Le Deal du moment : -39%
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON ...
Voir le deal
1190 €

Partagez
 

 Entraînement céleste - Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité

avatar
Mar 8 Mar 2016 - 0:28

Fendant l’air d’une trajectoire nette et précise, la lame s’abattit habilement vers son épaule. Brethil esquiva l’offensive en se servant de son pied droit comme pivot, soulevant sable et poussière dans son geste. Refermant solidement ses longs doigts autour du manche, l’Ange riposta par une frappe latérale, visant les jambes exposées de son adversaire. Ce dernier déploya soudainement les ailes, décollant la plante de ses pieds du terrain sableux, puis cogna du bout de sa botte l’épée qu’elle tenait. Étonnée, la main de la femme relâcha son emprise du pommeau de l’épée. L’arme s’envola à plusieurs mètres en arrière, s’écrasant dans le sable et exposant la jeune Ange aux attaques de l’ennemi. Les battements de son cœur s’accélérèrent. Elle recula à grands pas sans rompre le contact visuel avec cet homme, désirant ardemment reprendre l’épée négligemment lâchée derrière son dos. Les talons de ses bottes touchèrent enfin un objet dur. Légèrement déséquilibrée, l’Être céleste se pencha maladroitement vers le sol, tâtant la surface du terrain pour venir empoigner le manche de l’arme. À peine fut-elle redressée que l’Ange reçut un coup puissant aux côtes qui l’envoya choir à de nombreux mètres plus loin. Sans l’épée qui devait la protéger. Le faciès grimaçant, Brethil se releva, posant le genou par terre dont elle s’en servit comme appui. Une fois debout, la jeune Ange écarta les jambes, pliant légèrement les articulations de ses membres inférieurs en entant de reprendre son équilibre sur ses deux pieds. Elle leva par la suite les yeux devant elle. Il n’y avait plus personne. Une pointe de panique l’assaillit tandis que ses mires de couleur océan voyageaient de droite à gauche, à la recherche de son adversaire. Où était-il passé? Une seconde s’écoula et Brethil obtint les réponses de ses interrogations : la jeune femme sentait l’extrémité pointue d’une épée se loger à la base de cou. « Touché! », lui murmura l’adversaire. L’Ange aux cheveux d’or soupira, exténuée. C’était sa quatrième défaire de la journée. « Tu serais morte à l’heure qu’il est. » L’homme dégagea l’épée en bois appuyée sur sa nuque et, lentement, la blonde se retourna.

Elle croisa les pupilles sévères et dorées de Perceval rivées dans les siennes tandis que le maître d’arme plantait sa lame dans le sable avant de craquer les jointures de ses doigts. Il semblait à l’attente de quelque chose, les plongeant tous les deux au cœur du silence. Il savait pourtant très bien que ça l’embarrassait : Brethil ressentait davantage la honte et l’agacement de son échec, ses joues rosées prenant doucement une couleur pivoine. Elle détourna légèrement le regard, incapable de soutenir plus longtemps le poids des reflets d’or du jeune homme. « … Sais-tu pourquoi? » En incluant cette fois, ça faisait à quatre reprises qu’il lui posait une question identique et, à chaque fois, les mots franchissant les lèvres de l’Être céleste changeaient, prolongeant encore et encore la liste des défauts de sa technique d’escrime. La première fois, ça avait été ses hésitations qui l’avaient « assassiné ». La deuxième, son manque de force et ses réactions beaucoup trop lentes, la troisième, ses mouvements imprécis et inutiles ainsi que son immense déstabilisation face au changement de stratégie de l’adversaire – comme l’usage soudain de la magie par exemple. Et la quatrième… « Je vous ai lâché des yeux. Quand je me suis aperçue que vous n’étiez plus là, j’ai paniqué, de telle sorte que je n’ai pas pensé à protéger mes arrières, l’endroit le plus exposé de mon corps. » Perceval hocha de la tête. « C’était une erreur de novice Brethil. », ajouta-t-il de sa voix grave. La jeune Ange inspira profondément, ravalant péniblement ses pointes de déception, des larmes scintillant sur ses cils pâles. Perceval voulait une réponse à l’erreur qu’elle avait commise… comme une débutante. Mais les mots de la femme ne sortaient pas. Coincées dans sa gorge, l’Être céleste ne parvenait plus à articuler, honteuse d’elle-même. Sachant que Brethil ne serait pas celle qui prendrait les devants, le maître d’arme décida de le faire à sa place. « Que s’est-il passé? », demanda-t-il. Sa voix s’était considérablement adoucie et ses iris avaient abandonné toutes traces de sévérité. L’Ange était sur le point de craquer, mais elle refusait catégoriquement de – ne serait-ce que – chuchoter à voix haute les tourments qui sévissaient dans son crâne. « Il ne s’est rien passé, je vous assure. » - « Alors pourquoi es-tu si perturbée dans l’entraînement? », renchérit-il. « No… nous pouvons continuer. Je ne reproduirai plus cette erreur, croyez-moi! » - « … Il n’y a pas place aux erreurs au cours d’une guerre. Chaque choix que tu prendras décidera si tu mérites de vivre une autre journée. Ou tu mourras. Crois-tu sincèrement pouvoir manier l’épée sur le champ de bataille dans ton état? » - « Mais puisque je vous dis que je vais bien! Mon corps peut… » - « Ta condition physique n’a rien à voir avec mes mots. »

