" Emmène-moi au pays ou sont nés mes désirs, la clef qui en ouvre la porte est dans tes mains, emporte-moi.. là bas.. maintenant. " chantonnait le fou, chantonnait le diable. Mais un rire singulier stoppa la chansonnette dans son élan d'allégresse, un regard saisissant le vampire, le fantôme chantant lui murmurant aussi tôt qu'il avait ouvert une boite de Pandore un peu particulière. Car le beau vampire était un bien plus bel orateur lorsqu'il parlait de façon insensée. Comment aligner en une même phrase sa volonté de tout sacrifier et de tout sauvegarder; l'attachement et le sentiment qui s'y rajoute étaient une notion bien trop subjective pour être honnête. Nous savions tous deux que vouloir faire la part des choses et la faire réellement étaient deux choses trop distinctes, trop éloignées dans notre conscience. On aimerait parfois agir avec perfection, faire toujours les bons choix mais si la vie était ainsi, l'équation serait trop simple, trop fade. Les personnes gravitant dans la vie de Sparrow étaient ou seraient irrémédiablement des complications qui changent ses intentions, modifient ses plans. Mais je ne dis rien à l'homme aux desseins particuliers. Je préférais le laisser fonder sa propre opinion sur des questions qui parfois, n'avaient aucune réponse, la difficulté résidant dans le fait qu'il n'y ait justement aucune réponse pour abreuvoir le néant béant de nos coeurs. Il n'y avait pas une solution précise à un problème précis, pas un mode d'emploi pour chaque situation. Tout était au poids et à la conscience de nos actes et j'étais certain que de ce côté, Sparrow serait porter au moins un fragment du monde sur ses épaules.

Une violente bourrasque envolait tout ce qui ne pesait qu'une plume et les cheveux de Sparrow lui cacha la vue un instant, un seul instant qui suffit à tout emporter, à les emporter bien plus loin.

" Mais Sparrow, nous y sommes déjà. Lorsque tu... " j'hésitai longuement.

" Lorsque tu es parti. Le monde courrait à une déchéance dont tu te doutes peu. Bien sûr, je sais que tu n'es pas responsable de cet état de crise mais il semblait que tout ce que les hommes avaient fondé de leurs mains, étaient détruits de ces mêmes mains. Chacun entreprenait tant d'énergie à sa propre perte. Et j'avais peur. Peur qu'ils s'en prennent à nous, aux édifices d'un temple qui symbolisait tant. Que les pilleurs volent nos trésors, qu'ils profanent ton empire. Alors j'ai eu une idée. Celle d’emprisonner le temple, ses secrets et sa magie dans une boite à musique. Au début je la gardais jalousement, jusqu'au jour où tu reviendrais. Mais les autres esprits réfugiés dans ce temple minable ont soumis l'idée que tu ne reviendrais pas. Et au fil du temps, j'ai cédé. Ils m'ont pris la boite à laquelle je tenais tant, je les ai haïs pour ça. Et chaque être, qui passait la porte du temple en quête d'une arme, pouvait à sa guise l'ouvrir. Mais si aucune musique ne résonnait, le souvenir de l'avoir ne serait-ce qu'aperçu leur était volé. Je suis l'auteur de ce maléfice qui faisait qu'aucun élu n'était jamais désigné. Car tout au fonds de moi, je n'ai jamais perdu espoir. Les autres esprits pensaient en toute indolence que le destin tranchait mais je me faisais la main du destin en plus de l'avocat du diable. Et j'ai plus foi en toi que tu ne peux l'imaginer. Ne me déçois jamais, Sparrow. "

Et sous un crépuscule de plus en plus vif, au sommet de falaises qu'aucun homme n'oserait encore conquérir ou même fouler d'un seul pied, je dévisageai les couleurs fanées du soleil en repensant aux temps troubles où toutes les promesses entre mortels et immortels furent rompues au mépris des ambitions personnelles et des égoïsmes humains.

