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 # Les champignons, c'est bon pour la santé # ( SOLO )

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Dim 04 Mai 2014, 18:27


Les vapeurs du matin mélangées aux averses de la veille au soir, commençaient à se lever et à prendre possession de la campagne entourant la ville la plus proche. Elles se formaient par de simples amas de fumée pour prendre la forme au final d'énormes nuages grisâtres, surplombant les forêts ainsi que toute autre trace de végétation, les habitations minuscules comme les plus imposantes demeures construites aux abords des cités. Elles finissaient, sous l'influence des rafales et autres courants d'air plus ou moins froids, par s'immiscer entre les différents résinifères des bois les plus isolés, pour y semer doute et confusion. Le brouillard - masse de vapeur que la rosée du matin ne faisait qu'amplifier - s'épaississait à vue d’œil pour la terreur des plus malheureux voyageurs. Bien trop rapidement pour dire vrai puisque quelques secondes à peine lui étaient amplement suffisantes pour voir son intensité redoublée, la vision des âmes errantes devenant ainsi de plus en plus hasardeuse et perturbée. Impossible de différencier quoi ou qui que ce soit à une dizaine de mètres à la ronde - à moins de n'avoir une vision hors du commun - autre que les arbres courbant l'échine ou encore le chemin caillouteux qui était pour eux la seule issue hors de l'étendue forestière. Les parfums les plus divers - pour tous les goûts et de toutes saveurs confondues - semblaient s'être donné rendez-vous sur place : que ce soit la sève se dégageant des troncs d'arbre massifs et épineux, les pins - courants dans la région - dont on pouvait sentir l'odeur à une distance considérable ou encore ce brin de fraîcheur marine que l'air transportait des longitudes de l'étendue salée.

On aurait presque pu considérer cela comme une agression à ses sens, des sensations diverses qui en devenaient de puissants anesthésiants pour l'esprit exténué du vampire. Celui-ci, n'ayant aperçu autre âme qui vive depuis le début de son périple, rentrait à l'aube suite à une succession d'événements qu'il préférait réfuter pour le moment tant ils avaient pu heurter son peu de sensibilité. Parcourant dans une parfaite solitude les voies tracées à la main, désertes, passant à travers collines et champs cultivés qui avaient débordé après les nombreuses pluies torrentielles faisant rage dernièrement, il se dirigeait vers ce qu'il considérait à ce jour comme un véritable foyer. Les bourrasques de vent les plus improbables emportaient dans leur danse endiablée une multitude de feuilles sèches, dont le support était devenu beaucoup plus faible, les éparpillant un peu partout. Les arbres dénudés à présent de leurs feuillages comme un voile qu'on ôte, une protection qu'on rabat, semblaient chétifs et apeurés. Les chaussures de Luka - devenues déjà  bien assez répugnantes à force de patauger dans les chaussées recouvertes d'une couche gluante de feuilles mortes et de boue - lui faisaient incroyablement mal. Les grandes distances ne sont pas clémentes surtout lorsqu'on les parcourt sans une réelle préparation.

Le ciel redevenait hostile, menaçant, un présage de pluie qui ne tarderait pas à s'abattre sur eux à chaque instant et qui utilisait cela comme un avertissement. Un déluge de milliers de gouttelettes transparentes s'abattit alors soudainement martelant avec violence l'imperméable que portait le jeune garçon, s'engouffrant dans ses vêtements, ruisselant le long de son cou de porcelaine et même parmi ses boucles soyeuses frôlant sa nuque, pour arriver enfin à ses chaussures. Nettoyage forcé et fléau qui épure. Avec un manteau improvisé comme seul tissu lui couvrant ses épaules, Luka résistait, à cette première pluie du matin qui continuait, fine et pourtant abondante, de juger le monde ici-bas qui ne savait qu'en profiter.

