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 La Dynastie des Cauchemars

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Lun 26 Oct 2015, 22:04




La Dynastie des Cauchemars
Mémoires brumeuses & Sombres souvenirs




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La plume éthérée courait sur le parchemin bleuté. Elle devait être la seule de toute l'histoire à être restée lucide malgré ses cinq ou six millénaires d'existence et malgré la présence de personnes extrêmement dérangées à ses côtés. La reine des esprits incluait dans le groupe Devaraj, Lilith, Jun et à peu près tous les habitants de Zemlys. Elle regarda par la fenêtre les toits de Zterbiuh'Oshi qui s'étendaient à l'infini. Elle avait sous ses pieds la ville la plus grande du monde, qui ne cessait de grandir à chaque instant. Une merveille architecturale qui réussissait par le miracle de la Mort à rassembler tous les styles existants. Ce bijou intemporel était son territoire. Il y avait de quoi flatter son vieil orgueil racial. Parfois, lorsque l'ennui devenait trop important, elle écrivait ses Mémoires, ou plutôt, ceux de Devaraj. Ses propres souvenirs à elle étaient bien trop lointains et peu dignes d'être racontés. Sa vie d'Alfar avait été insignifiante et elle s'était terminée par un échec. Mais Khaal ne s'était pas gênée pour faire de sa Mort une réussite. C'était sur un trône qu'elle était assise, même si pour ce faire, elle avait dû supporter de collaborer avec un être particulièrement excentrique, voire même, un véritable imbécile. Le Suprême de l'Au-Delà ne voulait plus entendre parler d'elle ? Très bien. Elle allait lui démontrer mathématiquement qu'il ne pouvait pas se permettre une telle chose. Elle avait été derrière un grand nombre de ses réussites, son infidélité était inexistante et il serait déjà mort un bon million de fois si elle n'avait pas été là pour jouer le rôle de Prudence, Garde-Fou, Mère. Par ailleurs, elle ne pouvait pas être remplacée. Personne ne supporterait de rester avec lui. Il était imprévisible et extrêmement dangereux pour les Esprits maintenant qu'il se nourrissait d'eux tel un cannibale mordu par un vampire. Être l'Hozro de Devaraj, il s'agissait entre autre d'avoir une centaine d'épées de Damoclès pendues au dessus de la tête, ce n'était pas une tâche quelconque à confier à n'importe qui. Oh, elle était solide, comme un rocher inébranlable. Lui tout seul, il n'avait aucun mérite et ce depuis le commencement ! Et depuis peu, son estime pour lui, qui était pourtant montée très haut dans le ciel, descendait à des profondeurs vertigineuses. Enfin, son rôle d'Hozro lui donnait accès au meilleur trône de l'univers : pas de concurrence possible, une politique inexistante et un nombre de sujet toujours croissant. Elle ne restait avec lui seulement parce-qu'elle le souhaitait. Elle avait encore, elle -contrairement à ce crétin- les souvenirs vifs de l’ancienne époque et des moments partagés. La reine leva les yeux vers la porte qui venait de s'ouvrir. «Oh vous êtes arrivés... Merci de votre temps. Installez-vous sur les divans...» Elle souriait en dévisageant les trois nouveaux venus qui s'assirent en cercle autour d'elle. «Nous attendons encore l'Impératrice et puis nous pourrons commencer notre séance.» La notion de temps perdait son sens dans l'Au-Delà. Les Morts étaient toujours en retard et attendre faisait parti de leur quotidien. Ils ne s'en inquiétaient pas, ils avaient l'éternité devant eux. La plus jeune des invités fit une moue. «Elle n'est pas Impératrice, vous savez. Ce n'était que l'intendante du Palais et la nourrisse de la véritable Impératrice. Son mari n'était pas Empereur mais jardinier du Palais.» Kaahl sourit. Elle savait tout cela depuis bien longtemps. «Je sais, je sais... Mais son mensonge est imprimé dans ma mémoire et je ne peux pas m'empêcher de la dénommer ainsi. Je trouve que ça lui va bien. D'ailleurs, je ne connais pas son vrai prénom !» La concernée arriva, ferma la porte derrière elle et s'assit en silence, avant de déclarer. «Je vous ai entendu dans le couloir. Sachez que je n'ai pas menti de la sorte à Devaraj par orgueil... Je tenais à préserver la véritable apparence et l'identité de la vraie Impératrice. Vous savez les rumeurs qui trainent à propos de votre Chaman. J'ai protégé et éduqué cette femme toute ma vie, je ne compte pas m'arrêter de le faire maintenant. Ce fou est bien trop dangereux, il vaut mieux qu'il me confonde avec elle pour quelques temps encore... Qu'il continue de s'adresser à moi pendant qu'elle s'adresse à sa descendante.» Les quatre esprits approuvèrent ses dires en hochant la tête. «Nous ne remettons pas en doute votre bonne volonté, Madame.» «Bien. Comme vous le savez, je vous ai convoqué ici pour que vous puissiez connaître les secrets de Devaraj, ce qu'il a été, ce qu'il est, ce qu'il sera. Vous êtes tous plus vieux que moi de plusieurs millénaires et je m'en remettrai à votre sagesse. J'apprécie cependant que vous reconnaissiez ma souveraineté. J'ai besoin d'un soutien et d'une soumission totals de votre part, en échange de quoi j'accorderai une grande attention à vos conseils.» Khaal décroisa ses jambes et s'assit dans une position plus détendue. «Lorsque j'aurai commencé à activer les pouvoirs qui me servent à faire revivre le passé sous vos yeux de spectateurs, vous pourrez toujours m'interrompre si vous avez des questions. Si vous voulez rompre la séance, faite moi signe.»

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Sam 03 Aoû 2019, 17:49






1. Qu'est ce que la vie ?

Prémices & Enfance





Ère du Chaos du cristal | Continent Naturel


Mes yeux se ferment lentement. Je n'ai qu'à laisser la magie couler jusqu'au bout de mes doigts pour activer mon pouvoir et me plonger dans un passé lointain, le revivre exactement comme mes souvenirs me le dépeignent.
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Silencieuse, je regarde de mes yeux fantomatiques la forêt qui s’étend autour de moi, à l'infini. Depuis combien d’années me tiens-je là, à regarder le soleil se lever puis se coucher, jour après jour ? J'ai eu le temps de voir mon cadavre pourrir, jusqu’à ce qu’il n’en reste que des os mélangés à la terre. J'ai eu le temps de voir les pierres tomber en ruines, les morceaux se détachant et la végétation reprenant sauvagement son dû sur le bâtiment. Aujourd’hui sera une douce et calme journée et les vivants profiteront encore des dernières lueurs des beaux jours pour reprendre leurs forces. Car ensuite viendra le gel, cruel et sans pitié, puis la neige, et enfin le froid mordant. A une altitude aussi élevée, les temps de grands froids sont longs, rudes et impardonnables tout comme les moments de chaleurs y sont trop courts, humides et traversés d’intempéries. De tout cela je ne ressens plus rien, mais je le sais pour l’avoir vu au fil des années, tel un spectateur qui observe un phénomène sans pouvoir en ressentir les effets, ni avoir un quelconque impact dessus. Après tout, cette forêt, comme le reste du monde, n’a aucune place pour les morts, pour moi. Et comme tant d’autres personnes, je finirai oubliée de tous, si ce n’est pas déjà le cas. Oh. C'est probablement déjà le cas. Les lieutenants Alfars qui échouent dans leurs missions à l'étranger ne sont pas vraiment commémorés. La frustration est venue, puis elle est passée, et elle a disparu. Peu à peu, beaucoup d’autres sentiments ont suivi le même chemin, route vers le néant. A quoi bon regretter ou s’énerver quand on sait pertinemment que cela ne changera absolument rien à sa condition ? J'ai choisi la passivité totale, et pour le moment, je m'en sors très bien.

Je ne me doute pas, à ce sombre instant de mon existence, qu'un événement perturbateur va venir déranger cette harmonie paisible dans laquelle je me suis réfugiée pour éviter que la folie s’empare de la seule chose qui me reste, c’est à dire mon esprit. Alors que je m'occupe naïvement à philosopher sur le temps, le soleil et la neige montagnards, je suis brusquement dérangée par les bruits criards d’un enfant peu discret, qui s’amuse à s’aventurer dans les bois avec une imprudence peu recommandable. «Pauvre humain…» songe-je alors en suivant des yeux l’intrus qui s’avance pour fouiner dans les ruines. Un reste de pitié qui disparait aussitôt, remplacé par un désintérêt total. L’enfant est déjà hors de ma vue. C'est que ça court vite, ces machins moches. Je le connais, c'est un blondinet très turbulent, un orphelin qui a été recueilli bon grès mal grès par les agriculteurs du village voisin. Il ne s'est pas intégré dans sa famille et n'est pas apprécié ni par ses parents adoptifs, ni par sa fratrie. Quand on voit le morceau, on comprend pourquoi. Cet imbécile a déjà disparu dans la sombre forêt. Il court vite pour son âge et fait des bonds à se demander s'il n'a pas du sang écureuil dans les veines. Eh bien, moi je prédis que c'est son sang qui va très bientôt rougir les pierres des murs effondrés.

Je n'ai guère bougé de quelques mètres depuis mon décès, mais je ne suis pas sans savoir que plus en profondeur, derrière les rochers tombés, les poutres moisies et les restes de civilisation, se cache un mal bien plus effrayant que le simple fantôme passif que je suis. Si j'ai cédé à l’apathie totale, d’autres sont tombés dans la haine, la dépression et l’aveuglement. Et si je suis inoffensive, d’autres nourrissent des envies maladives de vengeance et de meurtre. «La curiosité est un bien vilain défaut.» Ma voix moqueuse et tonitruante résonne pour qui voudrait et pourrait bien l’entendre, c’est à dire, personne. «A quoi bon pouvoir parler si l’on ne peut pas être entendu ? A quoi bon avoir une forme si elle est invisible aux yeux de tous ? » Les mots se perdent dans ma gorge et je deviens soudainement très lasse. J'ignore royalement les cris de terreur qui me proviennent des ruines. Ce gamin, il doit être en train de mourir, possédé, dévoré par les monstres qu'il a bien cherché. Bien fait ! On appelle cela la sélection naturelle... Mon regard sans vie se pose sur le beau cerf blanc qui me passe sous le nez, sans me voir. J'en admire la grâce pendant quelques minutes, avant de retomber dans mon inactivité habituelle. Le silence retombe. Plus d'enfants, plus de cerfs, rien.

