Le grand jour était enfin arrivé. Le début d'une vie normale rythmée par les activités et l'apprentissage. Le commencement d'un voyage social vers le développement. La rentrée scolaire à Basphel. Mute avait pu se faire inscrire à la dernière minute du fait de son frère adoptif Andrzej. Ce dernier avait pris soin de lui depuis ce terrible incident de Vastesylve et malgré le traumatisme subit, provoquant un mutisme total chez le garçon, il ne se décourageait pas de lui donner une vie normale. A plusieurs reprises il avait amené Mute avec lui dans ses voyages pour l'aider et aussi tenté quelques thérapies mais la dangerosité de l'un et l'inefficacité de l'autre l'avaient forcé à changer d'approche. En échangeant son temps et son savoir sur les animaux, Andrzej avait pu inscrire son protégé malgré le coût exubérant de ces études. Voilà comment le muet s'était retrouvé face à la grande porte du hall d'accueil où se tiendrait le discours de bienvenue aux nouveaux élèves. Son aîné ne pouvait être présent car lui aussi allait avoir le plaisir de recevoir une grande quantité d'informations de la part des professeurs pour son premier jour. Livré à lui-même, il s'avançait dans la salle pour voir plusieurs rangées de bancs disposés en demi-cercles face au pupitre central pour augmenter la visibilité. Un brouhaha continu vrombissait dans la salle à cause des discussions animées des élèves et de certains surveillants impatients que cela se termine. La plupart des places était occupé et seules les bancs situés à l'extérieur du dispositif étaient encore libres. Sans vraiment ressentir quelque chose de précis sur cette situation, il s'asseyait sur le premier siège venu.

Bien que muré dans un mutisme permanent, il restait un garçon de huit ans curieux et émerveillé par les lieux. Qui ne le serait pas ? Il regardait tout autour de lui. Le moindre détail était aperçu et noté comme s'il devait prendre ses marques dans un environnement hostile et nouveau. Il était resté trop longtemps avec Andrzej à ce sujet. Mute avait observé les murs et le plafond. Ensuite les bancs et les quelques meubles. Tout semblait ancien, finement travaillé et de grande qualité. Derrière le pupitre central se trouvaient plusieurs personnes. Quelques-unes étaient des adultes ou des vieillards au front plissé, sans doute des professeurs à temps plein. A côté d'eux il y avait un grand nombre d'adolescents et de jeunes adultes qui passaient leur temps à observer les plus jeunes et à chuchoter entre eux. Ces individus n'avaient pas l'air tellement plus âgés. Des élèves de classes plus avancées ? Mute n'était pas sûr du tout. Tout à coup, il vit une main s'agiter pour attirer son attention. C'était la gentille rouquine avec qui il avait joué pendant ce tournoi organisé à Basphel. Elle lui lançait un grand sourire et plantait son regard dans le sien. Aucun doute, c'était lui la cible de cette attention. Un peu mal à l'aise et surpris, il ne bougeait pas d'un pouce et faisait un signe timide de la main. Immédiatement après, la pétillante jeune fille se mit à pousser les autres pour faire une place et l'invitait avec de grands signes mais avant même d'avoir eu le temps de bouger, une personne s'approchait du pupitre et s'apprêtait à parler. Trop tard pour changer de place. La rouquine faisait signe à Mute qu'ils se parleraient plus tard. Ils auraient au moins un an pour cela.

La personne qui avait pris place sur le petit podium était une véritable armoire à glaces aux cheveux noirs et courts. Ses épaules étaient bien plus larges que le pupitre et il culminait à une hauteur impressionnante dépassant les deux mètres. Remarquant cela, Mute tournait la tête en direction de la porte et essayait de déterminer si oui ou non, il pouvait l'utiliser. Son visage était très sérieux, fermé, dur, et la cicatrice qui passait en travers de sa joue droite lui donnait un air menaçant. Tout cela était renforcé par des vêtements sombres et épais. Il était si strict d'apparence que personne n'avait eu besoin d'une remarque. Un silence de mort régnait dans la pièce. Plusieurs secondes passaient comme cela, dans le silence et la tension comme s'il cherchait à impressionner les étudiants. Tout à coup, il se penchait en avant pour parler dans le cône pour amplifier sa voix, se grattait la tête et souriait d'un air gêné.

« Désolé du silence. Je suis très stressé et j'ai oublié mon discours haha. »

Sa voix tressaillait légèrement et la position prise, presque plié en deux sur le pupitre, lui donnait un air burlesque. Il enchainait avec une voix emplie de douceur et de bienveillance.

« Je suis Algado Idorza, surveillant en chef et responsable de l'intégration des nouveaux élèves. Donc, bienvenue à Basphel haha. »

Il continuait de rire franchement, un énorme sourire sur le visage. Il applaudissait pour féliciter les nouveaux arrivants mais il était seul. Sans doute la surprise de voir un mec de plus de trente ans taillé comme une montagne agir comme une animatrice de camp de vacances de vingt ans. Personne ne réagissait et il commençait à se sentir seul. D'un mouvement vif, il se tournait vers le groupe d'élèves plus âgés et des professeurs ave une lueur rouge dans les yeux et une soif de sang palpable. La seconde d'après, tout le monde applaudissait et Algado riait à nouveau, un peu gêné.

« Doooonc. Vu que vous êtes très nombreux, bien plus que nous, nous avons décidé de vous attribuer à chacun un parrain ou marraine pour vous montrer les lieux importants, les classes, les dortoirs, le sublime jardin floral et aussi vous expliquer la vie quotidienne à Basphel. »

Il avait désigné d'un large geste ces étudiants derrière le pupitre. Mute ne savait quoi penser de ce parrainage ou de cet étrange Algado. Il savait juste qu'il allait devoir suivre. Le surveillant folichon reprenait après une pause durant laquelle il adressait un large sourire à son audience.

« Ils ont tous reçu un document avec le nom de leur filleul donc veuillez rester dans cette salle jusqu'à ce que votre parrain vous trouve. S’il y a le moindre problème, vous pouvez toujours venir me voir. »

Il clôturait le discours en tapant des mains pour inviter les parrains à trouver leur protégé. Algado, tout excité, les avait rejoints en sautillant presque sur place de voir tant d'animation et d'effervescence juvénile. On aurait pu jurer à un moment qu'il essayait de voler le papier officiel d'une des marraines pour avoir un élève sous son aile. Un grand enfant dans le corps d'un adulte balafré. Une femme aux longs cheveux blancs de même vint se faufiler pour saisir Algado par l'oreille et l'entraîner dehors. Il semblait très triste. Dans tout ça, Mute était resté assis et silencieux tel le bout en train qu’il était.