Pour la énième fois dans le mois, je décidais de me rendre au jardin animalier afin de proposer mon aide. Mon titre d’éleveur d’animaux me permettait d’entrer en contact facilement avec les soigneurs présents dans le jardin et en peu de temps j’avais su me rendre utile. Je n’avais pas la prétention d’avancer qu’ils avaient besoin de moi, car cela était objectivement faux, en revanche j’appréciais que l’on reconnaisse mes talents dans l’exercice de mes fonctions.
Je n’avais pas attendu qu’ils fassent appel à moi ce jour, car même s’ils n’avaient pas ressenti la nécessité de me joindre, je savais qu’il y avait toujours une petite tâche que je pouvais aisément accomplir et qui les soulagerait.

Attrapant mon sac, je me mettais rapidement en chemin, heureuse de pouvoir passer du bon temps entouré d’animaux. Je parcourrais les ruelles d’un pas pressé, ne prenant pas attention à mon environnement. Seule ma destination m’importait, si bien que ma vision se cantonnait à repérer uniquement les obstacles qui me faisaient front, tout ce qui se trouvait en périphérie m’était alors indétectable. Néanmoins je remarquais un petit chaton roux et blanc au bout de la rue, trop petit pour s’échapper du caniveau dans lequel il se trouvait. Prenant le temps de m’arrêter, je l’approchais doucement en lui présentant mes deux mains et en lui parlant tranquillement d’une voix mielleuse.

« Doucement, voilà… » murmurais-je à l’intention du chat, espérant que le ton de ma voix l’apaise.

Je commençais par lui caresser tendrement la tête, puis lorsque je sentis qu’il était à l’aise, je l’attrapais précautionneusement sous le ventre et le rapprochais de ma poitrine.

« Te voilà… Je vais te déposer un peu plus loin de la route mon petit ».

En lui flattant la tête, je me dirigeais vers un espace vert et je le déposais à terre en lui disant au revoir. En me redressant, je remarquais à quelques mètres de moi qu’un jeune homme, enfin plutôt un jeune elfe cela ne faisait aucun doute, discutait tout seul à voix haute. Je peinais à cacher ma surprise, et ce dernier l’avait remarqué. Je m’empressais de tourner la tête : « Quelle idiote je fais ! » grommelais-je intérieurement. « Il discute sans doute avec son animal ! Cela ne serait pas la première fois que je croise un tel duo ». Réalisant que mon regard avait pu être mal interprété, je décidais de me tourner à nouveau vers l’homme et de m’excuser pour mon impolitesse, cependant, ce dernier avait déjà disparu. « Dommage … » pensais-je penaude.
Je reprenais ma pseudo course vers le jardin, espérant arriver assez tôt pour pouvoir participer à la totalité des soins, et pas uniquement à la propreté des lieux.
J’arrivais enfin à ma destination, légèrement essoufflée mais ravie d’y être avant l’ouverture aux clients. Tandis que je m’approchais de la porte d’entrée, un des soignants était en train de fixer un écriteau sur l’entrée.

« Chers clients,

Nous sommes dans le regret de vous annoncer que le Jardin Animalier sera exceptionnellement fermé ce jour. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour la gêne occasionnée.

Très aimablement,
L’équipe du Jardin Animalier ».

A mesure de ma lecture mon visage s’était transformé. J’imaginais déjà la déception envahir mes traits, si bien que je ne tentais plus de la camoufler.

« Bonjour monsieur, excusez-moi ? » adressais-je à l’homme qui avait fixé la note sur le bâtiment. « Je ne suis pas une cliente, je viens pour aider à soigner les animaux. Vos collègues vous ont surement parlé de moi ? ».

J’observais les réactions de l’employé, réalisant que non, ses collègues n’avaient pas du lui parler de moi. Cependant, je n’allais pas lâcher l’affaire si facilement. Je farfouillais subitement dans mon sac.

« Attendez ne bougez pas » bredouillais-je en remuant mes biens, « Je suis en possession d’un papier certifiant que j’apporte mon aide ici ».

Saisissant fièrement le papier, je lui collais sous le nez.

« Vous voyez. Je peux entrer maintenant ? ». déclarais-je d'un air triomphant qui manifestement agaçait le type.

Ce dernier acquiesça avec dédain, puis me mettait en garde sur la santé d’un des pensionnaires.

