pour moi, mon existence commençait lorsque j'avais ouvert les yeux devant Mitsuko. D'ailleurs... « Et qu'est ce que cela m'apportera de savoir? ». Ceci était une grande question car, après tout, peu importait ce que j'étais avant. Pour moi, seul le présent avait de l'importance et je ressentais un certain plaisir à savoir que Zéleph oublierait Mitsuko. Le choix qu'elle avait fait de se lier à lui n'était que stérile, une comédie sans nom. Cet homme n'avait rien à voir avec elle, n'avait rien à faire avec elle. Cependant, si je me réjouissais que leurs chemins se séparent, j'avais également encore plus envie de lui régler son compte. Comment osait-il l'oublier? Qu'elle oublie Naram ne me posait aucun problème mais que lui l'oublie, je ne le supportais pas. Souffrirait-elle? Je finis par soupirer. Je voulais la tuer et je m'inquiétez de sa souffrance.

Marchant toujours aux côtés de Shaana, je commençai à réfléchir au sens de ses paroles. Si ce que l'on oubliait était toujours là, alors, finalement, l'existence nous poussait vers ces données inaccessibles. Je réfléchissais à Naram et Mitsuko. L'oubli de la jeune femme l'avait conduit vers lui inéluctablement, même si leur relation n'était plus la même. Mais peut-être que cet oubli avait permis à la déesse de s'apercevoir de quelque chose? Ce que je ne savais pas encore, parce qu'elle ne le savait pas non plus, c'est que la perte de mémoire allait lui permettre de trouver le prénom du Mârid. Certes, ce prénom ne servait à rien mais à force de déductions, elle saurait. Le « Is... » de leur rêve commun relié au « Ismérie » de la plage. Comment pourrait-elle passer devant cela? Seulement, je n'en savais rien et je continuais à m'interroger sur les apports de l'oubli. Qu'est ce que l'oubli de mon identité m'avait apporté et si m'en rappeler me fournissait quelque chose, alors qu'était-ce? Shaana était restée silencieuse et elle finit par murmurer : « Cela t'apportera ton avenir. Sans ton identité passée, tu ne prendras pas conscience de ce pour quoi tu es fait. ».

Encore une fois, je ne comprenais pas. Mais tout était compliqué. Seule Mitsuko savait, la dernière.

Des mois plus tard

« Cher journal.

Il faut croire que chaque femme Taiji tient à avoir, au moins à un moment dans sa vie, un livre de pages vierges sur lequel écrire. Cela fait longtemps que je voulais révéler toutes ces choses qui tournent dans mon esprit mais nulle occasion ne m'avait été donnée auparavant. Il est de source sûre que le prénom de mon génie n'est autre qu'Ismérie. En recouvrant la mémoire, je me suis souvenue de la façon dont il s'était présenté à moi sur la plage et si, au début, j'ai cru qu'il n'avait fait que mentir, j'ai fini par me souvenir de ce rêve que nous avions partagé, ce rêve dans lequel je l'appelle, son prénom commençant par « Is ». J'ai d'ailleurs pénétré dans le manoir Taiji pour en avoir confirmation, retrouvant le papier sur lequel je l'avais noté avant de devenir aether. J'ai bien entendu fait disparaître celui-ci pour que jamais mon ancêtre ne tombe dessus. Il est vrai qu'un simple papier contenant deux lettres ne veut rien dire de particulier mais je sais parfaitement de quoi elle est capable.

