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« Et quand reviendra-t-il ? » « Je l’ignore, ma Dame. » Edelwyn se pinça les lèvres et versa dans son bol le thé contenu jusqu’ici dans la théière. Elle servit également le domestique qu’elle avait convié à sa table. Devant eux, un jeu de go était posé. Elle gagnait mais il n’en avait pas encore conscience. Songeuse, elle laissa son regard dévier vers un autre meuble. Un jeu d’échecs y était posé. Les pièces avaient conservé une position bien précise et la poussière s’était accumulée sur le plateau. Elle avait refusé que quiconque s’approchât de l’objet pour le nettoyer. Personne ne comprenait sa lubie. Saraquiel avait bien tenté de lui proposer de terminer le jeu mais elle l’avait rabroué sans pitié. « Et mes parents ? » « Je l’ignore également, vous savez bien. » Elle se leva. Elle savait déjà tout ça. Elle posait la question comme si le faire obligerait le temps à passer plus vite. Elle n’aimait pas savoir son frère loin d’elle. Malheureusement, ses absences étaient de plus en plus nombreuses. Elle crevait de jalousie, parce qu’elle devait rester là à attendre que les minutes voulussent bien défiler. Ses mains se refermèrent sur son châle qu’elle remonta sur ses épaules. Elle se sentait seule et ni ses livres ni la présence du domestique n’arrivaient à modifier son humeur maussade. Ici, elle ne pouvait même pas pratiquer la magie. La philosophie qu’elle apprenait ne lui était d’aucun recours. Elle avait déjà lu les livres que son père lui avait achetés trois fois et n’avait pas l’intention de rédiger la dissertation qu’il lui avait demandé d’écrire avant qu’il ne rentrât. Au fond, elle se doutait qu’un beau jour, il ne reparaîtrait tout simplement pas. Sa vie n’était qu’attente. De plus, tant qu’Ezechyel n’était pas présent, celui qui se cachait à l’intérieur de lui parfois ne pourrait pas lui revenir et cette partie d’échecs resterait inachevée. Elle soupira. Parfois, elle désirait mourir. Puis, elle se rappelait que cela n’arrangerait rien.

Alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre son adversaire aux compétences médiocres, un halo de lumière fit son apparition. Elle le fixa. « Comment est-ce que… ? » Puis, ça lui dit quelque chose. Elle en avait déjà vu un avant. Elle plissa les yeux tout en réfléchissant. Le portail était ouvert pour elle. Si elle ne saisissait pas l’opportunité, elle allait devoir continuer à mourir d’ennui. Alors, elle décida de prendre le risque. « Restez ici. Je reviens. » Elle fit fi des protestations. Le pauvre homme se ferait un sang d’encre pour elle après son départ mais ça ne l’intéressait pas.

La fin de journée l’accueillit. La nuit s’apprêtait à engloutir le monde. Une analyse méthodique de son environnement lui fit prendre conscience qu’elle n’était pas vêtue pour ce type de paysage. Puis, son attention fut captée tout entière par la silhouette que la rivière avait avalée à moitié. Elle l’observa sans rougir. Ce n’était pas le corps qui l’intéressait mais bien l’esprit. Pour autant, cet homme la troublait dans une autre mesure. Elle le sonda mais ne comprit que lorsqu’il la remarqua à son tour. Elle ramena son châle sombre sur sa robe blanche et se retourna. « Je vous ai attendu. » dit-elle sans chercher à le regarder, comme si elle s’adressait au sapin qui se trouvait devant elle.

