Étalée sur la table, j'exhalai un long souffle épuisé, ignorant totalement le regard compatissant d'Oriane et celui courroucé de Yury. Sa réaction était compréhensible cependant. Depuis tout à l'heure je piochais dans mes différentes boites de chocolats, sans réellement regarder lesquels je croquais, oubliant au passage que certains étaient plus qu'imbibés d'alcool. C'est ainsi que le Colérique se retrouva, malgré lui, à moitié nu dans mon appartement. Si j'avais capté un instant le regard d'Oriane qui eût glissé avec volupté sur lui, je la vis également réprimer avec déception son envie de finir de le déshabiller. Ce n'était pas étonnant en soit. Et je m'en sortais moi-même pour la seule raison de ma faiblesse actuelle. D'une façon, j'avais eu de la chance que ce soit lui qui soit touché par le sort. Il fût bien plus compatissant malgré la situation dans laquelle je l'eus mis. Je tendis à nouveau la main pour me saisir d'un nouveau chocolat, provenant d'une nouvelle boîte afin de ne pas réitérer ma bêtise et observais une seconde la gourmandise. Ce n'était pas un chocolat finalement. J'avalai enfin la pâte de fruits goulûment. « Sérieusement, on croirait que t'es en dépression. » lâcha soudain la Luxurieuse. Je levai les yeux vers elle. « Je réfléchis. » répondis-je simplement. « A quoi ? La meilleure façon de mettre fin à tes jours ? » continua-t-elle dans sa lancée morbide. Je lâchai un soupir avant de rétorquer, tendant l'Ange en chocolat, dont le nom était toujours marqué à l'encre magique sur le bras de la Déchue, d'un air menaçant devant son nez. « D'abord, est-ce que je change de peau ? J'hésite. C'est amusant de voir le monde depuis le regard de l'autre genre. Mais j'avoue que mon moi me manque un peu. » - « Il va falloir que tu te décides vite alors, tu arrives à la fin de ta Mue. » répliqua Oriane. « Je sais. D'ailleurs, hésite pas à piocher dans mes vêtements pour te rhabiller. Ce sera peut-être un peu petit au niveau de la carrure par contre. » fis-je en me tournant vers Yury. « Je m'adapterais, c'est pas grave. » répondit-il, affalé sur un fauteuil. Je croquai dans le chocolat, puis posais un œil curieux sur Oriane qui fixait la gourmandise. « Quoi ? » - « Rien. Je me demandais juste si ces chocolats aussi étaient ensorcelés et m'imaginais l'une des formes de magie que ce pouvait si c'était le cas. ». Je papillonnai des yeux, puis compris ce à quoi elle songeait en voyant son sourire lascif. Aussi je la dévisageais longuement avec dépit. Pourtant sa question était pertinente. Ce pouvait tout à fait être possible. Cependant, je me voyais difficilement faire face à La Canine Blanche pour lui demander s'il ressentait quoi que ce soit lorsque je mordais dans ce chocolat à son effigie. Cette question restera donc en suspens jusqu'à nouvel ordre. « Je vais changer de peau. Voilà. » déclarai-je en plaquant mes paumes sur la table. « Tu changes de sujets comme de chemises. » - « M'en fous. » concluai-je en gobant le reste de la figurine chocolatée. « Et je ferais mon bar à vin... Non. Pas un bar à vin. Ou si. Je verrais. Bref. Je monterais mon premier commerce à Utopia. » ajoutai-je comme la continuité normale de notre discussion. Ça l'était en fait. J'avais seulement omis de partager la moitié du cheminement mental que mon esprit avait effectué entre temps. Aussi, un long silence suivit ma décision, déclarée avec fermeté. « De quoi ? » demanda Oriane avec de grands yeux ronds, comme si elle eut mal entendue. « J'ai dis que, finalement, plutôt que de monter mon commerce à Avalon, je le ferais à Utopia. ». A nouveau il y eu une minute de flottement. « Et pourquoi donc Utopia ? » m'interrogea Yury, interloqué. « Excellente question ! » commençais-je en me tournant vivement vers lui. Trop vivement. La tête me tourna et je dus marquer une pause le temps que le monde cesse de tourner. « Comme quoi. Il est possible de finir alcoolisé juste avec des chocolat à la liqueur. » commenta Oriane. Je soupirai. « J'en ai mangé trois. Je me suis arrêtée quand Yury est apparu. C'est pas avec trois chocolat que je vais finir bourrée. » répliquai-je agacée. « Attends, déjà je vais me changer et j'arrive. ». Aussi me levai-je pour quitter mes vêtements actuels afin de ne pas être ennuyée lors de mon changement d'apparence.

