D’une réputation forgée dans la sensualité et la cruauté, elle se faisait un nom capable d’inspirer le désir et la crainte. Megæra était une belle femme, jouant de ses atouts et de ses charmes pour parfaire son petit univers. Une main de fer dans un gant de velours, elle était maîtresse des nuits pour le bonheur d’un jour. Parfois, elle rejoignait ses artistes sur scène, le temps d’une prestation qui suffisait à prouver qu’elle n’était pas qu’une directrice mais aussi une fabuleuse danseuse, une divine créature à la silhouette sulfureuse et la mine ravageuse. Elle aimait plaire, se savoir épiée par des regards curieux. Elle endossait avec délice le rôle d’ange du soir dont l’on n’oublierait jamais le sourire. Certains la pensaient frivole, superficielle et arrogante. Ils n’avaient pas tout à fait tort. La jeune femme était imbue de sa personne, un brin orgueilleux et définitivement impertinente. Seulement, mieux valait ne pas sous-estimer la Bélua qui tenait plus de la panthère que du lapin. Elle était sévère, stricte et impitoyable. Ceux qui dérogeaient aux règles s’en rendaient vite compte. Assise sur le fauteuil en velours de l’autre côté du bureau de l’Impératrice de Pabamiel, Megæra signait de son écriture délicate quelques papiers à l’encre noire. Lady Elena Marellye s’empara des documents qu’elle parcourut rapidement des yeux. Dans un sourire, elle murmura : « Bien, tout est en ordre. Bienvenue dans la Cité libre de Pabamiel. » Elle déposa doucement un jeu de longues clefs sur le meuble. « Un soldat vous mènera à votre demeure. Elle se trouve à Maremiel. » La Lapine devenait propriétaire d’une maison ainsi que du magnifique cabaret perché près d’une cascade de Jalahaiah. « Jasarael abrite bien des perles. Je suis persuadée que vous parviendrez à exploiter leur éclat. » - « Merci de votre confiance, Phénix. Puis-je demander comment se porte Rellyra ? » L’envoutante Sirène avait toujours voulu diriger le cabaret. On lui en avait refusé la direction tant son renom était celui des filles dont elle vendait le corps. Les gens préféraient qu’elle reste à Tsuna. Une confrontation avait éclaté lorsque Megæra l’avait rencontré. « Je suppose qu’elle cherche un moyen de se venger. Soyez plus futée. »

Un léger sourire satisfait aux lèvres, Megæra longeait les tables rondes près de la scène de son nouveau cabaret. L’ambiance était très différente que celle de l’établissement qu’elle gérait à la Cité Engloutie. Cela lui plaisait. Elle songeait aux possibilités qu’offrait ce lieu, la façon dont elle devrait façonner les numéros pour qu’ils charment le public de la région. « C’est la nouvelle patronne. » - « Oui. » Quelques voix soufflaient tout bas quelques mots. Les rumeurs allaient de bon train depuis quelques jours. La Lapine avait déjà rencontré quelques filles mais pas la troupe entière. « Mesdemoiselles. » articula-t-elle sèchement. Les intéressées s’empressèrent de quitter leur cachette. « Enchantée de vous rencontrer. » - « Nous vous attendions. » Megæra sourit. « Prévenez les autres. Je veux que tout le personnel soit dans cette salle dans une heure précise. » - « Bien, madame. » Elles filèrent à travers les couloirs. Sur le chemin, elles discutèrent un instant : « C’était elle, n’est-ce pas ? » - « Je crois. Elle commence à être bien réputée dans notre milieu. Il paraît qu’un type a violenté une fille à l’Anavælyam et qu’elle l’a empoisonné. Il aurait frôlé la mort, presque rendu son dernier souffle et agonisé des heures avant qu’elle daigne qu’on lui porte secours. » - « Au moins, on peut être certaines qu’elle nous protègera. » - « Oui, pourvu que l’on fasse bien notre travail. » Il y avait tant de ragots à son sujet. « Tu sais comment les gens l’appellent ? La Fleur du Mal. C’est une femme tellement sublime. Une vraie rose. Seulement, elle a des épines de poison. »

Profitant des quelques instants de liberté, la Bélua se mit à flâner dans les grandes allées fleuries des beaux quartiers. Elle tourna même la poignée de sa nouvelle résidence, une belle et grande maison blanche à deux pas des cascades du cœur de la Cité. Elle fit le tour des pièces, ravie par ce qu’elle voyait. Elle s’arrêta dans le salon, intriguée par l’arme qui reposait sur la table basse. Elle était passée près d’elle il y a un instant. Les deux éventails, dont elle distinguait les lames sous le velours, venaient d’apparaitre. Elle jeta un coup d’œil de chaque côté. La maison était vide. Intriguée, elle les attrapa pour les lâcher aussitôt. Elle avait vu quelque chose quand elle les avait touchés. Avec plus de précaution, elle retenta l’expérience. « Bonjour à toi, élue de la Voie du Dragon. »