Le Début de la Faim

Son retour avait été à la hauteur de ses attendes, surtout en ce qui concerne le retard accumulé dans son travail. Si Lancinia et Ritsuka s'étaient alliées dans la gestion de certains documents, elles ne pouvaient pas se permettre de prendre part à l'intégralité des dossiers en cours. Désormais revenue, plus ou moins reposée, Mancinia s'était remise dans le bain en douceur, s'organisant mieux entre tous ses devoirs professionnels en traitant le plus urgent, puis en descendant graduellement. Elle s'était assurée de prendre un rendez-vous médical et d'être présente auprès de ses enfants, dont la venue de Sif avait ravi ses aînés et ce, même si Emelyn semblait lui envier ses longues oreilles. Et, surtout, du temps pour elle. Son Gardien avait été intransigeant. Son Humaine avait besoin de repos, de douceur et de clarté. Ce voyage à Boraür lui laissait prendre conscience de sa négligence à son encontre, presque comme de la maltraitance et cela ne pouvait que lui causer du tort. Pour le reste, ses idées étaient claires et les choses, irrémédiablement, avaient changées. Dans son corps, comme dans son esprit, l'Imprévisible le ressentait. En arpentant le couloir, elle avait sous le bras quelques rouleaux de parchemin détenant des esquisses d'idées éventuelles, un contenant les coûts et le dernier, l'argent qu'ils étaient prêts à investir. Surtout le sien. Si Neah se sentait responsable des siens, elle se sentait tout autant investie que lui à leur encontre.

Si elle désirait que leur Lien soit un exemple entre leurs races, elle y mettrait toute son âme et sa volonté. Par conséquent, malgré son envie de reprendre sa vie en mains, il y avait des choses dont elle ne pouvait se soustraire, des lieux où elle désirait être présente. Notamment suite à sa reprise, en partie, des affaires concernant les Anges pour soutenir le Mahestan Lenclud. Ce dernier semblait être revenu à la raison, les tensions de son coeur s'étant amoindries. Il n'était pas aussi insensible au sort des Ailes Blanches qu'il aurait bien voulu laisser croire. On ne balayait pas des années de travail en leur compagnie d'un mouvement de la main, même après la disparition d'un être cher, surtout lorsqu'on était conscient, que malgré la douleur et la colère, tous n'étaient pas responsables de la disparition de son neveu.

— Mahestan, salua-t-elle l'homme inclinant son buste vers l'avant.
— Vous persistez.

Elle distinguait le reproche dans le son de sa voix, mais ne relevait pas. Se redressant pour l'observer, tandis qu'il avait croisé les bras sur son buste.

— Comment étaient vos vacances, Leenhardt ? L'on m'a dit que vous étiez revenue avec un bébé.
— Oui, admit-elle avec un léger sourire. Il s'agit d'une Ygdraë qui a été abandonnée pour une raison inconnue. Considérant la politique de la race, je me rendrais sur les terres de Melohorë lorsque les questions urgentes auront été réglées à Haute-Terre.
— Et que vous aurez discuté de ces histoires d'alliance avec les Orines, les Sorciers, lu les rapports concernant l'agriculture parallèle dans le Désert, reprit vos études médicales, la gestion du marquisat de Nylmord et vos travaux de Joaillerie ?

Clignant des yeux, reprenant un visage impassible, l'Humaine était surprise de le voir agir ainsi à son encontre, bien que cela démontrait son réel investissement envers les siens, autant qu'envers les autres. Elle avait noté une certaine lassitude.

— Vous allez finir par crever, Leenhardt. Reposez-vous et laissez-moi m'occuper de ça. Vous en avez assez fait.
— Ayant été celle dont les engagements financiers ont été plus que significatifs ces derniers mois, je revendique mon droit de prendre part à cette réunion.

Le froncement de sourcils de son interlocuteur en disait long sur son désaccord.

— Que vous est-il arrivé là-bas ?

Un nouveau sourire se dessinait sur ses traits, mais le silence demeurait.

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— Salutations, Amis. Matasif Leenhardt. Et voici le Mahestan Lenclud.

Mancinia s'était avancée en leur tendant la main, empoignant les leurs, avant de s'écarter et de présenter celui qui mènerait une partie de la conversation et qui emboîtait son pas.

— Bonjour, merci de vous être déplacés. Vous êtes messire Nejaka Vaughan ? Et vous, mademoiselle ... ?

Lorsque les présentations eurent été conclues, chacun prit place au bureau. En prenant son siège, Mancinia se tenait à la droite de son supérieur, qui lui semblait vraiment impressionnant en cet instant.

— La Matasif ... , débutait le Mahestan en articulant bien son titre en se retournant vers celle-ci un instant, avant de reporter son attention sur ses interlocuteurs. ... M'a dit vous avoir contacté dans le but d'établir de nouveaux quartiers résidentiels à Haute-Terre. Nous avions anticipés un accueil sommaire et provisoire, mais la demande est assez conséquente malgré l'établissement des Anges sur vos nouveaux territoires.
— Considérant aussi la situation médical assez tendue, cela déchargera une partie des établissements hospitaliers pour assurer un meilleur suivi des blessés.

C'était idiot de croire que les médecins angéliques pouvaient assurer, seuls, un suivi aussi rigoureux de près d'un demi-million de personnes. On ne parlait pas seulement des physiques abîmés et de rééducation, où la séparation médicale entre les Anges et les Magiciens avaient été assurée, les Humains se contentant du suivi des petites plaies pour apaiser leurs collègues, mais avant tout des brisures de l'esprit. Ils étaient tous, sans exception, soumis à des souvenirs peu enviables. C'était là l'endroit le plus complexe, surtout sans mettre en péril les praticiens, qui devaient écouter des heures et des heures de souffrances, encaisser les pleurs d'autrui, tout en conservant leur strict apparence professionnelle. Ce n'était pas évident. Les médecins étrangers avaient également leurs propres patients et ne pouvaient se consacrer aux soins uniques des Ailes Blanches. Ce n'était pas un métier qui produisait en illimité sur si peu de temps. On ne pouvait pas non plus les changer de territoire et de personnel soignant à longueur de temps. Ils avaient besoin de stabilité, mais sans contraintes, surtout que certains s'étaient installés et aidaient aux champs, ou dans les tâches de gestion, ou à la garde des classes. Une certaine coopération était née et la cohabitation se passait bien, comme si les événements macabres de l'année dernière n'avaient pas existé. Pour une majorité des Anges, qui n'avaient plus rien, Haute-Terre était un berceau sécuritaire. Entourés des Magiciens, ils se sentaient éloigné des menaces. Les Humains s'étaient laissés amadoués par la détresse de ses esprits brisés et s'évertuaient à vouloir les aider. Ils étaient nombreux à se souvenir de leurs anciennes vies nomades, méprisés, violentés, détruits. Personne ne restait insensible. Ou alors, mieux valait briser le Mal en lui. Définitivement.