" Et la musique a résonné cette fois. Elle a résonné dans tout le temple, a prévenu tous les esprits. Tous ces idiots qui croient en un prophète invisible. Mais tu veux mon avis ? Il n'y a que la foi des Hommes envers un autre, plus méritant, qui fait de lui un être exceptionnel. Les autres croyances sont à mon sens de la pure connerie, une façon plutôt bien pensée de museler ceux qui ont peur et qui refusent de voir la réalité en face, de voir la vie telle qu'elle est. Te laissant tout seul en duel avec l'esprit de la mort. Mais tu vois mon ami.. Étrangement, j'ai comme l'instinct que tu sauras parfaitement assumer ce duel. Car, comme tu l'as dit toi même, tu as déjà dansé bien des fois avec la mort. Tu as même affronté ton âme, aussi noire l'avais-tu rendu." et le vampire pouvait enfin comprendre toutes les mises en scène que j'avais imaginé pour l’amener à ce point précis.

Je me poussai un peu pour laisser à Sparrow toute l'étendue qu'offrait la vue sur l'horizon cuivré. L'infini d'un endroit qui donnait au vampire le goût de son immoralité, lui prouvait à quel point ces choses n'avaient de fin. Il pouvait plisser les yeux, chercher à en voir le bout, cela ne suffirait jamais. M'approchant de lui, je penchai ma tête pour lui susurrer d'un air étrangement sournois :

" Et voilà, l'empire que j'ai sacrifié, pour permettre sa sauvegarde. Et te le rendre, enfin. " je donnais ainsi mon point de vu sur les notions vagues que Sparrow avaient énumérés un peu plus tôt.

" Ressens-tu ce trou béant dans ta poitrine ? Le vide est-il toujours aussi incommensurable ? Te sens-tu toujours aussi seul malgré ta morale peu commune ? Penses-tu pouvoir à nouveau régner ? " mes mots résonant comme un adoubement subtil.

Alors que le livre de ma vie se complétait de quelques secondes d'existence à peine, il n'en fallu pas moins pour changer complètement ce qui m'entourait. Ou plutôt ce qui nous entourait, William et moi. Je dégageais les mèches de mes cheveux rebelles qui m'empêchait de voir. Bien qu'en réalité je savais pertinemment que ce monde n'avait pas besoin de ces yeux. C'était avec le coeur qu'il fallait regarder, avec son instinct et son âme propre. La vue en elle même ne servait qu'à être trompé, redirigé, distrait... j'en avait conscience. Mais je devais le voir. Je devais contempler le monde qui m'avait été retiré. Mon royaume en quelque sorte. Je devais le voir tel qu'il était, tel qu'il avait été. L'esprit William prit ainsi la parole tandis que je contemplait les environs de mon temple tel un nouveau né qui ouvrait les yeux pour la première fois. Ce nouveau regard que je portais en ce moment même, me donnait cette envie de reprendre en main ce monde. Je voulais bâtir quelque chose à nouveau. Reprendre contact avec les esprits, leur expliquer ce qu'il s'était passé. Ils avaient peut-être abandonné l'idée de me revoir, peut-être avaient-ils également abandonné la confiance qu'ils avaient jadis en moi ? Quoi qu'il en était, il fallait que je fasse quelque chose. William me l'expliquait à l'instant. Je venais d'ouvrir cette boite de pandore. Le monde des esprits allait pouvoir renaitre tel qu'il était il y a de ça de nombreuses années. Il ne faudrait que quelques minutes avant que ces entités n'arrivent pour observer de leurs yeux ce qui se passait. Si toute fois William leur en laissait l'occasion. Il s'était déjà grandement imposé pour m'accueillir.

