Mancinia avançait d'un pas lent et posé, elle se devait de maintenir la cadence et de ne pas ralentir en pleine ascension, la raideur de la dune où elle se trouvait l'entraînerait dans une chute mémorable. Si dévaler la pente en arrière ne lui causerait que quelques bleus, la perte de temps serait plus dommageable. L'Humaine savait également que se presser dans les dunes était suicidaire, d'abord en raison de l'instabilité permanente du sable, mais également en raison de la chaleur dévorante qui régnait en ces lieux. Au fil des heures, cependant, cette touffeur déclinait au profit de la fraîcheur. Si elle avait pris tout le nécessaire à ce voyage dans sa besace, cela l'ennuyait de devoir passer une nuit supplémentaire en extérieur. Cela comportait quelques risques et elle s'en passerait volontiers. Si la jeune femme s'était promis de ne plus traverser le Désert sans monture, elle avait rapidement constaté que plus personne ne faisait l'aller et le retour vers Utopia ces dernières semaines. Ils avaient dus se faire une raison. Au sommet de la dune, elle se retourna et son regard s'abaissant en contrebas, tandis qu'elle essayait de reprendre le contrôle de sa respiration. Ce n'était pas pour tenter de discerner la ville qu'elle avait laissée derrière elle depuis quelques jours et qui était désormais loin derrière, mais pour attendre son nouveau compagnon, Neah.

Ce nouveau compagnon de route était un Ange, Mancinia l'avait rencontré en Utopia avec l'aide du hasard. Il l'avait aidée à résoudre une petite affaire. Et ils avaient convenus de veiller l'un sur l'autre. Elle n'était pas certaine d'avoir besoin d'un protecteur, mais cela lui faisait au moins un nouvel ami. Patientant, ce n'est qu'au bout de plusieurs longues minutes que ce dernier la rattrapa, essoufflé. Une pause s'imposait. Neah la regardait en tentant de reprendre sa respiration, plié en deux, ses mains contre ses genoux. Son Humaine semblait bien mieux résister aux effets du Désert, peut-être était-ce une question d'habitude, mais il se sentait ridicule. Il sentait clairement la sueur perler sur l'ensemble de son corps. Il était épuisé, mais elle le traînait encore plus loin, sans s'arrêter plus que quelques minutes. Neah comprit qu'aux yeux de cette société, il n'était qu'un rang inférieur avec des capacités physiques inférieures. Il était néanmoins convaincu qu'avec un esprit aiguisé et un travail rigoureux, n'importe qui pouvait rêver de voler dans les hauteurs célestes. Ceci dit, face à Mancinia, il se sentait nettement inférieur. Et avoir ce petit complexe ne lui plaisait pas du tout. Ce n'était pas une question de fierté, c'est que c'était le rôle des hommes de défendre les femmes et, dans ce cas-ci, c'était la femme qui veillait sur l'homme. Ridicule, vraiment.

— Nous devrions y être depuis un moment.
— Je suis désolé.
— Il va vraiment falloir améliorer ton endurance, Neah. On voit que tu n'as guère l'habitude d'être sur les routes !

Scrutant l'étendue de sable avec son calme habituel, cette dernière laissait un soupir ponctué ses mots avant de se tourner vers son ami, comme pour lui faire comprendre qu'il n'était pas question d'être imprudent. Son corps étaient protéger de ses vêtements, le haut de sa tête l'était par un foulard en soie blanc. Neah n'avait pas refusé de suivre ses conseils et portait un turban. Il se sentait un peu perdu dans de tels vêtements, mais ils pouvaient lui sauver la vie, alors...

— Je sais être un peu lent, mais ne te moque pas de moi !
— Je ne me moque pas, ce n'est qu'un simple constat.

