Le Prince de l'Enfer est mort.
Vive le Prince de l'Enfer !

Objectif : Illustrer le Génocide Démoniaque et les changements opérés chez les Démons. Première partie de l'intrigue des Ombres qui fait état de leurs difficultés à honorer le Cycle après l'enfermement d'Edel sur la Terre d'Edel et la destruction des Âmes du Royaume des Abîmes par les Dies Irae.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il commençait à s’impatienter. Il n’aimait pas s’impatienter. Un rictus agacé passa discrètement sur son visage. « Bien. » dit-il sèchement. Il était seul mais son commentaire avait un destinataire. Il ne pouvait laisser le culte de l’Æther des Âmes se propager avant d’avoir eu son audience devant les Esprits du Temple. Ce qu’un Dieu avait fait, un autre pouvait le défaire mais il était préférable de garder un semblant de chronologie entre eux. Il en avait conscience. Si l’autre revenait plus vite qu’il ne l’avait envisagé, il devrait s’adapter. Il n’avait pas envie. Il voulait que tout se déroule à la perfection, exactement comme il l’avait prévu. Puisque ces bouffons d’Esprits du Temple ne souhaitaient pas le voir, il allait les forcer à se montrer. Dire que la dernière fois, pour Nidalu, c’était lui qui était allé les chercher. C’était l’hôpital qui se foutait allégrement de la charité. Pourtant, on ne pouvait pas dire qu’il ne leur avait pas tendu de multiples perches. Si les sept élus ne daignaient pas les attraper, il allait leur en envoyer une plus légèrement plus grosse.

Sous la forme d’un Ange gigantesque, il apparut sur les Terres Arides. Ce qu’il allait faire était dangereux, pour lui comme pour le Dieu qui régnait sur les Démons. Ce n’était pas autorisé. Le problème avec les Lois c’est qu’elles étaient faciles à enfreindre lorsque les sanctions n’étaient pas correctement appliquées. Les Esprits du Temple aurait déjà dû intervenir et, ce, dès qu’il avait enfermé Edel comme une malpropre sur sa Terre. En l’absence de réaction, il ne fallait pas lui en vouloir de devenir légèrement turbulent. Il savait que l’Enfer allait vivre, d’ici quelques secondes, un véritable massacre. Il fallait bien qu’il occupe son homologue le temps des festivités. L’Œil était un Dieu sanguinaire. Il se fichait bien que des Momies attaquent les Vils dans les faits. Il croyait en un précepte simple : seuls les plus forts survivent. Aussi, s’il fallait vider l’Enfer des trois quarts de ses sujets parce que ceux-ci n’étaient pas assez puissants, ça ne lui poserait aucun problème. Pourtant, Jun n’était pas dupe : ça ne lui plairait pas qu’un autre que lui vienne se mêler de ses affaires, par principe. À partir de là, tout ce qui entrait dans le Monde Divin et qui pourrait l’atteindre lui – le belligérant qui lui avait déclaré la guerre – serait une opportunité. On n’échappe pas à un Dieu dans son Monde, Esprit ou non. Aussi, les probabilités n’étaient pas spécialement favorables à ses enfants. Devaraj semblait être un grand frère bien irresponsable et Kaahl, normalement raisonnable, hum… En fait, il se demandait si les deux, ensemble, ne créaient pas une combinaison un peu trop explosive. Le Fou était aussi stratège et le Stratège était atteint de folie.

Autour de lui, les Ombres affluaient de toute part. Autant dire que les Naissances et les Morts aux autres endroits des Terres allaient être mises entre parenthèse, eu égard au massacre qui allait se dérouler ici. Il était certain de croiser Jezekael d’ici peu. Celui-ci le regarderait sans doute avec un air désapprobateur. Il avait beaucoup de cran pour un Mortel mais il pouvait au moins se targuer d’être un Élu de l’Æther des Âmes, en plus d’être Vivant depuis des millénaires. Il se demandait s’il ne l’avait pas déjà croisé par le passé. Étrangement, c’était flou. « Hum. » Il n’avait pas le temps pour ça, de toute façon. Le Génocide Démoniaque n’était pas vraiment son problème pour le moment. Ce que lui voulait, c’était qu’Odias lui rende une petite visite. Pour ça, il était prêt à faire des choses dangereuses et interdites, des choses qui pouvaient lui valoir une punition. Pourtant, il ne fallait pas être dupe : si les Esprits du Temple restaient silencieux depuis si longtemps, c’est qu’ils savaient parfaitement qu’il n’était pas nu. Il avait réfléchi à une défense digne de ce nom. Il était convaincu que s’il risquait quelque chose, ce ne serait pas le centième de ce qu’aurait subi un autre Dieu à sa place. Le fait est qu’il était devenu bien plus puissant que la plupart de ses homologues. Plus ses domaines se multipliaient – des domaines importants qui plus est – plus il devenait coriace à faire plier.

