Le sort en est jeté [Liberté IV | Test]

Sam 30 Jan 2016, 16:29

La guerrière soupira, exténuée par tout ce qu'elle venait de vivre. Elle n'avait rien subi, rien encaisser, toute cette entreprise était de son fait et elle avait vécu avec, tout simplement. A quoi bon souffrir de sa propre liberté après tout ? On aura beau la prendre pour une jeune femme maladroite, gaffeuse, elle n'en restait pas moins fixe sur ses convictions et ses envies. L'idée de s'affranchir a été très lourde à supporter, mais depuis qu'elle était rentrée à la maison, ce poids s'était fortement allégé et elle eut même l'impression, l'espace d'un instant, de s'être vu pousser des ailes. Qu'est-ce que sa famille penserait de cette décision ? Ça, elle avait encore le temps de le découvrir. Pour le moment, elle avait juste envie de se reposer.

Son corps robuste s'affala sur le canapé, sa tête s'enfouissait parmi les coussins douillets. Ce canapé était définitivement trop petit pour elle, il fallait qu'elle arrange ça dans les prochains jours, pas question de laisser ses jambes traîner par terre de la sorte. Elle se mit sur le dos, ses yeux fixèrent le plafond grisâtre du château, qui autrefois n'était qu'un amas de ruines abandonnées. En tant que Marcheuse, elle avait participé à la restauration de cette glorieuse cité. Sa propre patte n'avait été que superficielle par rapport aux autres contributions, mais se dire que son nom rejoignait la longue liste des libérateurs la gonflait d'espoir pour la suite. C'était un futur incertain qui l'accueillera, bien que forcément excitant pour une femme aussi amoureuse de la vie et de ses possibilités infinies.

" Déjà épuisée ? Tu n'es décidément pas prête pour la suite. "

Léto tourna la tête en direction de la porte, Thémis se tenait là, souriante, avec une bouteille de vin rouge non-ouverte. Prune la suivait de près. La petite devenait de plus en plus grande, peut-être le sera-t-elle tout autant que sa mère, elle gagnait également en prestance, influencée par la noblesse de la mord'th et les propres mimiques de son père. Ce qui était assez ironique dans un sens : Mozaga, qui n'était pas sa fille biologique, se rapprochait davantage de Léto que de son propre père, elle était si différente de sa petite sœur, fruit de l'union des deux êtres passionnés. Ce n'était pas pour autant que son amour pour ces deux pestes était faux : Léto les adorait toutes les deux, l'une autant que l'autre, rien ni personne ne se dressera entre elles, quoiqu'il arrive. C'était l'un des nombreux serments qu'elle s'était faite en acquérant sa liberté partielle.

" Hé, je peux bien me reposer un peu… Elle se releva pour s’asseoir, les coudes sur les genoux et le dos plié. J'ai pu revenir chez les miens et les chamans me laissent partir, donc… Prune vint rejoindre sa mère à côté d'elle sur le divan, Thémis ne put s'empêcher de lâcher un rire jaune quant aux propos relativement réducteurs de la guerrière.
- Des fois, j'apprécie que tu vois les choses sous le meilleur des angles, mais tu te doutes bien que ta situation est beaucoup complexe que cela, n'est-ce pas ? Elle déposa la bouteille sur le bureau et sortit deux verres, normalement réservés pour les festivités de la cité. Je ne doute point que les orishas t'accueillent à bras ouvert, après tout tu étais l'une des leurs autrefois, tu as beaucoup contribué au peuple, tu as même remporté la Coupe en leur nom. La blanche déboucha le récipient et commença à verser son contenu. Mais pour ce qui est des chamans… Tu n'as obtenu que l'approbation du souverain, et par extension de ses plus proches conseillers je suppose, mais tu ne risques pas d'échapper au courroux des tribus que le roi n'a pas dans ses bonnes grâces. Elle termina de servir et offrit sa coupe à la chamane. S'affranchir de la hiérarchie, c'est se faire beaucoup d'ennemis, tu le savais déjà, n'est-ce pas ? Léto s'empara du verre, silencieuse, puis la mord'th s'assit face à elle. Prune fixa les deux interlocutrices avec une très grande attention, obnubilée par leur conversation de grande envergure. La blonde ne répondit de suite, mais se mit soudainement à sourire à la juge.
- Ce sera beaucoup plus palpitant au moins. Thémis refréna un air de dégoût, après tout l'action ne faisait pas parti de ses hobbies : si elle avait appris à se défendre, c'était uniquement par précaution.
- Tu es drôlement confiante, depuis que tu t'es guérie de Latone avec ce nouvel esprit-compagnon, Sirona… Léto glissa son bras pour serrer sa fille contre elle, celle-ci demeura docile mais toujours aussi curieuse de leur échange. Que comptes-tu faire maintenant que tu t'es engagée dans cette voie ? La concernée haussa des épaules.
- Je n'ai rien prévu pour l'instant. La blanche secoua la tête, mais davantage par humour que par exaspération.
- Tu vis toujours au jour le jour… N'oublie cependant pas que le roi Seth conserve encore un semblant d'autorité sur toi. Tu n'es pas totalement libre, mais c'est un bon début. D'ici là… Elle leva son verre. Santé. Léto fit de même et but une très légère gorgée, consciente de la nature du liquide.
- Du vin rouge, hein…
- C'est du raffiné. Les deux amies rirent de bon cœur, cela faisait si longtemps que Léto ne s'était pas sentie aussi légère en compagnie de ses camarades. L'oppression d'hier et d'au-delà n'était plus qu'un vague souvenir, bien qu'encore présent. Soudain, on toqua à sa porte.
- Latone, les Guides se rassemblent dans le hall. " Léto confia sa fille à Thémis, la mère aimante offrit un bisou sur le front de sa petite avant de sortir, le verre en main. Une réunion des Guides, ce n'était qu'une formalité à présent.

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Le sort en est jeté [Liberté IV | Test] Oeufs3

By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 16:41

Assise sur son "trône", la chamane fit tourner le verre entre ses doigts, observant avec grande attention le liquide rougeâtre soumis à la force centrifuge. Dans cette salle, qui servait autant de banquet que de cour pour un conseil de guerre, les Guides s'étaient rassemblés et s'étaient installés chacun sur l'un des trônes, tous alignés sur un même axe pour que leurs yeux se rivent non pas sur leurs voisins mais sur le feu central. C'était ainsi que la Marche Terne opérait au sein de la Vigilante : on ne jugeait les propos des collègues que par leur voix, pas par leur visage, leur expression, ou leur accoutrement… Une philosophie bien ancrée dans la cité, qui fulminait jusqu'entre ces murs. Du moins, en théorie. Dans la pratique, Léto était bien évidemment installée entre son maître-chaman et un ami proche, et le plus éloignée des autres.

Ces autres se tenaient entre autre aux côtés de Berholt, un authentique Guide qui a longtemps servi dans la Marche. Bélua de son état, il n'avait jamais failli à ses devoirs envers la Marche et fit preuve d'une hardiesse combativité lors des raids sur les réseaux esclavagistes. En outre, il était très respecté parmi la populace, tout comme au sein des Guides. Pour sa part, Léto ne l'appréciait guère : dès son entrée dans la Marche, il s'était opposé à ce qu'on baptise Latone "la Vigilante", malgré ses actes courageux – et un chouïa suicidaires – dans les montagnes. Ses arguments ne tenaient pas non plus debout, il rejetait catégoriquement l'implication de la chamane lors de cette expédition. Bref, il ne l'aimait pas pour d'obscures raisons, alors elle en faisait de même sur les bons conseils de Tlaalee-Aan : Berholt était sans doute respecté mais il n'en restait pas moins aussi farouche que son totem, le Lion Blanc. Cela tombait bien remarque : Latone était une lionne de caractère.

" Dois-je vous rappeler nos principes les plus fondamentaux ? Tel que celui de ne pas se mêler de politique ?
- Si vous souhaitiez que Latone soit en pleine possession de ses capacités, c'était la seule solution envisageable. De plus, elle a géré cette situation avec brio : elle est dans les bonnes grâces des orishas – qui ne se sont jamais opposés à la reconstruction de notre cité au sein de leur territoire – et elle a su négocier avec le Suprême de l'Au-delà, au lieu de le trahir. Que vous approuviez ou non cette initiative, vous ne pouvez pas nier qu'elle a fait le bon choix en priorisant la diplomatie. Le lion s'accouda sur son trône, fatigué de ce combat sans fin.
- Tsk, "la diplomatie". Nommez sa victoire à la Coupe au nom des orishas, il accentua bien sur ce dernier terme pour faire comprendre son point de vue, comme un coup de maître, tant que vous y êtes. Et vous voyez les chamans comme diplomates ? Que ce Seth soit un diplomate ne change rien au fait que ces barbares ne sont qu'une bande de sauvages qui s'adonnent au sacrifice et à l'orgie au nom des Ætheri. Son troisième voisin à la droite se pencha pour l'avoir dans son champ de vision.
- Qu'insinuez-vous par là ? Que nous devrions juger ce peuple sous prétexte qu'ils ont leurs propres coutumes, aussi primitives soient-elles ? Où est passé votre sens de la liberté ? Le concerné roula des yeux.
- Où est passé votre bon sens, vous répliquerai-je. Léto continua de faire tournoyer son vin à moitié entamé, lasse de leurs disputes depuis qu'elle était rentrée le leur annoncer. Tlaalee-Aan lui donna un petit coup de coude, pour l'encourager à terminer ce débat stérile ; après tout, ils sont tous passés par là dans cette pièce, et c'était à son tour d'avoir son baptême du feu.
- Je suis devenu chamane pour pouvoir aider autant les vivants que les morts. Je me suis affranchie des tribus pour me rapprocher de nouveau des idéologies de mon peuple d'origine. Elle se pencha de son siège elle-aussi, Berholt était loin mais pas inatteignable. Où est le mal là-dedans ?
- Le mal est que vous criez victoire trop vite alors que vous êtes consciente que votre combat ne fait que commencer. Il adressa un regard à ses collègues, ne souhaitant pas se gâcher la vue avec la chamane. Vous êtes encore jeune, trop jeune pour être assise parmi nous. Vous ne pouvez que remercier votre… esprit fou-furieux de vous avoir octroyé ce privilège. Que je sache, vos exploits ne portent qu'un seul nom : Latone. Elle se rabattit sur son chaise, les bras croisés, le geste fit cliqueter sa chaîne enroulée autour de son poignet droit.
- Si ce n'est que ça qui vous dérange, laissez-moi me présenter correctement : je m'appelle Léto 'Latone la Descente' Sùlfr. Un léger silence s'installa avant que le bélua ne s'adosse également sur son siège, en un geste lent qui ne présageait rien de bon.
- Dans ce cas, je me présente à nouveau : je suis le Guide Berholt 'le Lion Blanc' Gandr. "

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By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 16:51

Gandr. Le nom résonna tel un écho lointain dans sa tête, un nom qui faisait naître en elle des envies violentes à l'égard de cet homme. Au-delà des confins de ses souvenirs les plus récents, une vieille conversation avec son père refit surface : le fait qu'un certain Neven Gandr les avait détroussés, humiliant au passage son frère et son paternel. Après quoi, son frère disparut, sans doute remonté envers cette mystérieuse famille plus proche que jamais d'eux : après tout, les Gandr étaient de leur sang. Sùlfr et Gandr, les faces opposées d'une même pièce.

" Gandr ? " Répéta-t-elle en se levant de son siège, elle se tourna vers ce vieillard qui osait lui faire affront.

