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 [Q] Entre promesses et prédictions

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Lun 15 Juil 2019, 00:59

Partenaire : Jasmin
Intrigue/Objectif :Des étrangers, adeptes de l'Aether Méli, divinité de la nature et des contes de Faes débarquent sur Tobieth où le culte de Natalye fait foi. La renommée de ces étrangers intrigue autant que fascine le jeune Yuurei qui ira à leur rencontre pour mieux apprendre à connaître ces disciples d'une autre divinité de Mère Nature.


Les premières lueurs du jour filtrèrent à travers les interstices des planches de la grange, illuminant progressivement l’agencement de toute une multitude d’outils et accessoirises divers et variés qui composaient le quotidien d’une vie à la ferme.  L’Asgje poussa un râle de mécontentement, plaquant son visage sur son oreiller de longs instants avant de finalement se risquer à ouvrir un œil timide sur le décor qui l’entourait.

Le jeune homme détailla les différents modèles de fourches, de faux et faucilles, de pelles et de râteaux accrochés aux battants de la porte intérieure, son regard parcourra tout un attirail  d’ustensiles divers pour labourer et essaimer la terre. Yuurei finit par se lever de sa couche, enfila sa sempiternel tunique de chanvre et ses sandales pour enfin descendre le long escabeau en bois qui le séparait de la terre battue. Il se rapprocha de tout cet amoncellement de pièces en tous genres et laissa effleurer ses doigts sur chacune d’elles comme pour en apprendre davantage sur leur histoire.

Tous ces instruments étaient là des vestiges de la vie d’antan du vieil homme et même si aujourd’hui ils ne servaient plus qu’à de rares occasions, Yuurei devinait la valeur sentimentale de chacun d'entre eux. Il savait éperdument que s’il venait à interroger le vieil homme à leur sujet, il pourrait lui narrer de longues anecdotes à l'endroit de chacun. Seth ne se séparerait sans doute jamais de tous ces objets et même si pour le jeune lyrienn, la plupart d’entre eux n’était plus qu’un bric-à-bras de fer rouillé, il comprenait instinctivement l’attachement de son compagnon à les conserver envers et contre tout.

La porte de la grange grinça lorsque l’Asgje s’en extirpât et qu’il se dirigea vers le petit hameau à une dizaine de mètres où créchait son ami. C’était une maisonnée en bardeaux surmontée d’une charpente rudimentaire sur lequel on avait disposé plusieurs couches de chaume. Le temps avait déjà entrepris son ouvrage sur elle en patinant de reflets changeants ses murs,. Le vernis des lattes de bois s’était écaillé avec le fil des années, on pouvait entendre parfois le bois craquer dangereusement  lorsque le vent se frayait un chemin à l'intérieur d'elles et cela faisait bien longtemps déjà que le chaume n’isolait plus aussi bien l’habitat de l’humidité ambiante qui le rongeait.  En un sens, tout participait au charme discret et au portrait pittoresque de l’endroit.

Attenant à la chaumière, un atelier rudimentaire érigé en véritable lieu de vie accueillait la plupart du temps le vieil homme et son disciple si bien que l’on pouvait à toute heure du jour entendre les artisans travailler les matières en son sein.

Yuurei longea la maisonnée discrètement en espérant pouvoir récupérer ses outils dans l’atelier et lorsqu’il en ouvrit la porte, il ne fut guère surpris d’apercevoir son mentor assoupi entre des bottes d’osier. Bientôt, il se mettrait à tailler des tiges de rotin pour préparer la confection d’un large panier ornemental à bords courbés. Le lyrienn s’arrêta un bref instant pour observer avec circonspection le vieil homme dans son sommeil. Il lui sembla qu’en dépit de toutes apparences, cet homme là ne dormait jamais vraiment à poings fermées et même dans cet occasion, il imaginait qu'un infime rais de lumière filtrait à travers son iris et le maintenait dans une inertie à mi-chemin entre le réveil et la sieste réparatrice. Un filet de bave luisait à la commissure de ses lèvres et chaque respiration qu’il prenait s’enchaînait un souffle rauque et guttural comme si le temps avait façonné en lui ses sillons comme il aurait creusé longuement un objet pour lui apporter relief et profondeur.