L'autre chose, et des plus importantes, concerne le passé et l'avenir de Jun. Lorsque Haruki est mort, j'ai fait jouer le Requiem de telle manière à ce que seule moi l'entende. Cette musique est sensée causer la mort de qui s'y trouve confronté. Seulement, j'étais à l'époque déjà une déesse et, au lieu de trouver mon trépas, je trouvai alors le dieu de la mort. Jun assistait aux funérailles, figé comme tous les invités pour ne pas entendre le Requiem et, alors que cet homme présent ne bougeait plus, je l'avais en quelque peu différent devant moi. Jun, le dieu de la mort. J'ai d'abord pensé qu'il l'avait toujours été, son enveloppe mortelle n'étant qu'une chose étrange. Peut-être était-il un aether qui avait perdu ses fidèles, mon ancêtre trouvant un moyen de créer à partir du rien qu'il représentait à l'époque. Mais cela ne tenait pas, elle n'aurait jamais été aussi puissante. Et j'ai réfléchi sur d'autres probabilités. Je n'ai trouvé nulle trace de l'existence de Jun avant l'ère du Yin et du Yang. Seulement, je ne cherchais pas au bon endroit. A force de m'interroger sur le sujet, j'ai fini par glisser sur la création même des chamans. J'étais certaine que cela n'était pas un hasard. Cette race est jeune mais, pourtant, le lien que ses membres ont avec les esprits est complexe. Le monde est peuplé d'esprits mais il est impossible qu'il les contienne tous, nous serions littéralement submergés, même s'ils n'ont aucune matérialité. Alors j'ai pensé qu'il devait y avoir, quelque part, un lieu où les esprits vivraient. Cela peut paraître fou mais en interrogeant des aetheri, je suis arrivée à la découverte de choses extraordinaires. Car oui, les dieux de la mort et de la vie avaient trouvé un lieu pour les fantômes, un lieu gardé par sept gardiens, ces gardiens choisis non pas pour un quelconque suicide, mais pour leur capacité extraordinaire à communiquer avec le monde des morts, à en comprendre les rouages et, surtout, à avoir la capacité de « toucher » les esprits. Seulement, depuis, ce monde est tombé en ruine et si beaucoup d'esprits y sont restés, les autres se sont répandus sur les terres du Yin et du Yang. C'est pour cela qu'ont été créé les chamans, pour garder ce monde comme le faisait avant les sept élus. Et, lorsque je me suis rendue dans une bibliothèque dans laquelle seul un génie ou un aether peut se rendre, je suis tombée sur une représentation des sept gardiens, dont un ressemblant comme deux goûtes d'eau à Jun : Ezechiel. C'est ici que j'ai compris ce qu'était Jun avant de devenir l'esclave de mon ancêtre. Car ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a utilisé le code des gardiens pour le tromper, pour le réduire à oublier sa propre existence, comme les fées qui oublient le jardin secret. Par contre, ce que je n'explique pas, c'est que Jun ressemblait déjà à Naram en ce temps là. Alors, au fond de moi, je me demande si cette découverte est la vérité, si cette découverte n'est pas qu'un coup monté ou si la représentation d'Ezechiel n'a pas été faite après que mon ancêtre se serve de lui pour créer Jun. Il ne demeure pas moins qu'avant de devenir gardien du monde des esprits, je ne sais ce qu'il était. Humain sans doute? Aucune idée ne vient en mon esprit mais je finirai par le découvrir. Jun est, en réalité, bien plus vieux qu'il ne le pense.

Mitsuko T. S. »

« Pourquoi tu m'as tué? ». Non, pas lui, pas encore. Je voyais cet enfant partout, tout le temps. Je ne savais même pas où j'étais mais il me hantait inlassablement. Je me pris la tête dans les mains, me tordant de douleur dès qu'il redit ce qu'il m'avait déjà dit ces jours derniers : « Je vais te tuer à présent... L'équilibre Ezechiel, l'équilibre... ». Cet enfant avait une voix d'enfant mais nullement les propos. Je souffrais, mon cœur se serrant. J'avais l'impression d'étouffer. Cette fois, c'était certain, j'allais mourir. Mon cœur semblait tout à coup vouloir ralentir, diminuant comme une horloge ayant besoin de toute urgence d'être remontée. J'étouffais, je ne pouvais plus respirer, je voulais qu'il parte, lui et sa voix. Je ne savais pas où j'étais, je ne me souvenais que de ma transformation en génie. J'étais puissant, trop puissant, mais pas assez dans ce lieu. Je ne savais pas où j'étais. « Laisse moi! » Mes mots n'avaient plus rien d'humain, je ressemblais à une bête blessée, croulant sur un tas d'immondices, les immondices de ma vie. J'avais tué et je n'avais jamais été créé pour ça. Mitsuko, la première, elle avait fait de moi un monstre, elle avait fait de moi ce qu'elle voulait mais, à présent que le filtre qui recouvrait ma mémoire s'ébréchait, je commençais à entrevoir la misérable vie qui était devenue la mienne. Pourtant, il y avait toujours cet enfant. C'était moi que l'on punissait alors qu'elle était la véritable coupable, celle qui avait tiré les ficelles d'une main de maître. Je n'étais qu'un pantin désarticulé que l'on jetait au feu comme bouc émissaire d'une œuvre qui n'était pas la sienne. J'étais certains qu'ils me critiquaient dehors, qu'ils riaient de mon sort. Je ne savais pas que j'avais disparu, que personne ne savait où j'étais. Je ne savais pas que j'étais dans un cauchemar, un cauchemar qui aurait de lourdes conséquences sur mon avenir.

