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 [Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles

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Latone
~ Orisha ~ Niveau I ~

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◈ YinYanisé(e) le : 24/05/2014
◈ Activité : Horticultrice
Latone
Dim 06 Mar 2022, 14:05



Partenaire : Miles
Intrigue/Objectif : Conte aux deux auteurs, de la plume de Latone Kirzor et de Miles Köerta, sur une antique légende du Voile Blanc.

~~~

" Vous restez bien sages, hein ! "

" Ouiiiiiiii ! "

Sans plus attendre leur libération, les jumeaux se ruèrent en dehors de l'appartement, laissant un saccage sans précédent sur leur passage. Entre bruits et pitreries en tout genre, la Vigilante allait se lever avec une sacrée migraine. D'un signe entendu, Koe assura à Latone qu'elle allait les gérer d'une main de fer. La Bleue n'en doutait pas une seule seconde, étant donné l'expérience de l'Orine avec les enfants les plus turbulents de Ciel-Ouvert. Même si, au fond, elle était très fière d'avoir – indirectement – engendré les pires têtes brûlées de cette génération.

Enfin seule, Latone claqua la porte derrière elle et s'assoupit aussitôt dans le lit. La fibre maternelle se dessinait peu à peu dans ses habitudes et son quotidien, toutefois beaucoup de lacunes persistaient dans son entretien des petits. Miles, le supposé père biologique, déclaré comme tel par les principaux intéressés, lui avait proposé de l'aider à la décharger de temps en temps. Mais depuis, Latone n'avait point osé lui demander. Elle préférait affronter le problème à bras le corps et il devait déjà bien avoir à faire avec ses propres enfants ; puis, depuis les vacances à Megido, cela lui semblait bien plus sage de ne pas en rajouter. D'un autre côté, la Marcheuse se demandait comment lui et Léto faisaient pour gérer de telles monstruosités, aussi intenables que Toesia en bon exemple. Au moins n'avait-elle pas affronté les inconvénients de la grossesse et les tumultueux débuts de l'enfance. Quoique, c'était peut-être encore pire de ne pas y avoir été préparé et de se prendre le phénomène en pleine face.

Un soupir fila et elle jeta un coussin sur sa tête. Ce n'était pas le moment de songer davantage aux caprices de ce sacré Destin. Pour l'heure, la Bleue devait profiter de cette journée de répit pour s'adonner à des activités plus apaisantes. L'envie de sortir ne lui vint pas. Mais que faire cloîtrée chez elle ? Ou à la rigueur, que lui proposerait la Vigilante de ludique ? Elle se tourna sur les fourrures, dans le but de balayer la chambre à la recherche d'une séduisante idée. Son mouvement cessa pourtant lorsqu'un singulier contact s'opéra contre sa peau. La demoiselle se décala et remarqua alors le carnet qui traînait dans son lit. Intriguée, elle en étudia la couverture et fut étonnée du manque total d'informations ; pas de titre, pas d'auteur, pas même une indication sur son contenu. Elle ne reconnaissait pas ce bouquin par ailleurs ; Ezechyel au moins savait qu'elle mémorisait toutes les œuvres littéraires de sa bibliothèque. Avec un certain flegme, elle feuilleta une page au hasard et se heurta au blanc complet. Elle tourna les pages à la suite, un vide absolu. Elle ne se souvenait vraiment pas d'avoir acheté un tel carnet…

" Hmm ? "

Les premières pages. Sur celle de droite figurait les premiers mots du livre : Il était une fois. Sur la gauche, en revanche, davantage de mots s'alignaient à l'instar de conseils d'utilisation. Quiconque souhaitant lui déléguer ce bouquin semblait vouloir lui donner l'occasion de rédiger une histoire avec un co-auteur. Était-ce justement ce dernier qui lui proposait cette aventure ? Était-ce encore un vil jeu de son Æther adoré… ? Latone leva les yeux au plafond. Avait-elle vraiment le choix, finalement ? Elle n'avait rien d'intéressait à faire à part se prêter à l'exercice. Puis, elle n'avait jamais rédigé le moindre conte auparavant. Pas même un poème, d'ailleurs. Pour une Fille des Chants, ces défauts représentaient un blasphème. Ainsi, tentée de parfaire ses compétences et de se divertir, le flot de son imagination peaufina les prémices de son récit et la Kirzor plongea la plume dans l'encrier.

~~~


Il était une fois… les Crocs du Voile Blanc.

La caresse du froid se rythma à l'engouement de sa tunique uniformément ivoire, les pans larges de celle-ci se cala sur le tempo de la brise matinale. Une danse douce, lente, en l'honneur de l'aube qui pointait bientôt le bout de son nez sur les vallées blafardes. Le Veilleur observait le spectacle chaque jour, sur les monts les plus impressionnants et inatteignables pour le commun des mortels. Il n'avait l'air que d'un élément diffus dans ce décor aux apparats sans âme, la vie y grouillant tranchait avec ce manque de caractère. Depuis son sommet, Il s'imprégnait de l'ensemble de l'orchestre. À contrario de ses semblables, Il ne scrutait pas le monde avec ses yeux ; on pouvait alors le voir les clore et ne se focaliser plus que sur les vibrations des cœurs, le fracas frénétique d'un animal sur la neige, le soupir du vent contre les peaux et les fourrures. Ainsi était l'unique façon d'appréhender la Création, de comprendre et anticiper les flux qui le secouaient sans cesse. Ils représentaient un Chaos dont Il était l'Instigateur, le Musicien de leurs notes quotidiennes, le Père des Échos.

En cet aurore, les balbutiements du Voile Le bercèrent comme nul autre horizon. À cette époque reculée, les contrées avoisinantes de l'Edelweiss ne se montraient point aussi inhospitalières. La faune régnait certes en maîtresse absolue, cependant la civilisation des Hommes parvenait à ancrer son emprise. Certains villages s'élevaient en des points stratégiques afin d'attirer les plus honnêtes marchands étrangers, des relais furent créées pour faciliter les voyages et éviter de piétiner sur le territoire des plus coriaces meutes. On racontait même qu'une ville fut fondée en son sein, bien que l'affirmation semblât s'en tenir au stade de rumeur fantasmée. Pour autant, bientôt, le Voile Blanc pourra se targuer d'être une province à part entière. Ce n'était qu'une question de temps avant que les Hommes imposassent leur musique et leurs chants. Patient, le Veilleur écoutait cette longue partition prendre forme et n'attendait que la note finale pour s'éclipser, un jour, vers des harmonies plus alléchantes. Car, comme toute histoire – contée ou chantée – il y aura une fin.

Pour une fois, épris par la soudaine altération de son écoute, Il rouvrit contre toute attente ses paupières sur le val à ses pieds. Sa vision d'un cobalt profond suivit les Échos qui éveillèrent sa curiosité et, dans un sens, le troublèrent dans sa méditation habituelle. Trop rares furent ces morceaux dissonants, où Il perdit l'allure des quidams pour ne laisser sa chance qu'à une seule et unique Voix. Cette dernière était… unique. Elle éveillait des sentiments bien plus évocateurs que le reste de son assemblée, une clairvoyance plus transcendante que la gaieté du bûcheron aguerri ou le chant matinal du coq. Il ne pouvait passer à côté d'une telle singularité dans le miasme des vibrations, son écoute se focalisa alors tout entière sur elle, les autres sons remplissant le corps du Voile réduit à l'états de parasites dont il fit taire en son être. Le Veilleur se détacha de son opéra et se tourna vers la source de cette Voix qui, malgré elle, le charmait. Si tant était qu'une Voix ne s'adressait point à Lui…

Tel un mirage, Il apparut au-dessus de la chaumière. À son passage, le coq vedette du village émit son ultime appel au réveil. Il demeura immatériel pour quiconque, un spectateur invisible d'une mélancolie palpable. Les vibrations qui enserraient cette demeure étaient si puissantes, le poids de leurs Échos empêchait le commun des mortels de les chasser, telle une malédiction chimérique. Pourtant, le Veilleur avait bien entendu cette Voix qui transcendait ce cocon de désolation. Outre le courage qui émanait de la source, ce fut l'élégance avec laquelle elle frottait les cordes et attisait des ondes uniques. Dignes d'une véritable cantatrice. Happé par cette offrande, Il se posa sur le plancher des vaches et observa le réceptacle à travers le flou vitreux de la fenêtre, un pan de rideau s'étant écarté pour baigner un tant soit peu l'intérieur d'une succincte lueur matineuse. Au dernier instant, lorsqu'une silhouette commença à se dessiner, Il se ravisa et se décala. D'ordinaire, seule la Voix l'intéressait, point le support. Quand bien même, cette âme déchirée continuait d'expier sa couleur, terne, délavée, un fabuleux éclat d'espoir y subsistant. D'ici, Il pouvait l'entendre clairement, alors que n'importe quel badaud du quartier ne saurait la considérer. D'une brève introspection, Il esquissa l'enveloppe qu'Il revêtira en sa compagnie : le bleuté de ses iris s'illumina pour dévoiler les traits d'un homme mûr, brun ténébreux – des mèches rebelles se calèrent au tempo du souffle – dont les nuances furent réhaussées avec sa tenue épaisse mais pas moins simple, un ton fort alloué au blanc immaculé et aux motifs bleu roi et dorés. N'importe quel local saurait le catégoriser d'étranger, tant le coloré de son épiderme et le lisse de son habit transcendaient avec le décor. Le Veilleur réajusta ses manches, son col et finit par éclaircir un brin sa voix. Le moment venu, lorsqu'elle mit fin à son propre couplet, Il reprit aussitôt le relais avec entrain.

Et poursuivre ces chimères, ne m'incite qu'à la colère
Avec l'appel du tonnerre, je contemple le divin stellaire
Prêchant l'oratoire, je m'élève vers les cieux gorgés d'espoir
Noyé dans le désespoir, mon souffle se nourrit de notre histoire
Ô puisse quelqu'un, quiconque qui inspire mon parfum
Me découvre de ce tenace embrun, me dévoile alors défunt…

Signant la fin de la chanson, le grincement de la porte lui fit rouvrir les yeux et pivoter en direction de l'abandonnée. Enfin, ils se faisaient face.

" Pardonnez-moi, je me suis laissé emporter par votre mélodie. En silence, Il la laissa réagir et mûrir ces réflexions qui assaillaient son esprit meurtri. En vérité, elle m'a laissée l'impression que vous attendiez un écho… D'où mon initiative qui, je l'espère, vous ait arraché quelques étincelles d'allégresse. Avec la douceur de l'insolence, ses lèvres s'étirèrent en réponse. Enchanté. Mon nom est Senere. "


1715 mots (dont 1068 pour le Conte) ~



By Jil ♪
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Miles Köerta
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Miles Köerta
Mar 29 Mar 2022, 04:47


Salut Öm juishi (mon amour),
J’espère que tu vas bien depuis la dernière fois. Comment se passe tes journées? Tu dois être pas mal occupée, à courir partout entre l’Île Maudite et Orahza. Cependant, encore une fois, y’a vraiment rien de plus pratique que de savoir se téléporter dans une telle situation, hein? [Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles 1004699353 Pour ma part…
Pendant quelques secondes, le bec de ma plume se suspendit dans les airs, jusqu’à ce que son baiser effleure de nouveau les fibres du papier.
Pour ma part, tout va pour le mieux. On est revenu victorieux d’Arcadia et on en a profité pour prendre une pause bien méritée avec plusieurs Marcheurs! On est partis pour Megido pendant quelques jours et franchement, ça a fait du bien pour tout le monde. On en avait besoin après les dernières semaines qu’on a passé à planifier le siège. En revanche, la première journée a été une véritable torture (:999:) Lorsque j’ai accepté de suivre toute la petite troupe en vacances, on n’avait pas encore choisi de destination spécifique et… de fil en aiguille, j’ai fini par remettre les pieds là-bas.
Un trait, bien fin, vint chatouiller le pan de mes lèvres. Ainsi, en quelques lignes, je lui racontais l’angoisse qui m’avait frappé à chaque pas que j’avais esquissé au sein de la ville, la détresse et la culpabilité me rattrapant après toutes ces années à m’être échappé, à avoir fui, sans me retourner.
Une chance que j’étais bien entouré. Autrement, je crois que je serais resté toutes les vacances enfermé à double tour à l’intérieur de ma chambre, comme un chien effarouché [Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles 2684176095
Je réfléchis un instant avant de repousser l’idée naissante. S’il me fallait parler de ma visite à la maison de mon enfance, je préférais encore la lui conter de vive voix… comme la pensée qui ne cessait de siffler à mes tympans.
Tu me manques, tu sais. Quand est-ce que l’on pourrait se revoir, rien que toi et moi? Il s’est passé tellement de choses, ici. Je te rassure tout de suite : la maison tient toujours sur ses fondations et Toto n’a toujours pas de petit copain [Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles 2289842337
Une fois de plus, je fis une pause pour prendre une profonde inspiration, un poids comprimant ma poitrine avec intensité.
Alors dis-moi, écris-moi, fais-moi signe : j’attendrai ta réponse avec impatience, comme à chaque fois.

Je t’aime, Öm juishi. Plus que tout au monde. J’ai hâte de te retrouver.
De cela, j’en étais plus que certain.
Miles [Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles 3298876942
Puis, je relâchais la plume dans son encrier.



Dans la soirée…

En expirant un soupir de soulagement, je m’étendis de tout mon long contre le matelas du lit. La journée avait été plus animée qu’escomptée, le tout se concluant par une Toesia Eses extatique en raison de la soirée qu’elle avait passé avec ses amis. Ils seraient tous partis voir un spectacle avec les parents de Maydon et, depuis, notre petite tempête n’était parvenue à faire redescendre son adrénaline. Cela étant, après une centaine de ruses ratées et de compromis résignés pour qu’elle aille enfin se coucher, Toto avait finalement abdiqué en plongeant sous ses draps. Désormais, elle roupillait comme un petit chat.

Poussant un rire silencieux, je me redressais afin de m’asseoir en bordure de la couche, contemplant pour la énième fois la couverture du bouquin qui reposait sur ma table de chevet. D’un réflexe agité de questionnements, ma main vint cueillir l’ouvrage et, comme tant de fois depuis ces trois derniers jours, je me remis à feuilleter le livre scrupuleusement. Bien que la noirceur ambiante pût paraître lourde sur mes épaules, je distinguais avec perfection la courbe tremblotante des lettres qui avaient été couchées sur le papier; je reconnaissais sans difficulté le tracé sec d’autres caractères familiers; et malgré ce que mes yeux identifiaient dans cette obscurité, je peinais honnêtement à croire ce que je voyais.

Il y a trois jours de cela, ce livre était apparu sur mon bureau de travail. Complètement de nulle part. J’avais même questionné les enfants, Dærion et la jeune Élise afin de savoir si l’un d’entre eux reconnaissait le bouquin, mais personne ne savait d’où il provenait. Je l’avais ainsi conservé en toute curiosité, tournant et retournant les feuilles du cahier – comme je le faisais en cette soirée – jusqu’à ce que je m’arrête subitement sur les premières pages de l’ouvrage. Contrairement à la majorité des pages du livre, celles-ci – les toutes premières – avaient été gribouillées avec passion et frénésie, tel un écrivain qui aurait fait danser ses doigts sous l’impulsion insufflée par une Enfant de Maëlith. La poésie qui animait les phrases était sublime, recherchée, mais… je ne voyais pas comment Latone avait pu jongler et écrire tous ces mots afin de pondre un texte aussi soigné. Parce qu’il s’agissait bel et bien de son écriture. Ce n’était pas la première fois que je posais les yeux sur sa calligraphie et celle que j’avais sous le nez lui ressemblait horriblement. Pourtant, cette rédaction… Je gardais le silence pendant plusieurs secondes, agitant finalement le carnet devant mon visage tout en me remettant sur pied.

« Testons pour voir. »

Testons la véracité de cette notice. Cependant, en dépit de ma motivation, le crayon ne toucha guère à la page vierge une fois que je me fus installé sur ma chaise. Mes neurones s’étaient bloqués et mon esprit s’agitait, indécis. Qu’est-ce que je peux écrire pour rebondir au juste…? Plusieurs minutes s’écoulèrent et la feuille restait toujours aussi claire. Je poussais un soupir entre mes lèvres avant de déposer le crayon non loin du livre. Je m’avouais vaincu : je réessayerais demain matin.






