Douce Mohr [Quête - Solo]

Lun 13 Juil 2015, 18:26

Anita regarda les deux petites filles jouer ensemble. Orisha et humaine, deux cultures différentes, réunies dans la même pièce. Elles s'entendaient pourtant à merveilles, si on regardait bien, car sinon on voyait juste qu'Alix était très enthousiaste alors que Prune ne semblait pas bien réceptive. La magicienne soupira, amusée, cela lui faisait toujours bizarre d'être la nounou de ces deux petites, Léto l'avait assignée ainsi du jour au lendemain. Ce n'est pas comme si cela la déplaisait, bien au contraire ! C'est juste que cela tombait un peu comme un cheveu dans la soupe cette histoire, c'était à la fois amusant et étrange. Quoiqu'il en soit, la mage s'y faisait à cette vie, d'accompagner une chamane en quête de liberté, avec son amie mord'th, l'ami berserker de la mord'th, et cet esprit froid qui lui jetait des regards assassins à tout bout de champ.

Malgré sa candeur, la jeune fille devait avouer qu'Oberon, l'esprit-compagnon de Léto, était loin d'être une personne qu'elle appréciait. Elle a eu vent de son histoire auprès de Galick, mais sa tentative de compassion envers lui s'était soldée par une violente réaction de sa part. S'il était encore vivant, il aurait pu la blesser. On avait fini par la convaincre qu'elle ne pourra jamais apaiser cet esprit, car tel n'était pas son rôle et il ne le sera jamais tant qu'elle sera une patriote des magiciens. De par sa nature, Anita avait laissé très rapidement l'eau couler sous les ponts, mais ce n'était pas le cas de l'élémental qui ne rata pas une occasion de lui rappeler cette dissension. Parfois, elle s'imaginait tous les esprits élémentaires morts, qui cherchaient à affecter le moral des magiciens et sorciers vivants. Sa vision du conflit avait radicalement changé depuis sa rencontre avec Léto…

" Mes fifilles ! S'exclama la blonde en pénétrant dans la pièce, le visage de Prune s'éclaircit en présence de sa mère, et Alix était tout autant ravie de voir sa mère adoptive. Vous faisiez quoi ? L'humaine tendit un modeste livre.
- Je montrais à Prune ce bouquin que j'ai trouvé à la bibliothèque, ça montre des techniques de combat avec des bâtons, il y a plein d'images, on dirait qu'ils dansent ! La petite se tourna brièvement vers l'orisha qui restait sur place et s'approcha un peu de Léto pour chuchoter. Mais elle n'est pas très attentive…
- C'est nul. La chamane laissa échapper un rire nerveux, sa fille biologique avait toujours autant de tact…
- Il est où Papa ? Demanda alors l'humaine, avec son regard de chiot.
- Justement, je pensais qu'il était avec toi. Anita, tu n'aurais pas vu Oberon ? La magicienne se retint de montrer le moindre signe d'irrévérence à cet égard.
- Toutes mes excuses, messire Mohr n'est pas apparu à moi aujourd'hui. Léto soupira, exaspérée par la discrétion de son compagnon.
- Où est-ce qu'il est… Son regard vairon s'attarda sur Alix, visiblement inquiète. Ne t'en fais pas, Petiote, il ne doit pas être loin. Assura-t-elle en lui ébouriffant ses longs cheveux noirs. Prune, face à ce geste d'attention, fit une moue boudeuse et tendit les bras vers la chamane. Oooh, ma petite Prunette, tu t'inquiètes pour tonton Oberon aussi ? Dit-elle en la soulevant dans ses bras, pour avoir un câlin.
- Prune. " Corrigea la petite princesse gâtée, puis elle se fichait bien du défunt à vrai dire.

La magicienne observa l'extérieur : le zénith pointait le bout de son nez. A cela, la chamane lui demanda de nourrir les petites, tandis qu'elle farfouillerait la Vigilante, en quête du ténébreux esprit. Alors qu'elle s'occupait évidemment des enfants, Anita devait avouer que c'était étrange qu'Oberon disparaisse sans crier gare. Ce n'était pas son genre de faire des cachotteries, il collait Léto à longueur de journée, bien que cette activité ne lui plaise guère. Il se contentait juste de remplir son rôle d'esprit-compagnon, c'est tout. Il savait que sans lui, Léto serait désarmée ; bon, la chamane n'avait pas besoin d'être sur ses gardes à Ciel-Ouvert – la majorité des Marcheurs se chargeaient de veiller au grain – mais tout de même, cette absence demeurait suspecte. La jeune fille finit par laisser tomber cette réflexion pour se concentrer sur le bien-être des filles, car tel était l'une de ses occupation en tant qu'alliée de la chamane. De toute façon, le lendemain, elle allait retourner au Cœur bleu, alors autant en profiter un petit peu avant de passer le relais à la mord'th !