— Nous souhaiterions mêlés les architectures Humaines et Magiciennes à celle des Anges, reprit Mancinia. Ils auraient la sensation d'être à la maison, ce qui aurait une influence bénéfique sur leur état. Et cela correspondrait aux standards territoriaux, sans trahir la présence du Royaume tout en assurant la continuité des liens entre nos trois peuples.

Post I - 1137 mots

Le Début de la Faim

— J'ai conscience qu'une préparation adéquate demande du temps et il n'est pas question pour moi de mettre la sécurité des résidents en péril. Prenez le temps nécessaire, nous avons également réaliser certains travaux de notre côté.

Qu'ils s'agissent des Anges, ou mêmes des pensionnaires de l'avenir, c'était maintenant qu'ils devaient anticiper les choses et non pas en dernière minute. Elle détestait improviser sur ce genre de sujets. Satisfaite de la tournure de cette réunion, l'Humaine avait conscience qu'une rallonge des travaux était inévitable. On ne changeait pas ses plans en croyant que tout irait de la même manière que ce qui avait été initialement prévu, même si la Magie créait des miracles, elle avait ses limites.

— Si vous ne parvenez pas à concevoir un mélange satisfaisant à vos yeux, nous repartirons sur les normes standards. Il est important qu'ils aient un toit à eux, le reste n'est qu'un supplément. Utile, certes, mais moins urgent.

À ses yeux, il s'agissait surtout d'un test. Envisageant depuis des mois de concevoir Astura comme un trait d'union entre les Anges et les Humains, scellant ainsi un pas vers l'avant en ce qui concerne leur Lien, comme une réconciliation après des temps troubles et des erreurs cumulées. Au-delà de ce renouveau amorcé, elle y voyait un moyen de permettre aux Paires unies par le Lien d'avoir un lieu de vie, évitant de se mouvoir entre les territoires, comme le vivait son couple. Eux, ils ne seraient pas ensemble, pas à ce point, pas avec ses ambitions à elle et ses volontés à lui, à moins de réaliser quelque chose hors norme ...

— Si vous avez besoin de matériaux précis, ou la nécessité d'effectuer des tests, je vous donnerais l'allongement financier nécessaire, alors n'hésitez pas à me tenir au courant de ce dont vous manquez.
—Vous avez aussi mon accord de circuler librement à Haute-Terre.
— Il y a eu des tensions récemment, mais ...

Lenclud s'autorisait un regard vers la Matasif.

— La venue des Anges de la Terre Blanche nous à permis de soigner nos blessures.

Le sourire sur son visage se voulait encourageant, tandis qu'on lui donnait les derniers détails.

— Est-ce que tout vous convient, Leenhardt ?
— Oui, tout est en ordre.

Après un dernier regard sur les documents, Mancinia apposait sa signature. C'était elle qui finançait ce nouveau quartier, c'était donc elle qui en acceptait les risques et les coûts. Autant dire que la Reine Varey appréciait son investissement, regrettant presque qu'elle ne soit pas l'un de ses sujets, même si chez les Humains, ils étaient tous une grande famille.

— Très bien, déclara-t-il en se retournant ensuite vers elle. Je me charge du reste, vous pouvez y allez.
— J'ai pris congé pour assurer cet entretien, répliqua-t-elle avec un sourire. Puis-je me charger de Mademoiselle Taiji ?

Bien qu'étonné de cette démarche, le Mahestan ne pouvait que l'approuver. Ce serait une charge en moins. Après des salutations d'usage, les deux femmes se retrouvèrent seules, en partant en direction d'où s'érigerait le nouveau chantier. L'Imprévisible trouvait très curieux de voir des ailes immaculées, habituée au plumage particulier de son aimé, mais surtout, de les observer de manière visible. Elle n'était pas sans ignorer que certains Anges avaient été tellement terrorisés à l'idée de sombrer dans les mains des Démons qu'ils s'étaient ôter leurs appendices, espérant ainsi se fondre dans la masse, prêts à disparaître pour vivre. Cette idée lui serrait la poitrine, consciente de ce que vivait ces êtres. Elle était Humaine, après tout.

— Il y a l'officine au bout du chemin, se reprit-elle rapidement après un court silence. Elle est assez isolée et le nouveau quartier lui sera perpendiculaire. Ainsi, au moindre problème, il n'en sera que mieux situé.

Il était aussi temps que cet endroit soit agrandit, il ne correspondait plus vraiment aux standards des Humains y travaillant et les Magiciens de passage ne pouvaient que maudire son Ma'Ahid, poliment, certes, mais il était trop dérangeant. Inévitablement, venir dans cet endroit amenait des interrogations.

— Nous n'avions pas misé sur une telle présence, mais on ne pouvait rien prévoir avant le retour des troupes.

Comment estimer le taux de survivants sur la Terre Blanche ? Rien de concret n'avait réellement été possible, avant de voir la masse qui avait réussi à venir au coeur des Terres du Lac Bleu. L'Ordre d'Hébé avait aussi récupérer une majeure partie des survivants, ainsi que les Ygdraë et les Magiciens. Ils étaient dans plusieurs Cités, mais l'acquisition des territoires permettaient aux Familles de renouer et s'installer pour reprendre une vie normale. Essayer, tout du moins.

— Comme vous le savez, ce qu'il s'est passé à Orhmior, bien que toléré par notre hiérarchie, n'a pas été totalement accepté en raison des événements tragiques ayant touché nos deux peuples à des intervalles réduites.