Je ne pouvais pas savoir que je venais d'assister à la naissance d'une Dynastie...
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Mes yeux se détachent brusquement du passé pour retrouver les murs familiers du palais. J'étais naïve à l'époque. Devaraj n'est pas mort au milieu de ces ruines, il a simplement eu une frayeur mémorable. Peut-être qu'il aurait mieux valu pour le monde qu'il crève à ce moment-là, mais le Destin en a voulu autrement. C'est au creux de ces montagnes que l'enfant commença à connaître les fantômes et qu'il fût transformé en chaman par un ermite dont on ne retrouva plus jamais la trace. Lorsque la race n'en était qu'à ses prémices, certains individus naissaient avec le don de voir les Esprits et ils étaient transformés en Chaman par les premiers membres de ce peuple. De cet homme en partie responsable du monstre qui vit aujourd'hui sur l'Île Maudite à la tête d'une nation, il ne reste que le cerf blanc qui se promène dans les jardins du roi. Un sourire sarcastique se dessine sur mes lèvres noires. Je pousse un soupir exaspéré et referme mes paupières. Il existe un souvenir précis dont j'aime me rappeler. Je pense que lui ne s'en souviens plus. Il a bien tord... Je devrais lui raconter et lui rappeler, comment il était avant ; lui donner honte de ce qu'il est devenu.

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Si on avait bien voulu m'expliquer ce qu’est réellement la “mort”, j'aurais peut-être prit un peu plus soin de ce qu’on appelle la “vie”... C'est la seule réelle conclusion qui s’impose dans mon esprit, au fur et à mesure que le temps passe. A mes yeux l’espoir est dérisoire et vide de sens, mais je vais bientôt apprendre qu’il n’est pas vain. Loin étaient derrière l’enfant un peu trop curieux et le beau cerf lumineux, et pourtant, les deux réapparurent un beau jour devant moi. Je revois encore sa tête. A vrai dire, je revois toute la scène avec une clarté surréaliste, sans avoir besoin de faire d'effort. Il fait remarquablement beau mais je m'en tamponne, comme d'habitude. J'attends. Je ne sais pas vraiment quoi. Du bruit : des branches cassées et des buissons écartés. Un jeune adulte qui s'avance vers moi tout souriant -oh ! Devaraj ne sourit plus comme ceci maintenant, c'est fini ! - et qui m'explique sans délicatesse et avec un ton candide qu'il fait parti d'un peuple capable de voir et entendre les esprits, mais plus important encore, de pouvoir les faire revivre à travers leurs corps. Le choc ! Une chance inespérée, un renouveau qui fait jaillir une envie cachée. L’envie de vivre encore. L’envie de pouvoir ressentir à nouveau les milles et une sensations du corps humain. Peu importe les moyens utilisés, la finalité me séduit sur le champ, si bien que j'accepte alors directement son offre sans réfléchir et devient le premier esprit compagnon de l’enfant trop curieux qu’est Devaraj Saälm.

Belle époque tout à fait révolue. C'est un de mes plus beau souvenirs, cela dit... Si un jour je mets la main sur cette légende de pouvoir des Maîtres du Temps, croyez-moi que je ferais tout pour l'égorger à ce moment précis.

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Sam 10 Aoû 2019, 21:47






 «Vos talents d'oratrice sont indéniables, Khaal.» La jeune fille lui sourit doucement. Un dernier invité, qui les avait rejoint bien après le début de la séance, demanda d'un ton curieux. «Nous ne savons toujours pas qui est la Mère ?» La reine fit une moue. «Edel, à en croire cette dernière. Je ne pense pas que cela ai beaucoup d'importance pour la réussite de notre mission. Ezechyel, son père, n'est pas concerné par cette intrigue. Je suis persuadée qu'il possède beaucoup de choses beaucoup plus intéressantes à réaliser, plutôt que de s'occuper de nous. Le chemin que nous suivons doit, il me semble, être éclairé par Raanu uniquement. C'est la volonté de cette Déesse que vous essayons de suivre. Si nous nous embarrassons, comme le fait Devaraj, de toutes les autres demandes des Aetheri, nous finiront noyés par leurs besoins constants d'attention.» Une sorte de dédain coulait dans sa voix. Khaal considérait les Aetheri comme des parasites qui ne pouvaient pas survivre sans leurs victimes. Il n'y avait qu'Ezechyel qu'elle respectait encore, puisqu'elle vivait dans son Monde à lui, celui des Morts. «Désolé pour cette parenthèse, j'étais simplement curieuse. L'enfant d'Edel et d'Ezechyel sur le trône des Chamans, cela a de quoi alimenter les légendes des Vivants et les bistrots des Morts !» Un bref rire secoua les quatre spectateurs. «Vous semblez le haïr. J'ai du mal à comprendre les efforts que vous développez pour nous rassembler et invoquer notre aide.» Le visage de la reine se figea. Oui, elle le détestait. Mais le temps avait son œuvre exécrable : à force de devoir le supporter et le soutenir, elle s'était attaché à Devaraj, d'une manière qui lui était propre. Ce n'était pas de l'amour ni de l'amitié, son cœur d'Alfar en était incapable. Elle n'arrivait pas à mettre un mot dessus. C'était un sentiment de nostalgie, regret, orgueil, égoïsme et attachement. «Oh. Je n'ai jamais eu d'enfants ni de famille. Il a apprit à combler ce vide et j'espère ne pas le perdre.» souffla-t-elle. Elle ne pouvait pas se montrer malhonnête avec ses interlocuteurs, pas ceux-là. Ils le saurait tout de suite et cela rendra la suite des négociations compliquées. Khaal s'humidifia les lèvres. Ses relations avec Devaraj étaient complexes et instables, mais elle ne souhaitait pas réellement d'y mettre fin. Elle aimait le dire, s'en plaindre, mais ne serait pas capable de le faire. Et surtout, elle se demandait ce qu'il en était pour Devaraj. Que représentait-elle pour lui ? Cela devenait de plus en plus difficile à savoir. Un bref soupir passa ses lèvres éthérées. «Pour être complétement honnête avec vous, je ne suis pas certaine de pouvoir être son Hozro. Plus aujourd'hui. J'aimerai que vous me remplaciez ou du moins que vous m'épauliez, d'où l'utilité de ces sessions de souvenirs. Maya, vous, je sais que vous n'accepteriez jamais de fusionner avec Devaraj, mais je tenais à votre présence puisque vous êtes en relation avec l'Impératrice. » Elle tapota pensivement ses doigts sur son accoudoir. Elle sentait le regard inquisiteurs des quatre Esprits couler sur sa peau. «Khaal, Vous avez l'air d'avoir plus de lucidité que votre Chaman. Cependant permettez-nous de douter de... du bien fondé de nos entretiens et de votre proposition. Nous ne sommes pas certains que devenir Hozros du Suprême de l'Au-Delà soit utile ou nécessaire. Vous voulez l'aider à retrouver un équilibre mental, cela ce voit. Il serait aussi dans notre intérêt à tout qu'il cesse de dévorer les nôtres, c'est vrai. Mais rien n'est dit que nous réussissions dans ce sens et puis révéler notre existence à Devaraj nous mettrait dans une position dangereuse et délicate.» Derrière leurs airs bénéfiques, ils se méfiaient d'elle et chercher à jauger ses propos. Comment leur en vouloir ? Les Alfars avaient la fâcheuse réputation d'être hypocrites. La situation était grave à leurs yeux et elle ne pouvait se contenter ni d'aborder le problème d'un ton banal, ni de se laisser marcher dessus dès le début. «Je n'ai plus la force nécessaire pour l'empêcher de se disloquer. Plusieurs Aetheri sont à ses trousses, sans compter cet  Amshloumkarhya, que je soupçonne d'être un Génie à la puissance effrayante. Moi non plus, je ne sais pas si les rumeurs sont vraies à votre sujet, sans vouloir vous offenser. Je suis quelqu'un de plutôt pessimiste et terre à terre. Je vois puis je crois et non l'inverse. Vous n'êtes peut-être que des menteurs qui ne valent pas plus que l'horrible vermine qui rampe dans Zemlys. J'ai accepté d'entendre vos problèmes et j'essaye d'y trouver une solution, puisque ce sont aussi mes problèmes, dans un sens. Je suis persuadée que la situation nous permettra à vous et à moi de satisfaire nos intérêts propres. Je n'essaye pas de vous doubler, ni de vous mettre en danger, cela n'aurait aucun intérêt pour moi. D'ailleurs vous pouvez difficilement douter de mon impuissance devant la situation, le fait que Devaraj ne fusionne plus avec aucun esprit et qu'il se soit mit à nous dévorer, ce n'est pas un secret.» Ses paroles venaient de jeter un grand froid dans la pièce, cela lui plût. «Devaraj ne se rend pas compte que la solution qu'Amshloumkarhya lui a trouvé contre les esprits Parasites n'en est pas une. Pas entièrement. J'aimerai simplement lui remettre les idées en place. Et cela passera certainement par l'accomplissement de cette tâche que Raanu lui impose et qu'il ne pourra absolument pas réaliser sans moi. Sans vous.» Elle fit une pause et se massa les tempes. «Je comprendrai votre refus. Je ne suis pas idiote. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps si vous ne souhaitez pas m'accompagner dans cette histoire.»


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Lun 28 Oct 2019, 18:38






2. C'est l'éclat d'une luciole dans la nuit

Jeunesse





Ère du Chaos du cristal | Continent Naturel

Mes doigts se serrent sur la plume. Je dois écrire ce livre, même je ne saurais en donner une raison logique et censée. Peut-être que je suis devenue folle moi aussi, à force ? Peut-être qu'il m'a eu à l'usure avec ces crétineries. Peut-être que relater le passé par écrit et les embellir grâce aux Dons de Conservateur est le seul moyen pour moi d'y voir plus clair. Peut-être que, tout simplement, j'ai seulement envie de décrire l'unique vérité et d'aller lui balancer cinq cent pages de l'échec de sa vie en pleine face. Oui, je penche pour la dernière hypothèse... Mais voyons, il n'en fût pas toujours ainsi. Au début, il était candide et naïf.  