L'Humaine sourit, pour le rassurer, pour ne pas qu'il se croit être un fardeau ou lui faire croire qu'elle était en colère, mais l'Ange se sentait responsable. Il est impossible de connaître la vie temps que l'on ne connaît pas le monde. C'est naturellement pour cela que Neah avait décidé de suivre Mancinia. Cependant, Neah ne pouvait pas le lui dire aussi clairement, de crainte que ses paroles ne soient mal interprétées. Mancinia, elle, avait un talent naturel et une bonne constitution physique. Son agilité était peut-être son seul atout, vu qu'elle ne possédait pas d'antimagie, mais loin de lui l'idée de tenter de se mesurer à sa force. Nithael lui avait bien fait comprendre que derrière une apparence féminine se cachait parfois un tigre prêt à bondir pour vous réduire en charpie ! Sa respiration s'était apaisée et ses yeux reviennent sur le Désert et les dunes de sable, dont la splendeur l'émerveillait à nouveau. Avançant d'une manière assurée, sans pour autant oublier de vérifier où elle mettait les pieds, Mancinia se remit en route sans lui demander son avis et l'Ange la suivit. Que pouvait-il faire d'autre de toute manière ? Une brise se leva, soudainement. Mancinia mit une main devant ses yeux, détournant son visage pour le protéger du sable virevoltant. Dans son mouvement, le voile recouvrant ses cheveux glissa et fut transporté au loin.

Sans y réfléchir une seconde, son nouveau protecteur se précipita en brave, mais cela ne l'empêchait pas d'être anxieux face à cette hauteur irrégulière. Le tissu roula sur les grains de sable, mais l'Ange n'avait pas confiance et sentait le Désert s'effondrer sous ses pas. Mancinia laissa s'échapper un soupir, peu soucieuse d'un simple foulard, même si ce dernier avait dissimulé sa chevelure soigneusement attachée. Elle rebroussa légèrement chemin pour le suivre, après tout, il voulait seulement lui faire plaisir. C'est alors qu'elle remarqua quelque chose d'intéressant. Le sable rend les traces informes, mais leur espacement est reconnaissable. Les créatures bipèdes ne sont pas choses courantes, mais Mancinia savait des êtres dotés de mauvaises intentions être dans les parages. Elle avait fait l'amère expérience d'esclavagistes, elle ne souhaitait pas le revivre et encore moins imposer cela à Neah. La jeune femme parcourait prestement la centaine de mètres de rides ocre qui les séparaient, elle était bien plus habituée que l'Ange et ses pas étaient sûrs. Elle le rattrapa d'un trait et l'arrêta en lui saisissant le bras, mais il était bien trop tard. Son voile vole jusqu'aux pieds de ces derniers et bientôt, son regard impassible croise celui des inconnus. Elle retint son souffle, ce demandant à qui elle avait à faire.

Consciente que Kamiya, son fidèle corbeau, tournait au-dessus d'eux, en solitaire, pour surveiller les environs. Il était le point noir perdu dans l'immensité azuré, virevoltant, parfois en coassant. On aurait dit qu'il s'amusait avec l'aide du vent. Au moindre geste suspect de ces étrangers, Neah et elle obtiendraient son aide. Que dire et que faire ? Faire comme si de rien n'était ? Saisir son arme ? Non, c'était stupide de menacer peut-être des égarés. Elle n'avait pas besoin d'être si hâtive et...

— Ahem ! dit Neah pour faire cesser le silence pesant. Ce voile appartient à mon amie. Pourrions-nous le récupérer ?

L'Ange tendit la main vers ses nouveaux interlocuteurs, avec un petit sourire. Neah avait le don d'avoir le contact plus facile qu'elle, il fallait le reconnaître...

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Shannon semblait s'amuser de la situation dans laquelle il se trouvait, mais Mancinia présumait qu'il s'agissait là d'une technique pour détendre l'atmosphère et se rassurer elle-même. Rien n'était rassurant. Ce n'était guère évident de se retrouver entre les mains de ceux qui commerçait l'existence, mais le destin avait voulu qu'ils soient réunis. Ce devait être la volonté des Aetheri qu'encore une fois, l'Humaine n'affronterait pas ses problèmes seule. Shawn allait répondre à la question de sa compagne quand des bruits se firent entendre un peu plus loin. Quelqu'un tapait contre les solides barreaux à en réveiller les morts. Il était évident qu'ils ne devaient pas être seuls ici. Comme la dernière fois, Mancinia se sentait l'âme de ne laisser personne derrière elle. Son cerveau essayait d'analyser la situation dans laquelle ils étaient pour mieux s'en réchapper ensuite. Malgré les soins prodigués par l'Ange, elle était encore sous le coup de l'attaque en traître et ruminait, peu apte à se défendre correctement dans l'immédiat. L'Humain à ses côtés réagit bien plus rapidement et se dissimulait dans l'ombre de celle qui l'accompagnait. Neah réagit au quart de tour pour aller aider sa consoeur qui se faisait accostée comme une prostituée, mais sa Protégée le retint fermement pas le bras pour l'obliger à se rasseoir à ses côtés, avec une négation de la tête.