Mancinia relâchait un léger soupir.

— Résultat, quand l'Apakan a choisi de se rallier aux Sorciers, j'ai vraiment cru que c'en était terminé de l'alliance entre les Anges et les Humains ...

Un sourire prit la place de son visage morose.

— Mais finalement, nous avons été bien plus touché par la situation qu'on ne l'aurait admis. Du coup, nous n'avons pas réfléchis ! ... On s'est contentés d'être là, comme nous aurions dû l'être depuis le départ.

Elle marquait une brève pause, s'arrêtant un moment.

— Et vous, mademoiselle ?

Mancinia n'était pas aveugle, son regard médical voyait les sévices même s'ils étaient dissimulé au mieux, les marques du temps ne mentaient pas. Seulement, ce n'était pas le moment de la mettre mal à l'aise, autant ne pas la brusquer avec une question à double sens.

— Ça vous dirait de découvrir un très bon restaurant pour discuter ? Je vous invite. Il y a un endroit où on fait des spécialités humaines, elles sont à tomber par terre !

Post II - 960 mots

Le Début de la Faim

Il y avait une certaine tristesse dans la manière de converser et de se mouvoir de l'Aile Blanche, ce devait être imperceptible aux regards d'autrui, mais comment ne le verrait-elle pas ? Ses yeux étaient habitués à voir ces petites choses, désormais, souvent, Mancinia faisait mine de les ignorer pour ne pas mettre ses interlocuteurs mal à l'aise. C'était tout une habitude de posture, de gestes et de paroles, une véritable seconde nature chez l'étudiante en médecine qu'elle était devenue. Elle travaillait avec ses enseignants sur de nombreux patients atteints de maux physiques, mais qui ne manquaient pas de souffrir intérieurement des violences subies entre les mains des Démons et ce qu'ils avaient vu sur la Terre Blanche, lorsque l'ancien régent avait perdu la raison et s'était mis à massacrer autant les Vils que son propre peuple, sans raison. Cet acte choquait encore beaucoup. Ceux qui avaient pu reprendre une activité directement n'était pas pour autant épargnés de ce qu'il avait tous subis. Néanmoins, Mademoiselle Taiji n'était pas à se refermée hermétiquement, c'était un bon point. La Fille du Soleil se chargerait de lui changer les idées en lui présentant des Humains assez ouverts, le reste viendrait naturellement. Elles prenaient la direction de l'adresse que les Ailés adoraient en ce moment, sur Haute-Terre et, tandis qu'elles marchaient côte à côte, cela ne les empêchaient pas de discuter du travail.

— C'est mon idée, oui, mais je trouve que c'est normal, admit-elle. J'ai pris conscience que les Anges que nous avions recueillis n'avaient rien de comparable aux Jardins de Jhēn, dont la conception était basée sur l'habitude architecturale de la Terre Blanche. À Haute-Terre, ils se sentent en terres étrangères, avec des étrangers. Bien que les liens se resoudent progressivement, qu'ils se découvrent des amis, des gens avec qui redevenir une Famille, ils ne veulent pas oublier leurs racines, même de manière inconsciente et cela me semblait être une excellente idée dans le cadre de leur processus de soins.

Un moyen de se réinsérer provisoirement, avant de repartir vers les nouveaux territoires angéliques, qui seraient pleinement prêts à reprendre leur population sous leurs ailes.

— Qui plus est, nous ne perdons rien. Notre population va drastiquement augmentée au niveau de ses adultes dans une décennie ou deux. Le Royaume à une politique de reproduction très ancrée et les Magiciens ont tendance à encourager cette vision. Il est donc plus intelligent d'anticiper. Quant aux Anges, s'ils veulent rester de manière permanente ensuite, ils le pourront, vu que nous aurons de la place.

Ils ne risqueraient en aucun cas d'être chassés et puis, l'entreprise ferait de son mieux pour rendre tout cela agréable aux yeux et aux souvenirs.

— Je n'en doute pas, sourit-t-elle amicalement. Et si cela n'aboutit pas, ce n'est rien, au moins, nous aurons tous donné le meilleur de nous-mêmes !

Mais intérieurement, elle croisait les artères pour que tout aille bien. Arrivées à destination, l'Humaine passait devant l'Immaculée pour entrer. Il y avait du monde, mais encore des chaises de libres. Parfait.

— Bonjour, Agnès, dit Mancinia en entrant pleinement.
— Sertisseuse, bonjour !

Cette dernière était apparue depuis son comptoir, de l'autre côté de la taverne. Sûrement en train de chercher un objet tombé. Son regard observait la nouvelle venue qu'elle n'avait encore jamais croisée, intriguée. Ce n'était pas la seule, d'ailleurs.

— Je vous présente Shanxi Taiji. Elle est l'une des personnes en charge des nouveaux quartiers qui seront construits à Haute-Terre.

Ils allaient la voir souvent dans les environs, autant qu'elle ne paraisse pas mystérieuse ou suspecte.

— Aaaah, de la viande fraiche pour le dîner ! dit Agnès en tapant ses mains entre elles, avant de les masser. Vous vous installez à votre place habituelle ?
— Oui.
— Et comme d'habitude ?
— Comme d'habitude, dit-elle à l'intention de la serveuse, avant de se retourner vers Shanxi. En double !

Mancinia conduisait ensuite la jeune femme vers un coin assez discret, près d'une fenêtre où elles pourraient voir la vie bourdonner en extérieur, allant des enfants en train de courir aux les adultes buvant du thé en discutant à ceux qui réalisaient leurs courses. Agnès leur amenait ensuite une boisson fumante à l'intrigante couleur rouge clair.

— C'est du thé d'Hibiscus, débuta-t-elle après l'avoir remerciée. Nous nommons cette boisson Karkandé. C'est assez sucré et à un bon goût de grenadine, si vous connaissez. N'hésitez pas aussi à laisser refroidir si vous le trouvez trop chaud.

C'était ce qu'elle faisait. Elle ne buvait jamais sa mixture complètement brûlante.

— Bien, mesdames, qu'est-ce que je vous sers ? reprit Agnès.
— Vous avez encore de la viande ?

