Lhéasse entra dans l’eau. Il aurait aimé continuer à chercher mais ça ne servait à rien en l’état actuel des choses. Ils étaient tous fatigués. Le paysage n’avait fait que défiler devant eux, toujours égal à lui-même. Même en tentant de se téléporter ou de localiser Aliénor directement, ils n’avaient pas réussi à la trouver. La fraicheur de la rivière le fit frissonner, comme la pensée qu’elle pourrait probablement mourir prochainement. Le fait de constater son réel intérêt pour elle ne lui plaisait pas. Pourtant, il ne servait plus à rien de le nier. Il s’y était attaché, comme un maître avec son animal domestique. Il aimait sa compagnie, surtout lorsqu’il la tourmentait, qu’elle s’en rendait compte et en était blessée ou outrée. Il aimait également lorsqu’il la manipulait et que la naïveté de la jeune femme la faisait le remercier malgré ses tromperies et ses fourberies. Il n’était pas prêt à mettre un terme à la relation qu’il avait tissée avec elle depuis des années maintenant. Il resta debout là. L’eau lui arrivait à la taille. « Je ne comprends pas pourquoi est-ce qu’ils ne nous ont pas prévenus pour Ârès Taiji et son évasion. » dit-il, en direction de Val’Aimé. Abérias n’y était pour rien. Néanmoins, Judicaël et Alister étaient pleinement coupables. Cet homme, Ârès, était particulièrement dangereux. S’il avait été enfermé dans la prison du Cœur-Bleu, c’était justement parce qu’elle neutralisait la magie. À présent qu’il était en liberté, il représentait une véritable menace. « Est-ce que tu sais à quoi ils faisaient référence lorsqu’ils ont évoqué un problème plus important à régler ? » Parce que lui n’en avait aucune idée. « Et toi ? » questionna-t-il le Magicien, sans croire un seul instant qu’il pût être mieux renseigné. « Plus important qu’un tueur en série aussi puissant… j’ai quelques doutes. » Qu’y avait-il ? « L’Impératrice Blanche aurait-elle tourné Noire ? Parce qu’hormis les derniers événements chez les Démons, je ne vois pas quels maux auraient pu frapper le peuple des Magiciens récemment. » Il inspira et soupira bruyamment. « D’un autre côté, je vois mal les Mages Blancs chercher à nous cacher l’évasion d’Ârès. » Ce n’était pas comme si l’homme était connu pour sa discrétion. « Ou alors ils désiraient enquêter au préalable ? Pour trouver le coupable ? » Il y en avait forcément un. La prison du Cœur-Bleu n’avait jamais connu de défaillance jusqu’ici. Las, il se laissa glisser dans l’eau, jusqu’à ce que sa tête y disparût. Il se redressa ensuite, trempé. « On n’est pas obligés de parler de ça. Comment est-ce que tu vas ? » demanda-t-il à Abérias. Il ne lui avait pas parlé depuis longtemps. « Et toi ? » dit-il, en direction de Val’Aimé. « Tu es devenu le mentor d’Érasme Salvatore récemment il me semble. » Il le savait très bien. Il avait eu vent également des sévices subis par l’ancien Prince Noir. « Il est au courant pour toi ? » Il parlait de son homosexualité.
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Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 127 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Revenir après tant d’années s’apparentait à débuter un roman en son cœur. Sans surprise, les pages avaient continué à défiler, indifférentes à son absence. Le temps avait égrené de nouveaux secrets sans jamais ensevelir les anciens. Abérias les sentait flotter autour d’eux, dans cette eau claire d’une contrée inconnue. Partout, l’herbe de la vallée piquait le bleu du ciel de grands traits jaunes et rêches. Il inspira, les muscles tendus par la fraîcheur de l’eau, avant de s’y plonger progressivement, ne laissant émerger que sa tête. Il regarda Lhéasse. Les deux Archimages magiciens avaient parlé d’un problème « plus important à régler ». Quelque chose qui semblait les avoir parfaitement détournés du danger que représentait le Sorcier. Le Halloy n’avait absolument aucune idée de ce dont il pouvait s’agir. S’il était resté auprès d’eux, s’il n’avait pas quitté le groupe et s’il avait poursuivi une carrière semblable à celle de ses homologues, il aurait sans doute été au courant. Ses iris bleus s’ancrèrent aux mouvements réguliers de l’onde. « Non, je l’ignore. » Les hypothèses du Mage Noir faisaient néanmoins écho aux siennes. Il soupçonnait un danger pesant sur la couronne. Hormis une menace dirigée contre la royauté, quel problème aurait pu être important au point de ne se préoccuper que trop peu de l’évasion d’Ârès ? Et comment avait-il pu sortir ? Le Cœur Bleu était réputé pour constituer une prison hautement sécurisée, dont nul ne pouvait s’échapper. Qui l’avait aidé ? Son apparence similaire à celle du Duc Paiberym lui avait-elle permis de tromper la vigilance de ses geôliers ? Et d’où la tenait-il ? Il soupira. « Ils n’ont pas omis de vous informer par perfidie, c’est sûr. Et trouver le coupable aurait peut-être été plus simple avec votre aide. » Il ne précisa pas le fond de sa pensée, qui était aussi limpide que politiquement incorrecte : il n’était pas à exclure qu’un Sorcier pût être impliqué dans l’affaire. « Ce qui signifie que quelque chose de plus grave a effectivement dû arriver. » Qu’ils n’en eussent pas parlé librement paraissait confirmer ses soupçons. Il jeta un coup d’œil à Val’Aimé, avant de regarder à nouveau Lhéasse. Il haussa les épaules. « Bien. Mon dernier me donne du fil à retordre, mais hormis ça, la vie suit son cours. » Lazare. Lorsqu’il avait choisi ce prénom, il avait scellé son deuil. Parfois, son garçon lui rappelait le disparu – dans ses gestes, ses mimiques, son phrasé, son attitude. C’était comme apercevoir un fantôme derrière le voile vaporeux d’un rideau baigné par la brise. Abérias tourna la tête vers Val’Aimé. Il le considéra quelques secondes, puis avança : « Tout le monde raconte qu’il est épris d’un Réprouvé, mais ce ne sont certainement que des fantaisies populaires. » Était-ce une coïncidence si le frère et la sœur s’étaient eux aussi lancés à la poursuite d’Aliénor ? Certains Destins se croisaient si souvent qu’ils ne pouvaient que s’emmêler.