Devaraj et moi voyageons beaucoup, sans destination précise. Il faut comprendre que je parle d'une ère lointaine où le peuple Chamanique n'a pas un lopin de terre à lui et loge dans l'Antre des Marais, dans des tentes au confort déplorable. Je l'observe silencieusement dès que je peux, c'est à dire tout le temps. Il devient mon attraction quotidienne pour éviter l'ennui de la Mort, et mon indifférence n’a pas changé. Je ne suis pas son amie, et encore moins sa confidente ou son mentor. Il n'est pas mon maître, ni mon compagnon. Nous sommes simplement deux êtres trouvant l’un dans l’autre de quoi satisfaire nos propres intérêts. Quoiqu'il en soit malgré son imprudence et sa tendance à être casse-cou, Devaraj progresse vite dans sa nouvelle condition de Chaman. Les premières fusions sont étranges, autant pour l’un que pour l’autre. Partager un même corps alors que nous nous connaissons que depuis quelques jours devint vite une expérience fastidieuse, rarement couronnée de succès. L’espace de quelques secondes, j'ai pu retoucher à ce que l’on appelle la “vie”, mais je me rends bien compte que rester plus longtemps en fusion nécessite une meilleure harmonie entre moi, le corps de Devaraj, et surtout l’esprit de Devaraj. Notez que c'est ici que les ennuis commencent...

C’est pour moi une dépendance décevante et une concession imprévue. Je m'efforce donc de sortir de mon apathie.. C’est ainsi que mes quelques paroles deviennent tantôt des moqueries acerbes, tantôt des trop rares conseils ou des reproches. Le tout teinté de restes d’indifférence, et de mépris. On ne me changera jamais. Une bien piètre compagnie en réalité… Mais le solitaire qu’est ce jeune Chaman s’en accoutume parfaitement. Et le temps se charge du reste. Ensemble, nous survécûmes au danger, nous résolûmes des énigmes. Ce sont des quêtes et des explorations de jeunesse sans importance, mais qui, paraît-il, forgent le caractère. De mon côté, je découvre le Monde des Morts. Je commence à comprendre les Cycles. Nait en moi une passion commune avec le chaman, une envie, des espoirs. Un même but nous réunit à jamais, celui d’aider les esprits errants et de protéger le secret. J'avais tant souffert de l'ignorance de l'Au-Delà, je ne souhaitais à personne le même sort. "De la rancœur parce qu'elle a du souffrir pendant de longues années, alors qu'une seule phrase d'explication ou de compassion lui aurait épargné bien des malheurs. Et cela, tous les esprits le ressentent. " L’implication que Devaraj dans les négociations pour le traité avec les Ombres sont décisives. Désormais les Chamans aideront à garantir le secret du Cycle mais les Ombres doivent expliquer à chaque Mort sa nouvelle condition.

Malheureusement je constate que les relations du Chaman deviennent vite peu recommandables. D’autres arrivent bien mieux que moi à influencer ses décisions , pour le pire plutôt que le meilleur. Devaraj s’évertue à grimper à son rythme la hiérarchie de sa race, et je ne doute cependant pas de sa réussite. Un fait dont je suis fière, mais qui ne manque pas d'aggraver mon trouble. Voir mon maître s’enchaîner délibérément dans la religion et aux devoirs raciaux n’est pas sans l’inquiéter pour le futur. Après l’avoir vu grandir, je trouvais dommage que cet homme s’enferme dans de tels concepts… Mais en dehors de ce qu’il pourrait arriver à Devaraj, ce qui me fait le plus peur c'est que ce dernier finisse par m’abandonner au profit d’autres esprits. Maintenant que je sais  comment “revivre” à travers les chamans, il est hors de question que je retourne à son ancien état d’apathie ! En conséquence, je m'enfonce dans mon égoïsme, et décide de ne rien faire qui puisse le contrarier, sauf si cela le met en danger de mort. De toute façon, à quoi bon le conseiller puisqu’il ne m'écoute pas ? Me noyant dans un océan d’amertume, je me promets de rester l’esprit avec lequel Devaraj fusionnera le plus, quitte à devenir un objet, une simple arme obéissante et vide de conscience.



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Lun 28 Oct 2019, 21:13






2. C'est l'éclat d'une luciole dans la nuit

Jeunesse





L’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, Première Partie

Changeons donc de point de vue, car au même moment, un nouvel homme apparaît dans la vie du Chaman pour y prendre une grande importance. Un peu plus tard, le Chaman croisera un autre monstre qui détruira une bonne partie de sa vie. Tous deux ont pour mon grand plaisir très mal terminé. Je les haïssais. Cependant je les ai suffisamment observé pour pouvoir être capable de deviner les pensées qui les secouèrent alors pendant ces misérables années.

Parce qu’il est de nature à vouloir observer l’évolution de tout être vivant, et parce-que l’être humain est le plus imprévisible de tous, Jiang-Li prend un plaisir particulier à les voir vieillir, découvrir les joies et malheurs du monde, tel un scientifique dans un laboratoire expérimental. Devaraj se trouve donc être un homme tout à fait fascinant à ses yeux tant il est, à cette époque souvenons-nous, naïf et pur. Une innocence rapidement teintée de sang et de sacrifices religieux, qui font doucement rire l'Eversha. Devaraj a toujours eu une vision du monde quelque peu biaisée par rapport au commun des mortels. Est-ce une conséquence de sa nature chamanique, ou bien est-ce son caractère curieux et assoiffé de savoir qui le rend ainsi ? Un peu des deux probablement, ce qui donne au phénomène une dimension encore plus intéressante. Oui, Devaraj n’est pas seulement une connaissance rencontrée dans un endroit morbide -le Phare Abandonné-, puis un ami, puis un amant. C’est un sujet d’observation, une expérience. Et gravitent autour de lui d’autres sujets qui se chargent eux-même de faire avancer l’état des choses. Ne reste plus à Jiang-Li que de sourire faussement, d’intervenir parfois quand l’envie lui en prend, et de regarder dans l’ombre pour voir, car le spectacle promet d’être passionnant. Une créature angélique qui part ses propres défauts, est amène à sombrer dans la Folie ? Ceci est bien trop tentant pour ne pas être l'investigateur d'une petite tape dans le dos pour pousser la victime dans le Gouffre.

Beaucoup de tapes de ce genre lui ont été gratuitement offertes. J'avoue que Jiang-Li était un visionnaire concernant l'état de santé mentale du Chaman. Alors qu'il se plait dans les bras de cet homme, Devaraj rencontre un Esprit quelque peu particulier, dont je me méfie dès la première seconde. En ce temps-ci, les Esprits Parasites sont peu connus des Chamans et du reste du monde, d'ailleurs. Mais voyons plutôt l'horreur du Destin :

Il se présente sous le nom de Slanguen. Je n'y crois pas. Je vois la folie dans ses yeux. Ces derniers, voient la même chose dans Devaraj. Ils se sont rencontré à Megido, alors que Devaraj assassinait un charlatan qui ternissait le nom de sa race. Le Chaman commence en ce moment à devenir extrémiste, tordu. Pour le moment ce n’est qu’une petite lueur invisible et peu développée qui surgit de temps à autre pour tâcher son innocence, mais les faits sont indéniables et le Sorcier que fût un jour Slanguen le remarque dès le premier coup d’œil. Ces raclures ont toujours eu le coup d'œil pour remarquer la démence. Horreur, Devaraj lui propose le même contrat qu'à moi : celui devenir son Hozro. Non seulement je suis jalouse et vexée qu'il ne m'ait même pas demandé mon avis, mais en plus je m'inquiète. Ce Slanguen cache quelque chose... C’est pour lui une chance inattendue, un espoir oublié. Peu importe les années passées dans le noir, la flamme vengeresse brûle toujours en lui, et elle se rallume dès leur première fusion, comme un vent ravivant des cendres incandescentes. Un véritable brasier se déclenche sous mes yeux horrifiés. Il a trouvé. Il a trouvé un moyen de leur faire payer et mordre la poussière, à ses assassins. Et étrangement, c’est sa condition d’Esprit qu’il déteste tant qui lui permet de “retrouver” un corps dans lequel vivre pour exécuter ses plans. Oh, bien sûr ce corps est pour le moment partagé -avec moi et Devaraj- et ne lui appartient pas entièrement. Mais ce n’est qu’un détail parmi tant d’autres. Écraser l’Esprit du chaman en le poussant dans le mal, attendre que le corps de ce dernier devienne plus puissant, et le briser totalement n'est qu’une question de temps. Le pouvoir de l'Emprise ne s'embarrasse pas de précipitation. Du temps, il en a toute une éternité… Alors il se transforme, s’invente une autre personnalité, et commence à tromper, manipuler et construire sa toile, doucement mais sûrement. Au centre sera emprisonné le chaman, et à côté, tous les autres moucherons qui se mettront sur son chemin. Tel une araignée dans l’ombre, il travaille. Voilà son projet :  en temps voulu, Odion Eternam revivra. A-t-il oublié que les araignées sont les fétiches des Alfars ?

Je dois avouer que je ne l'ai pas vu arriver tout de suite, malgré mon mauvais pressentiment de départ. Mon attention était trop concentrée sur Devaraj pour que je me soucie du reste. En voilà la raison : peu avant sa rencontre d'infortune avec Slanguen, Devaraj a disparût pendant plusieurs semaines, sans que je sois capable de le joindre ou de le trouver. Kidnappé. On apprendra plus tard que ce fût par la Princesse des Monstres, qui le tortura inlassablement pour tuer tout Bien en lui et le faire correspondre à une des versions du futur qu'elle avait entrevu et qui lui plaisait beaucoup : celle du grand méchant loup. L'engrenage est lancé, la Folie commence. C'est la fin d'une période tendre et enfantine et le début de l'Enfer.


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Lun 28 Oct 2019, 22:14






3. C'est le souffle d'un bison en hiver

Folie et Déchéance





L’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, Première Partie

Les hommes peuvent parfois changer, trop vite et trop brutalement. Si l'esprit du chaman a toujours été un peu décalé, je n'ai jamais compté le voir devenir foncièrement mauvais. Si seulement...  Mais peu importe l'époque, je n'ai jamais eu l'occasion de l'observer sombrer, ni de l'en empêcher. Parfois je me demande : si à ce moment-là précis de l'Histoire, il avait fait un choix différent, s'il n'avait pas répondu à cette invitation, s'il n'était pas entré dans ce cabaret pour tomber entre les mains de la Sirène, qu'en serait-il aujourd'hui ? Serait-il roi, serait-il heureux ? Même l'éternité ne saurait me le dire.