Habituellement, les Humains mangeaient de la viande, mais ils avaient aussi un immense respect pour la vie animale. Ils avaient des quotas à tenir pour éviter le gaspillage. C'est d'ailleurs un mets assez cher selon son origine, alors les quantités étaient moindres, avec un apport suffisant de légumes et de pain.

— Oui, il nous en reste.
— Je prendrais du Kefta dans ce cas. Et ... hum ...

Mancinia marquait une pause, ne voulant pas commettre d'impairs.

— Êtes-vous végétarienne, Mademoiselle Taiji ?
— Oh, si c'est le cas, ne vous inquiétez pas ! intervint Angèle. Nous avons également des versions qui ne sont pas composées de viande, donc dites-moi ce qui vous ferait plaisir !

La tenancière avait l'habitude de côtoyer les Anges, désormais. Pour la tenancière, c'était un moyen de garder un lien avec sa soeur, disparue dans des circonstances tragiques des mains d'une Aile Blanche meurtrière. Mais Frida lui en aurait voulu si elle avait gardé rancoeur toute sa vie. Elle n'aurait pas fait de vieux os. Lorsque la commande fût passée, l'Humaine sourit à nouveau.

— Nous avons nos particularités culinaires, mais j'espère que vous aimerez !

Elle commençait à avoir faim, ça tombait assez bien.

Post III - 955 mots - Si tu en as besoin, tout est disponible dans le sujet sur l'Alimentation

Le Début de la Faim

Ravie d'avoir eu la lumière de demander si un plat végétarien lui convenait mieux, Mancinia eu un air satisfait. C'était toujours délicat de savoir le régime alimentaire de quelqu'un, d'autant plus s'il avait un éventuel suivi médical. Ses études la rendaient prudente, cela lui plaisait assez de ne pas commettre d'impairs, ou moins qu'avant. Son interlocutrice semblait assez gênée, observant au travers de la vitre la vie qui s'écoulait en extérieur, évidemment. Comment ne pas avoir envie de vivre ici quelques instants ? Haute-Terre était un lieu de villégiature, malgré la cohabitation tripartite de l'endroit, mais qui ne généraient que très peu de tensions désormais. L'Humaine se souvenait, crispée, des Anges qui avaient obtenus des regards noirs de la part des autres membres de sa race, des personnes qui vivaient en ces lieux depuis longtemps et qui, soudainement, portaient une marque invisible et indélébile. Ça avait été des moments assez pénibles entre les meurtres et le discours de son Gardien, qui avait soufflé sur la situation comme une brise au milieu d'une fournaise, mais ce qui avait réellement changer les moeurs, c'était ... l'arrivée des prisonniers de la Terre Blanche. S'il y avait encore des insensibles, la majorité avait cédé. On se demande pourquoi. Shanxi était très mignonne avec son sourire. Observer un Ange était regardé la Pureté, d'une certaine manière. Enfin, au détail près ... elle avait du mal à revoir Neah ainsi, vu que c'était un homme. Celui de sa vie.

— Je n'ai pas été sur Orhmior, mais l'endroit me rend très curieuse, admit-elle. J'ai beaucoup voyagé dans ma vie, mais il y a encore des lieux étrangers pour moi, ce qui ne manquera jamais de me surprendre.

Son existence sur les routes lui semblait ... avoir été une autre vie. Elle, comme Neah, avaient désormais une sorte d'existence bien rangée, avec des positions haut placée dans leur race respective et des enfants. Sans doute avait-elle gagnée en maturité ? Penser aux Soldats Yüerell et Belegad ... ne l'ennuyait plus autant qu'avant non plus. Un sourire nostalgique naquit sur ses lèvres. L'Humaine se disait que la découverte n'en serait que plus belle, même si Praetoria et ses environs étaient militarisés. Une ouverture aux étrangers pour une promenade, vraiment ? Jamais. Finalement, ce serait son rang qui lui permettrait de s'y rendre un jour, éventuellement, même si Orhmior n'évoquait pas de bons souvenirs à Haute-Terre, les trois victimes du Boucher en étant originaires. Cette idée l'agaçait, elle la chasse bien vite. Vivait-elle ici, à son tour ? Quand était venu l'heure du Choix, elle avait demandée la citoyenneté de Qaixopia, avant tout par loyauté envers la Reine qu'elle considérait comme légitime, mais les deux Royaumes étaient proches et amis. En conséquence de quoi, Mancinia avait aussi ses entrées au sein de la Royauté de ce territoire et l'amitié de la Reine Varey. Dans un sens, cette proxémie avec les Anges l'arrangeait ... Elle était en mesure de voir Neah relativement souvent. C'était égoïste, mais elle pouvait bien souffler de ses lourdes charges en lui sautant dans les bras, non ?

— Ce n'est pas mon lieu de résidence permanent, qui se trouve être à Utopia, mais travaillant énormément avec les Anges et les Magiciens de par ma position et mon aide quant au devoir médical ... Je suis mieux localisée ici, pour le moment.

Elle marqua un temps de pause, avec un petit sourire malicieux.

— Vous pouvez toujours vous installer ici, vous savez ? Même si ce n'est qu'un temps, avant que vous ne trouviez mieux.

Il y eu un léger silence entre elles, troublé uniquement par ...

— Et des Kefta pour ces demoiselles ! En vous souhaitant un bon appétit !

On ne pouvait pas remettre la bonne humeur d'Angèle en cause, qui disparu rapidement après les avoir servies et reçus leurs remerciements, c'est ce qui faisait le succès de son commerce. Rien que l'odeur ouvrait l'appétit de Mancinia, car les épices étaient présentes et donnait un goût inimitable à la viande. Vraiment, c'était son plat de prédilection. Shanxi, elle avait droit à une version avec de la chapelure pour contenir le tout, sans la moindre viande, mais au goût tout aussi excellent. Des légumes poêlés, comme des piments, des brocolis et des carottes, ainsi que de la semoule, se trouvaient en accompagnement.

— Si vous ne pouvez pas voyager loin à cause du travail, espérons que le dépaysement culinaire sera total ! déclara l'Humaine en dévorant la moitié de sa première boulette, après avoir souhaité à son interlocutrice un bon appétit. Je ne me lasse pas de manger, en ce moment ...

