Catégorie de quête : XXIX. Fuite
Partenaire(s) : Solo
Intrigue/Objectif : Dans le corps de Léto, Latone continue d'apprendre à se comporter en tant que mortelle. Ici, Latone se remémore ce message qui hante ses compagnons, et la cité qu'elle a juré de protéger. Cet avertissement semble aussi avoir marqué le corps de Léto. Latone s'efforce ainsi de préserver ce qu'elle chérit et d'échapper à la sentence d'un Mal bien plus grand…

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Dans le corps de Léto.


" Une journée. Je nous laisse qu'une seule journée pour les retrouver. Passer ces poignées d'heures, nous rentrerons chez nous. Enfin ! " Le Guide Narn ne brillât jamais par sa patience. Son manque de tact semblait égaler celui de Latone en personne. Et pourtant, le sang de Léto ne fit qu'un tour bien des fois en présence du rustre montagnard. Ancré dans les coutumes les plus antiques de la cité des Chants, il tolérait – lui aussi – de moins en moins la prise de pouvoir de la Chamane. À plusieurs reprises, les Marcheurs plaisantaient sur leurs explosives prises de bec ; qu'un jour, cela se finira en bain de sang. Étant donné les circonstances, ce pourrait être tout aussi inévitable.

L'Esprit se renfouit dans sa cachette, derrière quelques racines géantes et volatiles. Suivre discrètement la caravane des Marcheurs aurait été aussi laborieux sous forme spectrale. Son bleu caractéristique se fondait péniblement dans le décor de Nementa Corum. Mais avec le corps de la Chamane, ce fut tout aussi dérangeant tant les tensions internes se multipliaient. Cela faisait déjà plusieurs mois qu'elle était parvenue à s'habituer à la possession. À investir le corps de Léto. À être Léto. Mais Ciel-Ouvert, cet endroit qui était censé apaiser toutes ses facettes, les livrait en pâture à une engeance bien effrayante. L'œuvre d'un Æther ou d'une entité très puissante… Les possibilités se multipliaient et conjoignaient vers une unique constatation : une malédiction. Tous les habitants en furent témoins : les cauchemars apocalyptiques, les visions floues et vivaces, les murmures internes en un dialecte intraduisible… Tous les indices laissèrent penser à cet avertissement, une menace que leur cité disparaîtrait sous la glace. Telle une punition pour leur péché. Les plus faibles ou les plus superstitieux prirent la fuite, mais le mal continuait de les marquer. Latone en était elle-même témoin. Elle subissait ces maux que Léto aurait dû encaisser à sa place. Rien de tel pour se sentir réellement vivante. Les autres Esprits ne comprenaient pas son œuvre, mais en même temps il ne pouvait guère comprendre une telle anomalie dans le Cycle. Au moins se contentaient-ils d'assister cette Conservatrice qui n'œuvrait qu'au maintien de l'équilibre chez les Vivants. Tout pour que les divins la reconnaissent comme l'une de ses progénitures. Et parce qu'elle était tout simplement le Bleu Roi. À son plus grand dam.

Les ordres furent énumérés et l'opération démarra. " Ils ne laissent que peu d'Hommes pour surveiller la caravane. Étant donné l'hostilité de l'endroit, c'est un geste peu avisé… Narn doit vouloir ramener le plus rapidement possible les fuyards. Nementa Corum est vaste… " Latone s'éloigna aussitôt des environs, loin de ces traqueurs. C'était dans leur bon droit de "sauver" leurs camarades. Mais Narn… Il était un élément bien trop épineux. Leur réputation souillée, il pourrait céder au bafouement de son honneur. Léto n'aurait jamais laissé un tel fol sombrer et entraîner son entourage avec lui. Plus jamais. " Tu n'as plus qu'à me mener à eux, maintenant que tu as vu de tes propres yeux le déclin de nos têtes pensantes. C'est moi ou lui. Et je ferai tout – TOUT – pour que ce soit moi ! " L'Esprit suivit de près la bleue, encore nerveux à l'idée de laisser une telle créature approcher ses compagnons tourmentés. Mais il devait se rendre à l'évidence que la Marche Terne avait bien changé depuis son propre trépas. " D'accord, Latone… Je vais vous montrer. "