La journée se répétait comme tous les autres jours avant lui. Il commence par des pleurs, puis des cris. Lorsqu’elle pouvait sentir la présence de son mari, il lui arrivait de se rapprocher de sa chaleur pour qu’il réponde instantanément à sa requête et la scelle dans ses bras. Des halètements, assez tranchants pour couper une respiration, ponctuent pourtant la terrible symphonie. Parfois, il lui suffisait d’augmenter la pression de ses paupières contre ses yeux pour que la scène de ses rêves disparaisse et se taise sur ces appels de rancœur et de détresse époumonés; doucement, ils perdaient alors en intensité, et le silence reprenait ses droits en la galvanisant d’un bien-être inespéré. Mais cela, ce n’était qu’en de rares occasions. Plus souvent, les cauchemars prenaient du temps avant de s’évanouir complètement, s’accrochant avec fermeté à son esprit. Enhardis par le battement de plus en plus inquiétant qui frappait sa cage thoracique, les illusions persistaient avec une férocité bestiale et renouvelée. Par instinct, elle se disputait alors contre cet ouragan accablant, telle une naufragée qui battait des bras et des pieds à contre-courant, cherchant un sol sur lequel s’appuyer. Parfois, ses orteils touchaient terre assez longtemps pour lui permettre de se retirer du combat, l’authenticité de son environnement et la perception de celui qui l’étreignait ne devenant alors que plus palpables et réels autour d’elle; mais la plupart du temps, le sang – et son odeur putride – s’additionnait aux sensations horribles qui l’asservissaient. Son cœur se soulève, une bile écœurante l’étourdissant du même fait; son souffle s’accélère, des griffes remontent le long de sa gorge pour l’étouffer sans une once de pitié. Malheureusement, malgré toutes les attentions qu’on lui procurait et qu’elle se gratifiait d’elle-même en n’abandonnant pas le combat, les cauchemars continuaient de jouer avec sa sanité en la poussant lentement mais sûrement vers ses derniers retranchements. Elle ne souhaitait pas reculer, elle ne souhaitait pas baisser les bras, mais se voyait, avec horreur, reculer pas à pas, et ce, jusqu’à ce que son talon effleure le pourtour du gouffre. Sa tête va exploser, son corps se met à trembler et ses tympans à siffler, tandis que la cacophonie assourdissante qui l’enveloppe ne fait que se renforcer. Elle veut que tout s’arrête. Elle veut que tout s’arrête. Car plus elle reculait, plus elle leur donnait du terrain, et plus ils se renforçaient. Aux bruits insupportables et aux odeurs nauséabondes, aux hurlements aliénés et aux crampes intestinaux, se rajoutaient alors le goût de la défaite. La saveur métallique du sang bloquait sa trachée et assiégeait l’intérieur de son palais dans une grande brassée, comme si une volonté nuisible la forçait à avaler le liquide rouge et poisseux. Pourtant, elle résistait et s’entêtait, mais en agissant de la sorte, elle s’empêchait également de respirer, des gargouillements envahissant bientôt sa gorge pendant qu’elle s’asphyxiait. Elle voulait alors attraper son cou pour s'aider à recracher le sang. Mais, cette fois, c’est son cri, étouffé, qui se joignit à la clameur infernale quand elle remarqua l’absence de ses mains. Et inévitablement, le verdoyant de ses yeux finissaient par se poser sur l’horizon droit devant elle. Le spectacle dont elle était témoin la pétrifiait. Il s’agissait d’un théâtre soigneusement orchestré, avec des personnages – ses alliés – qui se faisaient impitoyablement décimer. Elle voulait que tout s’arrête. Elle veut que tout s’arrête. Elle veut qu’ils rebroussent chemin et se cassent de cet enfer sur terre. Seulement, jamais ils n’entendaient, et continuaient de courir comme des pions écervelés vers leur fin. Ils tombaient, puis se désarticulaient devant ses yeux, accompagnant leur chute des plaintes du passé, de leurs hurlements qui, sans cesse, mitraillaient son esprit au rythme des pulsations qui frappaient encore… Boum! Et encore. Boum! Et encore. BOUM! Les os de son thorax. BOUM!!

« KHÜN! »

Un cri, solitaire, qui mit brutalement fin à sa bataille. En sueur au milieu de ses draps, Daessa se redressa violemment pour s’en échapper, glissant maladroitement hors du lit, terminant sa course dans un fracas tonnant sur le plancher. Son visage resta collé au sol pendant un certain temps. Elle reprenait contact avec la réalité, essoufflée.

« Un rêve. Ce n’était encore qu’un rêve. Ha… Ha ha… Ha… »

Un rire secoua sa gorge pendant que la jeune femme entreprenait de se remettre sur pied, l’un de ses moignons tâtant hâtivement le sol pour y récupérer une prothèse de main; dans sa chute, celle-ci semblait s’être égarée. La journée se répète, comme tous les autres jours avant lui, pensa-t-elle en se levant enfin, sa jambe droite peinant à supporter son poids sans la canne qui, habituellement, l’accompagnait. Ainsi était désormais la vie de Daessa Sümeyaa.

Claudiquant hors de la chambre matrimoniale, la jeune femme traça laborieusement sa route jusqu’à la chaise berçante où reposait son précieux luth. Avec délicatesse, elle s’assit avant de poser l’instrument sur sa cuisse gauche. Puis, dans des gestes saccadés, ses doigts se mirent à accorder l’instrument de musique, qui ne tarda à faire vibrer les notes qu’elle désirait tant écouter. Depuis que son existence ressemblait à ceci, ce luth était devenu son seul refuge lorsque Khün était absent. Ainsi, quand elle s’éveillait, seule, à la suite de son affrontement, la musique et les chants devenaient les bras dans lesquelles elle se lovait sans appréhension. Elle chérissait ces instants. Il s’agissait des seuls moments où elle pouvait réellement se sentir vivante. Quand ses poumons se gonflaient d’un désespoir qui s’unissait indistinctement à l’hostilité et à la déception, à la rancœur et à l’impuissance, elle pouvait alors crier haut et fort sa vitalité vacillante. Parce que sa voix, cette voix, était la seule chose qui avait été préservée dans tout le chaos qui l’avait accablé, son corps n’étant plus que pièces détachées et son esprit, morceaux rapiécés.

Sa voix, c’était bien la seule chose qui lui permettait encore de tenir le combat.

Et poursuivre ces chimères, ne m'incite qu'à la colère
Avec l'appel du tonnerre, je contemple le divin stellaire…

Lentement, la jeune femme cessa tout mouvement, son minois se retournant en direction de la fenêtre à proximité. Elle y distingua presque aussitôt une silhouette à travers les rideaux. Intriguée, elle se hâta de troquer son luth pour sa canne, tout en s’enveloppant dans un châle épais.

Prêchant l'oratoire, je m'élève vers les cieux gorgés d'espoir
Noyé dans le désespoir, mon souffle se nourrit de notre histoire
Ô puisse quelqu'un, quiconque qui inspire mon parfum
Me découvre de ce tenace embrun, me dévoile alors défunt…

Le chant la guidait et son regard se posa enfin sur les épaules de celui qui chantait. Si, au tout début, la blonde se montra prudente, vigilante, quelque chose en cet homme abaissait naturellement la majorité de ses défenses. Une personne qui possédait une telle voix ne pouvait être que quelqu’un de délicat.

« Vous êtes tout pardonné, Senere. Vous avez une voix magnifique et il aurait été dommage de la garder pour vous, n’est-ce pas? Daessa examina ses atours, devinant aussitôt son statut d’étranger. Est-ce qu’il vous arrive souvent de vous arrêter sous la fenêtre des gens pour les accompagner dans leur chant? Le sourire de l’homme était insolent et peu importe la réponse qu’il lui décocha, la jeune femme reprit rapidement les rênes de la conversation en l’orientant sur sa principale curiosité. Il est plutôt rare de voir des étrangers voyager seul dans un tel climat. Avez-vous perdu votre caravane en chemin? Pourtant, il ne paraissait pas le moins du monde inquiet par sa solitude. Je présume que vous avez voyagé jusqu’ici pour vous rendre au village qui se trouve en contrebas de cette propriété, déclara-t-elle en quittant le seuil de l’entrée, sa canne s’enfonçant dans l’épaisseur de la neige, sa jambe droite trainant légèrement derrière. Il vous reste encore quelques kilomètres à marcher dans cette direction et vous serez arrivé », lui assura-t-elle en le gratifiant…



Je clignais des yeux, un sourire flottant à mes lippes. Le carnet venait vraiment de disparaître.


1 247 mots pour le Conte (Sans les paroles reprises du post de Latone) | Post I




[Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles Signat16
Merci Léto ♪:
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Latone
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Latone
Dim 08 Mai 2022, 16:25




Peu à peu, Latone suspendit le dorlotement de Groa, assoupie sur son bras et contre son épaule. À contrario de son frère, la fillette se montrait plus capricieuse lorsqu'il était question d'aller dormir. Elle se dépassait tout autant que Bhaf, néanmoins l'alchimie entre son refus d'obtempérer et ses insomnies donnait du fil à retordre à la mère malgré elle. Depuis, la Bleue tenta diverses techniques pour l'aider à rejoindre le berceau d'Harabella ; les premières étant sûrement non homologuées par le comité des familles bienveillantes. Résultat, il semblerait qu'une bonne lecture avant le dodo suffisait à forcer le sommeil profond de sa petite. Au fil de l'exercice, Latone avait fini par apprécier ce bref moment de complicité avec la petite Orisha, elle-même friande de lecture. L'avantage avec l'enfant, c'était qu'elle n'avait point besoin de diversifier les histoires…

Avant d'aller la coucher, Latone continua de la bercer en dévorant un tout autre récit, bien plus énigmatique que le conte de la Noisette et du Typhon. Dans sa main droite reposait bel et bien le bouquin qu'elle avait commencé à rédiger la dernière fois. Elle pensait l'avoir paumé depuis, mais il lui était revenu par on ne savait quel miracle sur son bureau. De surcroît, avec une plume supplémentaire. Il semblerait bien que le principe de ce conte résidât dans la coopération, mais… Le fait étant que la Kirzor ne reconnaissait pas cette écriture. Pas de signature, pas d'annotation, rien. Cela pouvait être n'importe qui, et peut-être même pas un Marcheur. Cela ne faisait pas parti de ses plans de traquer son mystérieux correspondant, qui s'était bel et bien prêté au jeu du Conte aux deux auteurs.

En revanche, un détail plus qu'important lui était aussitôt apparu ; et elle s'empressa bien de le lui faire savoir avant de poursuivre sa part du marché : Je ne sais pas qui tu es, mais la prochaine fois tu finiras tes phrases. Je ne vais pas faire le boulot à ta place ! L'annotation en marge était conclue par un visage colérique.