Faire diversion serait sans doute intéressant. Leur geôlier ne se méfierait pas et bien que peu convaincue de l'idée de Shawn, elle choisit de le laisser faire et n'irait l'aider qu'en cas d'extrême urgence pour ne pas réduire ses propres chances de fuite au néant. Shawn semblait se servir de l'attitude et de la féminité de l'Ange qui l'accompagnait pour appâter un de ceux qui les avait capturés. Ce n'était pas très propre et elle n'approuvait guère, mais elle imaginait aisément la diversion qu'ils effectuaient pour mieux le surprendre. Si toutefois ce plan marchait. [/i]Pouah[i]. Qu'ils étaient répugnants à passer leur envie sur la première femme venue ! Shannon n'aurait pas été consentante qu'il s'en serait moqué, Mancinia fût donc enchantée quand Shawn surgit de derrière le dos de sa partenaire pour lui saisir le bras et l'entraîner aussi fort qu'il put vers les barreaux, l'assommant dans un grand coup sous l'effet de surprise. Le bruit n'attirerait sans doute personne vu comment l'ahuri tapait sur les cages quelques minutes plus tôt. Ses partenaires penseraient sans doute qu'il frappait pour se soulager. Ou quoi que ce soit d'autre. Tandis que son compagnon Humain fouille du mieux qu'il peut le corps étendu, Neah aide Mancinia à se relever en douceur et à faire quelques pas. Ils n'y avaient pas été de main morte en l'assommant.

— Ce que tu es grande quand même, dit-il tout bas en riant.
— Je suis aussi grande que tu es mignon.

Neah s'empourpre instantanément, mais est ravi que la faible luminosité de ce trouve dissimule cela à la vue de son interlocutrice qui y verrait encore un moyen de le taquiner.

— Ce...Ce coup à la tête t'a causé du tort.

Mancinia rit doucement devant sa réaction mignonne pour se redonner courage. Neah s'enquis ensuite de l'état de son alliée.

— Ça va, Shannon ? Tu n'as pas eu peur ?

Laissant les deux Anges discuter, l'Humaine se rapprochait de Shawn, alors que celui-ci essayait quelques clés pour ouvrir la porte qui les conduiraient vers la liberté, l'interrogeant au passage sur la suite des événements qui s'annonçaient tout de même assez compliqués.

— Je présume que nos traces de pas dans le sable nous trahiront où que nous allons, la solution idéale serait de s'enfuir durant la nuit, la traque ne débuterait qu'au petit matin. Ou bien on se sert des autres comme d'une diversion, je doute qu'il n'y est que des Humains ici. Une fois dehors, tous dispersés, ils ne pourraient pas tous nous rattraper ou certains seraient désireux de se venger. Surtout avec la gueule de bois et avec des personnes bien plus méfiantes. J'aimerais bien récupérer mes armes et retrouver mon corbeau.

Au bout d'un certain temps, Shawn parvint à mettre la main sur la bonne clé et il le délivra facilement.

— Bien joué, tu es bien plus redoutable qu'un Lyrienn. Bien. Il faut penser à la suite. Je propose que moi et Neah allions chercher nos armes et prendre tout ce que nous pourrons au passage. Et toi, qui semble agile de tes mains, tu libères tout le monde. Si Shannon sait les soigner un peu, ils pourraient devenir des alliés improvisés. On se rejoint...Eh bien. Le plus vite possible et dans la mesure où ce soit réalisable.