Quand le Chaman revient de son absence imprévue, personne ne sait où il est allé ni pourquoi. La seule chose évidente, c'est qu'il n'est quasiment plus que l'ombre de lui-même, ce n'est plus la même personne. Ma première hypothèse est  qu'un autre Esprit parasite s'est infiltré en lui. C'est une bonne excuse pour justifier cette transformation de comportement, pour se voiler les yeux dans le déni. Mais les mois passent et il devient évident que Devaraj est toujours bien lui-même. Lui-même, mais c'est comme si des petits doigts de fée ont prit le soin d'aggraver chacune de ses manies, de creuser chacune de ses peurs afin de le rendre aussi fragile qu'un vase en porcelaine. Le Chaman ne parle jamais de ce qu'il lui est arrivé et ce, car il ne s'en souvient pas consciemment. Un véritable trou de mémoire le traverse. C'est un mystère macabre qui m'attriste jour après jour et me sert le cœur.

Je ressemble à la mère qui après avoir été séparée de son enfant pendant des années, le retrouve changé en monstre et ne peut qu'observer en silence le destin tragique. Le Chaman est malade, dans sa tête. C'est maintenant qu'il a le plus besoin de mon soutien et de mes conseils. Et pourtant c'est maintenant qu'il refuse de m'écouter et n'en fait qu'à sa tête. Crétin. Impuissante et réduite au rang de simple spectatrice, j'enrage dans le silence de la Mort. Les barreaux de la prison se resserrent jour après jour. Le devoir racial, l'honneur des Ætheri, la religion. Des notions que la folie se dépêche de transformer en horreurs et en justifications pour n'importe quel acte de violence et de fanatisme. Aveuglé, Devaraj cède à la colère brutale, l'envie de meurtre, le besoin vital d'agir de façon violente pour régler tout problème. Il est terni, sali par ce qu'il a vécu pendant son absence. Le seul moyen pour lui de continuer à vivre et de déverser sa souffrance sur le monde.

Il y a parfois de rapides lumières salvatrices, qui disparaissent pourtant bien trop vite. Son métier d'herboriste, son activité chez les Voyageurs le sortent encore de son campement tribal, l'éloignent du fanatisme, des sacrifices et prières pour lui faire retrouver sa candeur et sa curiosité natales. Mais cela ne dure jamais longtemps. Raciste, le Chaman sort de moins en moins. Devaraj reste seul ou bien en compagnie de ses frères et sœurs. Le reste du monde ne vaut plus le coup d'œil, sauf pour les trop rares fois où sa soif de savoir réussit encore à le traîner hors de sa coquille. Il se pense supérieur... Pardon ? Moi, je suis supérieure. Lui, ce n'est qu'un gamin perturbé, qui commence à mal tourner.

Je me sentais autrefois si fière que mon Chaman se soit trouvé une place dans la communauté raciale, je redoute maintenant que cela cause sa perte. Je culpabilise aussi, de ne pas avoir fait assez pour lui avant. Les doutes viennent toujours, même s'ils sont injustifiés et vides de sens. Nous n'échangeons presque plus de paroles et il préfère fusionner avec Slanguen. Notre relation a toujours été le reflet de sa santé mentale : à ce moment-là, elle est mourante. Et si... Et j'avais été plus sévère ? Et si j'avais plus insisté auprès de lui pour lui enseigner la prudence ? Et si ce jour-là, lors de son enlèvement, j'avais été avec lui juste avant qu'il ne disparaisse ? Et si...


Mais non, c'était trop tard.

Un élément heureux vient toutefois me redonner du courage. Reprenons pour une dernière fois le point de vue de ce stupide médecin et savant, Jiang-Li, qui aurait pu d'ailleurs contribuer à soigner Devaraj mais qui n'en a volontairement rien fait... Pour son plus grand malheur.

Les illusions sont parfois cruelles. Quand on croit tout avoir en main et que finalement on réalise que l'on a jamais rien maîtrisé, le coup est dur, la chute terrible. Quand une main énorme s'empare de tout un travail, détruit, écrase et ne laisse plus qu'une fine poussière... C'est pire que la mort, probablement. Jiang-Li, persuadé en vain qu'il possède un minimum d'influence sur le Chaman, se retrouve brutalement mit à la porte par ce dernier, du jour au lendemain. Quelqu'un, quelque chose a profité de sa longue absence pour lui voler le Chaman et le modeler autrement, effacer toute trace de ce que l'Eversha avait pu construire avant en compagnie de Devaraj. Plus qu'une proie c'est aussi un ami et amant, un pan entier de sa vie et de ses futurs projets qu'il perd, car il s'est stupidement laissé prendre à son propre jeu, il s'est attaché à sa victime. Sa victime, que quelqu'un a libéré de ses chaînes d'innocence pour aller l'enfermer ailleurs, dans un endroit froid et distant. Même en voulant le manipuler pour ses propres fins égoïstes, Jiang-Li n'a jamais eu d'intentions vraiment mauvaises. S'il aime parfois contempler la souffrance et la folie dans les yeux du Chaman, il désespère désormais de ne pouvoir y lire plus que ces deux seules émotions. Tout le reste a disparu, la joie, le rire, le bonheur, l'amour, volés par quelqu'un, tordus par la haine, rongés par la violence.  

C'est sa fin. Il n'a plus sa place dans la vie du Chaman. Ce dernier apprend d'ailleurs que leur relation n'est qu'un mensonge. Enragé, il capture Jiang-Li et le vend en esclave sexuel à un Alfar -comme je rigole beaucoup à ce moment-là- après l'avoir fait participer de force à de cruels jeux. Je n'entendis plus jamais parler de lui.


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Mar 29 Oct 2019, 15:08






3. C'est le souffle d'un bison en hiver

Folie et Déchéance





L’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, Première Partie

Le chemin de l'Enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on. Le chemin de Devaraj est pavé de mauvaises rencontres successives et funestes pour la plupart. De multiples parasites qui sont irrémédiablement attirés par sa puissance grimpante et qui gravitent alors autour de lui en lui suçant petit à petit le sang. Je les déteste. Je vais me faire le plaisir personnel de les nommer un par un dans ce livre, tout en n'oubliant pas que la victime est peut-être, finalement, le principal responsable de sa propre chute. Nous n'aurons jamais de réponse à une telle question... Reprenons.

Voyant Jiang-Li éliminé, Slanguen passe alors à l'action offensive.

La chance tourne, toujours. Et ce n'est que après en avoir abandonné tout espoir de domination sur le Chaman, que Slanguen l'obtient, sa chance à lui. Une chance qu'il ne laissera pas passer, sous aucun prétexte. Je le sais. Je l'observe. Je ne fais que ça depuis le début de cette histoire, remarquez. Le problème d'un Esprit Parasite, c'est de gagner le monopole sur l'Esprit de sa victime. Slanguen s'estime déjà heureux d'être tombé sur la bonne personne, celle à qui il pourra voler le corps et écraser l'existence précédente. Le corps de Devaraj est jeune, assez charmant,  il commence tout juste sa montée en puissance. Parfait donc, à posséder. Pour couronner le tout, l'Esprit de sa victime, déjà assez faible dès le départ, est désormais affaibli par la souffrance et un début de folie. De base, Devaraj est trop décalé, trop imprudent pour son propre bien. Ses mésaventures n'arrangent rien. Quelque chose ne cloche pas chez lui, on le remarque très vite. Avec une patience infinie, c'est indéniable que le Parasite réussisse lentement à prendre le dessus. Slanguen le sait et Devaraj aussi, au fond de son cœur, même s'il refuse de s'écouter pour s'envaser dans le déni. Le Sorcier en quête de vengeance est près à attendre des siècles entiers pour atteindre son but, si besoin.

Ce à quoi il ne s'attend pas dans sa grande patience et ses futurs plans de vengeance, c'est que quelqu'un -un miséricordieux bienfaiteur selon lui- s'occupe de lui faciliter la tâche de façon efficace et stupéfiante. Slanguen est probablement le seul à être pleinement heureux de voir que son Chaman a été si bien torturé. Il est désormais facile de profiter de lui. Devaraj fait plus confiance aux morts qu'aux vivants -qui l'ont trahi et dépossédé- et surtout, il lui fait personnellement plus confiance à lui, qu'à moi. Je lui en veux encore à ce sujet, mais c'est une autre histoire. Contrairement à moi qui suis, avouons-le, la voie de la Sagesse, Slanguen le brosse dans le sens du poil, l'enlise dans ses Mensonges. Voyez-vous, la Fusion des Esprits nécessite une harmonie concernant les envies respectives. Si ces dernières s'accordent, la puissante du corps s'en retrouve grandement décuplée. Mon terrible concurrent peut l'aider à être violent, il peut l'aider à tuer, à massacrer, sans jamais s'opposer à ses macabres décisions ou offrir de résistance. Slanguen ne lui reproche pas sa folie mais au contraire, l'encourage. Slanguen est un ami fidèle, un soulagement dans la souffrance, un très bon confident. Un mensonge, aussi, et un meurtrier.

Les fusions entre eux deux sont de plus en plus explosives, plus intenses, plus longues. Devaraj ne s'en rend pas compte car il est obnubilé par d'autres problèmes, ou parce-qu'il est idiot, je ne saurai jamais. C'est une occasion en or pour celui qui chasse. Plus qu'un petit fil à briser, et sa proie sera complétement offerte à sa faim dévorante.


Pourquoi ne suis-je pas partie à ce moment-là ? J'aurais pu trouver un autre Chaman maintenant que je connais ces derniers. Je n'aurais pas eu honte, la fidélité, ce n'est pas l'adage des Alfars. La Mort et le temps passé avec lui a dû me rendre sensible à cette chose que l'on dénomme pitié. Devaraj est seul. Beaucoup lui tournent alors le dos devant sa monstruosité naissante et je suis la seule à pouvoir encore distinguer la souffrance ténébreuse qui lui voile les yeux de sa véritable nature qui se cache encore derrière ce mur qu'il dresse entre lui et les autres. Je me sens comme un capitaine de bateau alors que ce dernier coule : je n'ai pas envie de l'abandonner. Il va mourir et avec lui, ma nouvelle vie. Finalement, je crois que je suis devenue Folle, moi aussi.