Sous les ronflements bruyants de sa fille, elle trempa à nouveau la plume.

~~~

Elle comprenait. Elle possédait cette sensibilité propre aux favoris des Échos. Il lui aurait suffi de fermer les yeux pour entrevoir l'apex de ses doigts, même artificiels, pincer avec élégance les cordes de ces Terres. Malgré lui – ou peut-être y germait-il l'illusion – ses lippes dévoilèrent un pan de sa denture, un souffle chaud de son amusement profita de cette faille pour s'échapper et rejoindre péniblement, à travers le voile du froid, les doux traits de cette femme.

Sans se laisser influencer par les éclats de sa Voix, maintenant qu'il pût poser un visage sur ce chant, Senere s'avérait catégorique : elle était nimbée d'une singulière musicalité, sa peau se couvrait de tonalités attrayantes, son cœur résonnait d'un tempo tragique et engageant. Elle aurait pu être muette, maudite par sa sentence, elle n'en resterait pas moins aussi merveilleuse pour son Écoute. Pour un Æther, il était difficile de contenir les pulsions de son omniscience. Il pouvait décider de se fermer des portes afin de se poster au même piédestal. D'autres de ses comparses agissaient de la sorte, plus atteignables que certains mortels. C'était ainsi qu'Il souhaitait danser, interpréter sa chorégraphie en compagnie de la damnée. De bien nombreuses chaînes l'empêcheront de le suivre, mais ce devait être là une pincée de défi dont Il se complaira. Il ne restait qu'à obtenir son accord.

" Je vous suis reconnaissant de votre noble compréhension, ainsi que de votre compliment. Il était le Père des Échos, Il savait quelle nuance plaisait à quiconque. Pour son cas, Il s'était montré le plus naturel possible, les remembrances de son existence lointaine. Sa sensibilité à son égard le touchait dès lors. Seulement s'ils font d'excellents accompagnateurs. "

Il avait choisi l'insolence car tel était son être. La jeune femme ne s'en formalisait guère plus et c'était bien tout ce qu'Il attendait d'elle. Le bruissement de la neige égaya ces silences ponctuant leur interaction. Senere pouvait entendre chaque peine de son cœur, chaque souffrance de son âme à force de maintenir cette enveloppe décharnée en vie. Elle était de ces Chants qui faisaient battre le tambour des Bardes, la véritable incarnation d'une Nymphe.

" Hmm, j'arpentais le Voile au côté d'un ami, oui. Mais nous avions dû nous séparer. Ainsi était le quotidien du Veilleur, de ses escapades incessantes sur ces Terres chères à ses tympans. En vérité, c'est plutôt lui qui a décidé sur un coup de tête de me délaisser. Puisqu'il ne m'est pas revenu, je me suis fait à l'idée qu'il a dû s'égarer. Il laissa planer un silence, étudiant la réaction de la dame qui ne devait, sûrement, pas comprendre comment un homme pouvait apparaître si serein avec une telle nouvelle. Il sourit à son empathie. Oh, je vois à votre visage ce que vous pensez : ne vous en faites pas, il est très débrouillard. Je ne me fais aucun souci pour lui. Il s'avança pour rejoindre ses côtés, se postant ainsi afin d'évaluer la distance qui le séparait probablement de ce fameux ami. Toutefois, telle n'était pas son unique intention. Vous évoquiez un village alentour, dans ce cas j'y orienterai effectivement mes recherches. Si cela vous est possible, auriez-vous la bienveillance de m'accompagner ? Je ne connais guère ces contrées, votre expertise serait appréciée. Il lui tendit la main, une invitation à le rejoindre sur ce sentier bravé de formidables Échos. De surcroît, je pense sincèrement que vous vous entendrez avec mon ami. "

Elle trouverait une excuse, un prétexte pour au moins le suivre jusqu'au bourg. Cette intuition faisait parti de son instinct, puisqu'une Nymphe et son Barde amorçaient le moindre pas main dans la main.

" Au gré de cette escapade – il esquissa trois pas et se tint droit, dans l'attente qu'elle se préparât – vous pourrez me conter entre autres votre nom. "

Il lui suffit d'entendre le charmant brouhaha par-delà l'enceinte pour comprendre pourquoi son compagnon des Échos s'était fait happer par le rythme vibrant d'Antovers. En pénétrant en compagnie de Daessa, une multitude de données assaillit son attention. Le chant du coq matinal avait laissé place aux gazouillis des moineaux. Les bambins se bousculaient en dehors des chaumières, fumantes au gré du feu de cheminée, afin de dépenser toute leur énergie avant le déjeuner. Le marché s'ouvrait aux locaux et voyageurs de passage, les artisans hélaient quiconque à portée afin de gagner sa croûte, vendre son savoir-faire pour la survie au sein de ces terres inhospitalières. Les échanges s'opéraient sur le tempo clinquant des pièces, timides contributions pour les trimardeurs d'Antovers.

Pour Daessa, ce bazar ne devait être que futilités, un mal nécessaire pour subvenir aux propres besoins de sa propriété isolée. Mais pour Senere, c'était une agréable et longue révélation qui s'opérait sous ses yeux. Cela faisait si longtemps qu'Il ne s'était pas mêlé de la sorte aux citoyens du Voile Blanc. Il se contrefichait bien du pas pataud de l'Orisha, Il se focalisait systématique sur sa danse claudicante pour ne jamais la délaisser. À défaut, Il serait la canne sur laquelle elle pourrait se reposer.

" Un nom… ? La question de Daessa était légitime ; après tout, si on recherchait quelqu'un, il fallait au moins pouvoir en brosser son portrait auprès des potentiels témoins. Il ne porte rien de tel. Vous comprendrez en le rencontrant. " Puisque cela arrivera, Il savait qu'il était ici.

Par ailleurs, cette occasion lui parût propice à un test. Elle possédait certes une Voix remarquable pour ainsi attirer le Père des Échos, mais Il demeurait insatiable. Ainsi s'arrêta-t-Il dans un recoin du centre névralgique du village, là où la concentration sonore s'avérait plus prononcée qu'ailleurs. Rien d'incommodant pour les porteurs de son héritage, juste assez forte pour servir à sa quête.

" Tout ce qu'il vous importera, c'est qu'il est plutôt mignon mais terriblement insouciant. Ton mystérieux, bras croisés, il se massa la joue de sa main gantée. Nous ne pourrons pas le rater s'il est dans les parages ; il suffit de tendre l'oreille. "

Une certaine hâte s'emparait de lui à l'idée de la voir confronter le Kangela.


1436 mots (dont 1065 pour le Conte) ~



By Jil ♪
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Miles Köerta
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Miles Köerta
Lun 30 Mai 2022, 10:29



« Dans ce cas, je suis doublement flattée que vous ayez pris le temps de me partager votre voix », sourit-elle.

Malgré le charme du voyageur, la jeune femme assuma qu’il était dans son caractère de se montrer si cajoleur. Par conséquent, elle ne fit grand cas de ses manières tendres, reportant aussitôt sa curiosité sur le récit de son interlocuteur. Toutefois, celui-ci lui parût tout aussi étrange et extraordinaire que sa personnalité, les yeux de Daessa s’écarquillant petit à petit au fil de la narration. Comment son ami avait bien pu l’abandonner de cette façon, en plein cœur de ce climat austère et de ses dangers perfides? Et comment, lui, pouvait-il être aussi tranquille en sachant que son compagnon vadrouillait quelque part au beau milieu de ce désert blanc hostile? Par réflexe, elle songea immédiatement à contacter les autorités afin qu’elles déploient une équipe de recherche sur les traces de ce camarade perdu, mais la réaction du visiteur la fit tomber des nues. L’inquiétude et le souci s’étaient figés sur sa figure, et ne s’effacèrent partiellement qu’après un certain temps, malgré l’assurance et le réconfort qui s’entendaient dans l’inflexion du jeune homme. Pourtant, peut-être était-ce ce même ton rassurant qui l’a fit abdiquer temporairement.

« Si vous le dîtes… Cela étant dit, elle n’était pas encore entièrement convaincue, parfaitement consciente des menaces qui se terraient dans chaque recoin du Voile. J’espère sincèrement que vous avez raison et qu’il saura retrouver son chemin. »

À présent, Senere se tenait à ses côtés, le visage de la blonde s’étant naturellement tourné dans sa direction pour le dévisager – et essayer de saisir d’où il pouvait puiser une telle conviction. Seulement, c’était avant qu’elle ne discerne une main se suspendre sous son nez. Successivement, son regard alla de sa paume à ses yeux, le poids de la canne qu'elle tenait en main écrasant inconsciemment l’esprit contenu dans son âme. Elle le ralentirait, pensait-elle, elle ne serait qu’un fardeau à sa quête, comme elle l'était devenue pour tous les gens qui l’entouraient. Personne ne le disait à haute voix, mais elle était persuadée qu'ils se le chuchotaient entre eux, tout bas. Une ombre la voila, mais au même moment, l'œillade du voyageur la dégagea des ténèbres qui allaient recouvrir son expression.

« Lui aussi cherche quelqu’un qui saurait s’harmoniser à sa voix? Elle joignit sa main à la sienne, cachant dans un sourire les douleurs qui perçaient continuellement son cœur. Blague à part, je dois acheter les ingrédients pour le repas de ce soir : autant le faire maintenant, avant que Khün ne rentre à la maison. Ses yeux se perdirent un instant dans la vague, mais retournèrent bien vite sur le visage séduisant de l'étranger. Daessa Sümeyaa. Elle pencha discrètement sa tête sur le côté, réitérant d'une voix légèrement effacée : Mais vous pouvez simplement m’appeler Daessa. »

Au fond d’elle, la jeune femme sentait toujours l’obscurité de son esprit. Elle prenait conscience qu’elle n’accordait plus autant d'importance à son identité qu'à l'époque. Daessa Sümeyaa avait fait la guerre, avait été la commandante de toute une unité de vaillants combattants, était enfin parvenue à toucher le cœur de son père après des années à s’être battue pour tomber dans ses bonnes grâces, et aujourd'hui, il ne restait plus qu'un réceptacle vide et meurtri de cette ancienne personnalité.

« Je suis désolée… Je dois bien vous ralentir. »

Ils étaient pourtant arrivés au village d'Antovers, son ambiance et ses frivolités lui étant tant familières. Malgré tout, elle ne pouvait empêcher la nervosité de la faire trembler, quand bien même l'étranger qui l’accompagnait ne semblait pas s’en préoccuper. Elle baissa les yeux sur sa jambe dysfonctionnelle, prenant plusieurs inspirations pour éloigner ses sombres réflexions et questionner le jeune homme sur l’identité de son compagnon.

« Tout ce qu'il vous importera, c'est qu'il est plutôt mignon mais terriblement insouciant. Nous ne pourrons pas le rater s'il est dans les parages ; il suffit de tendre l'oreille. »

… Se moquait-il d’elle? Ses yeux se plissèrent, le coin de ses lèvres se soulevant à la suspicion qui altéra les traits de son minois.

« Très bien… » Souffla-t-elle finalement, tout en analysant le rictus qui dansait aux lèvres du voyageur.

Tendre l’oreille… Il s’agissait d’une bien vague directive.

« Que dois-je écouter? »

Un son particulier? Un instrument solitaire? Une clameur insolite? Sa question se justifiait : il y avait tant de bruits et de voix dans les environs. Or, la réponse de son compagnon la laissa de nouveau pantoise.

« Vous me surestimez. Ses doigts artificiels s'entrelacèrent dans des cliquetis saccadés, alors qu'elle réfléchissait à ce qu'elle devait entendre de si spécifique. J-Je vais essayer. »

Ses paupières se refermèrent et elle tenta de faire abstraction des troubles de son esprit. Ainsi, elle se mit à entendre la chute de l’eau tout près de ses oreilles, la fontaine de la place centrale se trouvant derrière eux, mais elle perçut également la rumeur des commérages et des conversations qui circulait dans le village. Le bruit de la neige qui craque rejoignait l'animation fébrile des lieux et, liant tous ces sons dissonants dans une symphonie, cet air particulier chantait… À travers la toile des sons, Daessa le percevait sans apparente difficulté et pourtant, elle se laissa distraire par bien d’autres résonnances. Cependant, après quelques minutes seulement, elle se surprit à laisser la mélodie toucher de nouveau son esprit, son propre souffle fredonnant les notes de la litanie. Curieuse, sans ouvrir les yeux, elle demanda au basané :

« Connaissez-vous cet air? Je ne l'ai jamais entendu auparavant. Ces couplets semblaient laver les derniers résidus de noirceur qui entachaient son âme. Vous savez, ce n'est pas la peine de me prêter votre manteau. Je suis parfaitement confortable dans ces vêt… Mais on la coupa dans sa phrase, l'un de ses yeux s'ouvrant promptement : Pas vous? »

Elle sentit un mouvement, couplé à la chaleur et au poids qu'elle venait justement de noter sur ses épaules. Tournant lentement sa tête sur le côté, elle le vit alors, grand et envahissant, son museau à quelques centimètres à peine de son nez. Un couinement de surprise pinça la gorge de la boiteuse, l'étrange animal sursautant tout autant avant de laisser échapper un petit cri d'étonnement... et de tomber en direction du bassin de la fontaine. Daessa n'eut le temps de réagir, mais par chance, la créature se mit à léviter dans les airs, ce dernier tournoyant maladroitement entre ciel et terre avant de retomber sur son derrière contre les bras de la blonde. En émoi, Daessa se figea.

« J-Je suis désolée! Ætheri, je ne m'attendais pas à te voir débarquer ainsi. La Sümeyaa ne savait que faire sous le regard interrogateur de l'animal. Qu’est-ce que tu es, petit bonhomme? Tu sembles bien loin de chez toi. Elle n'avait jamais aperçu de créatures semblables auparavant. Vous auriez pu m’avertir : j’ai eu la peur de ma vie! » Exhala-t-elle en direction du visiteur, qui continuait de sourire avec allégresse.

Indécise, elle tenta pourtant d'approcher sa main du crâne duveteux, mais presque instantanément, tout son corps se paralysa alors qu'elle percevait un son, un chant – Le chant. Les cils papillonnant, Daessa examina plus attentivement l'animal, ce dernier ouvrant la bouche pour échapper... une énigmatique mélopée. La lucidité, graduellement, éclairait le verdoyant de ses iris alors qu'elle alla chercher l'attention du voyageur à ses côtés.

« Serait-ce le temps de nous présenter l’un à l’autre? Ironisa-t-elle. Parce que je crois que je viens de trouver votre ami… Les yeux éclatants, elle finit par compléter son geste, enfouissant ses phalanges dans la douce fourrure de la bête. Qu’est-ce que c’est? Nous n'avons pas d'animaux comme celui-ci dans la région. »



~ RP lié : Invitations royales ~

Tout à coup, mes oreilles se redressèrent, mon visage se portant naturellement vers la fenêtre de la chambre qui se trouvait dans mon dos. L’horizon qui se déployait de l’autre côté des murs laissait entrevoir les dernières lueurs du jour. Pourtant, c’était moins la pénombre, de plus en plus envahissante, qui m’intéressât que les bruits de pas que je pouvais percevoir à plusieurs mètres encore de chez moi. Un invité se rapprochait, le poids de ses bottes forçant un passage dans les amas enneigés à proximité. À ce constat, mes sourcils se redressèrent. Toto ne m’avait pas averti que l’un de ses amis serait de passage à la maison, Kaine était chez sa petite amie, tandis que Dærion et Élise vaquaient à leurs occupations au sein de la chaumière. Qui cela pouvait bien être dans ce cas? Aiguisant mes sens à l’aide de la Magie, je jetais un rapide coup d’œil vers cet extérieur qui m’était désormais exposé, distinguant, au-delà du matériel, une silhouette familière se découper du blanc de la neige. Mes cils se mirent à battre rapidement et en prenant conscience de sa présence, je me hâtais aussitôt de terminer ma rédaction, m’assurant une dernière fois que la note que j’avais glissé au début de ma partie s’y trouvait toujours. Ayant plus à dire que les quelques lignes de ma co-auteure, je m’étais muni d’un morceau de parchemin et y avait inscrit les paragraphes suivants :
Premier contact, et je me fais déjà remballer : tu parles d’une première impression! Très bien, je prends note, mais je ne choisis pas le moment où le carnet disparaît. C’est véritablement hors de mon contrôle, malheureusement. Désolé pour ça (… mais pas entièrement héhé).

Blague à part, il semblerait que nous nous soyons tous les deux engagés à écrire cette histoire… Senere, n’est-ce pas? Qu’est-ce qui t’as donné l’idée de l’incarner, lui, plutôt qu’un autre?
« Pa’! Latone est à la maison! »

Le cri surexcité de Toesia Eses me fit légèrement sursauter, alors que ma main refermait prestement la couverture du bouquin.

« Latone? » Répliquais-je de vive voix, comme pour m’assurer que j’avais bien entendu ses propos.

Même si j’avais déjà été mis au courant de sa venue, l’interrogation continuait de voyager à l’intérieur de mon crâne : pourquoi avait-elle fait le déplacement jusqu’ici? Était-ce pour une mission? Plus loufoque encore, serait-ce parce qu’elle avait fini par découvrir que j’étais son collaborateur secret? Voyant le livre disparaître sous mes yeux, je finis par exhaler une respiration, indiquant à ma fille et à notre invitée surprise que je descendais tout de suite. En bas des escaliers, l’Éclat fût bien accueilli, Dærion et Toto l’encerclant pour la débarrasser de ses fourrures. Profitant de l’occasion, je me glissais discrètement à leurs côtés, saluant la Bleue d’un sourire.

« Salut Latone. Un problème? Tout va bien? Je ne m’attendais pas à ta visite ce soir. Qu’est-ce qui se passe? »

Mais avant qu’elle ne puisse répondre, Toesia Eses lui pointa la cuisine du doigt.

« On peut te faire un chocolat chaud pour te réchauffer, surtout après toute cette route. Celui de Pa’ est le meilleur de Ciel-Ouvert en plus », vanta-t-elle avec fierté.

Ses paroles parurent faire mouche, puisqu’elles posèrent un drôle de rictus sur le visage de la Kirzor, qui s’empressa d’exposer son désaccord avec taquinerie. Selon d’autres sources, son chocolat chaud serait le meilleur de la région. La petite Orisha haussa l’un de ses sourcils, devinant rapidement l’identité de ces mystérieuses références.

« Ooooh! Tu parles de ces fameux jumeaux – euh… – Snonven et Aldis, c’est bien ça? Pa’ nous a parlé d’eux. J’acquiesçais d’un signe de tête, la jeune adolescente ripostant presque immédiatement : Quoi qu’il en soit, c’est parce qu’ils n’ont pas goûté au chocolat chaud de Papa qu’ils disent ça.

- Et tu n’as pas goûté au sien, non plus.

- Hmm… Tu as raison. Tu as tout à fait raison. Il n’y a qu’un moyen de découvrir la vérité dans ce cas! En bloquant ses poings sur ses hanches, la gamine semblait nous regarder de haut alors qu’elle était celle qui devait redresser la tête pour nous fixer droit dans les yeux : Nous devons goûter à vos chocolats chauds! À tous les deux! »

… Et c’est ainsi que nous nous retrouvâmes, Latone et moi, au comptoir de la cuisine à préparer trois tasses de chocolat chaud chacun : deux pour Toto, deux pour Dærion, qui avait été embarqué dans cette pseudo compétition par la tornade Köerta, et un pour Latone et moi, afin que nous puissions également goûter à nos propres créations.

« Elle a de ces idées, cette enfant… »

Mais, surtout, elle voulait vraiment boire du chocolat chaud pour satisfaire sa dent sucrée. Malgré cela, Latone semblait bien s’amuser, et je profitais de cet instant pour réitérer ma question. Sa réponse me laissa brièvement sans voix. Elle était… inquiète?

« Et t’es seulement venue pour ça? Mes paupières se mirent à papillonner devant mes yeux pendant que je la dévisageais, mais seulement après quelques secondes, je me permis de sourire légèrement. Ne t’en fais pas. C’était… des lamentations puériles tout à l’heure. Elle méritait tout de même quelques explications : elle avait fait le déplacement. J’ai contacté Léto, y’a un bail, afin que l’on puisse se revoir et j’ai reçu sa réponse dans la journée. J’étais si excité de recevoir de ses nouvelles, mais… la fin de sa lettre m’a un peu démoralisé. On s’était entendu pour faire une activité tous les deux, tu vois? Et même s’il s’agissait d’une Chasse, ça restait un instant où l’on pouvait reconnecter, elle et moi, comme à l’époque. Mais il semblerait qu’elle veuille l’annuler. Je sais pas pourquoi. C’est elle qui a proposé l’idée, en plus de ça, et elle semblait tout aussi excitée que moi la dernière fois qu’on s’en est parlé… Je soupirais, mon sourire se peignant d’une touche désappointée. Bref, c’est ridicule. Tu n’avais pas à venir jusqu’ici pour ça, surtout avec le froid de canard qu’il y a dehors aujourd’hui. »

Cependant, il est vrai que cela faisait du bien de pouvoir en parler à quelqu’un. Je ne voulais pas inquiéter les enfants et Dærion avec mes angoisses, ni impliquer des étrangers ou des personnes non concernées dans mes histoires matrimoniales. Cela étant dit, certains se demanderaient si c’était véritablement une bonne idée d’en parler avec… elle.


1 254 mots pour le Conte (Sans les paroles reprises du post de Latone) | Post II




[Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles Signat16
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Latone
Dim 12 Juin 2022, 20:05





Tout va bien. C'est plutôt à moi de te poser la question. Le tintement de la cuillère contre le gobelet accompagna son malaxage. D'un geste aussi dosé que régulier, la Bleue s'exécuta à la tâche, un terrain sur lequel on avait osé la défier. Au-delà de l'esprit de compétition, Latone avait – depuis la roulotte – prit goût à concocter les meilleures recettes de la région, se risquant parfois à tenter l'expérience de leurs voisins les plus proches, voire s'aventurer plus loin encore. Il demeurait pourtant une évidence au sujet de ses talents culinaires : elle se perfectionnait bien plus vite lorsqu'elle touchait au sucré. Elle ignorait fichtrement comment, pourquoi et ne souhaitait pourtant pas se reposer sur l'offrande divine dont fit preuve Ezechyel à son égard. Elle voulait croire en ses capacités, en son talent inné d'excellente pâtissière et d'adepte des boissons avec un goût de reviens-y. Son propre discours exagérait forcément ses compétences, mais son but demeurait d'arracher ne serait-ce qu'un minime signe d'étonnement de la part de son adversaire, une pincée de doute. Et elle y arrivera, parce qu'elle était la seule et l'unique Latone.

" Eh ben, maintenant je sais que j'ai bien fait de venir. " La taquinerie luisit sur son visage, alors que tout le reste de son corps était accaparé à l'élaboration du meilleur chocolat chaud de Ciel-Ouvert.

Sur le chemin de la chaumière des Köerta, la Bleue s'était amplement doutée que c'était ça. Ça ne pouvait que ça. Des chances qu'elle ne devinerait pas le mal qui enserrait alors leurs cœurs conjugués existaient, mais l'origine ne pouvait posséder qu'un seul nom. À sa place, n'importe qui de sensé aurait conservé ses distances et le respect de l'intimité, mais Latone prouvait à maintes reprises qu'elle n'était, justement, pas n'importe qui. Elle n'arrivera jamais à laisser Miles patauger dans ses lamentations, même si celles-ci étaient causées par Léto en personne. Par ailleurs, la Marcheuse admettait que la réponse de la Sùlfr l'interrogeait, connaissant l'attachement qu'éprouvait la Chamane pour son mari. En ce sens, ce devait être bien plus compliqué que cela, et hélas, Latone ne devait sûrement pas lui apprendre, mais les mots de vive voix étaient bien plus impactant lorsqu'il était question de la Souriante.

" Ce n'est qu'une lettre. Haussa-t-elle des épaules. Si tu ne sais toujours pas pourquoi, c'est parce qu'elle préfère t'en parler face à face. Ou alors elle réfléchit encore et elle a besoin de ton avis. Léto est comme ça. La musique culinaire prit le relais sur le silence qui s'abattit, Latone lui laissant un temps de réflexion avant de conclure : Ne te mine pas de la sorte, ou il faudra encore que je vienne te chercher sous ce froid de canard. "

D'une tape amicale, elle écrasa son poing sur l'épaule du Köerta. Elle n'aimait pas ce sourire, elle préférait largement celui qu'elle avait réussi à lui arracher à Megido. Par tous les Ætheri, elle ne comprenait pas pourquoi son lien avec Léto entraînait de telles conséquences, mais Latone demeurait sa meilleure amie ; et plus encore : elle voulait vraiment le rendre heureux. Comme pour n'importe quel Marcheur de son entourage, certes, néanmoins il était bien plus spécial à ses yeux. Face à sa perplexité, la Bleue lui décocha un sourire resplendissant, comme pour lui rappeler comment faire, avant d'éloigner sa main et de finaliser sa chère recette.

Le concours prit place dans le salon, tous les juges autour de la table basse où trônait les confections du Köerta et de la Kirzor. Assis sur le divan principal, les deux compétiteurs faisaient face au regard acéré et exagéré de Toesia, et à l'incommensurable impassibilité de Dærion, chacun sur son fauteuil attitré. Étant donné la soudaine tension abattue dans la maison, Latone retint de déglutir, galvanisée par le défi initié par la petite Orisha. Elle n'avait guère besoin de se remémorer ses faits et gestes durant la composition de ses trois tasses, certaine de n'avoir commis aucun impair et d'avoir instillé sa touche personnelle avec une précision remarquable. Cela dit, sa brève œillade vers Miles démontrait une incertitude avérée : elle n'avait jamais goûté son chocolat chaud. La possibilité qu'il fût meilleur que le sien existait ; et pour contrer cela, il n'y avait qu'une seule manière d'opérer. Dans un silence impérieux, chacun des compétiteurs se saisirent du chocolat chaud de l'autre et y trempèrent leurs lèvres. Trois gorgées plus tard, Latone déposa la tasse de Miles et aucun d'eux ne pipa mot pour ne pas influencer le jugement des deux autres. La Bleue semblait aussi impartiale de visu, hélas son for intérieur lui tonnait un tout autre ressenti : Merde, le tien n'est pas mauvais. Ils se charrièrent quelques secondes de la sorte avant de reporter toute leur attention sur les véritables arbitres du jeu. La dégustation dura un peu plus d'une minute, Toesia et Dærion se concertant chacun de leur côté sur ses préférences et sur les éventuelles imperfections de ces boissons. Pourtant, en fin de compte, ce fut un sourire fragile de la part de Toto, adressé à son paternel, qui trahit son avis.

" Pa'… Je suis désolée… Mais là… " Elle chercha un soutien auprès du majordome.

" Le chocolat chaud de Dame Kirzor est de toute évidence meilleur. "


" Oui… "

Forcément, la Hurabis ne put cacher longtemps son hilarité croissante en son être, son corps victime de légers tremblements, alors qu'on entendait un rire tout bas s'échapper difficilement de sa bouche scellée. Souriante, fière comme un paon, tout l'orgueil naturel de la Kirzor dégoulinait de son enveloppe charnelle. Elle manquerait presque de conclure cette humiliation sur un magnifique jeté de cheveux.

" Il n'y a pas de honte à admettre… – elle s'affala totalement contre le dossier, faussement humble – que le meilleur chocolat chaud de Ciel-Ouvert se trouve entre les mains émérites de l'Éclat. "

" Comment tu as fait ?! Je n'ai jamais goûté une boisson aussi bonne ! Qu'est-ce qu'il y a dedans ?! "

" Un ingrédient secret. "

Malgré l'insistance de l'Orisha, Latone ne céda pas à la tentation de révéler son atout. Pour autant, au bout d'un certain temps – empli de railleries des deux camps – ses iris de cyan et de violet se posèrent sur l'albinos. La fierté de ses lèvres s'était muée en une expression ravissante, aux limites du séduisant. Je te dirai mon secret un jour, mais tu risques d'être déçu. D'ici-là, si jamais tu te sens à nouveau mal, souviens-toi de ce goût et appelle-moi : je t'en préparerai autant de fois que tu le désireras. C'est noté, mon cher Renard Blanc ?

Quelques jours plus tard, en réponse à la note laissé par son mystérieux coauteur, Latone précisa ceci avant de poursuivre sa rédaction : Parce qu'il mérite qu'on reparle de lui. Je ne cherche pas à être comme lui, mais j'ose affirmer ce qu'il apportera à notre histoire. Et qui est Daessa, pour toi ? Est-ce qu'elle te ressemble ? La vérité serait si déchirante.