Message I – 489 mots
Kaahl Paiberym ~ Sorcier ~ Niveau VI ~ ◈ Parchemins usagés : 4049 ◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015◈ Activité : Professeur
Je maintins mon regard sur le paysage, le temps pour Lhéasse de s’immerger dans l’eau. Je suivis ensuite Abérias des yeux et commençai à me déshabiller. « Parce que le tort doit leur appartenir. » répondis-je. Le fait qu’Ârès Taiji fût dans la nature ne me posait aucun problème, je l'avais déjà croisé, pas plus que l’enlèvement d’Aliénor Vaughan. S’il pouvait tuer cette dernière, il libérerait son ancien garde du corps d’un mal qui risquait de le gangréner. Lorsque nous étions jeunes, j’avais souhaité être une femme plus d’une fois, juste pour que Lhéasse me regardât comme je le souhaitais. J’avais alors conscience que la réalisation de mon vœu ne m’apporterait rien : ni son amour, ni son désir, ni une vie agréable. Pourtant, l’idée ne m’avait pas quitté durant des années. À présent, je n’y pensais que dans de rares occasions. « Non mais je ne doute pas que nous finirons par le savoir. » Soit parce que la langue de Judicaël cracherait le morceau au détour d'une conversation, soit parce que des espions seraient affectés à la problématique. Je soupirai. Ce bain était inutile. Je les avais néanmoins suivis pour respecter le tirage au sort. Je gardai mes sous-vêtements et m’assis simplement sur la berge pour tremper mes pieds et mes mollets dans l’eau. Lux in Tenebris planait autour de moi et courait sur mon corps en suivant le tracé qu’elle avait déjà ancré dans ma peau. Je ne répondis pas aux questions de Lhéasse concernant Ârès et écoutai Abérias d’une oreille distraite. Qu’importât la raison, mes objectifs ne changeraient pas : rompre l’alliance entre mon peuple et les Mages Blancs, finir les Réprouvés, terminer les Sirènes et exterminer toutes les races récalcitrantes à l’hégémonie des Sorciers.
Mes prunelles s’accrochèrent à la silhouette de Lhéasse lorsqu’il remonta à la surface puis se fixèrent sur un autre point. « Lazare… » chuchotai-je, comme une accusation. Il n’aurait pas dû donner ce prénom à son fils. « Au courant de quoi ? » questionnai-je le Sorcier, sur un ton égal au reste, avant de jeter une œillade à Abérias. « Les Magiciens ont, en effet, de drôles de fantaisies et un goût particulier pour les déviances de toutes sortes. » Mon rictus habituel était apparu sur mon visage. Je changeai de sujet. « J’irais mieux si ma mère ne me pressait pas de me marier. » Je mentais. Elle avait abandonné depuis le jour où mon regard sur elle l'avait tant terrifiée qu'elle s'en était effondrée. « Peut-être devrais-je l’exaucer avant qu’elle ne meure ? Peut-être est-ce moi qui devrais épouser Aliénor Vaughan ? Je ne suis pas certain qu’Elizabeth soit ravie de l’arrivée d’une deuxième épouse. Elle pourrait tenter de l’assassiner. Avec moi, elle ne risquerait rien. » Presque rien.
« Il est à Basphel, n’est-ce pas ? » demanda Lhéasse à Abérias. « Mon fils, Léonidas y est également et Mérédée devrait tenter les sélections bientôt. » Les jumeaux, Césaré et Eraste, nés entre Léonidas et Mérédée avaient échoué. Ils suivaient néanmoins une éducation de qualité au sein d’Amestris, la seule qui comptât pour les Sorciers ; officiellement. « On devrait discuter plus souvent de nos enfants. » laissa-t-il échapper. Le temps avait passé, il s’en rendait bien compte. Hier, les adolescents n’étaient nul autre qu’eux. Aujourd’hui, ils incarnaient les parents, ceux-là même qu’ils avaient tant critiqués jadis.