Brethil se mordit la lèvre inférieure. Puis, elle baissa les yeux. Perceval savait que l’Ange ne l’ignorait pas : c’était une évidence même! Un soupir franchit les lèvres du jeune Ange. Elle était beaucoup plus maligne que ça. Pourquoi tentait-elle de renier ce qui se voyait si précisément sur chaque trait de son visage en porcelaine? L’Être céleste jouait nerveusement avec le bout de ses doigts, n’osant même plus lever sa tête. Car si elle le faisait – si elle redressait le menton – son partenaire d’arme aurait droit à une vue impeccable des gouttes d’eau salées qui barbouillaient ses joues roses. « Tu sais, un jour il faudra bien que tu les admettes. » Elle ne comprenait pas où il souhaitait en venir. « Je parle de tes défauts et de tes échecs. Tu ne peux pas continuer à te rabaisser ainsi à chaque fois qu’ils croisent ton chemin. Je sais que ça peut être dur, mais je crois que ça demeure une étape obligatoire au cours de la vie de tout bon soldat. Si tu doutes de tes propres habiletés, qui pourrait y croire? C’est en essayant de combler ses lacunes que l’on peut espérer s’améliorer. » - « J’ai… » La jeune Ange manqua de s’étouffer à travers ses sanglots. Elle tremblait, violemment. Elle déglutit : son corps était à présent emprisonné dans le même état à celui de son ascension des montagnes glaciales. La femme paraissait ressentir à nouveau ce courant d’air hostile et froid lui ronger les os. Brethil eut un sursaut. Secouant ses longues boucles d’or, l’Ange se reprit. « J’ai échoué. », termina-t-elle dans un murmure. Le sourcil de Perceval se haussa. « Quoi donc? » - « Le Héros! Je n’ai même pas été capable de me rendre jusqu’au bout de l’ascension. Ai-je été punie par les Aetheri d’avoir été bien trop arrogante et Orgueilleuse vis-à-vis de mes capacités? » - « C’est faux. » - « Comment peux-tu être si sûr? » Désormais, elle pleurait. Pleurait, pleurait, versant toute l’eau de son corps en flot intarissable de larmes. Brethil avait honte, si honte de cet échec que… que… Elle ne savait plus. La jeune Ange ne savait plus à quoi comparer ces émotions qui l’envahissaient. Elle avait échoué. Et ça lui faisait mal, très mal : voilà uniquement à quoi elle était capable de penser.  Perceval était pourtant le seul qui avait écouté ses mots, entendu ses plaintes franchirent l’entrouverture de ses fines lèvres. Alors que sa carapace se fissurait enfin.

« Car tu n’as pas encore perdu la blancheur de tes ailes. » Malgré tout, Brethil se sentait encore plus lamentable depuis que ses poumons avaient hurlé cet aveu. Comme si l’admettre avait libéré une honte plus vive et plus forte que celle ressentie dans son silence – quand ses lèvres étaient fermement scellées. « As-tu essayé de changer la perspective de ton échec? De le voir d'une autre façon? », rajouta-t-il. « Non, avoua-t-elle. Mais y êtes-vous parvenu – à gravir ces montagnes pour y voir le Héros? » - « Ce n’est pas de moi dont il est… » - « Répondez-moi s’il vous plait. », chuchota-t-elle de sa voix suppliante. Perceval ne répondit pas instantanément. Brethil écoutait le crissement des bottes du maître d’arme s’avancer dans le sable puis, elle sentit le contact de ses doigts chauds contre son menton fin. Et il la força à redresser la tête. La jeune femme suivit son mouvement sans résistance, juste après avoir nettoyé ses larmes du revers de la manche ayant souillées son visage. « Oui, j’ai réussi. J’ai pu voir le Héros de l’île. » L’expression de Brethil se fit amère. Elle croisa les bras au niveau de sa poitrine, solidement : elle ne désirait pas que Perceval aperçoive son corps trembler en-dessous de l’étreinte de ses membres supérieurs. Elle refoula son rire jaune au fond de sa gorge. « Vois-tu? Comment ne puis-je me sentir honteuse quand j’ai l’impression d’avoir été la seule qui n’a pas pu réussir? » - « En se promettant que, la prochaine fois, on y parviendra à coup sûr. » L’Ange écarquilla les yeux. Pour une première fois, elle osait enfin toiser Perceval, yeux dans les yeux. Ses sentiments s’y bousculaient avec folie : de la surprise passait le doute et du doute venait la tristesse. « Mais il n’y serait peut-être plus à cette « prochaine fois ». À quoi bon me bercer d’illusions? » - « Y a-t-il seulement le Héros qui guide ta détermination? » Brethil n’hésita pas. « Non… Bien sûr que non! » Il y avait les Vertus, il y avait les Aetheri, il y avait le combat contre les Démons et… « Alors pourquoi continues-tu à ne jurer que par son nom? »

Perceval se pencha vers son visage. « Veux-tu réellement que ta vie ne dépende que du Héros de la Citadelle? N’as-tu pas quelque chose – ou quelqu’un – pour qui tu souhaites mettre à disposition ta force? Et le protéger? » Si, la jeune femme en avait. Et il se comptait au nombre de deux. « Oui. », marmonna-t-elle, le regard fuyant. Ça devenait de plus en plus difficile pour ses pupilles bleues de soutenir l’éclat des iris dorées de Perceval. « Vois-tu? » Le maître d’armes recula. « Aie plus confiance en toi Brethil. Cette montagne… n’est qu’une montagne après tout. Ou un obstacle à franchir. Et c’est à force de persévérer, à force de nourrir tes convictions et ne jamais abandonner que tu arriveras à le surpasser. Je suis sûre que tu seras ravie de te montrer au Héros comme une véritable combattante, une femme forte qui, malgré son premier échec, s’est relevée de sa chute pour atteindre son objectif. C’est ainsi que je te vois. Il n’y a aucune honte à échouer : ça te permet simplement de découvrir tes limites. Ne veux-tu pas dépasser ces limites qui t’incombent? » - « Quelle question! », riposta-t-elle. Perceval sourit, touché par l’enthousiasme qui enflammait désormais la jeune Ange. Le Courage et la détermination scintillaient enfin au creux de cette paire de mires céruléennes.  Brethil était capable de bien plus, il le savait. Et apercevoir cette étincelle ne faisait que lui confirmer ses pensées.