Le soir même, Léto ne se manifesta pas à elle, et Thémis affirma qu'elle allait dîner plus tard. Bien que soucieuse, la mage n'en fit pas un tracas et dormit paisiblement, persuadée qu'elle allait avoir des nouvelles plus tard. Et cela ne rata pas, car le matin suivant, alors qu'elle apprêtait ses affaires pour le voyage, la chamane apparut à ses côtés avec Oberon, tout en déclarant qu'ils allaient l'accompagner jusqu'au Lac de la transparence. Anita plissa des yeux, la blonde restait vague et c'était assez rare pour le dire ; au moins, le gris ne semblait pas de mauvaise humeur, c'était déjà ça de gagner. Le trio accompagna une petite expédition marchande, il faut dire que la mage préférait éviter une autre escorte de la Marche Terne avant un bout de temps. Assise à l'avant d'une charrette, et que la blonde marchait à côté, Oberon non loin, Anita profita de ce moment pour en savoir plus sur les raisons de leur départ.

" Léto, puis-je vous poser une question ? Lorsqu'elle eut son autorisation, elle continua : Pourquoi voulez-vous rendre au Lac de la transparence avec moi ? La chamane croisa ses mains derrière sa nuque, jeta un bref regard à son esprit-compagnon, puis un fin sourire apparut sur ses lèvres.
- Oberon a pourchassé…
- Surveillé. Rectifia le concerné.
- … L'esprit d'une orine. Elle nous suivait et avait attendu pour nous parler. Sauf qu'elle nous a juste dit qu'elle avait besoin de nos services et qu'elle nous dira tout au Lac.
- C'est ma foi fort curieux, il est néanmoins louable de votre part d'aider cet esprit. Un semblant de rougissement fit son entrée sur les joues de la blonde.
- Je suis une chamane, j'apaise les morts en accomplissant leur volonté. " Anita ne rajouta rien, car c'était tout simplement vrai, puis c'était bien le passe-temps de Léto d'aider son prochain.

Il n'y eut pas d'autres conversations significatives par la suite, les deux jeunes femmes profitaient du paysage. De toute manière, Ciel-Ouvert n'était pas si éloigné du territoire des magiciens, ce qui écourta toute nécessité de monter le camp ou même de faire une pause entretemps. Les marchands les laissèrent donc là, non loin du ponton menant au Cœur bleu. Anita remarqua que Léto n'attendait qu'un petit mot en guise d'au revoir, mais finalement, la mage avait du temps pour accompagner la chamane dans sa quête ; bien qu'elle ne sache ni parler, ni voir les esprits, son aide pourrait peut-être s'avérer utile.

" Léto, puis-je vous accompagner pour rencontrer cet esprit ? J'ai tout mon temps si cela vous inquiète. Un grand sourire ravi s'afficha du côté de la chamane, elle se laissa aller à une bonne tape sur l'épaule.
- T'es trop gentille, Anita ! Bien sûr que tu peux venir, tu connais les lieux mieux que nous en plus ! " L'enthousiasme de Léto contrastait fortement avec l'air incommodé d'Oberon, la mage dut faire beaucoup d'effort pour ne pas être atteinte.

S'ensuivit alors une phase de recherche, où Léto vagabonda son regard de droite à gauche, le long du lac, pour localiser l'esprit. Celui-ci avait été particulièrement avare en détails, Anita avait dû en faire la remarque, parce que le Lac était quand même gigantesque et qu'elle aurait pu aider à l'escorte si elle savait quel lieu visait tout particulièrement l'orine… Mais au moins, Oberon aidait aussi à la tâche, ne faisant sûrement pas confiance à cet esprit qui ne lui disait rien qui vaille. La double paire d'yeux réussit donc à trouver cet esprit, apparemment, puisqu'Anita ne pouvait pas la voir. L'orinese tenait droite près d'un rocher, les bras le long du corps, l'expression neutre ; sa chevelure noire suivait le même trajet que ses membres supérieurs, tout aussi longs, bien que quelque peu taillés au niveau du front, et l'or de ses pupilles était pâlit par son état spectral. Son accoutrement d'avant sa mort semblait s'apparenter à celui d'une sorcière, selon la perspicacité d'Oberon, mais il ne douta pas qu'elle fasse parti du peuple des deux rives, ses traits la trahissaient que trop peu. L'orine ne disait rien, c'est là que Léto se rappela qu'elle était très peu loquace.