Lorsque Val’Aimé répondit à sa question – par une autre question – Lhéasse sourit. L’homosexualité du Chef des Armées sorcières était le secret le mieux gardé au sein de leur groupe. Ils avaient tous promis de ne jamais le révéler et s’y tenaient, bien que les taquineries et insinuations n’eussent jamais été proscrites et que Judicaël en fût le plus fervent pratiquant. Lui-même n’en parlait jamais en public ; aussi parce qu’avant leur éloignement, Val’Aimé avait été son meilleur ami. Il avait néanmoins posé la question en connaissant la réponse. Il savait les ordres qui avaient été donnés et trouvait la situation particulièrement malsaine. Qu’un homosexuel fût le bourreau d’un autre n’était ni juste ni idéal. Lhéasse pensait avant tout à Val’Aimé, même si le sort d’Érasme lui importait. Comment le vivait-il ? Sans doute se raccrochait-il à l’attirance d’Érasme pour Dastan pour sévir sans vergogne.
Si le Sorcier était capable d’empathie, celle-ci disparut totalement lorsque Val’Aimé parla d’Aliénor. Lhéasse tourna un regard irrité vers lui mais resta mesuré dans les mots. « Tu peux éventuellement en faire la demande au Roi mais je pense qu’il trouvera ça étrange que deux Chanceliers soient intéressés pour le suppléer, sans parler du fait que tu désires soudainement te marier à une Magicienne née au Lac Bleu alors que tout le monde sait que tu es contre l'alliance entre nos deux peuples. » Il ne s'en était jamais caché. « En revanche, j’ai entendu dire que Rose-Abelle Salvatore avait passé l’adolescence et qu’un mariage arrangé serait prochainement organisé. Vu son rang, elle a beaucoup de prétendants. Elle serait parfaite pour toi. » Il allait en parler à l’Empereur Noir, qu’importât le désaccord de Val’Aimé. Il venait de supposer, en plus, qu’il n’avait aucun contrôle sur sa femme. « Qu’est-ce que tu en penses Abérias ? » demanda-t-il. Lorsqu’ils étaient adolescents, ils s’amusaient souvent à trouver le meilleur parti possible pour les uns et les autres. « Avec qui pourrait-on marier Val’Aimé ? » Le Chef des Armées avait néanmoins raison sur un point : Elizabeth risquait de tenter d’assassiner Aliénor. Cependant, Lhéasse n’avait pas l’intention de mettre les deux femmes en présence l'une de l’autre plus que nécessaire. Si sa demande était acceptée, Aliénor vivrait dans une autre demeure que celle de sa famille principale. Elles ne se côtoieraient que pour les rencontres officielles et les festivités. Il continuerait de tourmenter la Magicienne, là où il ne tourmentait pas son épouse.
479 mots
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Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 127 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Le Magicien acquiesça, en ignorant du mieux qu’il le pût l’intonation amère du chef des armées sorcières. « L’y faire rentrer n’a pas été de tout repos, mais il y est, oui. » Sa scolarité aux Palais de Coelya avait été placée sous le signe du chaos. L’adolescent avait multiplié les rappels à l’ordre, les heures de colle et les punitions, au point que l’école avait averti ses parents d’une probable exclusion en cas de récidive. Abérias et son épouse, Fleurane, avaient alors décidé de prendre les devants : ensemble, ils avaient constitué le dossier d’admissibilité de leur fils pour Basphel. Lui faire passer les sélections avait été une épreuve en soi, mais il avait fini par plier, contraint et forcé. Admis, il avait été désinscrit des Palais de Coelya et presque aussitôt envoyé dans les îles suspendues. Depuis, son comportement ne semblait pas s’être arrangé. Les Halloy avaient reçu plusieurs lettres les informant des méfaits de leur fils. Abérias gardait cependant espoir. Lui non plus n’avait pas été des plus aisés à vivre, dans sa jeunesse. Il s’en était sorti parce qu’il avait été bien entouré. Il espérait que la même chance auréolerait son cadet. « C’est bien ce qu’il me semblait. Il est aussi fiancé, si j’ai bien suivi ? » Il devrait aussi s’occuper de la question. Si les Magiciens favorisaient les mariages d’amour, ils n’avaient jamais été contre le fait de provoquer des rencontres ou de faciliter quelques rapprochements. Plusieurs de ses enfants méritaient que son épouse et lui-même leur présentassent quelques partis. Il faudrait les emmener à des réceptions ou en organiser une chez eux. « C’est une idée. » Le futur lui paraissait incertain. Se retrouveraient-ils, après cette quête ? Le souhaitait-il ? Et survivraient-ils, tous ?
