Les Portes V - Par le pouvoir d'un mot je recommence ma vie
Adénaïs & Zébella (Èibhlin & Susannah)

☙ AViVA - BRN

Rôle - Zébella d'Uobmab:

Avec un grognement traduisant son effort, Zébella abattit sa main sur la crête d'un rocher affleurant la surface de l'onde. Ses doigts glissèrent sur la vase et elle fournit une vague d'énergie supplémentaire pour lutter contre le courant le temps de trouver une anfractuosité dans la roche sur laquelle elle pourrait se retenir et s'autoriser une courte pause. Désirant fuir l'empire de ses préoccupations autant que la chaleur qui étouffait l'air de tout le Royaume, la Reine avait sauté sur un cheval en sortant du lit et, suivie de gardes et d'un homme, avait battu la campagne jusqu'à ce que la capitale ne soit plus qu'un point dans l'horizon. Le vent de la course avait rafraichi son visage mais le jeu de ses muscles pour tenir la chevauchée sous l'écrasant astre avait eu raison de sa tunique, désormais trempée de sueur. Ils avaient fait halte près d'un torrent et le regard de Zébella s'était porté en amont avec intérêt. Laissant les chevaux s'abreuver, elle avait informé le nouveau venu de ses nouvelles fonctions. À sa demande, elle avait demandé s'il se trouvait quelqu'un pour assurer sa forme physique. À Uobmab, plusieurs s'étaient succédés, selon leur domaine de prédilection, lutte, escrime, tir à l'arc, athlétisme, pour modeler ce corps qui pouvait tenir tête à presque n'importe qui. Ses pensées s'orientèrent vers Arcange, vers Judas. Elle n'était pas la plus forte, et face à eux, le bon sens n'aurait pas parié en sa faveur.

« C'est formidable, votre Altesse ! Poursuivez vos efforts ! Est-ce que vous souhaitez vous arrêter ? » Zébella leva les yeux au ciel et se nota mentalement de congédier l'inutile dès qu'elle remettrait le pied sur la berge. Cet incapable ne serait pas capable de l'endurcir comme elle le voulait. Il ne faisait que la flatter sans lui donner de véritable conseil. Ses phrases destinées à la motiver ne faisaient que l'irriter davantage. Sans prendre la peine de lui répondre, la bleue lâcha son point d'appui et reprit sa nage en amont, ignorant les hurlements de ses muscles et la faiblesse de ses cuisses contre la force du torrent. Les dents serrées, elle fit fi des limites de son corps et fit comme si les fleurs noires qui piquaient sa vision n'étaient que des éléments naturels du paysage. Ce n'était pas en se reposant sur ses lauriers qu'elle progresserait. Elle devait garder la tête hors de l'eau, à tout prix, et ne plus jamais commettre le moindre faux-pas comme ceux qui l'avaient conduite à Narfas ou qui avaient donné à Déodatus l'occasion de lui faire du mal.

Plus tard, de retour au château, elle se lava rapidement pour faire disparaître l'odeur de limon et ramena ses cheveux humides en arrière. Un domestique l'avait informée de la présence d'Adénaïs qui patientait pour une entrevue. Elle enfila un pantalon, des bottes et une tunique qu'elle rentra dans son pantalon. Elle fixa diverses armes, sur ses hanches et plaquées par ses bottes contre ses mollets, par pure précaution. Il y avait longtemps qu'elle ne dormait plus sur ses deux oreilles. Personne, sinon Childéric n'avait sa confiance, mais elle avait grandi en n'apprenant à ne compter que sur elle-même et il était hors de question de se reposer sur son Chef des Armées pour espérer garder sa tête greffée au reste de son corps. Elle lui avait de toute façon donné de quoi s'occuper, il ne serait pas toujours là pour assurer ses arrières.