Je me mis à courir, et ce, malgré la douleur. Je voulais fuir cet enfant mais je ne pouvais pas. Déjà des ombres m'encerclaient, comme celle de diables souhaitant me punir de mes pêchers. Je ne comprenais pas ce qu'elles disaient. Elles chuchotaient puis se mettaient à crier d'une façon si stridente que je ne pouvais faire autrement que de m'arrêter, me rouler sur le sol, mes mains essayant de protéger mes tympans torturés. Mais elles n'en avaient pas fini car leurs visages se transformèrent en abeilles, abeilles qui se dirigèrent vers moi, me piquèrent sans que je ne puisse rien faire. Je rampais, essayais de m'en sortir mais l'enfant revenait « Pourquoi tu m'as tué? ». Je voulais lui dire, je voulais lui dire que je n'avais pas le choix, que j'étais obligé, que je ne me contrôlais pas, que c'était le poison qu'elle avait inséré en moi comme la rage qui m'avait fait agir. Je m'étais cru grand, je m'étais cru invincible, mais en réalité, elle ne faisait que rire de cette impression de puissance. Elle m'avait déjà planté un couteau dans le cœur bien avant que je ne m'en rende compte, anesthésiant la plaie pour que je reste ignorant. Je tombais, encore. J'étais pourtant couché sur le sol quelques secondes avant mais il venait de se dérober. Il n'y avait plus rien autour de moi, ni guêpes, ni ombre, ni voix. Le vide, du blanc. J'étais seul. Mais j'entendis cette voix de nouveau résonner : « Pourquoi tu m'as tué? ». Un miroir tomba devant moi, affichant mon reflet, mon reflet entouré de tous les hommes et les femmes que j'avais tué. Je ne pouvais plus le regarder, je ne pouvais plus me regarder en face. Je ne comprenais pas ce dégoût soudain pour ma personne, je ne comprenais pas ma propre histoire. Il me semblait y avoir eu un avant Mitsuko, mais je ne me souvenais pas de ce qu'il était. Shaana m'avait mis sur la piste des mois et des mois auparavant mais je n'avais rien trouvé. Était-je condamné à ne me souvenir de rien? De rien avant l'ère du Yin et du Yang?