Yuurei récupéra sa trousse d’outils qu’il accrocha solidement en bandoulière de son pantalon puis alors qu’il s’apprêtait à aller s’enquérir du séchage des ballots de paille qu’il avait cueilli la veille et disposé au sol de la grange, Seth l’apostropha :

"Eh bien jeune homme, ou crois-tu donc aller comme ça avec ces outils ?"

Le vieil homme avait décidément le sommeil léger.

"Je comptais débuter la confection de chapeaux et de paniers pour le prochain marché de ..."

"de Tobieth, oui, j’en ai entendu parler."  lança t’il narquois, comprenant les réelles intentions de son jeune disciple. Il laissa planer un silence lourd de sens et sourit de plus belle.

"Les étrangers ?" » railla t’il.

Yuurei rougit consécutivement, la sagacité du vieil homme se suffisait bien souvent à elle-même et les menus secrets que le jeune lyrienn gardait encore pour lui-même se résumait bien souvent à des banalités frivoles qu’un jeune garçon peut taire à ses parents.

"Eh bien, il faut bien vendre le fruit de notre travail vieil homme. J’aimerais aussi pouvoir faire leur connaissance, il y a tant de questions que j’aimerais leur poser... "

Les étrangers ainsi appelés étaient arrivés depuis un mois sur la lande de Tobieth. Il s’agit là d’un groupe d’hommes et de femmes nomades se réclamant être des adorateurs de l’Aether Méli, divinité de la nature et des contes de Faes. L’effervescence et le tumulte gagna aussitôt l’habituelle quiétude de la lande et mille et une rumeurs coururent sur ces personnages insolites que l’on présentait comme extravagants. La curiosité à l’égard de ces étrangers et le tempérament bienveillant des lyrienns penchait tout naturellement en leur faveur. Tout étrangers qu’ils étaient, leur obédience envers un Aether de la nature différent de Natalye fascinait autant qu’intriguait la population.

Aussi, il était tout à fait naturel qu’un jeune premier comme Yuurei voit en leur venue une distraction qu’il souhaitait mettre à contribution. Le vieil homme ne s’opposa pas à sa volonté, il avait toujours soupçonné ce désir d’évasion chez son protégé et s’il y avait bien une vertu cardinale qui faisait loi entre les deux hommes, c’était bel et bien le principe de liberté en toutes choses qui régissait leurs rapports.


Une semaine plus tard, le tandem se mit en route dans une carriole remplie de leur précieuse marchandise en direction de la place marchande dans le nid de la vallée. C’était une route cahoteuse en forme de lacet qui serpentait le long des champs et des vergers qui la bordaient, il fallait prendre garde à la déclivité du chemin des les virages et surtout ne pas apeurer les bêtes.  C’était un périple complexe pour le béotien mais la connaissance éprouvée de cet itinéraire, fort de très nombreuses années de pratique, rendait aisé le voyage pour les vanneurs. Ils finirent par toucher au bout en fin de journée, gagnant la cité qui accueillait les disciples de Méli le soir même. Seth s’occupa des brèves formalités que supposait son commerce auprès des autorités puis prit congé dans une auberge où ils réservèrent des chambres pour la nuitée.

Ces étrangers étaient des saltimbanques qui se produisait en spectacle au sein de chaque ville qui leur accordait couvert et hospitalité. La renommée passé du mois durant à donner des représentations sur toute l’île commençait désormais à précéder chacune de leur venue et en cette chaude soirée d’été, c’était toute la ville qui bouillonnait d’excitation de pouvoir observer la prestation de ces voyageurs d’un autre genre. Yuurei flâna dans les ruelles de la cité, amusé par l’agitation et l’émotion des citoyens qu’il pouvait ressentir jusque dans l’air, l’excitation était palpable et chacun ici pouvait en ressentir toute la teneur. Le garçon profita de son escapade pour faire quelques emplettes, il s’acheta un pain de riz et quelques brochettes qu’il dégusta avec nonchalance sur sa route pour atteindre l’esplanade à flanc de colline où le rendez-vous avait été donné.  L’Asgje dut se frayer un chemin pour s’installer dans les gradins empierrés puis après quelques minutes d’un vacarme insoutenable, le silence se fut. Les lanternes qui surmontaient les deux grands autels et la statue ornementale au centre de l’atrium s’illuminèrent d’une lueur tamisée qui vint aussitôt planter l’atmosphère si particulière à la représentation.