« Finalement c’est une bonne chose que vous vous soyez présentée spontanément » commençait-il.  « Il s’avère qu’un Chromodragon est mourant. Nous avons la solution pour le guérir, mais il nous manque les ingrédients. Je vous laisse rentrer et vous allez les quérir ? ». Il me montrait à présent un elfe du doigt, qui se situait à côté de moi : « Regardez, ce monsieur est motivé à vous aider, si cela n’est pas merveilleux ! ».

L’employé nous ouvrait la porte. Nous nous engouffrions promptement l’elfe et moi dans le lieux afin d’échapper au sarcasme de l’homme qui nous avait laissé entrer. Maintenant que nous étions tranquilles, je saisissais l’occasion de nous présenter.

« Bonjour, je m’appelle Arwen. Enchanté ! » déclarais-je à l’individu, réalisant brutalement qu’il s’agissait du même garçon que j’avais croisé lorsque j’avais aidé le chaton. « Oh ! Vous ! » laissais-je sortir de ma bouche. « On s’est croisés tout à l’heure ! Je vous reconnais. Vous discutiez avec votre chouette. Je le sais parce que moi même j’ai déjà discuté avec des animaux télépathiques ! ».

Je lui souriais avec gentillesse, l’incitant silencieusement à me répondre.

853 mots

Le jeune elfe se présentait à moi avec une amicalité qui me fit chaud au cœur. J’avais toujours aimé rencontrer de nouvelles personnes, mais ce duo me laissait une agréable sensation d’amusement, en effet Aeglos tentait de répondre à mes remarques alors que sa belle chouette prenait un malin plaisir à le déconcentrer. Je riais gentiment à mesure qu’elle le perturbait :

« Tu as l’air d’être un sacré numéro jeune demoiselle ! » déclarais-je à la chouette en m’approchant doucement d’elle. J’adressais un regard à Aeglos en lui demandant : « Penses-tu que je puisse la caresser ? J’adore les animaux ! ».

L’elfe hocha la tête en signe d’approbation. Ravie, je portais ma main délicatement au dessus de la tête de l’animal.

« Là, voilà… » murmurais-je d’un ton rassurant ; « Je ne te veux pas de mal ». Puis entrant en contact avec ses plumes, je m’exclamais : « Tu es toute douce ! Je ne m’attendais pas à cela ». Puis en portant à nouveau mon attention sur son maitre, je confiais : « J’ai beau être éleveuse d’animaux, j’admet ne jamais avoir eu l’occasion de toucher un tel oiseau. C’est une expérience très agréable ».

M’emplissant soudain d’une certaine confiance, j’étendais mes allers et venus de la tête de l’animal jusqu’au bas de son dos, un sourire probablement idiot sur les lèvres. L’oiseau semblait apprécier mon contact, cependant rien ne m’assurait qu’il n’émettait pas de remarques négatives à mon propos en télépathie avec son ami. Réalisant que cela pouvait être gênant pour elle, je décidais d’arrêter mes papouilles.
Portant définitivement mon attention sur Aeglos, je réfléchissais à sa question.

« Je suis déjà venue très souvent ici » débutais-je en tournant sur moi-même afin de me repérer ; « En revanche, l’endroit est si vaste que je n’ai jamais eu l’occasion de le visiter dans son intégralité ». Me grattant la tignasse, j’ajoutais : « J’imagine que l’on va se perdre un peu, mais ce n’est pas bien dramatique » riais-je afin de le détendre un tant soi peu.

J’indiquais aux deux individus que je m’apprêtais à les guider vers les jardins. En chemin, je profitais d’un moment de calme afin de leur poser quelques questions.

« Parle moi un peu de toi Aeglos, de ton mode de vie et des spécificités des individus de ton espèce. Je ne connais pas énormément de races sur terre. A dire la vérité, je suis une sirène. J’ai vécu très longtemps dans l’océan, j’habite sur la terre ferme depuis vraiment peu de temps ». J’observais une légère pause, le temps de penser ma prochaine intervention. « Mon père n’appartient pas à la race des ondines, il est magicien. Nous avons vécus longtemps ma mère, mon père et moi dans la Cité Engloutie. Mais pour des raisons professionnelles, mon père a du opter pour un logement sur terre afin d’être plus facilement accessible. J’ai demeuré avec ma mère plusieurs années, puis après ma majorité j’ai décidé d’aller vivre avec lui. Tu as quel âge d’ailleurs ? ». J’avais conscience de passer sans arrêt du coq à l’âne, mais je désirai en apprendre davantage sur lui et sur les elfes de manière générale.