Je marchais alors sur ces terres fertiles. La nature semblait être invulnérable ici. Le temple avait gardé son aspect si particulier. Un immense palais en ruine entouré d'eau et d'herbe. De cette nature se dégageait encore d'innombrables sphères lumineuses symbolisant chaque fois un esprit différent. Oui.. mes souvenirs revenaient quand à ce lieu magique. Et rien n'avait changé. Le sort de mon ami William avait fonctionné à merveille. Il a su conserver ce monument et tout ce qui l'entourait de manière remarquable. Je venais alors de m'accroupir afin d'arracher une poignée de cette herbe avant de l'apporter à mes narines. Puis lentement, j'écartais mes doigts et laissais filer ces dizaines de brindilles au gré du vent. Je me retournais alors vers William.

« Ton courage, ta détermination et ta foi font de toi, William, l'une des personnes que je respecte le plus. Tu t'es dressé contre tous, détenteur d'une vérité que nul autre ne voulait entendre ni accepter. Pour une raison que j'ignore encore, j'ai quitté ce monde pendant un certain temps. Je ne sais pas comment je pourrais m'excuser auprès de ceux que j'ai blessé. Mais je suis désormais de retour. Je ne compte pas réclamer ce qui m'a appartenu. Au contraire. Je suis ici pour le reconquérir de la manière la plus conventionnelle possible. Il me reste encore du chemin à parcourir avant de retrouver la confiance que vous avez perdu. Je ne demande pas à ce que tu écoutes mes paroles. Je te laisserais juger de mes actes. Eux seuls sont gages de preuves et de vérité. Je ne ferais ni ce qui est bien, ni ce qui est mal. Je ferais ce qui est juste. »

Je m'arrêtais ensuite de parler lorsque l'une de ces lumière sphérique s'approcha de mon visage. Cette dernière s'approcha de moi, s'arrêta un instant avant de me contourner. Je ne pu m'empêcher de sourire. J'avais pendant quelques temps oublié la beauté de ce monde. Je repris alors en recentrant mon regard sur l'esprit qui m'accompagnait depuis le début du voyage.

« Je n'ai pas vaincu mon passé tout seul William. Je n'aurai rien pu faire sans toi. Je ne serais pas ici sans toi. Je te dois beaucoup et tu en sera récompensé. Loin de moi tout sentiment de magnanimité, je veux te montrer ma reconnaissance. »

William s'écarta alors, me laissant approcher le bord de la falaise. Comment avais-je pu oublier ce sentiment de liberté et de puissance qu'offrait cet endroit précis ? Il nous donnait l'impression d'être le roi du monde, un roi qui surplombe une étendue infinie. Une étendue qui avait fait l'objet de sacrifices. Je me retournais donc afin de répondre à la succession de questions que me posait l'esprit.

« Étrangement, ce trou commence à se refermer à la vue de ce monde. J'aime ce que je vois. Je compte avancer ici, rendre les choses plus interessantes. Je vais renouer les liens qui existent entre les immortels et le peuple des terres du Yin et du Yang. C'est ainsi que je vois les choses maintenant. Cependant ma solitude n'est pas une blessure que je porte. Il s'agit de mon mode de vie. Vivre en retrait, analyser, comprendre et agir. J'aime vivre ainsi. »

Pendant ce temps, je m'approchais de William à pas lents jusqu'à enfin être juste en face de lui. Je posais ensuite ma main sur son épaule avec un sourire et lui dis en toute humilité :

« Je suis prêt à régner William. Je suis prêt ! »

Quel étrange sentiment lorsque nos corps surplombent l'immensité, où l'espace d'un instant nous sommes roi de toutes les tempêtes, on effleure le paradis à contempler le ciel et jamais on ne regrette de subir un pire châtiment au mérite d'un tel sentiment. Ce sentiment de liberté comme si à moindre hauteur, toutes les chaines pouvaient se briser.