Un cortège d’une dizaine d’acteurs masqués et habillés de longues tuniques précieuses en fil de soie et aux imprimés floraux apparut subitement dans un nuage de fumée au centre de l’esplanade.




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Jeu 01 Aoû 2019, 16:46

[Q] Entre promesses et prédictions Laprin10



Les cloches se mirent à crier par-de-là les collines sombres du monde du sylphe. Une en particulier attira son attention ; celle du bélier du troupeau. Le son était grave et couvrait les tintements si étrange et pourtant si rassurant. Jasmin se surprit à connaître l’une des cloches. Était-ce à force des les entendre ? Il se releva, contourna la table tout en s’approchant de la fenêtre. Le monde aurait paru austère pour n’importe quel curieux, pour le génie, voilà un bel abri. Il aurait pu rêver mieux, s’abriter dans une bâtisse de Roi, avoir un Jour infini devant lui. A la place, il vivait dans cette cuisine avec un âtre imposant. Une Nuit éternelle couvrait son univers, si bien qu’il ne percevait rien en-dehors. Brusquement, il se retourna. Cette table était nouvelle. Que faisait-elle là ? Il se rapprocha soudain aux aguets. Sa main flirta le bois ciré d’où reflétait un bleu tranquille. Le feu n’éclairait plus assez la pièce pour qu’il distingue chaque détail. Il prit place sur une chaise, guidé par un étrange sentiment. Un bol d’eau trônait au centre. Il le rapprocha de lui, d’un mouvement timide. L’avait-il imaginé ? Il ne s’en souvenait pas. C’était une possibilité qu’il devait prendre en compte. Nouveau-né dans cet univers, il en apprenait à chaque fois un peu plus à mesure qu’il avançait dans son périple pour retrouver sa grâce d’antan. Cependant, il n’eut pas le temps de mesurer ce qu’il avait juste en face de lui. Un vent rentra par le conduit de la cheminée, balayant sur son passage les résidus de charbon de bois et de poussière. On l’appelait.

« Mamzelle Argent, Mamzelle Argent ! Sortez de votre clef, j’ai besoin d’votre aide. Voyez-vous, Gibs est mort il y a une heure, nous n’avons plus de mouton sous la main. Pouvez-vous le ramener à la vie ? Il est encore chaud. J’suis sûr qu’un bon coup de magie dans le pif et hop, il sera requinqué. On en a besoin encore.  » Le bougre reprit son souffle, le temps que le sylphe lui apparaisse. Une longue chevelure doré flottait dans l’air, masquant une partie de son visage féminin. D’une voix furieuse, la demoiselle Argent répondit « Mais laissez-le mourir ce pauvre animal, déjà qu’il peinait à respirer quand nous nous sommes rencontrés. » - « Mamzelle Argent, vous m’avez dit pouvoir réaliser mes plus grands espoirs. En voilà un. Je veux que Gibs revienne avec nous. » Il lui indiqua le corps de la bête allongé par terre, emmitouflé dans un drap comme on l’aurait fait d’un mort. « Avec le plus grand des respects que je dois à Gibs, Hector, je ne le ramènerai pas à la vie. » Le corps duveteux du génie encercla son maître. Elle lui posa un doigt sur les lèvres. « Et n’envisagez pas l’impossible. Je vous ai promis d’atteindre votre rêve, pas un mouton. » Il n’était pas convaincu. « Sans lui, la pièce ne pourra avoir lieu dans la soirée. Nous n’avons pas d’autres moutons domestiqués sous la main. Voyez-vous, Gibs était le plus intelligent du troupeau. Il jouait magnifiquement bien. Son talent est à présent perdu. » Le quinquagénaire eut besoin de s’asseoir, les yeux perdus dans le vague. « Mamzelle Argent, je ne suis rien sans lui. La troupe est perdue. » D’une main maladroite, le sylphe dégagea les mèches de cheveux qui lui encombraient le visage. Elle ne percevait pas correctement l’espace qui l’entourait. Tout était plus ou moins désordonné, flou. Elle se rapprocha du monsieur et soupira. « Voilà une bien triste nouvelle que vous m’annoncez là, moi qui pensais que vous souhaitiez devenir un artiste émérite, vous envisagez de ne plus remonter sur scène, déjà ? Vous êtes bien trop jeune ! Regardez-vous, une santé de fer, toutes vos dents. Une compagnie de rêve. Par Méli, vous avez de l’imagination ! La lecture de tous les Contes que vous possédez ne vous a pas assez nourri ? » La demoiselle Argent s’agenouilla au près de lui. L’homme avait les yeux mouillés. « Vous allez monter sur scène et conter comme vous savez si bien le faire. » Il était désabusé, les compliments ne suffisaient pas à le réconforter. « Nous n’avons pas d’animaux, Mamzelle Argent. Comment transmettre la Princesse et le Bélier sans mon cher Mouton... » Hector avala la fin de sa phrase. La sylphe laissa ses longs cheveux tomber par-dessus le corps du comédien lorsqu'elle se releva, un sourire aux lèvres. « Vous m’avez dérangé, n’est-ce pas ? » Il comprit et se redressa lui aussi, chassant les nuages capillaires. Le regard brillant, il souffla « Gibs est parti et ne reviendra pas. Il nous faut l’honorer ce soir. Je souhaite… Je souhaite qu’on se souvienne de Gibs et que la Princesse et le Bélier soit mémorable. » Doucement la chevelure longue et doré du génie se mit à bleuir d’un faisceau qui rappelle le ciel d’une journée en pleine saison de l’Empereur. Elle frémit. « Aux premières lueurs artificielles, quand la soirée débutera, vous reviendrez seul ici Hector. Laissez la clef sur Gibs. »

