Déambuler dans les quartiers les plus hostiles de l’enfer, ça, c’était dément. Depuis peu, Zane se sentait suffisamment libre pour parcourir ce nouveau coin de la ville, non pas qu’il s'imaginait faible et impuissant avant ça, mais cette fois-ci il avait les bonnes armes à disposition pour ne pas flétrir comme une pauvre fleur démunie d’attention. Grâce à certains collègues de bureau, il avait appris à quel point l’hostilité de cette zone était immense, si bien que la plupart des démons rejetaient de s’y rendre à moins d’avoir une excellente raison, et même lorsqu’ils étaient disposés à l’avoir, ils ne restaient jamais bien longtemps. Il n’en fallait pas plus au terrifiant démon pour s’imposer le défi d’y accéder, se jurant de se mettre en danger à la moindre occasion qui se profilait à lui. Fort malheureusement, il se promenait désormais depuis quelques longues minutes sans constater de variations inhabituelles dans les relations qu’il entretenait avec autrui. On le regardait toujours de la même façon, sans crainte spécifique certes, seulement personne ne venait non plus lui chercher des noises, ce qui bouleversait légèrement ses plans de départs. Tout ce qu’il désirait au fin fond de sa conscience malsaine, c’était de trouver un rempart de taille, qui se dresserait entre lui et ses desseins. Il désirait faire cette fameuse rencontre, à la fois bouleversante par ordre de sa complexité, et tellement fascinante par son approche unique. Hélas ! en dehors de quelques vauriens mal avisés disposant d’une force comparable à celles de tentateurs de bas étage, il n’y trouva rien d’aussi gratifiant. La promenade lui permit cependant de constater les joies d’un quartier encore plus malfamé que le sien. Partout où il se rendait, des échafauds en tous genres avaient lieu, allant de la simple menace envers les animaux jusqu’à la torture extrême avec d’autres habitants, parfois de simples humains, et aussi quelques démons qui s’étaient manifestement égarés en cherchant autre chose que les ennuis.

Ce qui frappa le brun en revanche, ce n’est en rien cet excès de violence qu’il comprenait plus ou moins. Un jeu étant un jeu, il faut parfois savoir se divertir avec ce que l’on a sous la main. Non, ce qui avait attiré son regard si particulier, c’était ce domaine assez chic, entouré d’une dizaine de statues à l’apparence si singulière. L’esthétique mise à part, ils avaient ce quelque chose qu’il ne parvenait pas à définir correctement. Si placer un mot sur ces derniers était difficile, c’est, car il était persuadé qu’elles avaient d’autres valeurs que d’être de simples figurines géantes. Mourant d’envie d’en apprendre un peu plus sur elles, et sur le domaine en question, l’homme passa une main délicate dans sa chevelure soyeuse avant d’aller à la rencontre de trois démons en train d’accabler un pauvre enfant. Il interpella ces derniers d’un signe amical de la main, n’oubliant pas d’être le plus condescendant possible. Il regarda rapidement celui-ci, mais ignora bien vite sa présence une seconde après. « Bien le bonsoir, Messieurs. Continuer votre sale besogne voulez-vous. Je me demandais, à qui appartiens cette maison ? Il s’y échappe une odeur de… mort. » Et le mot était faible, il ne parlait pas simplement au sens figuré, car il humait vraiment une odeur semblable à celle des cadavres qu’il avait l’habitude de voir lors des célébrations démoniques. En revanche, il semblait avoir interrompu les trois hommes qui… « Hein ? » Réponse qui avait au moins le mérite d’être accessible, et le pire, c'est qu'il craignait que ça vienne du plus intelligent d’entre eux. Il était évidemment tombé sur des dégénérés simplement aptes à déverser leurs haines sur un plus faible. « C’est la maison de Mademoiselle Kyte mon bel ami. » La voix surgit de son dos, alors il pivota vivement la tête comme avertie d’un danger imminent. L’homme qui venait d’intervenir était blond aux yeux d’un jaune orangé pétillant. Ce qui le démarquait des autres n’était ni sa grande taille ni ses dents proéminentes, mais bel et bien son accoutrement tout droit sortit des royautés les plus exigeantes. Il aurait appartenu à la haute société que ça ne l’aurait pas étonné davantage. Sa façon de s’exprimer était toute aussi formaliste. « Je comprends que vous vous intéressiez à Kyte. Beaucoup d’imprudents avant vous l’ont fait. Croyez-le ou non, mon bon monsieur, mais cette femme est loin d’être aussi charmante que la réputation a le don de lui concéder. Machiavélique et gourmande oui, mais certainement pas sympathique. La légende raconte que depuis que son mari est décédé d’une mort atroce, elle cherche inexorablement à le remplacer en nourrissant ses fantasmes les plus fous. S’il s’avère que vous ne parvenez pas à assouvir ses moindres désirs, elle vous métamorphosera en statue, comme ces pauvres impudents. » Le mythe avait de quoi contenter beaucoup d’enfants un soir de fête commémorative, mais Zane ne croyait pas trop à ce genre de rumeurs. S’il est vrai qu’une part de vérité devait incontestablement se glisser dans cette histoire, il devait faire la part des choses et aller vérifier de lui-même. De toute façon, son sourire narquois avait déjà de quoi réagir pour lui. Il tendit la main à cet informateur qu’il trouvait particulièrement généreux pour lui avoir administré autant d’informations en même temps. « Je suis heureux d’être tombé sur vous. J’avais une légère hésitation avant ça, mais à présent je ne peux plus reculer. Bien sûr que je m’y rends, et souhaitez-moi bonne chance. » Il partit alors sans demander son reste, laissant le gentleman perdu dans autant de goguenardise. La bouche entrouverte, il lui souhaita péniblement bonne chance, à la fois sidéré et bouleversé pour ce qu’il prétendait être une nouvelle victime.