Post IV - 762 mots

Mancinia n'attendait pas spécialement une approbation ou non à son plan, s'emparant du bras de son Ange Gardien pour l'entraîner à sa suite d'un pas rapide. Il était vrai que ce dernier n'avait pas une endurance aussi élevée que la sienne, mais il parvenait à la suivre durant un moment avant d'éprouver quelques difficultés. Surtout qu'elle-même avait de grandes gaucheries suite au coup reçu sur la tête et malgré les soins. Cet endroit était un moins labyrinthique que la fois précédente, seulement composé d'aspérités droites et régulières. L'Humaine ouvrit la première porte qui s'offrait à sa vue, sans y réfléchir plus, ne se souciant pas des conséquences que cela entraîneraient. Kamiya était là. Elle ne pouvait que reconnaître son compagnon aux plumes sombres, emprisonné dans une cage dont il essayait de mâchouiller les parois rouillées. En voyant sa maîtresse, ce dernier eu un instant interdit et il voulut la mettre en garde de celui qui se dressait entre eux.

— Kanshykah !

Et merde. Un des hommes se retournait dans sa direction à peu près au même moment. Alerté par ce croassement et la brusque ouverture de la porte. Il était loin d'être surprit et paru presque enchanté de la voir, ce qui la déstabilisait, alors qu'elle ne savait comme réagir efficacement. Ce dernier rit grassement, n'hésitant pas à la reluquer de bas en haut, insistant bien sur le haut de son buste, ce qui la fit frissonner de dégoût.

— S't'as b'soin d'êt' rech'fée, t'm'appelles, hein !

Sa voix était terriblement cassée, comme s'il était ivre. Les deux échappés comprenaient rapidement que c'était le cas et ne firent rien de plus pour entraîner une suspicion. Puis, leur geôlier retourna contempler le fond de sa chopine. Neah l'observait, interloqué de son manque de concentration ou de compréhension devant cette situation. L'Ange ne savait pas vraiment comment réagir, sa compagne non plus. Elle le prit pas le poignet, puis souffla doucement.

— Ils sont tellement ivres qu'ils comprennent rien de ce qu'il se passe. Profitons de ce moment avant que l'inverse ne se produise.

Mancinia fondit sur le côté droit pour attraper son arme qui traînait en trophée en compagnie de nombreuse autres, sans doute des souvenirs, voire destinés à la revente, vus leur nombre de captures et la qualité de ces dernières. La voir ainsi se servir semblait rendre son énergie à celui qui était attablé non loin. Comprenait-il enfin que l'Humaine n'avait rien à faire là ?

— Hey !

Il avait mis ses lourdes mains sur la table, la frappant en signe de protestation et pour s'aider à se redresser. À réagir. Ce regain d'énergie fût son dernier. Mancinia prit position, habituée à manier la lance et, d'un geste fort, lui envoya son arme. Elle filait dans la pièce en quelques secondes, si rapidement qu'on avait du mal à la suivre, allant heurter de plein fouet l'assaillant, s'enfonçant dans son visage en le défigurant. Le tuant sur le coup. L'homme n'avait même pas du ressentir qu'il mourrait, ne même pas en avoir conscience. Dans un sens, tant mieux. La jeune femme n'aimait pas tuer autrui. En se retournant vers son compagnon, elle vit que Neah semblait horriblement choqué par son geste, sachant à peine remuer les lèvres pour lui demander les raisons de ce dernier. Elles relevaient pourtant de l'évidence et sa bouche se refermait avant qu'un son ne soit émis. Observant le corps inerte dans une large flaque sanglante. Mancinia se moquait des détails, bien que prendre la vie lui procurait toujours un désagréable frisson sur l'échine. Ensuite, elle ouvrit ensuite la cage à son corbeau, ce dernier étant enchanté de la revoir, puis elle reprit son arme ensanglantée, ses affaires, prenant celles qu'elle croyait appartenir aux autres. Dans sa précipitation pour éviter d'être découverte et de devoir combattre des hommes entraînés, elle osa un regard vers un trou assez grand pour laisser passer la lumière du soleil. Ou des étoiles. C'était la nuit. Une nuit sombre et d'encre, seulement éclairée par la lumière des astres. La guerrière eu un sourire.

— Eh bien, on dirait que Drejtësi nous a entendue !