" Ne me remercie pas trop vite Sparrow, tu n'es qu'au commencement. " disais-je à l'homme qui se déclarait prêt à régner. J'avais pris tellement de risques pour le voir briller à nouveau, persuadé qu'il serait la pierre angulaire à l'équilibre, un équilibre en perdition depuis des années. On disait des esprits qu'ils devaient rester neutres, passifs, pouvant philosopher et conseiller à qui voudrait écouter mais jamais agir soi même. Et dans ce monde de sourds et d'insolents, comment airais-je pu rester là, les bras croisés pendant que tous ces malades pillaient un temple sacré par les dieux eux mêmes ! Il fallait faire des choix, quitte à en payer le prix fort. Pour le moment, je n'avais pas trop eu le retour de bâton mais je craignais que cela n'arrive aujourd'hui.

Levant les bras au ciel, je m'avançais vers les portes du temple, toutes les sphères de lumière me suivant comme des oiseaux de mauvaise augure.

" Méfie-toi Sparrow, méfie-toi de ceux qui ne dégage que lumière. Je préfère mille fois remettre ma vie entre les mains d'un soit disant traître qu'entre les leurs. " et nous passâmes les portes du temple. Tout en continuer de marcher tout droit et sachant pertinemment que le vampire me suivrait de près, je continuais à lui parler : " Cette fois je peux vraiment te le dire : bienvenue au bercail ! "

Je n'insistais pas tant sur la décoration et l'architecture car oui, que c'était beau et tralala mais pour l'heure, Sparrow aurait d'autres chats à fouetter. Devant d'immenses portes, je m'arrêtai, toutes les sphères traversant la matière pour aller dans la pièce suivante.

" Sparrow, approche." dis-je d'un ton ferme. Une fois l'homme à ma portée, je lui saisis violemment la tête en l’agrippant par sa crinière et pouvoir coller ma bouche contre son oreille.

" Ils sont tous là, derrière cette porte. Ce dont tu ne te doutes pas, c'est que tous ne voient pas ton retour d'un aussi bon oeil que je le vois moi. Le pacte des esprits est sacré, le rompre comme tu l'as fait pourrait être comme une trahison suprême auprès de tous ces vieux croûtons qui ne savent même plus ce que c'est, aimer. " lui dis-je en souriant, les vieux croûtons étant bien évidemment les autres esprits.

" Pour être clair, tu vas avoir le droit à un procès dans les règles. Je sais que tu n'avais pas prévu ça en te levant ce matin mais dans la vie Sparrow, il ne faut jamais laisser sa chance filer sans réagir. Et tu auras un très bon avocat, le meilleur que l'on puisse trouver sur ces terres ! " je lui fis ensuite un clin d'oeil avant de lâcher sa tête après cette conversation officieuse. Me reculant d'un pas ou d'un, j'exclamai alors avec exagération pour que tous les esprits puissent entendre que le vieux William peut encore faire les choses dans les règles : " Seigneur Vladimir Noctis Alphonse Gérald Stradivarius Sparrow Bathory, les esprits du temple vous somment dès cet instant de rejoindre le tribunal de l'ordre ! Vous serez jugé pour Trahison, fuite intempestive " puis sur un ton plus discret " et bla et bla et bla " tournant la main comme une manivelle. J'acquiesçai ensuite de la tête avant de l'inviter à passer la porte. Mais si en réalité, je voulais faire paraitre une mine rassurée à mon ami, il n'en était rien.

....

" Seigneur Sparrow, veuillez vous avancer " dit une voix dans le néant. Je tenais à marcher à côté du vampire, de sorte que rien ne lui arrive et pouvoir garder un oeil sur lui. Mettant un bras à l'horizontal devant Sparrow, je lui signifiais d'arrêter sa marche. Le noir total empêchait à quiconque d'y voir à quelques centimètres et cette mise en scène grotesque commençait à me taper sur les nerfs.

" Quelqu'un a oublié de racheter des bougies ou quoi ? Arrêtez de vous refaire une beauté et montrez-vous ! On a pas toute l'éternité devant nous ! Ah si en fait.. " criai-je aux fantômes. Des lumières aveuglantes explosèrent comme des filés d’électricités silencieux et des sortes d'éclaires constants, serpentant les plafonds baroques de la salle. A vrai dire, les esprits formaient un immense cercle autour de nous, assis sur des sortes de siège aux contours non définis, d'une énergie inconnue des hommes. Tous nous regardaient avec sévérité. Les hypocrites.