1 822 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mar 8 Mar 2016 - 0:33

Le maître d’arme lui tendit l’épée de bois plantée dans le sable. Il s’éloigna ensuite, ramassant la seconde lame d’entraînement qui jonchait parmi la poussière, l’époussetant de sa manche, avant de relever ses pupilles d’or vers l’Ange. « Est-ce que tu te sens mieux? », lui dit-il en haussant un peu sa voix. Brethil se positionna, refermant solidement ses doigts sur le manche – avec beaucoup plus de fermeté que précédemment. Elle ne lâcherait pas l’arme. Elle tenterait de combler toutes les failles de sa défense. Aussi sérieusement qu’au combat réel : Perceval l’avait mentionné lui-même non? À la guerre, les erreurs n’avaient plus leur place. Particulièrement contre les Démons. Si la blonde hésitait sur le champ de bataille, eux, ils ne lui feraient pas cette même faveur. Ça lui faisait peur. Terriblement peur. Et pourtant, la réponse qui franchit ses lèvres rosées donnait idée à un tout autre scénario. « Oui, beaucoup mieux. » Si le jeune homme avait remarqué les secousses du corps de Brethil, il préféra ne pas en faire mention. Tendant la pointe son épée en bois devant les mires bleues de la femme, l’Ange aux iris dorés sourit. « Alors, es-tu prête? » Perceval avait presque crié ces mots. Emportée dans son élan, Brethil lui rendit la pareille : sa voix se haussa. Plus forte, plus déterminée. Son seul souhait fut, malgré tout, qu’aucun tremblement n’y était perçu. « Plus que jamais! » Le sourire du maître d’arme s’élargit. La jeune femme venait de hurler son signal de contre-attaque. Il était prêt à la recevoir. « En garde! » Et il s’élança. Brethil para un premier coup en frappant à la verticale. Flanchant dangereusement sous la puissance monstrueuse de l’offensive, l’Ange se contraignit rapidement à prendre une position défensive. Tous ses muscles criaient, se forçant à ne pas céder au poids exercé par l’adversaire. La femme serra les dents. Désespérément, elle tentait de reprendre l’avantage.

Mais elle perdait son temps. Ça ne lui demanda qu’une fraction de seconde avant de comprendre qu’elle épuisait inutilement ses forces et pourtant, à ce moment-là, il était déjà légèrement trop tard – légèrement sans doute, mais malgré tout décisif. Perceval l’attrapa soudainement en traître. Bousculant Brethil de son geste brutal, il ouvrit aussitôt une faille dans la défense de l’Être céleste – défense qu’elle avait essayé de maintenir tant bien de mal. Déployant instantanément les ailes, l’Ange recula à de nombreux mètres, avec assez de lenteur pour parvenir à voir la lame fendre le vide à moins de quelques centimètres de son visage mais assez vite pour esquiver la frappe. Elle posa à peine pied sur la terre ferme qu’elle chargea, gagnant sa vitesse à l’aide de ses ailes immaculées. La blonde tenta un coup d’estoc vers la cuisse droite du jeune homme, resserrant l’emprise de ses longs doigts au manche. Sans ciller, Perceval dévia l’attaque en intensifiant magiquement le souffle de l’air. La bourrasque perturba l’équilibre de l’Ange qui, ayant perdu la stabilité offerte par ses ailes, piquait – tête première – vers le sable : son adversaire aux mires dorées tenait désormais une autre ouverture à portée de main. Tel un fauve, il bondit. Le sang de la jeune femme se glaça. Une poussée d’adrénaline enflamma violement ses muscles, ne laissant plus place à ses réflexions. Elle planta l’épée dans la poussière pour retrouver la maîtrise de son corps et puis, frappant le sable du sol du bout de la botte, souleva un nuage de poussière dans les yeux de l’ennemi. Surpris, mais surtout déstabilisé par les soudains picotements de ses iris, ce dernier perdait de la vitesse. L’homme fusait toujours vers Brethil à une allure inquiétante, mais le peu qu’il l’avait perturbé dans son élan avait été amplement suffisant pour elle : l’Ange aux mires bleues parvint à s’écarter, évitant la collision. Immédiatement, elle se précipita à nouveau contre lui, se servant d’un coup latéral cette fois pour le cogner. Perceval bloqua le coup in extremis puis, repoussa Brethil, souhaitant reprendre ses esprits avant sa prochaine offensive. Freinant, ou plutôt dérapant, dans le sable, l’Ange en manqua de s’écraser.

Secouant la tête, elle se jeta encore sur son adversaire. Elle ne pouvait pas le regarder se remettre du choc, unique avantage qu’elle possédait à présent. Mais quand l’Être céleste finit par arriver à la hauteur du guerrier, celui-ci l’attendait déjà de pied ferme. Étonnée, la blonde ne réussit pas à éviter la frappe horizontale qui s’abattit contre son bras gauche. À la seconde suivante, l’Ange s’élançait dans les airs et reculait avec précipitation, maudissant son manque de prudence. La jeune femme retomba au sol en relâchant un grognement. Voilà, en conséquence de son impatiente, elle n’avait plus le droit de se servir de ce bras. Génial. Tendant l’épée vers l’ennemi, Brethil inspira profondément et se lança vers lui. Ses pieds la propulsaient le plus vite qu’ils pouvaient sur le sol de sable, tandis qu’elle se rapprochait petit à petit de sa cible, réfléchissant en cinquième vitesse à un moyen qui compenserait la perte de l’usage de son membre. Fracassant l’épée vers le jeune homme, l’arme de Brethil vint rapidement rencontrer la lame de Perceval. Presque désespérée, elle tenta une nouvelle approche pour le déstabiliser. Cependant, depuis que l’Ange s’était trouvée forcer de combattre à une seule main, la précision et la force avaient commencé à lui faire grandement défaut. Et pour cause, Brethil manqua son coup. Déséquilibrée par son propre élan, la posture de la femme aux pupilles océan n’était plus aussi solide. Ainsi, Perceval en profita pour lui donner un violent coup de coude entre les deux omoplates de l’apprentie, l’envoyant définitivement manger de la poussière. Roulant instinctivement sur son dos, l’Être céleste eut tout juste une fraction de seconde pour dévier le coup « fatal » de son entraîneur contre son épaule gauche. Par la suite, la blonde lui envoya deux coups de pieds – sur chacune de ses jambes – pour le contraindre à reculer. Et il recula. Mais pas assez vite pour esquiver complètement l’offensive de Brethil. Qui toucha son objectif. C’était au tour de Perceval de ne plus avoir d’équilibre. L’Ange se releva donc et en profita pour l’attaquer : la lame de son épée de bois vint se loger à la base de la nuque du maître d’arme, symbole de sa première victoire. Elle sourit. « Touché! » Et pourtant, Perceval ne parut pas aussi impressionné. Il se contenta de sourire à son tour. « Tu es une seconde en retard Brethil. »

