« Ah ouais ? Et qu’est-ce que tu faisais hein, pendant ce temps-là ? » « Je te l’ai dit, j’ai été retardée au travail. Je ne pouvais pas part… » « Me raconte pas des conneries ! T’étais avec ton amant, avoue ! C’est ça… Tu te payes ma tête pendant que j’ai le dos tourné. » « Mais n… » « Avec qui hein ? C’est qui le bâtard qui te baise derrière mon dos ? » « Chéri, voyons… Tu sais très bien que… » « Ne mens pas ! » Il pointa son index sur elle, si proche, si menaçant. Je me tapis davantage dans l'ombre. À l’intérieur de ma poitrine, mon cœur battait à tout rompre. J’étais seule. Alcide n’était pas avec moi. À deux, nous aurions pu faire quelque chose. Je savais, non, j’avais la certitude qu’il me fallait agir. Le comportement de cet homme envers cette femme était abject. Pourtant, malgré le fait que mon sang bouillait, tout mon corps restait immobile. Je m’imaginai mille fois aller le voir, toquer sur son épaule comme on toque à une porte et le sommer d’arrêter prestement. Je le pouvais. Je le savais. S’il osait me toucher, quelqu’un viendrait et lui ferait regretter d’exister. Néanmoins, j’avais peur. Cette peur me paralysait, comme un démon sournois. Je voulais être chevalier. Je voulais aider les autres. Je ne pouvais pas être horrifiée par cet homme, ses gros bras et ses joues rougies par la colère… Heureusement, la lumière qui éclairait la pièce ne parvenait pas jusqu’à moi. La nuit et l’extérieur me conféraient un abri.

Lorsque je vis un mouvement proche de ma position, mon premier réflexe fut d’attirer la personne à moi en l’attrapant par la manche. « Chut chut ! » fis-je, tout bas et dans la précipitation. La présence avait eu l’avantage de me tirer de ma torpeur. Je n’en étais pas devenue plus courageuse pour autant. « Je crois qu’ils se disputent… » murmurai-je, comme une confession, ma voix à moitié recouverte par les cris qui devenaient de plus en plus menaçants. « Il faudrait faire quelque chose… » Je l’avais couiné. J’aurais aimé que ce fût Alcide. Il aurait probablement su quoi faire. Susannah demeurait un mystère pour moi. Je l’avais croisée quelques fois. Je savais qu’elle partageait la chambre de ma sœur, Réta, mais elle ne me disait rien qui valût. Néanmoins, dans cette situation, sa présence m’apparaissait plutôt salvatrice. Je poussai un cri étouffé et me blottis contre la Sirène lorsque l’homme finit par lancer un objet contre le mur.

416 mots

Violences conjugales

☙ White Moth Black Butterfly - Darker Days ft Kenny Fong

Pliée en deux, Susannah maugréait en promenant sa veilleuse magique, une petite sphère bleutée, sur le tapis enneigé. La lune masquée par les nuages ne lui était d'aucun secours. Son manteau revêtu sur son pyjama la protégeait au moins du froid mais l'ourlet de son pantalon était devenu humide d'avoir pataugé dans la neige depuis plusieurs minutes. La Sirène était à la recherche d'une boucle d'oreille perdue, l'une de celles qu'il ne fallait pas perdre. L'ornement était dans sa famille depuis des générations et, même si actuellement ils n'étaient plus en contact depuis l'apparition de la barrière de sauge, elle savait qu'on ne se contenterait pas de juste la punir si on venait à apprendre la perte de la précieuse perle ouvragée à leurs armoiries, ce qui expliquait sa concentration si extrême qu'elle ne vit la main l'attraper brusquement qu'au dernier moment. « Hé ! » S'écria-t-elle en récupérant brusquement sa manche, déjà prête à en découdre. « Quoi ? » Aboya-t-elle sans même essayer d'adapter le volume de sa voix à celui de son interlocutrice.

Plissant les yeux pour tromper l'obscurité et discerner l'impudente, elle finit par reconnaître le doux visage environné de boucles couleur de blé. Elle haussa un sourcil et regarda dans la direction indiquée. Le froncement de sourcils s'intensifia à mesure qu'elle appréhendait la scène. Voyant la femme se faire rudoyer, un feu de révolte s'enracina dans son coeur et elle jeta un coup d'oeil exaspéré sur la souris qui couinait contre elle. « Ne sois pas si fragile. Être une Gælyan ne t'excuse pas d'être faible. » Siffla l'Ondine en la repoussant d'un coup de coude impatient. « Bon. J'ai une idée. Tiens-toi prête à courir. » Après s'être assurée qu'elles étaient bien cachées, l'étudiante se concentra et fit léviter un caillou qu'elle envoya cogner contre la porte. Le silence se fit à l'intérieur du chalet et après quelques secondes, l'homme ouvrit et hésita sur le pallier en ne voyant personne. Il fouilla la nuit et, comme il faisait mine de revenir à l'intérieur, Susannah envoya un caillou, cette fois en le visant directement. L'impact sur sa cuisse lui arracha une exclamation d'outrage plus que de douleur et la bleue laissa s'échapper un gloussement satisfait qui manqua les trahir. Elle perdit subitement son sourire. L'homme avait tendu ses paumes de main qui s'auréolèrent de lumière, éclairant l'extérieur comme en plein jour. « Zut. J'avais pas prévu ça. » Marmonna Susannah en constatant qu'elles étaient désormais à découvert. Abandonnant toute discrétion, elle se dressa et étira son bras vers l'arrière pour se donner l'élan d'envoyer sa veilleuse lumineuse droit sur l'homme. Elle n'attendit pas de voir si elle avait fait mouche, crocheta le poignet de Rose-Abelle et la tira en avant. « Cours ! »