Il attendit un peu, quelques minutes, le temps pour les Momies de se déverser au sein de l’Enfer. L’Œil avait organisé une Purge. Les Portes de l’Enfer étaient à présent fermées. Personne n’en sortirait. Personne n’y entrerait non plus, hormis les Ombres, pour les besoins du Cycle. L’Œil aurait pu décider que le Cycle ne s’exécuterait pas dans son Monde. Il ne l’avait pas fait. Connaissant le Dieu, ça ne l’étonnait pas trop.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« C’est mon trône, vous savez. » murmura une voix à l’autre bout de la pièce. Le murmure parvint sans aucune difficulté. La pièce était plongée dans un silence absolu, complètement hermétique au reste de l’Enfer qui criait à s’en rompre la trachée. Jun amena sa main gauche un peu en dessous de son visage et commença à se curer les ongles, mine de rien. L’autre s’avança. Ce n’était pas Zane Azmog. Son histoire était finie depuis quelques temps déjà. C’était bien dommage parce qu’il aurait beaucoup aimé se curer les ongles en sa compagnie. « Mon trône. » « Hum ? » L’homme finit par le regarder vraiment. « Non, il me semble bien qu’il s’agisse du mien. Répétez après moi : Ceci est votre trône ô Monarque Démoniaque. » Il y eut un petit temps où le Roi resta silencieux puis, comme pris d’un soudain changement de cap, répéta, avec une motivation et une sincérité réelles : « Ceci est votre trône, ô Monarque Démoniaque. » « Bien. Vous commencez à comprendre. » C’en était presque triste. « À genoux maintenant. » Le Souverain le fit. Jun sourit puis se mit à rire, un rire peut-être légèrement mauvais. Il se leva, laissant l’assise vide. « Vous savez quel est votre problème, à vous, les Démons ? » Il laissa la possibilité au Bhūta Rāja de reprendre contenance. « Non mais vous allez me le dire, je suppose. » L’homme semblait bien plus sage que ses congénères, ceux qui étaient actuellement en train de s’entretuer au lieu d’envisager une stratégie commune contre les Momies. Comment faire la différence entre une forme démoniaque et une Momie ? Le nombre. C’est tout. La Purge avait une règle particulière et même si celle-ci était partielle, la règle restait la même : les plus forts survivent. Les Démons, trop habitués à la vivre, ne se posaient actuellement pas vraiment de questions. Les Momies ? Sans doute des formes démoniaques répandues ou un test de l’Œil. Les autres Démons ? Des ennemis à abattre. Un joli génocide, dans les règles de l’art. Une stratégie parfaite pour un peuple imparfait. Un petit sourire amusé s’étira sur les lèvres de l’Æther. « C’est drôle vous savez. En entrant ici, j’étais persuadé d’y trouver l’un de mes semblables. L’Œil, Æther de l’Enfer, Prince Démoniaque par excellence. J’avais l’intention de tenter de l’éradiquer pour attirer d’autres Dieux, qui, normalement servent à réguler le Monde mais qui, visiblement, préfèrent s’adonner à d’autres activités plus ludiques comme… le croquet. » Il rit en s’imaginant les protagonistes en question jouer au croquet. « En réalité, je ne sais pas ce qu’ils font. Un peu comme Delta. Pas grand-chose. Mais il ne faut pas juger trop vite. Ce qui n’apparaît pas n’est pas forcément absent. » Lui, cependant, apparaissait beaucoup. C’était ainsi que l’on obtenait l’amour – ou le désamour – des Mortels. Ça l’avait toujours fasciné de voir à quel point il était méprisé en tant que Jun et aimé en tant que Divinité. Sauf par Devaraj mais les relations père-fils étaient toujours difficiles, surtout avec un Fou dans la balance. Il avait peut-être exagéré, c’est vrai. Difficile de trouver une limite lorsqu’il n’y en avait plus du tout.

Il avait commencé à marcher et, comme il était arrivé à l’autre bout de la pièce, il se retourna. « Seulement… Je me suis souvenu – peut-être un peu tard, je l’admets, mais la question démoniaque ne vient pas tous les jours m’obséder, contrairement aux apparences – que votre Æther n’en était pas vraiment un. » Il rit. « Quoi ? » questionna le Roi, complètement incrédule et irrité. « Je vais vous raconter une histoire, je suis certain que vous ne la connaissez pas. C’est que… Elle s’est passée il y a vraiment très longtemps. Je viens de la vérifier. Le Temps, vous savez, c’est devenu un jeu pour moi au fil des millénaires. Je suis le mauvais élève de la classe, celui qui donne des migraines au Sin Luxinreïs. Visiblement, ça aussi, les Esprits du Temple s’en moquent. Le pauvre. Pourtant, je l’aime assez. Il est bien assorti avec l’un de mes fils. Ensemble, ils forment un couple d’exception, admiré par beaucoup d’Ætheri qui s’ennuient de leurs longues journées monotones. Tous ne trouvent pas la Divinité très amusante. Edel ne la trouvait pas drôle non plus, ce qui me fait m’interroger sur ces individus et me dire que, au fond, ils n’attendent qu’une chose : que je prenne gentiment leur place. » Il sourit et se surprit lui-même. « Oh mais je me suis égaré. Je voulais vous parler de cette fameuse histoire, c’est vrai. »

