Sacrifices puérils [Quête - Solo]

Sam 14 Mai 2016, 00:13

Les murs s'imprégnaient du froid des souterrains. L'atmosphère était tendue, diablement pénible. Ce n'était guère le genre de silence qu'on souhaitait écouter avant l'heure fatidique. Cette arène était fichtrement plus glauque que n'importe quel colisée – même les ruines de ceux-ci – qu'ait pu visiter Léto auparavant. Le Kolossës de Mégido, le Coryphée de l'Edelweiss… Tant de magnifiques structures renfermant de beaux combats, dans le respect de l'art et l'honneur de tous. L'arène de cristal était censée refléter cette même image, pourtant la jadis orisha ne ressentait plus ce frisson lorsqu'elle était petite. Ayant vécu la totalité de son enfance ici, elle avait toujours rêvé de se prendre pour une héroïne, de descendre sur le terrain et de vaincre ses adversaires un par un, au nom de la gloire. Bref, le rêve d'une petite fille avide des légendes chevaleresques retranscrites dans ses contes favoris. Le gouffre entre l'idéal et la réalité était difficile à avaler, mais l'excitation du combat n'en restait pas moins puissante, et enrichissante.

Des gouttes tombèrent périodiquement du plafond, dans cette salle qui s'apparentait à un donjon, avec ses râteliers à tout va et ses divers instruments de fer en tout genre. Sa sueur accompagnait cet orchestre maléfique, alors qu'elle ne cessait ses séries de traction. Ses uniques spectateurs étaient Latone, ainsi que Tlaalee-Aan et son propre esprit-compagnon ; bientôt, ce sera des dizaines et des dizaines de paire d'yeux qui la regarderont. Léto s'échauffait pour sa première mêlée, les idées autant focalisées sur le combat à venir que sur la véritable raison de sa présence en ces lieux, celle du maître-chaman ici-bas, de la mord'th dans les gradins, de "l'informateur" dans les coulisses. Ce n'était pas simplement un tournoi, mais une véritable Marche.

" Évite de trop t'épuiser avant tes combats, ce serait dommage que tu te retrouves sur le même plan que ton esprit-compagnon. La citée ricana, de son dédain naturel et permanent.
- Mon maître est toujours aussi drôle ! Heureusement que les années ne te rendent pas sénile, sinon je te prendrai difficilement au sérieux. Tlaalee-Aan soupira, il peinait à s'habituer à la présence constante de la Descente.
- Je vais te raconter une histoire, cela te détendra un peu. Léto tendit l'oreille, attentive, sans pour autant délaisser son échauffement ; en outre, Latone fut celle à qui s'adressait le chaman, pour avoir un semblant de contact visuel avec sa protégée. A l'époque où j'étais encore esclave, on m'avait classé dans les jeunes aptes au combat. On a donc fait de moi un enfant-soldat, prêt à abattre son ennemi sur ordre des adultes, les seuls maîtres de mon monde, notre monde. Les débuts étaient forcément éprouvants, nous n'étions pas habitués à soulever une épée et encore moins à s'en servir pour découper des mannequins en masse. Nous étions un peu plus sportifs que la moyenne, mais nous n'en restions pas moins des gamins maigrichons, petits et faibles. Un jour, alors que le crépuscule promettait une prochaine nuit de repos bien mérité, mon entraîneur – mon principal maître en somme – me remarqua trop faiblard et me fit rappeler mon numéro. Quand nous étions esclaves, nous avions chacun un numéro qui correspondait à notre nom ; j'étais le Trente-Et-Un. Ainsi, pour mon insubordination, trahie par mon manque de motivation, il me fit faire trente-et-une passes d'arme. A la fin de celles-ci, mes doigts étaient en sang et l'un des os de ma main fut fracturé. Il me congédia aux soins, de là où j'entendis les premiers combats faire rage : on attaquait le repère des esclavagistes au coucher du soleil. Les Marcheurs leur roulèrent dessus et l'un d'eux, un réprouvé, me prit sous son aile, après m'avoir vu poignarder trente-et-une fois mon maître. Léto lâcha sa barre d'entraînement, toujours le dos tourné au chaman. C'est pour cela qu'il me fit appeler Tlaalee-Aan d'ailleurs, cela veut dire "trente-et-un" en Zul'dov, le langage réprouvé. La blonde soupesa une épée quelconque, alors que Latone sourit au fin mot de cette histoire.
- Je retire ce que j'ai dit : tu es devenu un vieux pénible, un gâteux. "