Zane avait à présent l’esprit embrumé par une farandole de questions. Il désirait plus que jamais faire la connaissance de cette démone aux atouts charmeurs plus que compétents. Une corruptrice doublée d’une manipulatrice, c’était l’occasion idéale de se tester lui-même, de voir quel effet il faisait à une habituée des beaux-arts, et surtout, il était impatient de se confronter à elle, savoir qui allait assouvir les désirs de l’autre. Les femmes qu’on baptisait généralement comme étant des succubes partaient avec un certain avantage en rapport à leurs formes leur inculquant déjà un charme irréfutable. Elles savaient, mieux que les hommes en général, jouer de leurs physiques gracieux afin d’obtenir n’importe quoi venant du dominant. Dans de telles circonstances, c’était un jeu d’échecs grandeur nature, avec des enjeux beaucoup plus drôles et importants qu’une simple perte numéraire. Le parieur invétéré qu’il était souhaitait se mesurer à une joueuse d’exception. Sans s’en rendre compte, alors qu’il s’était perdu dans ses pensées, sa conscience l’éveilla lorsqu’il remarqua déjà être à l’intérieur de ladite maison. Il ne se souvenait pas avoir sonné ou encore frappé, et se demandait encore comment il avait pu passer le seuil de la porte aussi vite. Quoi qu’il en soit, il était maintenant aux portes d’un autre paradis. Il arpentait un couloir orné de bibelots de toutes sortes, la couleur dominante rappelait celle des ébats sexuels. Quant à la tapisserie, bien qu’elle soit passée de mode, laissait s’échapper un aromate aux dimensions étranges. Arrivé devant la seconde porte, il hésita un instant avant de rafraîchir sa crinière, ajustant également ses beaux vêtements d’un ton pâle et guilleret, plutôt contraire à ce qui se trouvait en dehors de ces murs en somme. Il toqua à trois reprises, et sans même obtenir de réponse, l’ouverture de la porte se déclencha dans l’immédiat. Celle-ci le mena directement à la salle à manger, qui à sa grande surprise était déjà dressée, couverts et aliments soigneusement arrangés sur la grande table généralement destinée pour les banquets. Inquisiteur, mais loin d’être effrayé pour autant, le démon marqua une pause avant de déposer à nouveau un pied devant l’autre, laissant la porte se refermer derrière lui. « Hey ! J’espère que ce n’est pas un guet-apens orchestré par des moustachus vêtu de cuirs. Je ne ferais définitivement jamais partie de votre fiesta si c’est le cas. » Un opaque nuage de fumée fit son apparition à côté de la chaise qui se distinguait en bout de table. Noirâtre et longue à se former, elle se déplaça jusqu’à lui, prenant peu à peu la forme d’une silhouette qui elle-même se mua en femme. Dorénavant apparente sous ses traits d’origine, on ne lui avait pas menti quand on l’avait désigné comme étant une très belle femme. Contrairement à ce que l’on pouvait croire venant du séducteur, il avait un goût très prononcé pour le charme féminin, de telle sorte qu’il n’était généralement pas hypnotisé par la première venue.

Il devait toutefois reconnaitre que sa longue chevelure rousse, ses yeux maquillés d’un jaune éclairé, ses courbes généreuses et ses lèvres pulpeuses, à défaut de la faire tomber dans l’érotisme pur et dur, la rendaient particulièrement charmante à bien des égards. Son maintien et son comportement étaient également différents de l’image qu’il s’était faite d’elle. S’il ne s’attendait pas non plus à ce qu’elle lui saute au cou, il envisageait tout de même un comportement plus agressif, largement plus direct. Elle s’avança en se dandinant avec beaucoup de volupté et lui tendit néanmoins sa main recouverte de bagues précieuses d'une relative rareté. Elle avait des prédispositions concernant les parures, ça, il ne pouvait pas le lui reprocher. « Bienvenue, mon bellâtre. Je t’attendais, je crois que tu t’en doutais. J’ai… quelques vues sur toi et j’espérais grandement que tu viennes à moi. Tu comprends, j’ai beau avoir l’image que j’ai, quand un homme me plait, je suis quelque peu intimidé. » Lui ne l’était pas, et ce n’est pas avec un discours érodé qu’il le serait davantage. Il savait très bien qu’elle ne le connaissait ni de visu, il n’était simplement apparu au mauvais endroit au mauvais moment. Si elle pensait pouvoir le triturer avec une démarche féline et quelques congratulations bien placées, elle se fourvoyait. « Ravi de l’apprendre. On m’a raconté énormément de choses à votre sujet. J’ignore si elles sont vraies et je n’en ai cure pour être honnête. Je souhaite simplement connaitre la vérité par moi-même. Élucider la vérité sur vous. » La jeune femme se mit à rire à gorge déployé pendant quelques instants, après quoi elle invita son convive à prendre place sur la chaise qui lui était destinée. Zane se lança dans le jeu et prit place. Un homme d’une cinquantaine d’années vint ensuite entrer à son tour. Il était distingué et sa démarche ne faisait aucun doute quant à sa fonction de majordome en ces lieux. « Votre veston, je vous prie. » Bien, tant qu’à être à l’aise, autant l’être jusqu’au bout. Le démon procura son bien à l’homme qui repartit comme il était venu, aussi chastement que convenu. « Nous sommes ici pour partager un festin, pour apprendre à nous connaitre. Faites tomber ces barrières, très cher. Nous sommes des êtres maléfiques qui ont pour coutume de se laisser aller à leurs plus bas instincts. Mangez donc. » Sa personnalité était assez ineffable, même pour un homme aussi inventif que lui en temps normal.