C'est alors que ses pensées s'étaient dirigées ailleurs, qu'un tumulte de feuilles en tout genre vint s'abattre sur la face juvénile du petit être qui sursauta sur le coup de la surprise, malheureuse coïncidence qui lui permit d'apercevoir au passage d'étranges silhouettes à travers la brume énigmatique. S'approchant pour mieux les discerner, il identifia le regroupement d'hommes comme des joueurs de cartes amateurs qu'il affrontait assez souvent et contre qui il continuait de gagner, des jeux sans aucune mise. Il ne s'agissait là que d'un rassemblement de joueurs, vieillards à moitié séniles ayant toutefois en charge les champs délabrés ainsi que d'anciens pêcheurs – n'ayant plus les forces de prendre le large mais ayant vu l'odeur de poisson pourri  et de sel incruster leur propre peau au point où on les discernait à ce seul indice – autour d'un feu de camp hors du village. Ils s'y installaient souvent pour la première rosée du matin, essayant d'épargner tout leur grabuge et braillements aux pauvres villageois qui dans leurs draps s'agitent encore, au lever du jour. Il les rejoint sans plus tarder, en oubliant presque la compagnie de son loup noir qui savait se faire discret, croyant qu'une onde de chaleur aussi minime soit-elle leur ferrait le plus grand bien avant qu'ils n'aient eu le temps de s'approcher de l'auberge. Qui plus est, cela faisait bien longtemps qu'ils n'avaient pas ainsi profité de leurs voyages, sans le moindre soucis à se faire, libres et voués à eux-mêmes sans un petit gaillard – que Venom n'appréciait pas plus que cela – pour venir les déranger.  

Arrivant à leur chevet, il croyait avoir affaire – une fois de plus et ce ne serai certainement pas la dernière – à un chahut incroyable en voyant le museau de la bête se dessiner derrière le dos du vampire, mais ces hommes ne firent rien et après avoir accueillit leur nouvel camarade, continuèrent de se prêter à leurs petits jeux comme si de rien était. Il y avait certains avantages à converser avec de tels rassemblements d'hommes d'un âge assez avancé : c'est que les fruits de l'expérience ou d'une certaine agilité d'esprit, changeaient complètement les vues de ces derniers dans ce qui leur semblait normal ou hors du commun. Toutefois, dans l'air semblait flotter, en dépit de toute la courtoisie dont ils avaient pu faire preuve comme à leur habitude, un air de désespoir ou de mécontentement assez marqué, qu'ils essaient de cacher derrière chants pas si mélodieux ou encore des plaisanteries de mauvais goût sur les sujets du bord faute de mieux. Luka les observait d'un œil attentif sans pour l'instant prononcer mot, essayant de se faire à cette vue à la fois chaleureuse et quelques peu sinistre.

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Dim 04 Mai 2014, 18:28


Leurs visages mortifiés par le passage du temps voyaient la moindre ride dévoilée par les infimes lueurs en provenance de la flamme crépitante devant eux, un véritable jeu de couleurs entre le blanc pâle et l'oranger noirâtre. Sous leurs yeux bouffis des cernes terribles s'étaient creusées. Il lui était impossible, à ce jeune homme étant en apparence à la fleur de l'âge tandis qu'à l'intérieur il semblait avoir vécu beaucoup plus que tous ces hommes, de dire s'ils venaient tout juste de se réveiller ou si au contraire ils n'avaient pas encore réussit à trouver le sommeil. L'un d'entre eux portait un masque mortuaire en guise de visage, ses os plutôt pointus ressortant sauvagement par endroits mais restant très gaie comme personnage malgré son teint fade. L'autre, peut-être à cause de la pluie, restait là à rire dans tous les sens une bouteille à la main, les cheveux assez gras mais pas désagréables pour autant, collant toutefois son front qu'on considérait petit du premier regard. Ils étaient en somme les deux petits nouveaux à venir s'ajouter à la bande pour remplacer les derniers à s'en être échappé, le vide qu'ils avaient laissé.