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Mar 29 Oct 2019, 17:49






3. C'est le souffle d'un bison en hiver

L'Enfant





L’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, Deuxième Partie

Une goutte dans l'océan vient bientôt tout gâcher. Le brasier s'enflamme sous l'étincelle et plus jamais ne s’éteint. Pour une aussi petite goutte, c'est presque risible. Cela devait bien arriver... A cette époque, un Continent est en train de sombrer sous les caprices de la Dame des Abysses. Devaraj, bien évidement est sur place, en première loge, pour ne rien rater de ce dangereux spectacle qu'il adore sans même se l'avouer. Il aide les rescapés à s'échapper, ou alors, il les achève pour abréger leurs souffrances, tout est question de point de vue. La Mort, ce n'est rien pour un Chaman. Ce n'est donc pas un crime mais plutôt une libération que de la distribuer. Grâce aux Voyageurs, il a pu combattre les masques d'or, fouiller les débris d'Aeden et sauver les populations d'une éruption volcanique. Oui, Devaraj a sauvé des gens. Étrangement, cela lui permet de garder tant bien que mal le dernier gain d'humanité qu'il lui reste. Il s'attache ainsi à un enfant dont il sauve la vie de monstres marins venus envahir les villages de pécheurs sur les côtes. N'ayant pas de progéniture et n'étant même pas marié -encore-, cela lui semble être une bonne idée d'adopter un fils. Ne l'ai-je pas déjà dis ? Le Chemin de l'Enfer est pavé de bonnes intentions. Voyons ce garçon... Je me souviens parfaitement bien de lui.

Un père aimant, parfois très sévère, souvent très bizarre, mais auquel il doit tout, de sa vie à son éducation et son avenir. Tel est le souvenir que décide de garder Ludwig Säalm, refusant de croire que le monstre qu'est devenu Devaraj au fil des années soit réellement son père adoptif. Son vrai père est un homme qui l'a sauvé au péril de sa vie alors qu'il n'était qu'un gamin. Il l'a ensuite prit sous son aile protectrice, pendant de nombreux mois. Il lui a apprit à vivre en communauté, lui a montré mille et une merveilles du monde en voyageant, lui a payé la meilleure école. Non, son père, celui qu'il connait dans sa mémoire et qu'il aime profondément, a disparu ailleurs. C'est ce que se dit l'enfant pour ne pas sombrer dans la colère et le regret. Je le comprend bien. Le début de leur relation était gentillet. Puis le temps fit son œuvre destructrice. Devaraj changea si brutalement que l'enfant n'arriva jamais à s'y faire. A cette époque, placé en scolarité à Basphel aux frais de la princesse, Lullu voit de moins en moins son père, ce qui ne fait qu'aggraver le fossé entre eux deux. Un beau jour, le premier annonce vouloir rejoindre son peuple, les Humains ; le second lui répond que non, il sera Chaman.

Le père force le fils à assister aux sacrifices, regarder le sang couler et même s'en mettre sur le visage. Le fils ne comprend pas toutes ces histoires de symboles malgré toutes les explications données. Ce n'est pas son truc. Il ne voit pas les Morts. Il en a peur. Lullu veut simplement aider les Humains -les siens- qui sont dans une passe difficile à cause des Démons, devenir un soldat et réussir ses études à Basphel. Alors, il fait un choix. Devaraj -ou ce qu'il en reste- ou bien un avenir parmi les siens ? Facile à choisir, bien que douloureux. Disputes. Violences. L'enfant et le père cessent tout contact. Par acquis de conscience -ou du moins le peu qu'il en reste- le chaman continue de payer la place à Basphel, mais jamais il ne revient visiter son fils. Ce dernier termine tant bien que mal ses études.

Cela paraît banal, même à moi. Une crise de folie de plus ou de moins... Mais il n'en est rien. J'ai fini par m'apercevoir que le Chaman est trop sensible pour son propre bien. Il voit le mal partout : ici une trahison impardonnable, un échec, une perte. Au lieu d'accepter la chose et de reconnaître sa faute en utilisant sa raison, il s'énerve et s'invente des théories paranoïaques pour trouver un sens à sa douleur. Il finit par enlever son fils pour le forcer à revenir sur l'Île Maudite. C'est là qu'il le maudit en plaçant un tatouage créateur de visions cauchemardesques sur sa main. Mais l'enfant, aidé par un mystérieux personnage- s'échappe. Ils ne se reverront plus mais jamais ne s'oublieront.


La première paternité de Devaraj est un cuisant échec. Aujourd'hui, je crois qu'il a réussi à tourner la page d'une part grâce à ses multiples enfants biologiques, d'autre part grâce à la vengeance macabre qu'il est allé exercer sur un certain Royaume Humain juste après la Guerre des Dieux. Les effets néfastes de cette adoption ont presque tous disparût aujourd'hui, mais à l'époque, c'est un véritable raz de marrée qui se déclenche. Un Océan d'amertume qui déborde et le brise dans une tempête démoniaque. Tout ça pour un oui au lieu d'un non... Moi, j'ai presque envie d'en rire ou bien de mourir une seconde fois face à la stupidité du Destin.


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Mar 29 Oct 2019, 18:13






4. C'est la petite ombre qui court dans l'herbe

La chute





L’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, Troisième Partie

Cet imbécile doit avoir oublié une grande partie de ce que je viens d'écrire. Il ne se rappelle que des événements très marquants, ou alors pire, seulement des couleurs, mots ou sons lui reviennent en mémoire sans qu'il ne puisse les placer dans sa frise chronologique. Parfois, il confond même ses propres souvenirs avec d'autres -je vous en expliquerai la raison débile un peu plus tard. Moi, je me souviens de tout. Je me souviens de la douleur d'avoir perdu Ludwig, je me souviens de la première apparition de Delta, de la colère brute qui prend alors le Chaman à la gorge. Un Démon ou un Déchu de la Colère seraient jaloux. La cause, ce n'est pas seulement le blasphème qui sort de la bouche de cette personnalité politique. Tout ce qui le contrarie est multiplié par dix sous l'Emprise de l'Esprit Parasite qui hurle en lui. C'est à ce moment, je crois, qu'il commence à changer d'humeur aussi vite que le vent. Slanguen...

Il n'y a presque plus de mots pour décrire la chute libre que traverse le Chaman. Au début, il s'agissait de le pousser dans le gouffre. Aujourd'hui : il y est tombé, poussé par de nombreuses mains. Il faut avouer qu'il n'a jamais cherché ni à s'éloigner du dangereux bord, ni à s'y accrocher. Slanguen n'a plus qu'à tendre la main pour cueillir le fruit mur. Ce dernier est bien vite arrivé à maturation... Cela l'arrange bien. Évidement, lui aussi participe avec les autres parasites activement au changement, murmure quelques conseils mauvais au bon moment, susurre des jolis mots à l'oreille de sa proie. "Allez, tue le. Ne te laisse pas faire. Il faut te venger." Il faut comprendre que le charisme des Esprits Parasites est dévastateur. Ce sont souvent des anciens Rois ou puissances politiques, dont les auras font plier n'importer qui. Je suis moi-même alors bien incapable de lutter ou de m'interposer entre eux deux. J'ai abandonné. Parfois je prie. Parfois je déprime. Toujours, j'observe. Les mots du Parasite, ce ne sont que de simples paroles qui ont pourtant tant d'influence sur les choix et le caractère de Devaraj. Ce dernier ne se rend compte de rien. Il est aveugle, perdu. Le moment pour l'achever est enfin là.

Cela dit, l'Esprit n'ose encore tendre sa main sur le fruit de son désir. C'est à cause de sa méfiance. Comme nous, les Sorciers sont habitués aux coups bas. Et si c'était un leurre ? Il devrait plutôt rester prudent, ne pas s'emporter, ne pas détruire des années de travail et gâcher des siècles de souffrance. Mais d'un autre côté, il ne faut pas que le fruit tombe au sol, ni qu'une autre personne le lui vole. C'est ce dilemme qui torture l'ancien mage noir alors qu'il observe tout comme moi Devaraj sombrer un peu plus chaque jour. Aurions-nous un instant de répit ? Non.

Finalement, le chasseur cède. La tentation est trop forte. Et la peur que cette occasion en or disparaisse, trop grande.
L'Esprit profite d'un moment d'extrême faiblesse de la part du Chaman, une de ces rares minutes où ce dernier réalise parfois qu'il est devenu un monstre et sombre dans un océan de doutes, de questionnements sans fin, avant de retomber dans sa violence et sa morbidité désormais habituelles. La magie explose. Il y a une simple fusion, si rapide, si fluide mais pourtant si différente de toutes les autres. A peine conscient, Devaraj se laisse faire malgré lui. Je hurle mais il ne m'entend pas. Au début, il essaye de se débattre, mais abandonne bien vite tout contrôle. Il est impossible de résister à l'Emprise sans être muni d'une force mentale exceptionnelle, ce qui n'est pas son cas. Cela dure quelques heures pendant lesquelles Slanguen se sert alors du corps de Devaraj. Ce dernier a l'Esprit pieds et poings liés, mort. Quand le Chaman revient à ses esprits, il ne dit rien. Slanguen suppose que ce dernier a un trou de mémoire et s'en réjouit. Il réessaye plusieurs fois ce genre de fusions involontaires et forcés dont le chaman ne contrôle plus rien. Devaraj est devenu un esclave.

Quant au Sorcier, son heure est venue. Odion est de nouveau vivant.


Si cela peut vous rassurer, il aurait mieux fait de ne jamais céder. Que voulez-vous... Œil pour œil, dent pour dent. Mais nous en sommes pas encore là. Devaraj est un vieux Chaman malgré son apparente jeunesse. Sa Folie ne résulte pas de quelques années de troubles, mais plutôt de plusieurs siècles.

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Mar 29 Oct 2019, 21:23






4. C'est la petite ombre qui court dans l'herbe

Edel





L’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, Troisième Partie

Je ne parle jamais des Ætheri. Je ne suis pas très croyante, pas du tout même. Le seul qui garde mon respect pour des raisons logiques au vu de mon état physique est Ezechyel, le Dieu de la Mort. Mais j'ai bien trop de recul sur ce monde pour laisser de la place aux autres... Néanmoins je ne peux dénier que certains d'entre eux ont respectivement eu une influence majeure sur le Destin de Devaraj. Je n'ai jamais réellement su ce qu'il s'est passé ce jour-là car je n'étais pas présente. Je ne peux que m'en faire une idée toutefois très proche de la réalité. Nous sommes au début de la Guerre que déclenche Delta. Devaraj, sous l'Emprise de Slanguen, vient d'assassiner une famille entière de Chamans traîtres à leur patrie, pro-Sympan. En effet, c'est une véritable guerre internationale et civile qui brûle les terres du Yin et du Yang. Il a du sang partout sur lui et titube hors du tipi macabre. Il va mourir là lui aussi, car son Esprit n'a plus la force de combattre le Parasite qui le ronge, et va bientôt être réduit au Néant.