Lorsque je revins dans le salon sous mon nouveau visage, je m'assis lourdement sur la chaise que j'avais quitté et pris une profonde inspiration. Je n'avais parcouru qu'une dizaine de mètres, grand maximum, allez-retour, et pourtant j'avais la sensation d'avoir parcouru Avalon de long en large une journée entière. « Bonjour Kyra. » fit Oriane avec humour. « Est-ce que changer de peau t'auras aussi remit les idées en place ? ». J'exhalai un souffle. « Contrairement à ce que tu crois, ce n'est pas un coup de tête ou une idée farfelue. » - « Monter un commerce à Utopia ? Pas une idée farfelue ? Qu'est-ce que ça peut être une idée farfelue si ça ça ne l'est pas ? » - « Je suis de son avis. Il y a mieux comme endroit pour ouvrir un établissement à l'étranger. » confirma le Colérique. Je fronçai des sourcils. Ça je le savais. Mais s'ils m'écoutaient jusqu'au bout alors ils cesseraient de douter de cette manière et me prendre pour une illuminée. « Évidemment, j'y ai pensé. Et c'est justement cette réflexion qui m'a fait choisir le Désert. ». L'incompréhension les gagnants toujours plus, je m'expliquais. « Il y a déjà trop de taverne en tout genre à Avalon. La concurrence est hors-norme. » - « Et il est où le rapport avec Utopia ? » - « 'Y 'iens. » répondis-je à la Luxurieuse dubitative, après avoir fourrée un chocolat noir à la noisette dans la bouche. Je repris seulement après l'avoir avalée. « Aucune race magique n'est présente à Utopia. Enfin sauf les Anges, mais sinon y a que des Humains. » - « Normal. Qui voudrait aller là-bas de toute façon ? Les Anges sont immunisés à leur anti-magie, donc ils s'en foutent eux. D'ailleurs, je suis étonné que tu veuilles y aller alors que tu utilises régulièrement la magie toi. » fis remarquer Yury. « Je me débrouillerais pour ça. » fis-je en balayant l'air d'un revers de main. « Être la première, se faire accepter parmi les Humains et malgré les Anges qui pourraient être présent et dont certains pourraient être réticents à la présence d'une Déchue, et réussir à faire tenir l'établissement avec ces contraintes, en plus de devoir le faire fonctionner sans magies. » énumérai-je en dénombrant mes objectifs, appuyant ceux-ci en les dénombrant de mes doigts également que je levais devant mon visage. « Si j'arrive à le faire fleurir et prospérer là-bas, à m'attirer une clientèle et la fidéliser, je sais que je pourrais tenir et faire grandir un bar à vin ici sans soucis. Après tout, ma seule contrainte à Avalon, c'est la concurrence. » expliquais-je avec un large sourire. Je ne récoltais que des regards circonspects. « C'est folie oui. » finit par conclure Oriane dans un souffle de dépit. « Tu sais ce qu'on dit. Il est parfois bon d'avoir un grain de folie. » rétorquai-je arrachant un soupir las de la part de la Luxurieuse. Puis je me tournai vers Yuri, sentant son regard peser sur moi. « Qu'est-ce qu'il y a ? » - « Est-ce que ça n'aurait pas mieux valu que tu gardes le visage de Kjěll pour ce projet ? ». Je le fixai, interrogative. « Kyra est connue chez les Anges à l'inverse de Kjěll. ». La Coupe des Nations, bien sûr, sans parler de ma famille. C'était amusant d'en reparler maintenant. C'était juste après l'épreuve angélique qu'avait eût lieu ma dernière Mue et c'était là que j'avais revêtue l'apparence de Kjěll justement. « Je ne pense pas que ça ait quelques impacts. Ce n'est pas comme si j'avais été classée. Et ce serait chez les Humains que je m'installerai. Les Anges peuvent faire part de leurs avis à leurs Humains, ils n'ont aucun pouvoir d'agir. » - « Mais certains ont de l'influence. ». Je haussai des épaules. « Oui, et c'est pour ça que je me dis que c'est mieux ainsi justement. ». Car c'était justement sous mon visage masculin que j'avais vécue le Conte des Trois Royaumes. Un sujet qui serait à éviter en certaines circonstances donc. Je ne pus pourtant réprimer un sourire amusé en me saisissant du chocoNeah. Le monde était joueur. « C'est à toi de voir. Quand est-ce que tu comptes y aller ? » - « Je ne sais pas. Après ma Mue, ça c'est certain en tout cas. » concluai-je en m'étalant de tout mon long sur la table. Je devais avoir l'air d'une limande échouée comme ça. « J'ai une dernière question. » - « Hum ? » - « Est-ce que tu sais te servir d'une arme ? ». Je relevai le visage, inquiète. « Pourquoi tu demandes ça ? » - « Tu ne peux pas compter sur la Mue pour te sauver là-bas en cas de pépin. Le minimum c'est que tu sois capable de te défendre avec la seule aide d'une arme puisque ta magie sera tout aussi inutile. ». Je reposai doucement la tête sur la table. « Tu as peut-être raison. » répliquai-je dans un murmure. Je n'avais pas souvent dégainé l'épée. Ça avait toujours mal fini pour moi les rares fois où je l'eus fais. Je crois tout simplement que le principe d'arracher la vie à un être est un principe qu'il m'est difficile d'appréhender et d'assimiler.