Tori était encore un jeune Marcheur le jour de sa mort. Il n'avait assisté qu'à quelques opérations des Guides, rien de bien transcendant ni marquant. Mais il était là le jour où Léto intégra leur groupuscule. Il fut témoin de son trépas et de sa renaissance dans ces montagnes enneigées. Spectateur de la naissance de Latone. Malgré toute l'adrénaline que cette dernière lui avait insufflé ce jour-là, il succomba à ses propres blessures. Mais cette apparition seule lui donna envie de continuer d'agir en tant que Marcheur, même après la mort. Bien sûr, il ne trouvera pas le repos éternel à Zterbiuh'Oshi tant qu'il n'aura pas accompli ce pourquoi il était retenu en ces terres. Avec le Ciel de Glace qui s'abattait sur les siens, son périple semblait loin d'être révolu. Il voyait cependant en Latone l'une des nombreuses clés qui désamorceront ce conflit propre aux Marcheurs. Pour l'heure, son Esprit vagabondait en des lieux bien lointains, telles que ces terres sorcières qu'il connaissait et redoutait à parts égales. Elles étaient bien différentes de leurs contrées célestes. Froides comme une lame et non comme la neige. Corrompues par les ténèbres elles-mêmes et non les affres du passé. Nementa Corum avait tout pour combattre le feu par le feu, mais ce fut une erreur. Mêmes les Marcheurs s'aventureraient sur le territoire de leur Némésis si telle était leur volonté. Ayant appris peu à peu à comprendre le mentalisme des mortels, Latone parvenait à deviner pourquoi les maudits s'étaient aventurés jusqu'ici pour échapper à leur mal. En vain. Puisque les Ætheri avaient décidé de les abandonner à leur sort, elle n'était plus que leur seul espoir. Tori voulait croire en cette alternative et conduisit ainsi la Guide jusqu'à la cachette des fuyards.

Un pan de lianes plus loin, la grotte s'enfonçait dans des souterrains aussi sombres que l'extérieur. L'obscurité commencerait à s'abattre bientôt, il serait trop tard pour éviter quelques déconvenues avec des Sorciers et autres sordidités s'ils traînaient le pas. Latone constata, étant donné l'attitude des Esprits des environs, que les Marcheurs de Narn n'étaient pas encore arrivés. Trop calmes à son goût. Tant mieux : elle adorait troubler ses confrères. C'était un plaisir exquis que de détruire toutes les espérances. Ils comprirent tous ce qu'elle représentait, ainsi tapie dans cette enveloppe charnelle, et s'empressèrent de ne pas rater une seule seconde du précieux spectacle. Les parois souterraines exiguës ne laissèrent pas de marbre son réceptacle colossal, malgré tout – avec plus d'appréhension que de difficulté – Latone parvint à trouver les rescapés de cette fuite. Deux corps reposaient à leurs côtés, tandis que les vivants se serraient les coudes pour faire cuire une viande sûrement rongée par diverses infections. Totalement déconnectés de leur réalité, ils ne remarquèrent pas tout de suite la présence de la guerrière. Cette dernière se serait fait le privilège de leur briser les tympans pour les réanimer, mais l'un d'eux finit par comprendre à qui ils avaient affaire : " L-L-L-L— ! " Latone posa son index sur la bouche du pauvre hère, le reste du groupe finit par lever leurs yeux mornes sur sa personne. " La ferme. À moi l'honneur. Elle fit le tour du campement de fortune, afin de se positionner bien en évidence face à eux. Ils faisaient énormément peine à voir, tant le Ciel de Glace avait tourmenté leurs pensées et leur sommeil. Vous êtes des parias ! C'est l'essence même de notre communauté de briser les règles ! On chante, on danse, on rit, tandis que le monde tout autour de nous s'écroule, brûle ! Elle en prit un au hasard par le col pour le soulever à quelques centimètres au-dessus du sol. Toujours plus pour impressionner et s'imposer. Et c'est comme ça que vous réagissez aux menaces ?! Croupir comme des rats chez les Salvatore, les Faust, les putains de Mayfair, et j'en passe ?! Son emprise sur sa proie fut relâchée, la chute aura eut au moins le mérite de tous les réveiller. C'est ici que vous souhaitez faire pourrir votre carcasse et hurler à l'agonie pour l'éternité ?!
- NOUS N'AURIONS PAS DÛ OUVRIR LA PORTE ! Le plus énergétique, et aussi le plus désespéré de tous, osa prendre le flambeau pour représenter le groupe. De toute manière, ils étaient tous bien trop faibles pour se liguer contre leur "sauveuse". C'était une erreur de creuser ! Il nous punit pour notre avidité ! Latone avança d'un pas de plus, l'expression davantage furax. Ciel-Ouvert aurait dû rester sous la glace, car tel est son destin ! Nous tomberons avec elle ! Le Ciel de Glace s'abattra sur nous ! Le coup l'assomma sur-le-champ, surprenant l'ensemble de l'assemblée face à une telle violence et manque de répartie.
- Pour l'heure, ce seront mes phalanges qui s'abattront sur toi. Allez, je vous ramène tous à la maison. Vous voyez bien que fuir Ciel-Ouvert ne sert à rien : il continue de vous affliger même ici. " Les Marcheurs décadents acquiescèrent doucement la tête, encore meurtris par le maléfice. Latone les aida un par un à se relever et à se reprendre en main pour la suivre.