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Un pressentiment me sortit de mon immobilisme. Je tournai la tête vers un point précis et croisai l’émeraude des iris d’Edelwyn. Je ne laissai un soupir franchir mes lèvres que lorsqu’elle se détourna, mon regard remontant vers le ciel en même temps que ma tête se penchait en arrière. Ils me fatiguaient, tous. Je sortis de l’eau, me séchai et me fabriquai des habits ex nihilo avant de la rejoindre. Ma main effleura son épaule. « Vous n’auriez pas dû. » J’esquissai un sourire. « L’avouer n’est pas non plus recommandé. » Si elle était la version d’elle-même que je pensais, cela faisait plusieurs années pour elle que nous ne nous étions pas vus. Mes doigts quittèrent le tissu de son châle et revinrent se positionner contre ma cuisse. « Vos mots sont sincères, ce qui me donne un avantage sur vous. » Elle était minuscule. En bien des aspects, elle me rappelait Eméliana. Les deux jeunes femmes possédaient un esprit affuté. « Et si nous avions terminé cette partie d’échecs, j’aurais très probablement gagné. » Malgré ma supériorité actuelle, sa simple existence me déplaisait. Je savais que le rapport de force ne serait pas toujours à mon avantage. Au-delà du reste, elle était la mère de Lucius. Je la percevais dans les yeux de mon fils à chaque fois qu’il agissait de façon intelligente. Ces derniers temps, son image ne m'apparaissait que très rarement en l'observant. C’était à la fois heureux et malheureux. Heureux pour moi, qui n’aimais pas être hanté par des chimères. Malheureux pour lui, qui se comportait comme un abruti.

« Pourquoi êtes-vous ici ? » Ses vêtements me laissaient penser qu’elle n’avait pas prévu de s’engager dans la recherche d’Aliénor Vaughan. Néanmoins, je me méfiais d’elle. Sa rationalité était bancale. Elle n’existait que lorsque ça l’arrangeait. J’inspirai, les cornes sur le sommet de mon crâne aussi gênantes que ma situation actuelle. L’apparition d’Edelwyn ne m’empêchait pas de songer à Freyja, Adam, Priam et Ezechyel, bien au contraire. Elle aimait la stratégie, ce qui me faisait songer que la mienne était douteuse depuis que nous nous étions tous retrouvés à Juvaniel. Au fond, je savais parfaitement comment agir pour apaiser les tensions. Néanmoins, je m’y refusais, comme un Bicorne récalcitrant. C’était stupide et je n’avais pas pour habitude de l’être. L’avoir en face de moi me rappelait que seul le résultat comptait, qu’importassent les moyens pour y parvenir. La franchise ne m’avait jamais rien apporté. « Ezechyel est là. Nous recherchons la Comtesse Aliénor Vaughan, enlevée par une autre version de moi-même. Sont présents Adam Pendragon, ainsi que Freyja et Priam Belegad. » Je guettai ses réactions, tout en me demandant si sa présence n’était pas une bénédiction finalement. À ce stade de sa vie, elle ne constituait aucun danger pour moi et était, assurément, une personne sensée avec laquelle discuter, loin des complications attachées aux émotions.

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J'ai envie de jouer ça maintenant xD

Edelwyn se tourna légèrement lorsqu’elle sentit le contact. Elle leva les yeux vers lui et tenta de ne pas montrer ce qu’il provoquait chez elle. Une petite moue se dessina cependant sur ses lèvres. Il avait raison. Elle le détailla. Il était vieux et avait des cornes sur le sommet du crâne. Elle songea à une malédiction mais, dans le doute, préféra ne pas poser de questions. S’il possédait naturellement ces attributs, il le prendrait probablement mal. De toute façon, sa magie la dissuadait de réaliser tout ce qu’elle aurait pu tenter en temps normal : menace, chantage, pique. Quant au fait qu’il fût vieux, ça ne la dérangeait pas. La plupart des hommes restaient des enfants longtemps ; à l’instar de ses deux frères, clairement en compétition pour le titre de garçon le plus puérile des Terres. « Nous ne le saurons probablement jamais, puisque vous n’êtes pas revenu. » tenta-t-elle. Elle n’avait jamais gagné contre lui mais pensait s’être améliorée depuis. Elle ne trouvait donc pas très juste qu’il décrétât qu’il aurait remporté la victoire. « Vous n’êtes pas le seul à ne pas venir. Beaucoup ont peur de jouer contre moi. » Elle regarda un point quelconque sur le paysage. « Je les comprends. Quand on a un certain âge, ce n’est jamais plaisant de se faire battre par une jeune fille. » Elle sourit, plutôt fière de son insinuation.

