Les Sorciers.. Un peuple que la Dullahan n'appréciait guère, mais dont elle ne tenait pas à s'attirer des problèmes. Tant qu'ils restaient à l'écart, alors elle ne causerait pas de soucis. Elle ne ferait pas de grabuges dans leur cohorte si on ne l'y invitait pas, malgré le mal qu'ils eurent fait au peuple sylvestre. La Morte éprouvait de la compassion envers les congénères de sa maîtresse, mais ne prenait pas leur mal pour le sien. Elle ne souffrait de rien, comme si son coeur avait déjà beaucoup trop enduré pour ressentir à nouveau quelque chose. Sa main alla recoiffer ses cheveux, vaguement, passant ses doigts entre les longues mèches qui parsemaient son crâne. Elle leva les yeux vers celui qui la hantait depuis de bonnes années, le fixant d'un œil mauvais, d'un regard noir qui ne laissait présager qu'un funeste avenir en ce qui le concernait. Elle l'aurait, à n'en point douter. Mais il n'était pas encore l'heure qu'il succombe à ses assauts, qu'il la supplie à genoux de l'épargner et qu'elle refuse de lui accorder une telle providence. Il avait gâché sa toute première vie, celle qui est censée être l'Unique, alors elle ne manquerait pas de lui faire regretter son affront jusqu'à ce qu'il en rampe sur le sol.

Les rumeurs se répandaient comme une traînée de poudre dans la Capitale, car depuis les attaques, de nombreux espions revenaient avec bon nombre d'informations toutes plus diverses les unes que les autres. Il était dur de faire la différence entre ce qui serait réellement utile ou non, mais quelque chose revenait toujours : l’avènement d'un nouveau continent, sorti des eaux par une magie surpuissante, ou par le hasard, qui sait. Car on ignorait même d'ou venaient les continents sur lesquels on posait actuellement les pieds, alors pouvait-on réellement être surpris qu'un nouveau fasse son apparition ? Un sourire arqua les lèvres de la Morte, tandis qu'elle craquait ses poignets mécaniquement. Plus rien ne l'étonnait en ce monde, et elle n'aurait pas été surprise de voir un des Aetheris venir frapper à sa porte pour une visite de courtoisie. Elle les considérait comme tout puissant, les respectait mais ne les priait en aucun cas, estimant que s'ils possédaient vraiment une si grande charité, ils se préoccuperait tout autant de leurs fervents serviteurs de ceux qui daignent vivre leur vie sans s'encombrer de rites tous aussi étranges les uns que les autres.

Mais la venue d'un nouvel endroit signifiait également guerre de territoire dans son esprit, et elle n'eut aucun problème à imaginer les convoitises que cela engendrerait. La Guerre était à présent loin, les êtres de glace disparus. Mais si l'on joue trop avec le feu, on vient à se brûler. Les Démons et les Sorciers seraient les premiers à mettre la main dessus, et à ne laisser personne se l'approprier, à éjecter tous ceux qui tenteraient de s'y introduire uniquement par curiosité. La Dullahan ne put cacher qu'elle aurait également apprécié savoir à quoi cette nouveauté ressemblait, ce qu'elle contenait. Non pas par avarice, ou par cupidité,  mais pas intérêt désintéressé. L'argent ne l'accaparait pas tant que ça, et si elle pouvait subsister, alors cela lui suffisait amplement. Mais laisser des imbéciles faire leur loi.. Ca, non. Comme quoi, l'attitude de Mircella avait laissé des séquelles dans l'esprit malade de la jeune fille. Elle ressentait à présent le besoin de faire respecter la loi… Non. Pas la loi. Sa loi.

Selon laquelle personne n'est autorisé à prendre ce qui ne lui est pas dû, tant qu'il n'en exprime pas la totale nécessité. Et tous les peuples devaient avoir le droit de tâter la marchandise avant que l'un d'entre eux ne tente définitivement de se l'approprier. Elle regarda Darren, une nouvelle fois. Ces êtres ne respectaient rien, n'avaient ni foi ni loi et se contentaient de tuer tout ce qui se trouvait sur leur passage. Triste ironie que celui-là soit obligé de rester enfermé toute la journée, et lorsqu'il tentait de s'échapper, il était vite ramené à la réalité ou plutôt à la puissance de l'Elfe Eternel qui, bien que ne résidant plus en ces lieux, gardait un œil sur l'avenir de ceux qu'elle cotoyait auparavant. Le Démon n'était plus autorisé à faire le mal, ou alors il le devait en dehors de ces lieux. Et si Mircella venait à lui tomber dessus, cela lui passerait l'envie de recommencer.

