Intrigue : Première partie. Les artisans en charge des travaux du château ont trouvé une mystérieuse boîte pendant ces derniers. Ils la confient à Kaahl qui donne pour mission à Cendre d'en retrouver les propriétaires. Odile décide de l'aider.

Accel World OST - Bye bye

Lorsque la cloche de la porte retentit, je relevai la tête de mon repas quotidien. Les enfants avaient laissé des dés de fromages à l’attention de « la petite créature qui vivait là ». S’ils n’avaient aucune idée de l’identité de celle-ci, ils se plaisaient à perpétuer la tradition installée par Gustine. Mes doigts vinrent se frayer un chemin jusqu’à mes cheveux. Je remis une mèche derrière mon oreille et, poussée par la curiosité, je pris mon envol afin d’aller voir ce dont il s’agissait. Un homme se trouvait à la porte. Il tenait dans sa main une vieille boîte en bois. Dessus quelques pentacles étaient encore dessinés. Je n’en comprenais pas le sens. Pour moi, il s’agissait de charabia. Pourtant, en observant plusieurs fois le Baron Paiberym en tracer, j’avais rapidement compris qu’ils faisaient naître une magie aux effets divers. Il s’en servait parfois pour ranger la maison ou pour verrouiller des pièces. C’était de cette manière qu’il avait gardé un homme enfermé à la cave pendant un temps assez long. Personne ne le savait, à part lui et moi. C’était comme un petit secret entre nous, même s’il n’avait pas conscience de ma présence. Nul ne la devinait. Mon invisibilité était autant un fardeau qu’une bénédiction.

Je m’approchai davantage, afin d’écouter la conversation qui avait déjà commencé. J’avais sans doute raté les politesses d’usage. « Nous avons mis un peu de temps avant de venir vous la confier. Nous hésitions sur la marche à suivre. Notre magie nous l'a certifiée comme ne vous appartenant pas lorsque nous l'avons découverte dans la matière après coup. C'est pour ça que nous avons pris la liberté de l'ouvrir. » « De quoi s’agit-il ? » « C’est une boîte qui contient plusieurs objets. Nous l’avons trouvée pendant les travaux de reconstruction. » Une tempête avait frappé le château de plein fouet plusieurs lunes auparavant. Il y avait eu des morts, principalement des Humains. Kaahl avait adopté les enfants qui s’étaient retrouvés orphelins durant cette terrible soirée. J’aimais les approcher, malgré leur Ma’Ahid qui me privait de ma magie. Marelle, la Lumia, était l’une des rares créatures de la demeure à pouvoir me percevoir. Elle s’occupait surtout de Rosalie mais aimait jouer avec tous les nourrissons. À la suite du désastre, le Baron avait engagé des Magiciens. Ces derniers s’étaient occupés de réparer la totalité de la maison et de réaménager le jardin et les dépendances. Son interlocuteur du moment devait donc être l’un des artisans en charge des travaux. Grâce à la Valse Créatrice, tout était allé vite. Il suffisait aux Mages Blancs d’amener la matière sur les lieux et de la modeler par magie. Le tout demandait une bonne maîtrise de ses dons mais donnait un avantage non négligeable à la race. Les dégâts causés par les intempéries étaient rapidement maîtrisés, comme l’environnement de manière générale. Cela rendait les centres villes changeant. Les boutiques se modifiaient régulièrement et se promener à Cael ou à Vervallée était une découverte incessante. C’est, du moins, ce que disait souvent Gustine à ses amis, à l’époque où elle vivait encore ici. Je la regrettais. Les après-midis entre grands-mères, à parler de la pluie et du beau temps, des derniers potins et des souvenirs du temps passé autour d’un thé et de biscuits, me manquaient.