Des mois plus tard

Je me tenais au sommet du rocher au clair de lune, celui-là même duquel j'avais sauté, accompagné par le regard neutre de la déesse de la justice. Ombre, cet état ne me convenait pas, pas plus que celui de génie ou celui de rehla. C'était comme si ma vie n'était qu'une blague sans fin, comme si j'étais condamné à passer par tous les stades, toutes les races pour espérer enfin trouver ma voie. Bénéfique, neutre, maléfique, tout ceci n'avait aucun sens. J'étais lié à la mort, je la sentais en moi, telle un poison auquel j'aurai été dépendant. La semer, la comprendre, tout ce qui était en rapport avec elle me fascinait. Je le savais depuis bien longtemps, lorsque, niché dans l'esprit de Mitsuko, je l'observer tuer sans rien faire, lorsque, ange, j'avais ramené des personnes à la vie. La mort avait toujours eu pour moi une signification particulière, elle était, de plus, mon alliée. Je ne mourrai pas, quoi que je fasse, qui que j'affronte. Il y avait toujours cette courbe du destin qui me sauvait à temps, comme si la finalité de mon existence était déjà tracée. Alors, en haut du rocher, je cherchais désespérément des réponses à mes questions. Je me demandais comment j'avais fait pour trouver l'opale dans ce futur où j'avais réuni le cristal maître. Je me demandais comment il se faisait que j'avais réussi à l'acquérir dans ce futur alors que j'avais déjà ratissé la tour inconnue dans laquelle il était sensée se trouver. Mais justement, ce qui rapprochait cette tour et moi, c'est que personne ne nous connaissait réellement. Peut-être les dieux, mais elle et moi ne nous connaissions pas nous-même, toujours à la recherche d'une autre forme, d'un autre lieu qui nous irait, d'un autre chemin.

Shaana fit son apparition, dans le silence le plus total, sa voix me faisant sursauter. « Nous y revoilà. ». Oui, toujours le même point, sauf que, cette fois, je n'étais plus plongé dans son monde. Si elle était là, c'est que le moment était venu pour moi de savoir, de comprendre. Seulement, je savais qu'elle ne me dirait rien, qu'elle n'était ici que pour guider ma pensée, que pour faire en sorte que je réussisse enfin à trouver cette pierre. « Réfléchis Jun. Penses à tous les éléments qui ont gravité autour de toi ces dernières années. Penses à ton supplice, pense à cet enfant, pense à Myrielle. ». Myrielle, elle m'avait dit que mon prénom était tout autre que celui que je portais à l'heure actuelle. Elle avait sans doute raison, probablement, mais comment le trouver, comment savoir ? Et puis, je me rappelai alors de cet enfant, celui qui m'avait suivi des jours et des jours pour m'accuser du forfait de son meurtre. Il apparut, me fixant des ses yeux émeraudes. Il attendait, il attendait comme la déesse du feu que je trouve enfin ce qui me manquait, ce qui était en moi depuis le début mais que je n'avais jamais réussi à trouver.

L'opale de l'oubli, la pierre la plus difficile à trouver. Je ne pouvais pas l'avoir acquis tôt. « Non, il s'agit même du dernier fragment que tu as réuni. ». Le dernier. Pourquoi ? Ce n'était pas logique puisque je le cherchais depuis si longtemps. « Nous te laissons réfléchir. ». L'enfant me fixa, un petit sourire sur les lèvres. Il aurait voulu me dire quelque chose mais il resta muet. Lui, il savait, il savait où se trouvait le fragment du cristal maître. Je l'ignorai. Mon regard se porta sur la lune, à son zénith, comme chaque fois que j'étais venu ici. Je devais réfléchir et, au fond, je savais que la réponse était si simple, si évidente. Mais la simplicité est souvent bien complexe pour qui la cherche.