Perplexe, la jeune Ange baissa les yeux. Sur son nombril s’appuyait un couteau de bois tenu par la poigne ferme du maître d’arme. Brethil était sidérée. Comment avait-elle pu le rater? « C’est pas juste! Tu m’as prise avec un mouvement traitre. » - « Et encore! Ce n’était qu’un geste parmi tant d’autres que j’aurais pu faire. » L’Ange fit la moue. « Après tout, les Démons sont traitres. » - « Mais quand même… » Elle était vexée. Elle avait quand même cru à sa victoire il y avait à peine quelques instants! « Je ne t’apprends pas à combattre dans un duel : je t’apprends à te battre à la guerre. », poursuivit-il. « Les batailles décrites dans les livres sont nobles, mais celles de la réalité sont dures, cruelles et sans pitié. » - « …Et ça te plaît qu’il en soit ainsi? » - « Que ça me plaise ou non n’est pas vraiment la question. Seulement, j’estime que toutes les méthodes sont bonnes pour éradiquer le Mal. Particulièrement les Démons. Ils n’hésiteront pas à te tuer. Alors n’hésite pas à le faire aussi. » À quoi s’était-elle attendue au juste? Perceval était un Extrémiste. Et, également, elle avait rejoint son camp. « Es-tu certaine d’avoir fait le bon choix? » La jeune femme sursauta. « J-je ne comprends pas. », balbutia-t-elle. Le jeune Ange esquissa un sourire indescriptible. « D’avoir rejoint les Extrémistes. C’est mon Oncle qui t’y a poussé non? Il ne le fait pas exprès, cependant… je sais à quel point ses discours sont… convaincants. Mais, personnellement, est-ce que c’est vraiment ce que tu souhaites? » Mal à l’aise, Brethil se crispa. « Pourquoi? » - « Juste pour savoir. » - « Et l’entraînement alors? » Il écarquilla les yeux. « Quoi l’entraînement? » Les joues de l’Ange s’empourprèrent.

« Tu ne vas pas refuser de le continuer? Si… si tu sens que je ne suis pas prête. Que… que je n’ai pas l’étoffe de devenir une Extrémiste? » Le sourire de Perceval s’agrandit. Et il éclata de rire. « Par la grâce des Aetheri, pourquoi ferai-je ça? La seule qui détient le pouvoir d’en décider, c’est toi. Extrémiste ou non. » Il marqua une pause. « Mais sache que… je tiens beaucoup à te voir aller au bout de cet entraînement. » Brethil baissa la tête, se mordant la lèvre inférieure. « J-je ne sais pas trop à vrai dire. Autant je veux rendre justice pour ce que ces Démons ont fait mais… la vérité est que… j’ai peur. Peur d’eux et de la guerre. Je ne sais plus quoi faire. Je ne parviens plus à démêler mes bons choix des mauvais. A-alors j’y réfléchis. Encore et encore. Mais je n’ai toujours pas trouvé ma réponse. » De la motivation. Ce qui lui manquait, c’était ça. Parmi les quelques Extrémistes rencontrés dans la Citadelle Blanche, chacun d’entre eux avait un objectif défini en tête. Que ce soit pour rendre justice aux Humains qu’ils avaient protégé mais échoué ou rendre justice à un ami assassiné par l’un de ces monstres, les raisons qui les poussaient à agir étaient… nombreuses. Et elle? Qu’avait-elle pour se convaincre de la droiture de la voie qu’elle avait empruntée? Qu’est-ce qui l’avait emmené à joindre les Extrémistes? Les belles paroles et le charisme d’un Ange qui l’avait, involontairement, influencé à prendre ce choix? À vrai dire, il n’y avait rien qui la retenait de partir : s’il y avait un avantage à être Ange, c’est que ce peuple n’agissait jamais sous la contrainte de quelque chose. À part pour répandre les Vertus. Mais ça, c’était une chose que Brethil estimait à part. Quoi qu’il en soit, le fait était qu’elle n’avait rien. Aucune raison, aucune motivation. Rien du tout. Hormis les mots de Graael, hormis ce souhait éphémère de rendre la justice qui s’envolait dès la seconde où la peur s’insufflait et que les échecs s’empilaient. C’était pathétique. Elle était pathétique. Le brouillard était opaque dans son esprit. Il y emmenait que des doutes et des hésitations qui lui avaient coûté cinq morts au cours de l’entraînement. Cinq! Et encore! Imaginez que cela se soit déroulé sur le vrai champ de bataille : ça aurait tout à fait pu être la mort de cinq camarades ou cinq innocents coincés dans le Feu de l’action. Lamentable. « D’accord, je vois. », murmura Perceval. Ses iris dorés toisaient Brethil avec tant d’intensité que cette dernière commençait à avoir l’impression qu’il lisait ses pensées. De quoi de la rendre encore plus mal à l’aise. Peut-être était-ce vraiment ça qu’il faisait. … Ou peut-être bien que non. Comment savoir? Peut-être était-ce simplement facile pour les gens de deviner ce qui la tracassait d’un simple coup d’œil.

