Malgré le calme apparent dont tu faisais preuve, l'urgence de la situation t'avait fait prendre le galop pour atteindre le palais une fois l'intérieur du Royaume atteint. Vous aviez perdu trop de temps à marcher au pas pour éviter d'attirer l'attention sur les terres ennemies. Un temps que tu avais volontairement choisi de délaisser néanmoins. Mais maintenant le temps d'agir était venu. Du haut d'une tour de guet, les soldats présents te suivent du regard filer à toute allure, surpris d'une telle précipitation. Tant qu'ils furent incapables de te reconnaître. « Deux cavaliers sont en approche. » te fais remarquer l'adolescente derrière toi. Tu jettes un œil à ton flanc droit, là d'où arrivaient les soldats. « Je les vois. Attendez-moi là. Je n'en ai pas pour longtemps. » lui sommes-tu en tirant sur les rênes de ton cheval afin de quitter la route et aller à la rencontre du duo. « Votre Majesté ?! » s'étonnèrent-ils lorsque tu t'arrêtes devant eux. Sans perdre un instant ils quittèrent le dos de leurs destriers pour te saluer d'un genou au sol. « Au rapport soldat. Le convoi est-il revenu ? » - « Le convoi royal ? Non votre Majesté. ». Tu ne réponds rien malgré la surprise des soldats à te voir en selle et sans le convoi. Au lieu de cela tu jettes un œil derrière toi pour t'assurer qu'Adolestine était toujours présente. « Je vois. » dis-tu seulement en ramenant ton intention sur les gardes. C'était inquiétant. Qu'est-ce qui avait pu les retenir ainsi ? « Retournez à votre poste. Et gardez l'œil ouvert. » - « A vos ordres. » clamèrent les soldats en claquant des talons avant de se remettre en selle et retourner d'où ils venaient, toi-même revenant au côté de la princesse déchue. « Ne perdons pas plus de temps. » lui révèles-tu avant de donner un coup de talon sur les flancs de l'animal et reprendre le galop.

À peine pénètres-tu la cour du château que déjà l'activité s'intensifie autour de vous. « Menez cette demoiselle aux bains, elle le mérite. » enjoins-tu au premier soldat passant avant même d'avoir touché le sol. « À vos ordres Majesté. » répliqua l'interpellé comme il invita la demoiselle à le suivre, disparaissant avec elle dans le palais. « Monseigneur. ». Tu te tournes vers la nouvelle venue avant de lui offrir un sourire charmeur, de ceux qui t'avaient valu ton titre lors de ton passé amnésique. « Le peuple est ravi de vous savoir de retour. » - « Comment peut-il en être ravi alors qu'il l'ignore encore ? » répliques-tu comme tu te rapproches d'elle. « Ma Dame. » la salues-tu enfin en saisissant sa main, tes lèvres s'arrêtant à quelques millimètres de sa peau diaphane. « Pardonnez ma tenue, elle ne sied guère à une dame de votre rang. » - « Vous n'avez pas à vous soucier de la façon dont vous me paraissez Monseigneur. Il y a bien plus matière à inquiétude que l'habit dans lequel vous vous présentez. ». Et en effet elle le semblait, inquiète. « Pour quelle raison la Prin– Humpf ! ». D'un baiser sur ses lèvres tu l'empêches de conclure son interrogation. « Plus tard. » lui souffles-tu en la libérant. « Fais réunir le conseil de sécurité pour moi. Je vous retrouve vite. ». Car toi-même ressentais le besoin urgent de te décrasser.

Lavé et drapé de ton habit royal, tu pénètres la pièce où déjà la Reine en compagnie de tes conseillers ainsi que les supérieurs militaires t'y attendaient. Le pas rapide, écartant les portes qui y menaient avec violence, une ride contrite barrant ton front, tout indiquait chez toi l'état de contrariété dans lequel t'avait mis le responsable du service d'espionnage en te faisant part, en amont du conseil, de la lamentable situation géopolitique actuelle. « La Princesse Coline qui a été vue à Uobmab sans la moindre chaine pour l'entraver — bénissons au moins le fait qu'elle soit en vie. La nouvellement régente Zebella déchue une semaine après être montée sur le trône de Lieugro, prisonnière de la famille royale en fuite avant de leur échapper et quitter Narfas. La Reine Westphaline assassinée au milieu d'une réception mondaine sans que personne n'en prenne connaissance avant le lendemain. » énumères-tu avant même d'être installé. « Quelqu'un a versé une potion de révolte et de folie dans les puits des royaumes du sud ? Y a-t-il encore autre chose qu'il me faut savoir et que l'on ne m'aurait pas dit ? » déclares-tu en plaquant avec force les mains sur l'épaisse table. La situation te paraissait improbable. Le monde n'avait pas besoin de ça, surtout en l'état actuel où Judas continuait son expansion territoriale comme la peste balaie la population là où elle passe. L'union était nécessaire et ce n'était pas en faisant tomber toutes les têtes couronnées que les choses pouvaient bien se passer. Bien au contraire. Il n'y avait rien de plus fragile qu'un royaume dont on faisait tomber la tête du Souverain. C'était comme offrir sur un plateau d'argent un territoire au Roi d'Uobmab. « Il y a également la disparition du Roi Arthur de Caermaloyw. » ajouta timidement l'un des militaires, un Général tout juste nommé et peu au fait du déroulement de ce genre de réunion. « Au moins il a seulement disparu... » soupires-tu balayant l'air du revers de la main, quoique la nouvelle te contraries tout de même. « Cela étant, le meurtre de Westphaline de Narfas n'est pas si étonnant que cela. » intervint l'un des conseillers. « Les mouvements masculinistes n'ont cessé de s'y développer. Ce n'était qu'une question de temps avant que le pouvoir en subisse les conséquences. ». À nouveau tu exhales un souffle. Il avait raison sur ce dernier point. La chute de la royauté de Narfas n'avait été qu'une question de temps. Il aurait été préférable qu'elle ait lieu plus tôt ou plus tard cependant. « Narfas est loin de Pærsphöresst. » intervint l'un des Généraux dont les mèches grises sur les tempes illustraient l'expérience du personnage. « Avant de traiter les problèmes de Narfas, il serait plus sage de considérer l'extension rapide des terres d'Uobmab qui touchent déjà le royaume. » - « C'est une évidence. » répliques-tu avec plus de calme. « Néanmoins on ne peut fermer les yeux et ignorer ce qu'il se passe là-bas non plus. Un régicide n'est pas à prendre à la légère. ». C'était une véritable situation de crise que vous étiez en train de vivre. Ça ne te plaisait pas.