Proposant une échoppe remplie à ras bord d'un de leurs meilleurs liqueurs – car pour sûr ils n'avaient pas les mêmes goûts  que le vampire en matière de ce breuvage poissonneux que jamais il n'avait englouti pour le plaisir – que Luka refusa avec une extrême politesse, ils déclenchèrent la prochaine tournée d'applaudissements. La conversation s'engagea assez rapidement, bien que parfois leurs paroles n'aient de sens aux oreilles du vampire qui restait parfaitement lucide malgré les odeurs d'alcool qui se propageaient rien qu'à travers leurs haleines putrides. Luka, n'ayant rien d'autre que les récits de ses maigres exploits à leur conter quand vint son tour d'à eux s'adresser, se vit lui aussi prit au jeu, n'ayant bientôt plus souvenir du petit garçonnet qui l'attendait somnolant de retour au logis. De temps à autre, des volutes de fumée s'échappaient du mélange entre bois asséché et quelques gouttes de rhum calciné, moment que choisi un d'entre eux pour lui parler. « Quelles histoires palpitantes tu me racontes là mon p'tit !  T'en as bavé pour ton âge dis'moi ! J'aurais bien aimé en avoir fait de même à mon époque mais hélas les temps ont bien changé … » fit-il dandinant comme un ivrogne d'un côté et de l'autre du feu de camp, alors que tous ses compagnes hochaient de la tête en guise d'approbation. De plus, à en croire leurs tremblements compulsifs ou les petites gouttes qui dépassaient de sous leurs nez, ils avaient du s'y installer depuis bien longtemps, la température de leurs corps ayant incroyablement chuté pour devenir presque semblable à celle du vampire.

La tempête de la veille semblait avoir prit le contrôle et altéré presque complètement le climat qui devinrent perturbant, trempant jusqu'aux os les pauvres cuissards qui restaient là en proie à leurs discussions délirantes autour du feu de camp qui ne s'était pas encore éteint que par pure miracle. Luka se laissait envahir par la morosité qui planait et que ce temps si dégradant, petit à petit, devait procurer chez la plus part des habitants du village sans doute. Mais ils avaient bien l'intention de remonter le moral à ces pauvres âmes, du moins l'espéraient-ils en fredonnant dans leur coin des sornettes à moins que ce n'eusse été une sorte d'hymne que leurs voix rauques et usées n'aient déformé. Lançant quelque combustible sur le feu ardant pour y provoquer une belle étincelle bleutée, le plus vieux du groupe reprit leur bavardage incessant mais qui avait réussit à distraire merveilleusement bien le vampire et à le sortir de son état presque somnambule.

« … Mais en retour, j'aurais bien quelques informations à te donner si tu es intéressé. Tu viens de rentrer donc j'imagine que ce n'est pas du tout le bon moment pour t'en parler mais si je ne le fais pas maintenant, qui sais quand je m'en ressouviendrai ?! » Un voile de vapeurs poisseuses et de fumées âcres venues de dieu sait où, de partout et de nulle part à la fois, vinrent interrompre le jeune homme qui s'apprêtait à manifester son intérêt notable, peut-être dans l'espoir de chasser cet ennui mortel que même les sauts d'humeur de Kyle n'arrivaient plus à pimenter. Il arrivait rarement à trouver une autre mission à exécuter avec si peu d'écart avec la précédente, aussi rapidement et sans notice, mais cela était loin de le déranger bien au contraire. Il voulait en entendre plus à ce sujet et bien que réticent au début, le vieux gaillard commença bien vite, ainsi que tous ses autres compagnons, à partager entre eux ce genre de mémoires héroïques dans leur courte durée de vite qui ne pouvait être comparée en aucun cas à celle de Luka. Ils parlaient ouvertement mais leur regard était fixé ailleurs, sur le fil de leur passé commun qu'ils avaient partagé avec bon cœur et qu'ils donneraient tout pour retracer à nouveau, insistant à chercher ces images de leur jeunesse qu'ils regrettaient amèrement de voir derrière eux.

« Mon bonhomme ! » commença-t-il avec envergure frappant de son poing faible l'air qui le superposait, comme pour mimer l’impressionnable carrure de son récit épique. « Ça c'était le bon vieux temps ! Rien à avoir avec cette époque révolue ! Je comprends parfaitement ce que tu peux bien ressentir ! Une jeunesse fougueuse dont il faut absolument profiter ! Entrer dans un combat sans merci avec un adversaire ''maléfique'' dont les crimes ne sont plus à mesurer. Aider les pauvres gens démunis pour se voir à la fin remercier par un sourire empli de bonté. Regarder vos adversaires, qui qu'ils soient, droit dans les yeux et les voir se défaillir sous la meilleure stratégie ou encore le coup le plus puissant, plutôt que le mieux placé. Savoir les avoir vaincu loyalement et avoir secourut quelqu'un qui saura vous remercier pour cela. Rien que le sourire sur le visage d'un client ou encore le seul fait d'avoir connu le succès lors d'une mission difficile pour laquelle on se serait donné de la peine, c'est là les véritables morales d'un homme ! » déclara-t-il avec entrain avant de réaliser que tous les regards braqués sur lui s'attendaient à ce qu'il divulgue un tout autre genre d'histoires et avis. Se raclant la gorgée et ayant l'air d'oublier ce petit emportement de sa part, il reprit calmement. « Mais excuse moi petit, je m'égare. Pour ce qui en est de tes informations … J'ignore si tu es à la recherche, comme je viens de te dire, de ce genre de missions entreprenantes et pleines d'adrénaline, qu'il serait normal chez une jeune personne telle que toi de quérir en ce monde, mais moi il est question de quelque chose de plus délicat. J'ai un ami paysan qui aurait besoin d'un individu assez courageux pour une tâche délicate qui pourrait se dérouler sans encombrement, comme s'avérer un véritable désastre. Cela dit, souhaites-tu toujours en savoir plus ? »