« Hum. Oui. C’est vrai. » Pourquoi était-elle ici ? Elle ne pouvait décemment pas lui dire qu’elle s’était laissé tenter par la lumière du halo au milieu d’une journée remplie d’ennuis. Elle avait pris un risque. « Disons que puisque vous ne veniez pas, j’ai décidé de vous rejoindre. » C’était un bon compromis. « Mais n’allez pas penser que c’était parce que je songeais à vous. » Un peu maladroit peut-être. Elle aurait mieux fait de ne rien ajouter. Le fait qu’elle voulût le rejoindre impliquait forcément qu’elle pensât à lui parfois. Elle devait rattraper cette phrase idiote. Pourtant, elle ne trouva rien qui pût la sauver et non l’enfoncer. Heureusement, elle en fut dispensée. Elle haussa les sourcils à la mention de son frère mais se reprit rapidement. Elle avait commis plusieurs erreurs depuis qu’elle était ici. Il valait mieux qu’elle ne le laissât pas envisager qu’elle ne fût au courant de rien. « Cette mission sera périlleuse puisqu’une autre version de vous-même est à l’origine de l’enlèvement. Sait-il jouer aux échecs comme vous ? Mieux que vous peut-être ? » Si son frère était impliqué dans cette histoire, celle-ci devait relever de ses obligations. Néanmoins, qu’elle s’y retrouvât mêlée était parfaitement incompréhensible. Était-ce lui qui l’avait fait venir ? Elle en doutait. Il l’aurait accueillie et elle ne se serait pas retrouvée en présence de son rival de jeu à moitié nu. « Y a-t-il des éléments que vous aimeriez me livrer avant que nous rejoignions les autres ? Si nous voulons élaborer une stratégie, autant utiliser les points forts de chacun d’entre eux. Si vous voulez mon avis, mon frère n’est pas un atout, loin de là. J’espère que les autres sont plus débrouillards. »

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« Tss. » Après le son, un sourire m’échappa. Elle n’était ni discrète concernant les émotions qui la traversaient, ni implacable dans ses insinuations. Malgré moi, la pensée que les choses étaient bien plus simples avec elle passa dans mon esprit. Je n’avais ni à me justifier, ni à composer, juste à exister et discuter. Sa jeunesse rendait la communication plus aisée. Sur la toile presque vierge de notre relation, aucune blessure ne figurait encore, aucune que la jeune fille qu’elle était aujourd’hui n’avait provoquées ou ne connaissait. J’étais le seul gardien des épreuves qu’elle m’avait fait endurer. Ça m’allait parce que celles-ci n’avaient pas à être discutées. Je l’avais détestée plus d’une fois, surtout lors de la conception de Lucius, mais les choses avaient été nécessaires et je me doutais que coucher avec moi n’avait pas dû lui plaire non plus. J’y avais beaucoup pensé depuis. Elle m’avait dit qu’elle s’était présentée sous les traits de la laideur pour tester ma motivation mais je n’en étais pas sûr. Peut-être avait-elle simplement voulu nous éviter ça. Je ne pouvais pas le lui demander. Elle ignorait tout de son futur et la simple idée d’envisager de parler de sexe avec elle me mettait mal à l’aise.