La solution. Il me la fallait. L'opale de l'oubli. Je fermais les yeux un instant, sachant parfaitement que son pouvoir était de troubler la mémoire, de faire en sorte que celui qui subissait ses pouvoirs ne se souvienne plus. Avais-je un jour subi sa magie ? Après tout, je ne me rappelais pas de mon existence avant qu'Aria ne fasse de moi son larbin, j'avais perdu tout souvenir lorsque je m'étais réincarné en ange, tout souvenir de Mitsuko. Cette pierre, je l'avais trouvé en dernier, lorsque le cristal était presque complet. Je savais également que les pierres s'attiraient entre elles, que plus le possesseur avait de fragments, plus il était puissant, plus ces fragments appelaient les autres. Alors si je l'avais trouvé en dernier, si celui-ci avait été attiré par le cristal c'est que... qu'il était là où je n'avais jamais cherché, quelque part où je n'avais pu le sentir : en moi ! C'était ça la réponse, j'en étais convaincu. J'étais celui qui avait oublié, celui à qui le passé avait été caché et plus que quiconque, l'opale m'avait choisi comme maison, comme abri. Mais alors, cela voulait également dire que j'étais en vie lorsque... lorsque Sympan avait disparu. Je fixai la lune, incrédule, me demandant si je devais m'ouvrir le ventre pour vérifier ma théorie. L'enfant m'apparut de nouveau, répétant ce qu'il avait dit une fois, dans le songe où Naram m'avait fait sombrer : « L'équilibre Ezechiel... l'équilibre... ». Ezechiel, cela ne ressemblait-il pas aux premières syllabes que Myrielle avait prononcé en me voyant dans le futur où elle m'avait fait voyager. Elle m'avait dit que mon prénom était bien plus beau que ce nom d'emprunt que l'on m'avait donné. Jun, cela ne voulait rien signifier. Jun n'était que le prénom du frère décédé de mon double, que le prénom du frère de celui qu'Aria aimait. M'avait-elle appelé ainsi pour désigner « l'autre », « le double », « le frère », m'avait-elle appelé ainsi pour que je puisse un jour éveillé l'intérêt chez le génie ? En attendant, il n'était plus là, il avait disparu et son intérêt pour moi semblait s'être considérablement réduit de ce fait. Peut-être était-il simplement mort ? Non, c'était impossible, un homme de son gabarit ne pouvait guère l'être. Je l'aurai forcément senti, je l'aurai su. Mais peut-être que notre ressemblance n'était qu'illusion, peut-être que ma véritable apparence n'avait rien à voir avec celle que j'avais emprunté depuis ma « création » par Aria. Peut-être était-ce même elle qui m'avait façonné à l'image de Naram. Il n'y avait que cette explication. Elle avait modifié mon physique.

« Qui es-tu ? ». Je ne savais pas, je n'avais qu'un prénom, un seul et unique prénom. Pourtant, peut-être que ce prénom était la clef ? Peut-être était-ce lui la fin de l'énigme. Je fis apparaître dans ma paume le rubis du désert. Cela remontait à si longtemps, lorsque Naram me l'avait confié, confiant à Mitsuko par la même occasion son habitacle. Un double don. Au final, jamais la jeune femme n'avait su que ce collier était l'habitacle du génie, du moins, pas avant de s'élever, en prenant conscience quelques temps avant, quand l'homme avait déjà la possibilité de se détacher de ce dernier. Et moi qui me trouvais au sommet de ce rocher, je regardais le rubis, ce rubis où était inscrit mon prénom. Peut-être n'était-ce pas un hasard, peut-être ne m'était-il pas dédié. Jun était hors de moi, Jun était un autre que moi, et si j'avais vécu en l'incarnant, comme je continuerai par la suite à le faire, je n'étais pas Jun. J'étais... « Ezechiel ! ». Un simple mot, prononcé avec ardeur, prononcé avec le ton ferme que j'employais par le passé pour me faire comprendre de mes sujets, ce simple mot eut pour effet de faire jaillir une lumière de mon corps. Et, sans que cela ne soit douloureux, l'opale sortit de mon cœur, flottant à quelques centimètres de mon être. Je la pris. L'énigme touchait à sa fin et la mémoire de mon passé pourrait reprendre un jour place dans mon esprit.