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« Hum… Je vais me réinstaller sur ce trône et vous allez vous asseoir à mes pieds. Ce sera mieux. » dit-il, après un instant de réflexion. « Ce n’est pas tous les jours que l’on perd sa religion. » Il sourit, taquin. Un bruit tonitruant retentit à la porte de la salle. « Ah ! Visiblement, certains veulent profiter de la Purge pour prendre ce qu’ils pensent leur revenir. D’ailleurs, à vrai dire, vous ne devriez pas être Monarque Démoniaque, vous. Ça ne me dérange pas mais s’ils le découvrent… hum. » Il envisagea le chaos que cela engendrerait. « Bref. Nous y reviendrons plus tard si vous le voulez bien. » Ce n’était pas si grave. Le Monde était fait de faux semblants. Il avait toujours fonctionné ainsi. « Donc… » commença-t-il après s’être installé. Il fit apparaître un coussin pour le Roi. Il n’aurait pas voulu que ce dernier attrape un rhume, assis sur le sol froid. Il ricana. « Notre histoire commence lors de la Première Ère, l’Ère de l’Aurore Édénique. Les Rehlas ont toujours été doués pour trouver des noms particulièrement intéressants aux Ères. » Il s’interrompit. « Vous ne comprenez pas ? Ce n’est pas grave. Disons qu’il y a des illuminés qui prédisent le nom des Ères. Sympan est quelqu’un qui a beaucoup d’humour, surtout pour créer des races… Bon mais où est-ce que j’en étais ? Oui. L’Ère de l’Aurore Édénique donc. C’était parfait. Sympan marchait dans son jardin de roses comme un grand enfant. Vous saviez que l’on murmure qu’il aurait les cheveux bleus ? Sincèrement… Qui a les cheveux bleus à part des illuminés ? Et Latone. Hum… Peut-être que j’aime assez les cheveux bleus. » Il sembla réfléchir cinq secondes. En réalité, il avait actuellement les cheveux bleu-gris, ce qui révélait bien qu’il se fichait légèrement du monde. « Donc Sympan marchait dans son jardin – c’est ce que disent les légendes, Sympan, le père de ce monde, fanatique de botanique, ce qui me fait penser qu’il doit réellement assister aux cours de Jil à Basphel – mais Sympan s’ennuyait. L’ennui est décidemment une épidémie chez les Ætheri. Mais je comprends. C’est vrai que lorsque l’on vient d’un autre Monde – parce qu’il y a une foultitude d’autres Mondes, il ne faut pas vous sentir spécial, vous n’êtes qu’un microbe dans l’Univers – ça peut paraître étrange de créer le sien et de se retrouver seul. Il faut au moins un autre être pour partager sa passion pour la Création, une sorte d’Âme Sœur. » Il fit la moue. La sienne avait actuellement un âge affreusement bas, ça le désespérait. « Enfin, ce n’est pas ce qu’il fit. » Il sourit. « Il créa d’abord les Ridere, pour se faire la main. Vu leur tête, si j’étais eux, je demanderais quelques comptes. Se faire glacer pendant des Ères demande aussi réparation selon moi. En tant que Divinité de la Justice, peut-être devrais-je traduire le Dieu-Roi devant mon Tribunal ? C’est à voir. Avant de s’attaquer au boss de fin, il faut commencer par les boss intermédiaires, n’est-ce pas ? Chaque chose en son Temps. » Il rit, une lueur espiègle dans les yeux. Il ressemblait vraiment à un enfant. Un rien l’amusait.

« Donc. Sympan. Les Ridere. Après les Ridere vinrent les Humains, ceux que l’on surnomme aujourd’hui les Enfants de Sympan mais qui n’ont plus grand-chose de glorieux hormis une Matasif plutôt efficace qui, cependant, possède un respect incertain pour mon Cycle. Je n’aime pas trop que l’on brise le Cycle. L’un de mes fils – toujours le même, il n’y en a qu’un qui me défie en permanence ; je trouve ça drôle – mange les Esprits Parasites. C’est vraiment… » Il s’interrompit. « Un Esprit Parasite, c’est ce que vous deviendrez lorsque vous mourrez. » Il lui sourit. « Alors si vous croisez un blond aux yeux verts, ou un brun… ou un type au visage noir et rouge… En fait, le mieux, ce serait de rester sagement dans l’Au-Delà ou de partir sur les terres non explorées. » Il révélait beaucoup à l’homme en question mais, dans le fond, ça n’avait strictement aucune importance. La finalité de la journée le rendrait muet pour toujours, d’où le fait qu’il lui parle de tout et de rien, en attendant que l’Œil arrive. Le Monarque Démoniaque faisait une drôle de tête. Jun se dit que ça ressemblait à peu près à la tête de Kaahl lorsque Devaraj lui avait sorti des informations à toute vitesse. Il avait voulu essayer de faire pareil. C’était assez plaisant, finalement.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« Mettons un peu plus de reliefs… Ce sera bien mieux pour votre compréhension. » Il sourit au Bhūta Rāja avant de prendre une expression théâtrale. Il déploya ses mains devant lui. Ce qui semblait être de la poussière d’étoiles – tant ça brillait – en sortit. Elle se modela, prit forme, se croisa et s’entrecroisa pour donner un résultat époustouflant. Devant eux, une scène apparut, la poussière créant et illustrant les dires de l’Æther avec un certain humour. Sympan était représenté en bonhomme allumette. C’était un Dieu, après tout, il pouvait bien prendre l’apparence qu’il souhaitait. Quoi qu’il en soit, le bonhomme allumette avait bel et bien les cheveux bleus. « J’aurais pu le représenter en écureuil mais ça aurait nui au bon déroulement de l’histoire. » nota-t-il, toujours amusé. « Nous disions donc que Sympan s’ennuyait. Bien sûr, Dieu particulièrement observateur – c’est fou, Sympan adore rester dans l’ombre – il admira un temps certain ses jolies créations, les aimant passionnément. Il les trouvait belles mais, bientôt, la beauté ne lui suffit plus. Lorsque les Humains se multiplièrent, il ne put leur consacrer autant de Temps qu’il l’aurait souhaité – toujours selon la Légende – et commença à se dire qu’il serait intéressant que certains de ses Enfants s’élèvent pour le rejoindre en tant que Divin. » Il haussa un sourcil. « Une idée de Génie, hein ? » C’était ironique. Bien sûr que ça l’était. Sympan s’était fait trahir par la suite. Là encore, il s’agissait de la Légende. « Si vous vous demandiez quel était le rapport avec l’Œil, ne vous inquiétez pas, j’y viens. » Il créa un effet effrayant et mystérieux sur la scène, de sa main. « Laissez-moi vous ouvrir les Portes de cette brûlante histoire. Vous verrez qu’elle l’est, brûlante, pour votre soi-disant Dieu. » Il ricana, ce qui ne provoqua curieusement pas l’hilarité du Monarque Démoniaque. C’est parce qu’il ne savait pas encore de quoi il en retournait.