Pendant le reste du trajet, je l’écoutais me répondre avec une curiosité sans faille, rebondissant par moment à ses dires.
Enfin, nous arrivions devant l’entrée du premier jardin.

« Bon, je ne sais pas vraiment où chercher les ingrédients, par conséquent je te propose de parcourir les jardins tranquillement afin d’être sur de ne pas louper une des plantes recherchées. Cela te convient-il ? ».

A peine eu-je achevée par phrase que des animaux s’attroupaient à nos pieds. Parmi eux, je reconnaissais des chats, des poules, des lapins et des dragons. M’abaissant à leur niveau dans le but de les bichonner, quelqu’un nous interpela.

« Arwen ! Tu tombes bien ! » s’exclamait Chang, un des soigneurs du jardin. « J’imagine que tu es au courant ? » il me regardait d’un air interrogateur. Je hochais la tête en signe de oui. « Très bien, suis-moi, j’imagine que tu veux visiter notre pensionnaire malade ? ».

Lui emboitant le pas, je fis signe à Aeglos de nous suivre. L’animal en question reposait dans une grande étendue verte dans laquelle aucun autre membre de son espèce n’avait le droit de pénétrer pour des raisons sanitaires. Le pauvre dragon respirait très bruyamment et manifestement difficilement. Il était allongé sur le dos, les quatre fers en l’air.

« C’est incroyable qu’une telle espèce animal se trouve dans une telle position, même malade » déclarais-je sous le choc. « En temps normal, ils ne se mettent jamais sur le dos de cette manière, même malade. Il a subit un enchantement ? » demandais-je inquiète à Chang.

« C’est ce que nous pensons en effet. C’est pourquoi le temps presse et que seuls ces ingrédients peuvent le sauver. Je compte sur vous deux » répondit le soigneur d’un air solennel.

Je me tournais vers Aeglos, mon visage trahissant surement mon état.

« On y va de suite » affirmais-je en saluant Chang et en quittant l’espace privé. « On commence par quelle plante ? » questionnais-je l’elfe en me mettant en route.

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« Un endroit boisé ? Bien sur, suis-moi » répondis-je à l’elfe en changeant ma direction.

J’essayais de me remémorer les questions que mon jeune compagnon m’avait posé avant que l’on soit interrompus, enfin lorsque je disais jeune, je me faisais avoir par sa taille car Aeglos avait beau mesurer à vue d’œil cent cinquante centimètres, il avait tout de même cinquante-quatre années. Cette idée m’avait brutalement traversée l’esprit, mais sans doute l’individu avait-il du mal à me suivre ? Déjà que je marchais vite, mais en plus avec la pression qui reposait sur nos épaules, mes foulées s’étaient vues augmentées alors que la taille des jambes de mon futur, je l’espérais, ami n’avaient pas subitement grandis. Ralentissant, je m’excusais de mon manque d’adaptation.

« J’imagine que je marche un peu trop rapidement pour que tu parviennes à me suivre sans difficulté ? ». J’observais les réactions de l’elfe, souriant à chaque petit mouvement de ses oreilles pointues. « Je n’ai pas eu l’occasion tout à l’heure de satisfaire ta curiosité. Je n’ai pas encore de préférence entre la vie terrestre et la vie maritime, en revanche j’admets que l’océan me manque à chaque foulée sur la terre. C’est un sentiment compliqué à décrire, c’est comme si je n’étais pas complète lorsque je ne suis pas dans l’eau. En revanche crois-moi, j’apprécie énormément pouvoir me déplacer sur deux jambes et rencontrer de nouvelles espèces ». Je lui offrais un clin d’œil accompagné d’un sourire.

Je farfouillais discrètement dans mon sac, espérant trouver ce que je cherchais. Après avoir retourné l’intégralité de mes biens, je reconnu au toucher l’objet que je convoitais.

« Tiens, c’est pour toi ! » déclarais-je à Aeglos en lui tendant la fin d’une plaquette de chocolat maladroitement emballée dans un bout de tissus. « Je suis désolée d’en avoir déjà tant mangé, mais lorsque tu l’auras goûté tu comprendras ! ».