1 835 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Lun 4 Avr 2016 - 2:47

Lentement, Perceval croisa les bras. Ses traits sévères s’étant légèrement détendus, il paraissait à présent pensif, voire réellement empathique à l’égard de la jeune femme. Les iris scintillants de la passion qui pompait le sang de ses veines, le maître d’arme s’approcha à nouveau d’elle. Il déposa ensuite avec fermeté, mais toutefois sans manquer de douceur, ses paumes sur les épaules de Brethil. Alors qu’il était si proche de son visage, l’Ange prenait juste conscience maintenant – tandis que, pourtant, c’était la deuxième fois où ils étaient, eux deux, dans une position semblable – à quel point son être radiait d’un charme envoûtant, quasi hypnotisant. Elle déglutit. Ses joues n’arrêtaient pas de rougir, accentuant davantage leur pigmentation au fur et à mesure que ce contact visuel se prolongeait. L’Être céleste avait soudain de plus en plus chaud. Son anxiété lui piquait la peau, y emportant la confusion au sein de son esprit qu’elle essayait, avec maladresse, de garder clair. « Tu sais, je comprends parfaitement les doutes qui t’envahissent alors, j’ai une proposition à te faire. » Il esquissa un sourire ravissant, tentant sans doute de dissiper la gêne de la jeune Ange. Et il y parvint aisément : La femme aux iris azurés était désormais à l’écoute de toutes ses paroles. « Poursuivons l’entraînement jusqu’au bout, d’accord? Et si, à la fin, tu te rends compte que tout ça, ce n’est pas fait pour toi, tu pourras partir d’ici avec de nouvelles connaissances utiles en matière de combat, que ce soit l’escrime, le combat à distance ou au corps-à-corps. Tu seras libre de revenir me voir si l’une de ces voies t’a plu et je t’entraînerai encore avec plaisir – il te suffira juste de demander! – même si tu choisis de garder tes distances avec la guerre ou les Extrémistes. » Nerveusement, Brethil se mit à jouer avec ses doigts, rongeant l’ongle de son index. Puis, profondément, elle inspira une grande goulée d’air avant de se lancer.

« Et si, au contraire, je choisi de rester et de continuer sur ma lancée? » Il eut un court moment de silence. « Nous passerons à la prochaine étape. » - « Qui est? » - « Mettre en application tout ce que je t’aurai appris en situation réelle. », lui expliqua-t-il, ses traits faciaux s’assombrissant en symbiose au ton de sa voix. Les yeux céruléens de la Blonde s’écarquillèrent : c’était comme si elle venait de ressentir le poids de ses mots s’appuyer sur son dos. Lourds, glacés et terrifiants, ils lui arrachèrent un désagréable frisson. « Ne me dis pas que nous irons vraiment... » La jeune femme ne fut pas capable de continuer, sa voix s’ayant aussitôt coincé au fond de sa gorge. Soudain, l’Être céleste avait de la difficulté à respirer, comme si ses poumons s’étaient contractés pour n’y laisser place qu’au minimum d’air possible pouvant toujours oxygéner son sang. Ses pensées s’entremêlaient, son esprit, qui était jusqu’à lors suffisamment dégagé et clair pour réfléchir, s’embrouillait à nouveau. Et pourtant, ça tombait sous le sens, non? À quoi bon s’entraîner et se pratiquer à un art si ce n’était pas pour l’appliquer par la suite? À quoi bon se préparer à une guerre si ce n’était pas pour la livrer? Et, forcément, puisqu’il s’agissait d’un violent conflit, ça s’accompagnait évidement de pertes – de morts : des gens pourfendus par des lames ennemies, par des coups de pied et de poing qui pleuvaient sans plus finir et par leur rencontre avec un jet de magie mortelle. Comment se faisait-il qu’elle n’y ait pas songé plus tôt? Que son esprit n’ait pas réfléchi à l’évidence qui s’exposait pourtant d’elle-même?

Apercevant l’inconfort de plus en plus fragrant s’imprimer sur les traits fins de Brethil, le maître d’arme ouvrit doucement la bouche, rompant ce silence qui s’était immiscé au tournant de ses propres mots. « Oui. », lui avoua-t-il sans prendre de détour. Il n’y avait aucun intérêt à cacher la vérité de toute façon et puis, la jeune femme n’était pas stupide : elle l’avait déjà deviné. « Si tu dois prendre part à cette guerre, il faut impérativement que tu sois en mesure d’enlever une vie, que ça te plaise ou non. C’est inévitable. » - « Mais… Je ne me sens pas prête! » - « Si ça peut te rassurer, personne ne l’ait vraiment. C’est un réflexe de survie, tout simplement. C’est tué ou être tué. Je pense te l’avoir déjà dit non? Même si toi tu hésites, les Démons s’en donneront à cœur joie de te massacrer, voire pire encore. » Bien sûr, elle s’en souvenait. Sauf que, cette fois, désormais, ça avait un impact totalement différent, comme un fardeau pesant qui s’écrasait brutalement avec la puissance d’un coup de poing d’un Réprouvé, sur sa conscience. Mais a-t-on vraiment besoin d’une conscience pour assassiner d’immondes êtres qui n’en ont guère? Et tant même bien c’était vrai, tant même bien la loi du plus fort s’appliquait toujours sur le champ de bataille, elle ne se voyait simplement pas le faire : tuer. Trancher une tête à l’aide d’une épée tenue entre ses deux mains. Peu importe s’il s’agissait d’un Démon, peu importe si, quelque qu’en soit les occasions, ces créatures du Mal n’en voulaient qu’à sa peau, s’imaginer entrain de déchirer leur chair, leurs muscles puis leur cœur lui paraissait tout bonnement impossible et impensable à réaliser. « C’est… c’est… » La jeune femme en avait perdu la voix. « Pour être honnête, l’idéal, c’est de vivre cette expérience le plus tôt possible pour permettre à ton esprit de s’y accommoder. » Il marqua une pause. « Si tu n’es pas en mesure de le faire et de supporter ton acte, tu deviendras folle, point. » Son ton se radoucit. « Je veux bien t’éviter de tomber dans les mailles de la folie Brethil, mais, crois-moi, s’il y avait eu d’autres options, je les aurais prises. Celle que je propose est simplement la plus efficace. » Le sourire du soldat s’effaça. « Si tu décides de te battre, rien ne pourra garantir qu’on sera sur le même front, alors autant t’y habituer le plus tôt possible et ne pas constamment reposer sur moi. Le choix t’appartient entièrement après tout, ne l’oublie pas. »