~~~

Non, Daessa serait à la hauteur. Il n'était guère du genre à surestimer ses potentiels sujets, pas plus qu'il ne dégraderait des fervents opposants aux Échos. Ceux qui possédaient une Voix inestimable étaient dotée de cette sensibilité particulière, de cette capacité à pouvoir dissocier les cordes de son instrument afin d'isoler l'objet de leur quête auditive. Il suffisait d'un peu de temps, certes d'un peu de confiance en soi aussi, mais Senere percevait cette flamme qui brûlait encore au fond de cette âme. Elle ne pouvait être anéantie, tant Daessa parvenait à faire vibrer son ouïe. Laisser un tel esprit en perdition ne lui plaisait point, ainsi s'était-il permis d'envahir son histoire malgré leurs évidentes différences. L'admirer opérer un tel effort quant à son conseil lui apportait gain de cause, et Il n'était visiblement pas le seul à être de cet avis. À tâtons, son mystérieux ami s'extirpa de sa cachette depuis laquelle il s'adonnait aux Chants veloutés, ceux faisant office de mirages auditifs pour le commun des mortels. Tout comme Lui, il avait choisi de prendre l'Orisha comme auditrice, mieux encore : comme son accompagnatrice.

Les réactions et mimiques de Daessa finirent par arracher une hilarité exaltée de sa narquoiserie aux allures permanentes. Il apportait, par sa nature, un souffle chaud, son rire étant l'acceptation de cette porteuse de la Voix. Cela étant, malgré la complicité de son ami, Il avait besoin d'expérimenter davantage en sa compagnie. Il apparaissait un net progrès depuis qu'Il s'était introduit par-delà son carcan, mais Sümeyaa pouvait être capable de bien plus ; et ce n'était pas à Lui qu'elle devait le prouver, c'était à elle et elle seule. Ensuite de quoi, la magie s'opérera en son être.

" Mes excuses si je vous ai désappointée, mon ami semblait tenir à vous faire cette surprise, d'où mon volontaire écart. Qu'il corrigeât aussitôt en réduisant la distance, afin de former un formidable trio avec eux. Vous avez bien raison : les siens ne s'aventurent guère en dehors de leur modeste territoire. Il tendit sa main gantée jusqu'à l'oreille de l'animal pour la gratouiller. C'est un Kangela, une espèce liée aux chants et aux musiques. Vous avez réussi à entendre son appel, il risque alors de vous coller un certain temps, haha. Maintenant que vous êtes de grands amis, vous pouvez lui donner le surnom que vous désirez, je suis certain qu'il s'y accommodera à merveilles. "

Senere continuait d'entretenir cette attitude mêlant sérieux et nonchalance. Il était ainsi et l'avait toujours été. Si Daessa comprenait sa nature, elle pourrait bien se demander si elle écoutait le Dieu ou l'Homme qu'Il fût. Lui-même se demandait si son identité propre avait une importance. Préférerait-elle l'Homme au Dieu, ou le Dieu à l'Homme ? Les mortels pouvaient se poser tant de questions et en rédiger des pages et des pages. Ils étaient de ce fait intéressants, ils nourrissaient une réflexion que les siens ne pouvaient plus entretenir avec autant d'efforts et d'acharnements. Le Kangela sembla capter son désir et finit par tournoyer le long de ses épaules, s'agrippant à ses cheveux d'ébène comme si c'étaient des lianes. Senere lui rendit son œillade et se tourna entièrement vers l'Orisha. Dieu ou Homme… Il ne devrait pas y songer pour le moment, Il voulait tout d'abord être un Ami pour elle.

" Pour être franc avec vous, Daessa, je suis ravi qu'il vous ait accepté. Ses iris nuitées coulèrent sur le pelage duveteux du koala ailé. Ce monde peut se montrer froid et impitoyable, ce sont des Terres où les besoins primaires supplantent trop souvent les idéaux. Personne d'autre que moi peut autant les comprendre : nous sommes pareils, nous voguons au gré des Chants et de la Musique. Pensez-vous qu'ils peuvent trouver jouissance auprès des ombres du Voile Blanc ? Des Skeces ? Des Loups de brume ? Peut-être auprès des Piliums ? Il laissa échapper une grimace pour ce dernier avant de reprendre contenance. Nous autres, Orishas ou Étrangers, pouvons tout autant leur nuire. C'est pourquoi je conserve leur habitat secret et que je m'assure de leur protection… "

Lorsqu'Il accorda, jadis, son instrument pour offrir les Échos aux mortels, Il les avait laissés prendre leur envol et user de son offrande selon leur bon vouloir. Toutefois, contrairement à tous les êtres peuplant ces Terres, les Kangelas naissaient de sa propre chair. Ils étaient ses Enfants et Il les chérissait bien plus que n'importe quel digne porteur de la Voix… Il fixa Daessa, songeur quant aux idées qui lui traversaient l'esprit. Quelques passants admiraient la créature sur ses épaules, un enfant le pointa du doigt pour le signaler à sa mère avant de se faire réprimander ; autant d'âmes qui ne méritaient pas ce que Senere s'apprêtait à lui confier.

" Malgré toutes mes méfiances… Il existe des Âmes en ce monde qui pourraient accompagner leurs Chants. Il pourrait être possible aux Kangelas de nous accepter dans leur singulier chœur et nous, en retour, de leur offrir tout le soutien dont ils ont besoin. La créature glissa le long de ses bras pour s'y lover, Senere resserra son étreinte sur lui pour le réconforter. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, je ne voyage point sans but. Si je me suis aventuré jusqu'à votre fenêtre, c'est pour trouver une sorte d'élu, quelqu'un qui pourrait essayer, en ma compagnie, de tisser le premier contact entre les natifs du Voile Blanc et les Kangelas. Je pense que vous, Daessa… vous serez parfaite. "

Le doute subsisterait, Il le savait pertinemment, puisque de trop nombreux Monstres se raccrochaient à l'esprit meurtri de l'Orisha.

Lui feriez-vous confiance ?

Soudain, la Voix de Senere tonna ; car si les maux pouvaient se montrer persistants, ils n'étaient rien sous son courroux. Jovial, le Veilleur enjoignit le Kangela à reprendre son envol afin d'esquisser les premiers pas de leur litanie.

Il n'est pas d'ici, mais il est doux

Puissante, avenante, son Chant se répandit tout autour d'eux et chercha, tentaculaire, à capter les ouïes les plus fines. Un simple contact sur leurs tympans et ils se retrouvaient happer en dehors de leurs préoccupations, de leurs devoirs.

Tout ce qu'on demande, on l'aime beaucoup

Il s'avança, impérieux, en direction de la fontaine. Le Kangela virevoltait au-dessus de leurs têtes dans une chorégraphie rythmée par sa Voix.

Lui feriez-vous confiance, pour autant ?

Il pivota, bras écartés, de nouveau avec cette expression que Daessa lui connaissait si bien : insolent, confiant.

Lui feriez-vous confiance ?

Sur ce dernier vers, le Chant troqua son œuvre pour la Musique. Des tonalités entraînantes, propres au folklore des locaux s'élevèrent. Les percussions semblant tout droit sortir de l'imaginaire invitèrent les enfants à se laisser aller à leurs pulsions de jeunesse, les cordes frottées firent éclater une mélodie radieuse pour les plus grands, les plus sensibles. Bientôt, au sein de l'œil de l'ouragan musical, une bonne partie du village rejoignit la danse autour de la fontaine, le Kangela plus que ravi d'avoir trouvé de nouveaux "accompagnateurs". Sous le tempo des applaudissements, Senere se rapprocha de Daessa, sa posture laissant deviner qu'il souhaitait l'inviter. Il se confronta bien entendu à la triste réalité de sa condition, mais il n'en avait cure, puisqu'Il chuchota ces mots à l'oreille :

" Ne vous en faites pas : je danserai pour vous. Il se dégagea un brin afin d'accrocher son regard au sien. Vous pouvez toujours m'accompagner, vous n'avez pas besoin de saisir ma main, et vous le savez. Il approcha à nouveau son visage, un peu plus, lui instillant cette requête qui consumait son être : Chantez pour moi. "


2556 mots (dont 1330 pour le Conte) ~



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Miles Köerta
Sam 16 Juil 2022, 20:03



« Comment se fait-il que vous ne lui avez jamais donné de nom? »

L’interrogation s’était naturellement échappée de sa bouche, la jeune femme ayant alors songé qu’il s’agissait d’une relation typique entre un homme et sa créature domestique. Après une courte réflexion, cependant, Daessa cru alors que Senere ne l’avait jamais baptisé parce qu’il ne souhaitait pas s’attacher. Nommer un animal, voire un objet banal, tissait immédiatement un lien avec l’être ou la chose en question. Toutefois, dans ces plaines froides et impitoyables, elle avait été plusieurs fois témoin de ces hommes et femmes qui évitaient de nommer leurs bêtes afin de ne développer aucune sentimentalité à leur endroit : comme le voyageur l’avait si bien souligné, ici, les besoins primaires supplantaient trop souvent les idéaux et autres fantaisies.

Malgré cela, Bayarmaa – ou Baba pour les intimes – paraissait vivre sa meilleure vie entre les bras de celui qui se disait bienfaiteur et gardien des Kangela. Les ailes trônant sur son crâne reposaient désormais contre ses tempes, tandis que la demi-fermeture de ses grands yeux sombres nous indiquait qu’il avait parfaitement confiance en l’étranger. Ces Terres hostiles que Senere leur avait décrit ne semblaient exister sur le moment, permettant au petit Baba de relâcher toute vigilance sur le monde extérieur; du moins, pour ces quelques minutes de grâce que le basané lui accordait au creux de ses bras. Pourtant, au contraire de son ami duveteux, l’ancienne guerrière se tenait de manière bien rigide à leurs côtés, le jade de ses prunelles s’accrochant, désabusé, au faciès de son interlocuteur.

« …Pa-Parfaite? Moi? La boiteuse n’en croyait pas un mot, malgré la sincérité qu’elle voyait scintiller au plus profond de ses yeux. Je vous suis reconnaissante de l’attention que vous m’accorder, mais vous… »

… trouverez mieux que moi pour accomplir cette tâche. Elle ne voulait pas de sa pitié, puisqu’elle considérait n’avoir aucun talent ou aptitude à lui offrir, si ce n’était une béquille qui ne saurait que le ralentir. Cependant, jamais Daessa n’eut l’occasion de refuser, à proprement parlé, la proposition de l’étranger. Car au même moment, Senere fit tonner sa voix dans un chant qui la figea instantanément. Sous les yeux de la blonde, tout alla alors si vite… Comme hypnotisés par la mélodie, possédés par la musique qui naissait de ses Échos, les villageois de passage se changèrent en danseurs endiablés, tandis que les commerçants des étals se transformèrent en chanteurs orchestraux, et pendant quelques secondes, l’expression de la Sümeyaa ne fût que stupéfaction et fascination devant un tel spectacle. La place centrale devint ainsi une immense foire, où la neige et les chants se rejoignaient dans une gigue enchantée, digne des plus beaux contes de Fae. Toutefois, l’illusion se fractura dès lors qu’elle s’aperçut que Senere lui tendait de nouveau sa main. Lentement, ses yeux évitèrent tout contact. Il ne pouvait l’emporter dans sa danse. Il ferait mieux de repartir auprès des autres villageois : elle s’était habituée à contempler la vie sur le côté.

« Ne vous en faites pas : je danserai pour vous. »

Sa voix, si proche de son oreille, éveilla un frisson le long de sa colonne et pourtant, plus elle le laissait bercer son esprit, plus tendre se fit son expression. De fait, les traits de son faciès s’adoucirent alors qu’elle l’admirait de son regard tranquille.

« …Non. Une réponse franche et tranchante. Ne suis-je pas censée être votre accompagnatrice? La touche fut discrète, la période infime, mais à cette distance, Senere avait certainement remarqué ce petit brin de malice qui s’était invité dans le reflet délicat de ses pupilles. Accompagner : verbe qui implique de se joindre à quelqu’un, de le soutenir et de l’assister. Dans le domaine musical, il s’agit de jouer avec un ou plusieurs artistes afin de soutenir et de magnifier une mélodie, que ce soit en partie ou dans son intégralité. Essuyant distraitement la neige et les poils de Kangela qui s’étaient accrochés à ses vêtements, Daessa reprit d’un ton rempli d’assurance et de sérénité : C’est pourquoi je ne chanterais pas pour vous. »

Ses lèvres s’écartèrent lentement, un sourire réchauffant et éclairant son expression. Danser pour elle ou chanter pour lui : n’était-ce pas la même chose que danser et chanter seul? Trop souvent, elle avait essayé de faire entendre sa voix, mais savait pertinemment qu’elle ne parviendrait à rejoindre qui que ce soit. Pour cette jeune femme – qui considérait n’avoir plus que ses cordes vocales pour conserver ce peu d’identité qui la définissait – il s’agissait de la plus terrible des vérités; une vérité qui seyait malheureusement presque régulièrement ses journées. Auparavant, auprès de ses camarades d’armée, peu importe où elle orientait sa voix, quelqu’un lui répondait, mais Daessa avait perdu ses accompagnateurs, ceux qui faisaient de ses valses et de ses chants un quotidien rempli de merveilles.

Il n’est pas d’ici, mais il est doux.
Tout ce qu’on demande, on l’aime beaucoup.
Lui feriez-vous confiance, pour autant?
Alors qu’il vous invite à suivre son Chant.

Si Khün était toujours présent à ses côtés, ses absences sporadiques ne réussissaient tout de même pas à combler le silence de cette fanfare d’antan qui, depuis trop longtemps, avait arrêté de souffler la moindre chanson.

Lui feriez-vous confiance?
Celui qui apparaît au pied de votre fenêtre,
Vous invitant à sa fête.

En phase avec les Échos, la Sümeyaa posa l’une de ses mains sur sa poitrine.

Il n’est pas d’ici, mais il est doux.
Tout ce qu’on demande, on l’aime beaucoup.
Lui feriez-vous confiance, pour autant?
Alors qu’il vous invite à joindre son Chant.

Les villageois, tout autour d’eux, reprenaient les paroles de la chanson, euphoriques.

Lui feriez-vous confiance?
Celui qui vogue au gré des Échos
Qui balaie de son sillage inquiétudes et maux.

Il n’est pas d’ici, mais il est doux.
Tout ce qu’on demande, on l’aime beaucoup.
Lui feriez-vous confiance, pour autant?
Alors qu’il vous invite à valser sur son Chant.

« Daessa? »

Subitement, la jeune femme se paralysa, sa voix produisant une soudaine dissonance dans la symphonie qu’ils s’étaient collectivement créés. Malgré cela, on continuait de danser et de chanter les joies de la mélodie tout autour d’elle, à la manière d’un orchestre qui comblait les lacunes d’un musicien. Vive, elle fit volte-face pour observer son nouvel interlocuteur, reconnaissant entre mille ses mirettes d’un turquoise insolite et ses cheveux d’un noir si profond que l’on aurait pu penser que la Nuit elle-même se cachait à travers les mèches de sa toison. Exaltée par la musique, par l’énergie que libérait chacun des villageois sur cette piste improvisée, la blonde s’élança hâtivement dans sa direction.

« Khün! »

Elle en avait oublié sa condition, sa réalité, sa main à son fidèle appui, jusqu’à l’instant où elle se rappela que ses jambes ne la supportaient pas. Son équilibre palpita, son corps chuta, et si ça n’avait pas été du bras tendu par le visiteur, elle se serait retrouvé la face première dans la neige.

« Merci, lui murmura-t-elle avant de reprendre la canne qu’on lui tendait et de porter un regard enchanté sur le visage soulagé de son mari : durant cette fraction de seconde où il l’avait vu tombé, son cœur avait cessé de tambouriner. Tu es rentré plus tôt que prévu. »

Le brun caressa son minois et embrassa son front.

« Pas du tout. Je suis même rentré plus tard que prévu, mais il semblerait, fit-il en balayant la foule du regard, que tu n’aies pas vu le temps passer. »

Il lui montra les aiguilles de sa montre et presque aussitôt, la Sümeyaa écarquilla les yeux.

« Je–Je suis désolée! Je n’ai rien préparé pour ton retour, et j’étais supposée venir acheter des ingrédients, mais je me suis– »

Le soldat l’interrompit brusquement aux tremblements de son rire.