" Rebonjour, euh, il ne me semble pas qu'on s'est déjà présenté… L'orine haussa des épaules, aussi peu intéressée par ces formalités que l'élémental.
- Sirona. Elle coupa court à la tentative de parler de la chamane. Léto. Son regard se tourna ensuite vers le gris. Oberon. Il fronça des sourcils, elle les espionnait plus qu'il ne le pensait. Ses yeux dorés s'arrêtèrent alors que la mage, qui ne voyait pas, n'entendait pas, à son grand dam. Qui ?
- Elle s'appelle Anita. La concernée échangea un regard avec la chamane, apparemment on parlait d'elle. L'orine fronça les sourcils, cette information lui éveilla un souvenir.
- Anita Akio ? Léto écarquilla légèrement les yeux.
- Elle connait ton nom. Avant même que la magicienne n'ait le temps d'analyser la situation – elle n'avait pourtant connu aucune orine par le passé – Sirona prit l'initiative, plus empressée par les évènements.
- Talon Gilthoniel ?
- Talon Gilthoniel ? Répéta mécaniquement la chamane, un peu perdue. A ce moment-là, Anita était de suite dans la conversation.
- Talon Gilthoniel est mon mentor ! Madame, si vous savez quoique ce soit à son sujet, notamment où il se trouve à l'heure actuel, je vous en serais éternellement reconnaissante ! Sirona entendit bien, mais se garda de rajouter une couche aux maigres espoirs de l'apprentie.
- Me suivre. Somma l'orine avant de commencer à se déplacer, Léto fit un signe à Anita de la suivre, car mine de rien l'esprit était pressée.
- Il semblerait que la petite mage soit liée aux tourments de cette femme. Se permit d'ajouter Oberon, ne ratant jamais une occasion de rabaisser les magiciens.
- Anita, ça va ? La jeune fille baissa les yeux et rassembla beaucoup de courage pour de nouveau braquer son regard cristallin sur la chamane.
- Si je vais bien ? Je l'ignore… Mon maître a disparu sans laisser de trace, il m'a abandonnée sans crier gare, et du jour au lendemain un esprit orine apparait et semble me connaître, ainsi que mon mentor… Léto n'osa pas répliquer tout de suite, elle savait bien que sa langue pouvait fourchée malgré elle. Néanmoins, elle refusait de laisser son amie broyer du noir davantage.
- Je ne sais pas ce qu'il se passe non plus, mais j'espère qu'on pourra à la fois aider cet esprit et avoir des informations sur ton maître. " Anita acquiesça, que pouvait-elle faire d'autre que de se confronter à la vérité après tout ?

1860 mots ~

By Jil ♪

Mar 29 Sep 2015, 01:01

Si Anita pensait un jour retrouver son maître adoré, elle n'aurait jamais parié sur cet endroit glauque. L'orine spectrale les avait menés en direction des montagnes de l'Edelweiss enneigée, dans une paroi rocheuse non loin du Lac de la transparence. Les esprits s'y étaient engouffrés naturellement, mais les vivants ne pouvaient franchir l'obstacle. La magicienne avait de suite compris le tour de passe-passe et était parvenu à dissiper l'illusion de la roche pour faire apparaître l'étroite entrée. Tandis que Léto la félicita de cet exploit, Anita était de plus en plus convaincue que Sirona ne les trompait pas : Talon avait l'habitude d'user à foison des illusions trompeuses partout où il passait, comme pour masquer ses traces. S'il y avait bien un magicien au monde qui s'engouffrerait là-dedans, c'était bien lui.

Le chemin suivant fut constitué d'une longue route qui s'enfouissait de plus en plus dans les profondeurs. Au bout du compte, une lampe magique les accueillit, la flamme bleutée, caractéristique des magiciens, dessinèrent une petite pièce : une table ronde avec des tas de documents dessus, un encrier vide, une étagère avec quelques ouvrages, et un grognement agacé survenait de la pièce voisine, séparée de celle-ci par des barreaux. Léto glissa un coup d'œil là-dedans et découvrit dans la cellule – car c'en était bien une à vrai dire – une femme qui déambulait, déséquilibrée et il lui semblait que de la peau était déchirée un peu partout sur son corps. Un frisson parcourut son échine lorsqu'elle croisa son regard, même si la prisonnière ne trahit aucun signe d'hostilité.