D'un pas décidé, la Reine pénétra dans le salon. D'un coup d'oeil, elle évalua l'apparence de la mère de son violeur. Avant qu'un mot soit échangé, elle se tourna pour claquer la porte au nez de la domestique, la coupant au beau milieu de sa proposition d'apporter le thé. Elle pivota et vint s'asseoir dans le fauteuil face à la d'Etamot qui s'était levée. Ses jambes se croisèrent. Adénaïs n'était ici que parce que Childéric avait du coeur. Zébella aussi, mais elle n'était pas sûre d'en avoir pour cette femme. Pas encore. Elle étudia son visage, et ne put s'empêcher de relever les similitudes entre ses traits et ceux de Déodatus. Le monstre de sa rage et de sa rancœur dressa l'oreille dans son ventre et Zébella s'agita sur son assise. « C'est normal. Il fallait que nous parlions. Vous avez bien fait. » Elle gardait ses phrases concises, tâchant de garder un ton neutre, peut-être légèrement froid. « Que vous est-il arrivé ? » demanda-t-elle soudainement. « Est-ce que vous avez été attaquée ? C'est décidément chose courante. Deux de mes conseillers se sont présentés à moi dans un état plus que lamentable. Je n'ai pas eu le détail de ce qui leur est arrivé, mais pour Gustave, il me semble qu'il revenait justement de ce dîner familial auquel vous vous êtes rendue. Que diable se passe-t-il ? »

Message I | 861 mots

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Adénaïs & Zébella (Èibhlin & Susannah)

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Rôle - Zébella d'Uobmab:

Plus Zébella en apprenait, moins elle comprenait. Ce qui restait le plus curieux restait le flegme dans lequel cette femme se drapait, comme si elle relatait ces évènements du point de vue d'une spectatrice. « Vraiment ? Décidément, vos maisons prennent facilement feu ici. J'ai fait don à Gustave d'une des résidences secondaires que la couronne possède puisqu'il a perdu la sienne. En sa qualité de diplomate, il devrait pouvoir avoir des facilités lui permettant d'assurer ses fonctions confortablement. » Devait-elle en faire de même avec Adénaïs ? Elle n'eut pas l'occasion de creuser la question. Prise d'hilarité à celle que lui retournait la blonde, Zébella songea que ces Lieugrois vivaient encore beaucoup trop dans cette bulle de sécurité. Ils n'avaient rien compris, même avec Merlin aux rênes du Royaume. Elle était là pour faire éclater la bulle et leur ouvrir les yeux sur la réalité, quitte à le faire un peu brusquement. « Menaçante ? Vous ? » La chose l'aurait insultée si elle n'avait pas été aussi risible et Zébella ne fit rien pour l'ignorer comme la d'Etamot le lui demandait. « Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je ne suis pas revenue ici avec un drapeau blanc dans les mains. J'ai dû faire couler le sang pour me tenir aujourd'hui devant vous et tout le monde n'est pas ravi de me trouver là, peut-être vous la première. Mes ennemis sont partout. Je suis d'Uobmab, c'est vrai, de sang comme de coeur, mais je serais surtout sotte de croire que tout est gagné d'avance. Je ne pars pas en guerre, je le suis. Peut-être pas de la façon la plus traditionnelle, mais je serais morte demain si je ne me prépare pas à chaque instant au pire. » À commencer par ses cousins bâtards. Les imaginer arpenter les couloirs du château avait le don de la tendre d'avance. Elle ne trouverait jamais la paix avec ces cafards dans son dos. Envoyer Arcange au loin ne résolvait pas le problème de fond. Il devrait probablement mourir. Qu'aurait fait son père ? Mais il était vain d'imaginer ce que le souverain aurait fait. Son talent résidait dans l'imprévisible. Même elle ne pouvait anticiper son prochain mouvement. À l'heure actuelle, il était de retour à Uobmab avec Coline de Lieugro, mais elle ne l'imaginait pas rester dans l'inaction pendant encore longtemps.

« En effet. » Son regard qui s'était troublé, perdu au milieu de ses pensées, revint se positionner sur Adénaïs. « Pourquoi ne lui posez-vous pas la question directement ? C'est à lui que vous devez mon offre de pardon, vous savez ? » révéla-t-elle en conservant une expression égale malgré la mention de son viol. Non, passer l'éponge lui était difficile, peut-être même impossible. Zébella était terriblement rancunière et même Déodatus mort, une rage glacée la prenait parfois quand elle repensait à ce qu'il lui avait fait subir. Cependant, cette colère avait tendance à se retourner sur elle-même. Si elle n'avait pas été si confiante, tout cela ne se serait jamais produit. « Mais si c'est ce qui vous inquiète, Childéric n'agit pas sous la menace. Je n'ai pas de levier sur lui. Quant aux raisons qui l'ont amené à quitter Narfas et à se joindre à moi, il ne m'appartient pas de vous les dire. » asséna-t-elle. « Je ne suis pas ici pour vous persuader d'accepter mon offre. Ce serait vous mentir si je prétendais n'avoir pas caressé l'idée de vous exécuter, vous et le reste de votre famille. C'est une façon comme une autre de tourner la page après tout. Cela aurait fait passer un message limpide au peuple. Mais est-ce le message que je souhaite faire passer au peuple que je vais gouverner ? J'ai pu observer comment mon père exerçait son gouvernement. Il ne m'a pas cependant enseigné à l'imiter. C'est ce que Merlin a cru mais la vérité, c'est que mon père est unique et que je souhaite aussi l'être, à ma façon cependant. Pour en revenir à vous, je pense que la mort de votre fils est une punition suffisante pour le tort qu'il m'a fait. Vous devrez subir toute votre vie la souffrance de l'avoir perdu et supporter la honte de ses actes sur vos épaules. Me prêter allégeance n'est que la continuité de cette punition. C'est à vous de décider si malgré tout, c'est dans votre intérêt de vous rallier à moi. Personnellement, je me contrefiche de votre bonheur et de la décision que vous prendrez. Si vous m'êtes utile, vous en aurez naturellement les bénéfices, comme Gustave ou Childéric, c'est aussi simple que ça. »