Le Guide entendit des pas lourds se rapprocher et il dégaina juste à temps son arme pour parer l'attaque de la chamane. Latone et Hëarëel, le second davantage étonné par la soudaine charge de Léto que la première. Tlaalee-Aan fit glisser avec vigueur sa lame sur celle de la blonde, afin de la repousser. Il ne comprenait pas ce qu'il lui prenait tout d'un coup, mais étant donné le sourire grandissant de Léto, il ne pouvait qu'admettre qu'elle était fin prête pour en découdre. La Sùlfr, en manque d'échanges musclés, retourna au charbon. Elle abattit sans arrêt sa lame d'emprunt sur celle du chaman, celui-ci reculant pour compenser son défaut de force brute face à son élève. Léto était indéniablement forte, il ne lui manquait qu'un chouïa plus de souplesse et elle pourrait être une combattante redoutable ; ce qui en soi était le rôle de Latone, un peu. Pour autant, l'endurance de la chamane lui permettait de tenir un long combat, même contre quelqu'un de plus malin qu'elle. Pour cause, Tlaalee-Aan avait déjà du mal à trouver une ouverture dans les assauts répétés de la blonde. A vrai dire, il avait surtout peur qu'elle s'essouffle pour rien – pourquoi faire d'ailleurs, cette imprévisible envie de combattre ? – mais les coups étaient aussi puissants les uns que les autres, jamais elle ne semblait affaiblir la moindre de ses attaques. Dans un sens, le Marcheur était fier, mais aussi, au fond, un peu inquiet pour cette femme qui était rentrée au bercail, après avoir été poursuivie durant des semaines par des tribus belliqueuses. Une frappe bien placée le désarma, sa lame fila à l'autre bout de la pièce, alors que celle de Léto se logea juste en-dessous de son menton. Léto s'immobilisa plusieurs secondes, songeuse, avant d'étirer un maigre sourire et d'abaisser son épée.

" Pourquoi ne fusionnerez-vous pas avec Hëarëel ? La proposition le prit au dépourvu, même l'esprit concerné arqua un sourcil. Après tout, vous êtes chaman. Tlaalee-Aan n'était pas réellement amusé, il trouvait même l'idée plutôt enfantine.
- Léto, nous ne sommes pas là pour jouer… Elle donna des coups dans le vent, se battant contre des esprits cherchant à la provoquer, des anciens combattants morts entre ces murs, dans la honte ou dans la gloire.
- J'ai envie de me battre contre un vrai de vrai, j'ai peur que mes adversaires ne m'apportent pas suffisamment de satisfaction ! Latone était la voix de cette furie, de leur irritable désir d'en découdre, pour se surpasser éternellement, toujours plus loin. S'ils font ce pourquoi nous sommes là, c'est qu'ils ne doivent pas avoir l'habitude de rencontrer des guerrières comme moi. Dans un sens, elle avait raison, mais pour le Marcheur ce n'était pas une raison de plus pour rester imprudent.
- Cela ne durera qu'un instant. "

Léto s'arrêta d'un coup, c'était rare que le colossal orisha qui servait de compagnon à son mentor prenne la parole. D'autant plus que ses maigres propos lui plaisaient énormément. La blonde jeta son arme plus loin et serra les poings, tout en se mettant en position de combat. Elle allait enfin revoir Tlaalee-Aan brillé de mille feux, tout comme la première fois où elle l'avait vu fusionner avec son camarade d'outre-mort ; le jour où elle avait mûri la décision de rejoindre les chamans, dans leur quête d'assister la volonté des morts. Un brin exaspéré, le Guide décida tout de même d'entamer la fusion des deux esprits, histoire d'en finir assez rapidement avec ce léger caprice de l'affranchie. Une intense lueur blanchâtre recouvrit le borgne avant qu'il ne réapparaisse, les cheveux en bataille et à la limite du fantomatique, son œil unique étincelant fixa la battante d'un air sévère. L'aura du chaman était palpable et écrasante, tout ce dont avait besoin Léto. Elle chargea en première et abattit son poing, dans le vide. Le maître esquivait aisément les lourdes attaques de la blonde et finit par rapidement riposter en la frappant sur le côté. Elle encaissa et rendit le coup dans le ventre du chaman. Durant un bref instant, ils s'échangèrent tous les deux des coups sans parer ni éviter, un mince filet de sang s'échappa des lippes de Léto, avant qu'elle ne se sente obligée de faire un pas en arrière pour reprendre son souffle. "Obligée", c'était exactement l'une des sortes d'émotions qu'elle souhaitait vivre là-haut. Tlaalee-Aan, sous fusion, était imposant et transpirait toute la volonté du monde de vaincre ; le genre d'individu que la Marche Terne raffole d'avoir dans ses rangs. Pour la suite, ce fut lui qui vint au corps-à-corps, son coup de pied l'atteignit à la cheville, elle se pencha sur le côté et fit filer son poing droit jusqu'à lui. Tlaalee-Aan attrapa sa main à temps et il fit pivoter son élève sur sa gauche. Avant que la chamane n'eut le temps de reprendre son équilibre, il lui fit une balayette qui la renversa sur le dos, il apposa son pied sur le ventre de la grande, histoire de symboliser en quelque sorte sa victoire pour ce round.