C'était sans doute, selon son estomac, un moyen comme un autre de se remettre de ses longues journées, de reprendre de l'énergie pour ne pas s'effondrer. Quand elle travaillait sur des dossiers administratifs, ou étudiait, ça passait encore, mais lorsqu'elle restait debout de longues heures en allant voir ses patients ... c'était plus compliqué. À moins que ce souffle de liberté en cet après-midi soit l'élément déclencheur, surtout en si bonne compagnie, différente de celle de Neah.

— Et vous, Mademoiselle Taiji, comment se passe votre travail ? demanda-t-elle.

Elle ne devait pas en manquer, en ce moment, entre le chantier que l'Imprévisible avait choisi de commandité et les travaux entrepris sur les nouveaux territoires angéliques, autant dire que les entreprises comme celle de ses beaux-parents étaient fortement sollicitées.

Post IV - 890 mots

Le Début de la Faim

L'Humaine écoutait son interlocutrice converser de son métier avec une certaine tendresse implacable dans la voix, elle-même connaissait l'amour rigoureux de ses réalisations et ce, même si elle se consacrait de moins en moins à la Joaillerie ces derniers temps. Cela lui manquait, d'une certaine manière, ne s'imaginant pas, à l'époque, ailleurs qu'entre les murs du Lux'Or dans lequel elle avait bataillé pour s'intégrer. Aujourd'hui, sa réputation de Sertisseuse n'était plus à faire, ses créations personnelles s'arrachaient à des sommes indécentes et elle déléguait, désormais, à d'autres membres de son équipe. Peut-être que lorsque ses études de médecine seraient achevées, elle reprendrait sur son temps libre ? Encore un an ... C'était bientôt terminé. De la patience, comme beaucoup autour des deux demoiselles, c'était ce qu'il fallait pour mener à bien ses objectifs. Évidemment, Shanxi voyageait au travers des nouveaux territoires angéliques, n'ayant pas le temps pour s'engager sur autre chose, sur ce point, Mancinia avait de la chance, sa vie nomade avait laissé de ravissantes traces dans ses souvenirs, à l'instar des ténèbres qui pouvaient les recouvrir. Une cicatrice dans son dos la démangeait curieusement.

— Ce n'est peut-être pas plus mal, reprit-elle Mancinia. L'économie des Anges s'est écroulée et on ne peut pas dire qu'elle ait survécu, même de manière minimale. Maintenant que vous avez retrouvé un semblant de Nation, il vaut mieux que ce soit les entreprises angéliques qui en soient les porteuses.

C'était la raison de sa demande, en vérité. Mancinia ne doutait pas qu'un Humain, avec quelques conseils, aurait pu reproduire le travail, mais c'était un moyen détourné pour elle de soutenir cette reprise. Elle ne comptait pas en demeurer là, mais ce genre de projets demandait de la réflexion, du temps et du travail, mais là, c'était l'investisseuse qui avait ouvert la bouche, avant qu'elle ne se reprenne avec un sourire lorsqu'on parlait de la stabilité de leur alliance. Quelque chose d'assez amer, pouvant presque dissimuler du mépris. Presque, parce que quelque chose en elle ne le cachait pas.

— Nous avons délaissés les Anges. Je n'en revenais pas quand je ... je suis revenue.

Elle était écoeurée de cet éloignement, même en ignorant si, à l'époque, la simple Matasif aurait été en mesure de faire quoi que ce soit de probant pour empêcher ce gâchis.

— C'est une impression que j'avais en combattant dans l'Edelweiss, comme si les Humains restaient en retrait, alors que nous étions, nous aussi, menacés. La neutralité du Roi m'était incompréhensible.

À l'époque, Neah avait commenté cet état, mais il n'avait pas été le seul, même parmi le peuple, cela avait grondé. Comment rester neutre alors que les Enfants de Sympan savaient être sur la liste des cibles ? Utopia n'avait pas été attaquée par simple caprice, cela avait été un avertissement. Qu'ils aient Chutés ou non, ils auraient dû soutenir leur plus précieux allié.

— J'ai maintenant les moyens d'essayer de réparer les torts causés ...

Ce qu'il s'était produit à Orhmior avait eu des répercussions sur Haute-Terre, suivi des assassinats sanglants et de la meurtrissure de Tricia. Sa main se resserrait sur son verre de thé, en repensant à cet Ange dont elle avait brisé le Lien. Heureusement, elle était sur la voie de la guérison, loin d'aspirer à la vengeance ou à la haine, comme si celle-ci était épuisé de toute cette rancoeur. Ils l'étaient tous.

— De plus, je suis fiancée à un Ange ! déclara-t-elle fièrement.

Ils étaient peu à l'ignorer, de toute manière. Son sourire était bien plus apaisé en repensant au sourire soleil de son Capitaine.

— Pas à pas, je suis sûre que nous y parviendrons. Nous prendrons notre temps et, si c'est une blessure longue à guérir, alors, elle prendra le temps nécessaire.

Oui, c'était important que chacun avance à son rythme dans ce rétablissement. Elle-même avait trouvé la voie de la guérison, doucement, avec Neah qui lui tenait les mains pour ne pas qu'elle tombe et, si elle basculait, alors l'Ange la portait sur son dos.

— Vous êtes la bienvenue à Haute-Terre, même au-delà de la durée de votre travail. Il en va de même pour les autres territoires, exception honteuse de Muharkel, où les Anges sont désormais assez mal vu.

Elle relâchait un soupir discret.

— Ils se sont détournés de tous nos principes depuis la dislocation des miens en plusieurs territoires.

Cette création de Royaumes était un secret soi-disant bien conservé, mais Mancinia se disait que les Magiciens et les Anges au courant, bien que très discrets, pouvaient très bien dévoiler l'information à d'autres, mais maintenant que la menace des Démons était à son plus bas, qui s'en souciait ?

— Si vous aimez la danse, les nôtres sont aussi douces et endiablées que des épices ... Est-ce que vous savez danser, mademoiselle ?

Ça question pouvait paraître étrange après un repas aussi copieux, mais vu comment Neah s'était habitué aux danses des Humains, elle se demandait si tous les Anges avaient cette simplicité.