Elle allait mettre son grain de sel dans ses affaires qui ne la concernaient point, mais ferait un argument de taille contre ces races qu'elle voyait presque en horreur. Ouvrant une fenêtre du Palais, elle déploya ses grandes ailes de chauve-souris puis se laissa maigrement tomber dans le vide, laissant ses ailes faire le boulot de l'envoyer planer vers les cieux. Elle se redressa quelques secondes après, laissant un soupir s'échapper de ses lèvres,et s'élança vers l'Océan qu'elle aperçevait au loin. Ils démarreraient obligatoirement à cet endroit là, car il n'y avait aucun autre moyen d'atteindre leur Saint Graal, ce dit-continent que personne ne connaissait et dont la seule image les faisait tous saliver d'envie. Savaient-ils au moins véritablement s'il existait ? Elle se posa sur la première plage venue, puis détendit ses ailes. La nuit commençait à tomber, et les bateaux se préparaient à partir. Elle attendit, pendant de longues minutes, sachant que bientôt sa parole serait respectée. Car si le pouvoir lui brûlait les lèvres, il se rapprochait dangereusement. « Cela faisait longtemps.. ».

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La Morte attendait, les bras croisés, le regard perdu vers l'horizon. Son coeur brûlait de retrouver celle qu'elle cherchait, la seule capable d'attiser la flamme dans ses yeux, de provoquer en elle des réactions encore inédites. Son double, sa moitié, simplement et purement. Et l'admettre ne lui posait aucun problème. Avouer que son absence l'eut dérangé non plus. Elle sentit sa présence, le souffle de ses ailes se rétractant, ses bruits de pas si caractéristiques. Tout en elle respirait ce à quoi Julia aspirait. Se tournant vers cette dernière, la gratifiant d'un large sourire qui n'écartait ses traits qu'en son unique présence, elle alla poser une main sur son épaule. « Tu m'as également énormément manqué, Melody. ». Elle n'en dit pas plus, mais sa manière d'agir saurait le faire à sa place. Ensemble, elles vaincraient le monde entier, se battraient contre vents et marées jusqu'à surmonter le plus grand des obstacles. Une promesse, une seule, une singulière qu'elle n'aurait su briser. Ses doigts allèrent se glisser naturellement dans les siens, comme un mince filet d'eau dans son lit. Et, lui accordant une confiance sans faille, elle la suivit, prête à voir les stratagèmes qu'elle utiliserait pour arriver à leurs fins. L'autre Dullahan n'avait pas eu besoin de lui demander la raison de sa présence ici. Elles communiquaient, se connaissaient mieux que l'une se connaissait elle-même, prévoyaient leurs actions, formaient un Tout que l'on ne pouvait nier.

L'entrée fut plus rapide que Julia ne l'eut espéré dans ses rêves les plus fous, elle qui se voyait mal s'infiltrer sur un navire dont l'équipage s'avérerait peut-être aussi fourbe qu'elle. Pas plus. Elle sourit. Car c'était tout bonnement impossible que ce soit le cas. A elles deux elles étaient la sournoiserie pure, la mesquinerie la plus fine qu'il eut jamais existé en ces terres. Et leur Union signifiait bien plus qu'une victoire sur l'ironie du sort. Les morts contre les vivants. « J'ignorais que ta grande perche de sœur possédait une telle notoriété chez les sorciers. Je suppose que toi aussi, du coup. ». Un sourire arqua à nouveau ses lèvres rosées. « Tu as raison de t'en servir, même si.. ». Elle marqua un temps d'arrêt de quelques secondes. « J'aurais apprécié que notre entrée soit plus fracassante que cela. ». Un clin d'oeil plus tard, elle poursuivit. « Mais je pense que ce sera pour plus tard. Si le début n'est pas spectaculaire, c'est pour bénéficier d'un final extraordinaire, je sais que tu ne pourras pas me décevoir. ». Elle jeta un coup d'oeil sur le pont du bateau et des souvenirs revinrent l’assaillir de toutes parts. « Capitaine Zurel ! ». Et elle se retrouvait plongée dans des temps immémoriaux, dont la seule existence trônait uniquement dans sa mémoire, dont elle était l'unique propriétaire. Elle se revoyait, voguant sur l'océan, tenant ses hommes d'une main de fer. Tous la craignaient, tous la respectaient, et beaucoup l'aimaient pour son autorité, sa force de caractère. Impitoyable et foudroyante, elle faisait couler les premiers navires se trouvant sur son chemin, ayant l'audace de la défier, de lui chercher des noises.