"Bon sparrow, petit portrait rapide de ceux qui vont décider de ta vie ou de.. de.. lalalala ♫ Bref ! " je me frottai les cheveux en levant les yeux au ciel.

" Bon tu vois celle avec un crâne en guise de tête et des ailes d'une couleur de mouche à excrément ? C'est Asîlah, l’illusionniste ! Bon comme tu peux t'en douter, elle a l'air très sympathique ! Le comble c'est que c'est une aguicheuse et vu sa tête, on lui rend peu ses avances ! Donc tu peux jouer là dessus ! Elle est sadomasochiste mais très compréhensive ! Le coup de la pitié, ça peut marcher avec elle ! "

" Et juste à côté de squeletor, c'est Fuzâil, la révélatrice. C'est un peu la philosophe du groupe, avec des réflexions un peu bizarres et bancales parfois mais on l'aime bien quand même ! C'est elle qui va peser le plus lourd dans la balance de ton jugement. Ce qu'elle dit a valeur indubitable. Je ne sais pas trop pourquoi d'ailleurs mais bon.. et Oh, elle déteste les menteurs donc avec elle, joue carte sur table ! "

" Lui, c'est Hans le télékinesiste. Il est un peu bizarre ce type. Il se dit neutre, je n'en crois rien. C'est un espèce de brocanteur qui vole les objets rares des autres. Ne lui confie jamais rien, rien de précieux, ni même le plus banal de tes secrets ! Et c'est le lèche-bottes d'Harôun. "

" Elle c'est.. Méli la naturaliste. Pour être honnête avec toi Sparrow, je la trouve un peu retardée. Elle parle aux animaux et aime sa nature.. C'est une baba cool ! Mais fais attention car si tu touches à ses cactus, elle t'égorge sans pitié ! Avec elle, joue la carte de l'équilibre que tu représentes ! Et évite de parler des vampires, elle ne supporte pas la violence donc sucer du sang c'est une immondice pour cette pauvre fragile. A la limite, dis que t'es un pacifiste, ça peut passer.. "

Un siège vide à côté de Méli signifiait que, normalement, j'aurais dû siéger aux côtés des autres esprits. Mais j'avais préféré être sur le banc des accusés à défendre Sparrow. Je lui serais bien plus utile ici qu'à tenter de le questionner jusqu'à le piéger de l'autre côté de la rambarde. Seulement, mon choix aurait forcément des conséquences. Car si Vlad perdait, je perdrais tout également.

" Quant à lui... " On sentait que je crachais presque. " Lui, c'est Harôun, le maître des cartes. Et il n'a pas que l'apparence d'un serpent. Crois moi Sparrow, il a été celui qui était le plus favorable à ce que tu ne reviennes jamais. Car en ton absence, c'est lui qui a pris la tête des esprits alors tu te doutes que ton retour ne l'enchante pas vraiment. C'est un vicieux. Il fait mine de ne rien dire mais n'en pense pas moins ! Manipulateur, il n'hésitera pas à te poignarder si cela est nécessaire à son petit confort ! Avec lui, tous les coups sont permis alors ne le sous-estime pas ! Hum.. C'est aussi lui qui préside l'assemblée avec Fusâil qui le seconde. Elle le tempère comme on dit. " et on sentait qu'une légère animosité animait notre relation.

" Enfin, elle c'est Kaa, la maîtresse des âmes. Bon, rien de particulier à signaler. C'est la petite jeune du groupe ! Elle n'est ni bonne, ni mauvaise, elle suit le mouvement sans trop s'imposer. C'est la petite protégée de Fuzâil donc si tu la mets dans ta poche, Kaa suivra comme un mouton. Et puis tu sais ce qu'on dit, la démocratie c'est la moitié des cons plus un !"