« Sympan décida donc qu’il était temps pour certains Humains de s’élever. Il choisit parmi les plus méritants, ceux de ses Enfants ayant acquis la Connaissance et ayant développé des habilités qui les rendaient dignes aux yeux du Créateur – autant vous dire que lorsque le Créateur vient à vous pour vous faire comprendre qu’il vous a choisi, vous avez toutes les raisons du monde d’être heureux. » La scène décrivait ce qu’il avait en tête. Bien entendu, dans les faits, ça ne s’était pas du tout passer comme ça. Pourtant, il fallait bien illustrer quelque chose de compréhensible et de parlant. « Alors, ces Humains devinrent des Ætheri. Les fonctions divines étaient bien différentes à l’époque mais le processus était semblable, les Dieux étaient juste plus… Mortels. » C’était difficile à envisager, autant que ça l’était à expliquer. « Bref. Ce que devinrent les autres ne nous importe pas. Ce qui est intéressant c’est ce qu’il advînt de l’un d’eux, celui qui échoua les épreuves du Sympan. » Il s’arrêta une seconde. « Il faut bien qu’il y ait un cancre dans la classe, n’est-ce pas ? Eh bien, ce cancre, ce fût l’Œil. Les Légendes ne cessent de conter à quel point le Dieu-Roi est une Divinité bénéfique, proche de sa Création ; certains diraient totalement égocentré et orgueilleux mais passons. » « Vous l’envisagez comment, vous ? » le coupa le Souverain. Jun tourna les yeux vers lui. « À vrai dire… » Il sourit. « Peu importe. » Il n’allait tout de même pas lui livrer ce qu’il en pensait réellement. « Dans tous les cas, lorsque l’Œil devint puissant, il s’avéra être en réalité une entité chaotique et destructrice qui menaça la création de Sympan. C’est là que ça devient brûlant. » commenta-t-il avec son air taquin habituel. « Vous connaissez la famille Taiji ? Bien sûr que vous la connaissez. Eh bien, le Premier Dieu appliqua exactement la même méthode qui fut destinée à Mitsuko Lapsa Taiji, la fille monstrueuse d’Aria. Il enferma l’Œil dans une montagne qui, sous la colère de l’entité qu’il avait créé, Dieu incomplet, Mortel éternel et incommensurablement puissant, se mit à cracher le feu de sa rage. C’est ainsi qui naquirent les volcans et, plus précisément, le Volcan Ardent. » La scène disparut alors. « Il y a pleins de créatures en ce Monde qui se sont approchées du Divin sans jamais le devenir, des aberrations, comme Amilakhash, par exemple – c’est le Dieu du Léviathan. » précisa-t-il. « Toujours est-il que, vous, les Démons, priez un Æther qui n’en est pas un. Il est puissant mais… eh bien, peut périr. » Ce qui était bien sa veine.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les Ombres affluaient de toute part. Jezekael apparut au milieu de l’Enfer, sous forme visible. Il fronça les sourcils. Il était agacé. Le noir autour de ses yeux n’avait jamais semblé aussi profond, comme si des cernes avaient pu trouver une place sous le maquillage qu’il gardait depuis l’éternité. Les ordres d’Ezechyel étaient limpides mais il manquait clairement de main d’œuvre. Quelle idée d’enfermer les Ombres sur la Terre d’Edel avec la Déesse de la Vie. Pourtant, lorsqu’ils s’étaient parlé, quelques secondes très brèves, Jun avait été non équivoque : « Si les Ombres ne font pas leur travail, j’enverrai les Dies Irae. » Une profonde lassitude avait alors nourri l’esprit du Souverain, remplacée rapidement par une dure réalité. Le Royaume des Abîmes était inaccessible et la situation dans le Monde était critique. Plus le temps passait et plus les Ombres restantes étaient tentées de rejoindre le havre de paix promis par Edel. Ezechyel avait façonné le chaos, il l’avait créé de nulle part et Jezekael savait que la Mort ne ferait pas marche arrière avant d’avoir obtenu ce qu’elle voulait. Il ne pouvait faire autrement que de lui obéir. Il savait qu’Ezechyel pouvait se charger seul du Cycle ; du moins, de la partie mortuaire. Cependant, comme il se foutait particulièrement de la continuité de la Vie, il n’aurait pas peur d’anéantir les Ombres une par une, les traitresses d’abord, puis les autres. Croire qu’il ne le ferait pas serait croire en un Conte de Fae inexistant. Jun avait beaucoup de défauts et le plus grand était sans doute son entêtement. Il détestait ne pas finir ce qu’il commençait et, ce, depuis toujours. Grand maniaque, il pouvait se placer dans des positions délicates, juste parce qu’il était impossible de lui faire changer d’avis. Son obstination avait un prix et, puisqu’il était insolemment chanceux, le prix à payer était souvent réglé par son entourage. C’en était rageant de voir cet homme échouer pour les choses sans importance et sortir victorieux des plus grands combats. Pourtant, Jezekael savait aussi que ces grands combats ne comptaient pas vraiment pour l’Æther. Il s’en fichait, au fond. Il se battait juste pour elle. Elle était le problème, un problème difficilement soluble. Il aurait sans doute pu l’anéantir mais dès qu’il la toucherait, il se retrouverait avec un Dieu fou de rage qui chercherait probablement à anéantir la Création même. Trop dangereux. Il fallait absolument que l’Æther des Âmes sorte de l’oubli. Il allait s’y employer après le Génocide. En attendant, ce dernier restait son plus gros souci. Il aurait pu interdire aux Ombres de se rendre en Enfer mais, là encore, entre la menace des Dies Irae libérées sur le Monde et celle des Non-Morts que deviendraient des millions de Démons si leurs Âmes n’étaient pas arrachées de leurs corps, il n’avait aucune marge de manœuvre. Si Jun était raisonnable, il en aurait eu une. Le fait est qu’il ne l’était pas. Parfois, il se demandait s’il ne convoitait pas la place de l’Æther de la Folie ou du Chaos. Il se demandait surtout ce que Jun ne convoitait pas. Le fait est que, seul, il n’aurait rien souhaité. Ce qu’il désirait n’était que la résultante de la folie des grandeurs de sa Protégée. Pour arriver à jouer son rôle, il fallait forcément qu’il soit plus puissant qu’elle. Actuellement, c’était facile, bien que cela pouvait se discuter étant donné le nombre de morceaux d’Âmes lui appartenant et fourmillant sur le Monde. Plus tard, ça ne le serait peut-être pas autant. Jun préparait le terrain et, ça, Jezekael en était convaincu.