Le comédien revint comme promis, habillé avec des vêtements de berger, maquillé et prêt à monter sur scène. Le corps de son familier était toujours au même endroit, il découvrit son museau en espérant secrètement qu’un souffle lui soit donné pour une seconde fois. Ce n’était pas le cas. Le bélier était inerte et la clef toujours posée sur lui. Il la reprit en main, déçu. « Mamzelle Argent ? » Un grelot tinta. L’appel souleva un bêlement raillé. Il sursauta. Devant la sortie de la caravane, un mouton était présent. Sa laine était légèrement bleue et, à s’y méprendre, il ressemblait à Gibs. Les cornes étaient similaires, seuls les yeux changeaient. L'animal avait des pupilles rondes, un regard bien trop humain pour qu’il s’agisse d’un vrai mouton. Face à sa mine, le bélier réagit. « J’ai oublié quelque chose, c’est ça ? » Dit une voix grave, celle d’un homme. Manquant d'un battement de cœur, le comédien indiqua faiblement ses yeux. « Les pupilles des moutons sont rectangulaires. » - « Crotte de biquette. » Tandis que le bélier se mit à ruminer, Hector se rapprocha doucement, examinant l’être d’un regard émerveillé. « Un mouton qui parle… Mais quelle idée ! Brillant ! Même Gibs n’aurait pas pu faire mieux. Mamzelle Argent, je vous épouserai quand nous aurons fini de faire le tour de Tobieth. Nous marquerons les esprits ce soir, que Méli imprègne leur cœur. » Il prit dans ses bras l’animal et le serra fort contre sa poitrine. « Vous ne sentez rien, c'est marrant. Savez-vous chanter, Mamzelle Argent ? » Le mouton s’extirpa de l’embrassade. « Oui. Pourquoi ? » -  « Vous devez connaître la Promise aux Chevaliers, nous la chantons tous les soirs. » - « Qu’un couplet, oui. » Il semblait satisfait de la réponse. « Très bien. La pièce va commencer. » - « Je vous suivrais, comme Gibs avant moi. Reprenez la clef avec vous. » Avoir un comédien pour maître l’avait en quelque sorte instruit ; Jasmin avait passé quelques soirées à les écouter à défaut de les voir.





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Dim 18 Aoû 2019, 18:51




Les volutes de fumée se dissipèrent en torsades éparses dans les premières ombres du crépuscule, devant un auditoire déjà captivé et qui suivait avec curiosité le jeu des protagonistes qui s’y adonnaient.  