Elle respira l'air marin encore une fois, s'imprégnant de sa fragrance si particulière, du sel de la mer venant lui chatouiller les narines. Puis elle sortit de sa rêverie quand, en passant sa main dans sa longue chevelure, elle ne put y trouver ses anciennes oreilles d'Animal. Elle soupira. Pourquoi Diable était-elle morte si tôt ? Est-ce que quelqu'un se souvenait encore de sa frégate, de son nom, de sa réputation. Tout venait de s'envoler, détruit par le vent, évanoui dans la pénombre des coins les plus reclus de son coeur. Puis, passant sa main dans sa poche, elle y serra le dernier artefact qui lui restait de sa vie passée. Une clef. Secouant la tête, elle en revint à sa compagne qu'elle chérissait tout autant qu'au premier jour, qu'à leur rencontre. « Je n'ai pas l'intention de refuser un territoire à qui que ce soit. Je ne suis pas de ceux qui se battent pour l'égalité, et je ne m'engage pas dans des affaires politiques. ». Elle fit une pause. « Mais tu dois le savoir. ». Puis elle reprit encore une fois. « Cependant, les affaires de convoitises provoquent toujours de l'agitation dans les foyers, et je ne me voyais pas rater ça. ». Elle prit à nouveau sa main, lui confiant pour une nouvelle fois le fond de sa pensée. « Une catastrophe approche, et je n'aurais pas pu supporter de la vivre sans toi. ». Sa sœur d'Âme, sa seule issue.

L'équipage commençait à s'affoler, sous les injonctions de leur capitaine qui ne tolérait ni lenteur ni plainte, même si elles s'avéraient fondées. Julia se sentait comme un poisson dans l'eau, et aurait pu valser au rythme et au gré des vagues comme elle l'eut si souvent fait. Un véritable chef sait provoquer la peur, sait montrer les crocs quand il le faut. Celui-ci partait dans l'extravagance que lui prodiguait son rôle. Bien idiot fut celui qui le nomma, car il ménerait son peuple à sa perte. Et s'il se montrait plus doué qu'il ne le paraissait, plus intelligent qu'il ne daignait le montrer, elle serait là pour s'assurer que justice soit rendue. Pas la Justice, oh non, pas l'universelle. La Sienne, et celle de sa consœur. Celle qu'elles adoptaient, qui régissaient leurs vies respectives. Quelques pas plus tard, le navire commença à être secoué de toutes parts, annonçant un départ imminent. Elle emmena alors Melody dans un coin plus reculé, attendant le moment propice pour se jeter à l'eau. « Es-tu venue ici dans le seul but de me retrouver.. » Ses yeux parurent s'illuminer une fraction de seconde avant de reprendre leur aspect terne habituel. « Ou est-ce que tu as une idée derrière la tête ? ». Les deux solutions lui plaisaient. Et de toute façon, Melody n'était pas sotte, et devinait ce qui se tramait dans son esprit malade. Car elle savait que.. « J'irais ou tu iras. ».

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La Morte, malgré sa proximité certaine avec son Autre, ignorait proprement de quoi elle parlait. En effet, elle ne s'était jamais intéressée à la famille qu'était la sombre idiote de Milady à ses yeux, ne la considérant tout simplement pas comme assez importante pour daigner attirer son attention. Elle était, tout au plus, banale, et ne représentait rien à ses yeux. Si elle mourrait, elle n'en aurait que faire, mis à part le fait qu'elle doive consoler pendant des jours sa maîtresse qui la pleurerait pendant des lustres. Depuis la nuit des temps elle observait le monde et ceux qui le peuplaient, s'amusant de leur stupidité, de leur manière de refuser de se jeter dans le vide et dans l'aventure. Ceux qui passaient leur temps à se pavaner dans les rues sans but méconnaissaient la durée de vie qui leur était offerte et n'avaient de cesse de la gâcher par de telles bêtises. Ils s'emballaient pour tout et rien, se perdaient dans les méandres d'une folie passagère qui ne leur apporterait que des ennuis. La Dullahan passa une main sur son épaule pour en retirer la poussière qui venait de se déposer. Elle, ne disparaîtrait pas. Elle ne s'évanouirait pas dans les airs, ne s'envolerait pas si ce n'est de par sa propre volonté. Rien ni personne n'aurait su la défier.