Il n'était plus question de la Marche Terne, ni des Guides, c'était une affaire de famille qui remontait dans la conversation. La plupart des Marcheurs ne comprenait pas cette soudaine ambiance tendue, seuls quelques uns au courant, notamment Tlaalee-Aan, des liens entre Sùlfr et Gandr comprenaient qu'ils ne devaient surtout pas intervenir là-dedans. Bien que le maître-chaman offrait tout son soutien à Léto. Qui aurait-cru que les Gandr qu'il traquait depuis des mois étaient en réalité terrer aussi près d'eux, à Ciel-Ouvert ? Si c'était bien le cas, cette fameuse branche de famille était plus puissante qu'il ne l'aurait escompté…

" Vous êtes un Gandr ? Répéta-t-elle encore, plus agacée. Berholt la fixa de son air méprisant, ses yeux grisâtres témoignaient de toute la haine qu'il vouait à cette jeune fille et tous ses semblables.
- Et vous êtes une Sùlfr. Comprenez-vous mon point de vue maintenant ? "

Ses bras furent victimes d'une violente contraction. Elle n'allait pas le battre avec les mots mais avec les poings. Sans crier gare, elle porta sa main à son arme et la dégaina de son fourreau. Au même moment, Tlaalee-Aan se jeta sur elle pour lui empoigner le bras, tandis que d'autres autour de lui se levèrent pour l'immobiliser sur place. Ceux auprès de Berholt se levèrent également, la main sur la poignée de leur arme et ils firent rempart entre la chamane et le bélua. Ce n'était pas un combat entre les Guides qui soutenaient Léto et ceux qui suivaient Berholt, non, c'était plutôt une prévention quant à leurs actes : il était hors de question de souiller la Vigilante de leur sang, encore moins entre Marcheurs. Léto força sur ses bras et ses jambes pour se dégager, elle resserrait ses dents pour souligner la rage qu'elle éprouvait quant à cette humiliation de la part du Gandr. Elle cessa de se débattre lorsque Tlaalee-Aan termina de lui chuchoter quelques mots et que le Lion Blanc daigna se lever de son trône, sans lui adresser un regard.

" Où est mon frère ?! S'écria la blonde, ses pupilles scintillaient de nouveau du bleu caractéristique de Latone.
- Pardonnez-moi confrères et consœurs, mais cette conversation est strictement privée. Il leva la main et la magie s'opéra sur les autres Guides : ils n'entendraient rien des mots de Berholt ou Léto durant les prochaines minutes. Certains firent bien part de leur mécontentement, mais le bélua n'en avait cure. Je n'étais pas au courant que vous aviez un frère, je ne me suis à vrai dire point intéressé à votre cercle familial. D'autres chasseurs se chargeront d'eux. Mais vous… Il quitta le feu central du regard pour la darder de face. Vous avez acquis trop d'influence pour une Sùlfr. Il fit les cents pas devant elle, les mains croisées dans le dos, bien droit. Si je me fie à votre réaction, c'est que vous êtes au courant pour les Gandr et les Sùlfr, et que la disparition de votre frère est liée à la visite de l'un des nôtres. Cependant… à qui est-ce la faute ? A nous ou à vous ? Léto se fit encore plus calme, consternée par l'interrogation qui n'avait pas de sens pour elle. Si vous n'étiez pas devenue aussi célèbre, si vous n'aviez pas entretenu votre réputation, nous ne vous aurions jamais retrouvée et votre joyeuse petite famille aurait continué de vivre paisiblement… pour un temps. Elle fronça des sourcils, si seulement Sirona était dans les parages…
- Pourquoi faites-vous cela ?! Si nous sommes de la même famille, nous ne devrions pas nous battre…
- Au contraire, Sùlfr. Tout ce pourquoi nous nous battons… c'est dans nos gènes. Il s'approcha un peu d'elle, pas assez pour être à portée : des Guides continuaient de faire barrière. Si vous pensiez trouver des alliés parmi votre famille, vous vous trompiez lourdement. En plus des chamans, les Gandr vous traqueront… Ne baissez jamais votre garde, même entre quatre murs. Elle le fusilla du regard, c'était un défi à sa portée. Il se retourna et riva de nouveau ses yeux sur les flammes. Personnellement, j'ai toujours aimé cette cité. Je ne lui rendrais pas hommage en vous éliminant ici, je respecte la Marche Terne et ses disciples. Si vous aussi, vous avez ne serait-ce qu'une once d'honneur… Il se retourna à moitié vers elle. Alors laissez les miens vivre à Ciel-Ouvert, n'abusez pas d'un pouvoir que vous n'avez pas pour retourner les Marcheurs contre nous.
- Où est Neven Gandr ? Lui devait être responsable de la disparition de son frère. Il ignora la question et claqua des doigts, le sortilège sur les Guides s'estompa. Ainsi, Berholt s'adressa à l'ensemble du conseil.
- A quand remonte la destitution d'un Marcheur ? Il laissa planer le doute tandis qu'on relâcha doucement la chamane, même si la réponse était évidente. Jamais, notre amour pour la liberté et notre haine pour l'esclavagisme sont si puissantes qu'elles nous collent à la peau jusqu'à notre dernier souffle. Malheureusement, je serai le premier à rendre mon manteau. Une coopération avec Léto Sùlfr n'est plus possible pour moi et il serait hypocrite de ma part de vous convaincre de la châtier. Il adressa un dernier regard dédaigneux à la concernée avant de se diriger vers la sortie. Entonnez le chant le plus violent, camarades. " Chantonna-t-il en refermant les portes sur son passage.

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By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 16:59

Elle resta immobile face à la porte, ses yeux n'osaient croiser ceux des Guides ou même le sol. Elle a été battue à plate couture. Les vers étaient de loin les armes qu'elle maîtrisait le moins bien. Au final, Berholt avait raison : seule la chance l'avait amenée jusqu'ici. Elle ne sera jamais libre. Si elle l'était, elle aurait pu convaincre la Marche de continuer à l'aider dans ses recherches sur les Gandr et la disparition de son frère, cependant tout cela n'avait plus rien à voir avec la Marche : ce n'était plus qu'une question de famille, de l'ordre du privé. La culpabilité lui monta à la gorge et enserra celle-ci ; toutes ces années n'auront servi à rien, elle allait devoir se débrouiller seule… Comme pour confirmer cela, les Guides se retirèrent un à un, sans rien ajouter, sûrement chamboulés par le départ d'un Marcheur, une première dans l'histoire de Ciel-Ouvert. Tlaalee-Aan fut le seul à rester auprès de la chamane, il lui laissa le temps de s'en remettre avant de l'encourager à prendre l'air ; celui de la cité était le plus revigorant de tous, surtout pour une personne si avide de la liberté. La blonde hocha mollement de la tête et esquissa quelques pas jusqu'à la sortie, la même empruntée par le Gandr. Elle ouvrit les portes, son maître-chaman sur ses talons, le soleil emplit la pièce d'une chaleur agréable. Un réconfort néanmoins éphémère.

" Il parait que vous m'aviez appelé ? Les deux chamans baissèrent les yeux sur l'individu en contrebas : un jeune orisha masqué, à la chevelure claire et le sourire narquois. Ses habits ne laissaient aucun doute sur sa noblesse, de même que les deux personnes qui l'accompagnaient. L'orisha fit une très brève révérence de la tête. Neven Gandr, et mes cousins. Gandr ! Son sang ne fit qu'un tour, elle dégaina son épée et distança rapidement Tlaalee-Aan avant qu'il ne la refréne.
- Léto ! S'écria-t-il en tendant le bras en vain. Elle s'arrêta à deux mètres du nobliau, les yeux de la chamane étaient bleuis. Neven venait de faire remonter la colère qu'elle avait accumulée tantôt.
- C'est toi… qui a frappé mon père et volé mon frère ? Il ne répondit évidemment pas, il se contenta d'accentuer son sourire et de tirer lentement sa rapière. Elle tendit sa lame en sa direction, elle allait régler cette situation avec les règles de Ciel-Ouvert. Je vais gagner ce duel et tu me diras tout ce que tu sais. L'orisha ricana, les deux autres, forcément des Gandr, dégainèrent ensemble.
- Qui a parlé de duel ? Elle écarquilla succinctement les yeux, elle était convaincue que Berholt avait manigancé tout ça ! Elle sentit dans son dos l'approche de son maître.
- Laissez-moi faire ! " Rugit-elle juste au moment de parer la première attaque de Neven.

Il le repoussa, avec beaucoup de mal. Malgré sa petite taille, il était aussi fort qu'elle, si ce n'est plus. Elle riva son attention sur la droite et bloqua l'attaque d'un des deux Gandr, mais le second profita de cette diversion pour lui asséner un coup dans le dos. La lame avait effleuré ses côtes, elle fit valser son épée dans le vent pour les repousser. Un mince filet de sang coula sur ses vêtements, elle porta sa main libre sur la blessure : si elle n'en assommait pas vite au moins un des trois, elle risquait la vie. Assommer, oui, car elle ne tolérerait pas d'éliminer son propre ennemi sur le sol des Marcheurs : c'était son combat, son histoire, pas celui de Ciel-Ouvert. Et puis, ils possédaient des informations trop précieuses pour elle.

Neven chargea de nouveau, avec une grâce sans pareille. Elle fronça des sourcils et chargea également, persuadée qu'ils allaient tenter la même combinaison. Elle plaça sa lame de telle sorte à contre-attaquer directement, Neven recula juste après l'embrassade de leurs lames. Au même moment, Léto chargea sa main libre de magie élémentaire et la plaqua fortement sur le sol : une bourrasque d'air repoussa instantanément les deux autres duellistes, tombés au sol. Sans perdre de temps, elle se rapprocha de l'un d'eux et lui asséna un coup de massue à la tête. Ce geste fit sortir de ses gonds l'autre Gandr qui chargea bruyamment, elle en profita pour le choper la tête et lui asséner une vague magique de peur pure. Il détala comme un lapin en direction des montagnes. Tant pis pour lui, elle aura au moins son compagnon dans les pommes par terre… et Neven Gandr.

" La magie chamanique fait peur. Ricana-t-il en se mettant en garde, elle fit de même, plus déterminée que jamais. Il l'attendit, elle répondit sans attendre, l'orisha faisait preuve d'une souplesse et d'une résistance sans pareille, elle avait rarement affronté un tel adversaire. Tout ce qu'elle pouvait se targuer, c'était d'être forte physiquement, mais ses coups étaient lents sans Latone… Autant dire que je suis déçu, Sùlfr ! Elle bloqua de justesse une estocade. Où as-tu appris à te battre, dans la rue ?! Il fit glisser sa lame le long de la sienne et réattaqua de suite sur sa droite. C'est ridicule ! Il frappa de nouveau sur la garde de la guerrière. Aucune technique ! Elle bloqua et le repoussa d'un coup d'épaule, au moment où il recula elle leva son épée en l'air et l'abattit avec vigueur sur sa garde. Celle-ci se brisa l'espace d'un instant, un moment dont Léto profita pour balancer sa chaîne autour de l'orisha, le faisant chuter sous son emprise.
- Où est mon frère ?! Elle resserra les maillons sur lui, il restait malgré tout debout et étrangement confiant étant donné son sourire.
- Admire la puissance que tu ne possèdes pas, Sùlfr ! Il activa son Gène de Protection. Une brève et intense lumière recouvrit l'orisha avant que cette étrange magie ne fasse voltiger sa chaîne loin et haut derrière elle. Elle dut s'y prendre à deux mains et poser un genou à terre pour ne pas se laisser emporter. Elle se retourna, l'air ahurie. Qu'est-ce que c'était ?! Avant qu'elle n'ait ne serait-ce eu le loisir d'imaginer, Neven était déjà sa portée et il l'empoigna à la gorge. Ton frère est mort, de ma main. " Chuchota-t-il, sur l'air menaçant propre aux Gandr.

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By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 17:03

A ce moment-là, Léto avait eu l'impression de s'être fait aspirer toute son énergie vitale, comme si son opposant était un vampire qui se régalait de ses forces. Peut-être l'était-il par ailleurs, ce ne serait point étonnant de la part d'un chasseur Gandr. Mais la nouvelle n'en resta pas moins bouleversante. Son regard s'était perdu quelque part, elle ne savait où : sur le masque de l'assassin, sur les cieux, la neige, les toits du quartier du Ode, les montagnes, l'horizon… Dans cet amas de panoramas, elle cherchait son frère. Elle avait tant parcouru pour retrouver Derflam, pour le sermonner d'avoir abandonné sa famille et le faire rentrer au bercail, à Mégido, où il vivrait une vie meilleure. Tout comme elle à ses débuts, il n'était pas un guerrier, il n'avait qu'une carrure de bûcheron, aucune connaissance en défense. Aucune technique. La Sùlfr s'était faite abattre sans ménagement.

