Nous y voilà, au dénouement de toute cette histoire et de cette rencontre. J'allais devenir officiellement une Passeuse aux yeux de tous, un membre important de notre communauté, chargé de guider les âmes vers leurs destinés. Et je savais instinctivement que je pouvais en être fière, bien que je ne puisse ressentir cette émotion. De plus, après les récents évènements, nous manquions cruellement de main d'œuvre, je le savais. J'avais gagné ici un rôle, mais aussi une détermination à le remplir mais également le sentiment d'appartenir enfin à quelque chose de plus grand et de plus puissant. J'avais gagné aussi une précieuse amie, à qui je voulais être fidèle et que je voulais servir du mieux que je le pouvais. L'on dit toujours dans les livres que les plus grands guerriers accordent leur loyauté au plus nobles chefs, et c'est ce que je comptais faire à mon tour, bien qu'il ne soit pas question ici de prendre les armes. Je souriais à Shiro, malgré que ce ne soit encore qu'une expression mécanique que prenait mon visage. J'avais toujours cru que toutes les Ombres étaient incapables de ressentir quoi que ce soit, mais en la regardant, je commençais à croire le contraire. Ses sourires avaient l'air sincères et naturels… au contraire des miens, que je ne prenais que par automatisme. L'Espoir de changer un jour grandissait en moi.

« Je ne savais pas que tu étais la propriétaire du Jardin Animalier ! Moi qui avais toujours désiré m'y rendre en compagnie de mes familiers, tu m'offre là une excellente raison de combler mes envies. C'est avec joie que je m'y rendrais ! Et je suis certaines que ces deux là s'y plairont. » Je comptais alors lui dire au revoir lorsque nous fûmes interrompues par une entrée nouvelle. Un homme assurément puissant venait de me saluer, en tant que nouvelle Passeuse… et mon goût de l'étiquette me poussa à me courber devant lui afin de le saluer à mon tour, docilement. Il y eut un échange entre les deux grands de ce monde devant lequel je restais silencieuse. Le Conseil des Ombres… J'osais rêver d'y participer un jour, une fois que j'aurais fait mes preuves dans mon nouveau rôle. J'évitais aussi de trop me concentrer sur leurs dires, comme si instinctivement, je savais que je ne devais pas me mêler à eux. Pas encore. Je n'étais qu'une petite Ombre Nouvelle.

Sanctus… L'homme repartit ensuite me laissant de nouveau seule avec Shiro. Ainsi, il était un Gardien… Que je n'aimerais pas me mesurer à lui qui a l'air si… étrange… Ma Reine s'excusa ensuite de devoir me quitter prestement, chose que je comprenais tout à fait et qui ne me dérangeais en rien, puisque nous en avions finit. Ma nouvelle amie fit alors quelque chose… de particulièrement spécial à mes yeux… Un présent. Je regardais le bijou de mes grands yeux ébahis. Jamais encore je n'avais reçus un tel cadeau, hormis ma bague de mariage. « Il est magnifique ! Sache que j'en prendrais grand soin. C'est un grand cadeau que tu me fais là ! » Puis elle s'éloigna à nouveau de moi, prononçant ses derniers mots avant de disparaître de sous mes yeux. J'étais à nouveau seule dans cette grande salle, livrée à moi même, à mes sombres pensées et à mes démons. Mais une chose était certaine, j'avais changé, et je changerais encore. Même si j'étais maintenant morte depuis quelques années, je continuais à évoluer.

Je fis alors une dernière action, plus que symbolique puisque personne ne serait là pour la voir, mais j'y tenais grandement. Mettant un genou à terre et mon poing droit à l'emplacement de mon cœur, je prononçais ces paroles éternelles et solennelles. « A vous, ma Reine, je jure de vous servir aussi longtemps que mon existence me le permettra, de vous être fidèle par delà les affres de l'espace et du temps, à jamais. » Ceci fait, je me relevais lentement et fit demi-tour, quittant le Château. Désormais, j'avais un but et j'étais décidée à l'atteindre. Melody. Elle était de nouveau devenue ma priorité absolue, malgré mes peurs et mes craintes à son égard. Alors, je demandais d'un geste de la main à Saïko de reprendre sa taille normale et l'enfourchais sans attendre. Je devais avant tout la retrouver. Peut importe le temps que cela me prendra, peut importe les sacrifices que je devrais faire, je parviendrais à la retrouver, à lui rendre sa tête et ainsi me libérer de ce fardeau qui m'empoisonnais.