— Parfois, on fait de petites célébrations entre nos deux races. On pourra vous apprendre quelques pas !

Post V - 835 mots

Le Début de la Faim

Les Humains avaient énormément de mal à partager ce qu'ils avaient réussis à protéger après des millénaires d'errance et de rejet. Tout ce que les Démons n'avaient pu détruire et qui s'était perdu au fil des âges ne saurait être retrouvé, malheureusement, sans mentionner tout ce qui avait été dénaturé comme les Mâdary Sharqui. Les Déchus de la Luxure avaient la part belle de sa déformation, même sans mauvaise volonté de nuire, cela avait causé du tort à de nombreuses femmes de sa race, dont de nombreux homme s'étaient passé de leur consentement. Pour autant, les Humains aimaient aussi que les autres s'intéressent à eux. De sorte à ne pas être oublié, marquant la conclusion d'un rejet millénaire initié par les Vils. C'était quelque chose de contradictoire, mais les Ailes Blanches ne souffraient pas de ces refus. S'ils y avaient eu des tensions dernièrement au sein d'Haute-Terre, Qaixopia demeurait très ouverte et laissait libre les Gardiens apprendre l'Alikir courant, leurs danses ou leur manière de vivre. C'était toujours très bien vu et ceux qui ne le faisaient pas, eh bien, il y avait surtout des reproches dans le fond des prunelles, comme si les Enfants de Sympan n'étaient pas assez bien. Quel peuple méfiant. Était-elle plus ouverte à cause de sa vie sur les routes ? Mancinia avait pourtant subi le racisme et sa violence, malgré sa chance, de nombreuses plaies parcouraient son corps. La jeune génération avait beau grandir loin de cette confusion, les plus anciens en étaient encore amer. Alors ...

Était-ce parce qu'elle avait rencontré ce jeune homme roux, empli de bienveillance, qui l'avait chamboulé au fil de leur rencontre ? C'était ainsi que Neah se creusait une réputation depuis, en dehors d'être le compagnon de Mancinia Leenhardt. De son côté, celle-ci voulait la même reconnaissance du côté des Anges, c'était pour cette raison qu'elle travaillait avec lui, même si leurs souvenirs emmêlés lui permettraient d'être presque une des leurs. À défaut de maîtriser les Vertus, évidemment, elle en comprenait le sens. À son désespoir, concernant l'attrait purement ... physique. Leur rencontre avait changé sa vie. Le Lien n'était qu'un plus que les Aetheri leur accordait dans ce but que Mademoiselle Taiji trouvait louable ; réunir leurs deux races, renouer l'alliance fragilisée.

— Vous n'avez aucun tort à réparer.

Même s'il y avait eu des morts de leur côté, le véritable responsable avait payé ses crimes de sa vie et, surtout, avait mis en lumière ce mal-être assassin dans le coeur de certains membres de leur communauté.

— Ce n'était qu'un Ange Extrémiste aveuglé par sa douleur, qui a tourné sa vengeance contre des innocents.

Même si, avec le recul, Mancinia comprenait les raisons qui avaient poussé le Soldat Ypsilántis à se comporter d'une manière aussi macabre. Il aurait mieux valu qu'il tue lui-même Serjon, au lieu de détruire des Liens voulus, ou qui s'orientait vers une bonne entende. Au final, c'était elle qui avait tué l'Humain, en détruisant le Lien de Tricia. Pour quel Mal ? Pour quel Bien ? Seul l'avenir lui répondrait, mais le courage de la Wun était exemplaire.

— Tous ces Liens qui n'ont pas été propre à une volonté commune, mais seulement un besoin de survivre ...

Elle secouait la tête, peinée.

— Rien de bon ne pouvait en sortir, dit-elle, avant de relever la tête ensuite. Enfin. Je dis ça, mais je ne le souhaitais pas non plus. Il s'est créé ... comme ça !

Un sourire accompagnait sa déclaration. Pour sa part, elle était convaincue qu'il s'agissait d'un coup de foudre, plus que de la création du Lien. C'était la preuve que malgré les dissensions et les points de vu divergents, les Humains et les Anges étaient des alliés éternels.

— Vous serez toujours la bienvenue, se reprit-elle. Je suis certaine que nos plats seront à même de rendre votre estomac plus solide !

Quelle prétention, mais il fallait bien se vendre pour réussir à conquérir quelques coeurs.

— Tutu ! reprit-elle en agitant le doigt devant les hésitations de l'Okan. Mon fiancé était un véritable novice et je suis moi-même incapable de pratiquer les danses angéliques, vu que je n'ai pas d'ailes. Il a suivi mon enseignement et avec son intérêt pour mon peuple, il a su relever le défi ! Si vous en avez l'envie, vous pourriez facilement apprendre, j'en suis convaincue, alors ne partez pas perdante, essayez et appréciez !

De plus, cela lui permettait de se réapproprier son corps. Elle ne pouvait pas savoir quels malheurs avaient frappés Shanxi, mais cela l'aiderait à s'exprimer, d'une certaine manière. Et si ce n'était pas la danse, elle trouverait une autre forme d'expression. Au moins, elle avait su la convaincre de ses propos et, intérieurement, Mancinia était ravie. L'Imprévisible suivait son regard vers l'extérieur, constatant les mêmes présences que son invitée.

— Vous avez raison, allons-y.

Dommage, elle aurait aimé passer plus de temps avec l'Ange. Cachant sa mine boudeuse à ce constant, l'Humaine se relevait élégamment, habitué qu'on l'observe dans ses gestes en tant que Marquise, tout en allant payer d'un bon coeur. Parfois, être riche permettait des extras.

— Moi de même. J'ai rarement l'occasion de prendre du temps avec mes futurs collaborateurs, de temps en temps, ça fait du bien.

À peine sortie de l'entre, elles constatèrent que les deux hommes avaient déjà disparus. Connaissant Leoben, il devait toujours courir, à sa manière.

— Nous gardons nos hommes par leurs estomacs ! rit-elle doucement, avant de se reprendre. Oui. Comme vous le voyez, ce n'est pas la superficie qui manque.