Autour, la nature elle même semblait douée d’une volonté propre, les saules qui entouraient toute la bordure de l’esplanade frémissaient de leurs branches, les rameaux à leurs extrémités semblaient s’allonger et se recourber comme pour mieux envelopper les troubadours et l’ôde qu’ils s’apprêtaient à lui rendre. L’écorce des chênes noueux centenaires résonnait dans le lointain et derrière eux le silence humble des plaines infinies de Tobieth vibrait aux échos de toutes les sonorités que manifestait discrètement les émois de Mère Nature. Des forces mystérieuses étaient là quelque part, déités surnaturelles et circonspectes, amusées par le divertissement étrange que cette compagnie si particulière leur dédiait.  Tous comédiens qu’ils étaient, ils se fondaient totalement dans leurs environnements, prenant toute mesure de l’espace et des particularités de l’atrium dans lequel ils évoluaient.  Un à un les masques – à l’exception d’un seul – tombent, révélant les protagonistes et les rôles qui leur incombent. Le Roi Gontrad et la Reine Astrid, leurs filles, Eleanor et Eliae, puis la cour de ces altesses en procession derrière eux. La pièce débute.

Il y a bien longtemps avant l’apparition des Aetheri, dans une contrée lointaine et vallonnée, était établie le royaume d’Aespera. C’était un royaume prospère et riche des denrées que son territoire aux trois-quarts agraire permettait à son peuple de cultiver. Aussi, chaque année, pasteurs et cultivateurs emmenaient pour les uns, les premiers-nés de leurs troupeaux, et pour les autres, les plus beaux fruits de leurs arbres dans un long pèlerinage sur la montagne pour les sacrifier à la gloire des Dieux et recevoir leurs faveurs. Aespera connut ainsi une longue période de félicité qui dura plusieurs siècles mais un jour lorsque des dissensions internes éclatèrent, que l’autorité du roi semblait un peu plus vaciller chaque jour durant suite à trois années successives de disettes et de mauvaises récoltes. La confiance du roi si longtemps loué par son peuple, s’ébranla. Aespera avait t’il été abandonné des Dieux ? Les sacrifices consenties par tout son peuple n’étaient t’ils pas à la hauteur des exigences de leurs volontés ? Le doute submergea le monarque et lorsque sa chère et tendre Eleanor, sa première fille, l’enjoignit à procéder à un énième rite sacrificiel des récoltes et des bêtes, il consentit à lui accorder cette faveur.  Eleanor partit avec les bêtes et les denrées des premières moissons au cœur même de la montagne, elle fit couler le sang des bêtes, fit offrande des meilleurs denrées aux volontés divines et pria avec dévotion pendant dix jours et dix nuits leur bénédiction.

Eleanor ne revint jamais de son périple, le cortège qui l’accompagna prétexta une chute d’un arpent rocheux mais son corps n’a pu être retrouvé. Comble du désespoir, le fléau frappait toujours de toute sa malédiction ce royaume autrefois si florissant. Des rumeurs persistantes coururent bientôt sur la malheureuse disparue, on dit d’elle qu’elle avait fui, qu’elle avait délaissé son peuple en proie à la famine et à la désolation qui l’accablait. Le roi, défait et déchiré par la perte de son aînée fit étouffer ces accusations. Si elles disparurent un temps, elles revinrent bientôt lorsque l’existence du bélier Gibs fut révélée au royaume entier, ce bélier à la toison doucement bleuté était là un animal si singulier, un animal si exceptionnel qu’il devait être sacrifié au bon vouloir des divinités là-haut et on accusa le roi d’avoir volontairement épargné l’animal et en conséquence d’avoir bafoué la confiance de ses sujets et surtout d'avoir défié les dieux. La colère du peuple grondait à mesure que son dénuement devenait insoutenable, l’opprobre populaire résonnait sonnant le glas de cette longue période d’abondance et de félicité.  Pourtant, ni son berger, ni la seconde fille du roi, Eliae, éprise de l’animal depuis son adolescence passée sur les estives de la montagne n’était parés à de telles extrémités. Le roi lui-même s’était amouraché de cet animal à qui l’on prêtait mille et une légendes toutes plus farfelues les unes que les autres. Le devoir de servir son peuple eut raison de ses appréhensions et c’est la gorge noué de sanglots, le cœur meurtri par la souffrance de perdre peut-être une nouvelle fois sa progéniture qu’il confia à Eliae et à sa demande, le fardeau macabre.  Le cœur lourd, la jeune princesse se mit en route dans les pas de celle qui l’a précédé,  amenant dans son sillage la longue caravane de bêtes et de denrées destinées aux esprits occultes. Elle vogua par monts et par vaux sur les traces de sa sœur, ce fut un périple long et éreintant pour une jeune fille qui vint tout juste d’accéder à la majorité mais elle vu sa ténacité récompensée lorsque atteint enfin le refuge d’Hector le berger, là-haut perché dans les hauteurs de la montagne.