Le Roi venait pour le Bhūta Rāja mais pas uniquement. Étant donné le manque d’Ombres actives, il devait, à l’instar des Gardiens du Sceau, faire office d’Ombre lambda. Là encore, leur tâche était difficile. Puisque les Enfants d’Ezechyel n’avaient plus la possibilité de reposer les Âmes dans le Fleuve dédié, ils devaient les garder sur eux. Ce n’était pas facile d’en transporter autant. Ils n’avaient jamais été formés à ça. L’Esprit de la Mort craignait que les Ombres échappent leur précieux butin et qu’une Âme se retrouve dans un corps trépassé par inadvertance. Il n’avait aucune idée de ce que cela donnerait mais il n’avait pas envie de le savoir.

Jezekael créa une zone de ténèbres, faite d’ombres, capable à elle seule de contenir un nombre conséquent d’Âmes. Sa magie maintiendrait le contenant. Il aviserait ensuite de la marche à suivre. Étant donné le chaos que représentait l’Enfer, il devrait en ériger plusieurs pour permettre aux Ombres un travail efficace. Les premiers massacres avaient commencé. Un Démon voulut se jeter sur lui et traversa le corps du Roi qui le fixa d’un air ennuyé et sévère. « Apprendre à viser les bonnes cibles n’est pas en option lorsque l’on veut survivre, abruti. » Malheureusement, il ne suivrait pas son conseil. De toute façon, le Clepsydra ne mentait jamais.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« Oh oh oh oh oh ! » Byzance chantonnait, pour oublier sa dépression et sa mission. Au milieu de l’Enfer, sa tâche n’avait jamais été aussi ardue. Pourquoi n’était-il pas resté sur la Terre d’Edel, déjà ? « Parce qu’un halo lumineux t’en as arraché espèce de bouffon. » dit l’une des voix, sévère. « Écoutez… Ce serait très gentil à vous de… » « Oh regardez, le petit poussin essaye de s’exprimer. » « Incapable ! » « Devaraj t’enfermera dans sa cave et il t’y laissera moisir pour l’éternité. » Il y avait une nouvelle voix dans sa tête, moqueuse celle-ci. Il la détestait particulièrement. Aussi, il continua sa phrase en hurlant. « … ME LÂCHER ! » Il se sentait si triste, totalement pris au dépourvu et incapable. Pourtant, il avait une mission, une mission qui sortait de l’ordinaire. L’Esprit de la Mort, sous sa forme ombragée, les avait convoquées, elles, les Ombres. Les ordres étaient clairs : tous les Enfants d’Ezechyel devraient se rendre en Enfer à l’exception de quelques Gardiens du Sceau qui devraient assurer la Mort et la Vie sur toutes les Terres du Yin et du Yang. Autant dire que quelques Sans-Âmes s’élèveraient et que quelques grossesses seraient manquées ; surtout des grossesses puisqu’il était moins préjudiciable de porter atteinte à la survenance de la Vie que de faire la même chose pour la Mort. La Mort n’était pas une fin en soi et il ne valait mieux pas laisser une Âme dans un corps après la fin du Clepsydra. Le processus était complexe et, même si l’Ombre aidait le trépas à advenir dans de bonnes conditions, il survenait qu’elle soit là ou non, juste, pas complètement. Ainsi, une épée en plein cœur faisait tomber le corps mais il se relevait juste après, zombifié. À vrai dire, Byzance avait compris les choses ainsi. Il n’en était pas certain mais peu importait puisqu’il n’était qu’un pion sur le grand échiquier – plus si grand finalement – de la valse ombragée.

