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 Amon, le gardien du Savoir

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Dim 01 Nov 2015, 18:37

Il avait pris sa décision sans trop hésiter. Tout le monde dans la famille le traitait comme un étranger, un intrus. Il y avait un mélange de doute et d’ignorance dans l’air depuis quelques années, mais les événements récents qui s’étaient produits dans la forêt, lieu de refuge du garçon, avait confirmé le désir de celui-ci de s’éloigner totalement de cette famille hostile. Il lui fallut plusieurs jours avant de revenir chez lui après la mort de son Maître. C’était le pas lent et lourd qu’il avait fait ce voyage de retour. Sur place, personne ne lui posait de question sur son apparente tristesse, ou sur ses occupations. Les gens avaient appris à l’ignorer car être vu en sa compagnie était aussi perçu comme une faute étant donné que la réputation d’Andrzej était mitigée. Il avait donc le champ libre pour se préparer. Il prit son sac de voyage habituel et le remplit de diverses provisions, d’une petite carte des environs proches qu’il avait griffonné pour passer le temps, des outils et armes pour la survie ainsi qu’une bonne paire de bottes de marche. Le soir même, alors que les membres du clan étaient presque tous endormis, il se faufilait hors de l’enceinte du village et, sous le nez des sentinelles, s’échappait vers le Nord.

Il n’avait aucune raison particulière d’aller dans cette direction hormis les quelques rumeurs colportées par des marchands ambulants. Ces derniers faisaient régulièrement une halte dans le hameau pour vendre des produits et se ravitailler avant de reprendre la route et souvent, lorsque quelqu’un de l’extérieur arrivait, une curiosité maladive prenait le village telle une fièvre. Ils amenaient avec eux des récits du grand désert qui s’étendait à perte de vue, de cette incroyable cité Utopia, du Palais des voyageurs, de arts et lettres, de la gastronomie. Tout semblait féérique dans les villes mais l’extérieur était affreusement mal vu à cause des tempêtes de sable, de l’aridité, de la sécheresse et autres brigands se terrant dans les dunes. Andrzej avait entendu lui aussi ces récits et il était arrivé à une conclusion. S’il était détenteur d’un avenir pour la Nature, pour lui donner une seconde chance, peut-être devrait-il chercher là où la Nature a disparu pour laisser place au désert. Sans doute ce gland détient une force magique si forte qu’il redonnera la vie dans cette zone de mort en recréant forêts ou jungles, plaines ou collines verdoyantes. C’était avec ces rêves en tête qu’il quittait, pour toujours, son village natal.

Le début du trajet n’était pas si complexe. Il pouvait compter sur sa carte rudimentaire et ses souvenirs d’explorations spontanées pour naviguer vers l’entrée du désert. Mais une fois passé ce point, les choses sérieuses commencèrent. Les journées étaient chaudes à en mourir et les nuits si froides que l’hypothermie guettait le voyageur imprudent. C’était le cas du Bélua qui devait lutter contre le chaud et le froid, alternativement, pendant trois jours. A cela, il devait aussi lutter contre la peur qui le prenait au ventre lors de la tombée de la nuit car dans les dunes résonnaient des cris de voyageurs ayant établi un campement et donc attiré l’attention de brigands patrouillant dans la région. Il y avait aussi ces tempêtes de sable qui prenaient à peine une seconde pour se former afin de balayer les traces et repères pour disparaitre aussi vite. Andrzej faillit bien y laisser la vie dans ce désert mais fort heureusement pour lui, une caravane mal fortunée croisait sa route.

Le chef de cette caravane, un marchand bedonnant accompagné de quelques suivants maladroits et une petite garde de deux hommes, faisaient chemin vers le sud mais ils avaient été attaqués par des brigands et les deux mercenaires restant étaient blessés et démoralisés. Il avait donc décidé de rebrousser chemin pour mieux se préparer. Andrzej avait une apparence robuste malgré son jeune âge et le marchand lui proposait alors de partager les rations et un peu de chaleur la nuit en échange d’une escorte vers le Palais de Dasha. Le jeune homme ne fit aucune objection concernant ce plan, il en était même heureux car il pourrait augmenter ses chances de survie sans pour autant dévier de sa course. Il se surprit à se féliciter du malheur du chef de caravane. Ils voyagèrent donc ainsi pendant environ une semaine avant d’enfin atteindre les portes principales de ce qui était connu sous le nom de la métropole des voyageurs.

Les grandes portes d’entrée de la ville étaient gardées par des sentinelles et des scribes bardés de sceaux et parchemins. Ils régulaient les allers et venues des marchands, des pèlerins, des réfugiés, des mercenaires et de tous les autres. Grâce au marchand qui l’avait pris sous son aile, Andrzej put entrer sans soucis et il se félicitait encore de cette chance inouïe quand il vit que des centaines de personnes attendaient encore au dehors dans des camps de fortune, patientant pour obtenir une autorisation administrative ou un document précis. C’était là que leurs chemins se séparèrent, le marchand anonyme n’ayant plus besoin d’escorte et Andrzej n’ayant plus besoin de laisser-passer.

Dans un premier temps, il fit un tour de la ville et tout respirait l’effervescence du voyage. Les étals des vendeurs grouillaient de visiteurs et ces derniers négociaient autant que possible. Des bâtisses à l’architecture à couper le souffle accueillaient des auberges, des théâtres, des tavernes, des magasins, des bibliothèques. On pouvait tout trouver ou presque. Il y avait aussi, à chaque coin de rue, des voyageurs qui ne cessaient de vanter la beauté du jardin qu’il venait de visiter. Ou alors l’immensité du Palais intérieur. Ou encore le nombre élevé de gens faisant la file pour avoir audience au sein de la guilde des cartographes. Et c’était bien cette dernière information qui retint l’attention d’Andrzej. Il avait en effet un but, une mission, de l’équipement, mais aucune idée des meilleures manières de faire pour voyager, surtout dans le désert. Il avait failli mourir en trois jours, il ne voulait pas se faire piéger à nouveau. Il se rendit donc vers le bâtiment des cartographes en demandant son chemin et en effet, le nombre de personnes faisant la queue était énorme. Il dut attendre presque toute la journée pour enfin entrer dans le bâtiment. Mais ce n’était que la première étape, ensuite il lui fallait trouver le bon département afin d’obtenir les bonnes informations. Il essayait avec « voyage intérieur » mais ce n’était pas correct. Lorsqu’il s’approchait de « archéologie lointaine », il comprit qu’il était perdu dans les archives. Il trouvait finalement « explorations contemporaines ». Un humain d’âge plutôt avancé se tenait là, derrière un bureau et invitait le Bélua à entrer.

« Bonjour… Je ne sais pas si je suis au bon endroit. J’aimerais des informations de voyage dans le désert. »

« Cela dépend d’où vous voulez aller. Le désert n’est pas uniforme, il y a les ergs, les dunes hautes comme les collines, la partie bordant l’océan. Il y a aussi Utopia, vous voulez une carte du centre-ville ? »


Et il commençait déjà à farfouiller parmi des brochures et autres dépliants pour touristes. Andrzej avait remarqué cela et s’imaginait avoir perdu une journée entière pour obtenir un guide touristique des caves à vin de la ville. La déception pouvait se lire sur son visage. Fort heureusement, car le vieil homme le remarquait.

« Vous désirez d’autres informations on dirait jeune homme… Racontez-moi tout »

« Je ne vais pas entrer dans les détails mais j’ai besoin de voyager dans le désert, jusqu’à Utopia dans un premier temps. Seulement, c’est la première fois que je fais ce genre de long voyage alors je ne suis pas sûr de suivre la bonne voie au niveau préparation. »


C’est alors que les yeux du vieux bourlingueur s’illuminèrent d’une vive lueur. Un sourire grandissait à chaque seconde sur son visage. Toutefois, ce n’était pas ce regard et sourire avide du marchand ayant trouvé un moyen de faire levier pour augmenter les prix et plumer quelqu’un, non, c’était le sourire du passionné de voyage, écroué derrière un bureau, qui avait à nouveau l’occasion de faire profiter de son savoir et son expérience pour la transmettre à un jeune homme désireux de découvrir le monde comme il l’avait fait avant lui.

« Tu es tombé au bon endroit ! Assieds-toi, déposes ton sac et écoutes … Ha, mais avant de commencer, je ne peux pas donner d’informations gratuitement. C’est la politique de notre guilde et je suis tenu de la respecter. »

« J’ai quelques pièces que j’avais économisé. Je ne sais pas combien je dois vous donner mais … »

« Du moment que tu donnes quelque chose, n’importe quel montant, ça ira. Donc, si tu veux faire un voyage de manière efficace, la première chose est d’avoir un plan. Alors … »


Et les deux hommes se mirent à discuter. L’un étalait ses aventures passées et ses moments de dangereuse gloire tandis que l’autre épongeait du mieux les informations obtenues pour mettre sur pied la suite de son expédition nordique. Alentour, les clients et cartographes s’affairaient et ignoraient totalement les deux personnes en train de parler. De temps à autres, une personne tendait l’oreille, un membre de la guilde souriait en entendant les histories de voyages par-delà les mers en plongeant dans la nostalgie ou encore un garçon curieux venait s’inviter. Les heures passèrent telles des secondes et bien vite, avant même de s’en être rendu compte, ils avaient allumés plusieurs bougies pour continuer à parler ensemble après la fermeture de la guilde. Finalement, la source de savoir finit par se tarir difficilement et c’était avec un énorme mal de crâne mais un sourire de contentement qu’Andrzej quittait les lieux. Le vieil homme le regardait sortir de la pièce, lui aussi tout sourire, et jalousait le jeune Bélua qui pourrait à son tour vivre d’extraordinaires aventures.

« Théorie, c’est bon. Ce qu’il me reste maintenant, c’est à mettre en pratique »

La première chose qu’il allait devoir faire était de trouver une colonne marchande ou un convoi quelconque, malheureusement, c’était la période des tornades. Une fois par an, pendant environ deux semaines, les bourrasques de vent étaient si violentes que les tornades de sable empêchaient tout déplacement dans le désert. Certains caravaniers chevronnés avaient déjà laissés la vie en tentant l’impossible. Andrzej avait en ce moment l’impression que le karma agissait. Il avait eu la chance d’obtenir énormément d’informations presque gratuitement mais il ne pouvait les mettre en application. Cela lui laisserait au moins le temps de rassembler le reste de l’équipement requis tel qu’une protection complète du visage, ferrer ses bottes tout en allégeant ses vêtements pour lutter contre la chaleur, trouver une tente adéquate et avec un motif de camouflage mais surtout faire le plein de provisions. Mais pour l’instant, il faisait nuit et il était physiquement et mentalement fatigué. Il se dirigeait vers la taverne la plus proche, qui proposait aussi des chambres à prix modestes, selon la publicité affichée.

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Dim 06 Déc 2015, 10:48

A peine la porte de la taverne fut ouverte, une forte odeur de bière et de nourriture envahissait les narines du jeune homme. Il était affamé car il avait passé la journée à faire la file dans la guilde des voyageurs et passé un bon début de la soirée à parler avec le vieil explorateur. Sans se faire prier, il s’installait à l’une des tables vides dans un des coins de la pièce. Les gens présents semblaient l’éviter et préféraient rester debout près du bar pour entendre les contes et histoires de voyages et, surtout, surenchérir sur leurs exploits personnels. Il n’y avait, pour eux, aucun intérêt à se tenir à l’écart. Par contre, Andrzej voyait cela comme un bon moyen de se réchauffer, se nourrir et traiter toutes les informations obtenues.

La serveuse, une jeune femme plutôt attirante, vint se présenter à la table pour prendre la commande. En palpant vivement sa bourse, il fit tinter les quelques pièces qu’il avait sur lui pour estimer le montant de sa piètre fortune. De là, il comprit qu’il ne pouvait pas se permettre de manger comme un prince. Il commandait un simple goulash, un quignon de pain et un boc de vin rouge. Repas modeste mais suffisant pour lui.

Alors qu’il entamait son plat, il faisait l’inventaire de la situation. Il était bloqué dans cette ville pendant environ deux semaines du fait des tornades de sable. Il lui fallait donc trouver un moyen de traverser cette tempête, ce qui était très risqué, ou bien trouver un emploi temporaire de manière à payer son séjour sur place et sa nourriture. Dans les deux cas, la perspective ne le réjouissait guère. Une vague de défaitisme le prenait à la gorge quand il se rendit compte que dès le début de sa quête, il était coincé et retardé. Peu importe la manière dont il tournait et retournait la situation, il allait rester au Palais. De temps à autres, il relevait la tête de sa gamelle pour observer les gens aux alentours. La plupart semblaient être des baroudeurs ou de riches marchands se pavanant tels des paons. Des adolescents s’invitaient dans les cercles de discussions pour se gaver d’histoires mais l’un d’eux semblait lancer des regards nerveux en direction de la table d’Andrzej. Après quelques minutes, il se dirigeait vers lui. Il avait un pas décidé et une grande joie visible sur son visage. Il portait un pantalon brun simple, des bottes hautes, une tunique bleue et un tablier de cuir souple.