Reprenons dans l'ordre. » reprends-tu en t'asseyant enfin. « Des décisions ont-elles été prises en mon absence concernant Lieugro ? » - « Non, votre Altesse. Pas encore. » intervint ta Reine. « Bien. » - « Conservons-nous avec le fils de Judas d'Uobmab les relations cordiales que nous entretenions avec la famille de Lieugro ? » - « Merlin ne vaut pas mieux que son père. » tranches-tu la question avant l'intervention de quiconque. Tu avais pu assister à sa cruauté. Quand bien même certains pouvaient justifier l'acte, il te demeurait barbare. « Néanmoins il ne me semble pas judicieux de nous mettre Merlin d'Uobmab à dos. Mieux vaut adopter la même politique que nous entretenons avec Judas ? ». Aucune donc, sinon de se tenir le plus éloigné de sa personne et observer avec attention ses agissements. « Attendons de voir comment vont évoluer les choses. » déclares-tu. « La situation est encore instable là-bas. Merlin est craint mais il est certain qu'une frange de la population osera le braver. Pour l'instant nous coupons seulement nos liens avec Lieugro. Observons ce qu'il s'y passe avant d'agir. » - « Et concernant les liens économiques ? » - « Tous nos liens. ». Un silence seulement troublé par la griffe d'une plume sur une feuille s'installa un court instant. « Concernant Narfas ? » relança le diplomate. Vous n'aviez pas de relations particulières envers ce royaume. Il était trop lointain. Qui plus est, tu voyais d'un œil critique la politique entretenue par leurs Souverains. Néanmoins ils ne semblaient pas faire preuve d'une quelconque velléité envers ses voisins. « La situation n'est peut-être pas la meilleure actuellement, mais Narfas pourrait être un bon allié contre Uobmab. » suggéra le conseiller. Tu ne pouvais nier ses mots. Tu y avais toi-même songé, et plus d'une fois. « Nos royaumes sont trop éloignés l'un de l'autre. Qui plus est, ils sont séparés par Uobmab à présent. Une alliance militaire est vouée à l'échec en l'état actuel. ». Tu approuves d'un signe de la tête avant de te tourner vers le greffier. « Notez pour le prochain conseil qu'il nous faut réfléchir à une politique d'asile plus poussée. Nous en profiterons pour discuter de la possibilité de devoir mettre en place un système de protection des civils si le pire des cas devait arriver. » soupires-tu avant de reporter ton attention sur la table. Les prochains jours allaient s'annoncer agités et tu en étais épuisé d'avance. « Puis-je hasarder une question Majesté ? ». Tu te tournes vers ta femme. « Est-il vrai que la Princesse Adolestine a trouvé abri entre les murs du palais ? ». Elle le savait déjà. La fourbe n'avait posé cette interrogation que pour t'obliger à l'avouer au reste du conseil. « Elle ne restera pas longtemps. ». C'était une certitude. Non pas parce que tu avais l'intention de l'obliger à quitter les lieux, mais parce que c'est ce qu'elle voulait. « Juste assez pour récupérer. Vous me faites d'ailleurs penser, envoyez quelqu'un dans les Trois Royaumes. Le convoi n'est toujours pas arrivé, ce n'est pas normal.» ordonnes-tu à l'un des Généraux. « Immédiatement. » - « À vos ordres Messire. » - « En quoi est-il urgent de savoir ce que sont devenus nos hommes ? » s'interrogea la Reine. « Parce qu'il y a une femme avec eux. Elle est blessée et la seule personne de qui est encore proche la Princesse Adolestine. ». Déjà tu t'étais préparé à lui annoncer la potentielle terrible nouvelle de sa mort. L'incertitude pouvait néanmoins être pire que de devoir pleurer une victime.