Je me demandai ce qu’était qu’une Gælyan mais la situation était trop désespérée pour que j’osasse poser la question. Je sentis la morsure de son coude et recroquevillai mes bras contre ma poitrine. Alcide, lui, aurait bien voulu que je me reposasse contre lui. Ensemble, blottis l’un contre l’autre, nous aurions trouvé une solution. Néanmoins, Susannah semblait bien plus forte que je l’étais. Peut-être pourrais-je m’inspirer d’elle, afin de devenir un vrai chevalier ? Je l’observai un peu, tout en étant sur le qui-vive. Elle ne ressemblait pas aux Sorcières, ni même aux Magiciennes que je connaissais. Elle avait l’air d’avoir du caractère. Je hochai la tête lorsqu’elle parla de courir. Mes sourcils se froncèrent sous le coup de ma détermination, bien que je ne connusse pas le fin fond de son idée. Au début, je ne vis rien mais mes yeux finirent par capter un mouvement. « Waa… » laissai-je échapper, admirative. Je retins ensuite mon souffle, dans l’espoir fou que l’entreprise marcherait. Quand l’homme sortit, je baissai la tête instinctivement, comme une tortue qui chercherait à se dissimuler à l’intérieur de sa carapace.

« Att… ! » m'exclamai-je, en la voyant initier un mouvement. Je sursautai lorsque le caillou toucha sa cible et ne pus m’empêcher de partager la joie de l’Ondine. Mon rire fut plus un rire victorieux qu’un rire moqueur. Néanmoins, l’énergumène nous repéra. « Oh oh… c'est pas bon... » Les ennuis allaient peut-être véritablement commencer. Je grimaçai, un peu craintive mais avec l’envie impérieuse de crier ses quatre vérités à ce méchant. Si Alcide avait été là, il y serait allé, j’en étais sûre. Cependant, je n’étais pas aussi courageuse. Je me laissai tirer par Susannah lorsqu’elle m’attrapa par le poignet et me mis à courir à toutes jambes, avec la peur au ventre. J’espérais qu’il ne nous rattraperait pas. Dans les faits, il ne risquait pas. Ma garde rapprochée s’occupait déjà de lui barrer la route. Les menaces sorcières étaient souvent très efficaces.

Épuisée, je finis par me stopper. Ma main chercha celle de la Sirène. « Wahou ! » commençai-je, le temps de reprendre un peu mon souffle. « T’es une vraie héroïne ! Quand je vais raconter tout ça à Alcide, il sera trop impressionné aussi ! » Je me laissai porter par mon admiration, en oubliant toute convenance. « Je veux trop devenir comme toi ! T’es trop forte ! » Je sautillai presque sur place. Mes cheveux blonds suivaient mes mouvements. « On peut être copines ? Ce serait génial ! »

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Violences conjugales

☙ White Moth Black Butterfly - Darker Days ft Kenny Fong

Le cœur de Susannah se soulevait à chaque foulée. Le vent de leur course étirait ses lèvres en un sourire jubilatoire. Son méfait accompli, l'adrénaline donnait des ailes à ses pieds pour mettre de la distance entre l'homme et les adolescentes. Elle fut tirée en arrière en approchant de leur auberge et jeta un coup d'oeil au paquet qui se traînait derrière elle. Ses boucles blondes désormais emmêlées par leur course encadraient le faciès rubicond de Rose-Abelle - elle se souvenait d'elle désormais, c'était un nom difficile à outrepasser, et qui ne cadrait absolument pas avec le bout de chou qui cherchait à reprendre son souffle.

Une moue surprise balaya l'air suspicieux qui commençait à placer quelques rides entre ses sourcils. « Une quoi ? » Répéta-t-elle en clignant des yeux. Est-ce que cette sale progéniture de Sorcier se moquait d'elle ? Dans le doute, l'Ondine était bien tentée de faire goûter à la blondinette la neige à leurs pieds. Elle n'en fit rien. La sincérité de la fillette la ligotait aussi sûrement que si elle venait de l'immobiliser par magie. Elle ne s'était pas attendue à de telles louanges. « Alcide ? » Elle se secoua en réalisant qu'elle ne faisait que répéter ce qui sortait de sa bouche comme une perruche stupide. « Calme-toi. » Lui imposa-t-elle, déconcentrée par ses sautillements. Quel âge avait-elle, cinq ans ? « Et ne dis pas n'importe quoi. Tu ne pourras jamais être comme moi, tu es une bipède. Tu ne tiendrais pas cinq secondes dans l'océan, je parie. » Elle l'étudia des pieds à la tête. Sa première admiratrice ne ressemblait pas à ce que Susannah s'imaginait quand elle rêvait du jour où le reste des élèves loueraient enfin ses qualités. « Enfin, je suppose qu'avec un peu d'efforts, on pourrait faire quelque chose de toi. » Marmonna-t-elle, un peu dubitative.

Son nom restait un problème, mais en y réfléchissant, l'élève de l'Obsidienne goûtait l'ironie d'avoir un rejeton Salvatore en train de lui lécher les écailles. C'était un visuel assez plaisant pour lui redonner le sourire. Amicalement, elle glissa son bras sous le sien, modifiant son attitude pour enrober ses précédentes piques. « Copines, je ne sais pas. Je peux te montrer comment devenir plus forte si tu veux. Et si tu y arrives, alors je t'inviterai dans notre groupe. Alors, on sera amies. Je t'interdis d'inviter Alcide par contre. On ne veut pas de garçons. » Lana serait sûrement ravie d'avoir cette poupée à se mettre sous la canine, pour changer de Kiara.

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