« Comment t’es-tu senti la première que tu as enlevé une autre vie? » Perceval ne lui répondit pas instantanément. Il se contenta de la regarder dans le cœur de ses prunelles océan, impassible et silencieux. Puis, doucement, les mots franchirent ses lèvres à la puissance de murmures. « Je ne saurai pas te le décrire exactement, mais je suppose que " malade " ferait l’affaire. C’était avant que je devienne un Extrémiste pour tout t’avouer, et… je ne saurai te dire pourquoi, mais le simple fait de les avoir rejoint à, en quelque sorte, faciliter l’acceptation de mon acte. » Il secoua la tête. « Non, c’est plutôt le fait d’être parvenu à me forger un but qui m’y a le plus aidé je crois. » Un but, toujours un but! Ça avait dû être facile pour lui de s’en trouver puisqu’il ne semblait plus atteint par sa crainte d’antan non? Alors pourquoi est-ce que l’Ange n’y arrivait pas? C’était agaçant. Tellement agaçant de progresser ainsi, comme ça, à l’aveuglette dans les ténèbres! Pourquoi? Pourquoi avait-elle tant de misère à prendre une simple décision? Elle serra les dents. « Nous avons assez parlé comme ça. », intervint Perceval. Le jeune homme recula, détachant les mains des épaules de Brethil. « Je voudrais essayer quelque chose de différent avec toi. » Déposant les épées de bois par terre, le maître d’arme ferma lentement les paupières. Une douce lueur dorée émergea de ses paumes, semblable à de la vapeur, puis, un arc et un carquois s’y matérialisèrent à la seconde suivante – de la même couleur que la lumière produite par sa magie. Grande, serpentée d’élégants motifs contrastant avec la modestie de la couleur du bois dans lequel elle avait été sculptée, l’arme semblait pourtant légère, parfaite pour compenser un manque de force physique. La corde, bien tendue et fine, était également dorée, harmonisant avec habileté l’ensemble forgée par les deux mains expertes et habiles d’un artisan remarquable – avait conclu l’Être céleste, le visage émerveillé. « C’est ton arc? », demanda-t-elle. La réponse paraissait évidente, mais la jeune femme n’avait pas été en mesure de retenir ses mots : ses lèvres s’étaient presque entrouvertes d’elles-mêmes, dans l’incapacité de garder enfermer toute l’admiration qu’elle ressentait. « Bien sûr! » - « Je me fais peut-être des idées, mais je t’aurais imaginé avec un arc plus rustre plutôt. » Il éclata de rire. « Dìn. » - « Pardon? » L’hilarité de Perceval redoubla : il riait tant que des larmes commençaient à couler ses joues. « C’est le nom de l’arc, Dìn. » Il le leva à la hauteur de ses mires d’or. « Elle n’a pas été forgée pour sa puissance, mais pour sa rapidité et sa précision. Je ne choisis pas nécessairement des armes uniquement pour leur force de destruction massive pour ta gouverne. » Il sortit ensuite, délicatement, une des flèches du carquois qu’il avait déposé sur le sol de sable. Longue, à la pointe fine et acérée, la « queue » de la flèche, avec son motif qui abordait des similitudes avec des flammes, avait un aspect plutôt assez intimidant par rapport au reste, et revêtait les mêmes teintes dorées que l’arc avec quelques rares touches de blanc en plus. « Je me le suis procuré chez un artisan Elfe d’une certaine réputation. Quand il s’agit d’arc et de flèches, il n’y a pas meilleur qu’eux dans ce domaine! », vanta-t-il sur un ton de plaisanterie.

Brethil avait une irrésistible envie de prendre cet arc entre ses mains, comme si celui-ci l’envoûtait. Son visage commençait peu à peu à se revêtir d’une couleur pivoine, tandis qu’elle déglutissait sa salive. La curiosité était forte, très forte. Voire même tentatrice. Mais la jeune Ange n’osait pas demander la requête à Perceval. Comme si elle savait qu’une fois serrée entre ses doigts, elle ne renoncerait pas à cette arme merveilleuse. Tentant de calmer le tambourinement de son cœur contre sa cage thoracique, l’Être céleste inspira profondément, les paupières closes. Peut-être que si elle ne la voyait pas, si Dìn ne couvrait plus son champ de vision, ces étranges sentiments qui l’assaillaient avec une telle violence s’envoleraient. Mais non. Ils lui semblaient même encore plus forts, encore plus insistants qu’auparavant, lui hurlant de prendre, au moins un petit instant, l’arc qui reposait entre les mains du maître d’armes. Qu’est-ce qui lui arrivait au juste? Qu’est-ce qui lui prenait de vouloir à tout prix avoir cette arme? Ce qui l’envahissait était une toute nouvelle sensation, quelque chose qu’elle n’avait jamais ressenti avant. Que pouvait posséder Dìn de plus que tous… ces autres arcs qu’elle avait déjà aperçus? Ça n’avait pas de sens. Son esprit semblait s’être fait hypnotisé, envoûté, dès que les iris céruléens de l’Ange s’étaient posés dessus. Était-ce de la magie? Une arme enchantée peut-être? Une multitude d’idée lui venait en tête, mais aucune ne réussissait à s’implanter, l’image de Dìn revenant sans cesse au galop. Ça aurait été si simple de poser la question à Perceval non? De l’interroger sur ce qui lui arrivait d’un seul coup. Et pourtant, même cette pensée ne parvenait pas à se créer un chemin tant l’arme la détournait de toute réflexion. « Que… que voulais-tu essayer avec moi? », réussit-elle à balbutier, décochant partiellement ses yeux bleus de l’arc Elfique. Perceval, lui, souriait : pour dire toute la vérité, cet arc était bel et bien enchanté. Il avait le pouvoir d’hypnotiser quiconque étant ciblé par ses flèches – et puisque qu’il y en avait justement rivé une sur Brethil… Son sourire s’agrandit. « Je voudrais voir tes habiletés en tant qu’archère. Allons-y, et voyons comment tu t’en sors! »

1 944 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Ven 29 Avr 2016 - 22:56