Le seul répit auquel j'eus droit fut celui de ma Mue, si tant est que l'on puisse parler de répit. À peine celle-ci terminée, Yury vint me chercher pour changer mes habitudes. « Ça ne pouvait pas attendre ? Je reprends à peine le travail, j'ai même pas eu le temps de leur dire que je comptais m'absenter. » - « Plus tôt on aura fini mieux ce sera. Surtout que je te vois bien disparaître du jour au lendemain juste parce que tu auras décidé que c'était le moment. » rétorqua le Colérique qui délaissât sa veste sur un dossier. J'affichais une moue boudeuse avant de détailler la pièce dans laquelle il m'avait mené. Grande, elle contenait tout ce qu'il fallait pour un entraînement quotidien, s'il ne se trouvait pas à la caserne. Tandis qu'il reprit la parole, je m'avançai vers un mannequin, curieuse. « Donc on part d'une base zéro, c'est ça ? » demanda-t-il. Je me tournai vers lui, le découvrant sur la chaise à allumer une pipe. « Peut-être pas zéro. Disons un et demi ? Un peu plus dans certaines conditions éventuellement ? ». Il fronça des sourcils, dubitatif. « Certaines conditions ? C'est possible d'être plus précise, même si j'ai mon idée ? » - « Avec quelques artefacts, des sorts et bidules du genre. » expliquai-je avec un soupir. Puis, alors que tout ces "bidules" défilaient devant mes yeux, une exclamation m'échappai. « Regarde ! J'ai ça part exemple ! ». Un marteau de guerre apparu lourdement entre mes mains. « Alors. J'ai pas la moindre idée de comment ça s'utilise. » commençais-je en balayant l'air de droite à gauche avant de le poser sur l'épaule. « Mais il est cool parce que j'ai pas besoin de ça pour l'utiliser. » - « Comment ça ? ». Un sourire fendit mes lèvres, comme si je lui exposait une pièce de ma collection de jouet. C'était presque ça. « Parce que lorsqu'il fracasse le sol, la terre se déchire, au sens propre du terme. ». Un silence suivit. « Sérieusement ? » - « Évidemment. Je l'ai vu. » - « Et t'en a d'autres des comme ça ? ». La question était saupoudrée d'une touche de cynisme. Pourtant oui, il y en avait d'autres. « J'ai une armure. Une dague. Une cape aussi... » - « Une cape ? » - « Ouai ! Une cape de camouflage ! Attends je te montre ! ». Je tendais le marteau à Yury qui s'en saisît avec délicatesse tandis que je me concentrais pour faire apparaître entre mes mains un épais tissu de velours. « Regarde bien. Tu me vois... ». Là, je passai le vêtement sur mes épaules et cachai mon visage sous la capuche. « Tu me vois plus ! ». Et je le voyais sur son visage. Effectivement, je lui était devenue invisible. Avec un sourire, j'ôtai la capuche, laissant l'étrange vision d'une tête flottant seule dans la pièce. « Sinon j'ai aussi ré... » - « Ça va. J'ai compris. » me coupa-t-il sèchement. Il posa doucement l'arme au sol avant de se passer une main sur le visage et me fixer. « Putain. Je sais pas si c'est une chance que tu ne saches pas utiliser tout ça ou si c'est une chance que personne n'est encore été blessée de ton ignorance. ». Je me pinçai la lèvre à ses mots, soudainement coupable. « Désolée. ». Le Colérique balaya l'air de la main. « Peu importe. De toute façon tout ça ça te servira à rien dans le Désert. Même ça, ça deviendra juste un marteau de guerre que tu sais pas manier. ». Je baissais les yeux et retirai la cape avec une moue. C'était vrai. « Ronchonne pas, va. » reprit-il en se relevant. « C'est toi qui a décidé d'aller là-bas, à toi d'assumer. » - « Mais j'ai jamais dit que je voulais donner des coups là-bas. » répliquai-je, boudeuse. « Le but ce n'est pas de donner des coups mais de savoir les rendre si toi tu en reçois. » - « Et pourquoi je devrais les rendre ? » - « Tu n'es obligée à rien. Mais crois-moi, ce n'est pas inutile d'y être prête. C'est une chose à laquelle tu n'as pas dû te confronter bien souvent avec ta Gourmandise. » commença-t-il en se levant pour