« Si mieux signifie renverser le plateau alors, effectivement, il joue mieux. » La simple pensée que nous dussions rejoindre les autres me déplaisait. J’aurais préféré rester ici, à discuter avec elle de n’importe quel sujet. La situation avec Freyja m’échappait totalement. Je n’avais ni envie de lui faire face, ni envie d'affronter encore ses prunelles et ce qu'elles me renvoyaient. Voir Adam au milieu des autres m’était également pénible et Priam possédait une trop grande ascendance. Si nous n’avions été que tous les deux, le côtoyer ne m’aurait pas dérangé outre mesure mais il éveillait des désirs et des envies qui n’étaient pas viables dans cette configuration. Quant à Ezechyel, il créait chez moi la haine et la tendresse à la fois. Traiter les problèmes un par un aurait été possible. En présence de l’ensemble, j’étais incapable de quoi que ce fût parce que les difficultés se nourrissaient les unes les autres, en fonction de l’entremêlement des liens de chacun. « Très bien. Freyja est une bonne guerrière mais est incapable de gérer ses émotions. Si Ârès s’en prend à l’un quelconque des membres du groupe, elle se jettera sur lui sans réfléchir. Priam est handicapé et ne présente aucun atout véritable en l’état si ce n’est sa magie et ses sentiments amoureux pour la captive qui pourraient le pousser à se dépasser. Néanmoins, ces mêmes sentiments pourraient aussi rapidement l’anéantir. Jusqu’ici, il n’a pas souvent fait preuve d’initiatives. Freyja et Priam sont en mauvais termes, ce qui n’arrange rien. Le point fort d’Adam est sa capacité à parlementer mais contre Ârès, ça ne vaut rien. Sa magie est bonne mais il ne sait pas se battre. Il est amoureux de Freyja, ce qui doit être pris en compte puisque je ne sais pas comment est-ce qu’il réagirait si elle était en danger. Globalement, Ârès n’aurait qu’à s’en prendre à elle pour immobiliser le groupe entier, étant donné qu’Ezechyel est aussi amoureux d’elle. Heureusement que Priam est son frère. » laissai-je échapper, comme si l’Ange l’aurait également aimée si ça n’avait pas été le cas. « C’est ce que je ferais à sa place : je tuerais Freyja d’abord. Elle représente parfaitement le roi sur l’échiquier. Les autres gravitent autour d'elle. »

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Edelwyn prit un temps pour imaginer Ârès avec le peu d’informations qu’elle possédait. S’il était capable de renverser le plateau, cela signifiait plusieurs choses. Tout d’abord, il ne craignait pas le jugement des autres ; n’importe quel individu qui l’aurait redouté n’aurait pas fait fi des règles établies par ses pairs. Ensuite, s’il pouvait le faire sans se heurter à la colère de ceux qui voyaient leurs lois violées, cela signifiait qu’il était suffisamment puissant pour se le permettre. Puisqu’il ne cherchait pas le soutien des autres… que cherchait-il ? Seul, il finirait probablement par disparaître. Était-il seulement seul ou possédait-il quelques soutiens ? Cherchait-il simplement à imposer ses propres règles et, par là même, à prouver sa supériorité ? S’il n’appartenait à aucun système, il serait difficile à maîtriser. Retourner ses proches contre lui serait impossible. L’ignorer ne semblait pas non plus être une stratégie viable, puisqu’il venait d’enlever une femme. La jeune fille trouva la chose étrangement paradoxale. Dans le cas où il ne cherchait pas la reconnaissance d’autrui, cette mise en scène ne lui servait à rien. Voulait-il provoquer la peur, la crainte ? Pourquoi ? Voulait-il gagner du temps ? Avait-il autre chose en tête ? Elle mit cette idée de côté – elle n’avait de toute façon pas assez d’éléments pour dresser le portrait de l’individu – pour se concentrer sur les caractéristiques des personnes décrites par Kaahl.

« J’imagine qu’Ârès est au courant de toutes ces choses. Pourtant, ce n’est pas à cette femme qu’il s’en est pris mais à une autre. » murmura-t-elle. N’y avait-il qu’un jeu macabre derrière ce mouvement ou cherchait-il à provoquer quelque chose ? « Quoi qu’il en soit, si Freyja est un Roi, il vous faudra la protéger qu’importe le reste. De ce que je comprends, Adam serait un évêque ou un fou et Priam un pion qui pourrait se transformer en cavalier à l’occasion. Mon frère pourrait éventuellement constituer une tour. Il voit loin mais n’est pas d’une grande utilité dans le feu de l’action. » Elle ne se mentionna pas. Elle se voyait plutôt en dehors du plateau, à l’observer. À ce sujet, elle se permit une remarque, tout en glissant sa main dans le creux du bras de l’homme pour le suivre. Elle avait noté le ton qu’il avait employé pour parler de Freyja et des autres. « Gravitez-vous également autour d’elle ? » Elle serait déçue si telle était le cas, même s’il était naturel pour une Reine de défendre son Roi coûte que coûte, quand bien même celui-ci fût-il un guerrier. Était-il seulement la Reine ? « À votre avis, pourquoi est-ce qu’Ârès a enlevé Aliénor ? Qu’a-t-il à y gagner ? Que cherche-t-il à faire ? Que pourrait-il entreprendre pendant que vous êtes occupés à la chercher ? Je trouve ça simplement étrange pour quelqu’un qui renverse le plateau de se contenter d’un simple enlèvement. À moins qu’elle ne soit cruciale ou qu’il ait un lien particulier avec elle ? Y a-t-il une notion de vengeance qui entre en jeu ? Dans le pire des cas, si elle mourait, quelles seraient les conséquences véritables ? » Elle resserra sa prise sur lui. « Ne me pensez pas cruelle. J’essaye simplement d’évaluer la situation. Si les pertes risquent d’être supérieures en agissant, ne pensez-vous pas qu’il serait préférable de ne rien tenter, quitte à perdre un pion ; si Aliénor est un pion ? »