Cet homme, de par ses dons médiocres d'orateur, avait réussit à aiguiser la curiosité du vampire et le piquer assez longtemps pour que celui-ci ne lâche pas l'affaire comme une autre. C'était comme un défit qu'il lui lançait là et qui était Luka pour ne pas l'accepter malgré la médiocrité de la mission ? Seul un sot serait capable d'une telle bêtise sachant l'ennui mortel qui l'attendait une fois retourné à sa vie quotidienne, un peu d'action ne faisait jamais de mal et le changement serait peut-être positif d'un certain côté … Ne prenant ne serais-ce qu'une minute de plus avant de se relever et de saluer avec beaucoup de respect les hommes dont l'aspect donnait plus l'impression de l'âge que le sien, il se précipita d'une marche rapide vers l'entrée de la ville qui une fois le brouillard levé, il remarqua juste derrière lui. L'homme lâcha … « C'est un des hommes qui vient de nous quitter. Il est parti vers les champs. Si tu as de la chance, mais surtout assez de jugeote, tu le rattraperas peut-être encore. »... tout en voyant le vampire s'éloigner au loin, l'air victorieux.

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Dim 04 Mai 2014, 18:29


Profitant de la pluie qu'avait cessé et des rafales qui ne tapaient plus aussi fort que quelques heures auparavant – car oui Luka avait bien passé des heures entières en leur présence sans se rendre compte lui-même – il monta sur le dos du loup flairant le paysan à distance, impossible de le rater avec cette odeur de boue marinée à la vodka. Arrivés à quelques mètres à peine de l'ivrogne, errant entre le somnambulisme et la plus folle ivresse, Luka chercha à l'atteindre mais l'homme s'écroula bien vite dans ses bras alors que ce dernier n'avait fait que l'interpeller. Le voyant qui se dirigeait vers une demeure plus très loin, la seule dans des lieues entières de terres défrichées qui les entouraient, Venom se chargea de le ramener jusqu'à bon port pour finalement voir son maître s'entretenir, pour son plus grand bonheur, avec une dame dont le bon sens était déjà plus remarquable que celui dont faisaient preuve les matelots de tantôt. « J'ai cru entendre dire que vous aviez besoin des services de quelqu'un. J'ignore si je suis bon homme pour résoudre votre problème mais je serais déjà aise de vous entendre me le conter. Si ce n'est pas une gêne bien entendu. »

La femme désapprouva du regard alors qu'elle versait déjà un liquide jaunâtre à travers un filtre et quelques herbes y stockées, avant de le déposer, fumant et odorant, devant le nez du petit être. N'ayant aucunement envie de l'ingurgiter, il se força tout de même à boire le mélange, sachant l'outrage que cela pouvait être que de laisser ne serais-ce qu'une goutte au fond de son verre. Prenant place de l'autre côté de la table à moitié rabaissée – la surface n'étant donc pas parallèle au sol du logis – Luka prêta une attention plus particulière à son visage. Ce dernier, exténué malgré l'âge considérable qui semblait la séparer de son mari, corné par les cernes profondes et les rides d'inquiétude, lui donnait l'air d'une dame d'âge moyenne. Ses yeux d'ambre perdaient toute leur splendeur, ses lèvres rosées crispées par les vagues de froid et les mauvais traitement leur attirance initiale. Cette femme n'était en somme plus que l'ombre d'elle-même après avoir plongé par amour dans un tel univers de saleté qui ne faisait que la corrompre au fil des années, un choix dont elle ne semblait pas se réjouir ni regretter spécialement …