En effet, cette couverture nocturne leur permettrait de prendre leur distance. Sans attendre quoi que ce soit de plus, les fugitifs se rejoignirent avant de prendre la fuite en direction de leurs nouveaux compagnons d'infortune. Nul doute que le réveil des esclavagistes serait très douloureux et qu'il valait mieux se soustraire à leur fureur.

— C'est ici que l'on se sépare. Bonne chance.

Mancinia et Neah choisirent de prendre au sud-est, profitant de la nuit pour se fondre dans le paysage en priant pour qu'on ne les retrouve pas.

Post V - 768 mots

À la faveur de la nuit, l'Ange et l'Humaine avaient pris la fuite devant la bande d'esclavagistes étrangers. Mancinia pestait vertement sur le nom de ses raclures, se promettant d'être une des instigatrices qui les feraient fuir de leurs terres, autant pour protéger ceux qui traversaient ce lieu dangereux, ainsi que son peuple. Elle en avait assez de les voir subir plutôt que réagir ouvertement. Sans s'arrêter, sans un mot, les deux fuyards avaient pris une direction, sans se reposer. L'un et l'autre avait grand mal à contenir le rythme, mais si jamais on les retrouvait, ils n'auraient plus aucun moyen de s'enfuir. Ou pire encore. Ils n'étaient clairement pas en état de se défendre. Rapidement, le Soleil revint et celui de midi était éblouissant, son attention ne pouvait être reporté sur ce qu'il y avait devant elle. Du sable. Des rochers. Des cailloux. Divers insectes qui s'enfuyaient à chacun de ses pas. Il faisait chaud. Très chaud. Et ce n'était même pas la peine d'espérer d’avoir de l'ombre. Rien aux alentours n'aurait pu permettre à l'Humaine et à l'Ange de se remettre de cette course effrenée et douloureuse. Le Désert était implacable. Aride. Calme. Aucun bruit ne parvenait à ses oreilles, pourtant aux aguets. A l'exception, peut-être, de la fine brise qui soulevait parfois quelques grains de sable, sans pour autant les aveugler. Ils poursuivaient leur route en marchant lentement. Le noeud dans l'estomac relâché. Plus le temps passait, plus ils se disaient avoir réussi les semer.

Neah était touché plus que son Humaine. Il faut dire qu'il avait vu Mancinia prendre une vie et n'en revenait pas de la facilité avec laquelle elle l'avait fait. À n'en point douter, elle était une guerrière redoutable et il avait plus à apprendre de sa personne qu'elle devait attendre de lui. S'il voulait réellement être un Gardien, il allait devoir progresser. Rapidement. Lui qui ne connaissait ces lieux qu'à travers des écrits ou des récits aventuriers, souvent conter sur les places publiques lors de célébration l'avait rendu curieux. Il voulait profiter de ce voyage à travers le monde, autant dire qu'il en avait vu des aspects autant négatifs que positifs. Ce lieu qu'elle connaissait si bien, il devait l'écouter. Il ne progresserait qu'ainsi. La fatigue marquait leurs traits, le sang leurs vêtements, ils étaient assoifés et la nourriture diminuait. Mancinia avait espérer rejoindre Utopia, mais son sens de l'orientation était biaisé en plein jour. Elle se repérait habituellement aux constellations, mais rester assis au milieu de la chaleur était d'une débilité sans nom. Avancer restait la meilleure option, que faire d'autre ? Quelque part dans un décor dont le lointain semblait d'un blanc liquide, parsemé de quartz et de micas, se dessinaient les caprices d'une nature joueuse et menaçante. Elle savait ses réticences fondues comme la roche désagrégée, soumise aux roulis incessants d'une écume sablonneuse. Les collines forment des angles aigus, inconstants et éphémères, prêts à s'écrouler et sculpter inlassablement la plaine désertique.

C'est une oasis. Un minuscule point d'eau dans le gigantisme de ce Désert, un miracle bleu une fois passé la douce courbe de la dune. Mancinia scrute un peu l'environnement ; les quelques buissons qui ont réussis à pousser, les roches dispensant une ombre salvatrice aux suppliciés et les ombres, signe évident d'une présence dans la bâtisse. Quelqu'un avait construit ici, c'était à la fois une chance et un drame. Comment savoir si cette personne était une alliée ou un ennemi ? Tout était traître ici. Elle se retournait vers son Ange Gardien, ouvrant la bouche, quand Mancinia a soudain l'oeil attiré par un mouvement. Une forme contrastant avec les douces courbes que dessine le vent avec les grains. Des personnes. Se pourrait-il qu'on les ait retrouvés ?