" Toi aussi, tu es chamane. Fusionne avec ton esprit-compagnon. Puis c'était le souhait de Latone, d'en découdre, alors autant satisfaire celle-ci via les pouvoirs chamaniques.
- Non… Elle tenta de se dégager en vain. Je veux vous battre… La seconde fois, elle put rouler sur le côté pour s'extirper de son emprise. Avec ce désavantage… " Elle se remit en garde, le regard bouillonnant de volonté.

Cette fois, la main de Tlaalee-Aan fut d'un épais brouillard glacial. Léto comprit bien vite qu'il comptait en finir avec la magie et elle eut le bon réflexe de rouler sur le côté pour éviter la vague de froid. C'était une manière à lui de la pousser à bout, de la convaincre d'emprunter la puissance magique de Latone, mais elle était forte : il était hors de question de s'abaisser à ça. Elle se releva et chargea ses poings de magie. Des lueurs multicolores masquèrent ses mains, elle usa de la magie héritée du Cristal-Maître pour répliquer, le sort ne fit aucunement mouche mais elle le combina avec son pouvoirs de manipulation colorée pour peindre l'environnement de dizaines de teintes. Ce nouvel environnement avait le mérite d'être déstabilisant pour le borgne, elle en profita pour se téléporter à portée et retourner au corps-à-corps. Tlaalee-Aan ne put bloquer les premiers coups et eut bien du mal à supporter le reste de l'assaut. Il coupa court à l'avantage de Léto en créant une carapace de glace, il était sur le point de reprendre le flambeau mais la chamane abattit une vague de peur pur sur lui. Le sort ne fonctionna guère sur le mental d'acier du chaman, néanmoins son corps ne répondit pas correctement, se sentant obligé de reculer par réflexe. C'est cette erreur-ci qui permit à Léto de bondir sur lui et de le frapper de toutes ses forces en plein visage. Le coup fut si puissant qu'il coupa court à la fusion, expédiant Hëarëel hors du corps de Tlaalee-Aan.

" Excellent… Toussota le Marcheur, reprenant doucement son souffle avec la chamane. Excellent… Répéta-t-il en expirant d'un coup sec.
- Il… Elle attendit encore un peu, afin de reprendre assez de souffle pour s'exprimer aisément. Il est arrivé quoi, à votre sauveur ? Le visage de Tlaalee-Aan s'assombrit.
- Mort, lors d'une Marche. Il réajusta son manteau, elle n'eut le loisir de lui exprimer sa compassion. L'échauffement est terminé. " Elle était définitivement parée.

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By Jil ♪

Mer 18 Mai 2016, 00:01

Le son du cor résonna dans l'arène de cristal, l'ensemble de la foule se leva pour applaudir la venue des jouteurs. Une seule mêlée, un laps de temps déterminé, et – s'il y a suffisamment de survivants – des finalistes. Ce sera un combat intense, qui accueillera sans doute des guerriers aguerris, en manque de gloire, et qui étaient prêts à mettre leur vie en jeu pour graver leur nom dans la pesante histoire de ces murs. Léto enfila son casque dès que le signal fut lancé, le couvre-chef en question recouvrait la totalité de son visage, hormis sa bouche et son menton, qui dévoilait un sourire en permanence. Les Marcheurs avaient après tout décidé de l'inscrire en tant que la Souriante, alors autant faire en sorte que cette couverture serve, pour ne pas que cette Marche ne soit un malheureux échec.