« Bravo. ». Je tournai les yeux vers Elle. Je savais que c'était la déesse de la justice, je n'aurai pu l'ignorer à cause du lien ancien qu'il y avait eu entre nous. Elle se tenait là, flottant silencieusement dans le vide. Son ton n'était pourtant pas enjoué, il était même froid. Que lui arrivait-il ? J'avais l'impression d'avoir fait un pas vers la vérité mais la mine de Mitsuko me donnait l'impression de reculer de deux. Elle s'éloigna un peu, un arc apparaissant entre ses mains. « Une nouvelle passion pour le tir ? ». J'étais ironique mais, en même temps, je me questionnais. Elle porta la flèche à la hauteur de son œil, arquant l'arme. « Tu... ». Elle allait réellement me tirer dessus ? Oui, et je n'eus même pas le temps de me déplacer, la flèche s'accrochant à ma chemise pour me plaquer au sol avec force. Elle ne m'avait pas blessé mais j'étais à présent coincé. Elle se posa à côté de moi, me fixant de toute sa hauteur. Il est vrai que lorsque j'étais debout, elle semblait fragile à côté de moi mais, à présent que je la voyais depuis terre, elle semblait pouvoir représenter mon pire cauchemar. Pourtant, cette impression de dureté disparue et elle finit par me sourire. « Je pense qu'Erza est venue à toi, n'est-ce pas ? ». Erza. Je soupirai en silence. Elle avait raison et je n'avais su quoi faire de la fille de Zéleph. Je ne pouvais m'en occuper, déjà parce qu'elle me paraissait instable, ensuite parce qu'elle n'était pas ma fille, et, enfin, parce que si l'ancien roi des réprouvés apprenait la chose, je risquais de mourir, purement et simplement. Enfin, dans mon état actuel, il pouvait toujours essayer de me frapper, je n'allais guère sentir grand chose. Mitsuko rit, espionnant probablement mes pensées. « Oui. Je lui ai dit de se rendre au château Malkavian où je lui ai fait réserver des appartements. ». Je fis une pause. « Écoute, je n'ai pas envie de me mêler de vos histoires de couple. C'est ta fille, sa fille, moi, ça ne me regarde pas. Je veux bien qu'elle reste mais il est hors de question que je fasse semblant d'être son père. Elle n'a pas l'air idiote, elle va comprendre au bout d'un moment. Tu devrais lui dire la vérité. ». « Silence. ». Cette femme était infernale. J'arrachai la flèche de ma chemise, me redressant pour glisser mes doigts dans son cou, serrant légèrement. Je savais que je ne pouvais la tuer mais il était hors de question qu'elle me prenne pour une marionnette. « Ne me parle pas sur ce ton. Je te signale que JE t'ai protégé durant ton existence entière. Alors peut-être que j'ai faillis te tuer, peut-être que j'ai réussi dans un futur qu'on ne vivra jamais, mais si on compte le nombre de fois où je t'ai sauvé la vie, je pense que tu me dois un minimum de respect. Déesse ou pas, j'en ai rien à faire. Si tu es venue pour me dire de me taire, tu peux repartir d'où tu viens. Je n'ai pas besoin de toi ! ». Elle semblait choquée que je lui parle ainsi et ça me plut assez. Depuis que le lien avait été rompu, les choses étaient différentes entre nous. Je ne me sentais plus irrémédiablement attiré par elle. Oh bien sûr, je la trouvais sublime, mais ce sentiment si fort que je lui portais jadis avait totalement disparu. Je n'étais plus obligé de prendre soin d'elle et ce fait m'avait également permis de sortir de mon esprit la possibilité de lui faire du mal. Je voulais simplement que nous nous entendions, comme deux amis.

Elle finit par sourire, ce sourire m'annonçant que j'avais dû me tromper sur un point. « Au contraire, tu as besoin de moi Ezechiel. Je suis celle qui est chargée de te montrer la voie et je ne peux me soustraire à cela. C'est mon devoir. Je dois le faire. ». Je grimaçai. Elle savait tout depuis le début. Elle savait pour mon passé, elle savait ce que j'ignorai. « Pourquoi tu ne m'as rien dit ? ». J'aurai pu être furieux à cet instant mais je préférai connaître la raison avant toute tentative de meurtre sur une divinité. Elle se redressa. « Chaque chose en son temps, n'est ce pas ? ».

