Qui n'existent pas !

Musique

« Ouais c’est ça. » répondit Læn à Sympan. « Mais si, je t’assure. Il y a une partie à découvrir de l’autre côté de la palissade. D’après mes estimations… » Il compara le plan de la partie chaste avec le plan global du village. « Si on passe par là, on pourra s’infiltrer dans la zone des adultes… » « Tu fabules. Ça n’existe pas. Ils n’auraient pas voulu qu’on y aille sinon… T’imagines, passer une simple barrière et se retrouver dans une zone louche ? » « Oui j’imagine bien. » Sympan avait le visage baissé. Un large sourire lui donnait une apparence de génie du mal. « Et c’est justement pour cette raison qu’on va y aller. Adriæn sera pour, c’est sûr. Il paierait pour voir sa sœur nue s’il le pouvait. Et toi, t’en dis quoi ? » « J’en dis que je m’en fous. » finit par répondre le bleu, en se disant que Sympan exagérait à propos d’Adriæn. « Allez ! On va être déguisés en plus. C’est une occasion à ne pas manquer. Même si t’es un peu attardé, tout le monde à part Pieris veut voir des femmes nues. Ça sera une expérience inoubliable ! » « Comment ça je suis attardé ? » Sympan soupira et leva les yeux au ciel avant de les ancrer de nouveau sur le faux Magicien. « Johannês… ce que je veux dire c’est qu’il faudrait que tu passes un cap. C’est normal à notre âge d’être attirés par les filles. Mais toi tu passes ton temps à rejeter tes envies. C’est troublant. » Læn serra les dents. « … » « Je dis ça pour ton bien tu sais. » Plus tard, Sympan se plaindrait à Adriæn de s’être fait botter le cul et tirer les oreilles.

Læn se dirigea vers la salle de bain, sa serviette autour de la taille. Il espérait ne pas tomber sur des indésirables, comme Susannah par exemple. Hors de question qu’elle le vît à moitié dévêtu. Il accéléra donc le pas et s’engouffra dans la salle de bain avec la discrétion d’un Bicorne en rut. Il ferma la porte derrière lui, en la bloquant avec une chaise et se dirigea vers l’eau qui coulait déjà. Il trouva ça curieux mais se dit que les Lyrienns avaient sans doute d’autres coutumes. Il imagina une douche en forme de cascade, retira sa serviette et passa le mur qui le séparait de l’eau. Malheureusement, la réalité fit exploser la bulle de ses pensées. Il écarquilla les yeux en voyant la fille. Si l’eau coulait, ça n’avait rien à voir avec une potentielle cascade. « Oh putain ! » s’exclama-t-il.

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Je sentais l’eau couler sur ma peau. La chaleur qui s’imprimait dans la salle de bain venait en parfait contraste avec le froid extérieur. Je fermai les yeux et passai mes mains dans mes cheveux. La mousse qui accueillit mes doigts ne suffit pas à radoucir mes pensées. Réta avait peut-être raison. Peut-être que dès que je serais considérée comme une femme, je serais promise à Cyrénien. Je ne le désirais pas. Je voulais vivre des aventures avec Alcide, devenir chevalier, être un Prince. Je ne voulais pas être une Princesse, parce que les Princesses ne faisaient rien, hormis dépendre des hommes. Je ne voulais pas attendre, assise sur un canapé, à broder un paysage quelconque. Je voulais me battre pour les causes qui m’importaient et, surtout, je voulais me battre à ses côtés. « Je n’épouserai pas Cyrénien. » dis-je, tout haut, comme pour m’en convaincre. « Ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais. » Je supplierais mon père s’il le fallait. J’étais prête à tout pour rester à Basphel, continuer à étudier et à m’amuser avec Alcide et nos amis. Je n’étais plus Princesse Noire. Était-ce si grave si je renonçais au mariage ? Peut-être. Je ne voulais pas y penser. Si je demandais une audience à l’Impératrice Blanche, est-ce qu’elle m’écouterait ? Est-ce qu’elle convaincrait mon père ? Ou alors… peut-être épouser un Magicien, comme Alcide, pour de faux ? En gage de paix ? Tout ceci me paraissait compliqué. Je n’étais pas faite pour réfléchir à ces choses et j'avais l'impression de m'embourber de plus en plus. Tout ce que je savais, c’est que je ne voulais pas de Cyrénien ou de n’importe quel autre mari qui enfermerait mes rêves dans les carcans du mariage.

Inconsciemment, mon regard fut attiré vers un mouvement. Je tournai la tête. Une longue inspiration me saisit, habillée d’un mouvement de recul. « Aah… » Je pointai le garçon du doigt, horrifiée et la gorge trop nouée pour crier. L’immobilisme me saisit soudain, comme seul moyen de défense. Dans ma tête, mille idées se bousculèrent mais je n’eus le temps de rien faire. La silhouette d’une femme nous sépara. Vêtue d’un long manteau noir, je ne pouvais voir que son chignon strict, composé de cheveux blonds. Son regard vert acéré se plongea dans les prunelles du malheureux. « Sortez ! » lui dit-elle fermement, prête à allumer un brasier sur le corps de l’imprudent s’il persistait. « Et je vous déconseille d’en parler à qui que ce soit. » ajouta-t-elle en réduisant ses vêtements à l’état de fripes immondes. J’ignorais tout d’elle. Tout ce que je sus, par déduction, c’est qu’elle était une Sorcière. Des gerbes de Magie des Ténèbres irradiaient de son corps par vagues successives. Je palis, en prenant conscience du fait qu’une Mage Noire était à présent au courant de l’incident. Et si elle était au courant, mon père le serait également très vite.

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Bon courage à son futur petit ami !