« Je vois de quelle compétition il peut s'agir. Mimi a tenté le coup, mais elle n'a finalement pas réussi, laissant la place à un autre Elfe que l'on jugeait sans doute plus apte à représenter le peuple. ». A la simple idée qu'elle était devenue reine, elle ne put s'empêcher de pouffer de rire. Cette pauvre chouinarde, souveraine ? Elle avait bien évolué depuis leur première rencontre, et jamais Julia n'avait eu la notion du temps qui passe. Elle se fichait bien des secondes ou des minutes, car elle vivait depuis bien trop longtemps pour encore s'en soucier. L'idée d'attaquer les sorciers de front ne lui aurait jamais traversé l'esprit. Non, ils étaient fourbes, mais elle remarqua bien vite qu'il s'agissait d'une belle bande de bras-cassés. Ils peinaient à effectuer des tâches simples, à bouger ceux qui étaient censés leur obéir. Et ce manque d'expérience poussait la jeune fille dans ses retranchements. Ancienne capitaine, elle ne tolérait pas un tel élan de bêtise dans un équipage. « Ils ne savent pas se gérer, honnêtement je pense que sans notre aide, une mutinerie aurait déjà eu lieu d'être. ». Elle sourit, serrant la main de sa compagne. « Mais je ne raterais jamais une occasion de m'amuser à tes côtés, tu le sais bien. ». Le navire tanguerait à peine, avançant avec une certaine difficulté due à leur imbécillité. Ceux-là n'étaient définitivement pas très doués, et cela leur coûterait la vie sans même qu'elles aient à se salir les mains. La Morte n'avait pas l'habitude de faire dans la dentelle, mais un peu de sournoiserie ne la tuerait pas.

« Je n'ai pas l'intention d'entrer dans la politique non plus. Je considère qu'ils sont un ramassis d'imbéciles, mais ce n'est que ma vision des choses. ». Pour avoir tenté de s'y mêler, elle en connaissait les rebondissements et désavantages. Et il faut dire que s'immiscer dans les affaires des autres n'apportait jamais rien de bon, pour ceux cependant qui le désiraient. D'autres voulaient juste voir le Monde brûler, les femmes hurler, les hommes s'effondrer. Elle faisait parti de cette catégorie de personne, et admirait sa jeune amie pour ses ambitions, sans pour autant daigner lui en demander plus. Elle aspirait à un avenir bien plus grand que celui qui lui aurait été destiné si seulement elle n'était pas morte. La Mort offre parfois plus de possibilités que la vie.. « Tant que j'y suis. Je ne t'en ai pas parlé, mais je pense que c'est rapidement arrivé aux oreilles de ta sœur, vu les échanges qu'il y a entre elle et MimI. Cette grande perche blonde gouverne les Elfes. Donc je suis partie m'installer à Avalon, ma place n'est pas au Palais de ce peuple. L'atmosphère me donne envie de vomir. ». Elle paraissait vaguement dégoûtée à la seule évocation d'Earudien, cette ville dans laquelle elle avait tant vécu qu'elle ne la supportait plus. Toutes ces vagues de destructions lui plaisaient, mais l'état de l'être sylvestre l'agaçait au plus haut point. Alors, plutôt que de s'enfuir, elle avait pris en main sa vie et déclaré sa liberté, malgré le contrat qui les liait inlassablement.

Bam. Boum. Quelqu'un venait de tomber sur le sol, se fracassant le crâne contre la paroi des planches peu entretenues dont il avait sans doute la charge. Un hurlement glacial déchira les cieux dés lors que le fouet toucha son épiderme, lui arrachant la peau et faisant couler son sang sur le sol. Elle l'observait, de loin, sans véritablement réagir. Mais elle sentait, au plus profond d'elle, que si elle désirait en faire un homme d'armes, elle y parviendrait. Il agissait comme un froussard, mais n'avait pas un corps de lâche. Il saurait devenir une Arme, pour elles. Elles l'utiliseraient, pour leur simple bon plaisir. Car elles n'avaient aucun intérêt à détruire ce que les Sorciers tentaient de créer. Encore moins Melody, qui appartenait notamment à une famille de cette race. Pour Julia, n'importe quel imbécile aurait pu suggérer qu'elle agissait contre ce peuple en vue de venger les elfes qui avaient perdu leur ancien souverain par la faute de ces derniers. Mais il n'en était rien. Elle ne prenait pas parti. Ou si. Son propre parti. Celui que portaient sa propre personne et sa compagne en leurs coeurs qui, malgré leur décès relativement lointain, semblaient encore battre à l'unisson.