La grille se releva doucement, lui laissant le loisir de poser pied sur le terrain ensablé de l'arène. Elle s'arrêta à quelques mètres de là où elle était venue et balaya le champ de bataille d'un regard long et observateur. Ils avaient tous eu pour consigne de s'immobiliser juste devant leur grille respective et de n'attendre que le second appel pour tirer l'arme au clair. Les voilà. Ils étaient bien là : les fameux condamnés de cette arène. Des enfants, loin d'être parés à soulever une quelconque arme, pleurants à chaudes larmes sur leur tragique destin. Même d'en bas, Léto arrivait à entendre les plaintes des mères dans les gradins, mais le cruel enthousiaste des autres spectateurs bloquèrent leur détresse. La chamane se concentra : ces enfants étaient au nombre de cinq ; le nombre de tous les combattants inclus s'élevait à trente. Si elle se débrouillait bien – en étant notamment très rapide dès le début – alors elle aura le temps de les rejoindre pour les protéger tout le long de la joute. Elle avait d'ailleurs bien de la chance que les gamins fussent assez regroupés dans un coin, cela n'en sera que plus aisé de les réunir sous son aile. Ceci étant dit, le temps d'attente commençait à lui peser. Elle leva ses yeux vairons sur les gradins, tous ces gens pour une telle boucherie… Que des monstres, tous autant qu'ils étaient. Léto priait pour que les Marcheurs, dont Thémis, ne rencontrent pas de difficulté dans cette foule de malades. En parlant de dérangés, l'un des organisateurs du tournoi se leva de son siège et proclama le discours d'entrée.

" Bienvenue à tous et merci pour votre patience, et pour votre fidélité si vous étiez présents aux précédentes éditions ! Sans plus attendre, je vais énoncer les règles : c'est une mêlée générale, tous les participants se battront à mort. Le jeu durera tant que le jury le pensera nécessaire, ce dernier peut déclarer sa suspension provisoire si un repos des survivants est concédé. La mêlée ne prendra fin que lorsqu'un unique combattant sera vivant. Tous les coups sont permis, magie comprise. Enfin, la règle la plus importante : offrez-nous un beau spectacle ! " Le cor sonna de nouveau.

Léto souleva sa chaîne imbibée d'un léger voile bleu, Latone avait fusionné avec celle-ci juste avant son entrée, afin de lui offrir les pleins pouvoirs sur sa maîtrise du Denki. La foudre sera un élément essentiel en guise de rapidité, c'est pourquoi la chamane avait opté pour cette stratégie. Néanmoins, elle eut à peine le temps de lever la main qu'un archer décocha une flèche sur l'un des enfants, sans sommation. Le spectacle ébahit l'ensemble des spectateurs, et des combattants. L'espace d'un instant, la blonde vit rouge et chargea un puissant éclair qui s'abattit sur l'assassin. Cette action attira pratiquement toute l'attention sur elle, mais tant pis ! Je vais les massacrer !

Une maigre aura électrique entoura son corps, la chamane se fondit partiellement dans son Denki pour atteindre une vitesse supérieure. Elle chargea notamment sur un autre enhardi qui profitait de la faiblesse des gosses pour satisfaire sa soif de sang. Un coup d'épaule plus tard et il fit connaissance avec le mur adjacent. Léto fit un geste aux enfants à côté d'elle, leur intimant de se recroqueviller contre la barrière juste derrière eux. La peur avait tétanisé leur corps maigrichon dès le début de la partie, mais l'arrivée éclaire de la chamane leur avait apporté un semblant d'espoir auquel se raccrocher. Ils obtempérèrent et Léto remarqua qu'il en manquait un, pris au piège entre deux assaillants plus loin. La blonde fit tournoyer sa chaîne chargée d'électricité et la fit balancer, les maillons possédés par la bleue filèrent comme un serpent pour mordre les moins que rien, ils tombèrent à terre, paralysés. Léto hurla pour attirer l'enfant à elle, maintenant elle était l'ennemie de tous. Elle ramena doucement sa chaîne à elle, un sourire de défi cernait ses lèvres ; la partie la plus corsée était passée, elle allait maintenant satisfaire la volonté de ce pauvre garçon victime de la barbarie : la vengeance.

La chamane se mit en garde, elle ne comptait pas trop s'avancer, pour ne pas laisser une seule occasion à ces gladiateurs sans cœur de s'approcher de ses protégés. Elle maintint sa position et attendit le premier fou, elle bloqua le coup et il se prit une décharge grâce à son bouclier. Elle l'acheva rapidement et se remit en défense. Ils étaient dix-neuf, fort heureusement certains s'attardaient sur d'autres adversaires pour remettre le massacre à plus tard. Léto devait temporiser, c'était son unique moyen de s'en sortir avec les enfants. Elle se mordit la lèvre lorsqu'elle vit que c'était trois guerriers qui comptaient l'attaquer en même temps. Puisqu'elle n'arrivera jamais à tous les bloquer simultanément, elle décida de passer à l'offensive : elle esquissa un arc de cercle devant, toujours chargé d'électricité pour amplifier ses attaques. Avec sa force combinée, ils peinèrent à s'en remettre ; l'un chancela, tandis que les deux autres luttèrent contre la légère paralysie de leurs muscles. La chamane se jeta sur l'un d'eux pour le suriner, elle se mut de justesse pour égorger le second. Dans son élan, elle ne put parer le nouvel assaut de celui qui devait reprendre son équilibre, la lame de celui-ci ripa sur son plastron et mordit un morceau de la cotte de maille en-dessous. Léto attaqua, il para, elle fit glisser son épée mais il la repoussa, elle dut reculer mais en profita pour jeter sa chaîne – qu'elle empoigna des deux mains – juste derrière lui. Elle n'eut qu'à tirer au bon moment, quand les maillons furent à hauteur de ses chevilles, pour le faire valser en arrière. La blonde avait profité du bref contact des anneaux avec l'épéiste pour lui balancer une décharge. Cette action ne faisait que de paralyser tous ses adversaires depuis le début, mais elle remarqua qu'une furie en profitait pour offrir le coup de grâce à ces vaincus encore vivants. Léto plissa d'ailleurs les yeux, l'armure de cette jeune fille lui était familière…