Il se résinait difficilement à distinguer ses intentions, même s’il doutait fortement qu’elles soient aussi vertueuses que ça. « Certains démons sont plus civilisés toutefois. Je ne parle pas de moi, je suis loin d’être une référence puisque je cède avec grand plaisir à toutes les dépravations qui me sont offertes. Vous savez, là d’où je viens je n’ai jamais perdu un seul pari. » Il semblait que d’une certaine manière, il avait réussi à attiser la curiosité de cette femme. Bien plus encore, il imprégnait l’atmosphère de toute une essence qui encourageait la jeune femme à aller plus loin encore. Elle se mordit intempestivement la lèvre, assez fort pour qu’un filet de sang s’en échappe. Inculquée d’un pouvoir magique mêlé au sang, elle dirigea le liquide rougeâtre dans sa direction. Celui-ci s’apposa sur joue, prenant la forme d’un doux larcin. « J’ai besoin de vous très cher. J’ai besoin d’une nuit avec vous ce soir, et vous allez gentiment me la donner. On ne refuse rien à une femme, encore moins quand celle-ci est désirable, n’est-ce pas ? » Les adjectifs, il pouvait en trouver une panoplie pour la caractériser. Si attirante, elle l’était à n’en point douter, il ne suffisait pas d’être simplement avenante pour plaire à ce dernier. Roi des mœurs ou simple prince de la déprave, il n’en restait pas moins quelqu’un d’extrêmement sévère, surtout avec les femmes. « Je n’irais pas jusqu’à proférer que j’ai quelqu’un dans ma vie. Toutefois, vous n’arrivez pas à la cheville de la femme à laquelle je songe. Vous êtes indéniablement en dessous d’elle, même si vous disposez de nombreux attributs que j'apprécie. » Il disait ça avec une telle condescendance, se négligeant complètement des conséquences que pouvaient avoir de telles paroles. Subir la colère des uns et des autres ne l’avait jamais retenu dans ses comportements, qu’importe qu’ils pussent être outrageants pour la personne concernée.

La déclaration acerbe déplut à la succube. Elle substitua l'expression de son visage au détriment d'un sentiment plus cruel, capable de l’effriter en moins d'une seconde. Si ses prunelles avaient eu le pouvoir de le tuer, nul doute qu'il ne serait déjà plus de ce monde à l'heure actuelle. Sa crinière se mouvait indépendamment de sa volonté, éprise dans une danse que seule sa magie était en train de faire chavirer. À tout instant, elle pouvait lui bondir dessus et lui planter sa main dans la poitrine pour lui arracher le cœur. À aucun moment, l'homme n'avait douté de ses capacités, sûrement supérieures aux sennes pour la plupart d'entre elles. Cependant, il ne se laissa pas impressionner. Il conserva ses bras croisés, ne sourcillant pas à une seule reprise. La diablesse frappa du poing sur la table, en fragmentant une partie. Puis, sans qu'une explication vienne lui dicter ce soudain changement d'humeur, elle se calma de nouveau, closant les paupières. « Mangez, je vous prie. Vous êtes mon convive, c'est tout ce qui compte. » Pas facile d'envisager où elle comptait le mener avec un piège aussi tordu. Son attitude n'avait rien de répandu. Elle jouait, mais à quoi, exactement ? Zane s’arma des couverts comme si de rien n’était, mettant ces quelques désagréments dans un coin de son esprit, pour plus tard. Elle avait raison sur un point, il était ici en tant qu'invité, pour en apprendre et en savoir plus sur elle, sur la chasseuse qu'elle représentait. Il saisit le couteau et coupa délicatement un morceau de chair fraiche qu'il porta à sa bouche. De son côté, elle apposa le verre de champagne auprès de ses lèvres, absorbant soigneusement sa coupe en l'observant avec beaucoup d'intensité. « Je sais que vous avez une idée derrière la tête, quelle est-elle ? Nous pourrions passer des heures à jouer au plus malin, seulement vous n'avez aucune viabilité contre moi. » Même si c'était indéniablement une femme plus réfléchie qu'elle ne semblait l'être d'apparence, le guerrier essaya de la pousser à bout. « Je n'ai rien à cacher. Nous ferons un duel dans les règles. Si je gagne, vous devrez obéir au moindre de mes désirs. Si je perds en revanche, vous aurez le droit de vous retirer. Inutile de dire que ce n'est pas négociable. » Le démon ne l'avait pas vu venir, mais un homme très massif venait de se présenter à la porte de sortie, obstruant l'issue de son corps olympien. Bien membré à ne plus savoir quoi faire de ses muscles, il le dépassait largement par la taille. Cependant, ce n'est clairement pas ce qui allait influencer le séducteur en herbe. « Et vous pensez que je vais être fasciné par un de vos domestiques ? » « C'est un bélua de type bison. Il n'est certes pas aussi intelligent et charismatique que vous, mais de vous à moi, je crois que ce ne sont pas ce genre de qualités qui vous permettra de remporter la victoire. » Elle marquait un point. Quoiqu'il puisse en dire, la pièce ne permettait pas de se débattre convenablement sans utiliser son plein potentiel. Pour la première fois, il était pris au piège par plus précautionneux que lui. Sans pour autant perdre la face si facilement, il abandonna son dîner avant de se relever, étreignant sa main contre son poing. « Bon, comme je n'ai plus vraiment le choix... où se trouve le terrain ? » Visiblement satisfaite d’entendre les ébauches d'un aveu de faiblesse, sa consœur se leva à son tour. Elle frappa dans ses mains à deux reprises, élargissant automatiquement une large porte en bois qui se trouvait derrière elle.