Ayant le champ libre, Neven s'apprêta à empaler la chamane avant qu'autrui intervienne. Mais un cri de loup le stoppa dans son élan, ou plutôt un hurlement qui était à mi-chemin entre l'animal et l'homme. Il balaya son regard sur l'horizon, sans parvenir à cerner d'où cela pouvait bien venir. Mais Léto, elle, elle les voyait tous. Une horde d'esprits les encerclait, des formes humanoïdes blanchâtres et brouillonnes se discernaient partout dans la cité. La blonde ne savait pas depuis quand ils étaient là, mais leur apparition lui asséna autant de dégâts que la révélation du Gandr. Tlaalee-Aan avait vu se profiler ces esprits depuis tout à l'heure, c'était d'ailleurs à cause de cela qu'il n'avait plus fait attention au combat de Léto pendant un moment. Neven finit par remarquer le regard estomaqué des deux chamans, qui lui indiquaient la même direction : il la suivit et repéra les premiers chamans qui sortaient de l'ombre.

" On dirait que tes amis sont venus te faire la peau ! " Il la bouscula par terre, autant la traumatiser davantage – et peut-être la laisser pour morte – que l'éliminer ici. De toute façon, il valait mieux qu'il décampe avant de se retrouver au beau milieu du grabuge.

Léto se releva en panique, le contact avec la neige l'avait quelque peu secouée. Ses yeux vairons dardèrent les premiers chamans qui avançaient lentement vers elle. Tous étaient braqués sur elle, certains psalmodiaient des prières aux Ætheri, des honneurs rendus à leurs tribus respectives, d'autres jouaient avec les os sur leur bâton ou leur peau de bête. Les esprits, s'ils n'étaient pas compagnons de ces envahisseurs, demeuraient immobiles et spectateurs de la déchéance de l'une des médiatrices. Elle avait beau ne presque rien entendre dans ce capharnaüm, elle comprenait qu'ils préparaient son sacrifice, pour tous les affronts qu'elle leur a causé. La chamane s'était préparée à cela, mais elle ne s'était pas attendue à ce que ce soit si tôt, surtout pas après ce que les Gandr venaient de lui cracher à la figure, encore moins en étant épuisée de la sorte par son combat précédent… D'autant plus que sa propre présence menaçait Ciel-Ouvert maintenant, ainsi que tous ses habitants, y compris ses proches.

" LÉTO ! Un chaman se jeta sur elle, dagues en main. Elle se roula sur le côté et peina à se relever. Elle échangea quelques passes avec ce dégénéré, mais elle était consciente qu'elle n'avait pas le temps : les autres se rapprochaient. MARCHEURS, AUX ARMES ! " Le Grikj, le gong de la cité, résonna trois fois.

Au même moment où la chamane abattit son adversaire, l'intégralité des portes de Ciel-Ouvert s'ouvrirent. Chaque Marcheur tira son arme pour défendre sa cité, aucun intrus aussi dangereux ne pouvait être toléré ; les cris de guerre des Marcheurs prirent le pas sur les prières de l'envahisseur. Les chamans durent faire face à toute la populace, une bande de rustres caravaniers qui n'allaient pas les laisser faire leurs lois sur leur territoire. Les instigateurs de cette attaque rappelèrent à leurs sous-fifres de se concentrer sur Léto, même si quelques chamans n'hésitaient pas à en massacrer deux-trois au nom des Ætheri ; après tout, ils étaient montés contre leurs dieux s'ils osaient s'opposer à la sentence de la chamane. Cette dernière, d'ailleurs, était pétrifiée devant de telles proportions drastiques. Est-ce que Seth l'avait trahie ou c'était effectivement une coalition des tribus, sans son aval ?

" Léto. Il lui choppa le bras pour la ramener à la raison. Pars, maintenant ! Elle se fit secouer, elle ne réagissait pas de suite alors que le temps leur manquait.
- M-Ma fille, j—
- On veillera sur elle, ils en ont après toi, tu dois fuir, ALLEZ ! " Il la bouscula et bloqua l'avancée des chamans vers la guerrière.

Léto fit quelques pas vers les plaines blanches, mais elle était à bout de force psychologiquement. L'espace d'un instant, elle voulut chercher des yeux le Gandr pour le rattraper et le finir. Elle prit sa tête entre ses mains et serra fort : non, il fallait qu'elle reste lucide, il fallait qu'elle lutte, qu'elle résiste. Dans son dos, on mourrait pour elle et les hurlements chamaniques se faisaient plus intenses, le regard inquisiteur des esprits beaucoup plus dur. Elle grinça des dents, Latone refaisait surface, du plus profond de son âme. Avant qu'il ne soit trop tard, elle manifesta la couronne de la mort et l'enfila, avant de s'éclipser telle une ombre.

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By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 17:05

Son répit ne fut guère bien long, quoi de plus normal lorsqu'on se faisait poursuivre par une armée – c'était une métaphore – de chamans assoiffés de sang. Ils avaient bien raison : elle était impure pour leur peuple, elle n'était qu'une paria, mais une rebelle qui ne comptait pas se laisser marcher sur les pieds. Aujourd'hui était loin d'être son meilleure jour, Léto aurait voulu affronter tout cela dans de meilleures conditions, à croire que tous ses malheurs se sont réunis la veille pour concocter son châtiment du lendemain. La blonde dut se laisser insulter par un Guide, se faire humilier par un Gandr, pour finalement se faire rejeter par son propre peuple… Si elle n'avait pas revêtu la forme d'une ombre durant sa fuite, elle ne serait pas allée très loin, c'était certain.

La jeune femme avait tant couru tandis qu'elle conservait la couronne des morts sur sa tête, une protection optimale contre ses sentiments dévastateurs. Elle était parvenue à s'engouffrer entre les montagnes, dans un endroit qu'elle ne connaissait guère. Une forêt remplie de sapins, recouverts de givre. De discrets flocons tombaient sur sa chevelure, elle resserra l'étreinte de sa cape en fourrure pour se prémunir du froid. Elle était seule, livrée à elle-même, comme l'une des nombreuses fois où cela était arrivé : avant de rencontrer Aëran, puis sur sa route vers Mégido, lors de l'invasion des Ridere, lorsque la secte des Númendil l'avait capturée, quand Latone est née, puis lorsque l'Océan gronda avec les broches d'or et les statues alfars… Si elle continuait d'aller de l'avant, à trouver toutes ces épreuves, c'était justement pour ne plus avoir à les revivre. Léto était si fatiguée de ce tout incommensurable de douleurs et de tristesses.

En traînant des pieds entre les arbres – s'arrêter lui serait fatal – elle ne retint pas ses larmes quand les souvenirs de son frangin remontèrent. Ne pas pleurer pour lui ne serait pas lui rendre honneur, et les Ætheri savaient que, malgré son envie de s'affranchir des siens, elle demeurait une chamane très proche des défunts. Les tribus belliqueuses ne comprenaient tout simplement pas son envie de liberté, cette dernière coulait dans ses veines depuis sa naissance, et même au-delà, sur plusieurs générations. Léto n'avait voulu qu'accomplir sa destinée, l'écrire de sa propre main et non être manipulé par les ficelles d'autrui. Ainsi, en ce qui concernait Derflam, elle n'allait pas juste accomplir un énième rituel en son nom ou sacrifier des poules pour son salut en tant qu'esprit. Non, elle allait faire ce qui lui semblera juste. Enfin, quand elle pourra, quand on lui laissera le temps d'agir… et quand elle en aura le pouvoir.

La blonde se retournait une fois tous les cent pas, afin de s'assurer qu'on ne la suivait vraiment pas, ou alors de très loin. Depuis toute petite, elle était sensible aux sons ; pas particulièrement aux bruits lointains, mais à ceux qui lui semblaient inhabituels sur l'instant. Il fallait bien qu'elle s'imprègne un jour de cette ouïe fine après tout, cela lui était primordial à l'époque où elle devait trafiquer sa voix pour qu'on l'identifie en tant qu'homme. Ah, cette époque reculée… En vérité, ce n'était pas si loin, elle s'était seulement trahie lorsque Latone fut crée et elle avait pleinement accepté son identité que plus tard après ça. Autant dire que ceux au courant de la supercherie – c'est-à-dire ses amis les plus proches et ses parents – étaient tombés des nus en la voyant renaître ainsi, encore plus pour ceux qui ne s'étaient doutés de rien jusqu'au tombé du masque. C'est un sujet qui lui tenait d'ailleurs très à cœur : qu'en penserait Derflam s'il la voyait ainsi ? Son grand frère ne l'avait jamais connu en tant que femme. Bien sûr, elle avait eu son lot de robe de paysanne durant son enfance, mais elle avait usé de son androgynie très tôt dans l'adolescence, dès qu'elle fut suffisamment forte pour lever une hache et la faire retomber sur un rondin de bois. Il était d'autant plus drôle que, parfois, Derflam faisait l'erreur de la prendre pour un petit frère, alors qu'ils se trouvaient sous le toit familial, là où le secret n'avait nul besoin d'être cultivé. Oui, il serait sûrement surpris de découvrir une femme, certes forte mais beaucoup plus féminine qu'avant son exil. Une maman de surcroît ! La tête qu'il aurait faite s'il découvrait qu'il était déjà le tonton d'une petite orisha…

Toutes ces perspectives s'étaient envolées, arrachées par le courroux foudroyant des Gandr, de ce Neven, chasseur passionné. Ses larmes redoublèrent, son nez commença à couler. Elle entreprit un mouvement de sa manche pour se l'essuyer, il faisait si froid ici… Son souffle était accompagné de gerbes de fumées blanchâtres, qu'elle se prenait tout dans la figure à force d'avancer sans cesse. Il n'y avait pas de vent, pas l'ombre d'une brise. Sa route semblait interminable, elle ne voyait même pas la fin de ce calvaire, seulement des lumières bleuâtres lointaines. Léto souleva le Sablier d'eau : il était noir, signe de mauvais présage, elle devait continuer de fuir. Elle expira fortement. Voilà tout ce qu'elle avait pour l'aider. Des bijoux – magiques ou non – à foison autour du cou et des bras, une peau de bête pour la tenir au chaud, ses armes amovibles et sa chaîne cliquetant sans cesse, quelques babioles sans grand intérêt… Mais bon, elle-même n'était d'aucun intérêt.

Elle chuta. Ses limites étaient déjà dépassées depuis trop longtemps, ses jambes peinaient à la soutenir, ainsi que tout le reste. Comble du comble, il lui semblait entendre des pas et des voix se rapprocher. Avant de totalement sombrer, elle vit une main blanche se tendre en sa direction. Plus blanc qu'elle ne l'avait jamais vu.

952 mots ~

By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 17:11

Sirona toucha le corps affaibli de la chamane, sa nature parasite força la fusion à s'opérer. Instantanément, la magie de la blonde déborda et Latone fit son apparition. La tarée ouvrit les yeux sur un désastre, une nouvelle situation désespérée, un peu un renouveau de la catastrophe des montagnes de l'Edelweiss enneigée. Elle exaltait d'un tel désespoir, mais elle se garda bien de retenir un peu plus son enthousiasme : le corps de son hôte était amoché par son combat de tantôt. Au moins, avec Sirona, elle se sentait sereine, parfaitement calme, ses fusions ne lui esquissaient même pas l'ombre d'un sourire en réalité, comme si l'association entre Léto et cet esprit ne créait qu'une Latone froide d'apparence. Et cette troupe de chamans qui lui faisait face allait devoir se confronter à cette armoire à glace.