Les Magiciens n'étaient pas regardant sur l'étendue de ce Royaume à ciel ouvert, plus qu'intéressant et profitable aux trois races peuplant les Terres du Lac Bleu, une preuve de cette solide alliance tripartite.

— J'avoue être très curieuse de cela.

Ce n'était pas vrai. Détentrice des souvenirs de son bien-aimé, elle avait désormais de sacrées connaissances dans le domaine de la construction, mais ce serait un moyen de savoir s'ils étaient compétents - ce qu'elle ne doutait pas - et de leur confier d'autres chantiers, à l'avenir.

— Je ne pense pas cela dit pouvoir, peut-être le premier jour, toutefois.

Post VI - 1015 mots
Mâdary Sharqui - Danses du ventre

Le début de la faim

Musicaaaaaaa

Les premiers jours sur le chantier, bien que bien remplis, passèrent à une vitesse fulgurante. Bien vite, l’espace consacré aux futurs logements adopta l’apparence d’une fourmilière s’affairant à rassembler et empiler bois et blocs de pierre taillée ça et là. Quand le soleil décidait de les quitter, une véritable course contre la montre commençait. Il fallait s’avancer, et chaque tâche devait être terminée pour ne pas avoir à la reporter au lendemain. Chaque soir, après le départ des ouvriers, l’Okan profitait du calme pour se promener dans la cité. La solitude qu’elle ressentait en passant près des bâtiments en devenir était grisante. Dire qu’il y a quelques heures à peine, l’endroit grouillait de monde. Shanxi chassa de quelques gestes vifs la poussière qui s’amoncelait sur un petit muret, puis s’y assit. Son regard allait et venait entre différents bâtiments qu’elle choisissait et son carnet dans lequel elle griffonnait. Elle y recueillait, à la demande de Nejaka, des idées d’architectures ainsi que des premiers jets de schémas pour les logements qu’ils devaient construire. Ils voulaient tout deux répondre à la demande de la Matasif Leenhardt et le maître architecte avait décidé de lui confier cette tâche. Il l’avait senti motivée, sûrement. Et elle l’était. En fait, trouver une réponse à ce casse-tête avait même pris le pas sur les activités qu’elle réservait sur son temps libre, et parfois même sur son sommeil. La difficulté de la chose la stimulait et la maintenait en éveil la plupart du temps, et à la fois, elle ne voulait surtout pas décevoir. Le fardeau était lourd mais équilibré. Elle s’en sentait capable.

Un sourire naissait sur son visage concentré. Elle avait toujours pris beaucoup de plaisir à schématiser et donner vie à des idées. Contrairement à ses frères, Shanxi avait toujours connu sa vocation. Elle avait même eu la chance de pouvoir baser ses études sur ce projet d’avenir. Elle revoyait encore le visage de ses parents quand elle leur avait dit vouloir devenir architecte. Ils étaient fiers. Son père peut-être plus que sa mère. En tout cas, Amélia s’était montrée plus mesurée dans ses émotions que celui-ci. Elle espérait sûrement voir Shanxi marcher dans ses pas et reprendre son cabinet médical. Elle y avait également passé beaucoup de temps, il fallait dire. Elle n’était donc sûrement pas la seule à avoir pensé que l’Okan finirait médecin, doublée d’une herboriste, comme sa mère. Ce n’était pas comme si Shanxi elle-même n’y avait pas pensé. Elle l’avait même sérieusement envisagé, en réalité. Elle appréciait la profession, mais pas autant que celle qu’elle s’était choisie. Voilà tout. Le crayon de l’Ange s’arrêta. Sa joie avait disparue, diluée dans le souvenir. Elle releva la tête vers un ciel complètement assombri. Elle était restée un peu plus longtemps que prévu, semblait-il. Même la fraîcheur de la nuit avait commencé à gagner ses membres. Il ne faisait pas vraiment froid en soi, mais après avoir baigné dans le soleil toute la journée, sa peau ressentait son absence d’autant plus facilement. Il était temps de rentrer. Sur le chemin du retour, la jeune femme s’était arrêtée devant l’entrée du restaurant dans lequel la Matasif l’avait invité, le premier jour. Fidèle à ses paroles, la maîtresse d’ouvrage ne s’était pour le moment montrée sur le chantier qu’une seule fois, au début des travaux. Shanxi ne l’avait depuis que peu revue. Elles s’étaient croisées une fois ou deux, mais étaient trop occupées pour échanger comme elles l’avaient fait ce jour-là. L’Okan regrettait un peu de ne pas avoir plus profité de sa compagnie. Elle avait aimé discuter avec elle, et était restée sur sa faim après son invitation à apprendre les danses Humaines. Shanxi n’avait pas eu l’occasion de s’y pencher plus avant jusqu’ici, mais elle avait l’intention de le faire avant la fin de ce chantier. Elle ne savait pas si elle aurait l’occasion de revenir ici plus tard, mais elle l’espérait. Et bien sûr, les danses n’étaient pas la seule chose à avoir piqué sa curiosité. En mentionnant son partenaire, le capitaine Katzuta, la Matasif avait soulevé la question de leur Lien également. Evidemment, si la vertueuse voulait réellement approfondir ce sujet, elle pouvait toujours s’adresser à ses comparses. Certains d’entre eux seraient tout aussi bien placés pour l’initier au comment et pourquoi, mais sa conversation avec la maîtresse d’ouvrage lui avait laissé l’impression d’une opportunité manquée. Gizja avait raison. Il faudrait qu’elle sorte plus. Shanxi poussa un soupir, agacée par sa propre réflexion. Pendant un instant, l’Ange contemplait l’idée de pousser la porte du restaurant pour se commander à manger. Elle n’avait après tout pas encore pu se restaurer, et il se faisait tard. Elle n’était pas sûre d’avoir envie de cuisiner en rentrant.