« Tu n’as pas à t’excuser. De toute façon, je prévoyais t’inviter au restaurant ce soir. Cela fait longtemps. »

Les tourtereaux se contemplèrent, mais les yeux de son amoureux dérivèrent une seconde en direction du basané.

« Khün, je te présente Senere. Senere, voici mon mari, Khün. »

- Enchanté de faire votre connaissance, Senere. Pour autant, le militaire ne s’attarda plus que nécessaire sur l’étranger. Nous devrions y aller, ma chérie. Laisse-moi t’aider. »

Daessa acquiesça doucement, prenant tout de même le temps de remercier le voyageur.

« Je suis navrée de vous laisser de manière si soudaine, mais je dois m’en aller. Ce fût un plaisir de vous rencontrer, Senere, et de vous aider dans vos recherches. Elle lui offrit sa gratitude en un sourire. Si vous comptez séjourner dans notre humble hameau, j’espère que nous aurons la chance de nous croiser de nouveau. »



Et à la fin de mon texte, je joignis cette nouvelle note.

Je n’ai sincèrement jamais songé à cette question. Pour moi, Daessa n’est qu’un personnage de fiction. Mais parfois, oui, je me vois un peu en elle : son incertitude, son sentiment de ne pas être à la hauteur et de manquer d’ambitions, alors que ceux qui l’entourent rêvent de grandeur et avancent, sans peur, vers d’autres horizons… Je m’arrête ici, parce que j’ai l’impression d’être soudainement dans une thérapie. Cela dit... Est-ce que tu es curieux(se) de savoir qui je suis?

Ils n’étaient pas discrets et savaient pertinemment que j’étais consciente de leur présence, mais Toto, Kaine et Dærion ne pouvaient s’empêcher de m’ausculter du regard, comme si j’étais une anomalie. Pendant une minute ou deux, je les avais laissés me dévisager sans un mot, mais à présent, je ne pouvais supporter plus longtemps l’ébahissement qui pendait à leur bouche.

« Est-ce qu’il y a un problème, les enfants?

- N-Non pas du tout! »

Je n’avais pas besoin de mes gênes orisha pour savoir qu’il mentait.

« J’essaye de me concentrer sur cette lettre. Serait-il possible de me laisser quelques minutes?

- Bi-Bien sûr… hum… P– Mäma! »

Je leur adressais un tendre sourire, alors que les trois adolescents s’éclipsaient lentement, très lentement, de la porte de ma chambre.

« C’est une blague… Souffla Kaine en battant des cils. Il se fout de nous.

- Je crains que ce ne soit pas le cas, lui fit savoir Dærion en secouant la tête. Miles est ainsi depuis ce matin et, à ses yeux, rien n’a changé : tout est parfaitement… normal. »

L’œil hagard, Toesia les suivait.

« Qu’est-ce qu’on fait maintenant?

- Qu’est-ce qu’on peut faire de plus? Vous avez essayé de le – de la? – raisonner avant que je rentre, mais il – elle? – n’a rien voulu entendre.

- Est-ce que Pa’ va redevenir… Pa’?

- … L’aîné se frappa soudainement le front. Par les Dieux, qu’est-ce qu’on va devoir expliquer s’il ne reprend pas sa… enfin sa forme normale? »

Depuis, alors qu’ils s’étaient tous rassemblés au salon, les enfants essayaient de trouver une raison logique à ce phénomène. Comment leur père était devenu, du jour au lendemain, une femme? Ils devaient avertir quelqu’un, leur mère ou Latone, peut-être? Seulement, à peine venaient-ils de se décider sur une solution, que je débarquais en trombe dans la salle familiale.

« Qu’est-ce que c’est que cet air bizarre? On dirait que vous avez mangé un poisson pas frais! Un sourire aux lèvres, je plaçais mes bras le long de leurs épaules, cherchant à capter leur attention en accrochant successivement leur regard. Je sais qu’est-ce qui pourrait vous dérider : un bon chocolat chaud! Pause. Sauf pour les deux traîtres : eux ne méritent qu’un verre de lait.

- On a dit qu’on était désolés! »

Comme si de rien n’était, les habituelles querelles familiales s’élevèrent au sein de la maisonnée, malgré l’étrange apparence que revêtait le paternel et qui, en soirée, reprit ses formes plus masculines.


1 334 mots pour le Conte (Sans les paroles reprises du post de Latone) | Post III



[Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles Signat16
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Latone
Dim 14 Aoû 2022, 18:14



À peine eut-elle déverrouillé le mécanisme que la frénésie des petits pas se fit plus pressante. Aussi en phase avec les Échos, il lui était possible de deviner l'impatience grandissante de ses – chimériques – progénitures. Avec la fougue de leur jeunesse, ils écartèrent l'obstacle sur leur chemin pour se confronter au retour tant attendu de leur mère. Latone le voyait dans leurs grandes prunelles, ce mélange de surprise et d'engouement. Les jumeaux mirent quelques secondes à enregistrer l'information dans leurs caboches, avant de se précipiter contre son giron. La Bleue eut bien du mal à se dégager de leur étreinte, ils se permirent même de l'attirer au sein du cocon familial, comme s'ils craignaient de la reperdre une nouvelle fois.

" VOUS ALLEZ ME LÂCHER À LA FIN ?! " Elle avait oublié à quel point Snonven était costaud pour son âge.

" JAMÉÉÉÉÉ ! " Et comment Aldis pouvait être aussi collante et baveuse.

" LES GUIDES ONT DIT DES MÉCHANCETÉS SUR TOI ALORS PLUS JAMÉ ! "

Frappée par la franchise des garnements, la Bleue devenue la Rouge cessa toute hostilité et invita donc, par sa passivité, au calme. Les enfants ne la lâchèrent point pour autant, raccrochant leurs petites mines aux vêtements de leur mère, les yeux de la jeune fille embuées par l'émotion. Même dans la solitude, Latone trouvait un puissant réconfort auprès de ces jumeaux apparus de nulle part.

" Des méchancetés ? "

" Ykürr a dit que tu aurais dû l'écouter au lieu de partir chez les Sorciers ! "

" Narn a dit que tu aurais dû te noyer avec le bateau au lieu de nous causer des ennuis ! "

" On est allé les voir et on leur a dit que l'Éclat de Ciel-Ouvert ne tolérerait aucune insulte ! "

" Qu'en son absence, l'Élu du Sanglier des Temps Anciens et la terrible Dévoreuse – elle a mangé tous les gâteaux – seront sa Voix instrumentale ! "

" Je crois que le bon terme était "intransigeante" ! "

" Peut-être, je ne sais pas ce que ça veut dire ! "

La Kirzor souffla du nez, partiellement amusée par leurs pitreries. Ils étaient bien trop enfantins pour comprendre qu'Ykürr avait eu raison et qu'elle n'avait été qu'une victime collatérale de volontés alternatives. Malgré sa toute confiance en sa maîtrise magique, il fallait croire qu'elle ne dompterait pas de tels artefacts métamorphiques aussi aisément. Entre Nuée et Lilifer, elle n'avait pas eu son mot à dire depuis le naufrage ; surtout avec la seconde qui lui collait à présent à la peau. Son courage et sa détermination pourraient être loués, hélas ces qualités ne ramèneront pas pour autant la regrettée Charras qui, de toute évidence, devait avoir péri avec le reste des Réprouvés. Peut-être que le futur lui prouvera le contraire.

" Eh, Mä… Le garçon semblait bien plus sérieux que d'habitude. Ils sont passés où tes cheveux bleus ? Et pourquoi tes yeux ont la même couleur ? " Aussitôt, Groa tapota l'épaule de Bhaf pour lui susurrer, bien plus fort qu'un simple chuchotement.

" Tu crois que c'est l'usur-pâtissière ? " Elle serait revenue remplacer leur Mäma ?!

Latone fit le vide dans son agacement, comme elle avait appris à le faire au fil de leurs interactions quotidiennes. Ils pouvaient être aussi adorables qu'ennuyants. Malgré tout, le fait que l'Aile de Dothasi marquât autant leurs esprits la rendit plus compatissante. Oui, elle avait les cheveux rouges maintenant. Oui, ses iris s'illuminaient d'un or terni. Ces effets se présentaient comme une épreuve. Lilifer pensait pouvoir envahir son monde, se servir de son corps comme Latone l'avait fait avec Léto ? Il en était hors de question.

" C'est comme ça. Vous allez devoir vous teindre les mèches en rouge aussi, maintenant. " Son sourire sarcastique les effraya bien plus qu'escompter.

Durant la nuit suivante, la Hurabis trouva un nouveau souffle de sérénité grâce au retour du carnet partagé avec son intriguant correspondant.