Sur l’esplanade, les iris bleutés de la princesse étreignent les cœurs des êtres dont elle capte le regard. Eliae, elle, contemple le lointain, indéfini, où elle semble puiser toute la force de sa résolution, quêtant la moindre manifestation de la volonté du destin. Dans l’ombre de ses prunelles, pourtant, l’instant fatidique, celui de Gibs, se dessine silencieusement.  Sa longue crinière d’ébène ondule en cascade au bas de ses reins drapée dans une robe en mousseline sombre. Son pas est léger, aérien, sa silhouette diffuse imprime des mouvements déliés et habiles oscillant en contorsions lorsque son émotion est vive, que sa voix tonne et résonne de l’intensité et de la détermination d’une dame de son rang, puis en gestes plus tempérés et mesurés lorsqu’elle regagne contenance et réserve. Eliae incarne à merveille le rôle titre et lorsqu’elle se déplace,  c’est comme si toute la troupe gravitait autour de son axe, autour de son astre.

Puis c’est tout le cadre qui semble se mettre en branle, les décors se succèdent, se transforment, la mise de la scène se confond parfois entre les tableaux qui se superposent. Pourtant, l’assemblée ne semble pas perdre une seule seconde de la représentation, buvant chacune des paroles que forment les lèvres charnues d’Eliae, s’émeut de la peine indicible du roi lorsqu'elle l’afflige, s’attendrit de l’amour profond et sincère de la princesse pour le bélier.  Gibs est un point dans l’immensité mais pourtant l’animal prodigieux fascine, attire à lui bien des attentions et ne laisse personne indifférent. Son pelage bleuté et fourni est l’objet de regards appuyés ou d’œillades dissimulés selon. Yuurei est de ces enfants qui aimerait s’approcher de lui, caresser du bout des doigts sa truffe froide et laisser courir une main franche mais délicate dans les nœuds de sa toison. C’est un animal fier et vigoureux dont l’aura étrange qui enveloppe sa présence épouse les formes d’un univers dont il est la pièce cardinale. Oui, le pouvoir d’attraction de Gibs semble irréel mais incontestable, il prête à la scène toute sa dimension ésotérique.  L’envoûtement opère et Yuurei plonge innocemment son regard dans l’abîme des pupilles de l'animal, sondant la vérité profonde et les promesses qui se muent au plus profond d’elles et le message que le jeune Asgje y lit est hors de sa compréhension, abscons, énigmatique et inintelligible lorsque l’abîme décide de le contempler en retour.

Soudain, l’animal se déplace en suivant les pas de son berger, pauvre hère malgré lui du sacrifice imminent de son plus proche confident et ami. C’est un crève-cœur terrible pour le pasteur qui, les yeux embués de larmes, s’est résolu au sort inéluctable de sa plus belle bête. Bientôt, Eliae se présente devant l’autel où le bélier, imperturbable, attend silencieusement son heure. Elle récite les dernières grâces, procède aux derniers sacrements et prononce les dernières prières. Lorsque sa main se lève dans l’écho des cieux tumultueux, qu’elle brandit la lame sacrificielle dentelée où le destin de l’ovidé semble déjà inscrit en lettres de sang, l’animal se cabre furieusement dans un cri si profond qu’Eliae trébuche et laisse tomber la dague.

Sur scène, le dernier masque tombe et l'individu en dessous se volatilise. Une silhouette éthérée et vague apparaît non loin de l’amphithéâtre, baignée d’une lumière chaude et pâle et flottant dans les airs comme l’aurait fait un esprit qui aurait trouvé la paix dans l"autre monde. Cet esprit se rapproche à mesure que ses contours deviennent de plus en plus nettes et que son éclat semble se concentrer  à sa seule enveloppe astrale.  C’est le galbe d’une femme, une femme que le jeune vanneur n’a sans doute jamais croisé en ce monde mais qui réveillait en lui le souvenir très étrange d’une rencontre fortuite à l’orée d’une de ses nombreuses escapades dans les bois de Tobieth.

[Q] Entre promesses et prédictions Jasminou-567a925

Il sourit.




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[Q] Entre promesses et prédictions

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