s'approcher de moi. « Mais je peux te le dire, moi, pour cohabiter elle avec depuis si longtemps. La Colère revêt bien des forme. Parfois sensée. Parfois ridicule. Elle peut s'éveiller pour des pacotilles. Une bousculade, un regard, ou un visage qui nous revient pas. ». Je reculai alors que je ne le voyais pas s'arrêter. « Elle peut être venimeuse et agresser par les mots seulement. ». Je butai contre le mannequin, me trouvant le dos contre la statue de bois et mon regard ancré dans les iris sombres de Yury. « Mais elle est toujours brûlante et finit toujours par blesser, que se soit psychologiquement ou physiquement, si ce n'est les deux, si personne ne la tait. ». Sa main se referma fermement sur ma mâchoire de sorte que je ne pouvais plus me détourner de lui et de son regard embrasé. « Yury. ». Il ne m'écoutait pas. « La majorité sait taire sa Colère, car le monde connaît ses effets destructeurs. » - « Yury ! ». Il commençait à me faire peur. « Pourtant certains ne se gênent pas pour lui laisser pleine liberté quand ça les arrange. » - « Yury s'il-te-plaît ! Tu me fais mal ! » m'exclamai-je enfin, une main sur son bras, les yeux brillants et le souffle court. Je ne vis nullement air désolé pourtant sur son visage. « Aucun Colérique n'a vécu ses premiers jours paisiblement. Regarde-les. Ils sont tous vu comme des bêtes imprévisibles, y compris par les leurs. Le principe est identique pour une personne en terre étrangère. Il vient d'ailleurs. Il ne maîtrise pas la langue. Il ne connait pas la culture. Il est différent. Et dans ton cas ce sera pire. Car tu t'imposeras chez eux. ». Je le fixais longuement. Oui. Je le savais déjà. Pourquoi devait-il seulement accentuer cela et m'annoncer que la tâche serait plus ardue que je l'espérais ? Parce qu'elle le serait, tout simplement.

Un coup. J'arrivai à l'arrêter, non sans une grimace au passage. Pourtant je me retrouvai tout de même au sol dans une exclamation surprise à fixer le plafond avec une moue agacée. J'avais pleinement conscience de la différence de niveau qui nous séparait, mais tout de même. « C'est bien de savoir contrer, mais si c'est pour finir par terre par ce que même un gosse peut faire. » - « Oui, oui. » ronchonnai-je en me saisissant de la main tendue. De nouveau sur pied, je balayai mes vêtements du plat de la main. « Mais comment tu veux que j'évite ça ? J'ai pas six yeux ! ». Je pourrais. Mais ce n'était pas le but. « Si tu les gardais ouverts, ça n'arriverait pas. » - « Gnagnagna. ». Un rictus s'invita sur le visage de Yury alors que je croisais les bras, agacée de ses remarques incessantes. « Une pause ? » - « Je veux bien. » répondis-je avec un soupir de soulagement. « Je vais bientôt partir je pense. » fis-je en m'étirant la nuque endolorie. « Ah ? » - « Oui. Apparemment il se prépare quelque chose sur leurs territoires. » - « Et alors ? » - « Il se dit aussi qu'à cette occasion, ils entrouvriront leurs cités. » - « Tu crois sincèrement que le monde extérieur va se ruer à leurs portes ? ». Me laissant lourdement tomber sur l'épais tapis recouvrant le sol, je dévisageai Yury, nonchalamment assis sur une chaise. « Je ne sais pas. Peut-être pas à Utopia. Leur territoire à Tælora sera peut-être plus envahit. La retraite y est plus aisée en cas de problème. » - « À Tælora ? Ils ont un territoire là-bas ? » demanda le Colérique, surprit. Je hochai la tête tandis que je pus voir un rictus se dessiner sur ses lèvres. « Impressionnant ? C'est ça ? ». Un rire bref lui échappa. « La ferme. Plutôt que les encenser, si on se remettait au taf. T'es prêtes ? ». Déjà ? « D'accord. Une sec... ». J'eus à peine le temps de me redresser pour lui répondre que je le voyais déjà foncer sur moi, un pied de la chaise dans les mains. Je ne réfléchis pas et frappais dans mes mains comme j'appelais celle dont j'avais revêtue les traits le temps d'une histoire.