« Des objets ? » demanda le maître des lieux. « Oui. C’est assez délicat mais nous ne savions pas quoi en faire. Puisque la caisse se trouvait sur votre propriété, nous avons finalement pensé qu’elle devrait vous revenir. » Je tendis l’oreille davantage. Cette boîte, nichée dans les mains du Mage, m’apparut soudainement comme un vrai mystère. Comme les Orines, friandes d’énigmes et de devinettes, les Faes aimaient généralement les secrets. C’était mon cas. « C’est bête, vous allez sans doute rire. » fit l'homme, embarrassé, en se grattant le cuir chevelu. « Dîtes-moi. » l’encouragea Kaahl. Son interlocuteur était légèrement intimidé par son aura. Le phénomène survenait fréquemment. Même moi, qui vivais là, il m’arrivait de rester quelques minutes à l’observer, un air sans doute béat sur le visage. Ses yeux avaient changé récemment. Une magie particulière y dansait parfois, sans qu’il ne la contrôlât. Lorsqu’il se mettait en colère, il me glaçait d’effroi. Lorsqu’il souriait, une douce chaleur m’enveloppait tout entière. « Elle devait appartenir à un enfant. Vous savez, parfois, ils jouent à enterrer leurs biens les plus précieux. » Il tendit la boîte. « Je pense que le plus simple est que vous regardiez de vous-même. Vous comprendrez vite de quoi il s’agit. » Les mains de Kaahl s’avancèrent vers la caisse. Il l’ouvrit. « Je vois. » dit-il, en souriant, après une légère observation du contenu. « D’après nous, tout ça doit remonter à la troisième partie de l’Ère de la Renaissance du Dieu Roi. » « Autrement dit, l’enfant qui l’a enterrée est peut-être encore en vie aujourd’hui. » « C’est cela. Nous voulions lui rendre ses biens mais il n’a écrit ni son prénom ni son nom. Avec le temps, toutes les traces d'empreintes magiques ont disparu. Peut-être qu’en étudiant davantage les objets nous aurions pu dénicher son identité mais… eh bien… nous avons du travail. » « Hum. Je comprends. » « Nous savons que vous êtes occupé, vous aussi, mais nous nous sommes dit que vous auriez peut-être à cœur de rendre ces biens à leur propriétaire. Sinon, comme vous avez des enfants, peut-être simplement les leur confier ? Tout est encore en parfait état. Il y a même une lettre. Dans tous les cas, étant donné que c’était dans votre jardin et que ce n'est pas à la Couronne, ça vous appartient. » « Merci beaucoup de me l’avoir ramenée. Je vais voir ce que je peux faire. » « De rien. Tenez-nous au courant si jamais vous retrouvez la personne… Mon équipe et moi sommes vraiment curieux au sujet de cette boîte. » « Je vous le ferai savoir. »

Quelques minutes plus tard, j’étais debout sur la table du salon. Faire une vingtaine de centimètres à peine avait des avantages. Je pouvais faire du sport rien qu’en effectuant le tour du plateau en bois par exemple. Les barreaux des chaises pouvaient me servir d’assise et, surtout, je passais partout ou presque. Je remarquais également des choses que les grandes personnes ne voyaient pas, comme la famille de rongeurs qui venait tout juste de s’installer dans la cave ou cette araignée qui avait tissé sa toile dans un endroit que le nettoyage intempestif du Baron ne pouvait pas atteindre. Je souris, avant de me concentrer sur ce qui était en train de se dérouler devant moi. Kaahl était assis là et retirait méticuleusement chaque objet de la boîte. Comme moi, il les observa. Il y avait un peu de tout, si bien qu’il était impossible de savoir si le contenu appartenait à une fille ou à un garçon. Peut-être était-ce deux enfants qui avaient décidé d’entrelacer leurs petites propriétés à jamais ? Peut-être était-ce un début de romance, de celles qui étaient encore innocentes ? Mon sourire s’agrandit. Combien de fois avais-je entendu des enfants clamer haut et fort que les bisous étaient dégoûtants ? Combien de fois en avais-je vu bouder le sexe opposé, ou bouder tout court après qu’un adulte leur eût signalé qu’ils étaient amoureux ? Le château regorgeait de bambins, qu’ils fussent ceux du Baron ou non. Depuis la reconfiguration du jardin, tous ceux du voisinage se réunissaient là, afin de jouer dans les attractions que Kaahl avait fait construire. Il y en avait pour tous les âges. Du levé du soleil à sa chute, des rires résonnaient. Il y avait aussi des pleurs, mais ils n’étaient que passagers. J’effleurai du doigt un cheval en bois. La peinture s’était légèrement ternie. En relevant les yeux vers le Mage, je le vis tracer un pentacle. Après un temps très court, ses lèvres s'étirèrent. Il devait avoir trouvé. Ça me fit étrange de me dire qu’il était à présent le seul détenteur du secret, qu’entre ses mains se trouvaient la résolution de l’énigme et le choix de rendre, ou non, les biens à leur propriétaire légitime. Ce n’était pas rien. Au lieu de satisfaire ma curiosité tout de suite, il remit les objets dans la caisse délicatement et rangea celle-ci consciencieusement. Je n’eus la suite de l’histoire que quelques jours plus tard, lorsque Cendre revint au château.