Le visage de l’elfe s’illumina en réalisant ce que j’avais du chocolat, denrée que mon peuple choyait. Il ne semblait pas désabusé que je lui tende un morceau déjà bien entamé. Je réalisais également que sa chouette louchait sur la sucrerie. Riant, je lui caressais la tête.

"Non jeune demoiselle, bien que cela soit appétissant, c'est toxique pour les animaux. Tu ne m'en veux pas j'espère ?".

Nous marchions depuis quelques minutes lorsque le petit bois apparu dans notre champ visuel gauche.

« Tiens regarde, on y arrive » je lui pointais du doigt le lieu dans lequel nous avions le plus de chance de trouver de la menthe rousse.

Après encore quelques minutes à mettre un pied devant l’autre, nous nous trouvions à l’orée du bois.

« Je ne sais pas exactement où nous pouvons trouver l’ingrédient, mais le bois n’étant pas très grand j’imagine que l’on peut le fouiller de fond en comble en deux heures tout au plus ».

J’attendais l’approbation de Aeglos avant de m’y engouffrer. Le soleil ne tapait plus aussi généreusement sur mes épaules, le feuillage dense des bois nous protégeait de sa chaleur. Frileuse que j’étais, j’enserrais mes bras autour de ma taille dans l’espoir de me réchauffer un peu. Je reconnaissais quelques plantes à terres, des fleurs principalement, mais aussi des champignons. Mon ventre gargouillait,  je n’avais pas mangé ce matin avant de partir. Je décidais qu’un petit encas s’imposait. Tout en continuant de me mouvoir dans la forêt, je cueillais de temps à autres quelques champignons que je mangeais crus. Je les préférais cuis, mais je n’avais pas le temps de me permettre un tel luxe.

« Tu as faim ? » demandais-je à Aeglos en gobant mes trouvailles au fur et à mesure. « Comme tu peux le constater, je suis gourmande » ajoutais-je en riant de bon cœur.

Au fil de notre progression, je remplaçais les champignons par des baies diverses, plus digeste. De temps à autres, je lançais des petites bais à la chouette afin de me faire pardonner pour le morceau de chocolat. Je buvais un peu d’eau de ma gourde afin de faire passer le tout. C’est en me penchant pour récolter une énième baie que je frôlais innocemment de la menthe. Je ne réalisais ma chance que lorsque je portais ma main à ma bouche pour consommer le fruit que l’odeur mentholée se répandit dans mes narines.

« Aeglos ! Il y a de la menthe ici ! Peut être que l’on va trouver de la menthe rousse pas très loin, qui sait ? ».

Je poursuivais ma recherche à quatre pattes au sol, la tête presque collée au sol afin d’être certaine de ne pas louper le rare ingrédient.

« Le premier qui le trouve pourra manger la dernière belle pomme dans l’arbre à ta gauche » défiais-je l’elfe plus dans le but de le faire rire qu’autre chose.

J’avais beau farfouiller le sol avec mes mains, écartant bien chaque pied de menthe je n’en trouvais pas. « C’est certain, il va en trouver avant moi ! » pensais-je en mon fort intérieur. Cette pensée fut interrompue par le jeune homme qui m’annonçait d’un ton heureux et fier qu’il en avait trouvé. Je m’approchais alors de lui en le félicitant, décrochant au passage la pomme qu’il avait gagné.

« Régalez-vous tous les deux ! Tu peux cette fois Aglaé» leur dis-je en souriant.

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En temps normal, je ne supportais pas la moindre défaite. J’admettais être une môme capricieuse désirant avoir toutes les victoires à mon compte, surement était-ce du au fait que je fus fille unique, pourrie gâtée par mes parents, mais je n’en avais pas la certitude. Néanmoins cette fois-ci, la défaite à notre petit concours n’avaient en aucun cas un goût amer. Je pense par ailleurs que le fait qu’une vie soit en jeu annihile toute compétition de ma part.
Je félicitais Aeglos de sa trouvaille, ravie de constater que notre récolte avançait. De plus, ce dernier eut la bonté de partager sa pomme avec moi. C’est avec le rouge aux joues que je le remerciais de son geste.

« Tu es gentil ! Je te remercie pour cette délicate attention ».