Elle le convoya à l’intérieur, suite dont elle s’empressa de refermer l’accès en laissant son garde du corps en retrait. La pièce était sombre, presque intégralement plongée dans le noir, si bien qu’il était incapable de distinguer précisément ce qui se trouvait aux recoins de celle-ci. Il percevait faiblement une lueur derrière lui, mais n’avait aucune idée ce dont il s’agissait précisément. L’hôtesse n’avait certainement pas l’intention de se battre dans les règles, tant et si bien qu’il existait effectivement des règles dans le monde des démons. De toute façon préparé à la moindre conclusion possible, il observa la séductrice qui ôta une partie de ses vêtements, laissant entrevoir des tatouages aux motifs psychédéliques. D’un coup d’un seul, elle poussa brusquement sa main devant elle, créant une puissante bourrasque qui repoussa irrémédiablement le brun. Pour contrer un minimum les effets de la tempête, il rangea ses deux bras en croix devant lui, tentant de percer la technique avancée qui termina de le faire succomber contre le mur du fond, après quoi elle cessa sa manipulation du vent. Tapant ensuite dans ses mains, elle fit naitre une lumière tamisée aux teints bleutés. Cette lumière eut pour effet d’éclairer les ornements qui recouvrait une partie de son dos ainsi que sa taille. « Tu n’imagines pas à quel point je te suis supérieure. Je pourrais te maudire à n’importe quel moment par ma seule volonté. Dans ton malheur, tu as cependant de la chance, car j’ai envie de m’amuser un peu plus longtemps avec toi. Montre-moi si tes talents valent que je te garde encore un petit peu. » L’homme soupira en se rétablissant. Dans un premier temps, il remit sa tenue en ordre puis décida à son tour de retirer ce qui lui servait de haut, tout ça afin de ne pas froisser son beau costume. Il devait se battre de toutes ses forces, ne pas lésiner sur les moyens absurdes et sournois pour en venir à bout. Elle était assurément plus forte que lui, mais un combat ne se décidait pas sur de simples statistiques, encore fallait-il savoir se servir de tout son potentiel. La faiblesse des puissants était généralement la même pour tous. Ils avaient tendance à se reposer sur leurs lauriers, oubliant de se battre avec leurs tripes. Qu’importe ce que pouvait être la motivation de son ennemie, Zane avait quoiqu’il arrive une meilleure détermination qu’elle pour gagner ; il se battait pour sa propre survie. « Tu n’as encore jamais affronté quelqu’un comme moi, bébé. J’ai des aptitudes que tu ne soupçonnes même pas. » Et lui non plus, par la même occasion. Il bluffait, conscient malgré tout qu’il devait sortir le paquet pour assurer.

« Je suis ravi de l’apprendre. Fini de papoter. Allons-y ! » Elle le chargea automatiquement, faisant preuve d’une vélocité qu’il peinait à distinguer, ne démêlant que des images brouillées qui ne lui permit pas de se rendre compte de la distance fortement réduite qu’elle avait appliquée. En un tour de main, elle plaça un crochet relativement parfait au niveau de sa mâchoire, lui décrochant une vive explosion dans la masse cérébrale. Mouvant contre son gré sur le côté, il n’en demeurait pas moins attentif et réactif pour plaquer ses deux mains l’une contre l’autre, générant une illusion instantanée qui dissipa sa posture actuelle. Il avait eu le temps de fléchir les jambes pour se baisser en créant une fausse image de lui-même, ceci lui permettant de reprendre appui sur ses muscles afin de porter un uppercut dont le poing était chargé de toute sa force. Parvenant à percuter le menton de la belle de plein fouet, son attaque l’éleva de quelques mètres en l’air. Pour autant, elle semblait être pourvue d’une impulsion divine qui la fit réagir très rapidement, plus qu’il n’aurait pu l’imaginer. Elle redressa l’échine, rabattit le visage en avant et balaya sa main équipée de griffes devant elle, accablant le torse de l’homme qui fut lacéré. Elle prit ensuite appui sur sa blessure à l’aide de son pied droit pour lui permettre de revenir en arrière. Cet enchainement arracha une douleur à Zane qui porta sans tarder sa main sur contre sa poitrine, là où régnait sa plaie. De son côté, elle retomba avec agilité sur le sol, s’affectant d’un sourire considérablement fier. Son regard avait également changé dans un état de stupeur marié à de l’intérêt. « Tu es plus doué que je ne l’imaginais. Tu sais faire preuve de réactivité et j’aime ça. Tu m’as fait un peu mal. » Disait-elle en massant son menton d’une poigne souple. Habituellement, il était celui qui se moquait de l’adversaire, mais cette fois-ci, il devait reconnaitre que les rôles avaient quelque peu été altérés. Dans l’impuissance, il vivait ce que les autres éprouvaient à son égard. Un sourire se manifesta sur ses lèvres. Il était heureux de vivre une telle expérience. Juxtaposant ses deux mains l’une contre l’autre, il fit apparaitre son précieux sabre. Il était grand temps de passer au stade supérieur en donnant le meilleur de lui-même. « Tu n’as encore rien vu. Terminons cet échauffement si tu veux bien. Je n’ai pas toute la journée. Et puis, je dois m'emparer de cette belle demeure. »