Je ne compris pas ce qu'il se passait. Qui était cet homme ? Où étais-je ? Qu'était-il advenu de l'armée impériale ? Et le Capitaine Shang ? Comme les questions, innombrables, traversèrent mon esprit, je perçue une lueur de doute et de surprise dans le regard de celui que je supposais être mon ennemi, probablement un soldat à la botte de ce chien de Shan-Yu. Je profitai de cette hésitation pour plonger sur lui à mon tour et me saisir de son bras armé. Je compris alors l'homme fort et entraîné, ce qui renforça ma première hypothèse. Enserrant son bras, je tentai le faire passer par-dessus mon épaule. Le bougre eût rapidement saisit la manœuvre et m'entrava mon poignet libre de sa main avant que je ne puisse agir. Je libérais son autre bras afin de m'offrir un pouvoir d'action. Il ne m'en donnât pas le temps. Par quelques sorcelleries une imposante paire d'aile aux couleurs de geais apparue dans son dos et, d'un puissant battement de celles-ci, il déstabilisa mes appuis et le maintien que j'avais sur lui, ne me laissant aucunement le temps et les moyens pour réagir à la suite. Du coin de l'œil je vis une épée remplacer le bout de bois et celle-ci rudement se diriger vers moi.

Je portais une main à ma tempe dans un gémissement douloureux. Puis j'entendis la porte claquer doucement. Je pris quelques instants pour me réveiller alors que j'avais la sensation qu'un tambour battait la cadence dans mon crâne. « Flûte. » fis-je enfin dans un souffle tandis que la raison de mon état actuel me revenait petit à petit. « C'est le moins qu'on puisse dire. C'était quoi ça ? » entendis-je Yury répliquer. Son ton était cinglant. Aussi je pris la peine de me relever pour lui faire face. C'est là que je constatai des traces d'ecchymoses sur ses avant-bras. « Désolée. ». J'aurais dû m'en douter que ça se passerait comme ça. Non ? « Alors ? ». Je pris une inspiration. « Tu connais le Conte des Trois Royaumes ? » - « Tout le monde en parle, c'est difficile de pas connaître. » - « Et bien voilà. Tu vois le personnage de Mulan ? Je peux le devenir. C'est ça que tu as vu. ». Le Colérique marqua un temps, soufflant un panache de fumée blanche avant de déclarer « Oublie-la. Pour l'instant, oublie-la. » - « Oui, je sais, pas de magie. Ça a été un réflexe. ». Il nia de la tête tout en tirant sur sa pipe. « Cette fille, c'est une combattante. Et à l'image de tes armes, tu n'en as aucune maîtrise. Seulement elle, elle a une conscience propre et n'a pas besoin de toi pour être maniée et dangereuse. Alors oublie-la tant que tu ne sauras pas imposer ta conscience à la sienne avant de blesser quelqu'un à qui tu tiens. Maintenant reposes-toi. Et rentres chez toi quand tu te sentiras mieux. On se revoit demain soir. ». Puis, sans me laisser le temps de la réplique, il quitta la pièce. Alors je me rallongeai et trouvai le confort d'un oreiller disposé là, probablement le temps de mon inconscience, et méditais ses paroles. Dangereuse, vraiment ? Je ne l'avais jamais vu ainsi. Mais, finalement, je ne l'avais jamais vu autrement que dans le Conte, là où j'avais arboré ses traits. J'exhalai un souffle. « Je vais y réfléchir. » répondis-je finalement dans le néant, tant au conseil de Yury que pour moi