" Vous m'avez trop saoulée. "

Très vite, elle invoqua les Griffes d'Ogum, ses épées de prédilection, ses armes à elle seule ; bon, elle autorisait secrètement Léto à les utiliser parfois, mais elle ne devait pas prendre ceci pour argent comptant. Elle fonça directement dans la mêlée des premières lignes et fit virevolter ses lames efficacement, de manière à toucher le plus de monde et avec le plus de dégâts possibles. Elle était seule contre des dizaines d'experts en esprits et la fusion ne durera pas éternellement. Comme à son habitude, elle tranchait dans le vif en gardant un œil attentif sur les possibles contre-attaques. Elle remarqua certaines fusions, instinctivement elle recula pour éviter les dangereux pouvoirs. Ils étaient bien agressifs, fidèles à eux-mêmes et aux Ætheri. Ils y tenaient vraiment, à se servir de sa carcasse pour redorer le blason de leur peuple jeune. D'autant plus que même Latone reconnaissait de nombreux membres de la tribu Tchézaré, qui souhaitaient sans aucun doute étudier son cas, le célèbre esprit-parasite qui avait fait tant de boucan dans ces montagnes. Qui sait, peut-être étaient-ils également persuadés qu'elle avait possédé Léto et que sa mort ne serait qu'une libération pour l'ex-orisha. Dans ce cas, ils n'auraient pas tout à fait tort. Mais maintenant que j'ai goûté à la vie, je ne peux plus m'en passer, bordel !

Elle continua d'allonger la liste des victimes à mesure qu'ils venaient à elle, elle s'approchait de plus en plus de cette lumière bleutée aperçue tantôt. Ils débouchèrent au final vers celle-ci, un léger cours d'eau, un ancien lac ou une mare autrefois, celle n'était plus que givrée. Latone vit l'opportunité du siècle se profiler à elle et elle sauta sur les plaques de glace. Alors que les chamans crurent qu'elle allait se noyer bêtement, l'eau ne la happa, après tout elle était en possession de l'amulette de Docamælla. Face à cette sorcellerie d'ondine, des téméraires tentèrent le destin en défiant la fragilité de la couche de glace, quelques uns échouaient lamentablement tandis que d'autres eurent la chance de l'approcher et de l'attaquer. Ce qui l'étonna, c'était le grand nombre de tentatives. Elle dut user et abuser des pouvoirs de Sirona pour prendre le dessus, pour compenser avec son infériorité numérique… qui, finalement, se révéla éphémère, lorsqu'elle sentit dans son dos de très nombreuses présences. Froides et impalpables. Au même moment où tous virent l'ensemble de ces sombres esprits s'approcher d'elle, Sirona sortit de son corps. Léto haleta fortement, comme si on lui avait coupé la respiration beaucoup trop longtemps. Elle eut tout juste le temps de voir l'un de ces esprits la toucher avant de sentir Latone revenir à la surface. Oberon ? Crut-elle voir, et la fusion termina de confirmer le fait : il était de retour et il venait de recharger la détermination de la Descente.

" Je vais tous vous tuer ! " Elle courut sur la glace et l'eau, limite à en chuter, mais quand elle arriva à leur portée, elle fit tourner ses lames avec une telle souplesse que les chamans ne virent rien venir.

Avec le soutien de son tout premier esprit-compagnon, Latone était cette fois plus agile mais surtout plus meurtrière. Ce n'était plus la froideur olympienne de Sirona qui l'alimentait mais la colère infinie d'Oberon. Cela se remarquait dans ses mouvements, à la fois précis et brutaux, sans pitié. Elle sautillait et tranchait comme si elle était une enfant toute excitée qui venait de découvrir un nouveau jeu. Le massacre était pire qu'avant et ses propres blessures plus nombreuses. Elle avait beau être rapide, elle était aussi encerclée, et les disciples de Tchézaré plus particulièrement avait l'habitude de traiter avec des esprits-parasites de son genre. Bien vite, Latone s'épuisa et alors qu'elle crut être cuite, les esprits de tout à l'heure revenaient à la charge, et cette fois c'était un grand gaillard au sourire narquois qui fusionna avec elle. La bleue était maintenant démente, elle riait aux éclats, un sourire déformé lui tirait les traits du visage, tandis qu'elle se dandinait comme une possédée sur place. Il n'y a pas à dire, ce nouvel intrus dans son âme était beaucoup plus indomptable que les deux précédents.

La troupe chamanique cessa de l'attaquer depuis et préféra garder ses distances. Ceux qui semblaient plus hauts dans la hiérarchie de leurs tribus respectives observèrent ce phénomène, à la fois fascinant et effrayant. Léto était un cas qui dépassait leurs attentes. D'un geste ferme, ils sonnèrent la fin du carnage et leur départ, laissant cette femme en proie à ces esprits ravageurs. Car ils le comprenaient bien : tant que ces parasites seront de son côté, le corps de la chamane continuera de s'animer, malgré les blessures accumulées. Latone, face à cette décision bienvenue, continua de se tortiller, elle lutta sur elle-même pour reprendre quelque peu le contrôle. Ces types qu'Oberon et Sirona avaient ramenés, elles avaient entrevus leur nom et leur histoire à travers eux, grâce à la fusion et le don de mémorisation absolue qu'avait récemment acquis la chamane. Leurs souvenirs, leurs vécus, leurs intentions, tout était gravé dans son esprit telles des rémanences oniriques. Les Mohr.

993 mots ~

By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 17:17

" Et surtout, reposez-vous bien ! N'hésitez pas à crier si vous avez besoin de quoique ce soit. " Elle hocha de la tête machinalement, le regard absent.

L'hôte bienveillant sortit de la pièce et ferma la porte en bois derrière lui. Ses yeux vairons dardèrent les esprits invisibles aux yeux des pauvres villageois, ils hantaient sa chambre et la regardaient tout aussi intensément qu'elle. Ils la suivaient depuis ce combat interminable. Dans son inconscience, elle avait entrevu leurs noms, leurs visages, toute leur histoire commune, la finalité des descendants d'un souverain imaginaire. Après avoir fait leur connaissance de cette manière, elle était restée près de ce bord d'eau quelques minutes, totalement fatiguée, blessée un peu partout, la fourrure qui lui servait de manteau était devenue si rouge qu'on aurait cru que c'était sa teinte d'origine. Dans ce froid de canard pourtant, des éclaireurs l'avaient retrouvés, des orishas d'un village voisin venu vérifier ce qu'il se tramait par ici. Ils l'avaient reconnue, ils l'avaient recueillie et elle avait fini ici ; dans cette pièce, allongée sur un lit, le corps bandé par-ci par-là, au chaud. Avec sa notoriété auprès du peuple des libérés, ces sympathiques natifs lui avaient juré de la protéger. A croire que son pacte n'avait pas que remonter aux oreilles de l'Eorishaze.

S'ils savaient que leur chaleureux village était envahi par des esprits semi-parasites – comme Léto s'était amusée à qualifier Oberon à l'époque – la nuit risquait encore d'être mouvementée. Au coin des bougies, les Mohr croisaient les bras et veillaient sur elle, certains patrouillaient autour de son refuge et d'autres rôdaient dans tout le village. Quelques uns devaient encore s'enfoncer par-delà la forêt. Et pour ce qui est des trois esprits qui avaient fusionné avec elle, ils rentrèrent enfin dans la pièce : Oberon semblait plus agacé que jamais d'apparence, plus dangereux aussi, Sirona, elle, restait droite et calme, comme à son habitude, le troisième, Yurlungur, avait encore ce sourire moqueur et ce regard luisant. Elle avait appris à connaître ce dernier rien qu'avec la fusion, les présentations étaient inutiles. En fait, les deux partis savaient tout l'un de l'autre, mais là où Léto était censé réagir, elle se tut. Elle était fatiguée de tout ça alors que cela risquait de devenir son quotidien, elle avait peur pour sa fille encore à Ciel-Ouvert, et ses proches, les Marcheurs… tout le monde. Puisque les Mohr ne furent que confrontés à son mutisme, Oberon se vit prendre la charge de parler en leur nom. Il avança d'un pas vers le lit et croisa les bras.

" Ça fait longtemps.
- C'est vrai. La dernière fois qu'il l'avait vue comme ça, c'était après que Latone était née.
- Il parait que tu as… acquis une sorte de fusion mémorielle ? Dans ce cas, tu sais pour nous. Elle le fixa et hocha doucement de la tête.
- Curaçao Mohr. Elle regarda Sirona. Brennivín Mohr. L'orine approuva de la tête, Léto regarda le grand gaillard aux lèvres souriantes. Arak Mohr. Et ainsi de suite, elle nomma chacun des fils de Ravos Mohr, le terrible bourreau qui les a changé à jamais et nommé avec ces stupides noms d'alcool.
- Oberon nous a fait part d'une certaine promesse… Yurlungur s'avança à hauteur du concerné, toujours avec une assurance qui lui était propre. Une promesse selon laquelle, vous aideriez votre esprit-compagnon à accomplir ce qu'il a commencé. Il jeta un bref regard à Oberon, qui resta de marbre. Alors, est-ce que la petite chamane prête trop facilement parole ? Ou est-elle réellement notre alliée ? La chamane en question continuait de regarder l'élémental d'autrefois, elle avait toutefois entendu les dires du gaillard.
- Je t'ai toujours protégée. Déclara-t-il soudainement, ce qui étonna d'ailleurs Yurlungur et les autres Mohr. Les fanatiques avides du sang de la Khæleesi ? C'est moi qui les ai dirigés vers Ciel-Ouvert, parce que je savais que tu les écraserais. Elle plissa des yeux, il était le premier au courant de son lien avec l'ancienne souveraine des ondins, il n'avait fait qu'abattre les cartes pour mieux retourner les évènements en leur faveur.
- Je le sais, je l'ai vu, j'ai tout vu… Le Mohr s'approcha de la fenêtre et regarda la pénombre à l'extérieur.
- Si j'ai fait tout ça, malgré ton exclusion, c'est parce que tu as toujours protégé ma fille. Tout ceci… ce n'était que pour Alix. Il la fixa dans le reflet du verre, elle en fit de même. Elle aimait Anita aussi. Je la retrouverai lorsqu'on aura fini de te tirer de ce guet-apens. Cette fois, Léto ne put qu'être étonnée que l'élémental assure retrouver l'ancienne magicienne qu'il avait haïe. Il se retourna vivement, son regard démontrait sa détermination, aussi acéré que le métal qui avait jadis fit parti de son être. Chamane… Amie, aide-nous, nous autres esprits, à accomplir notre ultime volonté. Promets-nous de nous livrer notre géniteur. En échange, nous te protégerons de tous tes ennemis le temps que tu trouves une échappatoire. "

Une protection temporaire contre l'exécution d'un chaman mégalomane ? Léto ne pouvait qu'être tentée par une offre aussi alléchante. Après tout, elle avait prêté serment d'aider autant les morts que les vivants. Et ce Ravos tourmentait les deux parts du cycle. Si elle avait eu des réserves au début, ce n'était qu'à cause d'Oberon, mais il semblait changé depuis qu'il traînait avec ses frères et sœurs de sang, unis dans la mort et la quête de vengeance… On lui avait souvent reproché d'offrir trop facilement sa confiance, mais elle voulait croire qu'Oberon, Sirona, Yurlungur, et tous les autres, étaient sincères et qu'ils l'assisteront dans les jours à venir. Après tout, ils étaient en partie les créateurs de Latone.

" Vous avez ma parole. "

954 mots ~

By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 17:22

C'était clairement une alliance risquée. Même si Léto appréciait beaucoup Sirona, ses autres frères et sœurs étaient moins… empathiques, dirons-nous. Oberon le premier était certainement le plus instable de tous, il avait tout misé pour faire en sorte que la chamane ne puisse qu'accepter de les aider à renverser définitivement leur Némésis. Mais encore, si ce n'était que ça : ils étaient tous capables de posséder – peut-être que temporairement, mais tout de même – n'importe quel vivant de ces terres. Y compris ces pauvres habitants qui n'avaient rien demandé. La chamane préféra taire la présence des esprits aux orishas, ils avaient déjà de plus gros problèmes sur les bras apparemment.