La suite augurait un grand nombre de souffrances, pas seulement pour lui, mais aussi pour elle. Cet affrontement avait tout d’une mise à mort entre deux démons prêts à s’entretuer. L’enclenchement de la seconde phase se fit lorsque Z le magnifique employa sa magie de l’ombre dans le but d’atteindre la séduisante reine de ce royaume. Toujours aussi vaillante, elle donna un violent coup de talon au sol qui relâcha une intense vague de chaleur et qui annula la progression, après quoi elle s’assoupit dans un ultime crépitement. Rien que pour ça, il devait redoubler de vigilance en ne la lâchant pas une seule seconde des yeux. Depuis le début, elle avait exposé de bonnes facultés telles que le contrôle du vent et maintenant ce qui ressemblait au feu, à moins que ce ne soit qu’un changement de climat. Qu’importe ce que c’était, elle disposait d’atouts considérables pour le faire fléchir à n’importe quel moment. Décidément, il ne pouvait pas se battre en pleine possession de ses moyens tant elle pouvait contrer n’importe lequel de ses essors. Fermant les yeux, il entra en pleine réflexion durant un instant. S’en suivit un geste rapide de sa part qui extirpa un couteau de lancer duquel il lança machinalement en direction de son adversaire. En vue de l’attaque, la femme se déporta systématiquement sur la gauche, sauf que l’arme était recouverte d’une fine couche d’ombre. Cette couverture lui permit de diriger l’attaque en modifiant la trajectoire de son outil sur sa cible, mais au lieu d’atteindre le cœur, elle effleura sa joue, traçant une belle ligne de sang sur sa peau. Ayant parvenu à lui faire part de sa surprise, le diable ne perdit pas une seule seconde et entrava successivement les chevilles de la belliqueuse afin de lui empêcher toute évasion. Armé de sa lame, il foudroya sa victime en la pourfendant de son bien, ce qui eut pour conséquence de la tailler obliquement de haut en bas. Un jaillissement de sang assez conséquent se produisit tandis qu’elle foulait un genou sur le sol. En récompense de ses efforts, il était parvenu à soumettre la démone au fort caractère. Satisfait de son enchainement, il s’approcha d’elle en apposant le métal sur son épaule. « Ce n’est pas faute de t’avoir prévenu. Je ne suis pas aussi émotif qu’ont pu l’être tes anciennes victimes. Je déteste perdre, plus encore quand on pense m’être transcendant. » Il s’interrompit net à l’instant où il vit le visage de sa proie se déformer sous un attendrissement qui rappelait la folie. Elle se tenait le ventre, transpirante et gémissante, mais malgré ça elle riait, de bon cœur qui plus est.

Sa réaction pouvait effectivement être relatée à la folie, sauf que c’était loin d’être le cas. Il pouvait relever toute la franchise dans ce rire, toute la frénésie qui cohabitait avec ses sens. Il ne faisait aucun doute qu’elle n’en avait pas terminé avec lui. D’ailleurs, cette supposition se transmua bien vite en affirmation dès l’instant où la flaque de sang disposé sur la pierre se mit à se déplacer vers elle, comme si le liquide était aimanté vers sa maitresse. Doucement, elle se redressa alors que le sang continuait de se ranimer près d’elle jusqu’à se réintroduire dans son organisme. Du moins, seulement une partie de lui, car le liquide restant demeurait en lévitation face à elle. Un phénomène paranormal qui ne pronostiquait rien de bon. Il comprit un peu trop tard ce qui produisait sous ses yeux. Il avait déjà pu voir la conception de ce pouvoir à court terme. Mirari avait effectivement appris à s’en servir, apprenant régulièrement à s’entrainer avec ce nouveau don qui ne cessait de le surprendre chaque fois qu’il le voyait à l’action. Toutefois, c’était complètement contrasté maintenant. Non seulement Kyte était loin d’être une alliée, mais en plus quelque chose lui disait qu’elle se servait de cette capacité à un degré supérieur. Il suffisait de la voir agir pour le comprendre. La vérification de cette théorie se fit dans les règles puisqu’en à peine une seconde, la flaque flottante se transforma en de longues aiguilles effilées, toutes dardées dans sa direction. Ça ne sentait clairement pas bon pour le séducteur qui chercha un possible subterfuge quant à cette agression mortelle. Hélas, elle ne lui laissa pas ce luxe et abattit sa carte maitresse en fléchant vivement ses aiguilles. Pas un geste, pas un son. Rien. Elle enclenchait manifestement celles-ci par la pensée ou pas la concentration, ce qui eut fini de révéler le haut niveau qu’elle possédait. Se défendant au meilleur de ses capacités, il coinça un nombre envisageable d’entre elles, jouant de sa dextérité pour vivement les repousser. En même temps, il devait se dresser au restant, c’est pourquoi il devait résister malgré la douleur. Qui plus est, à chaque nouvelle plaie qui naissait sur son corps, c’est la création d’une autre arme qui servit Kyte dans sa combinaison fatale. Le lynchage dura plusieurs minutes avant qu’elle ne cesse sa propagation. Zane était toujours debout, refusant de succomber au-delà des très nombreuses lésions qu’il disposait sur tout le corps. Quoiqu’il en pense, il avait toutefois perdu. Il luttait de toutes ses forces, puisant dans ses dernières ressources pour résister, mais en vain. Les poings et la mâchoire serrée, il s’effondra finalement au sol, incapable de tenir davantage. La défaite du grand Azmog était totale.