Un jeune homme aux cheveux blonds mi-longs et à la mine enjouée vint s’asseoir à sa table. Andrzej était en train de porter la cuillère de bois vers sa bouche afin de reprendre une nouvelle bouchée de ce goulash maison et il se stoppait net, fixant le nouvel arrivant. Ce dernier ne disait pas un mot, il se contentait de sourire en observant le Bélua. Un silence s’installait à cette table tandis que le reste de l’auberge était toujours aussi animée. Lentement, sur ses gardes, Andrzej reposait son couvert et était prêt à se défendre si l’autre inconnu se mettait à faire quelque chose de suspect. Il avait déjà entendu parler de ces détrousseurs de voyageurs et autres personnes peu recommandables. Toutefois, l’aspect général de l’humain respirait la gentillesse et l’enthousiasme. C’était sans doute là le piège. Après plusieurs longues secondes d’observation supplémentaires, le guerrier de la Nature se mit à parler.

« Qu’est que v… »

« Je m’appelle Henri, je suis Ingénieur. Enfin, futur ingénieur car j’ai pas encore officiellement de maître, et même si j’en avais un j’ai pas encore les bases des techniques… de base hahaha. C’est pas vraiment ma faute notes, j’ai juste pas eu la possibilité de me pencher là-dessus car dans mon village natal, vers l’ouest, il n’y a pas beaucoup d’artisans et de forgerons donc fatalement hein. Donc oui, futur ingénieur et … »

« Ola du calme. Respire de temps en temps, tu parles trop vite. Henri c’est bien ça ? »

« OUI ! »


Il accompagnait cette affirmation d’un énorme sourire lui fendant le visage en deux. Les joues d’Henri rougissaient légèrement et il semblait trembler, ou plutôt sautiller ostensiblement sur son siège. Toutefois Andrzej ne désirait toujours pas baisser sa garde, l’approche juvénile de son interlocuteur étant probablement un moyen d’endormir la vigilance. Il posait sa main droite sur sa cuisse, de manière à ne pas avoir à faire de grands mouvements pour dégainer sa dague et se protéger tandis que de sa main gauche il jouait avec son gobelet en faisant tourner son contenu tel un connaisseur en vin.

« Et pourqu… »

« Car si je veux être un vrai ingénieur je dois voyager tiens ! D’ailleurs c’est la base car pour pouvoir créer des choses nouvelles, il faut connaître les anciennes. Il me faudrait des bases en travail du métal, en ébénisterie, en chimie même ! Car tu vois… »


C’était la deuxième fois que l’humain coupait la parole au Bélua. Il était soit véritablement enthousiaste soit un mauvais bonimenteur car il ne le caressait pas dans le sens du poil. Au contraire, il commençait à être légèrement agacé par cette attitude.

« Du calme ! Je voulais dire, pourquoi tu es venu me parler ? »

Un rire nerveux s’échappait des lèvres tremblantes d’Henri alors qu’il se frottait maladroitement les mains.

« Hahaha, désolé. C’est mon grand défaut. J’ai tellement d’idées et de projets que je veux tout faire en même temps et c’est parfois … chaotique. Donc, je reprends depuis le début si tu veux. »

Faisant un effort surhumain sur son caractère naturel, il se rassit plus confortablement, son sautillement s’arrêtant immédiatement. Il posait calmement les mains, paumes vers le bas, à plat sur la table pour se tenir tranquille. Il s’éclaircit la gorge et se mit à fixer un point au loin comme s’il essayait de se concentrer sur quelque chose afin de rassembler son esprit et son calme. Cela semblait à une véritable routine de méditation, ce qui renforçait l’idée naissante d’Andrzej sur la sincérité de ce comportement. La boule d’énergie avait enfin retrouvé un semblant de contenance et d’une voix plus lente mais toujours rythmée par un accent occidental, il reprit son récit depuis le début.

« Je suis Henri d’Hochland. J’ai grandi dans un village plus loin à l’ouest. Depuis tout petit, j’ai toujours admiré le forgeron qui pliait le métal pour faire des outils, l’ébéniste qui travaillait le bois pour construire des maisons et l’apothicaire qui récoltait les herbes pour soigner les maladies. C’était fascinant pour moi mais quand j’ai pris de l’âge et donc appris de plus en plus sur chacun de ces rôles, par curiosité, j’ai trouvé qu’il manquait un petit quelque chose. Une sorte de … coopération. Que pourrait-il se passer si par exemple un ébéniste mettait de côté son orgueil et se mettait à travailler pleinement avec un forgeron ? Quel type de création pourrait-il en ressortir ? »

Il se mettait à nouveau à sautiller légèrement et son sourire revenait. Il le sentit. Il fixait à nouveau un point au loin pour rester calme. Andrzej avait reposé sa main droite sur la table. Il ne se sentait plus du tout menacé par cet inconnu qui le devenait de moins en moins. Et puis il avait aussi eu le temps de l’observer. Les mains d’Henri étaient certes abîmées mais ce n’était pas par la guerre mais par le travail. Ses gestes étaient peu assurés mais dès qu’il parlait de son projet, il devenait sûr, affirmé. C’était un passionné aux airs bizarres mais pas un guerrier et encore moins un détrousseur.

« Je vois un peu mieux. Mais alors pourquoi tu es venu me parler ? »

« Je … Je m’excuse d’avance. Comme je l’avais dit, il n’y a pas beaucoup d’artisans renommés dans mon patelin donc dès que j’ai pu, j’ai commencé à voyager. J’avais fait des petits travaux comme apprentis et là j’ai directement voyagé vers l’est, vers ce Palais de Dasha pour aller me présenter à la guilde des voyageurs pour obtenir des noms, des directions, des recommandations pour les grands artisans de ce monde. Et … Bah … j’ai entendu malgré moi ta conversation. Tu veux aller à Utopia non ? Moi aussi mais vu la tempête qui se déchaîne, on doit y aller par un moyen moins conventionnel. Et c’est là que j’entre en jeu. »


Il n’arrivait plus à se retenir, pas après avoir annoncé cela. Il trépignait d’impatience. Andrzej avait un peu écarquillé les yeux. Ce type, qu’il n’avait jamais vu auparavant, qui semblait bizarre, qui s’invitait à sa table, lui avouait qu’il avait écouté aux portes. Il était énervé et il le montrait en serrant fortement son gobelet de bois. Il joignait les mains pour se retenir de l’empoigner par le col pour le jeter hors de son siège et de la taverne. Avec un grand effort, il retint de montrer sa colère mais on pouvait la déceler dans sa voix.

« Premièrement, mes projets ne concernent que moi et moi seul. Estimes-toi heureux que je ne te saute pas à la gorge. Deuxièmement, il y a cette tempête donc ni toi ni moi ne pouvons aller à Utopia pour le moment. Troisièmement, je n’ai plus envie d’écouter tes … »

« Mais on peut traverser cette tempête. »

« Arrête de m’interromp… »

« Si si je t’assure ! »

« Tu m’écou… »

« J’ai tout organisé ! »


A nouveau le silence. Andrzej était en colère, complètement. Ses doigts craquaient sous la pression qu’il exerçait malgré lui pour serrait ses poings et non le cou de son interlocuteur. Henri, quant à lui, était persuadé que ce qu’il venait d’annoncer une bonne nouvelle et que ce craquement était dû à l’excitation du Bélua. Il souriait de plus en plus, un léger rire s’échappait de ses lèvres de temps à autres. Dans un dernier effort, précédent une bagarre, Andrzej articulait de manière lente et intelligible quelques mots.

« Phrases courtes, droit au but. Comment et pourquoi j’irais à Utopia avec toi ? »

« Je connais un marchand qui a un moyen de traverser les tempêtes. La condition pour l’accompagner c’est que je recrute un garde pour protéger la caravane. Trajet gratuit. Voyage rapide. On démarre demain matin. »


La perspective de gagner plusieurs jours dans son pèlerinage, ajoutée au voyage gratuit, venait de calmer totalement le jeune guerrier qui était plutôt enjoué à l’idée de continuer sans devoir poireauter plusieurs jours dans une auberge. Enfin, s’il avait suffisamment d’argent pour payer une chambre car il risquait fortement de devoir finir les derniers jours de son séjour au Palais dans les rues par manque de financement. Il éloignait ses mains l’une de l’autre et commençait à son tour à trépigner sur place d’excitation. Une longue discussion commençait entre les deux futurs comparses. Sans perdre un seul instant, Henri lui exposait toute la situation de son rythme verbal élevé. A plusieurs reprises il fut réprimandé par Andrzej à ce sujet mais ce dernier était tellement content de cette opportunité de voyage qu’il ne lui en tenait pas rigueur.

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Dim 17 Jan 2016, 20:38

Comme cela avait été prévu lors de la rencontre de la veille, les deux compagnons de voyage se retrouvèrent à un point donné de la ville pour se diriger vers cette fameuse personne qui leur permettrait de traverser les tempêtes. En chemin, ils discutèrent un peu. Du moins, Henri parlait, beaucoup, et Andrzej acquiesçait de temps à autres. Ce dernier se disait qu’il avait tout de même de la chance mais qu’il allait avoir beaucoup de mal à supporter les discussions stériles dont il était la victime jusqu’à présent pendant le reste du voyage. Fort heureusement, ils arrivèrent à un petit poste connexe à un atelier. Il y avait une grande double porte d’entrée permettant de faire entrer et sortir divers véhicules. Sortant du toit, une grande construction de bois et de métal semblait maintenait un système de cordage et de poulies pour le transport de lourdes charges. Une grue improvisée pour charger d’importantes cargaisons sans doute.

« Drôle de marchand… »

« Mais si, c’est un marchand. Il ne se contente pas de vendre juste des objets et tissus mais aussi des inventions, du savoir. »


Cette dernière précision ravivait la curiosité du Bélua qui recherchait toujours des indices sur la nature du Chêne Blanc et de sa mission. Si ce marchand était un vendeur de connaissance, il aurait sans doute des éléments à lui fournir. Les deux jeunes gens se présentèrent à la porte principale du hangar et furent accueilli par des gardes, des mercenaires à en juger par leurs mines peu recommandables et creusées par les conflits. Henri, pour ne pas manquer à ses habitudes, prit la parole et se mit à enchaîner les tentatives de persuasion, ineffectives, pour que les gardes leur permirent d’entrer.

« Laissez-les passer, je connais ce jeune garçon »

Le maître des lieux, le fameux marchand, avait entendu la voix d’Henri et l’avait reconnue. Il s’était lui-même déplacé vers la porte pour confirmer les propos du jeune garçon. Andrzej, toujours silencieux, laissait les évènements se dérouler, il ne savait pas trop où il débarquait et c’était Henri qui avait le contact avec l’hôte des lieux. Celui-ci les invitait à entrer de manière somme toute chaleureuse et prit le blondin sous son bras. Il se penchait vers lui et Andrzej, un peu en retrait, n’entendait pas ce que les deux hommes se disaient. De temps en temps, le marchand jetait un coup d’œil vif et exercé en arrière en direction du Bélua avant de reprendre ses cachoteries. Ne prenant pas ombrage de ce comportement, Andrzej continuait de les suivre en regardant autour de lui. Il pouvait voir un nombre incroyable de créations uniques, d’œuvres d’art, des rangées de livres à n’en plus finir mais aussi un grand nombre de choses dont il ne connaissait ni le nom ni l’utilité. Peut-être même avaient-elles été créées par ce marchand original. Un moment, il oubliait totalement ses questions et admirait sans retenue aucune les machines autour de lui. Il fut rappelé à l’ordre quand le duo arrivait dans la partie la plus enfoncée du hangar. Plusieurs personnes attendaient déjà là. Sans perdre un instant, le marchand prit la parole.

« Avant toutes choses, bienvenue à tous. Je suis Eraf Al-Sharif. Je suis marchand mais surtout inventeur. Le but de cette expédition est de tester sur le terrain l’une de mes dernières inventions »

En finissant sa phrase, il se retournait avec un grand sourire vers une toile recouvrant sans doute la machine en question.