Byzance essaya de prendre une forme solide mais se heurta de plein fouet à un Démon enragé qui faisait au moins quatre mètres. Mauvaise idée, même pour échapper à ces harpies. De toute façon, il n’aurait pas pu maintenir son état matériel longtemps. Il soupira, de nouveau sujet à toute la dépression du monde. Il se sentait si mal. « Je meurs, je meurs, je meurs. » fit l’une des voix. Elle disait toujours ça. Il ne comprenait pas. Il avait envie de la tuer, de l’égorger et de faire un épouvantail avec ; si tant est que l’on puisse faire ça à une voix. Plus le temps passait, plus il essayait d’imaginer des visages à celles qui le tourmentaient. « Le sang coule… » L’Ombre se remit à chanter pour oublier. « Toutes les nuits la fête est démoniaque… » Il sourit. « Oh oh oh oh oh ! » Il avait une mission, il ne devait pas l’oublier. Il n’aurait pas pu, de toute façon. Les Momies lui faisaient peur. Les Démons aussi. Mais il ne pouvait pas mourir puisque… « Oh oh oh oh oh ! JE SUIS DÉJA MORT ! HA HA HA HA HA ! » Il s’approcha de sa victime. La mission était toute spéciale. Eu égard au manque de main d’œuvre, quel que soit leur niveau hiérarchique, les Ombres devaient simplement arracher les Âmes. Byzance, normalement, ne pouvait s’occuper que des suicides. Or, il s’avérait qu’il était devenu – comme toutes les autres de son espèce – homme à tout faire de l’Esprit de la Mort. Il fallait que le Cycle se fasse. « Tu ne seras pas capable de lui arrache l’Âme voyons ! Pourquoi essayer ? Tu n’es qu’un bon à rien. » « Et toi tu m’emmerdes. » Il répondait, maintenant, même s’il était toujours au fond du trou lorsqu’elles étaient là. Il traitait sa tristesse comme il le pouvait ; souvent c’était par l’irritation et l'illogisme. « Ton Âme est si grande ! » s’extasia Byzance. Il parlait au Démon mais, à vrai dire, celui-ci ne pouvait pas l’entendre. Il utilisa l’Esprit de la Faucheuse au moment même où ses organes finirent de pourrir, attaqués par l’étrange magie des Momies qui l’entouraient. Elles étaient cruellement efficaces…

La petite boule lumineuse entre les mains, Byzance la contempla quelques secondes. Déjà, une nouvelle cible lui fut murmurée en Cinere. C’était immédiat. Ces derniers temps, il ne pouvait plus se reposer et, sincèrement, il était bien plus à bout que d’habitude. Il aurait bien crié à l’esclavagisme mais… À quoi bon ? « Bouhouhou » pleura la voix de la tristesse, celle qui ne faisait que sangloter. « Les jeunes femmes sont toujours prêtes à s’abandonner, hum ? » continua de chanter l’Ombre, proche d’une Démone qui tomba à son tour. Deux Âmes, semblant si fragiles. Il ne pouvait pas les tenir comme ceci longtemps, quand bien même il avait déjà reçu une nouvelle tâche. Il devait aller les poser. Si quelqu’un s’en apercevait, si l’Esprit de la Mort venait à le savoir, il se ferait torturer. C’était trop dangereux de les accumuler, même si elles étaient belles et qu’il aurait bien voulu les garder pour toujours. De toute façon, il était complètement fou. Heureusement, parce que, sinon, il se serait chié dessus davantage.

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Vive le Prince de l'Enfer !