Il pivota vers Val’Aimé. « Les Magiciens et les trois quarts du reste du monde, apparemment. » Sa mauvaise foi réveillait son amusement. Il tentait de le contrôler, parce qu’il se considérait comme un adulte raisonnable et non plus comme un adolescent abruti, mais la sensation demeurait. Il s’éloigna du bord et renversa la tête en arrière pour mouiller ses cheveux. Même reprise aux griffes d’Ârès, il semblait que la comtesse Vaughan ne serait pas au bout de ses peines. À la question de Lhéasse, il se redressa en passant ses mains dans ses longues mèches brunes. « J’en pense que les vieux hommes ne devraient pas se marier avec des adolescentes. » Mais c’était une conception des choses que leurs peuples respectifs ne partageaient pas. « Si l’on devait trouver une femme à Val’Aimé, il faudrait qu’elle eût à peu près son âge. À mon avis, elles doivent être rares, ou pourvues de tares abominables. » Il jeta un regard malicieux au chef des armées. Que ce fût chez les noirs ou les blancs, les Mages avaient tendance à se marier plutôt jeunes, et pas après de longues années de célibat. C’était d’autant plus vrai pour les femmes, et davantage encore chez les Sorciers. « Il y a peut-être moins de risque à épouser un homme. Votre Roi n’a pas encore trouvé chaussure à son pied parmi les Sorcières, n’est-ce pas ? » Finalement, il était sans doute resté un adolescent abruti.
Message II – 536 mots
Kaahl Paiberym ~ Sorcier ~ Niveau VI ~ ◈ Parchemins usagés : 4049 ◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015◈ Activité : Professeur
Mes prunelles se fixèrent sur Lhéasse. Il tenait à sa petite Magicienne plus qu’il n’osait se l’avouer, tellement que c’en était répugnant. Il ne se voyait pas agir. Ce n’était peut-être pas encore le cas mais s’il continuait, il perdrait tout pour cette femme qui ne méritait nullement le moindre intérêt de sa part. Il réussissait encore à la couvrir discrètement mais si l’information avait pu m’arriver, elle était également parvenue à d’autres. Elizabeth allait fatalement finir par savoir, ainsi que les autres Chanceliers et l’Empereur Noir. Cyrius était loin d’être le problème. Il flottait à des années lumières de la politique et des complots. Le fait que je possédasse son sceau royal le prouvait. Actuellement, j’avais le pouvoir de signer n’importe quel document au nom du Grand Chaos. À ce titre, ordonner la décapitation d’une Dame Noire me serait un jeu d’enfant. De la même façon, je pouvais parfaitement écrire un document interdisant à l’Isekel d’épouser Aliénor et le signer du sceau du Roi. « Abérias a raison. Quelqu’un de plus jeune conviendrait mieux à Rose-Abelle Salvatore. Je toucherai d’ailleurs un mot à Elias concernant Lazare. Il serait un parti acceptable pour elle. » articulai-je. Il n’était pas le seul à savoir et pouvoir jouer aux cons. Politiquement, le refus serait difficile si la demande émanait du Salvatore.
Un rire émergea d’entre mes lèvres. Ils étaient rares et n’advenaient qu’avec eux. « Si Cyrius devait se marier, ce serait soit avec l’un de ses instruments, soit avec Kaahl Paiberym. » répondis-je. J’avais choisi d’ignorer platement son allusion me concernant. Judicaël ne cessait de tester mes limites en public. Un compétiteur de plus ne me dérangeait pas. Je m’étonnais simplement que le rouquin n’eût pas succombé à l’un des nombreux microbes que j’avais créé spécialement pour lui. Je souris en y songeant. Les mauvaises herbes avaient beau être résistantes, je savais aussi au fond que je n’avais jamais réellement essayé de le tuer.
Finalement, je finis par me laisser tomber dans l’eau. Je me dirigeai droit sur Lhéasse, attrapai ses cheveux et les serrai dans ma main fermée. Proche de lui, je plantai mes yeux dans les siens. « Je vais te donner un conseil d’ami. Si tu tiens à ta famille et à ton rang, je te déconseille de continuer ton petit jeu avec Aliénor Vaughan. Cyrius est peut-être idiot mais c’est bien le seul. Si vraiment tu as envie d’elle, baise-la une ou deux fois mais plus vite tu mettras un terme à ce qu’il y a entre vous, mieux ce sera. Ne m’oblige pas à le faire pour toi. » Mon rictus réapparut. « C’est clair ? »
« Tout à fait. À Muscarine Paiberym. Ma femme a organisé cette alliance il y a plusieurs mois maintenant. Le mariage se fera probablement une fois qu’ils auront obtenu leurs diplômes. » Lhéasse n’avait jamais vu la jeune fille dont il était question mais Zachary Paiberym avait été Chancelier des Ténèbres et chacun de ses trois fils occupait une haute position, que ce fût dans la hiérarchie sorcière ou magicienne. Enfin, Kaahl Paiberym était son homologue chez les Magiciens. Ensemble, ils géraient la diplomatie qui concernait les Mages Noirs et Blancs, en plus des individus qui traversaient la frontière qui séparait les deux races. Elizabeth avait mené les négociations avec beaucoup de flair et de doigté. Puisque leurs familles se lieraient, les intérêts des uns seraient également les intérêts des autres. Lhéasse comptait en profiter.