« Cette machine fonctionne, elle a déjà été testée auparavant mais jamais dans des conditions réelles. C’est pourquoi vous avez été acceptés lorsque vous avez exposés votre envie de traverser la tempête. Ce voyage est gratuit pour cette même raison. En vue du risque, minime mais présent, vous ne payez pas. La seule condition était que vous deviez trouver un compagnon de voyage pouvant, si besoin, prendre les armes. »

A ce moment-là, Andrzej se mit à observer plus attentivement les personnes présentes. Tout fut clair en un instant. Le groupe était composé de plusieurs binômes. A chaque fois, on pouvait voir un guerrier ou un mercenaire accompagner une personne ostensiblement riche ou instruite. Il y avait en tout quatre duos. Le premier était composé d’un homme d’âge moyen, un peu ventru, au regard vif et au nez crochu. Il portait de beaux habits de soie multicolore et un magnifique turban d’un blanc immaculé. A sa ceinture faite de bandes de tissus pendait une dague dont le fourreau était en or sertie de pierres précieuses. A en croire l’état d’usure de l’arme, il ne l’avait jamais utilisée et son embonpoint confirmait son manque d’exercices physiques. A ses côtés, une montagne de muscle engoncée dans une armure de cuir bouilli bardée de couteaux et autres armes de guerre. Son nez aplati et ses cheveux hirsutes lui donnaient un air de gorille sauvage prêt à fracasser quiconque le contrariait. Il était vêtu de noir de la tête au pied et ses bras nus affichaient avec fierté des muscles saillants. Son regard torve et sa ride de réflexion, par contre, laissaient présager d’un manque d’esprit flagrant car il semblait même avoir du mal à totalement comprendre ce que Eraf venait de dire.

L’autre duo était en fait un couple. Ils étaient connus dans cette partie du monde. La femme était une poétesse célèbre pour avoir déclamé dans les cours les plus éloignées et développé malgré elle un cercle d’admirateurs fervents. Elle était aussi tout à fait ravissante et jouait de ses atouts physiques comme de sa prose avec égale finesse. Elle portait des habits tout à fait normaux pour la région. Pantalon bouffant et petite veste brodée couverte de motifs dorés dans un style arabe des plus raffiné mais elle avait habilement su révéler sa plastique en pratiquant par endroits des ouvertures et autres modifications. Ses longs cheveux noirs légèrement bouclés retombaient sur ses épaules et elle faisait filer ses yeux en amande sur chaque détail de la scène, pensant sans doute à de futures rimes. Son ami, son galant, était un homme jeune lui aussi. Il arborait un style similaire à celui de sa compagne, les artifices révélateurs en moins. Il était connu pour être l’heureux élu du cœur de la poétesse mais aussi l’un des meilleurs archers des environs. Son grand arc qu’il portait dans le dos était connu pour être d’une très bonne facture et il pouvait percer un sou à plusieurs centaines de mètres de distance. Pour une raison qui était encore inconnue à ce moment, il ne quittait pas du regard Andrzej.

Les deux suivants étaient deux hommes. L’un d’eux portait des habits de facture classique mais hautement riche en détails. Il portait une sorte de besace d’où l’on pouvait voir des parchemins dépasser. Sa barbe finement taillée et son air propret indiquaient qu’il avait de l’argent. Les documents qu’il transportaient notaient une certaine érudition. Il s’agissait sans doute là d’un savant ou d’un diplomate en mission. C’était en observant le garde qui l’accompagnait qu’Andrzej savait que cet homme était un émissaire. Celui-ci avait amené un homme assez jeune au regard perçant et dont la tenue était maintenue de manière irréprochable, de même que son équipement. Ce type d’entretien et sa posture de pouvaient provenir que d’une vocation militaire. Il s’agissait donc sans doute d’un diplomate protégé par un lieutenant quelconque, en incognito. Le dernier groupe étant Henri et Andrzej.

Une fois ce tour d’horizon terminé, il reportait son attention à Eraf qui entamait l’exposé de cette mystérieuse machine. Tout à coup, il levait le voile d’un coup sec.

« Et la voici ! »

Il s’agissait d’une grande carriole de bois sombre, sans doute traité avec quelques substances particulières, montées sur six roues. Celles-ci étaient larges et munies de bandes de métal afin de pouvoir rouler sans encombres sur du sable et autres sols friables. Les essieux pivotaient sur deux axes, permettant d’avaler les montées et terrains accidentés sans soucis. De part et d’autre de l’habitacle étaient fixés des montants métalliques munis de crochets. Il n’y avait pas d’indices quant à leur utilité actuellement. Aussi, sur le haut avant du véhicule, un siège assez confortable en apparence avec, environ un mètre plus bas, un long mât de bois massif pouvant accueillir quatre cheveux. Il s’agissait là d’une impressionnante pièce d’ingénierie et d’artisanat. A mesure qu’il voyait ses convives inspecter leur moyen de locomotion avec plus ou moins de foi, le marchand se mit à détailler les nombreuses capacités de l’engin.

« Les roues peuvent rouler sur tout type de terrain solide ou semi-solide. La carriole en elle-même est renforcée par du bois prévu pour résister à tout type de temps et peut accueillir six personnes. L’intérieur est confortable et des commodités standards y sont prévues telles que coussins et boissons. »

Il arborait un grand sourire car il était sûr qu’avec cette dernière phrase, il avait pu commencer à persuader les nantis du groupe qui, peu importe les situations, rechignaient toujours à abandonner leur luxe et confort. Cependant, la jeune femme faisait la moue en apercevant que les besoins des hommes avaient été mis en avant, Eraf le remarquait.

« Il y a bien sûr tout le nécessaire de toilettes aussi. Parfums et autres essences sont à disposition dans une petite cassette sous les sièges afin de garder une certaine hygiène durant les longs trajets. »

Un petit rire se mit à courir parmi les guerriers qui se jetaient un regard entendu sur l’hygiène et son opposition avec la guerre et les combats. Andrzej ne se sentait pas plus concerné que cela, il n’y avait jamais prêté attention auparavant honnêtement.

« Et quelle sera la force motrice de l’engin ? »

Le diplomate ou érudit aux parchemins venait de parler, prenant un peu de court le marchand qui avait dans l’idée de présenter les aspects esthétiques et secondaires sans aborder le côté pratique, technique. Il était habitué à présenter ses projets à des investisseurs et autres marchands qui ne voyaient que le profit à faire ou la renommée qu’ils pouvaient tirer d’une acquisition.

« … Et bien, six chevaux de trait spécialement entraînés pour cela. Ils pourront tirer la carriole à un rythme des plus convenable. Et avant que vous me le demandiez mon cher : non, ils ne seront pas exposés à la tempête, nous non plus. Grâce à ceci ! »

Il étendit la main triomphalement vers ce qui ressemblait à une grande coque suspendue par des poulies et maintenue en position par la grue. Henri, depuis le début, était totalement ébahi. Il n’avait pas pipé mot depuis plusieurs minutes, chose qui était très étrange pour cet homme. Eraf tapait des mains à deux reprises et six magnifiques chevaux, à l’allure robuste, se virent attacher au mât principal. D’un geste autoritaire, il fit alors signe au grutier qui fit descendre l’énorme protection métallique pour la fixer sur les fameux crochets plus tôt décrits. Reprenant des airs de tortue, l’engin était fin prêt à accueillir ses premiers passagers officiels.
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Dim 31 Jan 2016, 15:04

Cela faisait à peine trois heures que le trajet avait débuté et déjà des affinités s’étaient créées. Très naturellement, le marchand et le diplomate érudit se rapprochèrent l’un de l’autre pour échanger des idées et autres épreuves philosophiques sur le commerce pour en tirer le meilleur profit possible. Ils avaient réquisitionné les meilleurs sièges et fait main basse sur une petite bouteille d’un alcool très fin et de grande renommée. Dans un coin de la carriole, le couple roucoulait outrageusement, frôlant parfois l’indécence. L’homme dévorait des yeux sa compagne tandis que celle-ci gardait un œil sur la cassette contenant les parfums de toilette promis par leur hôte. Les reste des guerriers, Andrzej inclus, quant à eux, s’étaient retrouvés à parler de leurs aventures, de leurs clients, de leurs armes favorites, de leurs premiers morts et de leurs premiers amours. Le thème du choix de la profession de garde du corps pour ce voyage fut abordé mais la froideur qu’il avait engendrée tua la conversation dans l’œuf. Henri avait réussi à se faufiler en dehors de l’habitacle pour aller assommer de question le conducteur, un digne anonyme muet. C’était sans doute la raison pour laquelle il avait été embauché pour ce projet. Lorsqu’il comprenait enfin la situation, il se mit à observer l’intérieur de la coque métallique, les chevaux et l’armature. Enfin, il retournait à l’intérieur et se décidait à poser directement les questions au propriétaire qui avait rejoint le voyage à la dernière minute, désireux d’observer ses passagers pour ce trajet inaugural.

« Comment le conducteur sait où il va ? »

Eraf semblait surpris par cette question. Bien sûr car il était tiré malgré lui de ses pensées et observations mais surtout parce que la plupart des passagers et clients à qui il avait à faire ne se préoccupaient pas de ce genre de choses. Ils voulaient savoir la vitesse des chevaux, la sécurité de la cargaison ou encore les profits possibles. Prenant un instant pour observer son interlocuteur plus profondément, il en profitait pour préparer sa réponse.

« Il y a, dans la coque, une petite fente permettant d’avoir une vision à un angle de cent quatre-vingt degrés de front. C’est suffisant pour savoir où on va. De toute façon, il y a une petite boussole fixée sur son siège pour garder le cap. »

« Mais les chevaux avancent toujours même s’ils ne voient pas où ils vont ? »

Il pensait avoir à faire un espion d’un rival mais si c’était le cas, il était novice ou bien très bête. Dans les deux cas, Eraf vit là une façon de le manipuler. Il répondrait à ses questions pour lui donner l’impression de gagner et accomplir sa mission et, ce faisant, il obtiendrait à son tour des informations sur l’employeur de ce maladroit. Il n’y avait rien de plus facile à surprendre une personne qui pense avoir gagné.

« Ce fut le plus dur. Il a fallu qu’on les dresse pendant plusieurs mois en les faisant avancer les yeux bandés dans des endroits confinés et aussi avec beaucoup de bruit car le vent souffle fort et par réflexe, ils vont essayer de fuir ou se cacher. »

« Ils parviennent à tirer l’armature et la coque sans souci ? C’est pas trop pour eux ? »

« Tout a été pensé, c’est pour ça qu’il n’y en a pas cinq ou trois mais exactement quatre. Des tests ont été menés et … et pourquoi vous posez toutes ces questions tout à coup ? Je me souviens que lors de notre première rencontre vous parliez d’une curiosité pour l’aventure mais là, je soupçonne un adversaire qui a envoyé un espion. »

Il annonçait directement cela comme si de rien n’était afin d’analyser la réaction du jeune homme. Les expressions faciales étaient très révélatrices dans ce genre de situation. Mais Eraf fut totalement pris au dépourvu en voyant l’honnêteté de la réponse.

« Non non non. Je suis très curieux c’est vrai mais parce que vous m’inspirez. J’aimerais moi aussi un jour être capable de mettre en place des projets de cette envergure et ingéniosité. »

Toujours habité par un léger doute, le marchand-inventeur décidait à lui parler un peu plus de ses inventions. Peut-être venait-il effectivement de trouver une personne à qui parler de ces œuvres et qui serait à même de comprendre les implications et la beauté de ses inventions.

« Ho, un confrère inventeur ? Avez-vous déjà commencé à mettre sur papier des idées ? »

« J’ai bien cette petite chose »

Il sortit un petit bout de papier de sa poche. A en croire l’état dans lequel il se trouvait, Henri l’avait sûrement trituré dans tous les sens, lu et relu. Il l’ouvrit pour révéler une série de schéma d’une grande précision et présentant des traces de modifications perpétuelles en vue d’obtenir le résultat parfait. On pouvait y deviner un manche muni d’une manivelle à ressorts qui aurait pour but de faire pivoter un tube à quatre compartiments. Il y avait d’autres schéma techniques secondaires pour décrire l’intérieur du tube et du mécanisme d’armement.

« Ca permettrait de recharger une arbalète en tirant avec ! Il y aurait donc toujours deux carreaux enclenchés. Une … arbalète à répétition en quelque sorte. »

C’était ainsi que le vieux marchand chevronné écoutait avec une grande attention le jeune apprenti assoiffé de connaissances et d’expérimentations. Ils passèrent le reste du trajet ensemble à discuter de diverses idées loufoques. Personne à ce moment ne savait que ces deux hommes unis par leur quête d’ingéniosité allaient devenir maître et disciple et former ainsi le duo qui donnait au monde toutes ces fabuleux choses.

