Án s'avançait prudemment sur le territoire. En théorie, ils ne se trouvaient plus sur les terres d'Embla, mais on n'était jamais assez prudent. Qui plus est, si Embla n'était potentiellement pas présent alentours, le risque de croiser un étranger était alors bien plus élevé. Elle s'arrêta, vérifiant du coin de l'œil si ses égaux étaient toujours à portée de vu. Puis elle se redressa légèrement, afin de gagner quelques centimètres, et tendit sa main vers les hauteurs de l'arbre sous lequel elle se trouvait, laissant glisser sa magie jusqu'à ses fruits, ces derniers s'arrachant à leur branche pour la suivre en lévitation tandis qu'elle se dirigeait vers un second pour répéter l'opération. Bientôt elle fût cernée de ces fruits, ceux-ci dansant autour d'elle dans une douce farandole. Alors elle s'arrêta, et sortit son sac en toile qu'elle tendit face à elle, et face aux fruits à présent lévitant à la file. Tandis que les victuailles allaient les uns à la suite des autres dans le rangement, guidés par la magie de la Naine, cette dernière détourna son regard de sa tâche un instant alors que, du coin de l'œil, un mouvement parvint à sa rétine. Balayant les lieux du regard, elle pu constater l'absence de ses comparses et l'ombre d'un individu. Une ombre qui n'appartenait pas à un Nain à en voir sa taille. Il n'en fallut pas plus. De Naine, Án devint fruits parmi les fruits qui vinrent s'effondrer au sol.

Silencieuse et immobile, à l'image du fruit qu'elle était devenue, Án observa l'inconnue passer avec une pointe d'appréhension, d'autant plus en la voyant avancer en traînant des pieds, le regard vide et la chaire mutilée. À cette vision, elle eut juste envie de s'éloigner d'elle. Quelque chose n'allait pas, elle le ressentait dans ses tripes. Quoi ? Elle ne saurait le dire. Mais ce serait se dévoiler, et l'idée en était que plus mauvaise encore. Alors elle attendit que la jeune femme disparaisse à sa vue avant d'esquisser quelques mouvements. Fruit magique redevint Naine qui se précipita vers les siens. « Vous avez vu ?! » leur demanda-t-elle à peine les eut-elle rejoint. Tous affirmèrent. « C'est étrange. Et très inquiétant. Rentrons immédiatement, sans tarder plus. Il nous faut trouver un Sage d'Estella pour lui expliquer ce qu'il s'est passé. » - « On abandonne les victuailles ? » questionna Án malgré l'anxiété. « Si quelqu'un de mauvais - car il ne peut s'agir que d'un être malveillant qui a causé les blessures de cette femme - se trouve proche de nos terres, mieux vaut en informer les Sages et l'Elu d'Estella plutôt que risquer la vie de toute la Terre de Feu. ». Elle affirma d'un signe de tête, son esprit s'égarent par la même sur d'autres contrées plus lointaine. Comment Alþjófr avait-il fait pour quitter la Terre de Feu par deux fois alors que des hommes étaient capables de telles atrocités ? Est-ce que seulement il se portait bien ? Est-ce que, ça valait réellement le coup ? C'est sous cette avalanche de questions sans réponses que la Naine reprit la direction de Muspellheim en compagnie des siens.

Quelques heures plus tard, celle-ci ainsi que Nidavellir furent condamnés, tout comme le portail menant aux terres du Lac Bleu. À nouveau, le petit peuple se plongea dans l'oubli.