Le Mage Noir regarda Abérias lorsqu’il fut question de la rumeur mais ne dit rien. Il était au courant. Les Sorciers qui sortaient de Nementa Corum et parcouraient le monde avaient fatalement dû en entendre parler. Pourtant, au sein du territoire, la propagande était tellement puissante que le peu qui filtrait était tout de suite tourné de telle sorte à faire croire à un complot pour discréditer l’ancien Prince. À vrai dire, le fait qu’un Sorcier pût aimer un autre homme était déjà complexe à envisager ; que ce fût en plus un Réprouvé avait la saveur du mensonge. La chose était trop grosse à avaler. « Au contraire. Puisque Val’Aimé est âgé, il lui faut forcément une femme jeune pour assurer sa descendance. » dit-il, juste avant que le concerné ne donnât raison à Abérias. Lhéasse s’en amusa jusqu’à ce qu’il fût question de Cyrius. Là, il demeura silencieux. Il préférait ne pas critiquer le Grand Chaos à haute voix. Les deux autres n’avaient pas sa prudence. « L’Empereur Noir est déjà marié à Eulalie Solveig, la mère de la Princesse Noire Eméliana Salvatore, et conclura probablement d’autres alliances d’ici peu. » le défendit-il. « Il saura assurer sa descendance, assurément, même si ses passions lui prennent du temps. » Il trouvait Cyrius étrange mais quelque chose en lui l’effrayait malgré tout.
Alors qu’il y réfléchissait, son attention fut attirée par le mouvement de Val’Aimé. Lhéasse grimaça lorsqu’il lui saisit les cheveux. Son regard le défia, l’air de lui demander comment est-ce qu’il osait le toucher de la sorte. Néanmoins, la clarté acérée des iris du Chef des Armées respirait une telle détermination qu’il demeura muet. Il plissa les yeux. Il était rare que l’Elzagan se prêtât à ce genre de rapprochements. Cela faisait des années qu’ils ne s’étaient pas touchés autant. Une vague de colère le saisit mais il la maîtrisa. Le conseil était celui d’un ami mais la menace était celle du bras droit de l’Empereur. Il en était certain. Contre ça, il ne pouvait rien. Autrement, il l’aurait repoussé. Nier n’aurait rien amené. Val’Aimé savait et c’était suffisant. Il inspira. Il devait prendre le problème dans un sens qui arrangerait ses affaires. « C’est la raison pour laquelle tu devrais m’encourager à l’épouser. Nous sommes amis, non ? » Lhéasse posa une main sur l’épaule du Sorcier. Il ignorait l’ampleur de ses connaissances. Il valait mieux être prudent. « Si je l’épouse, je contrôlerai son existence. Elle m’appartiendra. J’en ferai ce que je voudrai sans prendre aucun risque. » Sa main remonta pour se poser dans le cou de celui qu’il savait l’aimer. Il n’en jouait jamais mais la situation était trop tendue pour qu’il n’en profitât pas. « S’il te plaît, soutiens-moi. » La présence d’Abérias tempérait sans doute la discussion. Lhéasse lui jeta un coup d’œil rapide, comme pour l’appeler en appui. Il n’espérait rien du Magicien mais il serait peut-être agréablement surpris.
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Orphée Dasgrim ~ Orisha ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 127 ◈ YinYanisé(e) le : 11/03/2023◈ Activité : Voyager avec les Enfants de Yanna
Les dents d’Abérias se scellèrent. Il posa sur Val’Aimé un regard dur, départi de toute trace d’humour, avant de réussir à y implanter une étincelle mimant l’amusement. Pour la première fois de son existence, il se mit à espérer que son fils persévérât dans ses efforts pour se montrer indigne de son rang et de sa famille. Les Princesses Noires – car il semblait certain que le Vautour reprendrait un jour le trône – n’épousaient pas des bons à rien et des trouble-fêtes, ce que Lazare s’efforçait d’être avec une minutie et un acharnement qui auraient été mieux employés au service de ses études. Il était cependant inconcevable pour son père de le livrer ainsi à la couronne noire. « Acceptable, mais probablement pas des meilleurs. » Pourtant, il savait que si Val’Aimé portait sa menace à exécution et si Elias Salvatore, par la plus grande infortune, requérait ce mariage, il ne serait pas en mesure de le refuser. Il doutait véritablement que cela arrivât, pour tout un tas de raisons, mais il se savait aussi ignorant des leviers que le Chef des Armées pouvait éventuellement faire peser sur l’Écorcheur. Il n’avait jamais été le genre de personne à proférer des menaces en l’air. L’urgence de présenter ses enfants à des partis adéquats se fit d’autant plus sentir. Dès qu’il rentrerait, il organiserait quelque chose avec Fleuranne.