Le tour de table était fini, Vlad venait de faire connaissance avec tous les esprits. Harôun pris alors la parole.

" Vlad Sparrow, avant de débuter la séance, avez-vous une requête à formuler à l'assemblée ? Et qui avez-vous choisi pour assurer votre défense ? "

" Ce sera moi, Harôun, alors arrête ton cinéma, je ne suis pas à cette place pour me dégourdir les jambes ! " lui dis-je avec insolence.

" Tais-toi William. Ton protégé a bien une langue, il peut s'exprimer, je pense. Qu'il parle ! " Mais pour qui se prenait-il. Je me tournais vers Sparrow, tout ce que je lui disais restait entre lui et moi, les esprits étaient trop loin pour nous entendre.

" Sparow ; lorsque tu parles, exprime-toi clairement et fort pour que tout le monde puisse t'entendre et que l'on sente qu'il y a de la conviction dans ce que tu racontes. Pour commencer, ne baratines pas trop. Attends que Harôun formule les accusations relevées contre toi avant de faire l'orateur ! Il faut que tu formules officiellement mon nom pour que je puisse assurer ta défense et il faut que tu expliques brièvement pourquoi.. Tu n'as qu'à dire qu'on a chassé les sangliers ensemble, ça a créé des liens. "

« La chasse au sanglier avait quand même plus de classe. » soupirai-je tandis qu’Harôun ne se dispensa pas d'un rire moqueur pour affirmer son air supérieur. Se levant d’halo lumineux qui lui servait de siège, il tendit ses bras sur les rambardes en levant légèrement le menton, son regard perçant détaillant nos postures.

« Charmant. J’en aurais presque la larme à l’œil. » Commença-t-il par répondre avant de reprendre avec un ton des plus glacials : « Autant être honnête avec toi, vampire. Ton retour n’est pas un salut mais plutôt une balle que l’on nous tire à nouveau dans le pied. »

« Tiens, je ne l’aurais pas deviné celle-ci. » dis-je immédiatement, les dents serrés.

« Vampire, tu n’es qu’un dommage collatéral des excentricités d’un William qui s’ennuie. Un divertissement. Mais remercions les dieux de me laisser juger de ce qui est nécessaire et juste à notre apogée. »

« Un tombeau en ruine que des illettrées viennent piller chaque jour pour avoir des armes suffisantes à la destruction de ses prochains. Tu parles d’une apogée. » Continuai-je à soupirer.

« C’est bien gentil de revenir nous voir, la bouche en cœur mais sois conscient que ce que tu as fait est une trahison. A nul autre mortel a été confié un tel privilège. Nous avions tenté de nous lier avec vous, vous faire partager notre immense savoir et tu l’as bafoué. »

« Alors que toi tu es un saint, un esprit touché par la grâce de la sagesse ! » ironisai-je mais Harôun m’ignorait, serrant les dents lui aussi.

« Comment oses-tu, vampire, revenir après tout ce temps. Revenir ici et réclamer ce que tu as abandonné lâchement. Si au moins tu pouvais nous en donner les raisons mais comme par hasard, ta mémoire te fait défaut. Je trouve ça si facile de se cacher derrière l’amnésie pour se laver de ses pêchers. Mais il te faudra bien plus pour me convaincre de ta bonne foi et de ta détermination. Une confiance brisée ne peut jamais être renouée. Soyons réalistes. Les deuxièmes chances n’existent pas chez nous. »

« Alors, pourquoi un tel procès Harôun ? Ne me fais croire que tu y mets les formes si c’est perdu d’avance ! A part pour te pavaner et montrer ta supériorité aux esprits qui doutent de la hiérarchie qu’ils n’ont même pas choisi. Il faut te rendre à l’évidence, Sparrow est de retour. Le maître est de retour. Tu pourras crier à l’injustice et lui accabler tous les maux de l’univers, rien n’y changera. » et mon air devint plus sérieux ; je m’avançai alors plus près de la rambarde.