Pendant ce temps, Andrzej discutait avec les guerriers faisant partie du convoi et il en apprenait beaucoup sur plein de sujets. Lui qui n’avait pas su en apprendre des masses à propos de la survie dans divers milieux hostiles, il était maintenant ravi. L’armoire à glace, bien que retardée mentalement, dispensait de très précieux conseils sur comment entretenir son arme. Le thème de cette discussion avait d’ailleurs ouvert les yeux du Bélua sur l’état de sa dague et il se promit qu’il l’affûterait dès qu’il en aurait l’occasion et surtout les moyens. Cette conversation sur les armes blanches dérivait inévitablement sur comment les utiliser et c’était à ce moment que le soldat déguisé en mercenaire révélait l’ensemble de ses connaissances. Il expliquait à une audience intriguée comment n’importe quel objet pouvait devenir une arme. Aussi, il faisait un bref descriptif des principaux styles de combats armés répandus de par le monde et dont il avait goûté en tant qu’ennemi ou allié de leurs propriétaires. Toutefois, il devait à plusieurs fois se faire violence et retenir son enthousiasme à l’idée de partager son savoir et, ainsi, permettre à ce qu’il appelait « des jeunots » de se faire trucider lors d’une guerre. Cependant, l’archer qui tendait l’oreille malgré son amour indéfectible pour sa belle, ponctuait chacune des phrases du vétéran.

« Un arc pourrait faire ce qu’il vient de dire, mais en mieux. »

Hormis ce narcisse aux propos déplacés, tous avaient compris que ce mercenaire était en réalité un soldat gradé. Fort probablement un sergent instructeur dégoûté par la guerre et la mort, malade de devoir entraîner des jeunes gens plein de vie pour aller massacrer d’autres jeunes gens dans une guerre menée sur le terrain mais décidée dans les cours royales. Une mélancolie, celle du guerrier, planait désormais et tous les portes-lames présents, sans distinction de race, de passé ou d’expérience, furent pris de ce chant qui résonne dans les cœurs de ceux qui avaient déjà pris une vie. Le roulement rythmique continuel de la caravane semblait légèrement plus chaotique mais tout à fait acceptable. Malgré tout, les secousses se faisaient ressentir de plus en plus fortement jusqu’à ce que les passagers furent obligés de s’agripper comme ils le pouvaient aux sièges et poignées. Dans une langue étrangère, Eraf poussait sans doute ce qui était un juron avant de s’enfuir par la trappe et rejoindre le conducteur. Tout le monde à l’intérieur tendait l’oreille ou bien se rapprochait de la sortie pour obtenir des informations mais ce fut le calme plat. Andrzej se permit de passer la tête et vit Eraf bouche bée, regardant par l’une des fentes. Le conducteur était comme hypnotisé, il ne réagissait plus du tout et avait mené les chevaux vers ce qui semblait être un énorme palais au milieu de la tempête.

Le marchand reprit les rennes afin de modifier la trajectoire mais les chevaux ne répondaient plus, eux aussi sans doute avaient été envoûtés par ce lieu insolite. Résigné, Eraf posait les lanières de cuir sur le siège du conducteur et retournait à l’intérieur.

« Changement de plan. Quelque chose ou quelqu’un vient de détourner le chariot et nous nous dirigeons actuellement vers ce qui semble être un palais. Nous y serons dans environ quarante minutes à peu près. Je vous demande de vous préparer à toutes éventualités. »

Sans dire un seul mot, le vétéran et le mercenaire se mirent à préparer leurs armes, étendre leurs membres et resserrer les sangles de leurs armures. L’archer et sa femme s’embrassèrent fougueusement comme si ce baiser était le dernier qu’ils allaient échanger. Le marchand, ensuite rejoint par le diplomate, se mirent à réciter quelques recommandations aux Aetheri en vue d’une guidance et de protection. Henri sautillait sur place à l’idée de découvrir quelque chose de nouveau, de palpitant, d’unique. Eraf sortait déjà une sorte de plume d’écriture mais plus courte que la normale, avec un embout en métal et une sorte de réservoir en verre contenant de l’encre. Il tenait fermement dans son autre main une série de parchemins. Chacun se préparait à sa manière face à l’épreuve qui allait se présenter à eux. Andrzej aussi. Il avait sorti sa dague et inspectait minutieusement ses couteaux de lancer. Il voulait à tout prix éviter de tomber sur une lame tordue et donc imprécise lors d’un moment crucial.

A la fin du temps imparti, le convoi s’arrêtait dans ce qui ressemblait à une antichambre de la cour principale qui était déserte. Etrangement, les vents violents et le sable étaient absents dans cette cour, comme si il n’y avait pas la moindre tempête. La porte arrière du chariot s’ouvrit et les deux guerriers chevronnés sortirent d’un bond, armes au poing, prêts à se défendre mais il n’y avait rien. A leur suite, Andrzej et l’archer firent un pas dehors afin de renforcer ce débarquement. Aux aguets, ils s’attendaient tous à une embuscade mais rien ne se passait. Finalement, après avoir inspecté les environs directs, les non combattants sortirent de la carriole et tous furent soulagés de voir qu’il n’y avait pas de comité d’accueil. Tout à coup, une voix calme et posée, quoique légèrement enjouée, résonnait dans leurs têtes. Immédiatement, les yeux de tout le monde se mirent à vriller dans tous les sens à la recherche de l'origine de la voix, sans succès.

« Bienvenue voyageurs, bienvenue chez Amon le Gardien du Savoir ! »
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Jeu 17 Mar 2016, 08:01

Ils se trouvaient dans une grande antichambre de marbre blanc. Plusieurs arcades accueillaient des plantes verdoyantes apportant ainsi de la vie. Le plafond était quant à lui constitué d'une voûte sur laquelle était représentée plusieurs scènes mythiques provenant des contes et légendes. On pouvait y voir d'étranges créatures humanoïdes arranger les terres et l'eau avec, en arrière-plan une aura de lumière. Il y avait aussi une représentation d'une cité ne correspondant à rien des villes actuelles, il s'agissait sans doute d'une cité revenant du passé ou ayant encore à se révéler dans le futur. Pour cercler chaque pan étaient disposés des rideaux de soie tantôt rouges, tantôt dorés, qui pendaient jusqu'au sol. Le luxe apparent était à en couper le souffle mais ce n'était pas pour cela que les voyageurs venaient de se stopper net et étaient frappés de stupeur. Une voix, légèrement pompeuse et ennuyée, venait de retentir dans leurs têtes. Il leur fallut une seconde pour le constater car ils regardaient autour d'eux à la recherche de l'homme qui venait de s'exprimer sans succès. Le mercenaire de métier fût le plus lent à comprendre l'astuce. Il parvenait enfin à la conclusion que pour entendre aussi clairement quelqu'un, il se devait d'être en face de lui hors il n'y avait personne. Il se sentait très bête en voyant les autres, calmes et déjà habitués.

« Je vous connais tous. Je vous ai choisi car ensemble vous formez un groupe intéressant de caractères et de profils variés. »

Alors que la voix s'exprimait, Andrzej regardait ses compagnons de voyage pour vérifier qu'ils entendaient bien la même chose, qu'il ne devenait pas fou. Ils acquiescèrent de la tête en silence. Personne n'osait parler de peur de briser un charme à l'origine de cette télépathie. N’étant pas véritablement habitué à ce genre e discussions mentales, le Bélua se sentait très mal à l’aise. Il y avait un intrus qui pouvait se permettre de discuter dans ses pensées et cela ne lui plaisait pas car il pouvait tout aussi bien fouiller pour récupérer des souvenirs ou informations, le mettre à nu. Il détestait déjà cet endroit. Un nouveau vrombissement vint vriller son esprit et il était agressé par une série de flash succincts mais précis. Il voyait le palais de l’extérieur comme s’il s’y trouvait encore ensuite, entrecoupés de plusieurs lumières blanches et vives, il apercevait le hall où ils se trouvaient et le visage de chaque personne comme présenté un à un dans une liste. Il se voyait un instant puis une grande porte dorée se trouvant à l’autre bout de cette antichambre fut révélée. Lentement, elle s’ouvrait pour inviter le reste de ces visions à présenter le cœur du palais qui était en fait un véritable labyrinthe.

Les flashs continuaient et montraient de manière très chaotique des couloirs infinis, des tournants et carrefours en une série d’image. Bientôt, le rythme de défilement de ces images mentales augmentait et se voyaient coupées par des aperçus de pièges mortels. Il y avait des lames, des disques tranchants, de la lave, des flammes, des monstres, des jets d’acide et bien d’autres choses à peine perceptibles. Vers la fin, la vitesse était tellement grande qu’Andrzej, les yeux grands ouverts, commençait à avoir le tournis, il était à deux doigts de vomir à cause de ce traitement horriblement intrusif. Finalement, le calme revint et il pouvait voir, comme s’il y était, une pièce luxueuse meublée avec un goût dénotant un art consommé de l’architecture. Des bibliothèques aussi grandes que des séquoias accueillaient des livres aussi gros qu’anciens, et rares sans doute. Il y avait aussi une multitude de parchemins dont les cachets laissaient à penser que c’étaient des traités originaux sur des disciplines diverses. Aussi, une table aux proportions gigantesques se voyaient mettre en évidence toute une série d’objets ésotériques et vibrant de puissance magique. Au milieu de toutes ces merveilles était allongé sur des coussins brodés un homme, au regard vide et blasé, qui se contentait de regarder droit dans les yeux, à travers l’illusion, le jeune garçon. Lentement, il joignait les mains pour applaudir à deux reprises et Andrzej se sentit comme aspiré en arrière et reprenait ses esprits. Il avait l’impression de sortir d’un rêve comme si sa conscience avait quitté son corps durant cette visite guidée des lieux et qu’elle venait simplement de revenir sous la volonté de leur hôte, Amon.

Il regardait autour de lui à nouveau pour vérifier son état de santé mentale et lorsqu’il vit le marchand vomir, il comprenait que tout le monde avait partagé cette vision, cette présentation des lieux. La voix de leur hôte enchaînait pour terminer d’expliquer la nature de l’endroit.

« Au centre de ma demeure se trouvent un amas de connaissances et de savoirs emmagasinés depuis des millénaires. Quiconque pourra parvenir dans cette pièce aura le loisir de consulter les ouvrages et me poser une seule et unique question sur un thème de votre choix. Cependant… »

Il laissait volontairement une pause pour finir de tuer les membres de l’expédition avec un suspense inutile tant ils étaient déjà tous pendus à ses lèvres. Son jeune compagnon de voyage sautillait presque sur place avec un énorme sourire lui fendant le visage. De tous, il semblait être celui qui supportait le mieux cette expérience télépathique tant son excitation et sa curiosité naturelle atténuaient les effets secondaires. Eraf, qui pourtant était bien plus expérimenté que lui, semblait plus réticent car il avait pu avoir une idée très claire du prix du savoir et ce que les gens étaient prêts à faire pour l’obtenir. Il se pinçait le menton machinalement en pesant chaque mot prononcé par Amon.

« Pour parvenir dans mes quartiers, il vous faudra braver le labyrinthe qui est mortellement piégé. »

Andrzej repensait à ces lames et autres embûches. Il se disait que si cette personne était véritablement détentrice de tout le savoir du monde, la qualité des pièges devait être incroyable et leur nature retorse. Sans le savoir, il pesait déjà le pour et le contre de cette proposition. Le mercenaire faisait déjà un non de la tête car son instinct de guerrier l’incitait à refuser ce genre d’appât, bien trop gros pour être vrai. Et même s’il était véritable, les risques encourus étaient immenses à ses yeux. Le soldat en civil avait l’air de le rejoindre sur cet avis.

« Je comprends que certains d’entre vous ne seraient pas près de risquer leurs vies, ces personnes peuvent donc retourner dans la caravane. Le cocher est toujours hypnotisé, il vous conduira jusqu’à votre destination initiale. Par contre, si vous choisissez de rester, vous ne pourrez faire marche arrière. »

Eraf se retournait vers son employé et voyait qu’il avait toujours sur le visage cet air malade, comme en transe. Il ne réagissait à rien, il n’avait sans doute même pas été invité à percevoir les visions fantastiques d’Amon. Ce dernier avait mis en place toute une série de précautions pour ces jouets. Il était ennuyé et voulait se divertir même si cela était aux dépens de voyageurs leurrés vers son palais. Il attendait avec une certaine impatience ce moment où ils entreraient dans le labyrinthe afin qu’il puisse les ressentir comme s’il arpentaient ses veines et artères. Ce lieu était son âme et son corps, il ressentirait un plaisir suffisamment fort pour briser son ennui lorsqu’ils atteindraient le cœur du dédale ou mourraient maladroitement dans un de ses pièges. Ce sadisme était la seule forme de divertissement qu’il avait trouvé durant ces derniers siècles. Mais le gain pour danser dans la paume de sa main et survivre était incommensurable.

L'ensemble des participants de ce jeu pervers avait besoin de quelques minutes pour digérer toutes ces informations. Les visages étaient fermés et durs, montrant à peine l'intense lutte interne qui se déroulait au fond de leurs âmes. Il ne s'agissait pas d'une simple négociation ou d'un achat d'envergure mais bien d'un pari sur la réussite de l'épreuve avec comme prix pour l'échec leurs vies. Le seul qui semblait relativement paisible était le cocher, simple pion. Le blondin fut le premier à parler, comme à son habitude.