« Cendre ? Peux-tu venir s’il te plaît ? » demanda-t-il, alors que la jeune Magicienne était en train de se faire chauffer de l’eau pour un thé. « Oui ? » répondit-elle. Je m’approchai. « J’ai une mission pour toi, si elle t’intéresse. Je me suis dit que ça ferait un bon exercice. » « Une mission ? » Elle semblait ravie. J’avais rapidement compris son intérêt pour le Baron. Il l’avait recueillie, alors qu’elle errait dans la rue, sans aucun souvenir de sa vie passée. Depuis, elle n’avait eu de cesse de chercher sa place dans le château. Ses sentiments pour Kaahl étaient bien réels et intenses. Elle le considérait à la fois comme un grand-frère et un ami qu’elle aimerait avoir. Malheureusement, elle ne se pensait pas assez intéressante pour mériter son attention. Elle construisait donc simplement sa nouvelle existence au fur et à mesure, à son rythme, en essayant de combler les failles. Elle étudiait aux Palais de Coelya et, sur son temps libre, aidait avec les enfants, en espérant secrètement passer plus de temps avec lui. « Oui. » confirma-t-il, en allant chercher la boîte. « Les artisans me l’ont donnée. Ils l’ont découverte dans le jardin. » « Une boîte ? » « Pas n’importe quelle boîte. Elle a une importance considérable pour la ou les personnes qui l’ont enterrée. Dedans, il y a un trésor, le trésor de quelqu’un. » « Un trésor ? Des pièces d’or ? » « Non. Un trésor n’a pas forcément une grande valeur en argent. En l’occurrence, il s’agit d’un trésor du cœur. » « Un trésor du cœur… » répéta-t-elle, en essayant de comprendre où il voulait en venir. « Ouvre-la. » proposa-t-il. Elle s’exécuta. Sa mine se fit étonnée. « Des jouets ? C’est ça le trésor ? » Il rit doucement devant sa réaction. « Imagine que lorsque tu avais environ huit ans, tu as décidé d’enterrer dans ton jardin une boîte contenant les objets les plus précieux pour toi et que, le temps passant, tu as oublié cette boite. Quelle serait ta réaction si quelqu’un venait te la rendre, des dizaines d’années plus tard ? » Elle réfléchit. C’était difficile pour elle de s’imaginer enfant. « Je crois que je serais heureuse. » « Je pense que je le serais aussi. As-tu envie de rendre quelqu’un heureux ? » demanda-t-il. « Euh… Oui. Oui, bien sûr ! » La question l’avait surprise mais la réponse allait de soi. Elle avait un bon fond. « Alors ramène cette boîte à son propriétaire. » Elle marqua un temps d’arrêt. « Oh super ! J’y vais tout de suite ! » déclara-t-elle, ses yeux pétillants soudainement sous la perspective de réaliser cette tâche. « Qui est-ce ? Même s’il vit au Lac Bleu, en prenant les pontons, je pourrai y être avant la nuit ! » Je perçus un scintillement dans les yeux de Kaahl. « Je ne vais pas te dire de qui il s’agit tout de suite. J’aimerais que tu essayes de trouver toute seule. » « Quoi ? Mais… » « Je suis sûr que tu en es capable. » la rassura-t-il. « Et si tu n’y arrives pas, je te le dirai. » « Mais la personne va… » « Elle attend depuis très longtemps. Elle peut attendre encore quelques semaines. » dit-il, avec tout le pragmatisme du monde. « Vous pensez que je vais y arriver, vraiment ? » Elle doutait toujours d’elle-même. « Oui. » Ce oui suffit à balayer ses hésitations. « Alors d’accord ! Je retrouverai le propriétaire ! » Je souris. Puisque Cendre avait accepté la mission, je me promis de l’aider. À deux, et même si elle ne pouvait pas me voir, nous serions plus fortes et nous résoudrons l’énigme de la boîte !

1957 mots