La chamane n'eut même pas le temps de faire le rapprochement avec quoi que ce soit qu'un nouvel élu vint l'affronter. Cette fois, pas d'attaque surprise, une simple provocation. Le gaillard était presque aussi grand qu'elle, mais plus svelte. Léto sourit et répondit volontiers à son invitation à en découdre, elle chargea ; il esquiva aisément son coup mais la guerrière n'était pas dupe : elle balança de sa main libre une salve électrique, qu'il absorba malheureusement. Léto se remit en garde, elle comprit que c'était un élémental de la foudre. Dans ce cas, elle changea de tactique : elle le laissa venir à lui et tenta de le parer, mais il fut assez rapide pour frapper exactement là où le précédent l'avait effleuré. Cette fois, c'était touché, la lame s'était quelque peu coincée entre sa peau et ses pièces d'armure. Cela avait été risqué, mais la stratégie fonctionna : elle empoigna d'une main la lame, elle le fit un peu pivoter et lui décocher un poing de toute ses forces. Il ne l'avait heureusement pas vu venir et tomba bien vite dans les pommes. La chamane aux tendances masochistes retira l'épée coincée et la jeta. Du sang commençait à souiller un peu son armure, mais rien de bien grave : elle avait encaissé bien pire.

On commençait à crier son surnom. " La Souriante ! La Souriante ! " L'ovation était aussi bienvenue qu'optionnelle, cela ne risquait que d'enrager ses ennemis. Léto souffla et s'assura rapidement que les enfants allaient bien. Après quoi, ce fut deux autres balourdes qui se joignirent à la fête, du moins elles avaient toutes les deux chargé avant de se rendre compte qu'elles se mettaient des bâtons dans les roues. Elles oublièrent vivement la blonde et commencèrent à se mettre sur la tronche. La jeune femme ne profita pas de l'occasion pour poignarder l'une d'entre elles. Elle admira simplement le combat et la malice de la victorieuse, avant de l'accueillir avec une orbe foudroyante. Son adversaire esquiva tout en chargeant et Léto para le coup, la repoussa, et contre-attaqua. Sa lame fila sur l'avant-bras de l'ennemie, ce qui la désarma. La chamane n'appréciait guère tuer une personne désarmée. Elle donna donc un coup de pied dans l'arme pour la faire glisser plus loin, puis elle laissa aussi tomber par terre son épée et serra des poings. N'étant apparemment point habituée au combat à mains nues, son adversaire ne lui offrit qu'un coup de poing bien faible, Léto le lui rendit bien via un coup de coude en plein dans les dents.

Alors qu'elle était en train de ramasser son arme, ce fut une autre ovation qui attira son attention. " La Petiote ! La Petiote ! " Son sang se glaça, quand elle remonta son regard sur sa nouvelle adversaire. Alix ?! Elle n'arrivait pas à le croire, la petite – enfin elle avait bien grandi depuis mais elle restait très jeune ! – était couverte de sang, elle avait dû en battre autant qu'elle. Et encore, il restait encore quelques adversaires debout, mais ils ne s'occupaient pas d'elles pour le moment. La foule était en délire, ravie d'enfin voir les, apparemment, favorites de la compétition se faire face. L'antimagie de l'humaine neutralisa immédiatement sa barrière électrique, ainsi que toute sa magie, y compris celle de Latone ; et étant donné le regard résolu de Petiote, Léto en conclut qu'elle ne l'avait pas reconnue. Finalement, l'idée de croiser le fer avec cette petite commença à l'enchanter. Elle a du potentiel. Et elle le lui prouva bien, en chargeant à toute vitesse sur elle, ses attaques étaient aussi imprévisibles que rapides, et relativement fortes pour couronner le tout. Peu agile par rapport à l'humaine, la chamane eut du mal à suivre la cadence, mais elle se rendit compte bien vite qu'Alix faiblissait rapidement, elle était déjà bien pâle ! La jeune fille avait réussi à lui rouvrir un peu plus sa plaie, à cause des chocs. Un peu plus et Léto aurait très probablement eut quelques petits soucis à se faire. Rien de bien grave, certes, mais tout de même. Cela fut court mais leur échange fut satisfaisant au goût de la blonde, contrairement à l'avis de la brune qui peinait à se remettre en garde, essoufflée par l'effort.