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Jusqu’ici silencieux, l’Œil se redressa. Il sentait qu’un Æther avait pénétré dans son Monde. Ce n’était pas réellement son Monde mais il en avait pris le contrôle. La Purge avait été détournée mais ça ne lui importait pas. Il n’était pas un Dieu. Il n’avait pas besoin de fidèles pour survivre. Sa puissance ne dépendait pas des Mortels et de leurs prières. Seuls les plus puissants méritaient de le vénérer et de suivre ses principes, de se voir distribuer une partie de sa force. Il ne savait pas ce que le Divin présent souhaitait. Des créatures démoniaques, assises autour de lui, chantaient dans ce qui ressemblait à de puissants murmures, des murmures étranges et gutturaux qui résonnaient dans tout l’Enfer, comme annonciateurs de la fin. L’atmosphère autour de lui était lourde, pesante. Il avait légué la maîtrise des Royaumes aux Kāmada Byāran et au Bhūta Rāja. Il était certain que ceux-ci sauraient en faire bon usage. Et s’ils ne le savaient pas, ils périraient car ce serait tout ce qu’ils méritaient. L’Œil était cette entité destructrice et chaotique. Il allait si bien avec les Démons. Quel peuple aurait adoré une figure capable de décréter une Purge ? En temps normal, les Ætheri protégeaient leurs races. Lui n’en était pas un ; il était incomplet. Il était différent de ce que le Sympan avait souhaité, d’où sa punition. Il s’était extrait du Volcan au fil des siècles, jusqu’à trouver dans ce peuple de fanatiques écervelés une raison de vivre et d’agir. Il ne sortait pourtant jamais de l’Enfer. En dehors, il était faible. Les cris de douleurs furent momentanément recouverts par les chants graves et profonds, jusqu’à ce que L’Œil ouvre deux énormes ailes. Elles ne ressemblaient pas à celles des Démons. Elles faisaient penser à celles des Déchus. Personne, pourtant, ne pouvait songer à lui en tenir rigueur. Dans cet univers, il avait droit de vie ou de mort sur ceux qui foulaient le sol qui lui appartenait. Chaque Royaume avait sa particularité mais tous pouvaient muter, se tordre et donner naissance à un autre. Peut-être qu’un véritable Dieu avait vécu ici jadis, c’était même certain. Il n’avait sans doute pas complétement disparu puisque sa création demeurait. Les Vils pensaient qu’il était son Monde à lui, L’Œil, mais ils se trompaient. Il n’était qu’un opportuniste qui s’était fait Prince de l’Enfer à la place du véritable Æther qui avait façonné l’endroit. L’Œil savait que la Bête s’était enfuie. Elle n’obéissait pas au nouveau Monarque. Le non-Dieu n’était pas idiot. Il savait qu’il ne s’agissait pas d’un Démon. En attendant, il saluait la performance et la puissance de cet Alfar pour avoir réussi à maîtriser les magies et pouvoirs des Diables avec autant de brio.

L’Œil passa en revue chaque Royaume. Ces derniers n’étaient pas une continuité de terres, situées les unes à la suite des autres. Non. L’Enfer était un dédale. Aller d’un Royaume à un autre pouvait passer par plusieurs étapes. Un Royaume semblant proche pouvait, en réalité, être particulièrement éloigné. Parfois, un vide abyssal séparait les territoires. Des êtres avaient envahi les lieux, des Momies, créations divines qui devaient probablement être liées à celui qui se situait actuellement en plein cœur de Nagdate en compagnie du Monarque Démoniaque ; un Roi nouveau et discret, en totale opposition avec l’ancien Souverain. L’Œil s’envola, dans le ciel étrange de l’Enfer. Les astres étaient différents dans ce Monde. Un énorme cercle rouge teintait les cieux, visible d’absolument partout. Il appelait au meurtre, sans pitié, sans vergogne. Tous les Vils savaient aussi que si l’un d’eux réussissaient à tuer le Bhūta Rāja, alors, peu importe son niveau hiérarchique, peu importe le reste, il deviendrait Roi à sa place lorsque le cercle se teinterait de blanc. Inutile de préciser que bien des Démons tentaient de se rendre en Nagdate actuellement, subissant le courroux du Roi qui manipulait l’environnement pour les exterminer de loin. L’Œil pensa brièvement que, malgré sa puissance, il allait agir exactement de la même manière que ces prétendants au trône : se rendre au sein du Royaume Ultime pour combattre un ennemi bien supérieur à lui. On ne tuait pas un Dieu. Pourtant, il espérait que son ancienneté le sauverait un minimum. Il comprenait les tenants et les aboutissants. Si cet Æther essayait de l’éliminer directement, alors celui-ci risquerait gros. Il était bien trop important pour la survie de l’endroit, une figure imminente. Cette logique lui faisait penser qu’il ne risquait rien, lui. Il avait tellement tort.

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Le Prince de l'Enfer est mort.
Vive le Prince de l'Enfer !