Chaque chose en son temps, certes, mais que me réservait le temps présent ? Elle finit par me dire doucement : « Je ne t'ai pas demandé de servir de père à Erza. Il est évident qu'elle ne te ressemble en aucune manière. Seulement, il semble que mon moi futur ait prévu que tu serais le seul apte de l'aider quand elle apparaîtrait dans notre temps. Zéleph était incapable de se souvenir de quoi que ce soit me concernant. J'ai rejeté Erza le jour même où elle est arrivée. Naram a disparu. Il ne restait plus que toi, toi et Edelwyn. Alors non, tu n'as aucune crainte à avoir, tu ne feras pas office de figure paternelle pour ma fille. Surtout que d'ici quelques temps, elle sera bien trop forte pour son propre bien. ». « Je pense bien. Avec des parents comme lui et toi, il ne pourra en être autrement. Cela me rappelle la deuxième des Mitsuko, une enfant qui a été conçue par deux figures d'une puissance incomparable. Lucifer et Aria ont donné naissance à un monstre, à un être si maléfique que la folie même ne pouvait rivaliser avec elle. Enfermée dans le cœur de l'océan après avoir donné la vie. J'espère que pareille chose n'arrivera pas à ta fille. Surtout qu'elle semble plongée dans des vices bien regrettables. Tu y es pour quelque chose. Je te l'ai déjà dit mais je pense qu'ils serait préférable que tu lui avoues la vérité. ». Elle sourit, changeant de sujet tout en restant dans le thème. Il m'était impossible de lui faire entendre raison. Je savais qu'elle était blessée, que sa fausse couche lui avait fait du mal mais elle s'en faisait encore plus en ignorant sa fille, en la laissant se perdre dans les affres de l'alcool et de la drogue. Zéleph savait-il ? S'en fichait-il ? Ça faillit me faire rire. Ils étaient l'un et l'autre têtus comme des bourriques, tellement que je m'étonnais encore qu'ils puissent se supporter davantage. La passion sans doute, l'amour peut-être. Un jour, ils risquaient de détruire un continent.

« Tu as parlé d'Aria et de Lucifer il y a quelques minutes et tant mieux car cela m'empêchera de les mentionner moi-même. Je suppose que ta mémoire à son sujet est vive puisqu'il fut le dernier amant d'Aria. Cependant, sache que des ères avant la rencontre de Lucifer et de mon ascendante, celui-ci eut un enfant avec une humaine, un garçon, que sa mère nomma Ezechiel. Toi. ». Moi qui était d'humeur ironique, sarcastique, d'humeur à me moquer ouvertement de Mitsuko, je changeai de comportement du tout au tout . « Qu...quoi ? ». La constatation qui me frappait était si malsaine. Si la déesse disait vrai, cela voulait dire qu'elle se tapait à la fois le père et le fils. Lucifer et moi. Pourtant, il ne m'avait pratiquement jamais adressé la parole. Cela ne se pouvait pas. « Si, cela se peut. Lucifer est ton père. Il n'a simplement jamais voulu te prévenir puisque tu avais tout oublié. Et puis, il ne souhaitait pas trahir les secrets d'Aria... ». « Je ne comprend rien. ». « Je le sais mais tu finiras par comprendre un jour. Je suis ici pour te donner des pistes mais je ne peux en aucun cas te donner toutes les réponses que tu attends. Sache simplement que ton père est également mon ancêtre. Nous sommes de la même famille et ce qu'a voulu Aria de toi, ce qui a fait que tu m'aimes, n'était qu'une pure farce. ». « Aria n'a jamais voulu le bien de personne. ». Elle sourit. Je savais qu'elle ne me disait pas tout mais peu importait. Je pressentais quelque chose de plus, quelque chose qui me demanderait de donner mon accord.

« Jun... je suis ici pour te changer en chaman. ». Je levai les yeux au ciel. Les dieux devaient s'amuser avec moi pour que j'ai a changé autant de race en si peu de temps.