Je dégustais le fruit lentement, profitant de chaque bouchée et des saveurs qui en ressortaient. A ce moment de plaisir s’ajoutait un spectacle des plus adorables : Aglaé mangeant sa part. La chouette se dandinait de joie en dévorant ce que son maitre lui tendait.
Une fois notre pause petite déjeunée belle et bien achevée, l’elfe me proposait de poursuivre nos recherches par l’Edelweiss. Je connaissais cette fleur, j’avais déjà eu la chance d’en croiser, mais en revanche ce n’était pas en ce lieu, et je n’avais strictement aucune idée de l’emplacement d’un tel milieu propice à son expansion dans ce jardin.  Je regardais autour de moi en espérant trouver une information pouvant nous guider.

« Viens, on va commencer par sortir de cette forêt, on n’y voit rien du tout là dedans » bredouillais-je en ouvrant la marche à Aeglos.

Je ne savais pas exactement où était la sortie la plus proche, en revanche je me doutais que si je maintenant ma trajectoire j’allais bien finir par la trouver. Ce fut le cas après quelques minutes de marches, quinze tout au plus. Franchissant l’orée du bois, je me retrouvais éblouie par la lumière du soleil. Je portais instinctivement et brutalement ma main à mes yeux, les protégeant de cette agression. « Quelle andouille, j’aurai du y penser » grognais-je intérieurement. Je frottais mes yeux avec tant de vigueur que lorsque j’ôtais mes mains et que je les ouvrais, mon paysage était entrecoupé de tâches sombres. « Bon, où sommes-nous maintenant ? » songeais-je en tournoyant sur moi-même.
Ne trouvant pas de réponse certaine, je décidais de mettre ma fierté de côté et de demander de l’aide à la personne la plus encline à obtenir une réponse. Je me tournais donc vers Aglaé.

« Tu pourrais nous rendre un service ? » demandais-je d’une voix mielleuse. « Tu pourrais survoler le jardin par l’Ouest et nous dire si tu vois une zone rocailleuse ? ». Je lui flattais la tête en continuant « Tu prends les devants, et nous te rejoignons. Cela te convient t’il ? ». Précipitamment, j’ajoutais dans l’espoir de faire rire le duo : « Ne t’inquiète pas, je ne vais pas manger Aeglos ! » en concluant ma phrase par un petit clin d’œil.

Cette remarque sembla amuser le principal concerné, son visage se fendit en un sourire qui m’apparu sincère.

« Pendant que Aglaé analyse le périmètre, je te propose que nous commencions à avancer vers l’Ouest », je marquais une pause, puis j’ajoutais d’une voix incertaine : « Il me semble bien que si zone rocailleuse il y a, alors ce sera à l’Ouest. Je te dis ça, c’est une intuition, ça vaut ce que ça vaut ».

L’elfe acquiesçait et nous nous mîmes en marche. Plusieurs secondes s’écoulèrent pendant lesquels pas un mot ne fut prononcé. J’avais toujours été très mal à l’aise dans ce genre de silence. Je profitais d’un moment de ce type afin d’assouvir ma curiosité.

« Ca fait longtemps que vous êtes complices Aglaé et toi ? » questionnais-je de but en blanc. Continuant dans ma lancée, j'enchainais une autre interrogation « Comment vous vous êtes rencontrés ? ».

637 mots

J’écoutais attentivement le récit de Aeglos sur sa rencontre avec la belle Aglaé sans l’interrompre. J’avais toujours adoré les histoires comme celle-ci.

« C’est beau les histoires comme cela ! » m’exclamais-je le sourire aux lèvres.

Avoir écouté cette rencontre me donna envie de lui partager la mienne avec Crapule. J’attendais un nouveau blanc pour introduire mon monologue.