Message II | 812 mots

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Adénaïs & Zébella (Èibhlin & Susannah)

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Rôle - Zébella d'Uobmab:

Se montrait-elle trop clémente ? Le doute n'avait jamais beaucoup alourdi la conscience de Zébella. Certaine de qui elle était et de ce qu'elle faisait, elle ne tergiversait jamais durant des heures. À quoi devait-elle cette nouvelle tare qui s'installait ? À la couronne d'anciennement Lieugro ceignant sa tête ? À ce qu'elle avait vécu à Narfas quand elle avait dû faire face aux limites de sa propre force ? À Déodatus ? Jusqu'où plongeaient les racines du doute ? À Uobmab, le sort d'Adénaïs aurait été réglé, et depuis longtemps. La femme n'aurait pas eu son mot à dire. Cependant, elles n'étaient pas à Uobmab et Zébella tenait à faire la distinction. Le Royaume d'Uobmab lui reviendrait lorsque le temps refermerait ses griffes sur son père, à la condition qu'il ne succombe pas à un coup d'état avant. À ce moment-là, appliquerait-elle le même régime politique que Judas sur tous les territoires sous son joug ? Elle s'imaginait mal dans ce rôle. Ce qu'elle avait dit à Adénaïs d'Etamot, elle le pensait. L'honnêteté était une des valeurs de la bleue, à tort peut-être. Tout le monde savait qu'un bon politicien devait être un bon menteur.

Sortie de ses réflexions par Adénaïs, la souveraine planta son regard dans le sien et un pli dur barra la ligne de sa bouche. « Vous n'êtes pas à Uobmab. » confirma-t-elle sèchement. Merlin avait vraiment fait n'importe quoi. Même mort, son faux frère continuait de lui chauffer les sangs. « Ni à Lieugro. Le nom du Royaume reflètera ce que je vous ai déjà dit et il sera à mon image, pas à celle de mon père. J'ai quelques idées. Une fois ma décision prise, je la rendrai publique par décret royal pour en informer la population. » Ses doigts se croisèrent sur ses cuisses. Le dos d'une raideur presque militaire, Zébella marqua une courte pause avant de développer le propos d'Adénaïs. « La terreur est un outil merveilleusement efficace. Il ne possède des défauts que dans les mains de ceux qui ne savent pas en faire usage. Je ne crois pas que ce soit l'arme dont j'ai besoin. Le temps seul me dira si j'ai tort. À l'inverse, la sympathie était bonne pour Montarville et regardez où cela l'a mené. Je pense que les Lieugrois n'ont pas besoin de l'un ou de l'autre, mais de fermeté et de discipline. La situation est instable, je veux donner une trajectoire claire au peuple, pour se renforcer et devenir celui que j'ai besoin qu'il soit. Mes premières mesures illustrent déjà cela, et il faut que le peuple les accueille favorablement. » Elle n'hésita qu'un bref instant avant de lui révéler ce qui avait déjà été acté. « Childéric va réformer l'armée, aidé de mon cousin, Arcange Reknofed, que vous avez déjà dû rencontrer, je suppose. Le héros de Lieugro. » Elle leva les yeux au ciel sans chercher à dissimuler à Adénaïs ce que le jeune homme lui inspirait. « Les jeunes vont recevoir une éducation militaire. Vos enfants seront peut-être concernés. Je veux que chacun soit capable de se défendre, que la nation devienne forte. Je ne suis pas là pour gouverner une poignée de mignons parfumés et bons à rien. »