Musique

Læn resta un instant sans rien faire. Ses yeux ancrèrent l’image du corps nu de Rose-Abelle dans son esprit. Il y repenserait, plus tard, sans en éprouver pourtant de désir. Elle était un peu trop jeune. C’était juste bizarre, comme lorsqu’il avait surpris sa propre sœur avec Adriæn. Il s’en rappellerait toujours, même si les deux garçons n’en avaient jamais reparlé depuis. Les lèvres du blanc sur l’un des seins de sa sœur revenaient parfois le hanter dans ses cauchemars. Pourtant, il était convaincu que c’étaient des choses d’enfants. Hermelle était plus âgée qu’eux de trois années et était donc déjà adolescente mais Adriæn avait quoi… dix ans à ce moment-là ? Ils ne faisaient que jouer. Cependant, le faux Magicien en avait ressenti un profond malaise. En grandissant, Hermelle avait commencé à être méprisante envers l’Ondin. Ils ne s’entendaient pas. Elle l’évitait lorsqu’il était là et lorsqu’il n’était pas là, elle ne cessait de le descendre, en suppliant presque son frère d’arrêter de trainer avec. Observer Rose-Abelle aujourd’hui était exactement dans le même registre. La gêne pulsait dans ses veines bien plus que tout autre chose. Surtout, il était parfaitement en tort. Elle prenait sa douche et… Mais pourquoi n’avait-elle pas fermé cette putain de porte ?

Alors qu’il allait l’engueuler, pour évacuer la frustration de passer pour un pervers, il fut interrompu par l’apparition d’une femme qui l’écrasa à grands coups de prestance. Il recula par réflexe. Rose-Abelle était à présent cachée derrière elle. Il perdit toute contenance. Il aurait pu crier sur cette femme, si son regard seul n’avait pas suffi à lui écorcher l’âme. Ses jambes crurent bon de le faire détaler. Il ne pensa même pas à ses vêtements. Il voulait juste se barrer. Il retira la chaise sans même s’en apercevoir et sortit en panique. Ses pas le conduisirent vers la chambre. Il ne réfléchit à rien, ni à sa nudité, ni à la vision qu’il offrait à ses camarades. À l’étage, il se plaqua contre un mur et laissa sa poitrine s’abaisser et se soulever frénétiquement de longues secondes. Il passa le dos de sa main sur son front humide de sueur et regarda autour de lui, comme pour être certain que la femme ne l’avait pas suivi jusqu’ici. Il ne parlerait jamais de ce qu’il s’était passé, il le promettait. Il pouvait même le jurer sur la tête de sa sœur.

Il s’immobilisa lorsqu’il croisa le regard d’une fille qu’il n’avait pas vue plus tôt. Elle était sans doute plus âgée que lui mais il ne la connaissait pas. Il ne se rappelait même pas l’avoir un jour croisée dans un cours quelconque. Il n’était pas très assidu. Elle le fixa sans ciller, absolument pas gênée. « Quoi ? » grogna-t-il. Elle sourit. « T’es trempé. Un peu comme moi. » Il y eut un énorme silence.

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Le corps de la femme me cachait celui du garçon. Je ne le revis que lorsqu’il tourna les talons pour fuir. Mes sourcils prirent la forme de mon sentiment prédominant : j’étais soucieuse, autant pour lui que pour moi. J’espérais qu’il n’aurait pas plus de problèmes. Ma main se porta sur ma gorge un instant, avant que ma protectrice ne se tournât vers moi. Son visage était doux mais ses yeux étaient acérés. Je me recroquevillai légèrement, toujours toute nue. « Mademoiselle Salvatore, ne vous a-t-on pas appris à fermer les portes ? » me questionna-t-elle. « Je… Je pensais l’avoir fermée… » me défendis-je sans conviction. « Il ne faut pas que vous le pensiez. Il faut que vous le fassiez. Que ce serait-il produit, d’après vous, si je n’étais pas intervenue ? » Mes deux bras étaient à présent sur ma poitrine, cachant cette dernière tout en ayant une fonction protectrice. Je ne me sentais pas à l’aise. « Je ne sais pas… » avançai-je doucement. Dans mes pensées, il se serait probablement excusé avant de sortir. La situation aurait été gênante mais… « Ce moins que rien vous aurait sauté dessus. C’est ça que vous voulez ? Vous faire violer par un gueux ? Savez-vous ce que cela aurait signifié ? » « N… Non… » Il ne me semblait pas qu’il m’aurait… violée ? Je n’étais pas certaine de savoir ce dont il s’agissait, le viol. « Il m’aurait fallu le torturer avant de le tuer. Et vous… votre pureté se serait envolée. Qui aurait voulu de vous après ça ? Votre père aurait dû vous brader au premier noble venu. Il n’aurait pas été de prime jeunesse, je vous l’assure. Est-ce cela, que vous voulez ? » « N… Non… » Elle continua à me poser des questions. Au fur et à mesure, je répétai les mêmes mots. Ils se chargèrent peu à peu de sanglots. Je ne voulais pas imaginer les sévisses qu’elle infligerait à ce garçon que je connaissais à peine. Je ne voulais pas savoir. Je voulais que tout ceci ne se fût jamais produit. Je voulais retrouver Alcide et pleurer dans ses bras. Je voulais tout lui raconter. Malheureusement, elle m’interdit d’en parler à qui que ce fût. Le fait qu’un garçon qui n’était pas mon mari m’eût vu nue ne devait pour rien au monde s’ébruiter.

Lorsqu’elle partit, je restai longtemps sous la douche, le temps d’avaler mes larmes. Personne ne devait savoir que j’avais pleuré. Il fallait que j'oubliasse tout ça.

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Fin