« J'y vais. Le gain est trop tentant. »

Cette simple phrase déclenchait une vive discussion et un éventail de réactions qui faisaient frissonner de plaisir Amon qui espérait de grandes choses de ce groupe. Eraf avait souri en entendant la motivation dans la voix du jeune homme. D'un signe de la tête, il approuvait et se rangeait à ses côtés tandis que le couple chuchotait à l'écart. Pour sa part, le diplomate marmonnait dans sa barbe pour s'aider à voir la situation plus clairement. Il exposait à mi-voix les possibilités et l'écheveau d'alternatives se présentant. Son garde restait silencieux, attendant un ordre. Finalement, ils allaient rejoindre l'inventeur en justifiant la démarche, comme s'ils voulaient donner un aspect désintéressé à leur quête de savoir.

« Si cet Amon peut nous aider à contrecarrer des plans machiavéliques ou des complots, il est de mon devoir de me sacrifier pour l'atteindre. »

Manipulation des mots et camouflage des intentions. Pendant tout ce temps, le marchand et son garde du corps s'engueulait ouvertement. Le négociant bedonnant était guidé par l'appât du gain tandis que le mercenaire était animé d'une prudence dictée par son expérience. Il savait bien que le solde payé était bien trop faible pour couvrir les risques potentiels, d'autant plus si son employeur devait être en première ligne avec lui car un marchand mort ne pouvait payer. Ils arrivèrent alors à un accord, secret des autres, que le gras rédigeait rapidement sur un parchemin et au bas duquel il apposait un sceau. Le mercenaire semblait toujours inquiet mais il acceptait. Le groupe d'Eraf venait de se voir rejoindre par deux membres de plus. Andrzej hésitait à remonter dans la carriole mais il se retint lorsqu'il comprenait que cet hôte, cet Amon, disposait sans doute d'informations sur sa quête.  Peut-être pourrait-il lui indiquer la nature réelle de ce gland blanc. Il ne pouvait se permettre d'ignorer une telle opportunité, il se rangeait donc à côté de son bavard camarade qui lui adressait un grand sourire.

« Je vois que nous sommes presque tous prêts à y aller, il ne manque plus que ... »

L'inventeur s'arrêtait au milieu de sa phrase. Il voulait inviter la belle et son mari à se décider mais ils n'étaient nulle part. Tout le monde se mit à regarder dans tous les sens afin de voir où ils s’étaient faufilé, mais sans succès. Andrzej allait même rapidement vérifier dans leur transport mais il était totalement vide. Ils avaient profité du tapage causé par le marchand et son mercenaire tempéré pour disparaître. La grande porte d’entrée du labyrinthe avait été ouverte.
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Mer 30 Mar 2016, 15:17

Le couple avait bel et bien disparu et s'était engouffré dans le dédale mortel en profitant de l'inattention du reste du groupe causée par la discussion agitée entre le mercenaire et son client. Ils avaient sans doute été habitués à ne compter que sur eux-mêmes et au vu du gain, ils ne voulaient que compter sur leur alchimie. Les autres, bien sûr, n'aimaient pas du tout cette réaction car sans elle, tout le monde aurait avancé dans la même direction, vers le même but. Quelques regards, ayant un mélange de détermination et d'inquiétude, furent échangés puis ils s'avancèrent vers la double porte en or. Ils l'ouvrirent en grand pour révéler un large escalier descendant vers le début du labyrinthe. Dans un silence de mort, comme s'ils essayaient de ménager le sommeil léger de quelques bêtes, ils descendaient les marches. Après une descente d'environ une minute, un grand bruit sourd se faisait entendre en haut de l'escalier. La porte s'était refermée derrière eux et ils étaient désormais totalement seuls sans possibilité de faire marche arrière. Amon semblait satisfait par le grand nombre de participants. Il claquait des doigts pour signifier le début du jeu. Des torches disposées à intervalles réguliers s'allumèrent toutes seules afin de tirer les explorateurs de l'obscurité. Des murs de marbre blanc formaient des couleurs lisses et luxueux, la qualité du matériau étant irréprochable et sûrement d'origine magique.

Le groupe avançait à tâtons de peur de tomber dans un des pièges annoncés. Rien ne pouvait indiquer leur présence. Il n'y avait pas la moindre aspérité visible, perceptible et les sens se voyaient incapables de déceler le moindre indice. Cela inquiétait particulièrement l'ingénieux Eraf qui, de sa profession, imaginait avec une précision effrayante ce qui pouvait être réalisé par qui avait du temps et du savoir. Il avançait très lentement. Le marchand, rendu ivre par l'appât du gain lui riait presque au nez. Tout à coup, accompagnés par un bruit de mécanisme, plusieurs pans de murs se mirent à bouger rapidement pour laisser apparaître une série de fentes d'environ un centimètre de large. Chacun se préparait à réagir face à ce qui allait arriver. Des lames, tranchantes comme des rasoirs, s'activèrent à l'aide de ressorts pour tenter de faucher les victimes. Andrzej, Henri et le soldat évitèrent sans peine car ils ne se trouvaient sur aucune trajectoire. Eraf, le mercenaire et le diplomate devaient, selon leur position initiale, sauter, se baisser ou bondir sur le côté mais malgré une petite frayeur, il ne leur était rien arrivé. Le plus malchanceux était le marchand ventripotent qui se faisait découper en quatre morceaux très nets dans une gerbe de sang. Son visage, figé dans une expression de terreur, avait été coupé en deux.

Le mercenaire, une fois le tumulte passé et son niveau d'adrénaline retombé, se mit à sourire à pleines dents et ricaner de temps à autres. Le reste du groupe était en train de se remettre de ces émotions fortes chacun à leur manière. Henri et Eraf inspectaient le piège et tentaient d'apercevoir, en vain, le mécanisme dans le mur pour tenter de déceler le mode précis de fonctionnement et l’adapter pour leur prochaine création. Le soldat inspectait les survivants pour jauger les forces, vieux réflexe de combattant, en regardant des pieds à la tête chaque personne et tenter de percevoir le moindre signe pouvant montrer un possible retournement mental. Ils avaient besoin de tous leurs esprits pour survivre à cette épreuve et le capitaine n’avait pas envie de voir leurs chances de réussite se réduire à cause d’un élément perturbateur. Par contre, son supérieur réfléchissait déjà à la prochaine étape et marche à suivre en ignorant totalement ce genre de préoccupations. Il avait une confiance totale envers son subordonné, sans doute avaient-ils fait partie de campagne guerrière ensemble auparavant et se connaissaient bien. Andrzej de son côté s'inquiétait de la santé mentale du pourtant cynique et calme homme d'armes. Celui-ci devenait hystérique et riait désormais ouvertement. Le Bélua venait près de lui pour essayer de savoir si son esprit venait de flancher.

« Ca va ? Que se passe-t-il ? »

Avec un air d'étonnement sur le visage, il se tournait vers son jeune compagnon comme s'il ne comprenait pas le sens ou la raison de cette interrogation. En cherchant dans l'une de ses poches, il retrouvait l'étrange parchemin que le marchand avait rédigé et signé peu de temps avant. Il le dépliait avant de le tendre à Andrzej qui se mit à le parcourir rapidement. Pendant tout ce temps, le mercenaire ne cessait de rire et de presque sautiller sur place sous l’effet de l’excitation, oubliant totalement la mort de son employeur. En temps normal, la mort de la personne sensée être protégée signait la fin d’une carrière car c’était une preuve irréfutable d’incompétence et de manque de professionnalisme. Mais dans le cas présent, la crédibilité était passée au second plan comme l’expliquait l’euphorique combattant avec un son enjoué dans la voix.

« Il se passe que je suis riche ! C'est un testament officiel qui fait de moi son unique héritier. »

Il ne fallait pas longtemps pour le voyageur pour lire les quelques lignes rédigées à la hâte et il constatait que tout semblait correct. Il y avait les noms complets des deux personnes, les conditions d'obtention de l'héritage, date, signature et le sceau du marchand pour prouver l'authenticité du document. Par excès de confiance ou avarice aveugle, le commerçant avait mis en jeu sa vie et tout ce qu'il possédait mais avait malheureusement perdu pour le plus grand bonheur du porte-lame qui reprenait le document pour le mettre quelque part en sécurité. Le reste du groupe, pendant ce temps, avait déjà repris leur exploration des couloirs en redoublant de prudence. Chacune guettait le moindre signe pouvant indiquer la présence d’un piège ou autre mécanisme mortel. Andrzej, étant refroidi par le calcul du mercenaire quant à la vie de son employeur, revenait auprès d’Henri pendant que le mercenaire restait en retrait. Son but désormais était de simplement survivre pour toucher le pactole, il évitait donc les risques inutiles en se mettant en première comme le soldat et Eraf le curieux.

Plusieurs longues minutes plus tard, un cri retentit. Un appel au secours affolé résonnait et se répercutait sur les murs de marbre pour venir atteindre les oreilles du groupe. C’était une voix féminine et tout le monde pensait immédiatement à la poétesse qui avait pris la poudre d’escampette avec son archer de mari dans le labyrinthe. N’écoutant que son courage et son sens du devoir inculqué par des années d’entraînement, l’ancien capitaine se mit à courir vers l’origine supposée de l’appel à l’aide. Le reste du groupe suivait bien entendu mais à vitesse réduite car personne ne voulait trébucher dans un piège comme ce pauvre marchand. Le soldat ralliait en quelques bonds le bon endroit, très vite précédé par Andrzej, Eraf et le diplomate. Les autres étaient à la traine.

Il y avait un carrefour en astérisques permettant donc de prendre huit routes différentes. Toutes se rassemblaient ici. Au beau milieu du croisement se tenait la jeune femme en détresse. Elle était à moitié allongée. Ses vêtements étaient déchirés et tachés de sang, vestiges d’un évènement sans doute terrible. Elle hurlait à la mort, comme si sa survie en dépendait. Tout à coup, elle aperçut ses sauveteurs et, tournant son buste dans la direction du couloir d’où ils venaient, elle se mit à hurler d’autant plus fort pour leur demander leur soutien. Les mains tendues vers ces seigneurs, elle implorait leur aide. Cette scène était à briser le cœur de quiconque et ce fut le soldat qui, par une faiblesse de gentleman, s’élançait le premier sans réfléchir auprès de cette pauvre chose blessée. Il sprintait vers elle en priant qu’aucun piège ne se déclencherait sur sa route et il eut cette chance. Il atteignait la poétesse en une poignées de seconde et mit à genou à terre pour inspecter ses blessures. Il vérifiait premièrement pourquoi elle était bloquée au sol et regardait si ses jambes avaient subi quelques sévices ou autres blessures. Elles n’avaient, fort heureusement, rien. Il reportait alors son attention sur le reste des plaies en écartant lentement les vêtements déchirés. Durant ce temps, la femme avait cessé de crier et s’était calmée totalement. Elle ne quittait pas l’homme des yeux comme si elle voulait le charmer avec son demi sourire.

Plusieurs secondes d’inspection plus tard, il ne trouvait pas la moindre source de sang. Celui qui se trouvait sur les vêtements n’était en aucun cas le sien car son corps était indemne. Il ne comprenait pas. Son regard croisait celui de la soi-disant femme en détresse et il comprenait le piège. Elle souriait. L’instant d’après, une flèche venait se ficher en travers de la gorge du pauvre soldat qui, n’écoutant que son cœur et ses réflexes de militaire, était tombé dans une embuscade. L’archer attendait dans l’un des couloirs et venait de mettre à mort la proie qui avait mordu à l’hameçon. L’appât restait un instant, toujours tout sourire, alors que des gerbes de sang s’écoulait sur elle dont la source était le cou du pauvre homme. Il avait une expression d’incompréhension, d’hébétement total sur le visage alors qu’il cherchait à garder ce précieux liquide vital en lui mais sans succès. Il agitait ses mains frénétiquement autour de la plaie et du morceau de bois qui ressortait de l’autre côté. Il était condamné. La jeune femme se redressait alors et se mit à courir à toutes jambes vers son complice qui rengainait son arc et s’était préparé à fuir aussi.