Il n’eut pas la moindre idée de combien de temps dura son anesthésie. Quelques minutes, quelques heures, peut-être même quelques jours… difficile d’établir un lien avec la réalité en cause des considérables coups qu’il avait dû essuyer. Lors de son réveil, il fut surpris de se retrouver dans un lit, non seulement couvert par les draps soyeux qui le composaient, mais aussi soigneusement bandé à l’endroit où se trouvaient ses blessures. En se hissant un peu, il confirma sa prise en soin par quelqu’un de véritablement efficace dans le domaine. Pourquoi ne l’avait-elle pas réformé en statue ? Et pire encore. À quoi rimait cette mascarade ? En voulant s'extraire du lit, l’homme poussa une petite grimace causée par l’élancement de sa douleur qui se fit ressentir. Quand bien même, il devait passer outre et obtenir quelques explications quant à cette sauvegarde. C’est en étant attiré par un parfum aux senteurs familières qu’il se dirigea en dehors de la pièce, rejoignant un large couloir qui menait à quatre portes différentes. Même s’il titubait légèrement, il se réceptionnait au mur adjacent, localisant non sans peine le lieu qu’il désirait emprunter. Au terme d’un combat psychologique contre sa propre fragilité, il parvint à atterrir dans une pièce très luxueuse. Équipé de richesses qu’il n’avait jamais vues ailleurs, il tomba aussi nez à nez avec le Bélua précédent en le heurtant involontairement. Sa vision étant encore légèrement embrumée, il ne savait que trop où ses pas le menaient. Toutefois, il reconnaissait parfaitement le bras droit en question, sa carrure inhabituelle ne passant pas inaperçue. « Où est ta maitresse ? J’ai besoin de la voir. » Il demeura silencieux un moment tandis que sa truffe laissait échapper un courant d’air. « Elle attendait ton réveil, suis-moi. » Cette déclaration ne fit que le rendre davantage suspicieux quant aux futures intentions qu’elle avait en tête. Zane ne comptait pas se soustraire pour si peu et trouverait un moyen de s’évader de ce qui évoquait une prison en dehors des apparences. Il commençait à comprendre le récit de cet homme mystérieux concernant la disparition inattendue des précédents visiteurs. Il se savait dans une impasse, c’est la raison pour laquelle il devait rapidement mettre un programme en place malgré ses innombrables lésions. Si personne n’était parvenu à s’en sortir indemne, c’est parce qu’ils s'étaient tous laissés aller à ses charmes. Le bison le convoya en passant par une petite porte, trop petite pour que le gardien ne puisse y entrer sans tout démolir. Par conséquent, il invita le démon à s’y rendre, lui adjurant qu’il ne pourrait pas s’enfuir une fois à l’intérieur. Information utile, mais à prendre avec des pincettes selon le négociateur.

Une fois passé le seuil de la porte, il ne fut pas des plus étonnés de voir la séductrice allongé sur un gigantesque coussin moelleux. En digne représentante de sa race, elle était attirée par la luxure et la paresse. En vérité, elle avait même plus d’atouts rassemblés que la plupart des seigneurs qu’il avait un jour rencontrés. Kyte était indéniablement irrésistible pour un tas de raisons qui l’auraient certainement fait succomber dans d’autres circonstances. Heureusement pour lui, son caractère fier et indomptable lui procurait une forte résistance à la tentation. Sans dire un mot, elle le toisa de haut en bas, après quoi elle lui fit signe de se rapprocher davantage. D’après les mimiques qu’il pouvait analyser, elle avait visiblement quelque chose à lui dire. Attentif, il vit alors son corps se disperser en une floraison de chauves-souris qui se rassemblèrent autour de lui en virevoltant autour de son corps. Rapidement, elle reprit sa forme d’origine dès lors qu’elle apparut dans son dos. Sa fine main effleura son épaule et contourna ses biceps pour finir sa course sur ses pectoraux. Elle approcha ensuite ses lèvres au niveau de son oreille, sortant sa langue d’une façon très sensuelle. « Tu m’intéresses, mon beau. C’est la première fois que quelqu’un me résiste autant malgré sa défaite assurée. Tu n’es pas le premier imprudent, tu n’es pas non plus le plus fort que j’ai soumis, pourtant tu possèdes cette détermination que les autres n’ont pas. Quand je t’ai combattu, j’ai pu lire en toi comme dans un livre ouvert. Je suis certaine que tu vas accomplir de belles choses à l’avenir, c’est pourquoi je trouverais fort dommage de priver le monde d’une personne comme toi. J’aurais tellement voulu te tuer ici et maintenant si seulement mon moi intérieur ne m’en empêchait pas. Même en te voyant dans cet état, je peux facilement voir que tu avais quelque chose en tête. Quel est-il ? » C’était une chance à prendre pour le diable qui voulait profiter de cette merveilleuse aubaine pour devenir plus fort qu’il ne l’était. Les terres regorgeaient de personnes aussi, voire plus douées que Kyte. Afin d’accomplir ses desseins, il devait apprendre en la présence d’individus de son calibre.

Il tourna sèchement son visage pour faire face à sa consœur, plaquant tout à coup cette dernière contre la porte. Son regard se confondit au sien, son souffle lécha sa peau. « J’y ai murement réfléchi et j’ai besoin de tes services. Apprends-moi à me servir de ce pouvoir que tu détiens, cette technique qui m’a vaincu. Enseigne-moi à subjuguer le sang, en échange duquel je répliquerais à tous tes désirs. En perdant, je me suis rendu compte de bien des choses. Le destin et toutes ces c*nn*ries ne sont pas faits pour abreuver un type comme moi. En revanche, je sais que sans me garnir d’autres arguments dans ma manche, je stagnerais toujours au même palier. Contrairement aux autres, je sais que mon potentiel est ce qu’il est uniquement par les conséquences de mes choix. J’ai besoin d’un maitre, tu vas donc être ce maitre. » Tout inférieur qu’il était face à elle, il lui ordonnait de le prendre sous son aile. Derrière cette commande se trouvait néanmoins un supplice. Dicté par sa faim, il embrassa alors la belle démone, qui en lieu et place de le repousser, perfectionna et prolongea l’échange au sein d’un rythme effréné. Cette réponse accordait au brun sa bénédiction. Ce soir, il avait indubitablement remporté une maitresse en plus d’une amante. À la fin de son enrichissement, il en ressortirait plus grandi que jamais, et surtout plus terrifiant encore.