« Si tu veux, je peux te raconter comment j’ai rencontré ma plus vieille amie ? » demandais-je dans l’espoir qu’il m’incite à lui dévoiler. « J’étais très jeune, j’étais alors âgée de six ans. Mon père et moi préparions un pique-nique dans la forêt pour un événement, mais je ne me rappelle plus lequel… » je réfléchissais, désirant lui donner le plus d’informations précises. Constatant que la réminiscence ne parvenait pas à faire surface, j’enchainais : « Enfin bref, nous nous rendions dans la forêt. Nous cherchions un endroit calme, près d’un ruisseau afin que ma mère puisse passer nous voir ». L’incompréhension se dessinait sur le visage de mon camarade. Réalisant que j’avais omis de lui parler de ma famille, j’intercalais ma correction : « Tu te doute qu’au moins un de mes parents appartient aux Ondins, ma mère en l’occurrence. Mon père quant à lui est magicien. Ma mère travaille dans la Cité Engloutie, et elle est très occupée. Par conséquent lorsque nous désirions partager un peu de temps ensemble, nous nous rapprochons d’un point d’eau naturel et nous l’appelions. Nous voilà arrivés près du ruisseau. Mon père préparait la nappe lorsque j’aperçu une créature ensanglantée dans un buisson. C’était une Rugia, ma Crapule ». Je souriais bêtement à mesure que je formulais mon récit. « Elle était vraiment mal en point. Mon père l’a ramené à la maison et a tout tenté pour la soigner. J’étais triste, je ne voulais pas que cette bête meure. Je l’ai veillée jour et nuit durant des semaines, jusqu’au jour où elle se réveilla, contre toute attente de mon père. Depuis, elle ne me quitte plus ». Je marquais une pause, réalisant qu’aujourd’hui elle ne me suivait pas. « Mais ce matin elle ne voulait pas venir au Jardin, elle était fatiguée, et en avait marre d’y aller tous les jours ».

Je rigolais à la fin de ma phrase, repensant à la tête qu’elle avait tiré le matin même lorsque je lui avais annoncé que je me rendais encore au Jardin, pour la énième fois du mois.
Mon récit achevé, Aglaé revenait vers nous. La demoiselle, à mon plus grand étonnement, se posa directement sur mon épaule. J’étais si flattée que je le rouge me gagnait.

« Oh … » murmurais-je émue ; « C’est adorable ça … ».

Je frottais énergiquement la tête de la chouette, lui faisant comprendre que j’étais ravie de l’avoir à mes côtés. L’animal avait du fortement apprécier mes caresses, car elle frottais sa petite tête contre la mienne. L’elfe m’indiqua le résultat du repérage de son amie. J’étais satisfaite de mon intuition, l’ouest était bien la réponse à nos questionnements.

« Très bien ! » me réjouissais-je à haute voix ; « Nous sommes déjà en bonne route en plus ! ».

Notre trajet se déroulait dans la bonne humeur, Aeglos et Aglaé se tiraient dans les pattes, mon seul regret était de ne pas pouvoir partager pleinement leur discussion et rigoler des piques de la chouette. Cependant, aux vues des réponses que lui balançait l’elfe, je devinais souvent de quoi il en retournait.

« Montagne en vue capitaine ! » criais-je à l’intention de Aglaé, montrant du doigt à mon équipe les pics neigeux apparaissant au loin. « On y est presque ! ».

Encore une bonne quarantaine de minutes de marches nous séparaient de l’Edelweiss, mais notre enthousiasme ne s’essoufflait pas. Qui eut cru qu’une telle quête dans un tel contexte nous apporterait autant de bons moments ?

« Je suis sure que nous allons parvenir à soigner ce Chromodragon, nous formons une bonne équipe ! » flattais-je mes compagnons ; « Et je pense ce que je dis ! ».

Nous arrivions enfin aux pieds des montagnes. L’air était plus frais, et le paysage plus blanc, mais étrangement je n’avais pas froid. Peut être était-ce l’atmosphère conviviale ? Ou alors l’adrénaline de la quête ? Je ne savais répondre, je pouvais seulement constater ce fait.
Je tournais légèrement ma tête vers Aglaé, toujours sur mon épaule.

« J’ai encore un service à te demander. Tu peux survoler les montagnes et nous dire sur laquelle tu penses repérer une Edelweiss ? Ca serait dommage d’en escalader une pour rien, même si elle ne se situe pas tout en haut ». Je lui grattais les plumes afin de l’amadouer. « Tu es la plus belle, intelligente et gentille des chouettes que je connaisse » ajoutais-je d’une voix enfantine, mi dérisoire mais sincère, mi sérieuse.

770 mots

Spoiler:

- "Le chant envoutant ?" marmonnais-je à mi-voix, désireuse de répondre à mon camarade de la façon la plus pertinente possible. "Chez nous, les sirènes, ce pouvoir nous permet comme son appellation le suppose, d'envouter notre auditoire". J'observais un court instant de silence, réfléchissant à la suite de mon discours. Je ne savais pas à quel point j'avais le droit de dévoiler ce charme à un être qui n'appartenait pas à ma race, mais cependant cet elfe me paraissait être quelqu'un de responsable, et plus bénéfique que maléfique. Je prenais une grande inspiration, puis j'enchainais : "Je compte sur toi pour garder cela, mais par exemple toutes les ondines possèdent cet atout. En revanche, lorsqu'elles ne sont pas très puissantes cela engendre un simple sort d'hypnose. En revanche, pour les créatures comme moi, arrivées à un certain stade de leur découvertes sur elles-mêmes et sur leur race, elles se voient offrir leur Perle". Je portais ma main à ma poitrine puis j'exposais mon bijou, guettant nerveusement autour de moi. "Tu vois, celle là m'appartient. Je l'ai obtenue récemment, je n'ai pas encore eu l'opportunité de tester mon pouvoir depuis que je la possède". J'observais toujours mon interlocuteur, qui paraissait un peu perdu. "Je m'explique, lorsque l'on rentre en possession de ce bijou, nos pouvoirs en sont décuplés, surtout en ce qui concerne le Chant Envoûtant. Moi, par exemple, je peux désormais rendre fou toute une foule juste en changeant les paroles habituelles du sortilège. C'est ce que nous appelons communément la Voix des Anges". Voyant son visage s'assombrir, j'ajoutais prestemment : "Mais bien sur je peux aussi m'en servir pour soigner des blessures superficielles".

Je rangeais mon précieux sous mon vêtement à l'abris de tout regard malveillant.

"J'espère avoir répondu à tes interrogations" demandais-je implicitement à Aeglos.

C'est à ce moment qu'Aglaé se posa sur l'épaule de son ami, lui offrant fièrement les fleurs tant convoitées. L'idée que l'oiseau puisse ramener lesdits végétaux m'avait complètement échappée, de ce fait mon étonnement n'en était que plus conséquent.

"Quel animal incroyable !" m'exclamais-je en carressant à nouveau la chouette. "Je me sens idiote, j'avais omis que tu pouvais les cueillir et les ramener ! Je te remercie ma belle".

A mesure de notre progression, je regrettais amèrement de ne pas pouvoir communiquer directement avec la chouette. Certes je me reposais sur son comportement et aux petits cris qu'elle produisait, mais je demeurais malgré tout frustrée de ne pas pouvoir échanger verbalement avec elle.
J'attendais qu'Aeglos termine de récompenser justement son amie avant de répondre à sa question.

"Un jardin aménagé ? C'est très simple cette fois-ci. Il nous faut nous rapprocher du bâtiment, il était sur notre droite avant de partir il y a quelques heures".

Heureuse de constater que nous allions bientôt guérir le chromodragon, je me mettais en route, toute enjouée. Je sautillais gaiment en discutant avec mes deux compagnons de quête lorsque je senti mes chevilles s'attacher ensembles. Je perdis instantanément l'équilibre et m'effondra la tête la première dans l'herbe. Je demeurais inerte à terre, souffrant de ma chute mais surtout désireuse de comprendre ce qui s'était déroulé avant de me relever. J'entendais des cris qui n'émanaient pas uniquement de mon camarade. Je ne bougeais toujours pas, réalisant que l'on nous avais joué un mauvais tour. Cependant, le petit homme qui m'accompagnait se précipitait sur moi, me pressant pour que nous partions prestement. Je redressais la tête, aidé par ce dernier, lorsque j'aperçu un sorcier à quelques mètres de nous. C'était lui qui m'avais lié les jambes et qui était responsable de ma lamentable chute.

"Ne reste pas ici" ordonnais-je un peu sèchement à l'elfe, désireuse qu'il se trouve en sécurité. "C'est un sorcier, il ne peut en être autrement, et je suis prête à parier que c'est lui qui a empoisonné le chromodragon".

Je sautais sur mes deux jambes, satisfaite de ne pas souffrir de mon accident. Je m'avançais entre notre assaillant et mon ami. L'être maléfique s'approchait à grand pas sans mot dire. Sure de moi, je l'interrogeais d'une voix puissante :

"Qui êtes vous ? Que voulez vous ?".

Question quelque peu inutile, j'imaginais par avance, et justement, qu'il ne nous répondrait pas. Il s'arrêta et créa une boule de feu qu'il jeta à l'exacte position où je me trouvais. Instinctivement, je formais un mur d'eau devant nous, qui nous protégea de l'assaut.

" Il ne faut pas rester là. Il nous bloque l'accès direct au jardin aménagé. Il va falloir trouver une autre voie".

Je maintenais mon mur d'eau en reculant prudemment vers un sous bois. Puis mon erreur me sauta aux yeux.