— Que faites-vous ici ? demande l'une d'entre elles.

Une voix féminine, ce ne pouvait pas être leurs agresseurs, surtout qu'aucun signe d'hostilité n'émane d'eux. L'homme qui accompagne la demoiselle s'avère puissamment bâti, mais sans ressources. Ils hésitent, les évaluent de la même manière qu'ils le faisaient. Comment savoir qui était qui, même si Mancinia ne doutait pas qu'ils soient de son peuple.

— Nous nous sommes égarés, répondit Mancinia. Cela fait plusieurs jours que nous errons et nos ressources s'amenuisent. Nous cherchons seulement un coin où nous reposer et un peu d'eau.

Mieux valait ne pas se montrer trop exigeant, alors qu'elle refermait l'emprise qu'elle avait sur sa lance. Épuisée, sans doute, mais déterminée.

Post VI - 732 mots

Malgré son sourire, Mancinia ne comptait pas se laisser faire si on décidait de s'en prendre à eux. Neah passait son regard de son Humaine à ce groupe d'étrangers, ne sachant que dire ou faire, la bouche pâteuse. Mieux valait laisser cette dernière s'occuper de la situation, y étant visiblement bien mieux préparer. Leurs interlocuteurs échangeaient quelques regards, hormis la femme qui ne cessait de les regarder, un sourire illuminant ses propres traits.

— Oh ! fit-elle, comme soulagée. Dans ce cas, vous êtes les bienvenus chez nous. Venez donc, nous allons vous remettre sur pieds et vous remettre sur le droit chemin.

Ils tournaient ensuite les talons, après cette charmante invitation, ils se voyaient mal refuser quoi que ce soit. Mancinia laissait échapper un long soupir avant de suivre le groupe, tout en laissant plusieurs mètres entre celui-ci et eux. Ils n'avaient pas le choix. Et Neah ne pourrait sans doute pas suivre son rythme plus longtemps, elle-même étant à deux doigts de s'effondrer. Ils furent conduits dans une immense bâtisse troglodyte d'une blancheur ivoirine, presque aveuglante, plusieurs serviteurs entretenaient cette dernière avec un sourire ravi et discutaient en riant. Neah et Mancinia furent séparés pour qu'ils puissent prendre un bain et se changer, après s'être déshaltérer au mieux. L'Ange semblait secoué, mais il était en vie. L'eau froide sur sa peau fit un bien fou à l'Humaine, alors que sa blessure la piquait encore malgré les soins prodigués. Une fois qu'elle fût changée, elle se permit de sortir de la salle d'eau et de regarder l'endroit dans lequel ils se trouvaient. Après quelques temps d'exploration, ce fut tout naturellement qu'elle se perdit dans l'endroit le plus enchanteur qui se retrouvait être les Jardins. Plus particulièrement, elle se situait à l'intérieur d'une serre censée conserver une certaine humidité ambiante. Cela n'avait rien à voir avec l'horreur subit lors de traversée du Désert, mais ce n'était pas pour autant agréable. Malgré tout, le spectacle qui s'offrait à sa vue valait bien quelques désagréments.

— Vous aimez ?

Cette voix douce et chaleureuse lui procurait un frisson. Mancinia ne comprenait pas pourquoi il se tenait là, à l'observer d'un air pénétrant. Elle ne savait ni quoi faire, ni comment réellement répondre. Cet homme avait fait s'arrêter le temps une fraction de seconde tant sa prestance était à couper le souffle.

— C'est une réussite.
— J'en suis assez fier, en effet.

L'homme vint se mettre à ses côtés, saisi une rose bleue et huma l'odeur ennivrante qui s'en dégageait. Il devait être celui qui s'en occupait.

— Je suis Dâ, le maître de ses lieux. Et vous êtes... ?
— Mancinia.
— Quel prénom magnifique, souffla-t-il. Dites-moi, Mancinia, avez-vous faim.
— Eh bien...