Bien sûr que j'aimerais connaître ton identité. Mais d'un autre côté, je trouve le mystère… fascinant. Et j'ai la nette impression qu'en retour, si je te révèle qui je suis, cette co-écriture ne sera plus jamais comme avant. Ne serait-ce pas mieux de se découvrir petit à petit à travers nos personnages ? Et si on laissait la parole à Daessa et Senere plutôt, qu'en penses-tu ?

~~~

Le reflet dans le cristal lui fit trahir le sourire béat collé à ses lèvres. Comme honteux, Senere s'en débarrassa d'un singulier mouvement de la main, sur ce visage qui n'était pas le sien mais qui serait, à jamais, gravé dans la mémoire des quelques mortels qu'Il côtoyait depuis quelques temps déjà. Il savait pertinemment que plusieurs de ses congénères se comportaient de la sorte, se faisaient passer pour ce qu'Ils n'étaient pas. Néanmoins, toute la différence résidait dans un fait : Senere était fidèle à lui-même. Ses mots étaient teintés d'une sincérité à toute épreuve, son écoute suivait son élan d'empathie pour les héritiers de ses Échos. Sa création était fantastique et fouler ses cordes s'avérait être une expérience exquise. Il voulut que certains élus puissent en faire tout autant, leurs compositions pourraient donner naissance à de nouvelles ères, de nouvelles prophéties, de nouveaux phénomènes au-delà du réel et de la normalité. Hélas, lorsqu'Il pivotait sur lui-même, Il ne se retrouvait qu'en sa compagnie unique : la solitude.

Ce joyau niché au sein de la montagne lui était précieux. Il serait le commencement d'un Tout dont Il serait l'instigateur. Toutefois, c'était une entreprise longue et périlleuse de trouver sa place parmi ce monde changeant, fluctuant, et surtout étroit. Les Hommes se déchiraient dans des querelles intestines et des guerres éternelles, ils ne toléraient guère les Étrangers de sa trempe tant qu'Il ne se calait pas sur leurs idéaux, leur tempo. Naître en ce monde était une étape primordiale, le début d'une longue partition où chaque note émise aura une incidence, une réaction. Senere ne pouvait pas imposer son emprise d'un claquement de doigt sur le Voile Blanc, mais Il avait à cœur de faire résonner son nom en ces fameux Hommes. D'abord par avidité, dévoration, car Il était le Coq qui affirmait sa Voix à l'orée des aubes ; finalement par intérêt, attraction pour une singularité au sein de son orchestre. Oui, Il était bien seul en ces cavernes éclairées par des pierres luminescentes, par des couches de glace qui emmagasinaient les lueurs solaires et les renvoyaient tels des miroirs divins. Ils foulaient des sentiers sans âme et se retrouvaient quelques fois sur le chemin d'un égaré, tout comme lui. Les Kangelas étaient des êtres communautaires et pourtant très timides. Ils s'aventuraient que trop rarement à l'extérieur, alors que les Voix les attiraient sans cesse. Mais les dangers étaient trop grands, trop nombreux… Même si Senere les avait bénis et protégés, ils craindront le courroux des Mortels.

" Viens avec moi, mon précieux ami. "

Il tendit la main à la créature et celle-ci, guère longuement peureuse, se laissa entraîner sur le chemin de son protecteur. Au fil des galeries, le Père des Échos fit découvrir au malheureux Kangela un nouvel endroit. Une terre qu'on pourrait appeler "maison".

Cette immense caverne n'avait pas encore de nom, mais son créateur lui trouvera le plus adéquat une fois les préparatifs terminés. Par la puissance de sa Voix, Senere avait creusé ces tunnels et provoquer la naissance de cette gigantesque cavité au sein de la montagne mitoyenne au Voile Blanc. Cet endroit s'apparentait alors à un cœur qui battait si fort sur les parois et résonnaient d'une incroyable mélodie, aussi envoûtante que terrifiante. Il érigea alors des édifices, des logis, des formes évocatrices d'une cité sans habitants, de la flore ensorceleuse et des minerais tout droit descendus du cosmos. Il offrit alors ces terres aux Kangelas et aux autres Enfants, plus rares, placés sous sa protection. Il n'était alors plus question de prédation et de survie en ce lieu, mais de trouver sa place et de l'entretenir pour l'éternité, comme pour un instrument qui attendrait son heure pour sonner son éclat, comme pour un cantateur qui ferait tonner son chant le moment propice. Les Kangelas faisaient alors partis de son orchestre et entretenaient son modeste culte, la vénération de leur Père.

Cependant, d'autres porteurs de la Voix attendaient leurs places. Depuis sa rencontre avec Daessa, Senere n'avait eu de cesse de réfléchir à ce qu'ils pourraient produire ensemble, ce qu'Il pourrait apporter pour elle et vice-versa. Malgré lui et son omnipotence, Il redoutait son inclusion dans cette formidable composition. Et si les Kangelas la rejetaient ? Pire, et si elle fuyait ? Il n'était pas Æther à réclamer son dû, Il cherchait avant tout la plus belle manière d'obtenir ce fameux dû. L'Orisha possédait une Voix unique et son charme avait réussi à attirer son ami le plus proche, alors que les Échos s'entrechoquaient dans le chaotique quotidien d'Antovers. À bien y réfléchir, aurait-elle-même réussi à s'attirer ses faveurs à Lui ? Depuis cet épisode, Senere s'était décidé à côtoyer les villageois et avait convenu d'un long séjour dans l'auberge local. À leurs yeux, Il n'était qu'un Étranger de passage ; certes, un gentleman apprécié, mais une présence éphémère. La simple idée de porter ses adieux à Sümeyaa le hantait, car Il aurait voulu l'écouter et chanter pour elle plus longtemps encore que l'éternité. Ils se croisaient alors quelques fois et discutaient, ils échangeaient des expériences et théorisaient sur des questions fondamentales, ils riaient et se lamentaient. De fil en aiguille, ils tissaient une amitié, de simples acolytes à précieux confidents. Pas plus tard qu'il y a peu, Senere prenait conscience que Daessa, elle aussi, nourrissait les amertumes de la solitude ; son mari étant rappelé pour une campagne militaire. Encore et toujours ces besoins primaires supplantant les idéaux.

Parfois, Il contemplait son reflet dans le cristal et remarquait l'Orisha à ses côtés. La fois de trop, Il s'était retrouvé à la porte de la modeste chaumière.

" Daessa. " Souffla-t-Il à l'intéressée, plutôt sinistre.

Si son expression trahissait une profonde inquiétude, l'attention de sa nouvelle amie semblait… converger vers une tout autre direction. Sceptique, Il haussa un sourcil, plutôt intrigué par le sourire puis l'hilarité maîtrisé de la victime de guerre. Par la force des choses, Senere comprit qu'un certain sacripant – baptisé Bayarmaa par leur connaissance commune – avait fait dépasser ses grandes oreilles juste derrière le crâne de son protecteur afin de lui donner un air ridicule. L'Étranger cueillit le farceur entre ses bras et se vengea en lui accordant quelques gratouilles sur le crâne.

" Il faut croire que quelqu'un d'autre était impatient de te revoir. Baba approuva cette conclusion en s'élançant autour de la silhouette de Daessa, dansant au rythme de son envol, alors que l'unique propriétaire des lieux les invita à se prémunir du froid ambiant pour un chaleureux feu de cheminée. Malgré la beauté de ce spectacle, Senere renferma son attendrissement pour reprendre en main ses intentions. J'ai mûrement réfléchi à te faire une proposition. Silence. Une proposition qui risquerait d'apporter son lot de conséquences. Néfastes ou positives, cela dépendra de toi, et uniquement de toi. "

Le Veilleur posa sa main sur l'un des fauteuils postés près de l'étreinte des flammes. Il s'agissait de celui de Khün ; et par respect pour eux, Senere s'était toujours refusé de s'y installer.

" Auprès des Kangelas, j'ai chanté tes louanges, je leur ai décrit à travers mes vers ô combien tu es une personne magnifique. Il se tourna, face à elle. Je ne fais pas seulement cas de ta Voix, je t'estime sous toutes tes facettes. Il s'avança, son pas sur le plancher portait les apparats d'une mélodie enchanteresse. Tout comme avec Baba, tu pourrais t'entendre avec tes congénères. Tu découvrirai alors une merveilleuse communauté et leur foyer miraculeux. Il s'arrêta à portée. Serais-tu prête à m'accompagner afin de les rencontrer ? Il lui tendit la main. Serais-tu prête à t'engager dans cette aventure ? "


2060 mots (dont 1334 pour le Conte) ~



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Ven 19 Aoû 2022, 02:40



« Bonjour, camarades. Cela fait longtemps, n’est-ce pas? »

Tranquillement, la Sümeyaa s’agenouilla devant la pierre tombale, déposant à ses côtés le panier qu’elle avait transporté avec elle. À l’intérieur, denrées, fleurs et un petit balai de paille composaient son contenu. Avec les gestes les plus attentionnés et soigneux qui soit, la jeune femme se mit alors à retirer la neige qui s’était collée à la pierre.

« Comme vous pouvez le voir, cette fois-ci, Khün ne m’accompagne pas. Il a récemment été appelé pour se joindre à une nouvelle campagne. Elle sourit tristement à ce rappel. Quand il rentrera, je l’amènerai avec moi. Je vous le promets. Après un nettoyage superficiel, elle pouvait désormais lire les quelques mots qui avaient été gravés sur le monument funéraire, ses doigts effleurant le contour érodé des lettres. Vous savez, je fais de moins en moins de cauchemars à présent. Mes nuits sont plus… calmes, étonnamenent. Pour être honnête, ça en est un peu effrayant. Elle émit un rire léger, caressant avec tendresse le dessus de la pierre. Je ne sais toujours pas pourquoi je suis la seule à être en vie aujourd’hui. J’étais votre capitaine, j’aurais dû vous protéger, mais j’ai failli à ma responsabilité. À cause de moi, vous avez péri. Sur ses genoux, le craquement de ses phalanges artificiels se fit entendre tandis qu’elle serrait les poings. Pourquoi n’avez-vous pas reculé? Pourquoi avoir tenu tête au danger? Elle connaissait très bien la réponse. Vous avez combattu avec acharnement dans l’espoir qu’au moins l’un d’entre nous puisse s’en réchapper. Vous l’avez fait en dépit de la fin. Déposant son front contre la stèle, Daessa pu sentir le froid mordant percer soudainement sa chair. Je suis désolée, camarades. Je suis tellement désolée. Pour tout. Des souvenirs traversaient alors sa mémoire. Pour avoir été une commandante si faible et pathétique. Les cris agonisants de ses soldats résonnèrent entre ses deux oreilles. Pour ne pas être parvenue à vous protéger. Elle se rappelait du moment où elle avait ouvert les yeux sur un lit de convalescence, sans bras, avec une jambe désarticulée; mais surtout, sans frères et sœurs d’armes à ses côtés. Pour avoir tenté de… »

Elle se tut. Pourtant, il est vrai qu’à plusieurs reprises, les remords lui avaient semblé si lourds que le tranchant d’une dague l’avait souvent séduite.

« Je suis désolée, alors que vous avez sacrifié vos vies pour me préserver de cette funeste destinée, j’ai… je n’ai pas cessé de penser à… Des larmes se mirent à geler sur la pointe de ses cils. Je vous demande pardon. Pardonnez-moi d’avoir été si stupide. Doucement, ses bras vinrent entourer le monument, sa voix adoptant un accent plus bas : Je… Je veux pouvoir changer. Je voudrais… devenir meilleure, et pouvoir vivre selon vos expectations afin que vos rêves puissent continuer d’exister et ne soient pas oubliés. En redressant son visage, la blonde braqua aussitôt le jade humide de ses prunelles sur le gris glacial de la stèle. De votre vivant, vous avez porté ma voix; envers et contre tout, vous m’avez épaulé et soutenu, peut-être même plus que de raison. Ne serait-ce pas à mon tour de porter la vôtre maintenant que vous n’êtes plus là? »

Comme seule réponse, le silence la frappa. Elle ne sentait aucune présence à ses côtés, ce qui écrasa plus encore son cœur meurtri.

« Vous avez raison. Je comprends. La dernière fois que j’ai porté quoi que ce soit sur mes épaules, vous êtes tous tombés et j’ai fini en pièces détachées… Elle renifla, essuyant les traces salées qui marquaient ses joues. C’est une folle idée. Désolé. »

Elle se détacha de la tombe. Malgré le désespoir qui l’opprimait, elle poursuivit le nettoyage de la pierre tombale en souriant, la décorant de nouvelles fleurs avant d’enterrer, à proximité, la nourriture qui faisait office d’offrandes. Puis, en rejetant ses dernières larmes, elle se redressa lentement.

« Je reviendrai bientôt. D’ici là, reposez-vous. Un vœu solennel. Vous me manquez. »

Une vérité plus personnelle.

Le lendemain, Daessa sentait toujours ce poids lui comprimer l’estomac, mais à l’apparition de ses deux invités surprises, la lourdeur de son fardeau parut s’alléger un tout petit peu. Après tout, l’espièglerie du Kangela était parvenu à lui arracher un sourire sans qu’elle ne le force à fleurir. Et qu’en était-il de Senere? Elle le trouvait adorable, surtout parce qu’il suggérait que Baba n’était pas le seul à être impatient de la revoir. Cela étant dit, par son caractère posé, la jeune femme ne souleva pas cette dernière observation, tendant plutôt sa main libre en direction de leur ami duveteux. Enjoué, ce dernier emprisonna l’un de ses doigts afin de l’entraîner dans une farandole qui s’adapta à son handicap. Puis, comme à leur habitude, la Sümeyaa se mit à fredonner une mélodie, que l’animal suivit aussitôt dans un chant mystique : c’était leur manière de se saluer, de se retrouver.

« Entrez, s’il-vous-plaît. Son regard conclue sa valse sur les épaules de l’étranger. Ne restez pas dans le froid », les invita-t-elle en se décalant pour les laisser traverser le seuil.

Pendant qu’ils s’installaient, la boiteuse alla directement jusqu’à la cuisine pour préparer des boissons chaudes. Enfin, c’était le plan initial, mais elle freina subitement son pas lorsque le voyageur l’interpella d’une voix chargée de gravité. Étrangement, ce discours lui rappelait celui qu’il lui avait partagé lors de leur toute première rencontre.

« Faîtes… Elle se tut en observant sa main tendue, rectifiant immédiatement son erreur : elle n’était toujours pas habituée de s’adresser à lui de manière si informelle, malgré leur évidente proximité. Fais attention, cher ami. Plusieurs pourraient se méprendre sur la véritable signification de ces mots », plaisanta-t-elle en souriant gentiment, le laissant cogiter un instant sur ses paroles avant de reprendre son chemin vers les cuisines, Bayarmaa sur les talons.

Seulement, une fois devant le comptoir, Daessa se figea.

« Je suis flattée de savoir que tu me considères aussi honorablement. Toi et Khün, vous semblez voir des facettes de ma personne que je n’arrive même pas à concevoir, tant elles me paraissent… invraisemblables. Elle essayait de le prendre avec légèreté, mais échoua. Comment puis-je être magnifique après tout ce que je leur ai fait? Sa voix fût à peine perceptible, mais elle avait oublié que l’ouïe de Senere était des plus fines. Je voudrais sincèrement être la personne que tu décris, mais je ne le suis pas. Elle le contempla un certain temps avant de baisser les yeux, incapable de supporter son regard plus longtemps. J’ai peur. C’était la première fois qu’elle s’exprimait aussi ouvertement, aussi sincère envers lui et elle-même. J’ai peur de tout faire échouer. Encore une fois. Même s’il n’y avait mort d’hommes, elle ne se faisait plus confiance, c’était ainsi. Même si j’aspire à devenir meilleure, j’ai simplement… peur d’aller de l’avant. Je suis si pathétique. »

La blonde laissa flotter un sourire sur la commissure de ses lèvres, mais celui-ci frissonnait autant que la main qui était posée sur sa canne. Cependant, n’oubliait-elle pas quelque chose d’extrêmement important? Elle n’était pas seule. Elle ne l’avait jamais vraiment été, si ce n’était dans sa tête et dans son cœur. Et lorsque la main de son précieux confident apparut de nouveau sous son nez, la jeune femme cligna plusieurs fois des yeux, médusée.

« Ton… accompagnatrice… Pendant plusieurs secondes, elle n’osa esquisser le moindre mouvement, un sourire se dessinant graduellement sur la délicatesse de ses traits. Je vois. Si elle hésitât encore quelques secondes, sa main se joignit finalement à la sienne, vacillante. … Merci. Parce qu’il était difficile, seul, de croire en soi, surtout lorsque de vieux démons s’accrochaient constamment à notre conscience. Où est-ce que cette aventure nous entrainera? »

La Sümeyaa l’admira en silence durant quelques secondes. Elle n’était sûre de rien, comme le prouvait encore les légers frémissements qui agitaient ses mains, mais pour une fois, elle voulait essayer de faire un premier pas. Et peut-être, peut-être, réussira-t-elle à se pardonner elle-même.



Exaspérée, ses joues se gonfleraient certainement en lisant ces mots, mais cela ne m’avait pas empêché de glisser le message entre les pages du carnet pour autant.
Je vois où tu veux en venir, mais… Bouuuuh! Ce n’est pas plaisant du tout – surtout que la narration a subitement pris un ton plus sombre et dépressif. Dans ma dernière note, j’ai bien précisé vouloir jouer. C’est bien plus amusant. Est-ce que tu connais le Hagydz?
« Garamor en vue! » S’écria Onezka par-dessus les intempéries de l’océan.

Je redressais la tête, portant mon nez vers le ciel. Tout au long du voyage, les odeurs de la mer avaient été violentes, agressives, à l’image de la Mer Maudite. Toutefois, plus nous nous rapprochions de la rive, plus je percevais de nouveaux parfums qui adoucissaient l’air qui nous entourait. La lourdeur et l’humidité de l’atmosphère s’éclipsaient pour laisser place à une brise chaude et fraîche sur nos peaux.

« Que lis-tu? »

S’asseyant à ma hauteur, un couteau à aiguiser en main, Katharsis – un Chaman de la tribu Mior – jeta un coup d’œil par-dessus mon épaule, intrigué.

« Une amie m’a écrit avant de partir, et je relisais simplement son message. »

Toni Nezaya. Cette petite voyageait actuellement jusqu’à Ciel-Ouvert pour me rendre visite? Si je ne m’étais jamais douté que je la reverrai dans le futur, je m’étais pourtant imaginé être celui qui réaliserait le premier pas. N’empêche, c’était une bonne nouvelle, qui étampa un sourire à mes lèvres. Elle allait bien et les Anges semblaient l’avoir dorloté… Tant mieux, songeais-je en repliant définitivement sa missive, appuyant ma tête contre le bois du bateau, expirant un soupir.

« Est-ce que tout va bien?

- Hein? Je posais l’un de mes yeux sur son visage, refermant nonchalamment mes paupières. Oui, tout baigne. Pourquoi?

- Je ne sais pas… Tu es moins bruyant que d’habitude.

- Ah! Bruyant? Carrément? J’éclatais de rire. Parfois, je me demande sérieusement à quoi je ressemble à tes yeux. J’expirais un dernier rire, les traits de mon faciès se relâchant, alors que je recouvrais un semblant de tranquillité. J’ai plein de choses en tête, en fait, c’est p’t’être pour ça.

- Hmm, hmm. »

Ainsi était Katharsis devant les interactions humaines : sans insistance – peut-être par respect ou désintérêt complet. Cela étant dit, je ne pense pas que je lui aurais confié quoi que ce soit de toute façon, et ce, même si mes doutes et mes conflits intérieurs rugissaient de plus en plus furieusement au sein de mon esprit. Et maintenant que nous nous trouvions si près de l’Île Maudite, il me semblait que ces appréhensions étaient d’autant plus assourdissantes au creux de mes tympans.

RP suivant : Plus jamais devrions-nous voler pour atteindre le paradis


1 335 mots pour le Conte | Post IV | Le passage de la chanson que Daessa et Baba fredonnent se déroule entre 0:00 et 1:10 de la vidéo (avant que ça devient plus creepy xD)

- Hagydz : il s'agit d'un jeu consistant à essayer de deviner la célébrité retenue par l'adversaire.





[Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles Signat16
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Latone
Lun 03 Oct 2022, 22:44



Présentés spécialement pour rendre leurs hommages, les créatures – que les Marcheurs finirent par considérer comme des Hommes à part entière – esquissèrent une révérence à leur façon. Étant donné leur singulière physionomie, Latone dut admettre qu'elle avait l'impression de se retrouver face à une écurie et que l'ensemble des chevaux se ratatinaient sur eux-mêmes pour se coucher. Cette image pouvait paraître aberrante, même plutôt idiote, toutefois la scène en elle-même leur apparaissait bien plus impressionnante qu'escompter. Car les Centaures, en définitive, étaient incroyables. Aussi discrets que les Immolées, ces Evershas si particuliers arpentaient les recoins plus reculés des forêts alentours de Ciel-Ouvert, les plus féroces se réunissaient même au sein du Voile Blanc. Guerriers, guides, muses, ils revêtaient des rôles bien différents selon leurs connexions avec la Nature. Par le passé, les archives tenues par Tlaalee-Aan rapportaient qu'un contact fut établi à plusieurs reprises entre la Marche et les Centaures du Voile, sans pour autant qu'un véritable lien ait pu être tissé. Cela s'expliquait hélas par la méfiance des Evershas envers les étrangers ; à juste titre, puisqu'ils étaient si différents de leurs homologues du Rocher.

Ce statuquo aurait pu se poursuivre durant quelques ères encore, si un fait divers ne s'était pas déroulé entre leurs murs. L'une de leurs congénères franchit le sentier, blessée par une flèche et finit par s'écrouler sous l'œil médusé des sentinelles. Altruistes, les Marcheurs s'unirent afin de transporter l'affligée en lieu sûr et lui prodiguèrent les meilleurs soins possibles. Sous la grâce de Senere, la Centaure survécut et relata les événements de son agression. En une seule journée, une équipe de volontaires convia une caravane et mirent aux fers les responsables ; une bande de braconniers beaucoup trop intéressée par les trophées d'Eversha. S'étant aventurés sur leurs territoires, la justice de Ciel-Ouvert trancha et Verillon accueillit une nouvelle floppée de criminels au sein de ses entrailles glacées. Quant à la victime – du nom de Dynede – elle retourna auprès des siens après être sortie de sa convalescence. Étant le plus proche de cette tribu, les faits furent rapportés à l'Hurabis Narn qui classa cette affaire. L'histoire aurait pu s'arrêter là, néanmoins le Guide fut justement contacté par les Centaures qui souhaitaient remercier publiquement les sauveurs de Dynede. De fil en aiguille, les liens se nouèrent et les opportunités se dessinèrent entre les deux clans.

Et voilà comment l'ensemble des trônes de la Vigilante se remplirent pour accueillir la délégation des fameux Centaures. L'occasion était si extraordinaire qu'aucun Hurabis ne la manquerait ; mis à part Prune, bien sûr, cantonnée à Arcadia. Et Charras… Considérée comme disparue, voire morte à Amestris. La Bleue devenue Rouge offrit son sourire caractéristique à l'assemblée, aussi fière et amicale qu'ordinaire. Aujourd'hui, les Centaures ne se contentaient pas d'une simple visite de courtoisie. Avec l'assistance de plusieurs Guides et l'aval de tous, les Evershas quadrupèdes du Voile Blanc confirmèrent leur entrée dans l'Empire naissant. Biches, buffles, et même yacks, les Totems se joignirent aux Chants de la Marche Terne et sous l'écoute de l'Impératrice en pleine ascension, ils prêteront leurs forces surhumaines à la cause.

" Hurabis, nous accueillons une nouvelle caravane sur notre route. Elle frappa son poitrail du poing ; ses collègues en firent tout autant dans une rythmique mélodieuse. Sous la vigilance de Narn Stofeick et nos espoirs à tous, votre nom sera scandé : caravane Aldachus. "

~~~

" La… signification de ces mots… "

Sceptique, Senere fronça un brin les sourcils. Aurait-Il mal usé de son verbe ? Étant le Père des Échos, la moindre métaphore ne lui échappait guère, encore moins lorsqu'elle provenait de ses propres dires. Alors que Daessa s'en retournait en cuisine – ou s'échappait ? – le Veilleur demeura sur place, le menton enfoui sous son gant, sans pour autant la quitter des yeux. Pensait-elle qu'Il la charmait ? Si c'était bien le cas, Il ne s'en rendait même pas compte. Cela dit, ses termes pouvaient paraître forts pour le commun des mortels ; ils étaient chargés d'histoires et d'images, alors qu'aux balbutiements de son œuvre, ils cherchaient encore un sens à leur existence. C'était merveilleux ce qu'on pouvait dès lors exprimer par le pouvoir de la Voix. Certains êtres avaient besoin d'un geste, d'un indice sur le visage pour grapiller des réponses, alors qu'un simple pincement des cordes vocales suffisait. Il sourit malgré lui, à croire que même un Æther pouvait encore apprendre auprès de ses sujets. Daessa… Sa résolution à son égard s'en retrouvait agrandie, plus ferme encore.

Religieusement attentif, l'Étranger écouta la mélodie de l'Orisha. Tant empreinte de géhenne, tant marquée par une résipiscence qui n'avait plus lieu d'exister. Il connaissait sa place, Il savait que seule Daessa sera capable d'entrevoir la lumière de son propre espoir, de son paradis tant langui et lointain. Senere pouvait la voir, cette possibilité parmi les nombreuses partitions futures. Mais chantera-t-elle celle-ci ? Chantera-t-elle pour elle et non plus pour ces tombes ? La peur. Hmm… C'était un sentiment qu'Il pouvait amplement comprendre. Il s'était ancré en son être très longtemps avant de parfaire son orchestre. Après tout, un public pouvait autant vous glorifier que vous médire. La consécration de son nom aurait pu mener au Silence, chimère absolue d'un monde coloré et enchanteur. À ses yeux, c'étaient des merveilles comme Daessa qui pétillaient leur cosmos. Son Chant méritait d'être exprimé et entendu. Il se montrait si catégorique sur ce fait. La fermeté de son emprise sur sa main en témoignait.

" Où… Comment décrire cet endroit ? D'ordinaire, les chants suffisaient, mais Il connaissait son accompagnatrice, Orisha comme pas deux : elle désirera Voir avant tout. Leur foyer ne porte pas de nom. Mais peut-être que comme avec Baba, l'inspiration te portera jusqu'à nos oreilles. "

Taquin, Il laissa cette possibilité filer avant de se lui faire bien face et d'ancrer ses iris dans les siens. À son instar, Il l'admira un temps. Que voyait-elle en lui ? La question le démangeait par moments, après tout Il n'était qu'un inconnu apparu de nulle part. Il craignait que son enveloppe mensongère la rebutât, ainsi chérissait-Il chaque instant en sa compagnie. Soudain plus sage, Il porta sa main libre vers son autre, empoignant avec elle cette canne qui la soutenait tant bien que mal.