La tension monta d’un cran dans le cœur et le corps du Magicien lorsque Val’Aimé saisit Lhéasse par les cheveux. Il resta droit, les muscles contractés, prêt à fuir ou à intervenir. Il n’avait jamais été lâche, mais l’âge avait fini par instaurer en lui une prudence assurée. La réaction du Mage Noire n’avait rien d’étonnant pour qui connaissait son amour pour son homologue. Et il n’y eut fondamentalement rien de surprenant non plus à ce que Lhéasse jouât de cette carte pour tempérer la violence de l’Elzagan ; pourtant, Abérias le regarda faire avec une certaine stupéfaction, car jamais auparavant il n’avait agi de la sorte. « Cessez. » clama-t-il, haut et fort, quand il sentit la tension grimper encore. « Vous êtes peut-être en train de vous disputer pour un cadavre en putréfaction. » Il s’avança vers eux, fendant l’eau. « Pour le moment, c’est à Ârès que sa vie appartient, et si personne ne met ses différends de côté, il en restera probablement ainsi. » D’autant qu’ils n’étaient pas les seuls à la chercher. Son enlèvement par le Sorcier pouvait très bien servir de prétexte à sa disparition et lui permettre de construire une vie ailleurs, loin des machinations politiques et égocentrées d’hommes tels que Lhéasse ou Val’Aimé. « Pour un peu, je croirais presque que vous êtes restés les adolescents abrutis que vous étiez. » Il s’éloigna et sortit de l’eau, avant de s’envelopper d’une serviette.
Message III – 465 mots
Kaahl Paiberym ~ Sorcier ~ Niveau VI ~ ◈ Parchemins usagés : 4049 ◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015◈ Activité : Professeur
Amis. Nous l’avions été. À présent, j’ignorais ce que nous étions. La main allant de mon épaule à mon cou n’était pas celle d’un ami mais celle d’un traître. Les réactions qu’auraient eu mon corps si je ne les avais pas parquées n’auraient pas non plus étaient celles d’un ami. Depuis quand Lhéasse profitait-il de la situation ? Jamais par le passé il n’avait osé. Ses actes étaient d’autant plus symptomatiques du problème à mes yeux. L’idée de lui faire du mal m’effleura avec violence, comme un couteau aurait pu écorcher ma peau d’un seul passage en surface. L’intervention d’Abérias m’arrêta, sans que l’envie pour autant ne disparût. Je le regardai. « C’est vrai. » admis-je, avant que le Magicien nous traitât d’adolescents abrutis d’une manière aussi subtile que la possessivité d’Ajax vis-à-vis de sa femme. J’attendis qu’il partît avant de fixer de nouveau mon attention sur le brun. Ma main libre se posa sur la sienne, dans mon cou. « Je vais te donner un autre conseil, Lhéasse. » Je m’avançai, de façon à le faire reculer. Il devait déjà savoir que ma force surpassait la sienne mais je préférais que les choses fussent claires. Un rappel de temps en temps n’était jamais de trop. Celui-ci me paraissait nécessaire. Il était peut-être Chancelier des Ténèbres mais nos positions n’étaient pas égales, surtout pas dans le contexte actuelle où l’Empereur Noir était un dégénéré et où je possédais le sceau royal. « Tu devrais éviter de toucher un autre homme comme tu viens de le faire. Ton geste pourrait être mal interprété. Je n’aimerais pas être obligé de salir ton nom en te trainant sur la place publique pour comportement déviant. » Un sourire fourbe ourla mes lèvres alors que j’enlevais sa main de ma peau. Mes doigts se détachèrent de ses cheveux d’un même temps. « Pour le reste, je n’ai pas l’intention de t’aider sans contrepartie ou sans y être obligé. » S’il invoquait la clause, peut-être. Néanmoins, il venait de le faire pour que nous partissions tous à la recherche de la Vaughan. S’il le faisait trop, il permettrait aux autres d’utiliser le même processus. Tout était question d’équilibre. Nous savions ce que nous demandions mais ne pouvions deviner à l’avance ce que les autres exigeraient. « De ce fait, mon premier conseil reste valable. Et Abérias ne sera pas toujours là pour te sauver la mise. » Je laissai quelques secondes défiler et m’éloignai pour me tenir de nouveau à une distance raisonnable. « Si tu veux que nous restions amis, ne me touche plus. » lui conseillai-je, avant de pivoter pour rejoindre le campement.
