« Chère Ultimage,
J'espère que vous vous portez pour le mieux et que les choses sont rentrées dans l'ordre à Caelum. J'aimerai beaucoup avoir des nouvelles de vos terres. Il m'arrive très peu souvent de sortir de la maison qui m'a été assignée. Je crains manquer de compagnie et je n'ai pas revu le Monarque Démoniaque depuis que je suis ici. Je commence à me demander si ses envies ne lui sont pas passés. Je l'espère. Comme je vous le disais, je me sens un peu seule ces derniers jours. J'aimerai beaucoup qu'un Magicien me rejoigne. Bien à vous. C. »

Habillée de la même robe qu'elle avait emprunté dans la penderie royale, la jeune femme relut la copie de la lettre qu'elle avait envoyé à son autre. A vrai dire, elle s'ennuyait particulièrement depuis qu'elle était ici. Les Démons avaient dû recevoir l'ordre de ne pas la toucher, même si certains ne se gênaient pas pour cracher des commentaires acerbes lorsqu'elle sortait prendre l'air. Elle rentrait souvent rapidement, ne supportant pas les regards qu'ils lui lançaient. Aussi, elle se leva, s'approchant du miroir qui se trouvait là. Avait-elle l'air si bénéfique ? Passant ses doigts dans sa chevelure de jais, elle repensa à son passé, à ce qu'elle cachait. « Hum... ». Pourquoi était-elle encore ici ? Elle se posait réellement la question. Zane ne semblait plus s'intéresser le moins du monde à elle. Savait-il ce qu'elle manigançait ? Elle pinça doucement ses lèvres. Aujourd'hui, elle avait pris la décision de sortir de son habitation pour marcher dans les rues de l'Enfer. Beaucoup d'endroits avaient été détruits du fait de l'insurrection du peuple. Le départ de Gaïa et la conjoncture qui avait suivi avait mis le feu aux poudres. Était-elle désirable ? Cette pensée naissante dans son esprit la fit rougir comme un coquelicot. Non, elle ne l'était pas. Son corps était difforme, sa poitrine trop généreuse, ses hanches trop rondes et sa taille... non, sa taille avait l'avantage d'être menue. Ce corps lui posait problème. Elle n'y avait jamais été habituée et, à vrai dire, ce n'était pas réellement le sien. Si. Il était son corps véritable. Simplement, ses cheveux n'avaient pas cette couleur charbon au naturel. Elle soupira. Elle aurait tant aimé retrouver son apparence d'antan, celle qui ne lui faisait pas se questionner sur ses atouts. Si cette apparence là n'avait été que pur mensonge, elle avait peur de ce que son physique actuel provoquait chez les êtres qui passaient à côté d'elle. Ils la regardaient, ils l'effrayaient.

Elle finit par se détourner de la glace, sortant de la maison pour se retrouver dans une rue bien calme. Elle se demandait si cela était normal, si Zane l'avait envoyé dans un quartier peu fréquenté hormis à certains moments de la journée, ou s'il s'agissait d'une occasion spéciale. Qu'importe, cela l'arrangeait grandement. Elle ne souhaitait pas avoir à répondre aux sifflements et aux propositions indécentes des Démons. Même les femmes lui proposaient des choses qu'elle n'aurait pu croire possibles. Sur ses gardes, elle avançait néanmoins, bien décidée à ne pas se laisser intimider cette fois. Au bout de quelques longues minutes, elle se retrouva devant une étrange demeure. Ce n'était pas l'architecture de cette dernière qui posait problème mais plus les étranges statues qui se trouvaient devant celle-ci. « Non... » murmura la jeune femme. C'était impossible, tout bonnement impossible. Ces statues de pierres lui rappelaient les Syrkell. Inspirant doucement, elle expira tout aussi lentement pour essayer de contenir son désarroi. Elle paniquait pour un rien. Les Sirènes possédaient ce don, il était commun. Il était aisé de penser qu'un Démon puisse arriver au même résultat et puis, à vrai dire, rien ne lui révélait que ces statues étaient des êtres vivants... Elle finit néanmoins par s'approcher de l'une d'elles. Ses doigts blancs frôlèrent le visage de l'homme qui y était représenté. Elle avait une impression si étrange concernant ce dernier, comme si... « Je... ». Peut-être était-ce une créature démoniaque ? Légèrement effrayée par cette solution, elle se recula d'un pas. Elle ne pouvait pas toujours faire semblant d'être forte face à l'inconnu. Elle avait peur qu'on la touche, qu'on l'emprisonne, qu'on la contraigne et, pourtant, ça l'attirait inexorablement. Aussi, plongée dans ses pensées, elle ne sentit pas un individu approcher. Lorsque celui-ci posa sa main sur son épaule, elle sursauta, poussant un léger cri de surprise.