" Ferme les yeux. Il demeura impassible à la moindre de ses réaction, conscient qu'une telle sorcellerie pouvait rendre les êtres craintifs plutôt méfiants. N'aie pas peur : nous y allons ensemble. C'est comme entrer dans un rêve ; incertain et imprévisible, certes, mais jamais une fatalité. "

D'un point de vue pratique, Senere refusait d'entraîner davantage son amie dans les contrées les plus profondes du Voile Blanc. Les Kangelas avaient cette capacité de se soustraire aux dangers afin de tracer leurs routes jusqu'aux sources séraphiques. Mais Daessa n'était qu'une humaine, d'autant plus fragile. À force de le côtoyer, elle a déjà dû prendre conscience de ses atouts, des limites si ténues de ses pouvoirs. Il n'en faisait démonstration qu'à travers sa Voix, pour autant sa sensibilité magique l'aiguillerait sur l'ampleur de son potentiel. Ensorceleur, le Veilleur imita la survivante et ils ressentirent la sensation d'être soulevé dans les airs puis de tomber à l'infini comme des piquets. La chute était douce, lente et laissa sur son passage le chant hypnotiseur des Kangelas.

" Ouvre les yeux. "

La transposition spatiale ne s'avérait point à la portée de tout le monde. Avec elle, Il préférait procéder à tâtons et éviter de la brusquer. Cela semblait avoir plutôt bien marcher, étant donné la réaction de son invitée. Comme quoi, Il parvenait encore à se restreindre pour côtoyer ses sujets sans grand mal.

Tout autour d'eux, une lumière diffuse et fragile flottait et dévoilait peu à peu leur environnement. En levant les yeux en l'air, le ciel troquait son office pour une paroi infini en cristal. Pour autant, ce dernier semblait refléter le bleuté de leur plafond extérieur. Des feuilles aux allures tropicales chatouillaient leurs bras, leurs rainures se teintaient d'un céruléen mystique, à la limite du cristallin. L'humidité environnemental laissait vraiment penser à une jungle toute droit sortie d'un songe, encadrée par une gigantesque cage minérale. Insensé et pourtant si réel. Senere étudiait toutes les mimiques de Daessa et s'amusait à réceptionner ses interrogations, son émerveillement ou ses craintes. Très vite, tel un chevalier blanc, Il lui reproposa sa main et l'invita à suivre son pas.

Au détour du dernier rideau vert d'eau, Il lui révéla une clairière étendue où la lueur céleste et artificielle s'abattait pour couver ses protégés. Juste là, sous leurs yeux, des dizaines et des dizaines de Kangelas s'épanouissaient. Plusieurs Chants s'entremêlaient dans une harmonie effarante, des plus petits virevoltaient ensemble et jouaient, d'autres se reposaient et s'accolaient les uns aux autres en une énorme pelote de poils pour se réchauffer. Ici, rien ne les atteignait : ni le froid mordant du Voile Blanc, ni la prédation des sauvages, ni la cruauté des Hommes. Ils étaient en paix et louaient cette sérénité auprès d'une figure mystique. Leurs Chants s'élevaient ainsi jusqu'au plafond cristallin, cherchant à se faufiler entre les atomes pour transpercer les cieux. Face à un tel spectacle, le Père des Échos lui-même ne pouvait que s'émouvoir. Son intérêt, malgré tout, bifurqua sur son accompagnatrice, qu'Il espérait enchanter par cette chance inouïe.

" Je peux le voir dans tes yeux – Il s'approcha, narquois – ce désir de te précipiter sur leurs fourrures. Il se nourrit de son embarras, rieur mais bref. J'ai à cœur de penser que tu sauras nous protéger. Un silence, et il descendit sans lui lâcher la main. Tu en es capable. "

Elle était une soldate. Il désirait autant sa Voix que sa Lame, autant sa Foi que… plus.

Sombre et dépressif, disais-tu ? Qu'est-ce que t'en penses, maintenant ? Puisque tu y tiens tant : jouons !


1753 mots (dont 1111 pour le Conte) ~



By Jil ♪
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Miles Köerta
Ven 11 Nov 2022, 03:26



Un doute furtif, à peine chatouilleux, parvint à trouver son chemin dans l’entrelacement que formait sa pensée. Toutefois, il s’éteignit aussitôt éveiller, instantanément dévoré par les réminiscences de sa loyauté et de son honnêteté à son égard. C’est pourquoi Daessa avait à peine hésité avant d’obtempérer, et fit comme il lui avait demandé. Désormais paupières closes, elle avait reposé ses paumes et sa foi entre ses mains à lui. La jeune femme avait décidé de lui faire confiance, comme elle l’avait toujours fait; et aujourd’hui encore, elle ne l’avait jamais regretté.

« Je n’ai pas peur… de cela, du moins, lui assura-t-elle d’une voix tranquille, en dépit de l’inconnu dans lequel Senere les engageaient. Je te fais confiance pour m’indiquer la voie. »

La native du Voile le laisserait la conduire jusqu’à cet havre qui ne portait de nom. Tant qu’elle se retenait à ses mains, elle ne pourrait ni tomber, ni dériver du chemin qui leur était tracé. La Sümeyaa était son accompagnatrice, mais lui était son guide… Pour autant, la sensation qui lui prit par les tripes eut tôt fait de la désarçonner, un hoquet de stupeur se coinçant au fond de sa gorge lorsqu’elle perçu tout son corps se soulever de terre. Elle avait l’impression qu’un courant d’air les poussait vers le ciel, agitait le tissu de sa robe, effleurait sa nuque, ses cils, ses cheveux. Elle n’avait pas peur. Elle n’avait pas peur. Mais cela, c’était avant que la brise ne cesse soudainement de les porter jusqu’au firmament. Tout de suite, la boiteuse sentit son équilibre s’agiter, son corps se raidir et se compresser, tout son être dévaler les hauteurs desquelles ils avaient été propulsés. Si vite. Peut-être trop vite.

« Hiiic! »

Par instinct, ses lèvres s’étaient écartées, la surprise et la frayeur cavalant vers l’extérieur de son pharynx comme des prisonniers en fuite. Le cri s’était échappé… Par tous les Dieux. Le cri lui avait échappé. Elle s’imaginait sans mal la moquerie fleurir aux lèvres du voyageur, désormais, et cette unique pensée suffit à enflammer le rouge à ses joues. Daessa n’osa ouvrir de nouveau la bouche, de peur que l’air ne s’engouffre et l’étouffe, mais osa encore moins ouvrir les yeux pour le réprimander d’un regard électrique, comme elle l’aurait habituellement fait. Parce qu’au final, l’ancienne militaire tentait surtout de conserver les apparences et son sang-froid. Elle n’avait pas peur. Elle n’avait pas peur. En se le répétant, peut-être finirait-elle par y croire, se disait-elle. Par chance, ces vœux furent exaucés, la sérénité l’envahissant dès qu’elle perçut les premiers échos de leur symphonie se poser contre son ouïe. Petit à petit, la rigidité de ses traits se détendit pour disparaître complètement. Le désir inextinguible d’ouvrir les yeux l’assaillit soudain et pourtant, elle tint sa « promesse », ne soulevant les paupières sous aucun prétexte. Après tout, elle sentait qu’ils descendaient toujours, encore et encore et encore, de plus en plus doucement, en revanche. Et plus leur chute ralentissait, plus les Chants tout autour d’eux se renforçaient dans leur splendeur et merveille.

« Ouvre les yeux. »

Contrairement à la première fois, Daessa tarda à suivre sa commande. Elle pouvait de nouveau sentir le sol sous ses pieds, ferme et immuable; et même si l’air qui s’infiltrait dans ses poumons lui paraissait plus fin, moins vorace et dangereux, elle hésitait toujours à ouvrir les yeux. Toutefois, une frimousse se frotta délicatement à sa joue, à la manière d’un enfant désireux de montrer la grandeur de son présent. Très bien. Elle craqua. Lentement, elle ouvrit un premier œil, mais au diaporama qui apparut devant elle, le second ne prolongea sa cécité plus longtemps, tandis que sa mâchoire tombait sous le poids du vertige et de l’éblouissement.

« Je rêve… Elle n’en croyait pas ses yeux. Sommes-nous au bon endroit? Senere acquiesça, mais c’était comme si elle n’avait rien entendu, ses iris pétillant sous les reflets des cristaux qui les surplombaient. Est-ce vraiment ici? »

Où étaient-ils? Dans la mer? Au milieu du ciel? Le plafond et les murs d’azur qui les couvaient de leur immensité ne lui offrait aucun véritable indice, elle, pauvre Mortelle, qui ne voyait alors qu’un bleu infini et chatoyant.

« Ces arbres sont gigantesques! Fille des montagnes, bercée par l’hiver et les vents du nord depuis sa plus tendre enfance, elle n’avait jamais eu la chance de côtoyer pareilles grandeur et densité végétales. Est-ce la sève que nous voyons à travers leurs nervures? Elle n’avait jamais vu pareille coloration sur des feuilles, son intérêt désormais piqué à vif. C’est magnifique. »

Sans le vouloir, elle laissait son enfant intérieur la posséder, l’expression de son visage réfléchissant les étincelles qui les enveloppaient. Elle était fascinée, et plus encore lorsque la clairière se dévoila sous ses yeux. Non loin, elle entendit le Chant de Baba soudainement s’élever, avant qu’il ne rejoigne à grande vitesse ses congénères au cœur de la plaine. Ils étaient des dizaines, des dizaines et des dizaines de petites boules de poils chaudes qui virevoltaient au rythme des Échos, à portée de ma–

« P-Pardon? Embarrassée, la Sümeyaa détourna rapidement le regard. Je suis simplement surprise d’en voir en si grand nombre au même endroit. »

Elle sentait le rouge de la gêne chatouiller désormais le bout de ses oreilles. Honteuse, elle couvrit son visage de sa main libre à l’entente du rire de son compagnon. Elle avait été éduquée selon une certaine étiquette et, de ce fait, elle étalait très rarement ses émotions avec autant d’effusion devant autrui. C’est ce qu’on lui avait toujours appris. Or, elle découvrait qu’auprès de Senere, ses masques se craquelaient pour laisser s’exprimer ses véritables sentiments. Il avait le don de la surprendre durant ses moments les plus vulnérables. Quoi qu’il en soit, il lui fallait reprendre contenance et après une poignée de secondes seulement, la jeune femme décala sa figure d’entre ses phalanges. Elle jeta une œillade en direction du voyageur, contemplative un certain temps, avant de reporter son attention vers les Kangelas qui chantaient innocemment.

« Je ne brandis ni épée, ni bouclier, et ce, depuis longtemps. Elle retourna dans les yeux de Senere. En comparaison, tu me sembles bien plus fort pour protéger cet endroit et les Kangelas que je ne le serais jamais. »

Il eut un silence entre eux quand tout à coup, une quinzaine de Kangelas se détachèrent de leur troupeau pour flotter jusqu’à leur position. Ils entourèrent la blonde dans une joyeuse farandole, la galvanisant de leurs chants mystiques et de la candeur de leur nature. Elle ferma les yeux, assiégée, et les rouvrit subitement pour découvrir…

« Mon uniforme. »

Elle cligna des paupières, confuse, mais ne put résister bien longtemps à l’élan de nostalgie qui l’étrangla. Entre larmes et sourires, l’ancienne soldate se mit à rire, la gorge nouée, le cœur léger, délivré.

« Il semblerait que je ne pourrais m’en échapper. Elle posa le verdoyant de ses iris sur les épaules de son ami, esquissant une première enjambée dans sa direction et se rattrapa à l’aide de sa main, continuellement tendue vers elle. Le fer n’est pas la seule arme que nous pouvons utiliser, n’est-ce pas? Elle expira doucement, pensive. Dans l’optique où j’accepterais ton offre, que devrais-je faire exactement? Elle braqua son regard dans le sien. Que devrais-je faire pour... devenir le pont entre les Kangelas et les Hommes? »



Laissant le bec de ma plume flirter avec les fibres du papier, je n’eus guère conscience des murmures qui se libéraient faiblement de ma gorge. Pourtant, ils étaient l’écho des mots que je couchais sur le parchemin.
J’en pense que si le refuge des Kangelas existait réellement, que j’y déménagerais sur-le-champ. Ce lieu a l’air si paisible, et magnifique aussi.
Il était peut-être même ce que j’avais le plus besoin à l’heure actuelle : un havre qui saurait me remplir la tête de mille et un sons afin de ne plus entendre le chagrin et la colère de Léto entre mes tympans.
Es-tu une femme ou un homme?
« Kaine! Il faut que tu entendes ça! De retour au bercail en compagnie de la jeune Élise, la cadette des Köerta se défit prestement de son manteau afin d’être la première à partager la bonne nouvelle à son grand frère. Tu avais raison! Les Centaures ont bel et bien fini par rejoindre la Marche! Se dépêchant de retirer ses bottes, la jeune Orisha s’empressa d’attraper les sacs remplis de course qu’elles venaient de ramener du marché. Leur caravane a été introduite par Latone y’a quelques heures déjà, et elle sera sous la supervision de Nar– L’adolescente s’arrêta brusquement en dardant le vairon de ses yeux sur le visage de l’inconnue. Je savais pas qu’on avait de la visite. À l’instar de l’Iranor, la turbulente salua l’étrangère avec ce brin de maladresse qui la caractérisait si bien. Bonjour madame! »

Raffinée et paisible, la jeune femme aux longs cheveux d’ébène lui répondit par un sourire.

« Enchantée. »

Naturellement, ses yeux cherchèrent à attirer l’attention de l’aîné, qui initia aussitôt les présentations dans la foulée :

« Mademoiselle Nezaya, voici ma petite sœur, Toesia Eses. La concernée sourit de toutes ses dents. Et voici Élise Iranor, une amie de la famille. Un titre, somme toute, plutôt exact, compte tenu des circonstances. Toto, Élise, voici Toni Nezaya. Une fois de plus, l’invitée leur offrit ses respects les plus chaleureux. Elle est une ancienne Écuyère de l’Ordre d’Hébé. »

À la mention de cette confrérie déchue, certains visages se crispèrent inconsciemment. Les souvenirs qui avaient marqué la mémoire du public étaient ceux des derniers instants de l’Empire, aussi notoires que calamiteux.

« J’ai voyagé jusqu’à Ciel-Ouvert afin de rendre visite à votre père. Alors, elle connaissait bel et bien Papa, se disait la jeune fille. Seulement, il semblerait que je ne sois pas arrivée au bon moment, puisque Monsieur Köerta ne se sent pas bien… »

Il eut un silence troublé, que Toto trancha pour qu’il ne puisse se prolonger.

«  Pa’ ira beaucoup mieux après quelques jours de repos, ne vous en faîtes pas! Habile, elle reporta l’attention du groupe sur la belle demoiselle. Comment vous l’avez connu? Vous l’avez rencontré à Arcadia? »

Toni considéra les enfants qui se dressaient devant elle, ayant rapidement compris que mon état était un sujet sensible; pas en raison de sa gravité, crût-elle, mais l’ancienne Chevalière percevait que quelque chose d’autre les ennuyait. C’est pourquoi elle n’insista pas, attrapant l’opportunité qu’on lui avait tendu. De toute façon, cela lui faisait plaisir de leur conter ce que j’avais fait pour elle, avant que la guerre éclate dans la grande citadelle d’Arcadia.


1 223 mots pour le Conte (Sans les paroles reprises du post de Latone) | Post V




[Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles Signat16
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Dim 15 Jan 2023, 18:24



Je penserais à t'y emmener, dans ce cas.

Un sourire mutin ponctua son espièglerie ; en tant que Linèsienne toute destinée, elle saurait révéler un tel endroit sans grand mal. Hélas, si Senere avait réussi à créer ce refuge pour les Kangelas, il fallait encore plus de temps à Latone pour recouvrir l'antique beauté de sa cité natale. Tant qu'elle y croyait fort – à l'instant du Père des Échos et de Daessa – elle y parviendra, coûte que coûte.

Je suis une femme. Es-tu un Marcheur ?

Elle peinait à croire qu'il ne puisait pas sa patte artistique dans les fibres de Ciel-Ouvert.

Pourtant, les racines de cette montagne s'étaient étendues jusqu'en des recoins vertigineux. La Voix se cultivait dans les foyers les plus modestes, dans les forêts les plus reculées, en les peuples les plus réfractaires à l'héritage des Échos.

Firmin Kirzor faisait parti de ces pousses ayant fleuri au-delà des portes de Linos et des murailles glacées de Ciel-Ouvert. Ses enfants issus de la lignée des Mayfair venaient d'entendre toute l'histoire qui les liait à la fameuse Cité des Chants et leurs soi-disant justiciers vétilleux. Leurs liens avec la – probable – future Impératrice les révulsaient. Kléber fulminait de l'intérieur, prêt à briser le premier esclave sur son passage pour assouvir ses soudaines pulsions. Velvina paraissait plus détendue, intriguée qu'une telle histoire ait pu échapper à, absolument, tout le monde. La réputation des Mayfair et des Marcheurs serait si entaché si le sang de Latone Kirzor s'avérait lié aux Sorciers.

" Il est temps d'agir. "

Il embrasa une cigarette. L'odeur dégoûtait la fille ; jusqu'alors elle s'accommodait passivement du tabac, néanmoins elle avait fini par apprendre à son insu que son père n'y inhalait pas que des plantes. Et la veille, Kléber s'était gaussé d'avoir carbonisé l'un de leurs cuisiniers.

" Toi. Il la désigna, le regard perçant. Je te laisse carte blanche pour découvrir Ciel-Ouvert et ses joyeux lurons. "

La proposition – qui n'en était pas une – lui fit pincer sa bouche noircie. D'un regard à moitié entendu, la Sorcière quitta la demeure. Puisqu'il l'obligeait à s'envoler en dehors d'Amestris, elle n'allait pas se gêner.

" Toi. Son frère n'attendit que ce moment, fier comme une armure entreposée dans un château. Tu as le droit à une devinette : qu'est l'antagonisme de la Marche Terne ? "

" L'injustice. "

Il tira sur son poison entre ses lèvres arquées.