Le Guide fit tapoter en rythme sa massue dans le creux de sa main. Autour de lui se tenaient ses camarades, patients et un brin soucieux. Nombreuses furent les divergences au sein de la Marche depuis cet événement : si la plupart des Guides s'accordaient à pénétrer davantage les souterrains de Ciel-Ouvert, d'autres s'accrochaient à ce pourquoi ils s'étaient engagés, feintant l'ignorance. En l'occurrence, Narn et Latone appartenaient à deux cours différentes. La jeune défunte s'éclipsa de la cachette des fuyards – ces derniers sur ses talons – s'attendant précisément à la suite de cette mésaventure. Dès lors qu'on parvenait à deviner ses traits juvéniles à travers la pénombre, Narn ne put réprimer un crachat dédaigneux. Les deux groupes se tinrent respectivement à quelques mètres, les deux Guides initièrent naturellement l'échange : " Latone, je suis partagé : d'un côté, je comprends pourquoi vous êtes déjà là, de l'autre je me demande vraiment ce que vous fichez ici.
- Oh, un peu comme tout le monde : j'essaye de survivre.
- Ici, comme par hasard. L'Hozro porta ses mains à ses hanches, le buste fièrement bombé, le sourire éclatant.
- La vie est pleine de surprises ! L'une d'entre elles est que nous sommes en train de joyeusement papoter au beau milieu d'un essaim de mages noirs. Elle fit signe aux autres Marcheurs accompagnant Narn. On s'en va, ils sont déjà bien assez épuisés comme ça. C'en est fini de cavaler loin de chez nous. Ils obéirent naturellement à la directive, mais il avait suffi d'un geste, d'une simple erreur de la part du vétéran pour que tout bascule.
- Pas maintenant. Narn commença réduire la distance les séparant. Pas avec vous. Latone fronça les sourcils, les nerfs piqués à vif. Les autres Marcheurs étaient tout bonnement pétrifiés. Vous vous pensez légitime de prétendre à la couronne du Bleu Roi ? N'est-ce pas vous qui avez causé notre perte, avec votre mentor ? Si la Cité Miroir était restée scellée, nous n'en serions pas là. Et à quoi bon, d'ailleurs ? Comment n'avez-vous pas pu prendre vos précautions avant de tous nous condamner ? Il faut se rendre à l'évidence que nous avons foulé des terres déjà occupées. Il recula de quelques pas, afin de rejoindre ses Hommes. Vous voulez reprendre ce qui nous reviendrait de droit ? Allez vous-même ouvrir vos satanées Portes et réparez vos conneries ! La Descente s'illumina d'une singulière lumière bleue. En un instant, Latone s'était retrouvée sur le dévoyé, très proche de lui, sous l'effroi des Marcheurs qui redoutaient ce scénario. Aucun d'entre eux n'osa s'interposer entre la titanide et le fol.
- Ciel-Ouvert n'appartient à personne ! Et s'il faut lui arracher sa couronne pour nous libérer, alors je le ferai ! Je serai le Bleu Roi ! Elle colla son front contre le sien, les yeux dans les yeux. Plus que jamais, on a besoin de vous tous ! Ce n'est pas juste pour libérer quelques esclaves cette fois, mais toute une ville ! Tout un peuple ! Elle redoubla la pression sur lui. Tu vas entonner le chant le plus violent avec moi, mon frère. Ou la tyrannie ferrique nous enlacera pour toujours. " Cette reprise de leur couplet fit douter un instant le Guide. Il cessa de se rebeller, et se tut. Doucement, Latone relâcha la pression, autant sur lui que sur son propre corps. La tentation de toujours goûter plus au pouvoir de Léto continuait d'étreindre son esprit. Mais elle savait qu'elle avait encore besoin de Narn vivant. En ces heures sombres, il ne fallait plus être avare en alliés. Se serrer les coudes et faire face au danger.

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" Beau travail, Tori. La Souriante lui offrit une franche tape sur l'épaule, une offrande qui comblait le jeune soldat tombé au combat. Ta contribution ne sera jamais oubliée. Es-tu prêt à y aller ? Il fixa le ciel, l'ultime destination. Mais avant, tant de questions le taraudaient au sujet de la Chamane.
- J'ai du mal à comprendre, pourquoi n'épaulez-vous pas directement Latone ? À vous deux, vous pourriez…
- Elle a tout mon soutien. Ma présence ici ne t'a pas convaincu ? Léto s'approcha du jeune garçon et lui tendit la main. Je veille sur elle tout comme elle a veillé sur moi autrefois. Je prie pour qu'un jour j'en vienne à l'applaudir non pas pour nous, mais pour elle. "

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