Je ne savais pas ce qui me restait le plus coincé en travers de la gorge : le fait d'avoir en moi depuis un temps certain l'opale de l'oubli que je cherchais depuis des lustres, apprendre que j'avais eu une vie avant Aria, apprendre que Lucifer était mon père, apprendre qu'Aria avait couché avec nous deux en même temps, prendre conscience qu'il y avait encore bien des choses que j'ignorai, savoir que j'avais voulu coucher avec une femme de ma famille, que je l'avais aimé ou apprendre que la déesse allait me changer en chaman. Je finis par porter ma main à mon front, sentant cette colère latente monter en moi. Ma vie était un véritable champ de bataille, un foutoir monstre. Elle me fixait, je le savais. Elle attendait que je me décide. Seulement, je ne pouvais pas accepter comme ça, sans plus d'explications. Qui me disait qu'elle le faisait pour mon bien et non pour me punir d'avoir osé défier les dieux ? Je me relevai, la regardant à mon tour, mes yeux dans l'émeraude des siens. Elle ne pouvait me mentir sur ses intentions, c'est ce que je croyais et j'en étais à peu près certain. Déesse ou non, je l'avais vu grandir, je l'avais côtoyé bien avant sa mère, j'avais vu ses premiers pas, j'avais observé ses premières expériences, partagé ses premières idées. Je l'avais vu tomber, je l'avais vu faible, je l'avais vu forte, je l'avais même surprise à pleurer plus d'une fois. Alors, finalement, cette femme était comme un reflet de ma propre personnalité. Elle s'est construite à mes côtés, j'avais évolué aux siens. Elle ferma les yeux cinq secondes, finissant par me souffler : « Si tu ne deviens pas chaman, ta vie se terminera sans que ce pour quoi tu es né ne s'accomplisse. Je ne suis pas ton ennemie Jun, je me fiche de ce que tu m'as hypothétiquement fait dans ce futur. Je t'en veux, oui, je te maudis pour ce que tu as fait subir à mes proches, à Zéleph, à ces enfants, aux réprouvés, à tous ces gens que tu as décidé d'éliminer. Mais je sais ce qu'est le mal, je sais quand il ronge un individu. Tu étais trop faible pour le maîtriser et, quoi qu'il en soit, les choses devaient se passer ainsi. ». Elle fit une pause avant de continuer. « A présent, tu as le choix. Soit tu me fais confiance et tu acceptes la transformation, soit tu subiras un futur qui ne t'es pas destiné. Ton parcours est simplement exceptionnel et c'est pour cela que j'ai décidé de t'aider à arriver à la fin de ton périple, mais tu dois prendre une décision maintenant. ». Bien sûr, cela ne pouvait attendre. Je voulus réfléchir mais je sentis que je devais m'en passer pour cette fois. J'étais pourtant un homme qui détestait placer les choses au hasard. J'aimais imaginer toutes les possibilités avant de me lancer dans une entreprise. Je devrais faire abstraction, laisser parler mon instinct. Je fixai l'opale de l'oubli, comme si je cherchais une solution dans cette dernière. « D'accord. ». « Bien. ».

Mitsuko semblait heureuse de ma décision. « Nous allons commencer sans perdre plus de temps. ». Elle regarda la lune puis se tourna vers moi, déboutonnant ma chemise. Je la regardais faire, amusé de cette situation. Elle aurait fait cela quelques temps auparavant, j'aurai été incapable de me tenir. Mais, à présent, je l'observais simplement, sentant son parfum sans que celui-ci n'éveille chez moi le désir. « Un jour, lorsqu'elle t'a changé en sorcier, Isabella a tracé sur ton corps de multiples tatouages, te disant qu'ils renfermaient un pouvoir dont tu n'aurais pas conscience avant longtemps. Ce temps est arrivé car tes tatouages seront ceux qui canaliseront tes pouvoirs de chaman. Tu vas vivre un retour aux sources, un retour naturel, nécessaire. Es-tu prêt ? ». Quelle question. « J'ai pris une décision, je ne reviendrais pas sur celle-ci. ». Elle posa alors sa main sur mon torse, récitant en me regardant dans les yeux : « Moi, Mitsuko Taiji Stark, déesse de la justice, créatrice de la race des chamans et ton maître, en cette nuit, je te fais devenir l'un des médiateurs entre le monde des vivants et celui des morts. Je t'offre les dons qui te permettront de contrôler ces derniers. A cet instant, tu deviens et tu resteras chaman. Par ces tatouages, tu acquiers tes pouvoirs et ton ethnie. ». Des changements physiques s'opérèrent en moi, mes tatouages s'illuminant dans une lumière bleutée. Je n'étais pas au bout de mes surprises...