L’Ange inspira profondément. Ses doigts vinrent lentement tendre la corde, tenant avec délicatesse le bout de la flèche. Devant ses yeux céruléens, la cible était pointée par le bout de projectile. Davantage que cette cible, que Brethil ne quittait plus de son regard, il y avait ce petit rond rouge comme un coquelicot imprimé au centre de l’objet qui captait bien plus son attention. Après tout, c’était qu’elle comptait toucher son tir : là et nulle part ailleurs. Et puis, il y avait la flèche que Perceval avait tirée, lors de sa démonstration, qui encourageait aussi son esprit compétitif. Tous ses échecs qui avaient précédé lui faisaient toujours mal, très mal. Comme des plaies saignant sans plus finir dont les douleurs qu’elles engendraient lui rongeait l’esprit, déjà bien trop ébranlé par les mots de son maître d’arme. Aucun combat n’était juste disait-il? Non, qu’il n’avait simplement pas le droit de l’être. Ce n’était que de la survie. Un jeu terrifiant où seuls les plus forts – ou les plus malins – avaient une chance de gagner. La pitié, la justice ou les affrontements à la loyal n’existaient pas. Ils n’avaient jamais existé. Il n’y avait pas de place pour eux au champ de bataille. Ils n’avaient jamais pu s’y imposer. La jeune Ange n’avait jamais mené de combat ou de guerre de toute son existence; c’était vrai. Mais ce qu’avait dit Perceval ne restait que des mots. Pourtant, au fond d’elle-même, Brethil pressentait qu’on lui avait sauvagement arraché une part de son innocence et de sa naïveté qui l’avaient accompagnée, en ne faisant seulement qu’écouter la voix du soldat. Légèrement, les yeux de l’Être céleste s’étaient ouverts – enfin – à la cruauté régissant partout sur ces Terres. Était-ce sa compréhension des Péchés capitaux qui s’était un peu plus élargie à la suite de sa conversation avec Perceval? Possédaient-ils désormais un sens plus concret à son regard demeuré trop longtemps aveugle et innocent face au Mal?

L’attitude qu’avait employée l’Ange quand il avait expliqué sa vision de la guerre n’avait que renforcer l’image de la philosophie qu’on déplorait tant aux Extrémistes; c’est-à-dire user de la violence pour mieux propager le Bien. Un peu comme un reflet aux actes des Démons, mais dans un objectif inverse. Brethil avait également entendu des Anges reprocher à leurs compatriotes extrémistes qu’en agissant de cette façon, ils se rabaissaient quasi au même niveau que ces monstres sanguinaires. En gros, ils ne valaient pas mieux qu’eux. Pire! Ils le démontraient aussi au reste du monde. Soudain, cette flèche que la jeune femme avait coincée entre ses doigts commença à trembler, pointant tantôt le cercle rouge et tantôt le rond blanc à l’entour. Sa posture nouvellement vacillante reflétait ses propres incertitudes. Avait-elle le courage et la Force de vivre comme on lui proposait quitte à s’essuyer des reproches durs et sans appel? Ça ne paraissait pas vraiment en apparence, mais au fond, le jugement que les autres pouvaient lui porter à son égard la préoccupait bien davantage qu’elle aurait désiré. À vrai dire, ça ne se révélait pas toujours être un handicap au travers de sa progression; les encouragements l’avaient toujours poussée à franchir des limites qu’elle n’aurait jamais eu l’impétuosité de traverser dans des conditions ordinaires. Mais, dans le revers de la médaille, les critiques lui ouvraient des plaies béantes peinant à guérir aussi rapidement qu’une blessure physique. Après tout, son esprit avait toujours été fragile, simplement par la façon dont elle avait choisi de vivre son existence. Ça ne l’aidait pas à chaque fois, mais l’idéologie de Brethil se résumait à repousser fermement la déception qu’elle pouvait engendrée à autrui – et à elle-même en parallèle. Naïvement, l’Ange avait toujours pensé que, peu importe les moyens qu’on emploierait, ils n’auraient aucune valeur aux regards des Anges tant et aussi longtemps qu’il s’agissait de propager les Vertus dans les Terres du Yin et du Yang.

Sauf qu’aujourd’hui, la jeune femme apprenait que ce n’était pas tout à fait le cas. Ses convictions s’en retrouvaient donc à s’ébranler, ou s’effriter comme de l’écorce pourrie, qui désormais, la faisait hésiter sur le bien fondement de ses décisions. Elle avait dit vouloir combattre au nom de la Justice. Mais d’une autre part, qu’était-ce en réalité la Justice? Comment pouvait-elle juger de ce qui était juste et de ce qui ne l’était pas dans la vie de tous les jours? Avait-elle depuis toujours poursuivi une idéologie qui ne la menait nulle part? Une sorte de chemin qui la conduisait lentement au point de non-retour? Prise dans ces conditions, Brethil ne savait plus quoi croire. Elle ignorait qui écouter aussi; une seconde, les méthodes des Extrémistes prenaient du sens à ces interrogations. Et à la suivante, c’était la pensée des autres Anges qui paraissaient contenir le plus de points communs avec ses souhaits. Vraisemblablement, cette flèche tremblante qu’elle pointait réfléchissait bel et bien la brume qui lui avait envahi la tête. Chacune des hésitations que la femme enfermait au sein de son cœur se manifestait à chaque secousse qui lui parcourait les mains. L’Être céleste était déstabilisé. Son manque de Force mentale était, indéniablement, la cause de ce dilemme intérieur qu’elle livrait. Brethil était tiraillée, non oppressée par cette réalisation de toutes ses faiblesses qui l’assiégeait d’un coup sec. Ainsi, elle avait perdu ses capacités de réfléchir correctement et de se concentrer à cette tâche que lui avait confiée Perceval. On avait inlassablement répété à l’Ange que chaque choix lui appartenait. Que seule elle avait les clés en main pour emprunter la voie qu’elle désirait, mais devant ses pieds ne s’ouvrait que le chemin de la confusion à vrai dire. Malgré tout ce qu’elle avait pourtant juré à Perceval. Le maître d’arme devait bien l’avoir vu, n’est-ce pas? Mais il se taisait. Il ne restait que le poids de ses yeux dorés appuyé sur les épaules de la blonde qui manifestait encore sa présence.