Alors que son âme est devenue prisonnière d'une noirceur incomparable, le Chaman aperçoit une lueur d'espoir. C'est une petite lumière mais elle est très brillante. Assailli par un Esprit Parasite et par sa propre souffrance, il s'empare brusquement de cette lueur salvatrice comme s'il s’agissait d'une échelle permettant de remonter la pente. Au cœur d'une vision surréaliste, Edel lui ouvre les yeux et lui donne le coup de fouet qu'il mérite pour son imprudence et son laisser-aller. La déesse de la Vie lui apparait en songe pour chasser le Parasite et introduire le Chaman dans la tribu secrète Tchézaré, un centre d'études scientifiques chamaniques. Nous ne savons pas encore à ce moment-là qu'Edel était la mère de Devaraj, mais ce lien biologique justifie son intervention divine. Devaraj se réveille guéri.

Non, je rigole. Devaraj se réveille renforcé et apaisé. La puissance de Slanguen est détruire, son mensonge exposé au grand jour. Et moi, je ne sais pas trop comment réagir face à cet événement autant incroyable qu’inespéré. Notre relation s'est brisée au fil du temps et des souffrances et la reconstruire semble difficile. Il me propose toutefois un contrat honnête, une nouvelle alliance. "Je t'ai fais souffrir. Je veux me faire pardonner. Que dirais-tu de me servir de garde-fou ? Je crois que je vais en avoir besoin..." C'est brusque. Peu avant, je le voyais mourir. La rupture est claire est nette, à croire que le Chaman a un don pour s'imposer de brutaux changements comportementaux sans prévenir. La violence et l'amour du sang  coulent toujours dans ses veines mais la folie qui se nourrissait de la faiblesse de l'homme a été brillamment repoussée par une soudaine prise de conscience et montée en puissance. Aidé par un souffle divin, le Chaman est devenu un adulte, un homme avec sa part en fragile équilibre de bien et de mauvais. Il a maintenant conscience de ses erreurs passées mais aussi des leçons qu'il doit en tirer. Sa précédente chute n'a fait qu'agrandir son ambition. Dans cette époque chaotique où les Dieux sacrifient les mortels pour une guerre de pouvoir, il n'est pas question pour lui de rester à terre. Il faut se relever, vite et bien afin de participer activement à la protection de son peuple qui court un grave danger. L'heure est sombre et il ne cesse de réaliser que la puissance nécessaire à l'accomplissement de ses rêves est encore loin d'être à portée de ses mains. Je ne lui pardonne pas ses précédentes frasques, mais sa confession adoucit ma rancœur -je suis faible- et c'est finalement avec fierté et espoir nouveaux que je le regarde renaître et prendre de nouvelles responsabilités pour son peuple. Devaraj aura toujours vécu pour les siens. Notre réconciliation sonne le glas d'une nouvelle ère. Une ère où je serai enfin le Garde Fou, la barrière qui empêchera toute nuisance de s'approcher à nouveau du Chaman. Ce qui s'est passé ne doit plus jamais se reproduire et je m’attelle à ma tâche avec une détermination sans faille.


Vous-y croyez vraiment ?


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Mer 30 Oct 2019, 21:17






5. Et se perd au coucher du soleil

Zawa'Kar





L’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, Troisième Partie

La Guerre commence ses ravages pendant que Devaraj atteint le haut rang de Vinr, dignitaire Chaman dans la tribu Zawa'Kar. Toutes les tribus actuelles n'ont pas encore vu le jour et l'armée lui semble être l'option la plus utile et adaptée pour sa carrière. Il faut dire qu'être soldat, chez les Chamans, cela signifie être un bourrin style Réprouvé avec la soif de sang d'un Démon et le fanatisme d'un fervent de Délix. Devaraj tout craché. La tribu est divisée en deux sectes, ceux qui prônent la Prudence et ceux qui se vouent à l'Audace. Je vous laisse deviner. Comme toute armée cependant, une discipline sévère est en place et, spécificité des Chamans, ceux n'ayant ni humilité, ni foi, ni honnêteté n’accèdent jamais aux rangs d'officiers. Comme quoi l'ambition ne fait pas tout ! Mais revenons à nos moutons. La foi de Devaraj est dure comme le roc, pour le moment. En vérité il est si perturbé par la situation bancale et tendue de sa race, ainsi que par le retard de la civilisation chamanique, qu'il ne pensera jamais à ses propres intérêts orgueilleux ou à son plaisir personnel pour ce qui concerne les affaires politiques. Jusqu'à très tard d'ailleurs, il ne prendra jamais de temps pour lui. Grave erreur, paraît-il. Mais revenons à notre parasite.

Slanguen perd rudement la première manche de la partie, alors qu'il était sur le point même de gagner. On lui a offert le chaman sur un plateau d'or et il n'a pas pu résister à la tentation. Et maintenant on vient de lui enlever brutalement sa proie. Par on, j'entends Edel. Non seulement le Chaman s'est reprit en main, empêchant la fusion d'être possessive, mais on lui a en plus dévoilé toute la vérité que le Sorcier s'est efforcé de cacher avec tant de difficultés. Furieux, Devaraj lui interdit alors formellement de s'approcher à nouveau de lui et l'abandonne dans l'Au-Delà. L'un comme l'autre savent ce qu'il se cache derrière cette fausse menace : une déclaration de guerre. C'est un début d'hostilité, un défi à gagner. Loin d'avoir renoncé, Slanguen s'accroche à ses anciens désirs avec assiduité, parasite. Son but est toujours de tuer le Chaman et ensuite, exterminer la famille Eternam. Alors il reste dans l'ombre, attend une nouvelle occasion de frapper et échafaude de nouveaux plans. Comme il a tout perdu, jusqu'à son identité cachée, il cherche à repartir sur de nouvelles bases différentes des premières fondations qui se sont écroulées. Puisque la stratégie du mensonge a échoué, il ne lui reste plus qu'à trouver d'autres techniques pour arriver à ses fins. Par exemple, trouver un moyen de pression sur le Chaman, ou encore, se servir des autres Esprits Parasites qui commencent à graviter autour de Devaraj...  Parce-que oui ! Vous pensez peut-être que cette leçon lui aurait au moins apprit à se tenir à l'écart de ces monstres ? Non, bien sûr que non, c'est tout l'inverse. Devaraj est fasciné par le pouvoir de l'Emprise, tout comme ses acolytes de Tchézaré, tous aussi fous que lui. Ils veulent décortiquer les Esprits Parasites pour découvrir le secret de leur si puissant pouvoir et le dupliquer sur eux-même. En voilà un plan scientifique qui ferait verdir les Sorciers ! Je commence à me demander ce qui se cache derrière la bienveillance d'Edel...

Les Parasites sont attirés par les corps puissants. Et la faiblesse d'esprit de Devaraj devient connue des chasseurs. Gideon est l'un d'entre eux. Puissant, dangereux, impossible à cerner, il fait parti des Parasites que Slanguen craint lui-même. Il y en a d'autres, une petite dizaine, qui surveillent les activités du Chaman de loin. Mais aucun n'ont la prestance de Gideon. Il est, pourrait-on dire, le roi des Parasites. Je ris, ou presque. Pour combien de temps encore resteront-ils à regarder seulement ? Slanguen a perdu l'exclusivité de sa proie, ce qui rend sa situation encore plus instable. Cela ne convient à personne, ni à moi, ni à eux qui s'écharpent pour avoir le monopole de la proie alléchante. Il n'y a que Devaraj qui semble se réjouir d'avoir autant de spécimens à ses côtés pour étudier ses théories.


Je repose ma plume. Les lignes de ce livre commencent à perdre leur logique. Tout va se gâter dans les pages suivantes. Tout va devenir idiot, pourrait-on dire. Ou Fou. Je ne fais que lister le début de ses erreurs, pour qu'il s'en souvienne de nouveaux. Ou que quelqu'un d'autre le lise et se charge de l'accuser. Je ne sais pas, à force de ressasser le passé, je ne suis plus certaine de mes propres volontés. Cherches-je à le guérir ou à l'enfoncer par simple envie de vengeance ? J'essaye de lui dénicher des Esprits plus puissants que moi pour lui servir d'Hozro et l'aider dans ses souffrances, n'est-ce-pas ? Il n'y a donc aucune honte à coucher devant leurs yeux toutes les fautes dont il est encore coupable.


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Jeu 26 Déc 2019, 14:17







« Savez-vous qui nous sommes ? » La question était agressive, destinée à révéler au grand jour son ignorance. La Reine grinça des dents sans laisser paraître son malaise. « Des Esprits versés dans les sciences, l'histoire et la technologie, qui ont choisis de vénérer Raanu et de s'exiler dans un monastère loin de la Capitale de l'Au-Delà, afin d'obéir au bon vouloir de l'Æther. » répondit-elle en gardant son calme et sa dignité orgueilleuse.  « Vous ne m'avez pas l'air plus stable que votre Chaman, Majestée. » Ah, la pique ! « Attention, je vais me vexer. » railla-t-elle d'un ton mauvais. Ce qui manquait dans l'Au-Delà, c'était la possibilité d'assassiner les dissidents politiques.  Parfois, les intrigues politiques de Drosera lui manquaient. Elle cherchait en vain le mordant et le piquant habituels mais ses invités étaient envahis par une neutralité effrayante. C'était d'un ennui... Et quelque part, cela la déstabilisait car elle n'en avait pas l'habitude et perdait ses repères naturels. Ils la sondaient pour voir ce qu'elle était, pour promulguer un jugement stoïque, vide de sentiments et d'hypocrisie, un jugement vrai. Elle avait beau les fusiller du regard du haut de son trône de fer, ils n'en restaient pas moins hors de son atteinte. « Vous devriez visiter l'Au-Delà, un jour. Prendre le temps nécessaire pour en connaître tous les secrets. Le Monde d'Ezechyel est dix fois plus grand que celui d'Edel. » « Merci du conseil, mais cela ne me sera possible que lorsque j'aurai trouvé une solution au problème de Devaraj, et donc, cela dépend de votre réponse à ma demande originelle. »

Ils avaient été rois et reines pour la plupart, cela se voyait à leurs couronnes éthérés. De toutes sortes de peuples aujourd'hui disparus dans les méandres de l'Histoire... Ils portaient des vêtements riches de modes royales antiques. Ceux qui ne portaient pas de titres royaux ou princiers avaient été conseillers, confidents des gouvernements, ou encore personnalités influentes dans le monde scientifique. Les savoirs qu'ils transportaient depuis leur époque jusque dans l'Au-Delà attendaient le moment précis où la Déesse décidera de les redonner aux Mortels. « Votre fidélité est louable, Khaal. » «Merci, j'ai bien mérité ce compliment. » Avec amertume. Elle ne réussissait même pas à l'accepter avec joie car elle ne savait plus si elle aurait mieux fait d'abandonner Devaraj plutôt que de le suivre aveuglement. La Reine marqua une pause dans la conversation. Depuis le début des séances de visionnages du Passé, elle n'avait eu aucun retour de leur part. « Dois-je vous conter la suite ? Elle est chaotique et cela n'en vaut pas la peine si vous refusez déjà de vous mouiller dans cette affaire. » Sa sentence résonna dans les murs du Palais. « La décision n'est pas notre. Nous sommes ici en tant que témoins. Ce que nous écoutons ne sera jamais perdu.» La Reine fronça les sourcils. Elle n'aimait pas ça, les réponses pas claires. « Qui est responsable, alors ? » coupa-t-elle. « Il viendra vous voir en temps et en heure. » Quelle blague ! « Pourquoi perd-je mes heures à vous essayer de vous convaincre, dans ce cas ?! » Ne pas exploser de colère était difficile. Elle s'était toujours imaginé sans les détails qu'elle finira par obtenir un simple oui et que tout se réglera ainsi. « Pour que nous puissions savoir ce qui est mieux entre le laisser vivre ou élire un autre roi plus digne de confiance pour la mission de la Déesse. » La sévérité du timbre de la voix la fit frisonner.