« Je vous prie d'excuser le comportement de mon mari. Il n'est pas coutume pour lui de rentrer si tard ni de boire autant. Je veillerais à ce que cela ne se reproduise plus. » fit-elle pour commencer d'une maigre référence avant de montrer qu'elle s'intéressait de plus près au sujet de leur entrevue. « La mission dont il est question, ne consiste qu'à vous rendre dans la forêt des murmures, se trouvant pas loin, et à y cueillir des champignons qui ne prennent racine qu'en ces lieux dont le danger n'est plus à mesurer depuis quelques temps. Vous vous rendez bien compte que ni moi, ni mon mari ou aucun des autres paysans de ces champs, n'ont assez de cran pour se rendre dans un tel endroit. Pourriez-vous nous faire cette grande faveur ? » demanda-t-elle avec grande sincérité, ne lui cachant guère le côté minutieux de l'affaire ni le danger qui rôdait dans les parages, l'homme étant déjà censé le connaître si réellement il habitait les environs. Le reste de l'entretient se fit sans encombrements, avant que le vampire ne laisse sa femme à ses occupations personnelles, quelles autres que son mari et ses récoltes, avant de se diriger vers l'auberge pour y chercher une change d'habits, une douche chaude et une orine mâle particulièrement de mauvais poil.

Il fit claquer involontairement ses chaussures sur le pavé mais se hâtait un maximum pour le rejoindre au plus vite. Arrivé dans sa chambre, il sortit quelque argent qu'il avait enfoui entre deux livres stockées sur ces étagères croulant sous le poids énorme, et le plaça bien vite dans son sac qu'il n'avait même pas besoin de défaire. Il se dépêcha de faire couler un bain et s'écroula à l'intérieur. Ses articulations semblaient aussi souples que celles d'un animal tout droit tiré des glaces après des millénaires de congélation. C'était le résultat d'un retour un peu trop précipité sans doute. Un bon bain chaud voire bouillant était nécessaire avant de penser à reprendre la route vers une autre destination qui lui semblait bien trop facile pour être sincère. Il y avait sûrement anguille sou roche, il n'en avait aucun doute. Il partit avant la fin de la matinée, croyant judicieux d'en avoir finit avant la fin de la journée s'il ne voulait pas que les événements prennent une toute autre tournure qu'il n'avait envisagé pendant cette dernière heure de bain de mousse intensif.

Reprenant la route vers le logis où il se devait de discuter avec les propriétaires le reste des détails de la mission, Luka ressentait un calme étrange, mystérieux. Malgré les contraintes notables dont il était question et probablement aussi la simplicité de sa quête, le vampire gardait son sang-froid donnant la meilleure image de lui-même  à la petite orine qui avait tenu à l'accompagner. Se voyant remettre un chien dès son arrivée, sous prétexte que ce dernier viendrait à lui être utile pour repérer les champignons des deux sortes dans l'immensité de la forêt, Luka remit à plus tard toute autre affaire  pour se plonger dans celle en main. S'engouffrant dans l'étendue de conifères dans laquelle se perdaient les sens et les odeurs comme des insectes à qui on aurait ôté les antennes, Luka suivit dans un premier temps l'animal, empli d'un enthousiasme nouveau dès qu'il pénétra son terrain de chasse fétiche.

Dans la pénombre qui semblait y régner, parmi les ombres que l'arrivée du matin n'avait pas réussit à soustraire, les hululements de bêtes qui transfiguraient sans mal l'horizon du paysage lugubre, Luka enchaînait une marche régulière, y plongeant volontairement. Les minutes s'écoulaient et s'en suivait une chute de grains de sable dans la clepsydre du destin, un tic-tac constant qui se voulait énervant de par la nervosité d'une trouvaille absente. Une végétation inexistante, des troncs informes portant leur branches en guises de griffes sur les chemins en terre battue, une ambiance inquiétante … Un champignon par ci par là, des échecs à chaque bout de rue, des ratures non pas sans conséquences, des séquelles évidentes au premier regard lorsque celui-ci sur le vampire se portait. C'était bien un risque contre lequel on l'avait mis en garde, les effets nocifs des champignons qu'il ne voulait qu'éviter mais sur lesquels il semblait tomber inévitablement. Les premiers effets se firent sentir après une première dizaine de champignons ramassés, ayant accumulé par la même occasion le contact avec les autres, nuisibles.