" Un zombie ? Tenta la chamane, attirant l'attention d'Anita qui resta éloignée de la cage, à assez bonne distance pour apercevoir la mort-vivante. L'orine entra là-dedans, sans crainte bien que son expression était attristée.
- Oui. La confirmation faisait chavirer les cœurs. Ma maîtresse. Moi son orine. Oberon fronça les sourcils, cela n'avait aucune logique à ses yeux.
- Impossible, les orines ne se lient qu'à des maîtres masculins… Les femmes en tout cas. Le silence qui suivit sembla le gêner un peu. De ce que j'en ai lu. Car après tout, il n'a eu que de brefs contacts avec les orines.
- Livres stupides. Sirona braqua son regard sur sa maîtresse affligée. Mon énigme posée. M'a dupée. Croire elle homme... Elle reporta son attention vers la chamane. Vous aussi. Léto soupira avec une pointe d'amusement.
- Beaucoup me prennent encore pour un homme, pourtant je fais des efforts depuis… Elle cessa toute dérivation, la situation semblait grave de ce qu'elle en entendait, et c'était son quotidien de découvrir les histoires des esprits. Donc si je résume, vous étiez une orine qui a trouvé un maître en cette femme, parce qu'elle vous a trompé en se faisant passer pour un homme lorsqu'elle a résolu votre énigme, mais vu que le Lien demeure c'est resté… et puis elle est devenue un zombie. Sirona jeta un très bref regard à Oberon, il perçut la consternation de l'orine et s'en amusait intérieurement.
- Ère du fléau des maudits. Maîtresse mordue, disparue. Sirona chercher, pas trouver. Lien détruit. Morte ou zombie. Alors, moi morte, dix-sept ans après.
- Les orines ne peuvent vivre sans leur maître, c'était inévitable. Par contre, j'ai un peu de mal à croire que vous étiez une orine : elles sont instruites, intelligentes, et vous ne semblez même pas capable d'aligner correctement vos mots. L'orine baissa légèrement les yeux avant de fixer l'élémental, impassible.
- Longue histoire. Mais là n'était pas le sujet de leur réunion, elle se tourna alors vers Léto. Moi esprit trouver enfin maîtresse. Mais zombie non pouvoir sortir. Achevez, pitié. "

Léto lisait, et même percevait, la détresse et la résolution de Sirona, prête à tout pour mettre fin aux souffrances de celle avec qui il s'est liée par le passé. Alors que la chamane s'apprêtait à donner le coup de grâce, Anita fit une terrible découverte. Depuis le début de la conversation dont elle était passablement exclue, la jeune mage s'était recroquevillée dans les parchemins étalés sur la table. L'esprit ne sembla pas faire mention de son mentor lors de son histoire – ou du moins des quelques bribes de réponses qu'offraient la chamane et son esprit-compagnon – et Léto, comme à son habitude, devait avoir oublié ce détail, puis Oberon s'en contrecarrait royalement. La jeune fille se perdit donc dans les montagnes d'écriture : rapport chirurgicaux, observations comportementales, quelques mots intimes… et cette écriture qui ressemblait beaucoup trop à celle de Talon Gilthoniel. Elle ne voulait pas le croire, elle chercha donc davantage pour se contredire, mais lorsqu'elle y trouva son propre nom et sa signature, toute la bonne image dont il avait de lui partit à vau-l'eau.