Les autres rats de labyrinthe avaient assisté impuissants à la scène. Cette bassesse, cette vile traîtrise avait fait éclore en eux une rage provenant d’un dégoût profond. Le diplomate semblait être le plus touché par la perte de son garde et, probablement, ami. Il se mit à perdre son calme et hurlait des malédictions à tour de bras alors qu’il se mettait à courir vers le corps encore chaud de son camarade. Les autres lui avaient emboité le pas mais c’étaient Andrzej et le mercenaire qui se mirent à poursuivre l’archer et sa complice. Ces derniers, grâce à leur avance sur les autres, avaient pu explorer les couloirs et le dédale plus avant. Ils connaissaient les détours et autres pièges. Ils disparaissaient comme par magie au sein du dédale, laissant presque sur place leurs poursuivants. En retournant auprès des autres, le Bélua pouvait voir le diplomate à genou en train de pleurer sa perte avant de reprendre le dessus sur ses émotions. Personne n’osait parler, pas même Henri. Perdre quelqu’un dans un piège était le résultat d’une inattention dans un cadre prévu pour la mort mais ici, il s’agissait d’une intention meurtrière de personnes à la morale faible. Dans un silence de mort, le groupe reprenait l’exploration en suivant un chemin un peu au hasard.
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Dim 03 Avr 2016, 17:57

Les derniers évènements qui s’étaient produits d’entrée de jeu lors de l’exploration du labyrinthe avaient grandement refroidi les esprits. Même le volubile Henri avait cessé ses interrogations incessantes auprès de son idole, Eraf, pour se concentrer sur les murs et couloirs afin de déceler les pièges et autres trappes. Le mercenaire avait perdu de son euphorie initiale suite à la mort du marchand. Il aurait besoin de survivre s’il voulait profiter de cette richesse nouvellement acquise, il se montrait donc extrêmement prudent, plus qu’à l’accoutumée pour un baroudeur expérimenté comme lui. Le diplomate était muré dans un silence impénétrable, même ses pas semblaient ne plus faire le moindre bruit alors que son visage, totalement fermé, ne laissait poindre aucune émotion. Andrzej le regardait de temps en temps avec une certaine inquiétude car de tous ses compagnons de route, il était le seul qu’il ne pouvait jauger sur ses actions futures, cela pouvait être dangereux dans ce genre de situation. Le Bélua s’était glissé dans le corps du groupe, ni en tête ni à l’arrière, afin de pouvoir relâcher légèrement sa garde et évaluer la situation. Peu importait la manière dont il tournait les choses, leur avenir semblait pour le mien incertain et mal embarqué. Ils étaient perdus dans un dédale magique immense, parsemé de pièges mortels et presque inévitables, tandis qu’un duo sans morale s’était mis en tête de les éliminer pour faire cavalier seul. Ils s’étaient peut-être dit que le maître des lieux apprécierait ce genre de comportement ou bien que leur contribution pousserait les autres dans un état de panique afin de déclencher les pièges et leur libérer la route. Peu importait leurs motivations réelles, ils représentaient une menace directe à leur survie. Eraf semblait avoir atteint ce même point de réflexion car il se postait près du diplomate en deuil pour lui murmurer quelques mots de réconfort en précisant qu’ils allaient stopper le couple maléfique.

Ce dernier était d’ailleurs dans une mauvaise passe. Peu de temps après avoir fui les lieux de leur méfait, le duo avait décidé de traquer de manière éloignée ce troupeau qu’était leurs anciens camarades. Ils avaient en tête un plan machiavélique. Ils voulaient, dans un premier temps, semer le trouble dans leurs rangs en éliminant les personnages dangereux, comme le soldat ou Eraf le penseur. Ensuite, avec ces effectifs plus réduits et en l’absence de véritable leader expérimenté, la bande ferait des erreurs, déclencherait des pièges et nettoierait encore un peu la zone pour eux. Les couloirs deviendraient plus sûrs avec le temps et ils pourraient, une fois le moment venu, les achever pour récolter l’ensemble de la récompense à eux seuls tout en éliminant des témoins potentiels de quelques machinations. La jeune femme n’en était pas à son coup d’essai et elle avait engrangé une expérience considérable dans ce type d’entreprise amorale dans les cours et autres palais. Elle usait de ses charmes et talents de menteuse pour séduire et voler, ravir et détruire. C’était d’ailleurs comme cela qu’elle avait rencontré son mari, lui aussi faisait preuve d’une morale flexible, de talent pour la manipulation et ses compétences en archerie leur avaient permis en de nombreuses occasions de décrocher le pactole. Un véritable couple d’abominations qui s’unissait d’abord par profit mais ensuite par amour.

Mais même cet amour avait trouvé ses limites en ce jour car pendant leur évolution, prudente et lente, dans les couloirs, l’archer se retrouvait les pieds coincés dans un piège. Une corde métallique fichée entre deux dalles au sol s’activait et venait enserrer les chevilles de l’homme d’un coup sec. Ce choc lui brisait immédiatement les os et il se mettait à hurler de douleur et de surprise. L’instant d’après, allongé sur le sol, il se faisait traîner lentement vers un pan de mur. Celui-ci s’ouvrait doucement pour faire apparaître deux rouleaux tournant dans un bruit sourd, comme deux pierres qui se raclaient l’une contre l’autre. Voyant cela, et la fente d’environ cinq centimètres entre ces deux pressoirs, il comprenait qu’il allait se retrouver essorer lentement, douloureusement et inévitablement. Il paniquait, il hurlait. Il ne cessait de se débattre alors que chacune de ses paroles invectivaient la poétesse pour qu’elle se dépêche de le sauver. Elle était toute aussi surprise que lui et il lui avait fallu une bonne seconde pour reprendre ses esprits face à la soudaine menace de mort qui planait sur la tête de son aimé. Elle se mit en marche pour le suivre et le dépassait pour se rendre auprès de la presse. Elle cherchait un moyen de la stopper, même temporairement pour gagner du temps. Quelques morceaux de marbre se trouvaient au sol et elle les envoyait dans cette mâchoire de pierre mais en vain. Ils se retrouvaient simplement oblitérés par la force du piège. Elle commençait à perdre son sang-froid et les cris affolés de son archer ne l’aidaient pas à se concentrer. Elle regardait tout autour d’elle et elle voyait finalement un renfoncement dans un mur proche. Il y avait une sorte de couloir, pas plus large d’une personne positionnée de côté, menant à un levier au bout. En toute logique, ce mécanisme avait pour but de permettre l’arrêt de la presse et elle se précipitait pour l’activer.

Malheureusement, elle posait le pied sur une des dalles piégées et des jets d’acides s’activèrent dans le couloir. Ils n’étaient que brefs et fins, mais l’odeur âcre et les sifflements de la pierre au contact de ces courants verdâtres ne pouvaient présager rien de bon. Elle restait là, prostrée devant l’entrée du couloir, à observer les jets et leur rythme. Il ne lui fallait pas beaucoup de temps pour se rendre compte qu’il était possible pour elle d’atteindre vivante la manivelle pouvant désactiver le piège précédent, et donc sauver son mari, mais elle n’aurait d’autre choix que de se laisser asperger à plusieurs reprises et donc se retrouver mutilée à jamais. Elle hésitait, encore et encore. L’archer ne cessait de s’égosiller et il passait par divers stades. D’abord il l’encourageait, lui disait qu’elle était forte et belle, qu’il l’aimait et l’aimerait toujours, peu importait les conséquences. Ensuite, alors qu’il arrivait à sa hauteur et à quelques mètres de sa mort, il se mettait à lui donner des ordres, à la bousculer. Il tentait de lui saisir la cheville en passant près d’elle. Au final, il la menaçait outrageusement de la tuer, dans cette vie ou dans l’autre, s’il ne l’aidait pas. Et elle pensait, elle était pétrifiée. Pas même les cris de douleur du pauvre homme, alors qu’il se faisait broyer, ne pouvaient la sortir de sa torpeur. Elle était amoureuse de lui mais l’amour de sa propre vie et beauté avait été plus fort.

Tout à coup, une main, ferme et puissante, la saisit par le bras. C’était le diplomate. Le reste du groupe avait été alerté par les cris de panique de l’homme pris au piège. Ils avaient d’abord pensé à un piège absurde de la part du couple, ils s’étaient donc glissés de manière discrète vers l’origine des hurlements. Ils ne se précipitaient pas, ils ne voulaient pas finir comme le pauvre soldat. Cependant, en observant la scène depuis un coin de couloir, ils comprenaient qu’ils n’étaient pas en train de se faire mener en bâteau. La jeune femme se tournait vers l’homme qui se mettait à lui hurler dessus. Il semblait s’exprimer avec la passion et la ferveur d’un prosélyte vénérable tandis qu’il la jugeait pour ses crimes récents. Il la bousculait légèrement, la secouait, à mesure que ses mots prenaient en intensité. Il plantait ses yeux dans son regard encore paniqué par la situation mais à son tour, elle plantait quelque chose en lui. De sa main libre, elle avait saisi la dague qu’elle cachait dans le peu de vêtements qu’elle portait pour la ficher directement dans le cœur de l’homme qui tombait raide en la relâchant.

« Ma vie est bien la seule qui soit importante. Je ne veux pas mourir ici ! »

Elle avait complètement perdu le peu de morale et de bon sens. Amon jubilait presque en voyant ce retournement de situation. Il ressentait presque les émotions inonder son labyrinthe, engloutir les couloirs par la douleur et la peur. Il était heureux d’avoir choisi ce groupe pour sa petite expérience.

Cependant, elle était acculée dans ce couloir, sans aucun moyen de s’échapper. Derrière elle se trouvait le pressoir, maculé de sang et de morceaux de corps encore chaud et devant elle le groupe en colère d’avoir perdu deux de ses précieux membres de sa faute. Ils s’étaient tous avancé pour rejoindre le diplomate, déjà mort sous le coup en traître. Un sentiment de colère commençait déjà à monter dans les cœurs des personnes touchées par ce drame mais c’était le mercenaire qui était le plus prompt à laisser s’exprimer cette rage face à la perfidie de la jeune femme. Il lui donnait un crochet du droit dévastateur, lui arrachant au passage plusieurs petites dents et un peu de sang. Elle était sonnée, complètement assommée par la violence de cette attaque. Elle avait même perdu prise du manche de la dague. Sans aucune pitié, un second coup porté à l’estomac venait sceller son futur en la rendant totalement vulnérable. Elle ne pouvait plus rien faire. Le mercenaire la secouait dans tous les sens en lui hurlant dessus. En l’insultant de tous les noms possibles et imaginables. En exprimant avec sa voix emplie de fureur tout ce que les autres pensaient très fort et faisaient apparaître sur leurs visages. Même Andrzej, pourtant habituellement neutre face aux injustices du monde, ne pouvait se contenir en réalisant que de l’esprit malsain de cette femme était née une idée ayant mené à la mort de tant de personnes.

Plusieurs bordées d’injures plus tard, le porte-lame se décidait à devenir juge, jury et bourreau en poussant d’un puissant coup de pied la jeune femme dans le couloir aux jets d’acide. Elle était abrutie par les coups reçus et ne pouvait éviter quoi que ce fut. Elle recevait une série de liquide corrosif sur les jambes, les bras. Les vêtements fondaient en premier, ensuite ce fut au tour de la chair. Elle criait de douleur, elle pleurait et suppliait mais le visage impassible de l’homme la toisait et ne laissait pas de doute sur l’absence complète d’empathie face à ce qu’elle était en train de vivre. Bien vite, son visage fondait à son tour, laissant un œil pendre mollement de son orbite avant de commencer à fumer et éclater, libérant les humeurs qu’il contenait tandis que sa mâchoire se décrochait lentement. Finalement, elle tombait à genoux, ou du moins ce qu’il en restait, en silence car ses poumons avaient été liquéfiés par les vapeurs qui s’émanaient de la flaque dans laquelle elle pataugeait. Elle était perdue, elle fondait littéralement. Le mercenaire restait là pendant plusieurs minutes, contemplant les derniers restes de cette atroce femme disparaître de la surface de cette terre pour être persuadé qu’elle ne pourrait plus jamais atteindre l’une des personnes du groupe. Il voulait la voir anéantie et il était désormais sûr de son sort. Elle n’était plus.
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Mar 05 Avr 2016, 09:58

Avec un nombre drastiquement réduit, le groupe avançait. Plusieurs morts, disparus de manière plus ou moins atroces, avaient été laissés en arrière tandis que les vivants continuaient de chercher le centre du labyrinthe avec le poids de la tristesse dans leurs cœurs. Il n’y avait plus que Eraf l’inventeur, Henri le bavard, Oswald le mercenaire et Andrzej le voyageur. Chacun avait ses propres questions et motivations à retrouver Amon dans sa pièce luxueuse aperçue dans une vision télépathique. Eraf voulait apercevoir, même brièvement, la bibliothèque regroupant la connaissance du monde et s’enrichir intellectuellement auprès du maître des lieux. Henri, lui, était plus modeste et voulait obtenir des plans et autres informations sur des machines et mécanismes complexes. Oswald n’avait qu’une envie, celle de sortir vivant d’ici car il était devenu riche grâce au testament. Il voulait éventuellement acquérir quelques informations sur des techniques de combat pour pouvoir se défendre plus efficacement mais dans son esprit, il avait déjà gagné le pactole. Finalement, Andrzej savait, depuis la seconde où il avait entré dans les couloirs de marbre blanc, quelle question il voulait poser. Il touchait régulièrement dans sa poche le gland blanc sacré qu’il avait emmené avec lui. Il voulait savoir ce que c’était exactement et où le planter pour remplir sa quête. Il ouvrait la marche, accompagné d’Eraf avec, juste derrière eux Henri et enfin Oswald qui restait en arrière. Il avait opté pour cette position car c’était la plus sûre. En effet, les pièges se déclenchaient au moment où quelqu’un passait devant, il était donc très peu probable que la dernière personne dans une file soit fauchée par l’un d’eux. Il avait malheureusement tort.