Ça faisait un bon moment qu’il avait fini d’évaluer le mental de l’apprentie. Désormais, il attendait tout simplement ce moment où elle allait enfin tirer la flèche, rien qu’histoire d’observer également ses capacités physiques à l’action. Pourtant, il y avait déjà plusieurs choses que le soldat avait pu noter, notamment au niveau de sa posture. Par exemple, le corps de Brethil était bien trop tendu et elle tenait mal son projectile avec la corde de l’arc. Mais ce n’était pas le pire: au départ, Perceval avait seulement pu observer quelques défauts mineurs, car sa position avait presque frôlé le parfait. Cependant, depuis que la jeune Ange était venue se troubler par  ses propres réflexions qui l’avaient assailli au moment exact où elle s’était apprêtée à tirer, ça c’était rapidement gâté. Il poussa un soupir. Pourquoi se souciait-elle à ce point de l’opinion d’un autre d’abord? Quand d’un côté on ne possédait que alliés, de l’autre il y avait forcément des adversaires ou des ennemis pour partager une opinion inverse à la sienne non? Si auparavant, Brethil avait nourri quelques doutes, désormais la question ne se posait même plus : Perceval avait bel et bien le pouvoir de lire dans les pensées. Le soldat Extrémiste arqua un léger sourire. Généralement, on remarquait souvent assez vite son manège, mais elle… Il étouffa son petit rire. Enfin, son objectif n’était mesquin; il n’avait jamais eu l’intention de la nuire d’une quelconque façon en recourant à ces méthodes. Il le faisait uniquement pour le bien de la jeune Ange. « As-tu tellement peur de décevoir mes attentes en ratant la cible centrale que tu n’oses même plus tirer? » Brethil eut un sursaut, puis elle pinça les lèvres. Elle ne répondit même pas. « Bah, je te comprends d’un autre côté : manquer sa cible sur le champ de bataille pourrait être fatal, autant à toi qu’à un autre soldat, n’est-ce pas? » - « Ce n’est pas ça… » Murmura-t-elle alors; mais ça, il le savait déjà. D’ailleurs, il voyait bien que ses mots avaient un tantinet troublée l’apprentie – comme il s’y était attendu. « Alors qu’attends-tu pour tirer? »

Aussitôt, le projectile fusa. Il émit un soin aigu en fendant l’air devant sa pointe et alla s’immobiliser au milieu du premier cercle – à partir de l’extérieur – de la cible. La langue de Perceval claqua contre son palais, feignant la déception : encore une fois, c’était pas mal le résultat qu’il avait guetté. « C’est tout ce que tu peux faire? » L’Être céleste baissa la tête. Elle se refusait toujours de parler. Ainsi, le silence qui précéda les reproches devint rapidement lourd. Perceval reprit alors la parole. « Ne me force pas à répondre à ta place. Pour être honnête, tu vaux bien mieux que tu penses. Alors, est-ce tout ce que tu peux faire? » - « Je ne sais pas. » - « Plus fort! Je n’ai rien entendu! » - « Je ne sais pas! » Le jeune homme croisa les bras. « Regarde-moi dans les yeux quand tu me parles. »  Elle ne bougea pas. « BRETHIL! » Timidement, les mires azur de l’Ange se relevèrent doucement du sol. Elles prirent beaucoup plus de temps à oser rencontrer l’éclat doré du regard de Perceval. La jeune femme avait de la misère à le soutenir. À vrai dire, elle avait honte des larmes qui s’accrochaient à ses cils. Elle se savait déjà faible de nature, sauf qu’elle n’appréciait pas  vraiment qu’on la voie dans cet état non plus. Encore moins une personne qu’elle respectait sincèrement. Malgré tout, elle était reconnaissante à l’égard de la bonté des Aetheri d’empêcher son corps de trembler comme une feuille devant lui. « Sais-tu pourquoi tu as raté ce tir? » Elle passa le revers de sa manche poussiéreuse contre les gouttes d’eau qui souillaient son visage, mais elle ne pipa pas un mot. « Je te demande de me l’expliquer. » - « C’est un peu dur à dire pour moi. » - « Ah oui? » Manipulant la Télékinésie, la magie de Perceval décrocha les deux flèches de la cible, déposant en délicatesse ces dernières au creux de sa main gauche. « Pourtant, moi je peux te le dire. Tu es tellement dépendante de l’opinion de l’autre qu’au moment où ils commencent à te critiquer, tu perds ton contrôle. Ce n’est pas le temps de te soucier de ce que la veuve et l’orphelin dise ou pense de toi : c’est le moment d’agir, tout simplement. Tu dois apprendre à avoir davantage confiance dans les décisions que tu prends, OK? Recommence ton tir; je n’accepterai pas de voir un échec aussi lamentable qui aurait pu être évité. Tu m’as bien compris? » - « O-oui. » Pourtant, l’Être céleste semblait vouloir ajouter autre chose. Sa bouche s’ouvrait et se refermait sans arrêt, avant qu’elle choisisse de se jeter à l’eau. « Auriez-vous lu, par hasard, dans mes pensées? » Demanda-t-elle. Brethil était légèrement choquée que Perceval puisse avoir tout deviné, comme ça, les tourments qui existaient seulement dans sa tête.

Le soldat sourit, mais il préféra éviter la question. « Au travail. » Se contenta-t-il de lancer. « D-d’accord. » Elle s’empara d’une nouvelle flèche, reprenant sa position initiale devant la cible. Ses deux pieds bien ancrés au sol, l’Être céleste se concentrait comme jamais. Elle avait écarté toutes les distractions qu’occasionnaient à la fois son cœur et son esprit incertains. Ses yeux bleus se rivèrent sur le cercle du centre, rouge éclatant sur un fond laiteux. Ses paupières se plissèrent. Ses expirations se rallongèrent. Ses inspirations inhalaient de plus en plus d’oxygène. Et, dans un signal muet que seule elle pouvait entendre, elle relâcha sa flèche.

1 920 mots.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

Entraînement céleste - Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» Entrainement Céleste
» Entraînement céleste
» L’entraînement céleste | Kuro
» [Q] Session d'Entraînement [Solo]
» | L'Armée Céleste |
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Mers :: Mers - Est :: Mer de cristal :: Terre blanche-