" Je… Je dois gagner ! La petiote jeta un rapide coup d'œil aux enfants et à son entourage avant de reporter toute son attention sur son adversaire : elles étaient les seules survivantes, les rares survivants ne se remettaient pas de leurs blessures. Pour… pour les sauver ! Léto ne fit le rapprochement qu'avec les gosses, mais Latone voyait plus loin dans le jeu de l'humaine.
- Moi aussi, je dois les sauver. Assura la Souriante en plantant son épée dans le sol, sa simple voix fit comprendre à Alix toute l'ampleur de sa bêtise ; elle reconnaîtrait d'autant plus ce sourire chaleureux – et malheureusement terne si elle était plus attentive – entre mille. Marchons un peu, ma grande. "

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By Jil ♪

Ven 01 Juil 2016, 00:28

Le "maître" entra dans la pièce, aussi froide que les lames qui se sont gorgées de sang il y a peu. Il semblait accompagné de deux dignitaires, des hommes simplement présents pour démontrer de sa puissance sociale. Un chouïa en retrait, une petite forme encapuchonnée traînait des pieds – dans une démarche pratiquement hasardeuse – et suivait le trio des organisateurs. Karak, le démon à l'origine de tous les maux de cette arène, fils de l'Archimage Kirak – qui s'avérait être un sorcier – dépassait largement l'imposante carrure de Léto, exactement comme l'avait décrit Lime, l'ex-fiancée du démon, auparavant. La chamane s'en extasiait quelque peu, c'était un bon point pour lui, un semblant de défi supplémentaire ; mais il était trop bien habillé pour être un épéiste hors pair. Elle resta assise sur le banc, Alix à ses côtés dont le sang bouillonnait. La petiote aurait pu éclater à tout moment, mais la blonde lui avait quémandé de rester calme durant cet instant. Derrière elles, les enfants sauvés s'accolaient le plus possible au mur, apeurés par la présence de leur bourreau. Le démon de la gourmandise détruisit rapidement le silence en un fin sourire, il croisa les mains derrière son dos, le torse bombé. Il dardait les deux championnes encore en lice.

" C'est un plaisir de rencontrer la Souriante et la Petiote, les favorites incontestées du tournoi. Léto trahit également un sourire, elle portait toujours son casque ; sa ressemblance troublante avec la génie risquerait de contrecarrer leur plan. Karak Kirak. Se présenta-t-il avec une sincère révérence, la main droite sur le cœur. Léto frappa son plastron en réponse, Alix l'imita malgré elle. Vous nous avez offert un beau spectacle, cela va s'en dire, mais vous devriez déjà être au courant… Il fixa les enfants fondus dans l'ombre, du mieux qu'ils pouvaient. Ceci n'est que de la chair à canon, dans l'unique but de distraire la foule et d'offrir le véritable spectacle : la souffrance, l'injustice, l'immoralité. Son regard revint sur les demoiselles de fer. Avec votre retraite… Il m'est alors venu à la réflexion que vous n'êtes pas à votre place. Quelle est donc la raison de votre présence ? Léto ne répondit pas, puis même si elle l'avait souhaité : Alix la prit rapidement au dépourvu en se levant, et en sortant un cor de guerre reconnaissable entre mille.
- Demandez à votre épouse ! " Elle souffla de toutes ses forces dedans.

Un nuage bleuté sortit de la trompe, prenant une forme d'abord menaçante, monstrueuse, avant de revêtir les traits qu'ils lui connaissaient si bien : Lime Qhomainöm. Karak recula mais il était trop tard pour lui : des Marcheurs sortirent des ténèbres pour embrocher ses hommes, puis Tlaalee-Aan assomma en traître le démon. Sa lourde masse musculaire s'abattit sur le sol en un léger tremblement. Les libérateurs se retournèrent vivement vers la dernière cible : la petite personne encapuchonnée.