Lhéasse ne quitta plus Val’Aimé des yeux, même lorsqu’Abérias décida de tenter de les séparer. « Elle vit encore. » articula-t-il seulement, lorsque le Magicien émit l’hypothèse qu’elle fût réduite à l’état de cadavre en putréfaction. Le fait d’être obligé de défendre cette idée à haute voix le contraria. Le Chef des Armées avait peut-être raison en formulant son conseil. Il sentait néanmoins qu’il pourrait se débarrasser d’Aliénor si jamais les choses devenaient trop compliquées. Il pensa un instant que le sentir ne suffisait pas et qu’il était probablement biaisé dans son jugement. Si Val’Aimé réagissait, il y avait forcément une raison. Objectivement, il ne l’avait jamais vu aussi concerné par ses histoires de cœur. Il ne s’en était, pour ainsi dire, jamais mêlé. Pas officiellement en tout cas. Ce qu’il avait pu faire dans l’ombre y était resté. Sous la paume de sa main, le Sorcier sentit le cœur de son homologue battre. Le rythme lui sembla régulier mais l’Elzagan était doué pour se contrôler. Ça n’avait pas toujours été le cas mais la fin de leur adolescence avait marqué le début d’une maîtrise de plus en plus renforcée du Chef des Armées sur sa propre personne. L’entrainement militaire avait été rude. N’importe qui ne pouvait pas se hisser là où il était actuellement. « C’est toi l’abruti. » fit-il, à l’attention d’Abérias, pour tenter de détendre l’atmosphère. Il savait être à l’origine du renforcement de la tension. Val’Aimé ne fit cependant rien pour que leur relation s’apaisât ; à moins que ce ne fût son moyen à lui de détendre la situation ? « Je dirai que c’est toi qui m’as séduit si tu m’accuses. » Il répondit à son sourire par un sourire identique. Lhéasse avait conscience que pousser sa chance trop loin ne le mènerait nulle part mais il pensait aussi que le brun ne le dénoncerait pas ; surtout pour des actes qu’il n’avait pas commis. Pour Aliénor, les choses étaient cependant différentes. Il était coupable et il le savait. L’Isekel ne dépassait jamais les bornes en temps normal. Il restait maître de la situation et avançait stratégiquement. Néanmoins, lorsqu’il était question de Val’Aimé, les choses étaient plus compliquées. Elles lui échappaient. Il regrettait le passé, leur amitié brisée, les actes de son frère et ce que l’Elzagan et lui étaient devenus aujourd’hui. La dernière fois qu’ils s’étaient tous réunis, ils avaient malgré tout pu parler. Ça avait été plaisant. Les blessures, pourtant, demeuraient. La rancœur aussi. « Je n’ai peut-être pas envie que nous restions amis ! » lança-t-il à Val’Aimé alors qu’il s’éloignait. Il regretta immédiatement.
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Chapitre II bis - Les Liés | Val'Aimé, Abérias et Lhéasse
Lhéasse entra dans l’eau. Il aurait aimé continuer à chercher mais ça ne servait à rien en l’état actuel des choses. Ils étaient tous fatigués. Le paysage n’avait fait que défiler devant eux, toujours égal à lui-même. Même en tentant de se téléporter ou de localiser Aliénor directement, ils n’avaient pas réussi à la trouver. La fraicheur de la rivière le fit frissonner, comme la pensée qu’elle pourrait probablement mourir prochainement. Le fait de constater son réel intérêt pour elle ne lui plaisait pas. Pourtant, il ne servait plus à rien de le nier. Il s’y était attaché, comme un maître avec son animal domestique. Il aimait sa compagnie, surtout lorsqu’il la tourmentait, qu’elle s’en rendait compte et en était blessée ou outrée. Il aimait également lorsqu’il la manipulait et que la naïveté de la jeune femme la faisait le remercier malgré ses tromperies et ses fourberies. Il n’était pas prêt à mettre un terme à la relation qu’il avait tissée avec elle depuis des années maintenant. Il resta debout là. L’eau lui arrivait à la taille. « Je ne comprends pas pourquoi est-ce qu’ils ne nous ont pas prévenus pour Ârès Taiji et son évasion. » dit-il, en direction de Val’Aimé. Abérias n’y était pour rien. Néanmoins, Judicaël et Alister étaient pleinement coupables. Cet homme, Ârès, était particulièrement dangereux. S’il avait été enfermé dans la prison du Cœur-Bleu, c’était justement parce qu’elle neutralisait la magie. À présent qu’il était en liberté, il représentait une véritable menace. « Est-ce que tu sais à quoi ils faisaient référence lorsqu’ils ont évoqué un problème plus important à régler ? » Parce que lui n’en avait aucune idée. « Et toi ? » questionna-t-il le Magicien, sans croire un seul instant qu’il pût être mieux renseigné. « Plus important qu’un tueur en série aussi puissant… j’ai quelques doutes. » Qu’y avait-il ? « L’Impératrice Blanche aurait-elle tourné Noire ? Parce qu’hormis les derniers événements chez les Démons, je ne vois pas quels maux auraient pu frapper le peuple des Magiciens récemment. » Il inspira et soupira bruyamment. « D’un autre côté, je vois mal les Mages Blancs chercher à nous cacher l’évasion d’Ârès. » Ce n’était pas comme si l’homme était connu pour sa discrétion. « Ou alors ils désiraient enquêter au préalable ? Pour trouver le coupable ? » Il y en avait forcément un. La prison du Cœur-Bleu n’avait jamais connu de défaillance jusqu’ici. Las, il se laissa glisser dans l’eau, jusqu’à ce que sa tête y disparût. Il se redressa ensuite, trempé. « On n’est pas obligés de parler de ça. Comment est-ce que tu vas ? » demanda-t-il à Abérias. Il ne lui avait pas parlé depuis longtemps. « Et toi ? » dit-il, en direction de Val’Aimé. « Tu es devenu le mentor d’Érasme Salvatore récemment il me semble. » Il le savait très bien. Il avait eu vent également des sévices subis par l’ancien Prince Noir. « Il est au courant pour toi ? » Il parlait de son homosexualité. 