Un bruit métallique, sec et lugubre, n’annonçant jamais rien de bon, attirait l’attention de la colonne. Tout le monde se retournait vers le mercenaire qui, en localisant la source du son, regardait à ses pieds. Une dalle s’était enfoncée sous son poids et l’instant d’après deux herses l’emprisonnaient dans le couloir. Les barres métalliques étaient espacées de manière à laisser un espoir vain à la personne piégée mais il était impossible, même pour un enfant chétif, de se faufiler entre elles. Oswald était complètement pris au piège. Sans perdre un instant, le reste des participants de ce jeu pervers essayait d’écarter les barreaux, de forcer leur descente ou même de trouver un levier comme cela avait été le cas pour la poétesse et son archer de mari, mais en vain. Il n’y avait que ses barres, cette prison. Cependant, il n’y avait pas de réelle panique car il se retrouvait juste coincé. Le porte-lame regardait autour de lui et se contentait de penser que cela aurait pu être bien pire. En utilisant son épée comme levier, il essayait encore de faire bouger le fer de sa cage sans succès alors qu’Eraf et Henri se creusaient la tête pour trouver une idée en usant de sciences et de physique. Andrzej quant à lui prenait le temps de se concentrer en fermant les yeux et tentait de ressentir si quelque part autour d’eux se trouvait une plante ou une racine pour en prendre le contrôle et l’utiliser comme bras puissant et faire sauter les barres. Malheureusement, le désert alentour ne présentait aucune forme végétale. De même, les inventeurs ne parvenaient pas à trouver une faille dans l’architecture structurelle du fer forgé qui résistait aux assauts et efforts d’Oswald. Ce dernier était bel et bien piégé pour de bon mais encore en vie.

Tout à coup, le plafond se mettait à lentement descendre vers le sol pour venir écraser le pauvre mercenaire qui n’avait d’autre choix, s’il voulait survivre et toucher son héritage, que de sortir impérativement de cette prison. Il redoublait d’efforts, il s’écorchait et se coupait les mains sur la lame qu’il faisait bouger frénétiquement pour écarter un barreau. Henri le rejoignait de l’autre côté pour appuyer un peu plus pour faire effet de levier avec l’arme. Pendant ce temps, Eraf fouillait dans sa besace après une concoction ou une mixture quelconque qui aurait pu ronger le métal. Il pensait à ces jets d’acide qui pouvaient faire l’affaire mais ils se trouvaient de l’autre côté de la cage. Andrzej regardait l’inventeur et il ne lui fallait pas plus de temps pour comprendre ce qu’il avait en tête. L’homme lui lançait une fiole vide. Il se mit à courir comme s’il continuait à explorer le labyrinthe mais tenterait de tourner en rond de manière à se retrouver derrière le groupe et retrouver le couloir avec l’acide. Il priait intérieurement Phoebe de ne pas tomber dans un piège en route. Ces prières étaient sans effet car il déclenchait un piège à lames qu’il parvenait à éviter de justesse en se baissant, auquel cas sa tête aurait roulé au sol. Première à gauche, il tournait. Là encore il tentait autant que possible de remarquer une trappe ou mécanisme tout en courant mais cet exercice n’était pas aisé et encore une fois, un cliquetis se faisait entendre suivi d’un sifflement aigu. Deux disques tranchants comme des rasoirs avaient été propulsés en direction du Bélua qui parvenait à esquiver le premier mais se faisait toucher à l’épaule par le second. Il saignait mais rien de très handicapant, il n’avait besoin que de ses jambes pour le moment. Gauche, il tournait. Immédiatement, il regardait autour de lui et pouvait voir qu’il se trouvait de l’autre côté de la cage. Il apercevait le mercenaire, les mains complètement en sang et Henri tout paniqué qui poussait de toutes ses maigres forces. Pas un instant à perdre.

Andrzej retrouvait assez facilement le couloir avec les jets d’acide et sortait sa fiole pour essayer de récolter sans se faire toucher le précieux liquide qui pourrait potentiellement sauver la vie d’Oswald dont les cris et jurons résonnaient dans les couloirs. Une fois la fiole remplie, il retournait en courant auprès du piège et voyait que déjà le plafond était à la moitié du chemin. Le mercenaire était déjà en partie accroupi et il s’allongeait bientôt de tout son long sur le sol. Sans perdre le moindre instant, Andrzej versait le liquide vert sur les barreaux qui se mirent à siffler sous l’effet de l’acide. Une petite fumée se dégageait et les barres semblaient devenir plus malléables, plus fragiles. Malheureusement, ce processus prenait bien trop de temps. L’attente était insupportable. Andrzej et Oswald avaient les yeux rivés sur les barreaux qui se faisaient ronger tandis que le mécanisme du plafond émettait un cliquetis régulier comme s’il égrenait les secondes avant une mort atroce. Toutefois, et malgré l’ingéniosité du plan, il était trop tard pour s’échapper de la prison. Alors que le premier barreau semblait être prêt à sauter, le plafond venait aplatir Oswald dans un bruit répugnant, étouffant ses derniers cris. Andrzej était complètement choqué car il avait pu voir les yeux paniqués de son camarade avant qu’il ne soit complètement écrasé.

Les herses se baissèrent, le plafond remontait. Une tâche rouge entourait un amas de vêtements et de chairs. Quelques morceaux d’os étaient visibles mais ils se trouvaient dans un tel état qu’il était impossible de les identifier. Se trouvait là, quelques secondes plus tôt, un homme riche désormais un amas de sang. N’osant regarder plus longtemps la scène, Andrzej retournait auprès de ses camarades en détournant le regard. Quand il fermait les yeux, il revoyait ceux du mercenaire. Plusieurs semaines plus tard, il ferait encore des cauchemars en repensant à ce moment.

Le reste de l’exploration était encore plus misérable que précédemment. Les trois survivants avaient décidé de rester groupé. De cette manière, peu importait le piège ou la manière de mourir, au moins ils seraient ensemble face à l’épreuve car personne ne voulait se résigner à partir seul. Amon souriait outrageusement de là où il se trouvait. Il sentait ces émotions de désespoir l’atteindre par vague. Il sentait que ces couloirs, sorte de veines de son corps, étaient inondées de sentiments parfois contradictoires. Il était de plus en plus heureux et se promettait que quiconque parviendrait jusqu’au bout mériterait non seulement la récompense promise mais bien un petit supplément pour l’avoir diverti avec autant d’efficacité. Les rebondissements allaient bon train et s’il avait continué à proposer cette aventure sanglante à des personnes isolées et perdues dans le désert comme il le faisait jusqu’à présent, il serait sans doute mort d’ennui. Mais la partie n’était pas finie car le groupe se trouvait désormais tout proche de son cœur. Il le savait, il le sentait.

Pendant ce qui semblait être plusieurs heures, les trois compagnons tournaient en rond. Ils se trouvaient en fait juste devant le cœur mais ne voyaient pas la moindre entrée. Ils étaient restés là car, à la différence du reste du dédale, c’était la première fois qu’ils voyaient un obstacle carré aussi simple et sans piège. Cela avait éveillé la curiosité, à juste titre, d’Eraf. Il commençait à palper les murs froids et immaculés à la recherche d’une fente, d’une ouverture ou d’autre chose pouvant lui indiquer une entrée. Henri le rejoignait après avoir fait plusieurs fois le tour de la pièce présumée. De son côté, le Bélua essayait de faire appel à son instinct animal pour trouver le bon côté. Après tout, il avait au fond de lui une bête qui, comme n’importe quelle autre, pouvait trouver une sortie si elle se sentait piégée. Les trois hommes inspectaient donc les murs minutieusement et longuement. Si longuement que finalement, Amon trouvait cette scène désolante et ennuyeuse. Il se résignait donc à faire apparaître la porte finale, celle qui leur permettrait de rencontrer enfin le créateur de ce labyrinthe sadique. Une porte d’or apparu sur l’un des murs et c’était Henri qui l’apercevait le premier. Après avoir appelé les autres, il la poussait pour entrer.

La pièce était aussi somptueuse en réalité que dans la vision et c’était un Amon debout, applaudissant lentement, qui les accueillait. Il souriait franchement face à l’expérience et les félicitait. Ces compliments avaient un goût amer dans la bouche des survivants car ils repensaient aux morts et tués mais tout le monde avait compris les règles du jeu et les risques.

« Félicitations, vraiment. C’est bien la première fois que je me suis autant amusé depuis le dernier siècle. »

« Venons-en aux faits et à la récompense et partons. »

Eraf s’était exprimé pour tous en ramenant un peu de froideur pour contraster avec l’enthousiasme déplacé du génie.

« Très bien très bien. Votre récompense. Je vous demanderais à tous de penser très fort à votre question. Faites le vide dans votre esprit et n’ayez que cette question en tête. »

Tous s’exécutèrent sans broncher. Andrzej avait à l’esprit une question concernant les origines du Chêne blanc, ce qu’il était, ce qu’il représentait, ses propriétés, son but et bien d’autres informations. Il voulait tout savoir sur cet étrange arbre dont il avait le descendant en poche.

« J’y répondrais sans détour. De plus, et pour vous récompenser, je vous donnerais à chacun des aptitudes en fonction de votre comportement dans le labyrinthe. Lorsque vous ouvrirez les yeux, vous serez propriétaires de ces compétences nouvelles et de la réponse à votre question comme si vous les possédiez depuis toujours. »

Sans plus attendre, le Bélua ainsi que les deux autres humains ouvraient les yeux. Ils étaient tous éblouis pendant quelques instants, sans doute à cause de la lumière du jour qui filtrait à travers les ouvertures de la coque. Après s’être habitué à la luminosité, Andrzej se rendait compte qu’ils se trouvaient tous dans le carrosse avec lequel ils étaient venu. Ce dernier était en marche. Personne ne pouvait dire exactement ce qu’il s’était passé entre le moment où ils avaient pénétré la pièce centrale et leur arrivée dans le moyen de transport mais chacun avait hérité d’un ensemble de connaissance complémentaire qu’ils utiliseraient à bon escient vu le prix payé pour l’obtenir.
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Mar 05 Avr 2016, 11:10

Personne n’osait parler dans l’espèce de wagon. Ils avaient commencé le trajet vers Utopia à neuf et se retrouvaient désormais à trois seulement. Les pièges et la folie de la traîtrise avaient suffi à réduire grandement leur nombre initial et pour quoi ? Bien sûr, la connaissance acquise par chacun était précieuse, voire vitale, mais cela valait-il vraiment le prix du sang versé ? Est-il une chose plus importante que la vie d’un autre être humain ? A quel moment un risque devient-il un sacrifice ?

Andrzej se torturait avec ce genre de questions mais il suffisait de voir les visages fermés des deux autres pour comprendre qu’eux aussi luttaient intérieurement dans un débat philosophique et moral. Henri regardait de temps à autre son étui dans lequel il rangeait ses croquis et autres idées d’inventions. Il semblait vouloir le saisir pour y inscrire l’ensemble grandiose de choses qui lui venaient à l’esprit pour étudier les possibilités et applications réelles mais le cœur n’y était pas. De même, Eraf faisait tourner machinalement un anneau autour de son index, indiquant une certaine tension et un stress. Il n’était pas facile de deviner à quoi il pensait mais l’apparente lutte dans ses yeux en disait long sur ce qu’il savait dorénavant. Andrzej par contre, allait fouiller dans sa mémoire, endroit où il était censé pouvoir obtenir les réponses à sa question afin d’en prendre connaissance. Il avait l’impression de se parler à lui-même en faisant l’inventaire de ce qu’il savait.