Les hallucinations ne le ménageaient aucunement, ne l'aidaient en rien, victime de cette déformation du monde, ces changements de couleurs récurrents dans sa vision, ces formes altérées par sa perception trouble, brouillée, tandis que son regard lui semblait divaguer par ci par là. Des formes noirâtres surgissaient des profondeurs des abysses, des fantômes au rictus sombres et insolites se jouaient de lui et de ses sens. Des paroles étrangères semblaient prendre part à l'ignominie, un brouhaha ludique que Luka était le seul à capter. Des branches s'attachaient à ses vêtements, des réponses affluaient de sa gorge à l'envers de ses assaillants comme si réellement on l'harassait en pleine forêt et qui plus est en plein jour. Des images illusoires dont il était le seul à croire l'existence, son acolyte ne voyant en lui qu'un fou furieux s'enfonçant dans le ridicule le plus total, à son insu.

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Dim 04 Mai 2014, 18:30


Des ténèbres, lugubres assaillants. Des formes qui le poursuivent, des bruits qui l'assourdissent. Il court, court à s'en déchirer les poumons, court sans s'arrêter, se défend de se retourner. Il cède à la tentation, cherche du bout de ses yeux azurs la surface, un visage de mort mais il n'en est rien. Pétrifié. Son regard se porte sur le tableau qu'il avait jusque là face à lui et une créature informe surgit de nulle part. La panique le prend, l'assaillit, le perturbe. Il chute, s'effondre au sol. Il recule à pas entrecoupés pour reprendre la course à grosses enjambées. Comment distinguer le vrai du faux ? Une illusoire vérité ou la réalité utopique de l'horreur incarnée ? Kyle lui-même semble s'être perdu, dissipé dans cette fournée d'espoirs vagabonds et de sorties voilées. Jamais il n'avait traversé ces étendues forestières avec un tel rictus, expression d'une abomination que même la folie ne peut chasser. La peur. Ses pas se font lents, sa marche informe témoigne de son indisposition à garder son équilibre. Il ne tient plus débout, la raison semble l'avoir quitté.Il ignore désormais où il se trouve, comment il se dénomme, qui l'accompagne. Plus rien ne reste du vampire revêtant autrefois cette peau de porcelaine et cet esprit ingénu. Il titube, se penche, se laisse choir. Il n'est que miracle si son sens du touché lui permet encore de ressentir la réalité. Une main semble se porter sur sa joue, douce mais moite, hésitante et pourtant si chaleureuse. Devant lui, un ciel noir obscure dépourvu de la moindre lueur. Oublions tout ombre ou silhouette maintenant que le néant total en avait pris possession. Oublions toute passion et tout remord pour laisser place à ce qui semblerait le vide le plus total de tous les temps. Allongé sur le dos, son corps lourd se fait écraser par l'apesanteur, une force invisible qu'il ignore à son tour. Il ignore, se fout de tout et de tous, rien ne peut le toucher, sa résistance morte et sans vie gît à côté de lui. Tout semble s'acharner sur lui, les cris, les vents, les animaux comme les hommes. Il est l'ennemi du monde, la haine de l'autre, la rancune de son prochain, l'amour de personne.

Son esprit s'efface, se réveille comme sorti d'un gouffre inépuisable dieu sait combien d'heures plus tard. Des couleurs vives assomment ses yeux épuisés, son cerveau sous les effets permanents de ces hallucinogènes. Il entend une voix, mais d'où provient-elle ? Il reprend conscience mais son attitude reste archaïque. Il est loin d'avoir retrouvé toute sa tête et cela risque d'en être ainsi pendant quelques heures encore. Kyle, les yeux larmoyants, laisse perler ces gouttes transparentes sur la frimousse livide du jeune homme. Ses yeux s'ouvrent et sur le visage de l'orine se dessine un sourire informe, déchiré par les nombreux sanglots qui d'autre part l'assiégeaient fortement. Il le force à prendre pied, le remet sur ses deux jambes, le traîne de tout son poids. Leur anatomies, trop ressemblantes pour qu'une différence se dénote, lui permettent de le transformer sans grand mal. D'un cri, il avertit la bête les ayant quitté avant que le mal ne soit fait, pour l'aider dans cette tâche laborieuse. Celle-ci accoure pour le rejoindre et tous deux portent le corps de poupée, inanimée, inerte sur leurs bras, lâchant par moments des paroles insensées mais emplies du même mal, la même confusion. Le mot ''humain'' surgit à plusieurs reprises pour la plus grande surprise de ses deux acolytes.