Suite à la remarque de la jeune femme à la longue chevelure flamboyante, un sourire arqua les lèvres de la Morte, qui sentait couler dans ses veines une adrénaline incontrôlable. Remontant sa manche, elle dévoila une tête de mort ornant son poignet, montrant son appartenance à l'ancien monde pirate, du temps ou ils étaient encore plus sanguinaires qu'aujourd'hui. Le temps adoucit les mœurs, comme on dit. Mais cela leur apprendrait. Elle tiendrait ces personnes entre ses mains sanglantes et les méneraient là ou elle le désirait. Se coupant légèrement afin de ne pas trop s'entailler et se vider de son sang, elle se balada tranquillement au beau milieu du pont, après avoir changé au préalable d'apparence pour se fondre dans le décor. Elle venait de récupérer son physique d'autrefois, celui d'une splendide navigatrice à la belle crinière noir de jais, un chapeau digne des plus grands conquistadors d'où dépassaient deux belles oreilles de fennec noir. Elle, sur une frégate. Cela lui rappelait tant de souvenirs. Passant à côté de plusieurs hommes, elle apposa sa Marque sans trop se faire remarquer, n'accordant d'attention à personne. Bientôt, son sourire s'élargit lorsque son poignet alla se coller à l'un des plus haut-gradés qui, lorsqu'il voulut l'aborder, ne la vit rapidement plus.

« Vous vous foutez de moi ? ». Il s'avança vers un de ses esclaves, manquant de trébucher sur la plupart des planches qui ressortaient du sol. « Vous voulez vivre encore longtemps ? ». Il le fixait, de ses grands yeux noirs, prêt à donner le coup de grâce afin qu'il succombe à ses blessures. Sauf que rapidement, un autre homme vint le bousculer, frappé par la malchance donnée par sa compagne, tombant à la renverse. Julia profita de cet instant pour se faufiler et, d'un coup rapide de dague, elle coupa les tendons de l'arrière des genoux de celui qui, quelques secondes auparavant, menaçait une vie. Maintenant, ce n'était plus qu'une question de temps avant que tous se révoltent, deviennent fous à lier, s'emballent et se déchaînent comme des lions bloqués dans une cage. Ils étaient l'animation de ce soir, et ce n'était que le début. Elle leur réservait un sort bien plus particulier, et lorsqu'elle croisa le regard de son Double, son corps se raidit. Elles allaient vaincre ensemble, mais elle ne pouvait ignorer que cela ne durerait pas toujours. Déployant ses ailes de chauve-souris dans son dos, elle alla se mettre dans un coin, prête à changer d'apparence au moindre instant. Personne ne réussirait à déjouer leur petit manège, quand bien même il essayerait de toutes ses forces. Elles vaincraient ensemble. Car si l'une d'entre elle s'effondrait face à l'adversité, alors l'autre perdrait tout. Elles se complétaient et à présent, ne pourraient jamais se quitter.  

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La Morte observait les environs, de sa stature qui lui avait tant manqué. Cette apparence, qui était la véritable, celle dans laquelle elle aurait du se faire piéger à sa mort, lui prodiguait un sentiment de confiance insoutenable, incontrôlable. Elle pouvait tout faire sous cette forme, tous les contrôler autant qu'ils étaient, et leur montrer, par dessus tout, qui était le chef, le Capitaine. La Dullahan se sentait tout simplement revivre sous cette forme qu'elle chérissait tant, au milieu de tous ces pirates qui s'enlisaient dans la boue de leur propre bêtise, ne sachant comment échapper aux mauvais sorts que les jeunes femmes lançaient à tout bout de champ. L'on n'échappe pas à la mort. Surtout pas quand elle nous court après comme elle le faisait actuellement. Ils n'avaient aucune chance de s'en sortir, de parvenir à trouver une issue à ce problème tant qu'elles seraient sur le pont. Tapie dans l'ombre, Julia attendait le bon moment pour se jeter à nouveau à l'eau. Tout était dans la finesse, dans la discrétion, dans la fourberie et la sournoiserie de ses actes qui prendraient la vie de ces hommes qu'elle ne considérait pas. Mais bien vite, sa jumelle fondit sur elle, l'attrapant par le bras, la soldant de s'approcher du centre du navire. L'espace d'un instant, elle ne comprit pas ou elle voulait en venir, mais daignerait-elle se méfier de son Autre, de son Double ? Même pas en rêve.