Elle n'eut pas besoin d'en dire plus.

— Venez, allons manger quelque chose.
— Mon compagnon...
— Il est encore occupé. Il nous rejoindra ensuite.

Sans doute voulait-il passer un peu de temps avec une femme ? Mancinia n'avait rien laisser paraître, mais elle connaissait les légendes à son sujet. On ignorait tout de lui, alors que lui savait tout de vous, protégeant ses immenses connaissances au milieu d'un lieu désertique sans que l'on sache où exactement. Sans doute allait-il lui demander son silence en échange de quelque chose. Son esprit était ravi à l'idée d'apprendre de nouvelles choses et de converser avec un tel homme de savoir. Dâ l'invitait à s'asseoir dans un fauteuil confortable, elle ne se fit pas prier.

— Je vous remercie de nous acceuillir chez vous. Je vous promets que nous ne resterons pas longtemps.
— Oh, pourquoi donc ? Les étrangers ne me dérangent nullement.

Mancinia eu un sourire crispé, ne sachant pas si cette politesse était vraie ou non. On vint la servir avant même qu'elle ne puisse rétorquer. Une soupe légère lui conviendrait parfaitement, tant qu'il y avait du pain et du beurre, son pêché mignon. Elle trouvait cela réconfortant et nourrissant à la fois. Les questions se bousculaient dans son esprit et elle était assez impatiente d'avoir des réponses. Cependant, plus le temps passait, plus Mancinia se sentait faible. Il n'y avait pas trois explications possibles. Soit elle faisait un malase, soit elle allait rendre le repas, soit elle avait été empoisonnée. La jeune femme dévisageait l'homme qui lui faisait face.

— Qu...Qu'est-ce vous m'avez fait ? l'interrogeât-elle.
— Quel est ton métier ? demanda-t-il sur le ton de la conversation.
— Qu...Quoi ?

Pourquoi cette question ? Qu'est-ce qu'il lui arrivait, elle se sentait confuse et à bout de forces, mais elle était encore consciente et savait encore bouger. Sans doute pour prendre pleinement conscience qu'ils étaient tomber dans un piège.

Post VII - 757 mots

Mancinia refusait de lui répondre, tout en serrant les dents pour essayer de se redresser, mais c'était inutile. Le Maître Dâ lâche un soupir, relativement déçu du comportement de son interlocutrice. Bien qu'en vérité, cela ne lui faisait rien. Il aurait le temps d'obtenir des réponses, d'estimer davantage les bénéfices que cette femme pouvait lui apporter. Ce n'était pas totalement une victoire. Obtenir une nouvelle esclave était une chose. La mener ensuite à le servir sans l'enchaîner était une partie longue et laborieuse, d'autant que celle-ci semblait robuste, apte à porter des enfants. Peut-être en portait-elle un ? Cette femme du désert n'était pas venue à lui seule, après tout. Il garderait l'homme en vie, ils n'en arrivaient pas tous les jours. Dâ bu une gorgée d'une tasse de thé. Les serviteurs aux alentours ne semblaient pas vouloir venir l'aider, étaient-ils tous venus en ces lieux comme eux, avaient-ils été fait prisonnier ?

— À partir de maintenant, tu m'appelleras Maître.
— Non, souffla Mancinia entre ses dents.

Dâ sourit. Il attendrait patiemment que sa nouvelle acquisition ne puisse plus lui résister.

— Je saurai te faire plier.

Dâ se redressait, puis tournait dans sa direction un autre fauteuil où qu'un reposait sans qu'elle ne puise le voir de sa position. Neah. Malgré sa faiblesse, elle parvint à aller dans sa direction, essayant de le prendre entre ses bras tremblants, soutenant son crâne d'une main tout en caressant sa joue de l'autre, emmêlant ses cheveux entre ses doigts. Soucieuse et inquiète. Elle l'avait attiré ici, elle devait l'en faire sortir. Ce dernier fini par ouvrir les yeux en sentant son contact, elle soupirait de soulagement.

— Tu es intéressante. Tu ne renonces pas.
— Tu vas payer.