* Ce Chêne Blanc est un arbre ancestral, merveilleux, magique. Il représente la force de la Nature face à la destruction de l’équilibre. Chaque ère voit son lot de chaos et de destruction. Cet arbre est là pour tenter de rétablir l’équilibre entre vie et mort. Un excès dans l’un ou l’autre est, comme pour tout excès, néfaste pour la Nature. Un surplus d’arbres millénaires et aussi hauts que la voûte céleste empêche les autres plantes de grandir, de même qu’une absence d’arbres sonnerait le glas d’un écosystème entier. Il en va de même pour les animaux et leur fragile chaîne alimentaire. *

Tout à fait étonné de faire appel, aussi facilement, à ce savoir, Andrzej faisait une petite pause et tentait de comprendre l’essence même du message qu’il était en train de recevoir. Il commençait à effleurer le concept même de gardien de la Nature. Il ne s’agissait pas de sauver les forêts et animaux en luttant farouchement mais bien d’être présent pour accompagner cette Nature dans son chemin. Il ne fallait pas la contrôler mais la suivre. Il ne fallait pas la guider mais l’observer. Son pauvre maître tentait de lui inculquer ces leçons avant sa mort mais au moins il comprenait un peu mieux le véritable but de son apprentissage. Il devait devenir cet observateur, ce voyageur présent partout si besoin était pour être témoin de la Nature et défenseur si besoin était. Un sourire amer saillait son visage alors qu’il réalisait son destin. Il retournait ensuite dans ses pensées.

* Le Chêne Blanc n’est qu’un seul de ces représentants. Partout dans le monde se trouvent plusieurs autres arbres d’autres espèces dont le rôle est similaire. Presque comme s’ils s’agissaient de temple de la noble Aether Phoebe, ces arbres abritent une force et un pouvoir à même de rétablir l’équilibre dans les situations les plus délicates. Malheureusement, au fil des âges, cet équilibre a été bouleversé à plusieurs reprises et de manière irréversible par les actions d’êtres puissants aux intentions égoïstes. Les légendes couraient sur ces arbres sacrés, légendes fondées sur des mensonges, qui leur prêtaient uniquement des propriétés magiques touchant au soin et, fort malheureusement, à la vie éternelle. L’immortalité. *
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Mar 05 Avr 2016, 11:12

Andrzej se rappelait alors à cette catastrophe causée par les trois démons mineurs. Ils avaient combiné leurs pouvoirs pour créer une tempête magique afin de détruire l’arbre et voler son essence. Fort heureusement, ils échouaient dans leur entreprise grâce au Gardien du Chêne Blanc et la participation, mineure, d’Andrzej. Ce dernier réalisait pourquoi, malgré cet échec, ils revenaient à l’assaut de manière frontale plusieurs années plus tard. Il comprenait pourquoi son maître Lesovik était heureux de donner sa vie pour protéger l’arbre sacré. Ces atroces et difformes choses étaient après l’immortalité mais un élément lui échappait. Il ne pouvait deviner pourquoi ces êtres grotesques étaient au courant de tant de choses. Elles devaient probablement recevoir des ordres d’une personne plus puissante aux intérêts encore secrets. A ce même moment, à l’autre bout du continent, un chat noir éternuait. Czarny Kot, sorcier tout nouvellement transformé en chat noir par un rival jaloux, était sûrement au cœur des pensées d’une autre personne.

* Les Béluas, reconnus par leur approche de la Nature, ont toujours été favorisés par Phoebe. Il est donc naturel que la plupart d’entre eux soient désignés comme protecteurs de ces arbres sacrés même si ce rôle a perdu de son importance et popularité au sein de la race durant ces derniers siècles. Mais avec ce Gland Immaculé, la foi peut grandir à nouveau, la force se développer encore et l’avenir de la Nature être sauvegardé. Il suffit, pour cela, de planter une graine dans la terre et le cœur du Continent Naturel. *

Fort de ce savoir, Andrzej se décidait à se reposer. Après tout, il avait vécu beaucoup d’émotions fortes récemment dans le labyrinthe et il était en train de se torturer avec une somme immense de connaissances nouvelles. Il devait prendre du recul. De plus, les deux autres n’avaient pas attendu son signal pour piquer un somme et retrouver des forces. Dehors, le cocher, encore légèrement abruti par l’hypnose profonde qu’il avait subie, ne parvenait pas à se rappeler des dernières heures mais cela ne l’empêchait pas de faire son boulot. Il menait avec efficacité les chevaux vers Utopia.

Avant de vouloir s’allonger dans les oreillers et autres coussins, il prenait le temps de cacher les quelques effets personnels qui appartenaient aux traitres. Il y avait une série de flacons de parfums et autres plumes de flèches qui trainaient là. Sans se faire prier, il les envoyait par l’une des fenêtres pour s’en débarrasser en même temps que des souvenirs de ce couple maudit. En ouvrant l’écoutille latérale, il apercevait avec une certaine satisfaction que les tempêtes de sable s’étaient calmées, il n’y avait presque plus de vent et l’horizon était clair. Andrzej restait là, quelques minutes à observer les dunes de sable et la beauté trompeuse du terrible désert, impitoyable adversaire. Mais quelque chose retenait son attention au loin. Il ne savait pas exactement de quoi il s’agissait mais il était persuadé d’avoir aperçu quelque chose au pied d’une dune, pas loin d’un affleurement rocheux. Voulant en avoir le cœur net, il réveillait doucement Henri qui commençait de toute façon à parler dans son sommeil. Le tirant presque de force vers l’ouverture, le Bélua insistait pour lui demander de quoi il s’agissait. Le jeune homme, au début, ne voyait rien car il venait de sortir de son sommeil profond et était encore en partie dans les bras de l’Aether des rêves mais après quelques secondes, il se tournait vers Andrzej avec un grand sourire.

« La grande tâche rose que tu vois là-bas, et bien c’est un champ de safran. Tu as une bonne vue, c’est rare d’en trouver en plus ! »
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Mar 05 Avr 2016, 11:14

Très vite, comme à son habitude, le jeune blond expliquait ce qu’était le safran au Bélua. Celui-ci écoutait attentivement en jetant, de temps à autres, un regard vers la petite tâche rose au loin. Henri lui expliquait qu’il fallait avoir beaucoup de talent ou de chance pour trouver un champ de safran. Que c’était une fleur d’un rose pâle et délicat qui produisait plusieurs sortes de tiges. Il avait oublié le nom réel de cette chose. Il hésitait entre pistil et appendice. Il n’était pas doué dans le domaine floral, son truc à lui étant les inventions de bois et de métal. De plus en plus curieux à mesure qu’il écoutait l’exposé complet de son acolyte, Andrzej lui demandait quelles étaient les applications pour cette fleur.

« Aucune ! La fleur en soit ne sert qu’à produire le pistil. C’est cette partie-là qu’on sèche et utilise pour plein de bonnes choses. »

Il commençait alors à faire une liste complète de l’utilité de ce condiment. Il parlait principalement de son usage dans la cuisine moderne car les gens de la région aimaient beaucoup les plats à l’aide de safran broyé et disposé par pincée sur des plats pour rehausser le goût avec cette touche amère, idéale pour couper la soif dans les régions chaudes. Il venait enfin de retrouver le mot.

« Stigmate ! Bref, tu peux aussi l’utiliser pour … »

Et il continuait, encore et encore et encore. Le voyageur regrettait presque de lui poser des questions mais il était véritablement curieux à ce sujet. La conversation avait réussi à réveiller Eraf qui, à son tour, venait mettre son grain de sel. Pour être un local et grand consommateur de cet épice, il précisait que le fait de trouver un champ de taille potable revenait à faire un pas franc vers la richesse. Il ajoutait qu’en fonction de la qualité de la plante, le positionnement du champ dans le désert, le procédé d’asséchement des stigmates et de tout un tas d’autres choses, cette épice pouvait être vendue très chère dans les rues commerçantes d’Utopia et d’ailleurs. Finalement, il ajoutait ce qui allait être le coup de grâce pour aider Andrzej à se décider d’aller cueillir cette fleur. Eraf indiquait qu’en alchimie, le safran était souvent utilisé à cause d’une réputation dont la vérité n’a toujours pas été prouvée à ce jour. Il était dit que cette épice, ajoutée dans une potion avec d’autres ingrédients précis, pourrait aider à prolonger l’espérance de vie de son consommateur. Sans perdre un instant de plus, il sortait la tête par la fenêtre et hurlait au cocher d’arrêter la carriole pour qu’il aille inspecter le champ. Eraf et Henri se demandaient sincèrement pourquoi il avait autant de temps à se décider.

En sortant du véhicule d’un bond, Andrzej se mit à marcher rapidement vers la tâche rose au pied des rochers. Après quelques minutes, il atteignait le champ. Celui-ci n’était pas bien grand, à peine quelques mètres carrés, mais il semblait être suffisamment développé. Les fleurs semblaient avoir pleinement poussées et déjà les stigmates étaient prêts à être cueillis. Les deux autres le rejoignaient rapidement et arrivaient à la même conclusion que le Bélua, l’épice était prête à être récoltée. Il fallait pour cela faire preuve d’une grande délicatesse et d’un doigté de maître. Eraf se proposait pour la tâche en sortant une de ses nombreuses fioles de son sac mais Andrzej le retenait d’un geste. Il souriait car enfin, dans ce foutu désert, il pouvait faire appel à certaines de ses capacités. En étendant le bras vers une des fleurs proches, il l’incitait à donner, d’elle-même, ses précieux stigmates en les déposant délicatement sur le sol. Eraf restait quelques instants coi face à cet étrange spectacle.
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Mar 05 Avr 2016, 11:17

Vu la dégaine d’Andrzej, Henri et Eraf se doutaient bien qu’il était particulier, mais de là à commander aux plantes, ils ne l’auraient jamais deviné. Dans tous les cas, le résultat était là et Eraf récoltait à l’aide d’une pince les stigmates posés au sol et les entreposait dans son récipient en verre.

« Vu la manière dont nous l’avons récolté, je peux déjà garantir qu’on en tirera un très bon prix au marché d’Utopia. On pourrait même gagner plus d’argent si on allait le vendre plus au sud du continent évidemment. »

« Oui, on pourrait même tout récolter et se faire une petite fortune ! »


Andrzej n’aimait pas du tout cette dernière affirmation du blond bavard. Il allait se poster entre eux et le champ comme un rempart humain et, d’une voix calme mais emplie d’une tension audible, il leur annonçait que personne ne toucherait ce champ.

« Je vous interdit de récolter toutes les fleurs. Ce serait le meilleur moyen de détruire le champ. »

Eraf et Henri se regardèrent un instant, un peu surpris par la réaction tendue de leur camarade puis le blond se mit à rire de manière gênée.

« Mais ne t’en fais pas ! Si tu veux pas alors on le fera pas, pas besoin de s’énerver, c’était juste une idée. Par contre, d’autres personnes pourraient être moins patientes que nous et elles vont tout cueillir en détruisant les fleurs. »

Il marquait un point en précisant que si eux ne ferait pas cela, d’autres pouvaient trouver ce champ et le saccager. Le voyageur se mit à considérer la situation. Ils ne pouvaient pas rester indéfiniment sur place pour devenir les gardiens d’un champ au milieu du désert de même qu’ils ne pouvaient récolter toutes les fleurs pour les déplacer sans les détruire. Ils étaient dans une sorte de dilemme. Fort heureusement, c’était Eraf et son expérience qui venaient apporter une solution de rechange.

« On pourrait simplement sauver ce qui peut l’être. On récolte la moitié du champ pour replanter les graines et créer un nouveau champ de safran dans un endroit que l’on connaît et qu’on peut protéger. Comme ça on est sûr d’en sauver une partie tandis que l’autre moitié pourrait se développer à nouveau pour former un nouveau champ ou bien être récoltée par un autre groupe que nous. »

Il s’agissait de la solution la plus adaptée à la situation. Les fleurs qui resteraient dans le désert avaient une chance de grandir à nouveau mais ils étaient sûrs qu’une partie de ce champ serait en sécurité avec eux. Tout de même réticent à l’idée d’arrachée ces végétaux à leur domicile, Andrzej prit quelques minutes pour se décider complètement et signifier son accord. L’inventeur, aidé par Henri, se mit alors à faire un aller et retour vers la carriole pour rapporter plusieurs flacons d’échantillonnages, quelques outils et une grande boite pour le transport. Pendant ce temps, le Bélua demandait avec le plus grand des respects que les fleurs se déracinent d’elles-mêmes, aussi délicatement que possible, pour être cueillies. Elles s’exécutèrent non sans provoquer un tiraillement dans le cœur du jeune homme qui adressait une prière rapide à Phoebe pour tenter d’entendre une réponse pouvant lui signifier s’il faisait le bon choix. Cependant, il n’entendait rien. Il ne pouvait dès lors plus faire marche arrière. Eraf rempotait les fleurs en prélevant une partie du sable et de la roche broyée qui leur servait de domicile pour garder la même composition d’éléments naturels et de composition terrestre tandis que Henri les disposait avec beaucoup de soin dans la malle qui servirait à les transporter.

Une fois l’opération finie, le petit groupe retournait vers leur moyen de transport pour enfin atteindre Utopia, clôturant ainsi leur aventure dans le labyrinthe mortel et leur partie de cueillette.
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