" NON ! Alix fit barrage de son corps, les coups ne portèrent heureusement pas. C'est Anita ! A ce nom, Léto se leva en un bond et bouscula ses camarades pour s'approcher de la fameuse magicienne. Cette dernière retira timidement sa capuche : c'était bien elle, malgré son teint plus blafard que d'habitude et son visage quelque peu décharné.
- Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Pourquoi j'ai été – OH NON, KARAK ! Lime se blottit derrière un des Marcheurs, le démon l'avait retrouvé. Le pauvre gars tenta de la rassurer en lui faisant bien comprendre qu'il était hors d'état de nuire, pour le moment.
- Anita… Tu es… L'ancienne magicienne hocha de la tête, son sourire était bien maigre mais tout de même présent.
- Je suis devenue une Sans-Âme… Une mort-vivante. La chamane la prit dans ses bras : elle n'avait cure que c'était une créature en quête de chair, c'était toujours Anita, c'était clairement sa voix.
- Je t'ai enfin trouvée… Je suis tellement désolé d—
- Ce n'est la faute de personne. La nourrice enlaça à son tour son amie, avec ses petits bras faiblards. J'ai assumé l'entière responsabilité… Pour Talon mon mentor, et Oberon. La petite humaine baissa la tête à la mention de son père, elle l'exécrait pour avoir rendu sa nourrice dans cet état. Mais tout cela était du passé : Oberon était parti et Anita fut enfin retrouvée.
- Cette mission se complique de plus en plus. Il posa une main sur l'épaule d'Alix. Comment étais-tu au courant ? La brunette mit du temps à se confesser, le regard inquisiteur des adultes ne l'aidait point dans la démarche.
- J'ai cherché, pendant longtemps. Lime m'a aidée aussi. La fameuse génie leva les mains en l'air.
- Je peux tout expliq—
- Mais c'est surtout Galick qui m'a mise sur la voie. Quand l'océan s'est déchaîné, il a livré une ondine, celles qui avaient les yeux jaunes, à Karak. Il n'était pas au courant qu'il était un esclavagiste, il pensait qu'il était un démon qui luttait contre les sirènes, mais lorsqu'il a reprit contact par curiosité, c'est là qu'il l'a appris… Ainsi que pour Anita. Léto croisa les bras, l'implication du berserker la déconcertait au plus haut point, mais elle se remémorait en parallèle les agissements de la mord'th durant ces sombres évènements.
- Le démon m'a aussi tentée : je refusais de dévorer des innocents, de nobles personnes. Il m'est alors apparu et m'a proposé de la chair de maléfiques ; c'était ma meilleure alternative pour lutter contre ma nouvelle nature. En échange, je lui devais quelques services… Il ne m'a rien fait faire en réalité, hormis récupérer une antique couronne que je n'ai même pas réussi à lui rapporter… Un petit rire mesquin, quasiment jaune, franchit les lèvres de Latone qui apparut depuis les ombres.
- Cet enflure est à l'origine de bien de nos maux.
- Je venais de me faire la même réflexion. Enfin, au final, c'est terminé : on a récupéré les enfants, Anita, Petiote, ce démon passera l'éternité à Ciel-Ouvert. On n'a plus qu'à faire passer le mot au réprouvé pour qu'il bidouille une dernière annonce aux spectateurs. Marche accomplie. Un vent de fraîcheur tourna autour d'eux, leur dur labeur fut bien récompensé.
- Non. Léto se fit noyée sous les regards, interrogateurs ou désapprobateurs.
- J'ai envie de mettre un terme à ce spectacle. "

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" Mesdames et messieurs, changement de règles ! La voix du réprouvé portait beaucoup mieux que celle de l'annonciateur habituel, ce dernier fut d'ailleurs bien mis en retrait depuis la prise de pouvoir des Marcheurs. Thémis se tenait aux côtés de Pendrake, elle lui avait susurré les grandes lignes de son discours, mais c'était bien lui qui enrobait celui-ci avec l'éloquence dont il avait toujours été capable. Nos deux championnes favorites ont reçu le privilège d'affronter l'un des plus grands tenants du titre : le légendaire démon Karak ! Peut-être que ce nom ne vous dira rien, son histoire est beaucoup plus longue que les nôtres réunies, mais ne doutez point : ces trois-là nous offriront sans conteste un spectacle plus sanguinolent que jamais. Point de match à mort cela dit, nos combattants se respectent mutuellement : seul le jury, et vous, mes très chers spectateurs, déciderez de qui sera notre nouveau champion, entre la Souriante et la Petiote ! " Les Marcheurs usèrent d'un brin de magie pour forcer l'ovation à se lancer, même parmi les plus sceptiques.