Arrivant au centre du pont, là ou tous la regardaient. Une petite surprise disait-elle.. Une plutôt grande, en fait. Après avoir donné les pleins pouvoirs à la Morte, le Capitaine se jeta au-dessus de l'eau. Julia ne donnait pas cher de sa peau, et elle vit rapidement les nombres au-dessus de son crâne diminuer en flèche. Il mourrait sans aucun doute, laissant son équipage peut-être pas si seul que ça. Craquant ses doigts, la jeune femme à la longue chevelure noire de jais se tourna vers la Rousse, un large sourire arquant ses lèvres, déformant presque son visage. Elle attrapa son menton et le ramena vers elle, ne laissant que de maigres milimètres les séparer. « Tu réalises un de mes rêves, Melody. ». Elle paraissait troublée, charmée par cette douce attention. Melody connaissait son ancienne vie de pirate, ne serait-ce que de par sa réputation, et cherchait sans cesse à la rendre heureuse, même si cela signifiait provoquer le malheur de tous autour d'eux. Et pour cela, elle ne pourrait jamais assez la remercier. « Je te rendrais la pareille, ne t'en fais pas pour ça. ». Au moment ou tu t'y attendras le moins, pour te surprendre de plus belle et te rendre folle. Elle s'éloigna ensuite doucement de sa jumelle, dans une douceur infinie, mais brusquée par un puissant jet d'eau qui leur arriva dessus, provoqué par l'arrivée d'un énorme requin ayant visiblement pris son amuse bouche en avance. D'autres monstres ne tardèrent pas à arriver de toutes parts, et les marins s'agitaient dans tous les sens. Julia prit en main la situation, haussant la voix.

« Armez les canons, et utilisez tous les sorts possibles pour les empêcher d'abimer le navire ! Et le premier qui tente de s'enfuir, je le pends par ses parties intimes au mat ! ». Sa voix était rauque, suave, mais pleine d'entrain et emplie d'adrénaline. Elle brûlait, bouillonnait. Tout cela n'était que le fruit de leur labeur. Mais elle n'avait aucune illusion face à la mort de tout son nouvel équipage, et étant donné qu'elle n'avait pris le temps de tisser un lien avec n'importe lequel d'entre eux, cela ne lui importait pas vraiment. La seule qui comptait, c'était Melody. Et elle tuerait pour elle, elle vaincrait pour elle le plus grand des monstres, le plus puissant des Aetheris. Elle lui donnait une force incomparable, presque trop belle pour être vraie. La nature reprenait ses droits, et quand les canons commencèrent à fuser, la Dullahan se rendit rapidement compte que, animés par une magie bien plus forte que ce qu'elle aurait pu imaginer, les monstres ne subissaient aucun dégât. Melody semblait s'amuser, ou en tout cas vouloir se jeter à l'assaut de ces bêtes, mais c'était bien trop risqué pour que Julia la laisse se jeter dans la gueule du loup. Elle la retiendrait, tant bien que mal.

Un second coup de tentacule coupa le navire en deux, déséquilibrant totalement la frégate dont les deux bouts ne tardèrent pas à être englouti par les eaux. Attrapant sa compagne dans ses bras, elle la souleva dans les airs. « Melody, je ne peux pas prendre le risque de te perdre. ». Et, fermant les yeux, elle s'en alla bien vite, défiant les puissants vents qui cherchaient à l'envoyer en arrière et les tentatives du requin géant de la happer pour la dévorer toute crue. Replaçant rapidement sa chevelure noire derrière son oreille, elle serra son autre dans ses bras, avant de la retourner afin qu'elles admirent le spectacle ensemble. Le feu brûlait sur la mer, enflammait les eaux qui peinaient à s'éteindre. C'était une démonstration de force remarquable dont elles venaient de faire preuve. Elles s'aimaient, à en mourir, et détruiraient le monde s'il le fallait. Ou plutôt, si cela les amusait. Car dans leur univers, seul le rire et le sourire de l'autre leur permettait d'avancer. Elles étaient deux êtres que tout opposait sans doute dans leur ancienne vie, mais maintenant elles s'accordaient à la perfection. Tournant la tête vers la belle rousse, elle sourit une nouvelle fois, s'éloignant du navire qui coulait doucement. « On recommence ? ». Tout cela n'aurait jamais de fin.

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