Autant l'Humaine que le Maître Dâ furent stupéfaits quand Neah se redessait, la main rougie d'avoir trop serrer un éclat de verre, qu'il gardait visiblement jusqu'au dernier moment. Il fit presque tomber Mancinia à la renverse, la lame, mal maîtrisée passait à quelques millimètres de la gorge de cette dernière. Si sa main avait tremblé, elle serait morte sur le coup. C'était dangeureux, incroyablement stupide. Mancinia eu à peine le temps de réaliser qu'elle était passé à deux doigt de la mort. À l'inverse, c'est Dâ qui l'a pris en pleine poitrine, sans le tuer pour autant.

— Laisse mon Humaine tranquille ! souffla l'Ange, presque à bout de force.

Dâ tombait en avant, crachant du sang, se vidant du sien, incapable de parler. Prit sur le fait, certains serviteurs vinrent pour aider leur maître plus que de réagir violemment. Pleurant plus sur son état que de se soucier de l'agresseur. Neah regardait Mancinia en souriant, mais la jeune femme, qui tenait sa gorge dans sa main se relevait, hébété pour sortir de la pièce. Elle soufflait en s'appuyant sur une bibliothèque où un livre, instable au-dessus de ce dernier, tomba au sol. Mancinia, dans un réflexe, le prit, lisant l'ouvrage ancien, essayant de se remettre de sa sourde colère envers l'Ange. Un certain mage du nom de Zandalor en était l'auteur et il y racontait, comment autrefois, il avait obtenu un pouvoir ultime ; celui de ramener les morts à la vie. L'Humaine relu une dizaine de fois ce passage, pour s'assurer que le vieux mage à moitié sénile ne soit pas complètement fou. Il parlait de vraie résurrection, celle où l'être tué revenait à la vie comme si de rien n'était. Ce n'était pas de vulgaires corps réanimés en quête de chair fraîche. Qui était assez sot pour croire pareil chose ? Selon l'ouvrage qu'elle détenait entre ses mains, la Pierre se présentait sous la forme d'un Diamant capable de tenir dans une main. Lourde. Cet artefact permettait aussi de soigner tous les maux. Non, ce n'était pas un vulgaire caillou digne d'être mit sur un collier, mais bien d'un ancien Fragment du Cristal Maître. Zandalor n'en disait pas plus à ce sujet, mais il y avait visiblement plusieurs de ces pierres réparties sur les terres du Yin et du Yang.

Il écrivait aussi que ce Fragment l'avait choisi et que c'était grâce à lui qu'il était devenu quelqu'un d'aussi reconnu. Un honneur de représenter le Créateur. Mancinia lu attentivement le texte, plus en profond, calmant son esprit tourmenté. Il s'agissait d'une légende, celle du Diamant Créateur qui possèderait des capacités magiques curatives extrêmement puissantes. Née de l'espérance, incarnant l'éternité du bien. Une Pierre indestructible et qui ne ressentait pas les effets de l'antimagie. Elle tiqua sur la dernière phrase. Une Pierre qui n'est pas affectée par leur aura caractéristique ? Était-ce possible ? Mancinia se saisit de l'ouvrage et le mit dans son sac, ainsi que quelques autres avant de rejoindre l'homme à l'extérieur. Visiblement, ils se lamantaient tous sur l'état de leur maître, plus que de se soucier d'eux. Ces esclaves aspiraient juste à ce que ces étrangers s'en aillent.

— Merci, cracha-t-elle au rouquin.
— Attends, Mancinia...
— Nos chemins se séparent ici, Ange.

L'Humaine ne lui laissait pas le temps de s'expliquer. Son geste avait été inconscient, elle ne lui pardonnait pas. Mancinia tenait dans son sac l'énorme livre qu'elle venait de dérober au malotru qui avait tenté de les dominés, eux, des Humains libres. Au travers de celui-ci, d'autres feuilles de papiers aux notes dispersés par les soins du Maître Dâ ne manqueraient pas de l'éclairer. Elle savait détenir l'un des seuls exemplaires au monde donnant l'emplacement de ce Fragment. Elle devait le lire rapidement. Et découvrir cette Pierre au plus vite.

Post VIII - 907 mots