" Léto… Souffla-t-elle avant que la blonde n'ait eu le temps d'ouvrir la cellule. Cet endroit a été habité par mon maître. La chamane rejoignit immédiatement sa partenaire, ainsi que les esprits, curieux. Ces notes, elles sont toutes écrites par mon maître, je reconnaîtrais son écriture entre mille. Et puis il y a mon nom là… et sa signature ici… Léto inspecta quelques lignes, ce qu'elle y découvrit ne l'emballa pas des masses. Si on se fie à ce qui est marqué, il aurait recueillie cette jeune femme mordue et lui a promis de tenter de la soigner… Mais devenant instable, il l'a enfermée le temps de trouver un remède. Il semblerait que le remède définitif n'ait pas fonctionné sur elle, alors il a continué ses recherches et… il a… fait des expériences à part, en faisant en sorte que cela ne l'atteigne pas…
- Un magicien déguisé en sorcier, comme c'est original. Anita devint furax sur le coup, se retournant vivement vers l'élémental, pour une fois réellement remontée contre lui.
- Mon mentor n'est pas un sorcier ! Ses expériences n'ont servi qu'à reconstituer l'humanité de cette femme, c'est tout ! Il le dit et redit dans ses notes ! Il haussa les épaules, l'air blasé.
- S'il faut croire les dires d'un mage…
- Oberon, ça suffit. Léto n'était vraiment pas friande des disputes entre ces deux là, et puis cela commençait à titiller le zombie qui s'activait un peu plus.
- Petite mage pas responsable. Maître seul coupable. Sirona pas vengeance. Aider amie, tuer zombie.
- Je vais le faire. La voix de Léto était forte, suffisamment assez pour que tout le monde se mette d'accord sur la situation. J'achève le zombie, on prend toutes les notes avec nous et comme ça Anita pourra les étudier tranquillement, ça ira ? Sirona acquiesça d'emblée : peu importe qui porterait le coup de grâce, il fallait en finir une bonne fois pour toute.
- Oui, ça me va… La magicienne commença à rassembler les documents nonchalamment, l'une des feuilles lui échappa et glissa par terre. Oberon remarqua un détail qui le titilla et s'empressa de se pencher sur le parchemin pour vérifier. Son regard se crispa lorsqu'il comprit enfin.
- Ce n'est pas vrai ! Chaque tête se tourna vers le gris, qui se releva, le regard noir en direction de la magicienne. Ton maître, il était brun ? Yeux marron ? Souvent une capuche sur la tête ? Un peu plus grand que moi ? Un point noir sous l'œil gauche ? Les pupilles claires d'Anita reflétèrent son tourment d'avoir affaire à la description exacte de son mentor.
- C-Comment vous…
- Le salopard… Il rongea son frein quelques secondes avant qu'on ne le pousse à cracher le morceau. Talon, je reconnais son écriture ; c'est ce mage qui m'avait refilé le Kurbus, qui avait fait de moi un élémental ! Il est mort de mes mains ! La révélation était comme un coup de poignard dans le cœur de la jeune fille, la métaphore s'accordait parfaitement avec le fait qu'elle avait affaire à un élémental de métal. La nouvelle anéantit Anita au point qu'elle en lâche toutes les feuilles entre ses mains.
- Drame. Lança l'orine pour détendre l'atmosphère, mais elle ne fit que monter d'un cran, avec Léto au milieu qui n'arrivait pas à s'interposer.
- Ton mentor est définitivement un sorcier pour m'avoir fait tout ça et pour continuer à me hanter même aujourd'hui ! Tu es au courant de toute l'histoire, il m'a maudit, m'a transformé et en conséquence je l'ai tué. Ta petite traque de jeune apprentie en manque est terminée, mais tu es loin d'être pardonnée. Oberon s'approcha de la cellule et désigna du doigt le zombie. L'œuvre de ton maître : prends tes responsabilités et va tuer toi-même la mort-vivante ! Là c'en était trop, la chamane voulut quitter son corps pour frapper l'élémental mais se retint au dernier moment.
- Oberon, non ! Anita n'a pas à le faire, et ne peut même pas le faire sans risque : ce zombie a l'air costaud, il pourrait l'attaquer, ou pire. L'esprit désigna à son tour la chamane.
- Reste en dehors, c'est entre elle et moi ! Son maître m'a pourri la vie, il a provoqué ma mort, je ne lui pardonnerai jamais, pas même à la petite, sauf si elle détruit ce que son ignoble mentor a créé ! Une expression colérique apparut sur le visage de la blonde, encore un peu et elle prendrait les choses en main.
- Je t'interdis de pousser Anita à…
- D'accord. Léto se retourna vers sa collègue, surprise. Il a raison. Des larmes coulaient sur les joues de son visage juvénile. Je dois laver l'honneur de mon maître. " Personne ne pouvait s'opposer à sa résolution tellement elle était puissante.