Elle ouvrit la bouche, ébahie, puis ricana jaune. « Ce n'est pas à vous de décider l'élu du peuple Chamanique. » Le choix était normalement laissé à Edel et Ezechyel, uniquement. Mais sa réplique moqueuse ne fût pas appréciée. « Et vous, ne sous- estimez pas la puissance de Raanu. » Le ton était glacial et la tension avait grimpé en quelques secondes à peine. Khaal respira l'air électrique. Elle avait invité ces personnes pour avoir l'aide des plus sages et puissants qu'elle et voilà qu'ils se retournaient tous contre Devaraj, contre elle. Avait-elle était stupide en leur révélant ses Mémoires ? Pourtant les rumeurs sur leur monastère parlaient toutes d'une extrême bienveillance, non d'un fanatisme à la neutralité tranchante et mortelle ! Ils s'étaient montrés polis et accueillants dans leurs premières entrevues, de surcroit. Le retournement de situation lui tordait le ventre. Elle était plaquée au mur, elle, la Reine ! « Voyons Khaal, nous sommes là pour aider. Vous l'avez dit vous même, toute seule vous n'êtes plus suffisante. Vous avez beaucoup à apprendre, encore. » Ses poings se serrèrent sur les accoudoirs de son trône. « Vous parlez de tuer Devaraj. » Elle avait l'air d'un Démon de glace près à détruire le Monde, mes ses invités eux restaient neutres et impassibles. « Si c'est ce que Raanu souhaite. Rien n'est encore décidé puisqu'il vous reste des années à raconter. » « Elles sont pires que le début de l'histoire. » « Ce n'est pas à vous de juger ce qui est pire ou non. » « Parlez. » C'était une menace et non plus une invitation.

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Sam 28 Déc 2019, 21:54






6. Qu'est ce que la mort ?

Zawa'Kar





L’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, Troisième Partie


Zawa'Kar.
Zawa'Kar signifie Guerre, ou encore guerrier, armée, violence, et mort dans le patois Chamanique, majoritairement formé de concepts et d'idées symboliques. Zawa'Kar, le bras armé du Suprême de l'Au-Delà. Peut-on vraiment appeler cette horde sanguinaire une armée ? Je dirais que non, au premier regard. Seulement les rouages qui alimentent cette machine à meurtres sont plus complexes qu'on ne le croit. Comment vous faire comprendre que ce n'est pas seulement le fanatisme qui fait la qualité d'un de ces guerriers, mais aussi l'endurance physique, l'obéissance et la fidélité absolues et le courage... Il existe des rituels très stricts pour passer d'un rang hiérarchique à un autre, un véritable code d'honneur.

C'est dans ces conditions que Devaraj, alors conseiller le plus Fou de l'histoire des temps, assassine le général en poste, en pleine bataille, en le poussant dans une crevasse après que le malheureux ait avoué préférer la voix de la Prudence à celle de l'Audace. Ces trois lignes peuvent le tuer, comprenez... Mais ce n'est que le premier de la longue liste des sacrilèges qu'il porte dans le noir de son cœur. En réalité, si cela venait à se savoir du grand public, je pense que sa crédibilité ne s'en retrouverait pas entachée ; pour la simple raison qu'elle n'a jamais existé. Sa Folie suffit à balayer les notions logiques et raisonnables. La réalité elle, est qu'il forme un bon souverain, qui malgré des erreurs sanglantes, réussit à faire avancer son peuple du retard dans lesquels il gémissait. Que disais-je... La valeur guerrière à cette époque s'évalue sur le nombre d'hérétiques massacrés. Devaraj commence à avoir un très beau panneau de chasse. L'excitation du danger, le risque mordant de se faire tuer par l'ennemi, de risquer sa vie. Je le vis avec lui, à fleur de peau, je fais en sorte que sa tête d'abruti ne rencontre pas de hache, j'ai envie de le tuer.

Dehors, c'est le Chaos. Ce n'est pas le premier Chaos que nous traversons côte à côte, mais entre temps, nous avons perdu un morceau de santé mentale. Le Monde se déchire en deux camps et se transforme en masse sanglante. Quel décor absolument exquis, quoi de mieux pour devenir Médiateur des Morts ? Au rythme de ses victoires militaires, le Chaman gagne une certaine popularité parmi les fanatiques. Quant le général disparait -nous savons pourquoi-, la place vacante l'appelle. C'est là que l'on comprend pourquoi l'ancien roi a essayé de suicider à la sortie de la Guerre et pourquoi les Draugrs semblent tous sortis d'un asile. Pourquoi, n'est-ce-pas ? Dans la grande majorité des Nations, même les Démons, entrer au Gouvernement signifie avoir agit pour la race, que ce soit avoir fait un génocide chez les voisin ou bien développé la moitié de l'économie ; non les Chamans se démarquent encore une fois du reste du monde : non content de leur neutralité désormais malsaine, ils décident qu'en plus d'aller annihiler les ennemis des Ætheri, il leur sera aussi nécessaire de s'autodétruire. Croyez-moi, je n'ai jamais compris. Le décalage culturel est bien trop grand et je préfère rester campée sur mes positions Alfars.

Je me rappelle que ce jour-là, la mer rugissait contre la falaise. Mes yeux se ferment et j'y suis de nouveau, comme hier :
Le duel a lieu non loin de l'endroit où est tombé Zawa'Kar pour se fracasser le crâne, trahi par son plus fidèle conseiller. Comme pour signifier la honte de cet acte et la colère de la victime, les vagues viennent se fracasser contre la roche nue. C'est un spectacle brutal que le rituel pour devenir chef de tribu : manger le cœur, les poumons, les yeux d'un sacrifié. La bouche pleine de sang et d'entrailles, ils attrapent un poignard brûlant et se coupe le petit doigt de la main droite. Je ne ressens pas la douleur, je la vois dans ses yeux fous et je me demande comment il va faire désormais, pour peindre correctement ses tatouages. C'est stupide, mais c'est la seule idée qui me vient en tête alors que je suis obligée d'assister en spectatrice à cette horreur. Puis les deux aspirants au poste se battent, jusqu'à ce que l'officiant ai une vision déterminante sur le choix des Dieux. Ils ont plusieurs drogues dans le sang, notamment une substance rouge qui est bien connue des guerriers car elle décuple la force et la rage et transforme en véritable bête. Ils n'ont pas droit aux armes, mais seuls les idiots pourraient s'attendre à une certaine sécurité. Les deux rivaux se fixent entre leurs yeux rougis, se tournent autour, puis bondissent. Rien ne se passe comme prévu : avant même le début des hostilités, un cerf en flamme apparaît aux yeux de tout sur l'océan, une vision terrible qui me donne encore aujourd'hui un frisson. Haziel, Æther de la Guerre choisit l'Audace pour succéder au rang de Général. l'Audace incarnée elle, était trop occupée à étrangler son adversaire avec ses restants de doigts en sang, pour voir la vision qui lui était destinée.

Je me rappelle que ce jour-là, le vent soufflait fort et qu'il arrachait aux branches un hurlement macabre.
Le futur Draugr avale un poison hallucinogène et se fait enterrer vivant dans un cercueil en bois, dans lequel il devra à la fois vaincre le terrible liquide, les cauchemars et la Mort même. Comme nous sommes en guerre, la Cérémonie s'est déroule au Campement Royal, devant les autres Draugrs et Seth Taiji, sans les fioritures habituelles. L'épreuve dure sept heures, mais elles me font sur le coup l'effet de plusieurs années. Je ne supporte plus le son terrifiant de ce tambour monotone marquant les secondes avec une lenteur effroyable. Beaucoup meurent ici, ensevelis, comme la logique le veut. Ceux qui en réchappent sont les refoulés de la Raison, ceux dont elle ne veut plus, ceux qu'elle livre comme des bêtes à la Folie. L'heure est grave, l'horizon porte les nuages de la guerre qu'on est en train de perdre. Il n'y a pas de fête. Devaraj est épuisé et on le porte aussitôt sorti de sa tombe, sur une couchette. Il divague encore de nombreux jours sur celle-ci avant même de pouvoir de nouveau marcher et prendre ses nouvelles fonctions.

Il ne parle jamais de ce moment. C'est comme ça. Il y a des choses qui ne se parlent pas, qui ne s'échangent que dans le silence, à travers la lueur d'un regard. Et dans celui-ci, il y a une seule chose : l'Horreur.


Je coupe la Magie Conservatrice et les souvenirs se dissipent comme de la fumée. Mes invités n'ont pas changé d'expression, si bien que cela en devient angoissant. Néanmoins je pense avoir suffisamment démontré le premier point de mon argumentaire : il n'existe pas et il n'existera jamais de roi raisonnable sur le trône des Gardiens du Cycle, car pour accéder à cette couronne, ils doivent tous abandonner une partie de leur âme au Diable ; laisser s'évaporer leur humanité et perdre de vue les rivages de la Raison. Comment peuvent-ils donc se targuer de faire élire une nouvelle tête royale ?!