" Bonjour Léto. Permettez-moi de vous dire que c'est un plaisir de vous avoir parmi nous… et un plus grand honneur de vous aider. La blonde lui sourit, encore avachie sous les draps, les courbatures ne lui faisaient pas du bien.
- Bonjour messire. Je vous remercie, vous m'avez sauvée là-bas… L'orisha devait avoir la quarantaine, un leader milicien de ce petit coin de paradis que son peuple avait établi entre les crocs rocailleux de l'Edelweiss enneigée. Le soleil matinal faisait reluire les quelques pièces d'armure qu'il portait sur lui.
- Quelques chamans ont été aperçus à l'orée des bois, ils n'ont rien tenté depuis leur arrivée mais ils ne sont pas partis depuis. Léto afficha d'abord un air de culpabilité sur le visage, après tout c'était elle qui les avait attirés ici. Puis elle finit par se résoudre à assumer ses responsabilités.
- Laissez-moi… vous aider à… Elle força sur ses bras pour se relever, en vain, un soldat la recoucha doucement, l'empêcha de faire davantage d'efforts. Le leader leva la main devant lui.
- Ne vous infligez pas tant de mal : vous êtes encore faible. Nous n'avons qu'une petite garnison mais cela suffira largement à les tenir tranquilles, si jamais ils se montrent belliqueux. Il posa sa main sur sa hanche en s'approchant et déposa l'autre sur le rebord du lit. Vous êtes chez vous ici, mangez à votre faim, buvez à votre soif, et surtout reposez-vous. " Ils avaient tous un regard bienveillant, elle s'accrocha à cette bonté jusqu'à leur sortie, jusqu'à qu'elle se retrouve seule dans cette pièce.

Elle rabattit sa tête contre l'oreiller en paille. Apparemment, elle a été hébergée par les doyens du village. A force d'écouter à travers les murs, elle avait également entendu dire que son nom s'était répandu dans toute la communauté. On parlait durant quelques temps de la jeune chamane blessée qui aurait des antécédents orisha. Elle s'était même livrée un moment à user de son don pour voir à travers les murs, pour s'occuper : c'étaient la majorité des fermiers qui cultivaient, des éleveurs qui s'occupaient de leur volaille, un bûcheron par-ci, un tanneur par-là. Tous les ingrédients étaient là pour lui remémorer son chez-soi d'enfance. Elle ferma les yeux et écouta la coupe régulière de la hache. Oui, c'était comme à la maison.

Puis les masques osseux des chamans hantèrent ses pensées. Léto rouvrit instantanément les yeux, les nerfs à l'affût. Ce n'était pas son genre de se reposer autant dans une situation aussi critique. Les orishas et les Mohr avaient beau veiller au grain, cette paix n'était que précaire. La blonde tourna son regard sur le seau parterre, remplie d'eau mélangée au sang d'une serviette autrefois blanche. Elle regarda de droite à gauche, comme si elle s'apprêtait à faire une bêtise. Elle tendit le bras et prit la serviette, elle se la mit sur le visage. Son sang était sec, mais cela suffira à activer son bain de sang et accélérer ses cicatrisations. Elle jeta la serviette dans le seau, la peau de son visage était imbibée de quelques traces rouges récoltées. Elle souffla… Léto acceptait cette situation, elle allait devoir se reposer pour pouvoir avancer, mais d'ici-là elle refusait de rester passive. Elle souhaitait rendre la pareille à ces villageois, les remercier de leur bonté. Elle les mettait dans une situation bien embarrassante, peut-être même bien dangereuse, c'était la moindre des choses, non ?

Elle jeta la peau de bête qui couvrait son corps à moitié nu sur le côté. Seules quelques blessures superficielles serpentaient ses jambes, c'était surtout son buste et ses bras qui avaient pris le plus gros des dégâts. Elle choppa une tunique qu'on lui mit à disposition, sa propre tenue était en train de sécher dehors grâce aux soins de ses hôtes. Elle était moins grisâtre, plus proche du jaune terne du blé. Elle avait l'impression d'être redevenue une simple paysanne avec ça, c'était assez perturbant. Par précaution, elle s'empara d'au moins une de ses armes amovibles et l'accrocha au niveau de la ceinture. Léto ouvrit la porte et traversa, en boitant un peu, la cuisine vide, une odeur de ragoût planait jusqu'à ses narines. Sûrement les restes de la veille. Lorsqu'elle sortit de la petite baraque, le frais du grand air lui fit un bien absolu. Ses yeux vairons observèrent l'ensemble de son environnement. Cet endroit était magnifique, un agréable coin verdoyant en aval des montagnes neigeuses. Certains villageois remarquèrent sa présence – pas difficile avec sa grande taille et ses bandages – mais elle n'y fit pas attention. Elle se contenta de repérer le potager de sa famille d'accueil et s'en approcha. Elle vit la vieille femme accroupie là-dedans, Léto ne se fit pas longtemps discrète.

" V-Vous ?! Ma chère, vous êtes encore pâle ! Elle secoua doucement de la tête, elle était quelque peu pâle naturellement, son sang chamanique en était la cause.
- Je vais mieux, un peu. Elle se mit sur ses deux genoux, à côté de la vieille orisha. On m'a interdit de prendre les armes, mais on ne m'a pas empêchée de vous aider. Elle lui sourit. Vous savez, je n'ai pas fait tout ce chemin pour me tourner les pouces. "

976 mots ~

By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 17:26

Une fois de plus, en cette fraîche et douce matinée, Léto rehaussa son maigre paquetage et s'embarqua dans un petit bout de chemin – qu'elle espérait court – jusqu'à la prochaine escale. Elle fit bien attention de ne pas se retourner vers les chaleureux orishas, pour ne pas alourdir sa peine de les quitter si tôt. Depuis quelques jours maintenant, deux bonnes semaines à la louche, elle voguait de village en village, au gré du vent, entourée d'esprits aux intentions vengeresses. Lorsqu'elle eut repris des forces la première fois, elle avait de suite fait part son intention de partir, afin de faire en sorte que les chamans, qui la pourchassaient, cessent de rôder sur le territoire des innocents. C'était un éternel cycle, où elle faisait en sorte de passer le moins de temps dans la nature, ainsi que le juste délai entre quatre murs. Il fallait toujours avancer, toujours plus loin, toujours plus vite. L'idée était de rejoindre le Varenda, au Sud, pour le remonter jusqu'à la mer, et donc quitter le continent, le temps qu'on la contacte enfin. Elle aurait très bien pu dès le début rallier l'Elwing, qui était en effet plus proche lors du début de son périple, mais ce cours d'eau était plus long. Ses seuls boucliers actuels étaient les Mohr et les orishas, il fallait donc qu'elle passe le moins de temps en dehors du territoire orisha. Longer les montagnes de l'Edelweiss enneigée et vite prendre un bateau, c'était la solution la plus envisageable.

Au début, son exil se déroula sans grand mal. Même si elle étant encore faible physiquement – à croire que les fusions successives l'avaient grandement affaiblie – elle parvenait à slalomer entre les groupuscules chamaniques qui la chassaient, ainsi que d'autres gens à l'allure étrange qu'elle soupçonna être des Gandr. Si par malheur il lui arrivait de se confronter à eux, elle fuyait tout bonnement, les Mohr l'aidaient notamment dans cette tâche. Il n'était pas question de se jeter dans la gueule du loup tant qu'elle ne sera pas en pleine forme, et surtout pas tant qu'elle n'aura pas de plan en tête.

Lorsque par miracle Léto parvenait à entrer dans un hameau, il arrivait qu'on la reconnaisse et donc qu'on lui propose le logis et le couvert. Sinon, elle avait juste à se présenter et deux ou trois habitants l'accueillaient à bras ouverts. Évidemment, la chamane était pas ingrate et retournait le service rendu en proposant ses gros bras pour quelques tâches paysannes qui étaient dans ses cordes. A force, elle risquait bien d'être connue de tous personnellement sur ce territoire… Elle omettait bien sûr de préciser qu'elle était dans de sales draps mais elle en touchait néanmoins deux mots à la milice du coin ou aux doyens, afin de s'assurer qu'ils soient au courant et de débattre s'ils prenaient le risque de la loger. Il n'était arrivé qu'une fois où on lui avait fait bien comprendre qu'on ne pourrait pas la garder pour ses beaux yeux, sous prétexte que leur bourgade avait déjà d'autres ennuis pour ne pas rajouter des sauvages tartinés de peintures ou des chasseurs traditionnalistes. Cette fois-là, même si elle s'était sentie plutôt blessée, Léto accepta leur volonté et reprit la route. Heureusement qu'aux alentours du crépuscule du jour-même, un chasseur orisha l'avait ramenée chez lui, dans sa petite maison en bord de lac, avec sa femme et ses adorables enfants. Chaque halte, chaque rencontre était une bénédiction que la blonde chérissait comme son bien le plus précieux. Sans eux, c'était la mort qui la cueillerait telle une fleur fanée, à coup sûr. Ainsi, à chaque fois qu'elle quittait le doux foyer, elle se promettait de revenir pour remercier ses hôtes plus qu'avec des mots ou de l'assistance dans leur quotidien.

Ce soir-là, selon la carte qu'on lui avait sommairement dessinée, ses pas ne devaient plus trop tarder à la déposer au prochain point de rendez-vous ; ses hôtes précédents avaient gentiment prévenu leurs voisins de son arrivée. Cependant, elle fit l'erreur de prendre un raccourci qui la mena droit sur un feu de camp regroupant des chamans, elle était sûre de leur appartenance à la tribu Alsea au vu de leur accoutrement. Fort heureusement, ils ne la virent pas de suite, elle eut le temps de se cacher derrière des rochers. Mais Léto était consciente de son manque de discrétion, elle n'avait rien sur elle qui lui permettra de passer inaperçue si elle fait un pas en dehors de sa cachette. Pourquoi je n'ai pas ma bague d'assassinat sur moi… Et pas question d'user de sa magie au risque de s'affaiblir de nouveau. Puis sans doute que cette dernière était défaillante. Elle écouta quelques minutes leur conversation, ils parlaient bel et bien de son cas, mais ils mentionnaient également le fait qu'ils agissaient "seuls"… La chamane ne comprit pas trop ce qu'ils entendaient par là, mais à y regarder de plus près ils n'étaient que quatre et aucun d'entre eux n'avaient l'allure d'un commanditaire. Elle porta sa main au cor de guerre qui pendouillait au niveau de ses sacoches. La blonde ignorait si c'était vraiment une bonne idée de l'invoquer de la sorte, mais les deux "sœurs" s'étaient bien mises d'accord sur la marche à suivre si jamais les ennuis pointaient le bout de leur nez. Mais c'était un joker : ce stratagème ne risquait de marcher qu'une unique fois. Tant pis, il fallait bien tenter le tout pour le tout. Soudainement, Léto se dévoila aux yeux des chasseurs, qui s'activèrent naturellement à sa vue.