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Revenir après tant d’années s’apparentait à débuter un roman en son cœur. Sans surprise, les pages avaient continué à défiler, indifférentes à son absence. Le temps avait égrené de nouveaux secrets sans jamais ensevelir les anciens. Abérias les sentait flotter autour d’eux, dans cette eau claire d’une contrée inconnue. Partout, l’herbe de la vallée piquait le bleu du ciel de grands traits jaunes et rêches. Il inspira, les muscles tendus par la fraîcheur de l’eau, avant de s’y plonger progressivement, ne laissant émerger que sa tête. Il regarda Lhéasse. Les deux Archimages magiciens avaient parlé d’un problème « plus important à régler ». Quelque chose qui semblait les avoir parfaitement détournés du danger que représentait le Sorcier. Le Halloy n’avait absolument aucune idée de ce dont il pouvait s’agir. S’il était resté auprès d’eux, s’il n’avait pas quitté le groupe et s’il avait poursuivi une carrière semblable à celle de ses homologues, il aurait sans doute été au courant. Ses iris bleus s’ancrèrent aux mouvements réguliers de l’onde. « Non, je l’ignore. » Les hypothèses du Mage Noir faisaient néanmoins écho aux siennes. Il soupçonnait un danger pesant sur la couronne. Hormis une menace dirigée contre la royauté, quel problème aurait pu être important au point de ne se préoccuper que trop peu de l’évasion d’Ârès ? Et comment avait-il pu sortir ? Le Cœur Bleu était réputé pour constituer une prison hautement sécurisée, dont nul ne pouvait s’échapper. Qui l’avait aidé ? Son apparence similaire à celle du Duc Paiberym lui avait-elle permis de tromper la vigilance de ses geôliers ? Et d’où la tenait-il ? Il soupira. « Ils n’ont pas omis de vous informer par perfidie, c’est sûr. Et trouver le coupable aurait peut-être été plus simple avec votre aide. » Il ne précisa pas le fond de sa pensée, qui était aussi limpide que politiquement incorrecte : il n’était pas à exclure qu’un Sorcier pût être impliqué dans l’affaire. « Ce qui signifie que quelque chose de plus grave a effectivement dû arriver. » Qu’ils n’en eussent pas parlé librement paraissait confirmer ses soupçons. Il jeta un coup d’œil à Val’Aimé, avant de regarder à nouveau Lhéasse. Il haussa les épaules. « Bien. Mon dernier me donne du fil à retordre, mais hormis ça, la vie suit son cours. » Lazare. Lorsqu’il avait choisi ce prénom, il avait scellé son deuil. Parfois, son garçon lui rappelait le disparu – dans ses gestes, ses mimiques, son phrasé, son attitude. C’était comme apercevoir un fantôme derrière le voile vaporeux d’un rideau baigné par la brise. Abérias tourna la tête vers Val’Aimé. Il le considéra quelques secondes, puis avança : « Tout le monde raconte qu’il est épris d’un Réprouvé, mais ce ne sont certainement que des fantaisies populaires. » Était-ce une coïncidence si le frère et la sœur s’étaient eux aussi lancés à la poursuite d’Aliénor ? Certains Destins se croisaient si souvent qu’ils ne pouvaient que s’emmêler.
Je maintins mon regard sur le paysage, le temps pour Lhéasse de s’immerger dans l’eau. Je suivis ensuite Abérias des yeux et commençai à me déshabiller. « Parce que le tort doit leur appartenir. » répondis-je. Le fait qu’Ârès Taiji fût dans la nature ne me posait aucun problème, je l'avais déjà croisé, pas plus que l’enlèvement d’Aliénor Vaughan. S’il pouvait tuer cette dernière, il libérerait son ancien garde du corps d’un mal qui risquait de le gangréner. Lorsque nous étions jeunes, j’avais souhaité être une femme plus d’une fois, juste pour que Lhéasse me regardât comme je le souhaitais. J’avais alors conscience que la réalisation de mon vœu ne m’apporterait rien : ni son amour, ni son désir, ni une vie agréable. Pourtant, l’idée ne m’avait pas quitté durant des années. À présent, je n’y pensais que dans de rares occasions. « Non mais je ne doute pas que nous finirons par le savoir. » Soit parce que la langue de Judicaël cracherait le morceau au détour d'une conversation, soit parce que des espions seraient affectés à la problématique. Je soupirai. Ce bain était inutile. Je les avais néanmoins suivis pour respecter le tirage au sort. Je gardai mes sous-vêtements et m’assis simplement sur la berge pour tremper mes pieds et mes mollets dans l’eau. Lux in Tenebris planait autour de moi et courait sur mon corps en suivant le tracé qu’elle avait déjà ancré dans ma peau. Je ne répondis pas aux questions de Lhéasse concernant Ârès et écoutai Abérias d’une oreille distraite. Qu’importât la raison, mes objectifs ne changeraient pas : rompre l’alliance entre mon peuple et les Mages Blancs, finir les Réprouvés, terminer les Sirènes et exterminer toutes les races récalcitrantes à l’hégémonie des Sorciers.