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Dim 29 Déc 2019, 18:15






7. C'est le silence qui hurle.

Le Roi





L’Ère de la Renaissance du Dieu Roi, Troisième Partie


Je te méprise enfin, souffrance passagère !
J’ai relevé le front. J’ai fini de pleurer.
Mon âme est affranchie, et ta forme légère
Dans les nuits sans repos ne vient plus l’effleurer.
Renée Vivien

Les clameurs de la foule nous déchirent les tympans. Ils hurlent, leurs joies, leurs ivresses. Leurs pieds soulèvent une poussière étouffante qui se mélange à l'air brûlant, pénètre dans notre gorge pour nous assassiner avec la lenteur d'un sadique. Des tambours éclatants retentissent de tous les côtés et l'on distingue ci et là, dans les premiers rangs, les visages familiers des proches, des amis, de la famille. Lorsque les deux animaux sacrés, le corbeau et la colombe, apparaissent, géants au dessus de sa tête pour le désigner lui parmi tous le peuple, l'élu d'Edel et d'Ezechyel sent son cœur s'arrêter quelques battements et sa vie basculer, dans un vide absolu, inconnu, grisant. Son sang bat au rythme de la fierté, de la gloire, du pouvoir qu'il touche brusquement des doigts. Il n'y croit pas, il rêve, il pleure de joie devant l'honneur qu'on lui fait. Néanmoins, dès les premières secondes du supplice, le futur Hǫfðingi comprend alors, clair comme de l'eau de roche et avec une certitude absolue qu'en fait, contre toute attente, son Enfer vient tout juste de commencer, ou plus exactement : la torture représente une métaphore très exacte de ce qui l'attend. Ce n'est pas un secret, le Suprême del'Au-Delà à tout ce qu'il veut : un harem immense, un palais resplendissant, des milliards de personnes qui sauteraient d'une falaise à ses ordres et qui l'adorent comme un dieu. Mais la réalité présente une face cachée. Une couronne d'or et d'épines. Un pouvoir de vie et de mort sur des milliards, mais qui se paye, cher, dans le sang et les larmes de désespoir. Un prix qui reste marqué à vie, dans la peau qui ne cicatrisera que difficilement. Nous sommes là, quasiment nus, le corps meurtri, enchaîné et disons, humilié devant tous. On nous lance des encouragements à chaque minute, chacun criant plus fort que l'autre pour se faire mieux entendre. C'est là le secret de ce trône : le roi est un esclave, mais personne d'autre que lui ne doit s'en apercevoir.

Des poignards dans le dos, non, pire, des lames brûlantes et salées qui écartèlent les omoplates et déchirent la peau et les ligaments, des larmes amères de sueur, une suffocation lente mais certaine, voilà ce qui nous accueille au trône. Pourquoi n'ai-je pas quitté la Fusion à ce moment précis ? Dans notre peau, des anneaux reliés à des chaînes, elles-mêmes reliées à une bête de foire qui, affolée par le bruit, nous traîne comme un fétu de paille dans la boue. Faite pour tester la force et la détermination du Hǫfðingi en devenir, l’épreuve royale ne se termine qu’une fois que la corde lâche, soit du côté de l’animal, soit du côté de l’Homme. Elle lâche, quand les Ætheri le veulent bien... Je vous le disais, cette épreuve annonce la parfaite couleur. Seulement à ce moment-là, je ne le sais pas encore. Devaraj et moi essayons tant bien que mal de nous partager la douleur, pour ne pas s'évanouir ou finir piétiné par l'animal. C'est viscéral et c'est la seule chose qui occupe nos Esprits pendant plusieurs heures, si bien que même la musique et les hurlements finissent par mourir à nos oreilles ; et même la foule en folie disparaît de notre champs de vue. Je n'ai jamais ressenti une telle souffrance, même en mourant. C'est peu dire... Devaraj lui, connaît déjà depuis longtemps le goût du sang et de la mort qui rode. Il apprit à le dompter, à défaut de pouvoir s'en séparer. La force demandée ne peut être tirée que depuis les réserves de détermination d'un fou, quelqu'un qui préfère mourir plutôt qu'abandonner, quelqu'un qui n'a plus rien à perdre, qui se nourrit de colère ou qui utilise sa propre douleur comme arme explosive. Je me rappelle de manière plus vive le goût de la bile acide qui brûle la langue, la sensation surréaliste du sang chaud qui s'écoule le long du dos au delà des trous béants qui ne sont plus que des cratères ardents. Surtout, de la brusque envie qui démange jusqu'à l'insanité, le besoin qui grouille dans les entrailles de s'arracher ses objets de martyr et de mortification, de se démembrer soi-même pour que cette danse macabre cesse. Lorsque la corde se brise, notre corps tombe vers l'avant et s'affale. On ressent une étrange libération pendant une ou deux secondes, puis c'est le noir. Nous sommes Roi et Reine.


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Mar 31 Déc 2019, 11:45






8. C'est la neige qui rayonne sous la lune.

Le Roi





L’Ère de la Conciliation, île maudite


« Mon fils... » murmure le Chaman. Il est allongé sous plusieurs couches de fourrure épaisse, masse informe qui se distingue à peine à la lueur des lampes de la chambre royale. Des rideaux filtrent la lumière du jour et l'odeur de maladie et de sueur s'échappe par les ouvertures, tout comme la fumée de l'encens purificateur qui brûle jour et nuit près de l'autel d'Ezechyel. Mon ombre bleutée, seule couleur de cette pièce morne et terne qui pue la Mort, se tient immobile  à côté de la porte, telle une statue gardienne. Une autre ombre est assise et penchée sur le lit, une grimace inquiète sur son visage juvénile.

« Mon fils, apporte-moi du poison suffisamment fort pour me tuer. » J'aurais voulu lui dire d'autres choses, le prévenir, peut-être finalement, lui demander de fuir loin de toute cette folie. Mais il ne comprendra pas. Il est jeune, il possède encore cette flamme et cette énergie que les gens de son âge dépensent en idéaux divers et variés. Avant que je m'évanouisse à nouveau dans les bras de Nidalu, avant que ma conscience s'éteigne, je ressens le besoin idiot de lui parler, là, sur mon chevet de Mort. Nous n'avons jamais beaucoup communiqué, pourtant je n'ai pas cessé de suivre son évolution. Lui pense qu'on lui accorde un honneur, mais moi je sais, que les Ætheri se jouent de nous comme de vulgaires pantins démantelés, ou encore des pions écrasés sur le terrible plateau de leurs bonnes volontés. Les dieux demandent -à travers divers messages visant à la fabrication d'une potion-  au prince de guérir son père, le roi ? Quelle blague ! Comme si j'étais encore en état d'être sauvé. Quand bien même la Mort se refuserait à moi, je trouverais un moyen de m'en passer et de disparaître. Quand bien même les bourreaux refuseraient de libérer leur esclave principal et me garderaient vivant et roi ; ils ne pourraient plus jamais me redonner ce que j'ai perdu : la Foi. Quand bien même je le pardonnerais leurs actes immondes, le calme, la paix et la sympathie que je retrouverais ne seraient que des illusions faîtes par moi, pour moi. Le respect et l'obéissance que je continuerais sûrement de montrer pour protéger les miens : un mensonge de moi à moi. Un beau jour, dans un futur lointain, tout ceci fondra en fumée, et ce sera la Fin. Je souris et passe mes doigts décharnés dans la chevelure brune de Ragnar. Il a tout hérité de sa mère, on dirait bien. J'espère, qu'aurait-il pu prendre de bon chez moi ? « Fais-le, d'accord ? Tu comprendras que quoiqu'on fasse, beaucoup de nos choix déterminants ne nous appartiennent plus. »

Après cela, je profite de mes quelques instants de répit pour lui parler de mon mariage et je n'ai qu'une seule recommandation à lui donner : ne pas s'attacher trop passionnément aux autres. Oui, j'aime encore cette femme, comme un fou est capable d'aimer, c'est à dire en faisant mal. Lilith me fascine et m’obsède jusqu'à me faire perdre tous mes moyens. Je ne la supporte plus : sa présence m'enrage et me perturbe. Elle se donne à moi sans se donner, s'endort dès que je la touche, que ce soit pour l'étrangler ou la baiser. Elle accepte de vivre chez moi tout en voulant garder ses ailes pures et blanches. Nous nous connaissons depuis plus de dix ans, elle ne m'a certainement pas vu changer avant qu'il ne soit trop tard pour elle de changer d'avis sur notre union. Pourtant, je me souviens avoir toujours été exubérant devant elle. Je ne lui ai jamais caché, même lorsque j'étais encore candide, mon attirance pour la mort, le sang et le danger ; ni mon instabilité émotionnelle grandissante. La demande en mariage ? Moi, plein d'alcool après que nous ayons massacré une secte d'hérétiques dans un village dont je me souviens même plus le nom. Pourquoi a-t-elle accepté contre toute attente ? C'est toujours un mystère pour moi. Elle voulait élever ses enfants Chamans, mais même avec tout l'amour dont est capable cette mère, cela ne justifie pas de partager la couche d'un psychopathe. Encore un choix maudit par les mains envahissantes des Dieux ? Ce n'est pas impossible.

Le pauvre ne digère toujours pas ma volonté de me suicider. Il pourrait comprendre, mais il faudrait que je partage avec lui mes trois semaines de coma où mon Esprit ne fût qu'un jouet entre les mains de l'Æther de la Folie. Cela le briserait en mille morceaux. Tout ceci sera inscrit dans les traditions orales historiques que les Chamans se partagent le soir devant un feu chaleureux. Je les entends déjà chuchoter et respirer la fumée de l'herbe à pipe : c'était la fin de la guerre, le début d'un nouveau règne et la levée d'une civilisation nouvelle. Un jour, un Æther inconnu se présenta au Suprême de l'Au-Delà pour instaurer son culte auprès de son peuple. Maléfique et dément, le dieu prit la forme d'un masque maudit, qui rendaient tout ses porteurs fous et meurtriers. Le masque alla de Chaman en Chaman, traçant un sillage de sang et de cadavres jusqu'à trouver son élu, le Roi. Mais le Souverain, voyant l'ombre menaçante qui planait sur son peuple, détruisit l'objet en miettes. C'est faux. Je n'étais, à ce moment-là, absolument pas maître de mes mouvements... La raison me filait entre les doigts comme du sable. J'entrevoyais les gouffres sans fond de la Folie sous mes pieds déséquilibrés.

Je suis tombé.


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La Dynastie des Cauchemars

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