" Traîtresse ! L'un d'eux pestiféra, la rage se dessinait sur son visage. Elle n'attendit pas qu'ils lui volent l'initiative : elle porta le cor à sa bouche et souffla à l'intérieur, une fumée bleutée en sortit avant de devenir compacte et forma une sorte d'humanoïde gigantesque au-dessus d'elle. Des petits yeux vils et brillants dardaient les pauvres chamans, puis une voix tonitruante se fit entendre.
- Comment osez-vous ?! Autant dire que ses ennemis étaient aussi perdus qu'effrayés. Membres de la tribu Alsea ! Il n'existe aucun traître parmi notre peuple, nous formons un tout, un cycle éternel, la vie et la mort nous lient tous étroitement ! L'entité bleutée dessina un bras tendu vers eux, le subtil mensonge continu aux lèvres. Cette chamane de la tribu Raoni ne fait que respecter nos coutumes ! Acceptez nos rites tout comme nous acceptons les vôtres, ou craignez notre courroux si jamais nos semblables apprennent votre félonie ! "

La situation n'avait, d'un point de vue extérieur, aucun sens, mais là était le but de la génie Lime : faire en sorte que ces pauvres herses gobent son discours, que ses mots ne soient que mélodieuses vérités pour leurs tympans. Le plan fonctionna lorsqu'elle prononça le mot "félonie", ils détalèrent comme des lapins en beuglant d'innombrables pardons aux Ætheri. Léto soupira, un bref rire franchit ses lèvres lorsque la génie reprit sa forme habituelle en sa présence. Heureusement que ces chamans n'étaient que des nouveaux venus du peuple, faibles et aisément bernables, sinon la magie bleue n'aurait sûrement eu aucun effet…

" C'était bien ? La question qui revenait souvent, elle ne souhaitait que s'améliorer en fin de compte.
- Oui, c'était très bien ! Je te remercie. Le clone regarda de droite à gauche, mimant une émotion de panique qui trahissait, sans doute, son état d'esprit.
- Bien alors je vais retourner dans mon habitacle, le démon peut être n'importe où. " Et elle disparut aussi vite qu'elle déblatéra. A croire que Léto n'était pas la seule à fuir pour sa vie… Elles fuyaient toutes les deux une trahison de leur propre cru mais clairement point à la même échelle.

1274 mots ~

By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 17:36

Un troubadour décida de jouer quelques notes pour égayer l'ambiance. En vérité, cette taverne n'était pas si miteuse que cela, c'était même assez propre, ce qui était plutôt agréable à remarquer et apprécier. Le propriétaire braquait son regard sur chaque table, afin de s'assurer qu'aucun débordement ne s'éveille, mais il n'avait aucune raison de s'alarmer : les clients étaient calmes, certains papotaient, d'autres jouaient, et si par malheur l'un d'entre eux se retrouvait ivre et insupportable, ses camarades le faisaient sortir gentiment. Le respect était une notion que chaque être tenait à cœur en cette joyeuse bourgade accueillante ; on ne tentait notamment pas de tripoter la serveuse par exemple. Bref, une paix que Léto sirota avec sa propre boisson.

De toute la populace sous ce toit, elle était pourtant celle qui devait être la plus louche, avec ses près de deux mètres de haut, son corps d'athlète féminine, ses marques chamaniques un peu partout, et son capuchon rabattu sur la tête… Léto préférait être prudente pour une fois, elle ne voulait pas mettre en danger ses futurs interlocuteurs. Des nouvelles de Ciel-Ouvert, depuis le temps qu'elle en rêvait ! Peut-être qu'elle pourra enfin faire demi-tour, dire qu'elle était si proche du fleuve… Au moins, dans tous les cas, elle aura une échappatoire s'il s'avérait que c'était un piège. Mais bon, vu que c'était un Mohr qui était venu le lui annoncer, elle gardait confiance. Ce messager – car apparemment il était seul – il pouvait être n'importe qui de la Marche, tant qu'il lui annonce enfin comment se portait Ciel-Ouvert et surtout comment se portaient sa fille et Thémis, et Tlaalee-Aan aussi, enfin à peu près tout le monde mais surtout Prune. L'idée qu'elle ait pu provoquer indirectement la souffrance de son enfant lui était insupportable…

" Tu te caches très mal, Brise-Tympans. Elle releva instantanément son visage, ses yeux hétérochromes s'agrandirent face au tas de muscles reconnaissable, tandis que son sourire s'étira en croisant le regard verdoyant du colosse.
- Galick ! Elle se leva et se jeta sur lui pour le serrer contre lui, certains spectateurs se moquèrent du "couple de géants" mais elle ne fit pas attention, et lui s'en moqua bien. Enfin, maintenant qu'elle avait crié son nom, autant dire que sa prudence était revenue au point mort.
- Ça fait plaisir à voir que je te fais toujours autant d'effet. Se moqua-t-il avant qu'elle ne le lâche et qu'ils prennent place.
- Comment m'as-tu trouvée ?
- Oberon est venu me mettre au parfum, puis il voulait voir sa petite teigne rebelle. Ne t'en fais pas pour elle, je l'ai laissée entre de bonnes mains. Elle conserva un sourire crispé, elle était ravie qu'Alix allait bien, elle espérait toutefois que cela fut tout autant le cas pour Prune… J'ai entendu pour Ciel-Ouvert, du coup j'ai fait en sorte de me rapprocher un peu plus de la cité. Par contre, je n'ai pas de nouvelles de là-bas, donc…
- Quelqu'un va venir me voir ce soir, j'étais en train de l'attendre. Un Marcheur.
- Une Marcheuse. Les deux attablés levèrent les yeux vers l'intruse, sa voix était reconnaissable entre milles. De nouveau, Léto se retrouva excitée comme une puce et se jeta sur elle, en renversant sa chaise derrière elle cette fois. Thémis se retrouva prise en étau entre les bras de la chamane et fut bien obligée d'accepter cette attention. Elle retourna le geste en glissant ses mains sur le dos de la blonde, cela faisait si longtemps qu'elles s'inquiétaient l'une pour l'autre… Nous nous sommes tous fait un sang d'encre pour toi là-bas… La chamane ouvrit rapidement les yeux et se plaça face à elle, l'inquiétude baignait dans ses pupilles.
- Prune ?! Et les autres ?! Thémis esquissa un maigre sourire, sincère.
- Ils vont tous bien, Prune n'a pas quitté sa chambre tout le long des combats. Tlaalee-Aan est en vie, ainsi que tous les autres Guides. Il y a eu quelques pertes du côté des Marcheurs, néanmoins les chamans en avaient surtout après toi : ils t'ont tout de suite poursuivies lorsque les Marcheurs ont tiré l'arme au clair. Léto recula, prise d'un peu de vertige, mais elle était heureuse, très heureuse que sa fille allait bien et que la cité n'eut pas reçu trop de dégâts par sa faute. Après s'être remise de ses émotions, elle remit sa chaise en place – en s'excusant auprès du tavernier au passage – et le trio se morfondit dans une discussion des plus privées. Galick, je suis étonnée par ta présence. Aurais-tu donc délaissé ton orine ? Le berserker prit la mouche, il n'appréciait guère qu'on se moque de son lien avec Ninalyna.
- Et toi, t'as pas une croisade à mener avec ton nouveau pote Delta ? Là encore, la mord'th n'aurait pas préféré qu'on la confonde avec les justicières qui accompagnaient le prophète. Une main ferme se plaça sur leur épaule respective, le regard que Léto leur lançait était à la fois suppliant et implacable.
- Je vous en prie… Elle était déjà suffisamment éreintée après tout ce voyage pour ne pas avoir à se coltiner une dispute.
- Excuse-nous, Léto. Le berserker souffla mais ne rajouta rien. Toute menace est écartée pour toi vers Ciel-Ouvert, Hëarëel m'accompagnait et il est tout de suite rentré pour prévenir Tlaalee-Aan de t'envoyer une caravane. Selon toute vraisemblance, plus aucun incident de cette ampleur ne se produira. Léto l'espérait bien : les chamans qui n'approuvaient pas son émancipation pouvaient bien se défouler sur elle si cela leur chantait, mais elle ne leur pardonnera pas de le faire sur autrui. Quant aux Gandr… La blonde riva prestement son regard sur elle, elle n'avait pas croisé ces cousins éloignés depuis Neven. Eh bien, comme tu t'en doutes, les Marcheurs n'ont pas à s'immiscer dans des affaires de famille : Berholt est parti et Neven n'est pas revenu. D'ailleurs, aucun Marcheur n'était au courant que le Lion Blanc se nommait Gandr.
- Il t'a bien roulé. Léto fut bien forcée de l'admettre, de même elle préféra résumer l'échange qu'elle avait eu avec le Lion Blanc, afin qu'ils comprennent l'importance que Berholt avait sur sa vie et celle de ses proches.
- Peste… Murmura la blanche, ces pratiques ne devaient même pas être légales, cette branche familiale était corrompue jusqu'à la moelle pour elle. Fais confiance à Tlaalee-Aan, il est au courant, il veillera sur Prune. Elle hocha de la tête, une moue guère rassurée sur le visage.
- Tu t'es mise dans une m*rde pas possible… Résuma en gros le berserker, la compagnie était vraiment dans de beaux draps avec tout ce que Léto avait tenté de faire, et sans doute les ennuis continueront de leur tomber dessus dans un futur proche.
- Ma délicieuse. Appela Yurlungur, l'esprit Mohr au sourire ravageur. Il s'approcha de la table, laissant pantois les deux autres qui ne le voyaient pas du tout. De charmantes personnes rôdent devant l'entrée de l'établissement. Ce sont vraisemblablement des Gandr. " Il s'éclipsa sur cette annonce, tel le fantôme qu'il était. Les chasseurs l'avaient enfin retrouvée.

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By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 17:41

Léto poussa machinalement la porte, elle ne sortit pas de suite, préférant observer un peu ses adversaires du soir. Ils avaient déjà préparé son arrivée, ils la fixaient avec ce même regard meurtrier qu'elle avait retrouvé dans les yeux de Neven Gandr… A croire que les chasseurs partageaient tous cet air malsain et cette passion démesurée pour la purge. Elle inspira profondément, elle ne devait pas céder à la colère, Latone risquait de faire surface et elle comptait bien régler ce problème par elle-même. C'était sa famille, ses ennuis, ses responsabilités. Ils avaient osé s'en prendre à ses proches, elle se refusa d'être leur prochaine victime ; ce n'était plus dans ses intentions d'être la victime de qui que ce soit par ailleurs.

Elle sortit lentement de la taverne, Thémis et Galick sur ses pas. Ces deux derniers avaient beau la suivre, ils n'allaient pas l'accompagner dans son combat, car ils savaient pertinemment qu'elle ne leur pardonnerait pas. La chamane observa un peu plus attentivement ses ennemis : ils étaient plus âgés qu'elle, sûrement expérimentés dans ce genre de manigances. Malgré tout, elle était quelque peu étonnée qu'ils osent la confronter de face : cherchaient-ils à l'humilier publiquement au nom de la famille, à l'instar de Neven et ses complices ? Quel qu'ait pu leur passer par la tête, c'était également une chance pour la Sùlfr de se venger et de leur prouver qu'elle avait beau avoir son Gène inactif, elle n'en restait pas moins forte et parfaitement débrouillarde. Pour Derflam. Se répéta-t-elle en dégainant sa masse d'arme. Ils se trouvaient en territoire orisha, elle allait agir selon leurs coutumes : elle les battra et les expulsera loin d'ici, définitivement. Il était inutile de créer un bain de sang, sa propre justice sera mise en œuvre en temps et en heure… et sur les coupables tout désignés.

" Tu as mis du temps à te manifester, Sùlfr. Ricana l'un des chasseurs, tout lien de sang était quasi-coupé entre les deux protagonistes tellement sa voix était teintée de mépris.
- Finissons-en. Elle n'a jamais été aussi d'accord, comme pouvait en témoigner son énorme sourire sur les lèvres. Car oui, elle souriait, elle était en extase devant une telle opportunité.
- En garde. " Pauvre d'eux, ils ne discernaient même pas la graine de folie qui naissait dans ses yeux.