784 mots
J'ai fais une ellipse, c'est plus pratique.
On va pas traîner Mancinia sur le chantier, hein. XD
Je te laisse improviser là-dessus si tu veux égayer sa soirée. 8D

Le Début de la Faim

Assise à son bureau, Mancinia reposait sa plume et massait son poignet. C'était un exercice dont elle avait l'habitude, mais quand elle en abusait, comme toute chose, le corps lui faisait payer avec une mise en garde. Ce devait être l'heure de prendre une pause et, en poussant un soupir, se laissait tomber contre le dos de sa chaise. Elle passait ensuite une main dans son cou, avant d'étendre son bras devant elle. Décidément, elle était restée longtemps assise, sur ces rapports de financements, sur des projets commerciaux encore à l'étude dans son esprit et, surtout, sur son dernier ornement ; un pendentif en forme de torche, dont le corps était en or blanc et l'expression des flammes, en topaze bleu. Un hommage à la situation du marquisat de Nylmord. Pourquoi avait-elle des idées aussi farfelues et complexes à mettre en oeuvre ? Pourquoi faisait-elle souvent des objets si riche et brillant ? Avait-elle quelque chose à compenser ? À prouver ? Ou aimait-elle seulement les beaux et brillants accessoires sur lesquels elle travaillait ? Se serait mentir de dire qu'elle ne ressentait pas une certaine satisfaction de revêtir ses propres travaux, de les montrer à tous, comme durant la vente aux enchères du Fessetival où elle avait apprécié les exclamations admiratives Son esprit fantaisiste et débridé de Joaillière est mis en exergue sur ses créations, toutes plus éblouissantes les unes que les autres. La Sertisseuse n'était pas mécontente d'avoir atteint un tel stade de reconnaissance, en moins d'une décennie. Celle qui n'était parti de rien, celle qui avait voyagé, celle qui avait bataillé, celle qui avait subjugué le Nylmord avec son art au point qu'il la désigne héritière ...

Sa vie avait changé parce qu'elle s'était battue pour intégrer ce monde-là.

En regardant par la fenêtre, elle avait une vue sur l'enceinte de sa demeure, dont l'arrière donnait ensuite sur un des champs appartenant à l'un des fermiers travaillant sous ses ordres. Tous les Humains n'étaient pas doués avec la terre, mais les Magiciens avaient su transformer leurs capacités comparables au néant en quelque chose de viable, mais ils étaient encore perdus avec les financements majeurs et, avec les Anges, il avait fallu assurer les calculs, les négociations et le travail administratif. Elle s'en était occupée en échange d'un versement des bénéfices et ils travaillaient pour elle depuis lors, ses travailleurs ne manquaient de rien, pas même de travail ; le plus gros risque pour eux, qui vivaient des caprices de la terre. Heureusement, Haute-Terre était un lieu calme avec des dangers rares. La coopération en était le maître mot, maintenant plus que jamais. Nombreux étaient les Enfants de Sympan qui prendraient en charge les Ailes Blanches et le chantier sous sa supervision, financer par plusieurs fonds, serait un trait d'union supplémentaire. Devait-elle se rendre sur place ? Une promenade allait sûrement la remettre d'aplomb pour son travail nocturne. Neah n'approuverait certainement pas son agacement envers son corps fatigué, l'idée de le voir avec sa moue désapprobatrice au fond des yeux la fit sourire. Penser à lui la rendait heureuse, même s'il lui manquait atrocement. Il avait énormément de travail et ce n'était pas le moment de le déranger avec ses caprices amoureux ...

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Un châle sur ses épaules pour conserver la chaleur de son corps, Mancinia parcourait ce second lieu où se dessinait sa vie, où de nouvelles pierres allaient se gravées. L'heure était avancée et les ouvriers étaient partis, les derniers qui restaient étaient ceux qui discutaient un peu avant de retourner chez eux. Humains et Anges travaillant main dans la main après les tensions accrues ces derniers mois gonflait sa poitrine de fierté. Une réussite dont ils étaient nombreux à lui en attribuer le mérite, surtout après la déclaration enflammée de son Capitaine ... Il ne fallait pas que les crimes de Gilgamesh laissent une marque si indélébile qu'elle brise tous leurs liens. Il ne fallait pas que ce qu'avait commis Servon soit l'image du Lien, tout simplement. Ils devaient tous être au-dessus des criminels. Quant à ce qui aurait pu se produire avec sa mort potentielle, poignardée ou par empoisonnement, à des intervalles très court, elle ne voulait pas y pensé. Il n'y avait aucune trace, aucune preuve. Mancinia Leenhardt était résistante, comme toute Matasif qui se respectait. La vérité ... disparu dans le néant. Elle massait distraitement la main contenant ce qu'elle trouvait être une véritable Bénédiction du Dieu-Roi. S'il ne croyait pas en sa personne, il se serait détourné d'elle depuis longtemps. Je prétends être son Élue pour me prémunir ... mais peut-être le suis-je réellement ? Elle secouait la tête. Je ne dois pas être prétentieuse. J'ai servi les Aetheri durant la Guerre et mon peuple l'a payé, maintenant que nous avons retrouvé une certaine cohérence avec notre titre d'Enfants de Sympan, ce n'est pas le moment que je perde la raison ...

Elle avait désormais une ambition dévorante, mais elle se refusait de causer du tort à son peuple. Ce n'était pas digne d'une personne désirant être Souveraine. À l'image de celle qui construisait les fondations de son avenir, Mancinia observait le chantier, titanesque à ses yeux ; de nouvelles ruelles, de nouvelles habitations, certaines sur deux étages, une extension d'Haute-Terre qui, entre sa partie Humaine et Magicienne, aurait bientôt quelques allures Angéliques. Un sourire naquit sur ses lèvres, cet endroit étant devenu un lieu tripartite de leur alliance ; dommage que la situation du Royaume soit secrète, mais les architectes sauraient répondre à ses attendes. Un petit tambourinement se fit entendre, elle se moquât de sa propre personne. Il était tard et une douce faim creusait son estomac. Elle n'avait cependant pas envie de rentrer et de déranger le cuisinier, qui s'afférerait tôt dès demain matin, autant aller dans un lieu encore ouvert et ...

— Mademoiselle Taiji ! l'interpella-t-elle avec un sourire amusée en s'avançant vers l'Okan. Vous êtes revenue ? Je savais bien que nos spécialités culinaires vous ravirait !

Ça, c'était une agréable surprise.

— J'ai moi-même envie de manger quelque chose, je vous invite ?

Post VII - 1010 mots