« Nous avons tous attendu cet instant, moi peut-être plus que tous les autres et toi sûrement moins que tout le monde. Mais toi comme moi devons rester impartial. Une faute a été commise certes, personne ne remet ce point en question. Mais nous savions dès le pacte que cette hypothèse était possible et nous avons tout de même signé en bas du contrat. Ce n’était pas une erreur de notre part mais une audace. Comment rendre le monde plus beau si nous ne faisons que l’observer d’un œil critique ? Les esprits que nous sommes, malgré la réputation qui nous est faite, ne sont exempts de culpabilité. Cela nous rend plus humain et quelque part, plus sage. Mais si nous ne pouvons agir sur le passé, nous le pouvons sur l’avenir ! Le maître est de retour mes camarades et cette couronne a jonché bien trop longtemps les liasses serpentées de la tête d’Harôun ! Il n’était qu’un ersatz ! Les circonstances nous ont obligés à agir de la façon la moins sage qu’il soit. Mais n’essayez pas d’alléger votre conscience en faisant payer cet homme ! » Clamai-je en montrant du doigt le vampire.

« Il n’a pas à être la victime de notre manque de lucidité. Toute cette magie, l’héritage de tant de millénaires devrait-il être perdu pour effacer toute preuve de nos défauts ? Je vous le demande ! Vlad Sparrow n’est peut-être pas notre salut mais nous avons besoin de lui ! Peut-être même plus qu’il a besoin de nous. Il est honnête et m’a avoué être prêt à retrouver ses anciennes fonctions. Peu importe ses choix, aujourd’hui, il a pris une décision importante : celle de revenir affronter ses erreurs et reprendre ce qui lui est dû. Car oui chers camarades, tout cela lui revient. Nous avons peut-être battit tout cela mais uniquement dans le but de le faire prospérer entre les mains d’un élu. Et non pas l’élu d’un signe divin ou je ne sais quelle excuse céleste mais parce que nous avions décidé d’une voix unanime de lui remettre les clés du jardin d’Eden ! Il y a longtemps certes mais pour des raisons qui, aujourd’hui encore, font qu’il est encore le seul homme capable d’assumer un tel rôle. Personne ne saura en faire bonne utilisation à part lui. Ce n’est pas du favoritisme, c’est la réalité. Voyez avec votre cœur au lieu de toujours réfléchir avec vos savoirs de vieux grimoire poussiéreux ambulant ! Nous avons tous ici quelque chose à nous reprocher. Notre faute est plus ou moins inadmissible mais qui peut se vanter de n’avoir pas fauté lui jette la première pierre ! Je ne demande pas que l’on se pardonne tout et que l’on chante autour d’un feu de bois avec un air de guitare sèche entre deux crépitements de bois en combustion. Mais il n’y a rien de bon à raviver les cendres de notre haine. Il est temps de faire table rase du passé tant qu’il n’est pas trop tard si nous ne voulons pas que tout ça soit perdu à jamais, par notre faute. » puis j'inspirai un bon coup après avoir parlé sans que l'on vienne me couper. Chose appréciable et rare j'avais l'impression.

« Tu es ridicule William. Comment as-tu pu croire que nous allions… » dit Harôun alors que Fuzâil rétorqua sans pause : « Tais-toi Harôun. William n’est peut-être pas le plus sage de nous mais à l’heure actuelle, il est le plus clairvoyant. Quelle justice pour ce monde ? Désirez-vous vraiment annihiler un sujet de discorde en le supprimant tout bonnement ? Il a raison, nous ne sommes pas ces humains qui règlent leurs différends dans le sang. »

« Bien sûr que j’ai raison, comme si quelqu’un ici pouvait en douter ! » dis-je avant que j’entende des raclements de gorge ici et là.

« Seulement, moi j’aimerais bien entendre Vlad sur sa soi-disant détermination. » énonça Hans, voyant Harôun perdre l’avantage. Et tous les esprits acquiescèrent. Je me reculai alors d’un seul pas, ne restant jamais loin.