Message III | 564 mots

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Adénaïs & Zébella (Èibhlin & Susannah)

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Rôle - Zébella d'Uobmab:

Des négociations, toujours des négociations. C'était un cercle sans fin, terriblement frustrant pour la souveraine qui préférait l'action à la parole. Des mots, tout le monde savait en produire, mais il n'y avait rien de plus expressif que des actes. Devoir parlementer était pourtant un mal nécessaire. D'abord avec Childéric, puis avec Alembert, puis avec ses cousins. Maintenant avec cette femme déchue. Encore et toujours. Elle allait avoir des courbatures à la langue à force. Cela allait-il cesser un jour ? Un soupir ennuyé lui échappa et Zébella éprouva un besoin renouvelé de s'échapper et de retrouver le bonheur simple de se dépenser physiquement, de savourer la brûlure de ses muscles jusqu'à consumer jusqu'à la plus infime de ses préoccupations. Comme la vie était simple avant, lorsque ses journées se résumaient à s'entraîner pour une compétition, à trouver une nouvelle activité sportive où exceller.

« Expliquez-moi au moins pourquoi vous voulez que j'écarte votre fils du programme. Est-ce parce que vous avez peur pour lui ? Qu'il se blesse ? » Si tel était le cas, cette demande n'avait rien d'acceptable. Zébella était prête à faire des compromis, mais pas à être prise pour une reine de paille. Ce serait ouvrir la porte à toutes ces génitrices éplorées qui craignaient qu'une écharde vienne ouvrir le pouce de leur précieuse progéniture. D'abord, ce serait ça, puis les doléances se feraient de plus en plus nombreuses et futiles et la bleue n'avait pas le temps avec ces sottises.

Un autre point contrariait Zébella. « J'aimerais aussi clarifier quelque chose. Votre servitude en échange d'une faveur ne m'intéresse nullement. Je veux votre allégeance parce que vous le voulez, vous, parce que vous croyez en ce Royaume et en ce que nous pouvons en faire. Je ne crois pas que vous réalisiez que vous avez la possibilité d'avoir un impact, vous. Sans doute n'en avez vous jamais eu l'opportunité, mais vous devriez y réfléchir désormais. Mais si c'est à contrecœur que vous acceptez ma gouvernance, vous pouvez tout aussi bien prendre la porte immédiatement. Je veux que mon entourage soit aussi investi que moi, est-ce que vous comprenez ? » Elle n'en était pas certaine. Ces Lieugrois ne comprenaient pas ce qu'être utile signifiait. Certains qui avaient de l'ambition faisaient des efforts, mais les autres n'étaient que des fainéants trop habitués à une vie sans danger, ils ne valaient pas grand chose et attendaient que la vie passe avec passivité et Zébella dominait mal le mépris que tout cela lui inspirait. Elle aurait voulu que tout aille plus vite. Il y avait tant à faire mais elle perdait tant de temps à discuter et à convaincre. Ronger son frein ne lui réussissait pas et elle tâcha d'arrêter le mouvement nerveux de sa jambe qui pianotait sur le sol. Elle s'arma de patience en se demandant si elle en avait encore beaucoup en réserve.

« Concernant Elzibert. Je peux vous proposer de lui en parler directement. Car si j'accède à votre souhait, s'il n'est pas totalement idiot, il va se demander pourquoi lui n'est pas appelé à suivre les autres. Je lui offrirai donc un choix, entre suivre l'armée, ou prendre des fonctions différentes. A-t-il des compétences particulières ? Il y a beaucoup à faire au gouvernement, et de nombreuses places à pourvoir depuis que la couronne a changé de mains. Il sera facile de lui trouver quelque chose qui le fera travailler au château. Qu'en pensez-vous ? Dites-moi aussi ce que je dois savoir sur lui. Et sur vous également. Si vous devez intégrer le cercle de mes connaissances, je veux tout savoir. Si j'apprend que vous me gardez le moindre secret, croyez-bien que je ne le laisserai pas passer. Je vous offre déjà une seconde chance, il n'y en aura pas d'autre. »

Message IV | 665 mots

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Adénaïs & Zébella (Èibhlin & Susannah)

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Rôle - Zébella d'Uobmab:

« Vos deux enfants se sont mariés ? » releva Zébella, réalisant soudainement alors qu'Adénaïs débutait ses explications. « Ils se plairaient peut-être davantage à Uobmab que vous ne le pensez. » commenta-t-elle avec un humour sec. « Poursuivez. »