Quelques jours plus tard, après que le marché eut été conclu entre les deux individus, Zane se rendait régulièrement chez Kyte afin d’entreprendre et de parachever son apprentissage. En contrepartie, il n’était pas exclu pour lui d’y résider pendant quelque temps en vue de lui rendre la pareille. Si le terme "servir" n'intégrait pas son vocabulaire, il préférait parler de moyens de paiement. Il n’était à la botte de personne et ne le serait jamais. Pas avec les ambitions qu’il avait en tête en tout cas. Durant les premiers jours par exemple, le ténébreux avait appris à bien exploiter sa magie autour de ce liquide si particulier à ses yeux. Sur l’ordre de sa bonne mémoire et la facilité avec laquelle il était susceptible d’apprendre, ils avaient toutefois sauté les bases pour se concentrer davantage sur la domination et son fonctionnement. Force est d’admettre qu’elle connaissait très bien ses pouvoirs et les multiples façons dont elle pouvait s’en servir. Elle lui ressemblait pour ça, car lui aussi avait perfectionné la moindre de ses techniques avant de décider d’apprendre celle-ci, sans quoi il ne l’aurait jamais fait. Par chance, il manipulait déjà l’ombre et savait par conséquent se servir de plusieurs modes de pratique. Le sang était toutefois complètement différent à l’ombre pour bien des inspirations. Pour commencer, le sang ne se trouvait pas en abondance, et bien souvent c’est dans son propre corps qu’elle était puisée.

Pour parfaire ses aisances et dans le but d’augmenter le panel de ses habiletés, Zane n’avait pas froid aux yeux. Il avait de nombreuses réputations en enfer. Celles-ci parvenaient même à l’extérieur des murs. Il était principalement connu pour ne reculer devant rien ni personne, comme aujourd’hui par exemple, allant jusqu’à se mesurer à plus fort que lui. La défaite n’étant jamais une fin en soi, il savait user de ses autres atouts tels que le charme dont il était pourvu pour faire tourner des têtes. En devenant apprenti, il régressait, certes, mais ce ne serait que provisoire et désuet comparativement à ce qui émanerait de lui à l’avenir. Kyte était une bénédiction pour lui, car pour accomplir son destin, il devra verser énormément de sang. Sources de munitions illimitées, c’est un pouvoir merveilleux qu’il comptait bien récolter parmi tant d’autres. Au lendemain d’une bonne nuit d’amour lors d’une succession d’actes sexuels aux prouesses étonnantes, le diable attendait ses prochains stages avec impatience. Il se tenait immobile dans la salle que lui avait indiquée son hôte. Il s’agissait d’une grande étendue où dormaient des armes en tous genres. Toutes sans exception étaient létales, indiquant d’emblée qu’elles n’étaient pas là pour la décoration. Les jugeant d’un toucher tactile, il était assez expérimenté dans la chasse pour comprendre qu’elles étaient quotidiennement utilisées. Alors qu’il s’était emparé d’une imposante masse pourvue de longues piques noires, le dément engagea quelques rotations avec. À ce moment précis, elle entra. Elle était élégante, allant même jusqu’à dire qu’elle était ravissante. Elle était venue avec une grande robe fendue sur le côté qui laissait entrevoir ses belles jambes galbées et des fesses qu’on pouvait fixer d’irréprochables. L’allure et le maintien d’une reine, une véritable. Une main posée sur ses hanches, son visage ne trahissait d’aucune émotion. Elle était déjà prête pour l’enseignement, et pour la première fois de sa vie, il se sentait moindre à quelqu’un. « Comme convenu, tu es mon serviteur le temps que durera ton initiation. Plus tu seras alangui et incapable, plus ton calvaire durera. » En un bref regard sur l’arme qu’il disposait entre ses mains, elle lui fit signe de la conserver. « Tu en auras besoin, gardes là. Pour commencer, tu dois m’atteindre suffisamment pour que je te fasse une seconde démonstration. Pas de cadeau entre nous. » C’était l’évidence même. Les démons n’avaient pas pour habitude d’être doux entre eux. La générosité n’existait pas, et c’était tant mieux. Selon certaines croyances, la progression d’un être se trouvait fortement limitée s’il n’était pas poussé à bout. Toute chute permet de se relever encore plus fort. Et toute violence est bonne à prendre pour faire sortir le monstre qui vit en chaque personne. La différence, c’est que celui des démons était amplement plus intensif. « Aucune chance que tu réitères le même exploit deux fois d’affiler. Je deviens plus mortel après chaque combat. » Le phénix aux ailes de chauves-souris était prêt pour renaitre de ses cendres. Son sourire n’était pas aussi railleur que la fois précédente. Il comportait un soupçon de méfiance. Cette fois-ci il redoutait son adversaire, c’est pourquoi il serait indéfiniment sur ses gardes et doublement plus menaçant.