" Fais en sorte que les oisillons de cette fameuse "injustice" puissent prendre leur revanche. Ils en avaient parlé ensemble, de ces rumeurs sur les ressortissants d'Arcadia. Comme si un seul siège suffirait à étouffer les monstres. Il paraît qu'elle a des enfants. Dévia-t-il en fixant la cloche en verre, vidée de sa prisonnière, de sa Voix. Je suis curieux de rencontrer leur père. " Velvina avait intérêt à jouer ses meilleures cartes.

~~~

Surprise alors qu'Il l'invitait rationnellement à se mêler à la meute inimaginable des Kangelas ? Curieux. Plus Il côtoyait la mortelle, plus Il se savait pris au piège au sein d'une chorégraphie qui le dépasserait ; non pas par son inexpérience, mais plus par dissension de leurs mutuelles conditions. Elle était aussi bien un mystère que l'objet de sa convoitise. Il pourrait autant la fuir que la poursuivre. Il redemanderait encore de son anomalie, s'en nourrirait comme un substitut. Il donnerait tant de son être pour pouvoir réentendre ce cri de sa bouche, cette note – si délicate et dérisoire aux premiers abords – qui chatouillait la sensibilité acoustique du Père des Échos. Et que dire du rosé de ses pommettes, s'il s'accordait tant avec le céruléen de leur scène ? Toute âme de son voisinage continuerait de cultiver son image de fleur dépérie, fanée et sans parfum, mais lui, Il se laissait envoûter par cette héritière de son chef d'œuvre, bien au-delà de sa sobre fonction : sa Voix lui apparaissait colorée. Daessa était rayonnante. Ce constat fit germer en lui un drôle d'assortiments ; doutes et résolutions s'entremêlaient en un merveilleux jardin qu'Il ne pensait point admirer jusqu'à présent. Si les prodiges de son orchestre ne devraient rien lui prouver, ils n'égalaient nullement le potentiel de l'attrayante Orisha.

" La comparaison est inutile. Là où un Æther se montrerait vindicatif afin d'assouvir sa suprématie, lui opta pour élever sa main dans la sienne, comme pour lui montrer qu'elle pouvait atteindre des sommets insoupçonnés à ses yeux pastel. En attrapant ma main, tu es officiellement mon accompagnatrice. "

Appuyant avec naturel son concerto, ses plus fervents compagnons de toujours cernèrent la jeune femme ; elle et ses crevasses encore fragiles. Les Kangelas comblèrent ces défauts et d'une ronde sans équivoque, ils la dévoilèrent sous un jour bien plus radieux, là où Senere fut capable de la voir. Par-delà ces cordes chagrinées et égratignées se cachait une grande personne, une soldate infaillible dont le cœur battait non pas que pour mouvoir sa carrure de guerrière, mais aussi pour diriger ses protégés sous son aile. Même après avoir encaissé un tel échec, Daessa cultivait toujours ce besoin de faire rempart aux maux de ce monde. Il l'admira un temps sous cet uniforme, échangeant quelques ententes avec les Kangelas sur la place de cette mortelle au sein de leur communauté. Elle n'égalera jamais le Dieu – pas sous ces apparats – pourtant, Il se raccrochait à cette conviction : avec les bons outils, Daessa réussira à réalimenter cette flamme qui animait son enveloppe. Une lame ne suffisait pas, des membres artificiels encore moins. Elle possédait tellement plus.

Là où la frustration naissait, la chaleur de son souffle et la lueur de son éclat firent germer bien plus vite la graine de quiétude auprès de son obligé. Pour la première fois depuis leur rencontre provoquée de force, le Dieu se laissa embué par l'émotion, sa bouche entrouverte sur l'étonnement que lui procurait la scène juste sous ses yeux. Daessa riait, elle irradiait d'une véritable aurore et ce depuis bien longtemps. En temps normal, Senere se montrait bien plus narquois en sa présence, prêt à dégainer le moindre ver pour repartir sur une offensive qui testera ou décontenancera son amie. Fort lui fut de constater qu'Il ignorait découvrir une telle facette de la Sümeyaa, cette fois c'était elle qui prenait les devants. Ainsi présentée, Il lui était inutile de conserver le moindre doute quant à ses ambitions. Il pourrait la pousser aisément sur le devant de la scène qu'elle ne chuterait pas. Et puis, cela n'était pas à la portée de tous de désarçonner un Æther. Il souffla entre ses lèvres scellées, un sourire en réponse au sien. Il passa une main dans ses cheveux, résolu à embrasser cet autre côté du miroir qui l'attirait, ce que les siens trouvaient la plupart du temps tabou. Rendu où Il en était, il était trop tard pour faire marche arrière. Daessa avait fait son choix, Senere l'avait soutenue.

" Le fer est futile face aux grandioses forces de ce monde. Sur son pas, Il la guida à lui et, de sa main libre, agrippa le fourreau vide qui pendait à la ceinture de l'antique uniforme. Il protégera ta chair et dans de rares cas, celle d'autrui. D'un doigté calculé, Il détacha le fourreau et le laissa chuter à leurs bottes. Tu connais mieux que quiconque ses limites. Malgré le goût amer de cette réflexion, Senere s'empressa de l'éloigner de ses démons, sa main, cette fois, libre de cueillir la joue de la guerrière rayonnante. Je ne te demande pas de cultiver la violence, elle n'est pas la bienvenue en ce lieu. Il pivota en direction des Kangelas rassemblés autour d'eux, attentifs. Car ce que tu peux leur apporter est d'une nature bien plus merveilleuse. "

L'attention ferme de Daessa lui plaisait, elle l'aidait à mettre en place la clé de voûte de son projet phare. Bientôt, Ô public, tu te laisseras bercer par les Échos des Voix Originelles. Ta Foi n'en sera que plus forte.

" De quoi serait constitué un tel pont ? Il braqua à nouveau l'azuré de son intérêt en le verdoyant du sien. Qu'est-ce qui nous relie aux Kangelas ? L'évidence leur était à portée et elle venait de le comprendre. Le Chant. Lui confirma-t-il bel et bien avec gaieté. C'est ta Voix dont j'ai besoin pour leur montrer que tout un chacun, nous avons le droit à une place en ce refuge. Il balaya son bras, éclairant les cristaux sur sa route. Daessa… Il saisit ses deux mains pour la soutenir dans cette ultime épreuve. Si tu l'acceptes, deviens le Chant qui formera ce pont. Ensemble, les Kangelas expirèrent cette doucereuse mélodie, crescendo. Chante ta vie, chante-la-leur. Chante cet idéal, chante ce foyer où Hommes et Kangelas dansent ensemble. Chante la beauté tout autour de toi, chante les ombres qui font échos aux éclats. Chante le monde. "

Face au précipice de son accomplissement, Senere entrevit son propre devoir, sa propre résolution peser sur son être. Un tel Chant requérait une telle Dévotion, ainsi, se plia-t-il à la coutume et, sans lâcher ces doigts qui enserraient son existence, posa genoux à terre dans un fervent supplice.

" Chante. "


1581 mots (dont 1081 pour le Conte) ~



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Miles Köerta
Dim 09 Juil 2023, 18:12



En effet, le goût amer de cette réflexion ne tarda à marquer sa langue, tout comme l’âpre de ses paroles qui vint assécher le fond de sa gorge. Après tout ce temps à courber l’échine sous la peine des remords, il était tout naturel pour la Sümeyaa de ne dresser aucune réplique pour supporter le poids supplémentaire posé par les mots de l’étranger. Senere avait raison : elle connaissait, mieux que quiconque, les limites du pouvoir que conférait l’acier, puisqu’elle avait tout perdu à cause de cette même impuissance par le passé. Bientôt, son visage allât embrasser des yeux le fourreau qui était tombé à leurs pieds, mais avant même qu’elle ne puisse contempler l’étui, vide de son épée, on lui interdit de baisser les yeux. En un mouvement, on lui redressa le visage et son regard se verrouilla dans le sien, enchaîné par l’étincelle qui vibrait dans les profondeurs de son céruléen. Elle ne s’était pas attendue à pareille action, la surprise éclatant dans le vert de ses yeux pour mieux s’effacer et se consolider progressivement. Car, à aucun moment, sa concentration s’ébranla. Elle s’abreuvait de son discours comme une enfant à qui l’on apprenait la vie. Les paroles de son ami la guidaient jusqu’à leur ruisseau afin de l’entraîner dans le courant, mais une fois les deux pieds sur la rive qui les séparait, Daessa l’observait sans un son. Elle réfléchissait à l’engagement. À première vue, la requête était plus qu’acceptable. Comme elle le comprenait, Senere lui demandait de chanter pour créer des liens, chanter pour abolir les barrières qui les cernaient; puisque par la musique que l’on se partageait, on esquissait toujours un pas vers l’avant, vers la compréhension de l’univers qui nous réfugiait. Mais s’il lui demandait cela, pourquoi ne le faisait-il pas lui-même? Pourquoi requerrait-il son soutien? Il possédait pourtant une voix divine et un charisme magnétique : tout ce qui pourrait amener une foule à l’écouter, à le suivre sans hésiter… Que gagnait-il vraiment à solliciter l’aide d’une boiteuse comme elle? C’était inexplicable. Et cette réponse, la Sümeyaa avait beau la chercher dans les yeux de son ami, elle n’y trouvât que les perles d’un plaisir chéri et d’une admiration sincère. Se pouvait-il vraiment…?

« Chante ta vie, chante-la-leur. Possédait-elle réellement quelque chose de spécial en elle? Chante cet idéal, chante ce foyer où Hommes et Kangelas dansent ensemble. Pouvait-elle sérieusement s’offrir une seconde chance? Chante la beauté tout autour de toi, chante les ombres qui font échos aux éclats. Accepteraient-ils qu’elle porte leur voix? Chante le monde. »

Son cœur se grisait des sons et de sa passion, comme l’impétuosité d’une tempête qui naissait à l’exaltation d’un orchestre céleste. Au creux de son ventre pour remonter jusqu’à son crâne, elle percevait le martèlement de ce tourbillon qui ne cherchait qu’à répondre aux désirs de son invocateur. L’orage voulait rugir, se faire entendre. Chanter la vie, chanter le monde; chanter les ombres qui font échos aux éclats, chanter la lumière qui berce la pénombre. Pour des yeux extérieurs, cela pouvait paraître simple, mais maintenant qu’elle tenait la main de Senere dans la sienne et qu’elle encaissait chacun de ses mots, un par un, il lui semblait que tout un univers venait de se poser dans sa paume. Fragile et impatient, il n’attendait de Daessa qu’une étreinte maternelle, à la manière d’un Dieu qui embrassait sa création, et pourtant, elle restait silencieuse et immobile, à fixer les excentricités de celui qui avait mis la destinée de ce monde entre ses doigts. Pouvait-elle porter une telle charge…? Que… faisait-il?

« Se-Sene– L’étonnement l’étranglait, la faisait bafouiller sans qu’elle ne puisse le contrôler, tandis que son regard, écarquillé, le scrutait dans un tremblement ininterrompu. Relevez-vous, je vous en prie. Par réflexe, le formel revint entretenir son vocabulaire et elle tira sur son bras pour l’obliger à se remettre sur pieds. Ce n’est pas nécessaire de vous agenouillez », soupira-t-elle en détournant les yeux.

Avant de se permettre d’agir ou de prononcer le moindre mot, elle attendit qu’il se redressât et cesse ses frivolités. En réalité, elle peinait tout simplement à reprendre contenance, submergée par un flot d’émotions qui la dépassait, qu’elle ne réussissait à entraver. Son cœur hurlait si fort, qu’elle avait l’impression que ses battements généraient les tremblements qui courraient sur son corps; peut-être même était-ce véritablement le cas. Inspire et expire. Elle devait reprendre le contrôle sur son expression, sur sa composition, et même si le mal était déjà fait, l’habitante du Voile se devait au moins de garder la face pour les prochains instants. Râclant sa gorge par quelques toussotements, elle glissa lentement ses doigts hors de portée de la main du basané et se mit à le contempler, longuement, minutieusement.

« Senere, l’interpella-t-elle, finalement, avec douceur. Je te fais confiance et s’il s’agit de ma voix dont tu as besoin, je serai prête à te l’offrir à tout moment. Délicat, un sourire se mit à chatouiller la commissure de ses lèvres. Tu as tant fait pour moi ces derniers temps et je n’ai jamais réellement su comment repayer ta gentillesse, alors il me paraît juste que je puisse t’offrir ce qui me reste. Un instant, ses prunelles convergèrent vers la cime des arbres, le bleu qui émanait de leurs feuilles se reflétant dans le verdoyant de ses iris. Je peine encore à comprendre tout ce qui se passe, tout ce que je suis en train de vivre. Elle lui adressa un regard. Et je ne suis toujours pas sûre si ma contribution pourra réellement changer quoi que ce soit, mais si je peux aider, j’aimerais pouvoir… »

Ses lèvres se pincèrent et sa bouche se tordit. L’articulation mécanique de ses doigts craqua bruyamment lorsque la jeune femme les réfugia dans ses poings et si, spontanément, son visage s’était tourné vers le sol, elle fini par redresser la tête, les épaules frissonnantes.

« J’aimerais pouvoir être de nouveau utile. »

Et préserver les souvenirs qu’ils lui avaient légué. Douloureux, un petit rire s’évada de sa gorge, tandis que la blonde refrénait toutes larmes de couler. Pouvait-elle reprendre de telles responsabilités? Pouvait-elle réussir là où elle avait échoué? Serait-elle… pardonnée pour son égoïsme et ses erreurs passées? Elle voulait y croire plus que tout au monde. Elle voulait croire que ses anciens camarades ne souhaitaient aucunement sa déchéance pour son incompétence; simplement qu’elle puisse se regarder dans la glace et se dire « Tu as le droit d’être ici ».

Daessa prit une profonde respiration et l’expira calmement. Elle avait le droit d’être ici… Ses frères et sœurs d’armes n’étaient pas tombés au combat pour sauver la vie d’une incapable pathétique. Elle devait chérir cette existence, l’observer comme elle l’était réellement : un présent inestimable. Elle devait continuer à vivre pour eux, le plus longtemps qu’elle le pourrait. Ainsi, une fois qu’elle trépasserait à son tour, elle pourrait les retrouver et leur conter toutes les belles aventures qu’elle avait effectué en leurs noms… Daessa ne put empêcher un nouveau sourire d’éclairer son visage. Pourquoi cela lui avait pris tant de temps avant de le réaliser? Pourquoi elle ne saisissait, que maintenant, de la valeur de la vie qu’ils se partageaient?

« Je chanterai la vie et chanterai le monde, déclara-t-elle avant de libérer les premières notes de son chant. Mais Senere, après t’avoir prêté ma voix, serais-tu enclin à m’accorder cette faveur? Elle ancrait ses yeux dans les siens, inflexibles. Pourrais-tu me dire qui tu es réellement? »

La jeune femme délivra sa Voix et chanta, comme promis.



L’un de mes sourcils s’était rehaussé en lisant sa réponse.
M’y amener? Vraiment? Mais c’est une histoire, à moins que… le refuge existe réellement, quelque part?
Pourtant, je n’en avais jamais entendu parler, que ce soit de la bouche de Latone ou d’un autre Marcheur. Hmm. Est-ce qu’elle voulait me rouler dans la farine? Ce n’était pas exclus.
Et pourquoi poses-tu une question dont tu connais déjà la réponse? À mon tour : puisque notre histoire lévite autour des chants et de la musique, quelle est ta chanson préférée?
Je m’étais foutu d’elle, conscient que le nom de Senere était très peu connu à l’extérieur du bastion que représentait Ciel-Ouvert. Comprendrait-elle? Je n’en étais pas sûr, mais ne cherchais aucunement à l’aider. Ça la forcerait à réfléchir.

« Bonjour. »

J’accrochais les fourrures sur le porte-manteau à l’entrée, tournant à moitié mon visage pour saluer le jeune garçon.

« Salut Dærion. Je déglutis avant de lui échanger un sourire tremblant. Comment ça a été, durant mon absence? »

Hésitant, il se mit à entrelacer ses doigts, portant une œillade en direction des escaliers qui menaient à l’étage.

« … Toesia vous en veut énormément, vous savez? »

Lentement, je laissais tomber mes bras le long de mon corps, refrénant la peine de s’étendre jusqu’à mon faciès. Pas que cette annonce me surprenait, mais la vérité restait tout de même douloureuse à supporter.

« … Bien sûr. C’est évident. Je ne m’attends pas à ce qu’elle me pardonne du jour au lendemain. »

Je sentais une pierre écraser mon estomac, le poids des regrets me clouer sur place. Je me rappelais de la haine qu’elle m’adressais à chaque fois que nos regards se croisaient, et la voir me détester de la sorte me déchirais. J’essayais de me faire pardonner, j’essayais de lui faire comprendre que j’étais désolé, mais je l’avais déçu à un point que je ne semblais pouvoir mesurer. Ma rédemption ne serait pas pour demain, je le savais, mais nourrissais quand même l’espoir que nous puissions… Je ne sais pas… Pouvoir se réconcilier? Revenir à ce qu’était notre relation avant tout ce fouillis? J’aimerais seulement retrouver ma fille. Notant l’agonie qui me submergeait, Dærion prit l’initiative de changer de sujet.

« Sinon, vous avez reçu un message de l’Oklilleiro de la Khaij Olokh. Il vous demande de le rejoindre dans les bureaux de sa caravane pour une affaire importante. »

À cette mention, mon attention convergea dans sa direction. La Khaij Olokh…? Ah oui. C’est vrai que je leur avais promis de les aider s’ils avaient besoin de quoi que ce soit. Je lançais un coup d’œil vers les escaliers, à la fois incertain et agité. Devais-je répondre à l’appel de l’Oklilleiro? Après un instant, je soupirais, détournant les yeux.

« Très bien. Je vais me changer et irais les retrouver. »

De toute façon, je ne crois pas qu’elle veuille m’adresser la parole.


1 220 mots pour le Conte (sans prendre en compte les paroles du post de Latone) | Post VI




[Q] - Les Crocs du Voile Blanc | Conte de Latone & Miles Signat16
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