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Edwina se retourna pour faire face à un homme qu'elle ne reconnut pas. « Je... ». Son contact lui avait paru étrange, comme si un courant particulier venait de passer entre eux. Elle n'aurait su dire pourquoi mais elle avait l'impression que son Destin était lié à cet individu. Rougissant devant les yeux de son interlocuteur qui la contemplaient, elle ne fut pourtant guère surprise de sa question. Était-il un Démon venu pour l'appréhender car elle était sortie de ses appartements ? Elle ne le croyait pas. Était-il un Magicien ? Elle n'en savait rien. Pourtant, sa question semblait aller en ce sens. Il devait être celui que la « Reine » lui avait envoyée afin de lui tenir compagnie. Elle contempla un instant ses yeux, se perdant à l'intérieur d'une bien étrange façon. Il dégageait quelque chose, bien que cela soit bien moindre comparé à l'aura qui entourait sa propre personne. Elle était attirée par lui, sans savoir pourquoi. « Nous nous connaissons, non ? » murmura-t-elle comme toute réponse à sa question. Elle s'avança d'ailleurs un peu. Elle n'avait pas peur de lui, quand bien même il avait sans doute le pouvoir de la rendre mal à l'aise. Il était... différent. Elle pencha la tête sur le côté, essayant de deviner son identité. Il y avait quelque chose... de familier chez lui. Elle finit néanmoins par abandonner. « Hum. Excusez-moi. Ma mémoire me joue des tours parfois et je... ». Elle s'arrêta de parler, passant l'une de ses mains dans ses cheveux. Elle venait de se rappeler où ils se trouvaient exactement et, par la même occasion, de la présence des étranges statues qui habillaient la maison et ses jardins. Elle devait toutefois lui répondre. Que lui dire ? Là était la question. Devait-elle lui avouer être la Reine véritable ? Devait-elle lui expliquer le pourquoi de sa présence ici ? S'il devait passer du temps en sa compagnie, elle ne pourrait pas lui cacher toutes ces choses indéfiniment de toute façon. Aussi, comme si une mouche l'avait piquée, elle finit par lui prendre la main, l'entraînant un peu à l'écart de la bâtisse. Pour l'instant, elle préférait ne pas s'en préoccuper, même si bien des questions avaient germé dans son esprit. « C'est... comment dire ? Une assez longue histoire. ». Elle attrapa de nouveau l'une de ses mèches de cheveux avant de pincer ses lèvres pendant qu'elle réfléchissait. Devait-elle tout lui avouer, sans aucune pudeur, sans aucune once de mystère ? Elle prit cette initiative. « Je ne devrais pas vous parler de tout ceci... C'est assez embarrassant. J'aimerai pouvoir compter sur votre entière discrétion... ».  Elle n'attendit pourtant pas qu'il lui confirme être une personne de confiance. Si Eorane l'avait mené jusqu'à elle – et elle n'en doutait pas – il devait répondre à toutes les qualités requises pour cette mission délicate. « Je n'ai pas vraiment été... enlevée dirons-nous. ». Elle détourna les yeux vers un point quelconque, comme si elle venait d'avouer avoir fait une bêtise. « J'ai quelque peu... coopéré. Et je n'ai pas voulu rentrer parce que... ». Elle soupira, ayant bien de mal à avouer ce qui lui était passé par la tête. Il ne trouverait sans doute pas cela logique. « Le nouveau Monarque Démoniaque m'a... Il... ». Elle soupira une nouvelle fois, n'arrivant pas à lui expliquer son point de vue. Qu'allait-elle avancer ? Qu'elle était restée ici après que le Roi des Démons lui ait déclaré nourrir à son égard des envies qu'elle ne pouvait tolérer ? C'était ridicule. Quand bien même elle avait trouvé son entreprise logique plus tôt, l'expliquer à voix haute la rendait totalement dénuée de fondements. « Je suis restée là pour éviter que Zane ne s'approche de moi. » finit-elle par souffler. « C'est que... la femme qui gouverne actuellement possède la magie de me ressembler et je me suis dit qu'il penserait qu'elle est moi et que je suis elle. Ce qui fait qu'il ne chercherait pas à venir me voir, pensant qu'il n'aurait à faire qu'à un leurre. ». Elle n'était pas certaine d'être claire. « Et comme je m'ennuyais puisque mon plan semble fonctionner, j'ai demandé à cette femme qui se fait passer pour moi de m'envoyer quelqu'un avec qui je pourrai... échanger, tout simplement. ». Gênée, elle lança un coup d’œil à l'étrange maison.

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