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« Si, ce serait préférable. » tranchai-je, en m’arrêtant de marcher. Je me tournai de nouveau vers elle pour la regarder. Elle était à peine adulte et raisonnait froidement parce qu’elle n’avait probablement pas assez vécu. J’aurais dû faire la même chose mais cette capacité, une capacité dont j’étais doté et dont j'avais amplement abusé par le passé, m’échappait bien trop souvent dernièrement ; parce que j’étais bien plus âgé et parce que j’avais accepté de m’attacher à autrui. Je savais déjà qu’Aliénor ne représenterait qu’une perte modique si elle venait à périr. Bien entendu, elle avait de l’importance pour le lien unissant les Magiciens et les Sorciers et sa perte ébranlerait probablement la confiance entre les deux peuples mais rien que je n’aurais su régler. Ârès s’était échappé à cause de la fausse Impératrice Blanche et, en cas de décès, les Sorciers ne pourraient pas être désignés comme les responsables des agissements du criminel. Il n’avait jamais été soutenu par la Couronne Noire. C’était un solitaire qui n’agissait que dans son unique intérêt. « Je ne pense pas que nous réussirons à la sauver mais il vaut mieux au moins donner l’impression d’essayer. » Je lui mentais. Je ne pouvais pas lui dire que je voulais la retrouver parce que Priam tenait à Aliénor et que je tenais à Priam. Cela n’aurait eu aucun sens pour elle. « De plus, j’ai besoin de la coopération des principaux concernés. Si j’avais refusé d’aller la chercher, je n’aurais pas pu compter sur leur coopération future. » Je lui souris d’un air entendu. Ils y seraient allés sans moi dans tous les cas, ce qui aurait accentué le danger.

Je me remis à marcher et restai silencieux un temps. Je n’avais répondu à pratiquement aucune de ses questions. Le fait qu’elle les posât m’avait fait réaliser mon incapacité à raisonner correctement. Je n’étais pas en état et c’était un problème. Elle avait raison. Ârès ne cherchait peut-être qu’à nous éloigner de sa véritable cible. À moins qu’elle ne fût parmi nous et qu’il désirât tous nous fatiguer afin de pouvoir l’atteindre plus facilement ? « Nous allons bientôt arriver au campement. Je préfère vous avertir que nous n’avons qu’une seule tente. Vous pourrez dormir à mes côtés si vous le désirez, même si les autres ne présentent aucun danger. » Je me plongeai de nouveau dans le silence. À quelques mètres du point de ralliement, je me tournai vers elle. Je voulus lui demander si je lui donnais l’impression de graviter autour de Freyja mais m’abstins. « Je vous déconseille de tenir les propos que vous avez eus devant les autres. Ils ne sont pas faits de la même matière que nous. Ils ne comprendraient pas et vous risqueriez d’être blessée. » Je parcourus la distance jusqu’à Adam et Priam. Ils étaient en train de cuisiner. Freyja et Ezechyel n’étaient pas revenus. « Elle va nous accompagner. » leur dis-je, en désignant la jeune femme. « Il s’agit de la sœur d’Ezechyel, Edelwyn. Voici Adam et Priam dont je vous ai parlés. »

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