Elle prit bonne note du portrait de Gustave qui lui était fait. De sa rencontre avec le noble la veille, elle n'en avait pas pensé grand chose, sinon que l'homme était arrivé en retard et contusionné comme s'il sortait d'une rixe de taverne. Il avait au moins eu le bon sens de se tenir par la suite et d'accepter son autorité. Pour le reste, finalement, la bleue ne se préoccupait pas vraiment de sa personnalité du moment qu'il exécutait ce que ses fonctions commandaient. Elle acquiesça. « Je ne lui parlerai pas de vous. » Les relations des enfants avec leurs parents étaient finalement les mêmes, que ce soit ici ou ailleurs, nota-t-elle avec un amusement toujours aussi amer. Cependant, elle ne s'était jamais montrée en opposition aussi frontale avec son père. Ce qu'il ordonnait, elle faisait. Gouverner Lieugro ne lui avait rien dit au départ, principalement parce que cela lui faisait côtoyer Merlin plus qu'elle ne le supportait, mais aussi parce qu'elle avait pensé avoir plus de temps avant de devoir se plier à ce que son sang exigeait. La fillette en elle avait protesté, elle voulait encore profiter. Mais les évènements s'étaient simplement accélérés et Zébella avait choisi d'affronter ce pour quoi elle avait été élevée car la fuite n'avait jamais été une option, et parce qu'elle voulait lui montrer être digne d'être sa fille. Que pensait-il de la mort de Merlin ? Elle ne l'imaginait pas s'en attrister, mais elle aurait aimé savoir. Parfois, elle s'imaginait le commentaire qu'il aurait pu avoir s'il avait été présent. L'aurait-il félicitée ? Elle se secoua mentalement. Il ne servait à rien de laisser son imagination et ses espoirs guider ses pensées.

« Je vois. Il n'aura qu'à seconder son père dans ce cas. » La solution lui était évidente maintenant qu'elle avait ces informations. D'autres suivirent, d'une autre teneur. Elle prit soin de ne laisser transparaître aucune surprise en apprenant que son père s'était glissé entre les cuisses d'Adénaïs. La sexualité active de son père ne lui avait jamais échappé, et qu'il ait visité la veuve ne la troublait pas autant finalement que certaines autres pratiques qu'il affectionnait. « Vous êtes enceinte ? » releva-t-elle, et cette fois, elle réagit, bougeant sur son assise. « De Merlin, vous voulez dire ? Mais c'est impossible. J'ai... Puisque nous en sommes aux confessions, sachez que j'ai fait en sorte que jamais il ne puisse procréer. » Et cela grâce à Jésabelle, cette mystérieuse figure de Narfas qui jouait double jeu. Encore un des sujets dont elle devait discuter avec son père un jour. Ses sourcils se rehaussèrent encore à la mention de Childéric. « Vraiment ? La liste de vos prétendants est bien longue pour une femme aussi mal considérée par la société. Est-ce encore le désir de Childéric de vous épouser ? Il ne m'en a rien dit mais il n'est pas très expansif par nature. » La Reine se réadossa contre le dossier du sofa, songeuse. « Et vous ? Qui voulez-vous épouser ? Ou peut-être préférez-vous garder le veuvage ? » Qu'Adénaïs épouse Gustave ou Childéric ou personne, ça lui était égal. Cela pouvait créer des dissensions, mais Childéric lui avait déjà avoué ne pas porter Gustave dans son cœur. Peut-être Adénaïs en était-elle la raison ? Ces amourettes ne devaient pas interférer avec les affaires du royaume. « Quoi qu'il en soit, je vous demanderai simplement qu'en faisant votre choix, vous ne semiez pas le trouble parmi ceux qui me servent. Ils sont trop rares pour que je puisse me permettre de les monter l'un contre l'autre. Je ne crois pas avoir besoin de vous le dire, vous avez l'air assez mature pour vous en rendre compte, mais j'aime que les choses soient claires. Quant à votre question, c'est à vous d'y répondre, Adénaïs. Qui sait, peut-être que vos conseils influeront sur mes décisions pour le Royaume ? Vous n'avez pas eu une éducation politique, je l'entends, mais vous savez ce que le peuple pense. C'est une chose qui peut échapper à d'autres de mes conseillers. Conseillez-moi à votre tour. »

Message V | 758 mots