Karak fut jeté dans l'arène, sans arme et sans protection, la grille se referma derrière lui. En face, Léto et Alix se présentaient armées, côte à côte. Toute cette mascarade n'était pas prévue, mais le caprice de Léto avait remporté sur la raison : il fallait humilier publiquement le démon pour tous ses complots, toutes ses atrocités commises, sur le dos des innocents, des hommes libres, et de la justice universelle. Il s'était joué d'eux, des magiciens et des sorciers avec son traître de père, ainsi que des démons, en profitant de l'anarchie pour asseoir sa domination en dehors de la hiérarchie des siens. Karak était une tare, une plaie béante de noirceur. Léto ne pouvait tout simplement pas passer cette opportunité, et Petiote non plus.

" Alors c'est ainsi… Il s'avança en titubant un peu, on venait à peine de l'extirper de son inconscience. C'est à ça que vous voulez jouer. Son sourire donnait des frissons à Alix, des frissons meurtriers. Votre "allié" n'est pas si loin de la vérité : peut-être pensez-vous que je ne suis qu'un nobliau qui flirte avec la bureaucratie magicienne ? Je suis au-delà de ça : mon pouvoir vous fera plonger dans des terreurs dont vous ne soupçonnez pas l'existence. L'arrogance de son adversaire fit, à son tour, sourire Léto. Il n'était rien, absolument rien face à ce qu'elle avait déjà affronté, et vaincu.
- Je l'espérais bien, que vous soyez assez fort. Une décharge électrique traversa son épée, trempée dans le Denki de Latone. Assez fort pour soumettre ma sœur, assez fort pour manipuler mes amis… Elle retira son casque d'une main et le jeta plus loin. Assez fort pour me donner envie d'enfin m'éveiller. "

A ce moment-là, l'électricité qui parcourait la lame se mut en une aura bleutée qui recouvrit totalement Léto, avant de la dévoiler ensuite sous une nouvelle apparence : ses yeux brillaient de mille feux, tandis que ses cheveux étaient aussi bleus que ceux de Latone. La guerrière ultime, celle dont elles avaient rêvé devenir. Enfin. C'était la première fois que Léto et Latone fusionnaient, et c'était une franche réussite, beaucoup plus fructueuse que lorsque la chamane avait tenté la fusion des deux esprits lors de ses débuts chamaniques. Sa magie était stable, son corps et son nouvel esprit tout autant. Alix était obnubilée par cette apparition, son antimagie n'était guère assez puissante pour dissiper la force de Léto. Quant à Karak, pour une fois, il était descendu dans son estime de soi.

Léto jeta un regard à l'humaine et lui fit un clin d'œil : elle allait engager le combat. Puis elle lâcha son épée ; bien avant que la lame ne touche le sol ensablé, elle s'était déjà envolée vers Karak pour lui asséner un gros coup de poing dans l'abdomen. Le démon sentit la charge lui broyer les entrailles. La bleue fit un pas de côté et prépara un autre coup, cependant Karak lui jeta un mauvais sort : la tentation du Diable. A première vue, cela ne lui fit rien, mais Léto subissait tout de même les effets sans s'en rendre compte. Elle décida d'utiliser Vivat pour le motiver, cela ne rata pas : le reflet de l'autre se dévoila pour révéler un démon plus grand, plus monstrueux que jamais ; ses beaux habits ne pourront plus servir à polir son image. Face à la ténacité du démon, qui rendait coup sur coup les assauts de la chamane, cette dernière relâcha le Blues, une vague de désespoir hanta les pensées chaotiques de Karak. Il devenait de plus en plus instable, mais surtout, comme elle le souhaitait, plus efficace. Elle saignait, mais il saignait plus abondamment. Du sang coula sur ses lèvres, elle goûta malgré elle au nectar vital, et cela la fit succomber à une transe plus importante que la simple fusion. Dans l'action, elle se surprit même à mordre et tenter d'arracher succinctement un bout de chair de son adversaire. Léto dut lutter intérieurement pour se calmer, puis par parasiter l'esprit de Karak pour l'arrêter à son tour.

" Arrête-toi. Je ne suis plus ton adversaire. " Le démon ne bougeait plus et attendait la suite sans broncher.

Léto, toujours sous fusion, s'avança vers Alix et lui tapota l'épaule, l'encourageant à récolter toute la gloire. La Petiote était plus forte que ce monstre, elle le savait. Karak n'était pas un guerrier, seulement un mage désespéré. La chamane quitta donc l'arène et se recroquevilla dans les ténèbres intérieures de l'édifice, sans assister à la victoire de sa protégée. Léto apposa sa main sur le mur froid et se pencha, comme anéantie par l'expérience. Ma tête me fait mal… Mal, mal.

2006 mots ~

By Jil ♪

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