Ne commettant jamais deux fois la même erreur, il ne se précipita pas. En revanche, avant même que la guerrière aux statues n’entre dans la salle, il avait déjà préparé son piège. Pratiquement invisible à l’œil nu, une couche d’ombre se trouvait dépliée sur toute la longueur du plafond. Pour qui n’était pas au courant ou très observateur, il était impossible de le voir. D’un geste véloce comparable à un ordre strict, il annula l’ombre qui éclata comme une vulgaire bulle. C’est à ce moment-là qu’elle leva les yeux au ciel, mais il était déjà trop tard pour qu’elle y échappe. Sous les ténèbres, il avait camouflé une grande quantité de pierre qu’il avait créé pour qu’elles aient toutes une taille convenable. Se procurant un élan de recul à la toute dernière seconde, c’est une avalanche de gravats qui s’abattit sur la femme. Aussi puissante pouvait-elle être qu’elle n’avait pas la moindre chance de se dérober. L’avalanche dura plusieurs secondes selon laquelle un nombre important de dommages s’était produit aux alentours. Les armes étaient toutes tombées au sol tandis que Kyte était un genou à terre. Elle avait eu le réflexe de se protéger de ses grandes ailes qu’elle avait préalablement renforcées par la magie. Si elle croyait cependant avoir échappé au pire, c’est que son jugement était des plus erroné. Alors qu’il avait envisagé qu’elle en réchapperait à coup sûr, il s’était rué jusqu’à elle dès l’instant où la dernière pierre avait touché le sol. Muni de son énorme masse, il expédia l’énorme masse de toutes ses forces à la rencontre de son buste. Si elle tenta effectivement de bloquer l’assaut tant bien que mal avec ses bras, elle échoua et fut durement projetée contre le mur qui s’effrita suite à ça. Ses bras saignaient abondamment, mais elle avait évité une conclusion bien pire. « Bien joué… Tu es surprenant… Zane Azmog. » Un compliment qui le mit plus mal à l’aise qu’autre chose, si bien qu’il recula d’un pas par réflexe. Ca ne sentait pas bon, pour attestation le liquide rougissant qui ondoyait désormais à l’extérieur de son corps. Elle préparait une attaque d’envergure. « Pour contrôler le sang, mon beau, il faut savoir être assidu en lui saturant une bonne quantité de magie. Si tu en fixes trop, la manipulation ne sera pas absolue et deviendra indécise. Si tu n’en mets pas assez, la distance avec laquelle tu peux la manipuler devient aléatoire, et c’est souvent un flop. » Comme pour corroborer ses dires, elle jeta sa main en avant ce qui eut pour conséquence de rejeter tout le sang qu’elle avait amassé en totalité. Du moins presque, puisqu’elle refit rentrer le reste dans son organisme. Quatre lances très effilées couraient à présent vers lui. Zane tenta de les rejeter grâce à la masse qu’il maniait via sa superforce pour plus de facilité, mais c’était sans compter sur la tacticienne qui parvint à réunir les quatre lances pour former une immense paire de serres pour plaquer brusquement le démon contre une couche de béton en plus de le comprimer d’une pression bestiale. La pointe des griffes s’enfonça douloureusement dans sa peau avant de le projeter et de l’aplatir contre terre. La serre retourna ensuite près de sa propriétaire en agissant comme une sorte d’aile qu’elle plaça derrière elle, dans l’attente. « Bien. Maintenant à ton tour. Essaie d’imprégner ta magie à l’intérieur. C’est une opération plus délicate qu’il n’y parait. Il ne suffit pas de le vouloir, il faut le pouvoir. » Elle avait raison. Depuis l’instant où il s’était mis à saigner, l’homme avait essayé d’apprivoiser le sang en y injectant de la magie, mais tout ce qu’il parvenait à faire, c’était de lui faire accomplir quelques vulgaires centimètres. C’était loin d’être suffisant. Un maillet cramoisi vint alors le percuter de plein fouet, se servant de son corps comme d’une vulgaire balle. Face contre terre, blessé et meurtri de part en part, son aspect représentait au mieux celui d’un vagabond tant plus rien ne tenait en place. Il devait laisser son élégance au vestiaire et persévérer. Un filament de sang commença à se mouvoir dans la direction de Kyte, mais il se fit encore décontenancer par une liane qui enlaça ses pieds avant de le projeter en l’air. Ne s’avouant pas vaincu pour autant, il comprenait petit à petit les mécanismes de ce contrôle. Muni de sa fureur et de ses connaissances, il parvint à contrôler momentanément la liane afin de la défaire. En ce bref instant, il projeta des aiguilles de sang sur la dominatrice. Malheureusement, elle s’abrita à la faveur de sa griffe avant de se téléporter jusqu’à lui pour lui fournir un puissant coup de talon dans l’abdomen. Décontenancé, mais pas encore tenu en échec, il s’apprêta à riposter jusqu’à ce qu’elle mette son index sur son front, le paralysant instantanément. Elle le libéra la seconde d’après. « C’est terminé. Tu as compris comment ça fonctionnait. Tu auras encore besoin de pratique pour le raffiner, mais tu as saisi l’essentiel. Tu apprends vite. » Il se redressa avec difficulté en s'assistant du mur pour ne pas rechuter, un sourire de gaieté sur ses lippes. « T’en fais pas, je risque de repasser pour en apprendre encore et toujours plus de toi. Il me faut te supplanter si je veux surpasser les autres. » L’apprentissage étant désormais terminé, il lui restait toutefois beaucoup d’autres rites à accomplir pour s’élever au rang qu’il briguait. Devenir le plus fort des démons dans un premier temps pour ensuite devenir l’homme le plus fort de ces terres, voilà ce qu’était sa nouvelle finalité.