Cordialement appuyé sur une pile de cadavres se situant près du volcan ardent, l’homme étirait ses membres après avoir parachevé plusieurs combats acharnés. C’est par le visage tapissé de sang qu’il bâilla ensuite avant de quitter son siège cadavérique. Ces meurtres crapuleux avaient été les conséquences d’un simple interrogatoire. Celui-ci s’était bien déroulé à l’exception d’une parole malheureuse qui avait engendré beaucoup de sinistres par la suite. Jetant un regard derrière lui, Zane continua son chemin tout en étanchant les taches sur sa peau et en rectifiant les plis de son matériel vestimentaire. Qu’importe l’occasion, sa doctrine le forçait à être irréprochable esthétiquement parlant. Pour en revenir à l’essence même de sa venue dans un endroit aussi hasardeux, le démon avait perçu certaines rumeurs depuis maintenant plusieurs jours. Les enfers étant la source même du mal et des vices les plus infâmes, il était parfaitement ordinaire d’entendre parler régulièrement de cas à part qui se distinguaient des autres névrosés que ce monde avait à offrir. S’il était sain d’esprit en admettant que la normalité fût subjective, celui dont il avait entendu parler récemment parvenait même à se faire maudire et redouter par les pires crapules. Avec les données qu’il venait d’obtenir, il avait appris où cet homme était domicilié en plus des expériences terrifiantes qu’il menait. Son domaine de prédilection étant la peur, il cherchait manifestement à l’étudier au plus près. Ainsi, ce mercenaire de la crainte kidnappait beaucoup de personnes sans se préoccuper de la race, et c’est bien pour cela que les autres n’appréciaient guère ses méthodes. Autant il pouvait travailler sur n’importe quel bébé s’il le souhaitait, autant s’en prendre à son propre peuple était synonyme de folie.

Cependant, ce n’est pas pour ça que le bel homme comptait aller à sa rencontre. Se mettre au défi de risquer sa vie pour voir s’il avait effectivement des peurs, et si oui de quel ordre elles étaient. Là était tout l’intérêt de rencontrer ce personnage. La curiosité est certes un vilain défaut, mais ce défaut était parmi les autres, celui qui lui permettait étrangement de croître plus vite que la moyenne. Qu’importe ce qui se produirait lors de cette entrevue puisqu’il avait déjà pour prétention d’être l’un de ses cobayes. Se connaitre soi-même était essentiel pour que l’évolution soit transcendante. Pour atteindre le sommet, il devait absolument annihiler toute forme de faiblesse en lui. Pour le coup, c’était l’occasion rêvée d’appréhender le futur de son existence. En marchant jusqu’à l’emplacement reculé qu’on lui avait annoncé, le démon sentit une présence malsaine près de lui, et ce malgré la dissertation qui faisait rage. En se concentrant davantage, il comprit qu’il n’était pas seul. Autre chose attirait son attention, c’est qu’il ne s’agissait pas d’un de ses confrères. Habitué à sentir l’aura et à plus ou moins la reconnaitre, il mettait sa main à couper sur un sorcier ou bien sur un vampire. En tournant vertueusement le visage, ses yeux heurtèrent effectivement la présence d’une femme. D’après une brève observation, elle semblait jeune, très jeune. Peut-être la vingtaine en terme physique. Sauf que si c’était bel et bien une suceuse de sang, alors rien d’anormal à cette jeunesse n’apparente. Intrigué par la présence d’une intruse ici, le diable déploya instantanément la main pour l'encercler de lances forgées par l’ombre et qui la mirent en joue.

Les vampires, bien qu’étant très proches d’eux en terme de mauvaises aspirations demeuraient toutefois des ennemis comme tout le reste. Mettant de côté les nombreux points communs qu’ils avaient, il n’était pas dans les penchants de l’homme de laisser n’importe quelle personne se promener naturellement chez lui. Le simple fait qu’elle se trouvait là était déjà une faute en soi. Il se demandait même comment elle avait réussi à survivre. « J’ai la flemme, alors je vais faire court. Donne-moi une seule raison de t’épargner. » À mort les protocoles et tout ce qui entravait la rapidité de ses préméditations. Zane aurait parfaitement pu s’en débarrasser ici et maintenant sans demander son reste, mais son intuition lui avait révélé de ne pas le faire. Peut-être parviendrait-elle à le convaincre de renoncer, ou peut-être que non. Dans une situation pareille, se défendre était délicat, c’est pourquoi il s’apprêtait déjà à la transpercer de toute part sans même attendre ses éclaircissements.