Face à la provocation, les deux chasseurs chargèrent simultanément la chamane. Cette dernière demeurait quelque peu faible physiquement, néanmoins sa motivation était si grande que ses blessures spirituelles s'étaient comme refermées le temps qu'elle éponge sa soif de victoire. Forte de ses gros bras, elle contra aisément les deux attaques en menant l'assaut elle-même horizontalement. Sa massue fila dans les airs, toujours en contact avec sa main ferme, elle repoussa les assaillants de quelques pas. Surpris par une telle vigueur, les Gandr s'échangèrent un bref regard complice : c'était moins aisé que ce qu'ils pensaient. Mais ils avaient un atout dans leur sac que la Sùlfr n'avait pas… Ainsi, lorsque cette dernière tenta d'en neutraliser un en l'emprisonnant entre les maillons de sa chaîne ballante, il activa naturellement son Gène de Protection pour repousser le fer envahissant. Ce qu'il ne calcula néanmoins pas sur l'instant, c'est que Léto avait prévu cette parade magique – pour l'avoir subi il y a de cela quelques jours contre Neven – et qu'en conséquence elle avait positionné son corps de telle manière à re-balancer aussitôt sa chaîne sur le Gandr. Celui-ci ne vit rien venir et se retrouva malgré lui entre les mailles du "filet".

" Sale garce ! " S'exclama l'unique combattant en lice.

Non, elle n'était rien de toutes ces insultes qu'il pouvait proférer. Elle était juste plus puissante que lui, que cela lui plaisait ou non, qu'importe le nom qu'elle portait. Sans lui laisser le loisir de protéger son camarade par l'offensive, la blonde lâcha sa chaîne et se jeta sur lui, elle frappa des dizaines de fois, tellement fort que la lame du Gandr était à un fil de se briser. Elle épargna néanmoins cette honte en écourtant enfin ce match qu'elle remportait haut la main : elle lui asséna un coup de pommeau à la mâchoire, qu'il n'apprécia guère. Léto, toujours aussi fière visiblement, les fixa se plaindre à quatre pattes, en sang pour l'un et l'autre encore agacé par sa prison. Galick était à la limite d'applaudir en arrière-plan. Elle se pencha sur son prisonnier, s'empara de sa chaîne et lui offrit le plat de sa botte comme ultime affront. Le Gandr roula par terre, il était aussi mal en point que son camarade. Léto joua avec les maillons pour les enrouler de nouveau autour de son poignet, il était temps de mettre fin à ce stupide jeu sanglant, il ne fallait pas qu'elle perde de temps, exposée ainsi.

" Je vais appeler les gardes… " Souffla-t-elle, avec des relents de Latone dans le timbre de voix, les deux entités commençaient à empiéter de plus en plus sur ce corps.

Les vaincus se relevèrent péniblement, il était hors de question pour eux de se découvrir aux autorités, les autres Gandr ne leur pardonneront jamais. Ils partirent enfin, avant que Léto ne tente quoique ce soit. Même si elle parut calme en apparence – ce à quoi Thémis témoigna d'une assurance dont elle ne connaissant guère de la part de la chamane – son âme bouillonnait encore depuis les fusions successives des Mohr. Leur volonté animait sans relâche Latone et cette perspective était foncièrement dangereuse : cela plaçait à la fois Léto et Latone dos au mur, l'une risquait d'anéantir à tout moment l'autre, tandis que cette dernière pouvait très bien prendre l'initiative de sauver sa peau avant…

" Je la vois enfin… Cette intrusion la fit tiquer, ses yeux vairons dardèrent le vieil homme qui s'approchait du lieu du crime. Cela lui semblait étrange mais elle avait l'impression qu'il lui était familier, pourtant elle ne put s'empêcher de serrer très fort le manche de son arme amovible. Ne le criez pas trop fort, pas tout de suite, mais je suis le père de vos esprits-compagnons. "

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By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 17:50

Ravos Mohr… Léto s'était visiblement toujours montrée très cordiale avec les pires engeances de ce monde. Pas nécessairement les monstres voués au mal sans conviction tels que les maîtres-esclavagistes ou les fanatiques d'une secte, mais plutôt les vipères intelligentes, celles avec lesquelles elle pouvait discuter, voire négocier. Si Léto cherchait en permanence une confrontation, rien que pour le plaisir du combat, le goût pour la mort ne l'attirait aucunement. C'était injuste et cela ne lui allait pas. Exécuter purement et simple ce vieil homme qui se présentait à elle sur un plateau d'argent… C'était impossible.

Ainsi se retrouvèrent-ils de nouveau attabler à la taverne, autour de cette même table qu'ils avaient empruntés tantôt, cette fois avec un invité de marque. La chamane observa longuement cet homme dont les Mohr désiraient le trépas, lui-même en faisait de même avec la jeune femme. Il était indubitablement vieux, point difficile à remarquer et point difficile à comprendre en connaissant l'âge de certains de ses descendants. C'était un alfar au vu de ses oreilles pointues et de sa peau blafarde, mais un détail chez lui la dérangeait dans cette affirmation, comme si elle ressentait une connexion avec lui. Accepter de discuter avec lui était un risque, il suffisait qu'un Mohr les surprenne et tous les esprits vengeurs penseront qu'elle les a trahis… Surtout Oberon, qui avait tendance à s'emporter très loin.

" C'est vous qui êtes poursuivie par des chamans, alors que vous faites preuve d'une rare amabilité pour m'accepter à votre table… La blonde fronça les sourcils, comment un elfe noir pouvait être au courant pour les tribus ? Je le vois dans votre regard, vous attendez des réponses. Ne me brusquez pas trop, je vais tout faire venir à point. Le berserker grogna, il allait agir au moindre mouvement douteux.
- C'est presque trop facile.
- Après tout ce que je viens de traverser… Soutint la chamane, elle voyait presque cet homme comme un ange tombé du ciel.
- Vous avez décidé d'emprunter la tant désirée mais pas moins dangereuse voie de la liberté. Une cause honorable, mais vous en avez partiellement fait les frais. Il sirota lentement son cidre, sans quitter des yeux le sujet de cette conversation. L'attaque de Ciel-Ouvert n'était qu'un avertissement du peuple. Vous l'avez vu vous-même : les tribus vous ont pourchassée mais vous ont toutefois épargnée. Pourquoi se donner une telle peine, si près du but, sinon ? La blonde resta perplexe devant le fait qu'il était au courant des évènements de bout en bout, mais se laissa naïvement emporter par le débat.
- Parce que vos enfants m'ont sauvée. Les lèvres pincées, Ravos secoua négativement de la tête.
- Parce que les tribus partagent, majoritairement, l'avis de votre souverain : vous êtes plus précieuse vivante que morte. Elle pencha légèrement la tête d'un côté, même Thémis avait du mal à suivre le raisonnement et surtout à le croire.
- Vous faites parti de l'une de ces tribus ? Tenta-t-elle pour éclairer ses propos, elle venait de comprendre sa nature avant même que Léto fasse le rapprochement.
- Non, mais les esprits parlent beaucoup et je sais les faire parler, même les plus réticents. La chamane écarquilla des yeux, plus apeurée que surprise.
- Vous êtes un chaman ?! La mord'th avait déjà dégainé sa dague discrètement, Galick porta lentement – mais surtout en guise de menace – son bec-de-corbin, tandis que Léto sentit son corps s'activer par impulsion.
- Un chaman qui ne fait pas parti de ces incursions qui rôdent autour des villages pour espérer vous cueillir telle une fleur, ces mêmes sauvages qui ne font pas parti d'une coalition des tribus. Le peuple a cessé de vous tourmenter pour vos affronts : pensiez-vous que leur cracher au visage devant tous les peuples à la Coupe était une bonne chose ? Pensiez-vous être suffisamment discrète dans vos missions visant à amadouer le Suprême de l'Au-delà ? Pensiez-vous que votre collaboration avec les ombres grâce à la couronne de la mort passerait inaperçue ? Elle ne répondit pas, elle s'avoua même vaincue en baissant son regard dissemblable sur la table. Comme je l'ai dit, l'invasion de Ciel-Ouvert était l'unique réponse des tribus. Il n'y en aura pas d'autres si vous décidez de vous tenir correctement. Pour ce qui est des chamans qui vous attaqueront occasionnellement, ils n'agissent que de leur propre chef. Après tout, la voix de Delta résonne encore en écho dans nos âmes ; il n'est pas erroné de penser que vous aviez peut-être décidé de vous affranchir pour soutenir Sympan plutôt que les Ætheri…
- Ce n'est pas ce que j'avais prévu d—
- Il ne dit pas que tu as fait ça dans ce but, mais plutôt que le contexte ne se prêtait pas à un départ, même pacifique. En gros, tu as mal choisi ton moment pour partir. Thémis commençait à comprendre le point de vue de Ravos, ainsi que celui des tribus, c'est vrai qu'elles étaient tellement obnubilés par cette idée que toute cette histoire de croyances leur était sortie de la tête… Le trio abandonna toute intention de dégainer les armes. Le chaman, satisfait de cette décision, s'adossa plus confortablement sur sa chaise, il guettait parfois autour de lui pour ne pas surprendre un de ses fils.
- Vous avez moins d'ennemis que vous le pensez. Cependant, il y a un obstacle capital à votre liberté. Celui-ci porte un nom beaucoup trop invasif sur votre existence. Vous êtes, certes, moins rattachée à Seth Taiji à présent, tout comme vous êtes partiellement liée à Cocoon Sforza, mais votre chaîne la plus encombrante se nomme Latone Sùlfr. De nouveau, Léto se montra perplexe, ses paroles étaient sages mais trop confuses pour son propre intellect. En tant que chaman, j'ai passé toute ma vie à connaître le secret des esprits, afin de pouvoir les manipuler et les changer à jamais. Mon pouvoir est autant une bénédiction qu'un fardeau. Vous connaissez par ailleurs mes enfants, ceux dont j'ai modelé la moindre parcelle de leur âme suite à leur naissance, pour les transformer et faire d'eux ce que j'ai toujours souhaité. Tel est mon pouvoir : créer des esprits en partie parasites. La jeune femme comprenait alors la nature d'Oberon, Sirona, Yurlungur, ainsi que tous les autres. Mais était-ce seulement possible d'être capable d'une telle prouesse, ou plutôt d'une telle cruauté ? La raison de ma venue est plus qu'urgente : peu après la pagaille à Ciel-Ouvert, j'ai discuté avec Tlaalee-Aan, votre maître-chaman. Votre état est pire que ce que je pensais. Venez, il n'y a pas de temps à perdre. " Il se leva, avec un certain entrain mais tout de même doucement pour ne pas alarmer ses interlocuteurs. Sans tergiverser avec ses compagnons, Léto le suivit, c'était son choix après tout, s'il se livrait lui-même au risque de finir sous l'emprise de ses créations.

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By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 18:01

" Regardez-les… " Ces mots surprirent Léto, qui ne s'attendait pas à ce qu'il soit aussi calme face à une telle situation.

Le chaman les avait guidés en amont de la bourgade, entre les sapins recouverts de leur manteau de neige. L'astre lunaire leur permit de se repérer dans cette obscurité palpable, d'atterrir dans cette petite clairière où ils l'attendaient. Les fils et filles de Ravos Mohr. La scène paraissait étrange, c'était comme s'ils s'étaient donné rendez-vous pour régler les comptes… Les esprits vengeurs se tenaient droits, ils encerclaient les protagonistes et demeuraient immobiles pour maintenir cette position de force. Thémis et Galick n'en voyaient que deux – ceux avec qui Léto avait accepté comme esprits-compagnons donc – mais au vu des regards que lançaient les chamans, ils comprirent bien vite que les fantômes étaient partout. En somme, Léto avait tout de même l'impression de remplir sa part du marché avec les Mohr, comme si Ravos avait accepté consciemment de se livrer à ses enfants. Toute cette atmosphère était relativement bizarre, mais c'était ainsi que les médiateurs abordaient le monde d'outre-mort après tout.