Après avoir échangé un long regard avec la chamane, celle-ci soupira et offrit une lame à contrecœur. La magicienne acquiesça et s'approcha de la cellule, elle fixa à tour de rôle les esprits avant de s'attarder sur le zombie. Son maître était mort sans qu'elle ne le sache, il l'avait abandonnée ainsi, mais il était encore temps pour elle de lui rendre un ultime hommage, afin de repartir le cœur moins lourd. Confier la tâche à Léto risquait de lui faire regretter ce geste dans le futur, elle n'avait réellement pas le choix, même si ce n'était pas l'insistance de l'élémental qui la poussait à serrer l'arme entre ses doigts et à prendre les clés pour déverrouiller la cage.

Par précaution, Léto se posta à la porte grande ouverte, afin de recueillir la magicienne si besoin et éliminer le zombie s'il tentait de s'échapper. Anita serra le manche entre ses deux doigts, s'approcha prudemment de la mort-vivante qui se collait face contre mur. Le zombie ne semblait pas faire attention à son assaillante, ce qui aida beaucoup cette dernière à la tâche ; car il fallait noter que c'était la première fois qu'Anita tenait une arme dans ses mains. Sans plus attendre, elle saisit son courage à deux mains, leva bien haut la lame et l'abattit sur les cervicales du monstre. Celui-ci, visiblement insensible à l'attaque fut pris de panique et accourut un peu partout dans la cellule, sans l'intention de sortir en tête. Pendant ce temps, Anita avait fini sur les fesses par terre, surprise par la démence du zombie. Elle se reprit rapidement, même si ses jambes tremblotantes n'aidaient pas à la tâche. Et c'est à ce moment précis que la mort-vivante se jeta gueule ouverte sur sa main accrochée au mur. Des cris de douleur franchirent les lèvres de la jeune fille, sous les yeux de Léto qui n'allait pas tarder à intervenir si cela s'éternisait trop, même Oberon ne trouva pas ce spectacle bien agréable, et encore moins Sirona. Cependant, animée par une volonté de fer, Anita parvint à glisser sa main jusqu'au manche de l'épée tandis qu'on s'acharnait sur son autre main qu'elle ne sentait même plus. D'un coup sec, elle retira la lame sur le côté, le coup sembla atteindre plusieurs points sensibles car le zombie cessa toute morsure et s'écroula par terre. La lame fit un boucan dans sa chute, tandis qu'Anita serrait sa main en sang, apeurée et larmoyante. Léto la rejoignit rapidement, s'assurant d'abord que le zombie était bien mort avant de s'occuper de sa partenaire.

" Anita, tout va bien, c'est fini. Je n'aurais pas dû te laisser faire, je n'aurais pas dû… Elle préleva un peu de sang et l'étala sur sa peau, afin de commencer la cicatrisation. La chamane jeta un regard bombé de reproches à l'élémental, celui-ci croisa les bras, il avait eu ce qu'il voulait…
- Merci. Petite mage courageuse. Honorable. Offrit comme seule compensation – certes silencieuses pour la mortelle – l'orine, très satisfaite du résultat quoiqu'évidemment inquiète pour ce que le bourreau a dû subir. Anita jeta un rapide coup d'œil à sa blessure, elle comprit instantanément d'où venait ce mal aise qui commençait à la ronger.
- Je suis désolée… " Et elle s'extirpa de l'embrassade de la blonde pour accourir dehors, loin d'ici.

La chamane, d'abord consternée par ce qu'il se passait, la poursuivit, mais perdit sa trace rapidement en sortant. Elle la chercha longuement, avec l'aide des esprits, en vain. Sirona assura qu'elle a été mordue et qu'elle allait finir dans le même état que sa compagne d'antan. Léto termina ainsi sa journée sur une grosse dispute avec Oberon, qui subit le courroux de la chamane avec force justice. Il ne répondit à aucune accusation mais était extrêmement troublé d'avoir provoqué une telle chute pour la magicienne ; au fond, il ne se pardonnait pas plus d'avoir laissé sa colère prendre le contrôle.

Pour ce qui est d'Anita, elle mourrait petit à petit à l'abri des regards. Elle préféra l'isolement plutôt qu'à une battue indésirable auprès de ses amis. Elle ne voulait pas mordre Léto, ni ses filles, ni ses amis. Au final, finir dans cet état était sans doute la plus juste de toutes les fins possibles, suite à ses vains espoirs, sa naïveté aveuglante. Un maigre sourire se dessina sur ses lèvres à cette pensée alors que toute trace de force la quitta, afin d'endosser définitivement le pire de ses cauchemars : une mort impossible.

2332 mots ~

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