Musique

Il regardait la neige descendre du ciel, lentement. Le silence n’était entrecoupé que par les plaintes de la dormeuse, des gémissements d’angoisse et des mouvements parfois soudains. Les mains derrière le dos, il se demandait depuis combien de temps il était ici, debout, sa silhouette se découpant dans l’obscurité. Elle ne le voyait pas. C’était si étrange. Il savait qu’il hantait pourtant ses pensées de temps à autres. Les songes lui avaient volé l’attention de sa Sirène, ce soir. Il se retourna et sourit lorsque son regard se posa sur les draps qui la couvraient. Il s’avança en silence et s’arrêta un instant, le temps de replacer correctement les livres qui reposaient sur son chevet. Puis, sans un bruit, il s’allongea à côté d’elle. Son corps vint se coller au sien avec délicatesse et sa main remonta sur son bras à la manière dont les vagues des beaux jours venaient caresser le sable chaud. Il l’effleura doucement, sachant très bien qu’il devrait repartir ensuite. Il ne souhaitait pas l’engloutir en son sein cette nuit. Il désirait simplement l’apaiser.

Ses doigts écartèrent ses cheveux de son visage et aspirèrent les mauvais rêves qui la hantaient pour les réduire en poussières. Il n’était pas ravi des méfaits de sa femme. Il souhaitait qu’elle la laisse en paix. Lui-même avait trop souvent joué le jeu des Ætheri. Il connaissait le prix à payer, le prix de certains privilèges. Il n’en parlait jamais parce que l’Histoire ne pouvait clamer sa vérité. Il avait été condamné au silence, à la confidence, pour des caprices insipides. Il voulait le Tout, parce qu’il ne serait plus obligé de se battre contre ses semblables. Il serait l’Absolu et il ferait pousser dans son jardin des roses merveilleuses, aussi belles qu’elle ; moins fragiles peut-être. La tête soutenue par sa paume, il la contemplait, soudainement bien plus apaisée. Il caressa sa joue avant de coller un peu plus son torse contre son dos. Le nez dans ses cheveux, il la prit dans ses bras. Il n’était pas certain de souhaiter qu’elle change davantage. Il désirait qu’elle devienne forte pour combattre ces êtres qu’il haïssait profondément et qui pensaient pouvoir contrôler son existence mais il ne voulait pour rien au monde qu’elle devienne hautaine et orgueilleuse. Il savait que c’était l’impression qu’elle pouvait donner mais il avait accès à ses secrets et à ses souffrances. Elle se protégeait de ses craintes. La fragilité éveillait en lui une tendresse sans égale. Il rit doucement contre elle. Il lui avait fallu du courage pour se déclarer à lui dans les Sources. L’endroit aidait, bien entendu. Elle n’était pas que faiblesse mais il aimait constater ses fêlures. Il n’appréciait pas ceux qui n’en possédaient pas et ne les montraient pas car c’était lorsque l’on osait avouer ses déchirures à autrui qu’il était possible d’établir une véritable relation. C’était dangereux mais l’amitié et l’amour n’étaient pas dénués de risques. Il espérait qu’elle se confierait davantage et qu’elle accepterait de le voir, à l’avenir. Il était bien contre elle. Il se fichait qu’elle se marie, à un Prince ou à un Roi même. Il se fichait qu’elle finisse par avoir des enfants. Il voulait juste être son Océan. Il l’accueillerait toujours chez lui et elle y trouverait le réconfort qu’elle méritait, la passion qu’elle désirait et… le reste.

Il se déplaça sans que le matelas jamais ne bouge. Il la contourna pour se positionner en face d’elle, cette fois. Elle ronchonna quelques paroles incompréhensibles dans son sommeil, ce qui eut pour effet d’étirer ses lèvres en un sourire amusé. Il aimait le naturel. Il aimait l’imperfection. Il rirait si elle se mettait à ronfler mais aimerait ça. Il savait que sa main allait bouger bientôt et que s’il restait là, elle atterrirait sur lui. Il ne bougea pas, encaissant le coup non intentionnel et mou sans ciller. Il prit ses doigts entre les siens et déposa un baiser sur chacun d’eux. Ce n’était pas le moment mais il aimait être en sa compagnie. S’il pouvait réchauffer sa peau et apaiser ses maux, ne serait-ce qu’un peu, alors cela suffirait à le contenter. Il était heureux.

« Dormez bien. » lui souffla-t-il quelques minutes plus tard avant de lui embrasser le front. Il se releva doucement avant de croiser le regard d’un homme. Il s’agissait de son Mur. Jun plaça son index devant ses lèvres, pour lui faire signe de ne rien dire. « Chut. » Un petit sourire taquin suivit et il disparut.

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