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Un fin sourire se dessina sur les lèvres de Jun. Un Démon venait de passer à travers la porte de la salle du trône. Traverser la matière, un don qui ne payait pas de mine mais qui se montrait d’une efficacité déconcertante dans ce genre de cas. « L’Œil ne va pas tarder non plus. » dit-il en regardant celui qui restait le Monarque Démoniaque, pour le moment. Il tourna les yeux vers le prétendant au trône. « Vous allez m’écouter attentivement. Votre idole va tomber et je ne suis pas certain de ce qu’il adviendra de ce Monde une fois que ce sera fait. Je le maintiendrais pour vous. Je jouerai son rôle mais… Ne croyez pas que c’est parce que j’aime votre peuple. Je veux éviter le chaos absolu. J’abhorre les Démons, au plus profond de mon être. Je déteste votre espèce et si je pouvais l’anéantir complètement, croyez-moi, je le ferais. » L’Enfer avait d’abord était une ville. À cette époque, Ludwig avait marché sur Al’Asl, sous les murmures du Dieu qui avait créé cet endroit, ce même Æther que celui qui se faisait appeler L’Œil remplaçait aujourd’hui, tombé en désuétude en même temps que les forces démoniaques s’étaient estompées. Il ne voulait pas que le Dieu Originel reprenne sa place, cet Œil véritable qui avait contribué à détruire son peuple, à lui. Il haïssait L’Œil, tout comme il haïssait Ludwig Macaria et, par conséquent, Amuth, l’Æther de la Destruction. Il exécrait cette sous-race de dégénérés pour ce qu’ils avaient fait aux Humains. Ils allaient payer, à présent. Il se foutait de la puissance que L’Œil avait reçu à la suite de la victoire du Sympan. Il avait murmuré aux Démons de soutenir le Créateur et c’était à desseins. À présent qu’ils avaient connu la gloire et la puissance, il allait les réduire en poussières et faire en sorte que jamais plus ils ne puissent se relever. Il interdirait aux Rasväar de les aider, pour toujours. Ils sombreraient dans l’infernal abysse jusqu’à ce que ces cafards comprennent qu’ils n’étaient qu’une erreur de la Création, au même titre que celui qui incarnait à présent L’Œil. Il sourit. Peut-être était-ce ça, finalement, ce qu’il devrait faire, afin de provoquer la réaction des Esprits du Temple ? Détruire de ses propres mains une race entière, sans aucun filtre, sans que des Mortels ne s’en chargent pour lui ? Il commençait à les avoir en horreur, eux aussi. Il avait l’impression qu’ils le provoquaient délibérément, pour voir jusqu’où il était capable d’aller. S’ils n’avaient pas encore compris qu’il ne s’arrêterait pas avant d’obtenir une audience, ils étaient soit stupides soit complètement dépassés par les événements. Sa femme non plus n’était pas sage. Tous les deux, ils se rebellaient, ils s’étendaient. On lui avait déjà tant pardonné qu’il se questionnait. Peut-être était-ce ça, finalement ? Peut-être que ceux qui se targuaient d’être les nouveaux Esprits du Temple, Gardiens de l’Équilibre, avaient de plus en plus de mal à gérer les Dieux récalcitrants ? Il l’ignorait et, très honnêtement, il n’espérait pas.

Alors qu’il sentait la présence de L’Œil se préciser, il ouvrit deux grandes ailes rachitiques et s’envola vers le plafond du palais. Il le traversa, son corps entouré d’une lumière qui n’était autre que de la magie. Il changea de forme, prenant celle qu’il avait défini comme celle d’A’Zar. Il ressemblait à présent à une créature à mi-chemin entre un Dragon et un homme. Quelque chose de fondamentalement lié au Dieu des Âmes ressortait de l’ensemble. Ce jour sonnerait le glas de l’imposteur et peut-être le prélude de ce que, lui, désirait. Il ferait de son Rêve un Cauchemar. Immense, il se dressa au-dessus de Nagdate, accueillant son invité avec un sourire mauvais. Si L’Œil pensait pouvoir discuter, il se trompait. Il ne pouvait rien lui offrir, rien dire qui l’empêcherait de le bannir, de l’enfermer de nouveau dans sa Montagne Enflammée. Un Mortel, quelle que soit sa puissance, ne pouvait se mesurer à un Dieu. De plus en plus géant, le ciel derrière lui devint d’un bleu électrique, un tourbillon de magie tournoyant autour de lui avant de se répandre sur Nagdate sans aucune pitié au moment même où il battit des ailes pour venir cueillir le prétendu Æther de l’Enfer. Seul le palais demeura, le reste explosant dans une lumière aveuglante. A’Zar prit de la vitesse et ouvrit la gueule, gobant L’Œil d’un seul coup. Un large portail se créa dans le ciel de l’Enfer, en même temps qu’un autre, plus petit, à destination de ses enfants, apparut dans le Royaume de Laiṅgika. Il espérait qu’ils auraient l’instinct de l’emprunter. L’ouverture des cieux se referma après qu’il fut passé. Il réapparut proche du Volcan Ardent et le traversa dans un éclat bleuté, y laissant, enfermé, L’Œil. Le Volcan commença à gronder et à fumer, la rage de son ancien et nouveau prisonnier s’exprimant pleinement. Dans les airs, Jun reprit forme humaine, blond, des ailes immaculées dans le dos. Il souriait parce qu’il savait. Il savait qu’il était convoqué.

830 mots
Fin