" Regardez-les. Répéta-t-il, plus fort cette fois, afin de bien se faire entendre de tous. Ils ont réussi à se regrouper et à se rebeller. J'ai perdu tout contrôle sur eux, plus particulièrement à cause de Curaçao… Il fixa Oberon, qui entreprenait des efforts incommensurables pour rester aussi calme que ses frangins. Et de Latone. Le vieil homme se retourna vers la blonde, il était en effet question de la Descente ici, pas seulement des Mohr. Je connais la volonté qu'ils vous ont transmises, je l'ai perçu… c'était comme si votre autre facette, cette Latone, me le hurlait à l'oreille. A quoi bon fuir ma destinée ? J'ai échoué, j'ai créé des monstres qui me pourchasseront pour l'éternité. Il esquissa un demi-sourire, qui n'avait rien de bien beau aux yeux de la guerrière. C'est notre devoir à nous, chamans, de satisfaire les morts, n'est-ce pas ? Il laissa la question en suspens, il attendait visiblement une confirmation de sa part.
- C'est pour les aider que je suis devenue chamane.
- Vous êtes rebelle à soi, mais je concède que vous faites une excellente chamane. Il se retourna vers le trio significatif de ses descendants : Oberon, Sirona et Yurlungur. Faisons un marché… Il s'adressait bien à Léto et cela rendit le premier esprit furieux.
- Tu oses négocier ?! Yurlungur croisa les bras, son sourire permanent était en demi-teinte.
- Suite à toutes tes atrocités, il serait bon ton d'accepter la finalité de ton existence.
- Crève. Proféra Sirona, le regard bouillonnant de rage.
- En échange de ma mort… Ce début tut tous les esprits qui commençaient à s'exciter, la plupart se montrait même étonné par cette proposition. Laissez-moi utiliser une ultime fois mon savoir. Il se retourna vers la chamane. Je veux créer le nectar parfait : votre esprit est en lambeaux, vous ou Latone disparaitra, c'est inévitable. Mes enfants ne vous apporteront qu'une stabilité à court terme. Léto jeta un regard aux Mohr, les seuls à être capable de lui apporter une bonne puissance lors de la fusion et de réveiller Latone. Si vous souhaitez connaître la cause, votre rituel était un échec : vous n'êtes pas une chamane complète. La révélation la laissa dubitative, mais il avait affirmé plus tôt avoir parlé avec son maître, et Tlaalee-Aan avait bien affirmé à l'époque n'avoir jamais pratiqué la métamorphose en chaman avant elle.
- Mon maître n'a pas réussi à faire de moi une chamane ?
- Le problème peut autant venir de lui que de vous. Dans tous les cas, je peux corriger cette erreur et régler le problème de dissension qu'il y a entre vous et Latone. Il se redressa, malgré les courbatures de son corps à l'agonie. Je vous propose alors deux solutions pour devenir pleinement chamane. Reformer votre esprit, fusionner vous et Latone définitivement, pour ne devenir qu'une à jamais, vous ne serez plus la même après cela. Ou séparer Latone de vous, elle deviendra un esprit errant et vous reprendrez le contrôle sur votre corps, le temps réparera peu à peu votre propre esprit. Le choix vous revient. Léto resta muette durant une bonne poignée de secondes, c'était forcément l'un des choix les plus difficiles de sa vie… Quelques précisions pour vous orienter : ce rituel, tout comme celui pour devenir chaman, est irréversible. Et je suis sûrement le seul capable de vous "soigner". Votre maître mettra des dizaines d'années à acquérir mon savoir et il sera alors trop tard pour vous sauver. Vous pourriez bien prier les Ætheri pour vous aider mais vous vous doutez qu'ils sont plus occupés à se défendre face à Sympan en ces temps troublés… En gros, Léto devait se décider maintenant, elle le comprenait bien. Fusionner une fois pour toute avec Latone et donc devenir la guerrière suprême, ou la faire sortir de son âme et s'associer pour former le duo infaillible… Cette dernière solution faisait analogie avec le monstre de son amant, lorsqu'il était sorti de son corps. Cela n'en était pas plus plaisant, mais sa décision était prise.
- Je suis à la fois Léto et Latone, personne ne pourra me contredire. Mais… en tant que Léto, je refuse de perdre Latone. Et vice-versa. Devenir qu'une… ce serait perdre une partie de moi. Quitte à changer pour toujours, je préfère voir de mes propres yeux la… la "sœur" que j'ai appris à aimer. Si le berserker pouvait montrer qu'il souriait à cette réplique, il l'aurait fait sans pression.
- Moi aussi je veux la voir, cette Furie-Ambulante. Ça me ferait un petit pincement au cœur de ne plus la voir se déchaîner.
- Et je n'ai pas envie de te perdre, Léto. La mord'th s'avança légèrement en sa direction. Reste comme tu es, c'est pour cela qu'on t'apprécie. C'est pour cela qu'Aëran et Prune t'aiment. La blonde se mit à rougir quelque peu, il était vrai qu'elle ne pourra jamais se résoudre à abandonner les siens, surtout pas pour un gain de pouvoir.
- Oui, c'est ce que je veux. Elle fixa le maître-chaman droit dans les yeux. Je veux que Latone vive. "

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By Jil ♪

Sam 30 Jan 2016, 18:15

" Votre tatouage… " Sur cette demande, Léto releva son haut jusqu'au-dessus de ses abdominaux.

Le froid environnant lui lacérait sa peau nue, ce même épiderme marqué par le lien qui l'unissait au monde des morts. Son tatouage chamanique était, ironiquement, un serpent qui s'enroulait autour de son nombril. Ironique dans le sens qu'elle avait une peur bleue de ces reptiles au corps cylindrique… Mais après tout, c'était cette même peur qui la liait à sa nouvelle famille, cette même peur qui la tourmentait à propos des monstres que renfermaient ses enfants et le père de ces derniers. Ce soir-là, c'était à son tour de libérer son monstre, d'une toute autre nature cependant.

" Un faux pas… Siffla Oberon en restant bien près des deux protagonistes, de même que les compagnons de la chamane. Il n'avait aucunement besoin de terminer sa menace, son paternel était suffisamment vieux pour connaître les aboutissants d'une trahison.
- Il y a de fortes chances que Léto s'évanouisse après le rituel, mais elle n'en mourra pas. Latone apparaîtra. Il braqua son regard sur celui glacial de la mord'th qui gardait sa rapière dégainée et prête à l'emploi. Et vous pourrez appliquer votre justice. " A quand remontait la dernière fois que Thémis avait exécuté au nom de ses valeurs ? Cela devait faire si longtemps qu'elle n'avait pas vu une cour de justice…

Le vieil homme appliqua sa main gauche sur le tatouage et sa main droite sur le front de la guerrière. Cette dernière souffla tout bas. La dernière fois, le rituel s'était très bien passée ; elle avait été naturellement assez désorienté de voir son monde et celui des esprits se confondre, mais cette perturbation fut rapidement gommée à force d'habitude. Là on parlait tout de même de tripoter son âme pour que son propre esprit reprenne l'ascendance totale… Ce n'était pas la confiance qu'elle accordait à Ravos qui lui faisait peur – le Nolite Mentiri de Thémis leur confirmait bel et bien qu'il ne mentait pas sur ses intentions – c'était plutôt la possibilité que cela finisse mal. Un peu pour elle, mais surtout pour Latone. C'était une toute nouvelle existence qui s'offrira à cette dernière, comment allait-elle le vivre ? S'y habituera-t-elle ? S'y habitueront-elles ? Est-ce que leur lien demeurera aussi fort, afin que la personne qu'on connaissait à la fois sous le nom de Léto et Latone demeure, ou la distinction sera matérialisée, avec d'un côté Léto et de l'autre Latone ? Toutes ces questions lui brouillaient les idées, ce qui lui épargna l'attente du rituel qui draina peu à peu ses forces. Lentement, la chamane ferma les yeux, elle sentit son corps se libérer à de nouvelles perspectives…

Des perspectives réjouissantes pour Latone en tout cas. Lorsque le corps de la blonde tomba au sol, inconsciente, Latone était apparue entre le vieux chaman et les Mohr. Ses yeux bleutés s'ouvrirent sur le monde des esprits, une dimension qui lui était propre depuis sa naissance. Elle baissa son regard sur ces mains… Enfin, ses mains. C'étaient les siennes ! Elle n'avait pas de corps, elle était un esprit comme les autres, mais elle avait une forme qui lui était enfin propre. En apparence, Latone ressemblait en tout point à Léto, de la taille des muscles jusqu'aux traits du visage. Seuls quelques détails la faisaient diverger de son hôte – des détails, au passage, très ironiques puisqu'elles avaient pariées sur ceux-ci s'il s'avérait qu'un jour elle possédait son propre corps – des cheveux bleutés lui tombaient mollement sur les épaules, ses sourcils azurés surmontaient une paire d'yeux aussi céruléens que les fois où elle possédait Léto. Son épiderme était légèrement plus hâlé que celui de la chamane, il suffisait aussi qu'elle passe une main sur ses oreilles pour se rendre compte qu'elles étaient pointues. Une alfar bleue, on avait raison ! Mais tout ceci n'était que physique, son caractère était aussi détonant qu'auparavant, et pourtant si proche de celui de Léto. En fait, Latone ne s'était jamais sentie aussi proche de la blonde qu'en étant séparées, ses souvenirs et ses opinions se mêlaient à ceux de Léto, ce qui en soi était aussi étrange que merveilleux. Elles n'étaient pas des jumelles, elles n'étaient même pas les deux facettes d'une même pièce, elles étaient juste Léto et Latone. Un même nom à la fois adulé et craint.

" Je parle en notre nom ! Je suis Léto et Latone. Elle posa les mains sur ses hanches, cela lui faisait bizarre d'avoir ses propres vêtements pour une fois, de se sentir aussi légère que jamais. Bon pour vous ce sera juste Latone, parce que déjà que vous ne comprenez jamais rien, ça va être difficile de vous enfoncer dans le crâne que nous sommes indissociables. Elle pointa du doigt le corps évanoui de Léto. Sans sa force, sans sa magie, je ne serais pas là où j'en suis. Peut-être que je suis née de son désir d'être plus forte, peut-être que je suis l'idéal qu'elle souhaitait atteindre. Elle sourit et fixa le vieux chaman. Peut-être ne suis-je que le fruit de vos créations. Peut-être que je ne suis qu'une Mohr qui a parasité ce corps durant tout ce temps. Elle balança ses bras sur l'assemblée, elle tournoyait librement sur elle-même. A vos affirmations, je répondrai ceci : jeee m'eeen fouuuuus ! Elle s'arrêta pile devant Oberon, son sourire provocateur toujours présent. Tout ce qui a pu pousser à ma naissance, ce n'est que du vent, maintenant j'ai un nom, j'ai un but, j'ai une famille, des amis, des ennemis. Elle passa successivement devant Sirona et Yurlungur. Des envies, des fantasmes… Elle ricana bruyamment, aussi tarée que jamais. Et tout ceci, vous le retrouvez aussi chez elle ! Elle désigna de nouveau le corps évanoui de Léto, puis elle s'approcha du berserker. Nous exprimerons la même pensée, pas avec les mêmes mots sans doute, mais avec les mêmes idées. Car je suis Latone et je suiiis… ? Galick resta silencieux quelques secondes avant de continuer.
- Brise-Tympans.
- Exactement ! Confirma-t-elle avec un grand sourire. Vous voyez, ce n'est pas trop difficile. Ceci étant, cela sera sûrement plus facile pour vous les fois où je fusionnerai avec elle. Car oui, je compte bien devenir le seul et unique esprit-compagnon de la chamane. Imaginez un peu alors… Elle se tourna vers les Mohr. Ce que cela donnera, lorsque nous entreprendrons la fusion des deux esprits. Elle baissa son regard sur son poing qu'elle serra si fort. Je deviendrai, certes temporairement, la guerrière que j'ai toujours voulu être. Je deviendrai forte, assez forte pour glaner ma liberté, assez forte pour satisfaire tous ces grands qui veulent profiter de moi, assez forte pour les convaincre de me laisser faire ma vie tranquille, assez forte pour tous vous vaincre, vous, qui oserez m'empêcher d'accomplir mes rêves. Une fois de plus, elle se tourna vers Léto. Elle bottera le cul des vivants. Elle leva son pouce et se désigna fièrement. Et je botterai celui des morts. "

1164 mots ~

By Jil ♪

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