"Il faut l'éloigner de la forêt, il pourrait bien la faire bruler entièrement". Je commençais à fatiguer physiquement, ce sortilège me demandait un investissement trop important.

"Qu'est ce qu'on fait ?" demandais-je à Aeglos. "Je possède d'autres atouts, mais il me parait colossal".

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Je sentais mes forces se consumer plus rapidement que ce que j’espérais. Cette pensée me vexait au plus haut point, malgré les heures passées à m’entrainer à la magie, je demeurais encore relativement faible dans mon domaine, finalement je n’étais pas si loin du niveau débutant qui me rebutait tant. Pinçant mes lèvres d’agacement, je sentais que mon arrogance naturelle prenait le dessus. Ceci n’était pas une si mauvaise chose dans la situation actuelle, cela me permettait de redoubler d’énergie afin de ne pas faillir à ma tâche. Je voyais Aeglos s’agiter dans mon champ de vision périphérique, puis ce petit bout d’homme me demanda de maintenir davantage mon effort afin de nous protéger des maléfices du sorcier. Un élan de sentiment positif m’envahie, traversant tous mes membres, faisant battre le sang dans chacune de mes artères, si bien que l’effort me paraissait plus aisé. Je tirais légèrement sur mes lèvres, essayant d’y tracer un début de sourire à l’intention de mon ami, l’encourageant à mon tour d’entreprendre son idée. Bien que je focalisais toute ma puissance sur notre assaillant, je ne pouvais pas m’empêcher de jeter un œil dans la direction du duo, qui communiquait avec un loup sorti des bois. Son idée me percuta l’esprit, et je me réjouissais intérieurement lorsque l’animal s’avançait subtilement hors de vue du sorcier qui était visiblement trop occupé avec moi. Le loup fondait sur l’individu nuisible lorsque je me décidais à arrêter mon sort et de profiter pleinement du spectacle qui s’offrait à moi. Le prédateur utilisa de la magie afin de venir à bout de l’être maléfique, qui se retrouva entièrement emprisonné dans une épaisse couche de glace. Exaltée, je me trainais vers mes compagnons, espérant pouvoir remercier notre sauveur.

« Merci Aeglos pour ton idée ! » jambes fléchies, je m’appuyais sur mes genoux dans l’espoir de récupérer des forces « Et remercie bien cet animal majestueux de ma part » demandais-je à l’elfe en m’approchant doucement de la bête, une main tendue vers son museau.

Je le laissais me sentir, puis après avoir tenté de lui faire comprendre par de douces paroles que je n’étais pas maléfique, je frôlais délicatement le haut de sa tête. Son pelage était dense et brillant, et la douceur de ma caresse me surpris plus que l’animal.
Puis je portais mon attention sur la statue de glace, lui tournant autour comme un prédateur face à sa proie.

« Nous devrions le ligoter » conseillais-je à mon ami en cherchant une corde dans mon sac à dos.

Je pris le soin de l’entourer plusieurs fois avec mon lien, surtout au niveau des pieds.

« Voilà. J’imagine qu’il trouvera un moyen de s’en tirer si jamais la glace venait à fondre. En revanche, il perdrait sans doute un peu de temps, temps qui nous sera surement utile à nous ! ».

Aeglos s’amusait aussi avec notre captif, lui toquant sur le crâne en lui signifiant qu’il n’était pas prêt de se dépêtrer de l’emprise du piège. Nous nous remettions en route lorsque mon camarade me félicita pour mon action. J’étais heureuse de recevoir un compliment, en revanche je ne m’en sentais pas digne.

« Je te remercie pour la gentillesse de tes propos, mais je ne me sens pas satisfaite de la force que j’y ai mis ». J’observais une petite pause, hésitant à lui faire part des sentiments qui m’avaient traversés l’esprit lors de l’attaque, mais désireuse de ne pas plus l’importuner que cela avec ma vie, je décidais de taire ces pensées. « En tout cas saches que je n’y serais jamais parvenu sans toi. Tu as eu une très bonne idée, et ton encouragement m’a vraiment aidé à décupler mes forces » confiais-je d’un air solennel à mon compagnon, qui méritait bien de savoir une partie du moins de ce que j’avais éprouvé grâce à lui.

Nous approchions rapidement du jardin aménagé, il ne nous restait plus qu’à trouvé la petite plante et nous pourrions achever notre belle mission.

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