Ses yeux s'ouvrirent de nouveau, cette fois plus lucides, moins transparents qu'il n'avaient pu le sembler une demie-journée plus tôt. Une odeur de souffre mélangée à d'autres senteurs putrides vint cependant ébranler la tranquillité de la scène et il sortit du coma comme commandité par une présence étrangère. Désormais assis sur le lit, il croit entendre des pas rapides, loin d'être imposants, se diriger vers la porte de la chambre dont non seulement l'odeur mais aussi la disposition et l'apparence lui semblent également inconnues. D'un œil interrogateur, il vit le personnage qui s'y est engouffré se précipiter à son chevet, et d'un sourire béat l'accueillit dans ses bras tel un enfant. Quelques minutes des retrouvailles les plus touchants,s'en suivirent avant que Luka ne se redresse pour poser une question qui semblait évidente dans la situation en main :

« Nous sommes où ? » demanda-t-il d'un air réellement interrogateur, n'ayant jamais vu de chambre aussi délabrée mais avec cette touche de foyer chaleureux toujours présente dans le scénario. « Tu n'en gardes probablement plus aucun souvenir, mais au bout d'un moment tu es parti sans prévenir à une allure folle et as parcouru la moitié de la forêt victime d'hallucinations assez fortes provoquées par les champignons. C'est ce qui arrive quand tu prends tout sur toi-même, sans me laisser partager ton fardeau … » fit-il d'une moue curieuse d'indignation, voulant probablement que le vampire lui fasse plus confiance au lieu de le défendre comme un enfant impuissant, une fleur qu'on ne veut pas froisser. « Nous t'avons sorti de là, emmené jusqu'ici pour remplir notre partie du contrat et la gente dame qui nous accueillit, nous a demandé de rester pour la peine que nous nous sommes donné. Très gentil à elle. Dans le cas contraire j'aurais du t'emmener en invalide de retour à l'auberge et j'y tenais pas tellement … » ajouta-t-il de cette mine toujours aussi insolente tandis que quelques larmes restaient prisonnières entre deux rives, ses joues et ses paupières. « Je suis désolé pour tous les problèmes que j'ai causé, Kyle. Vient là. » abrégea Luka simplement en tapotant sa crinière noire et l'enveloppant de son emprise une fois de plus.

Quittant la petite pièce sentant le renfermé pour se rendre dans celle juxtaposée de laquelle émanaient de bien plus alléchantes fragrances, il remercia grandement la bonne femme de les avoir hébergé, même pour quelques heures de misère, leur annonçant son départ. Bras dessus bras dessous, ils quittèrent la petite maison, qui avait déjà bien assez de problèmes à eux seuls sans que Luka ne vienne y ajouter les siens, et prirent la direction de l'auberge, à quelques milliers de mètres plus loin. Le voyage s'éternisa jusqu'au soleil couchant, tant la marche de Luka se montrait irrégulière et ses forces amoindries. Ils ne franchirent le seuil du logis que dans la pénombre, alors que les rayons solaires n'étaient plus suffisants pour éclairer les passants et que l'on avait allumé des torches et lampadaires. « Vous voilà ! Luka je t'attendais ! Quelqu'un est passé en début d'après-midi. Il cherchait à savoir où tu séjournais. Je ne lui ai pas dit mais je crois bien qu'il vous a attendu. J'ai dû lui dire de faire ça dehors, vous comprenez un animal pareil n'est pas bon pour les affaires … » argumenta l'homme avec un certain embarras. C'est alors que leurs trois pairs d'yeux se portèrent sur la porte cochère entrouverte de laquelle jaillit une entité plus imposante que celle de Venom, plus ténébreuse encore que les cheveux de Kyle, plus noble que Luka ne saurait l'être à cet instant. Son expression de détresse ne saurait cependant rivaliser avec aucune de celles des trois amis, trop meurtrie, trop renfermée sur elle-même. « Chadow ! » lâcha Luka dans un ton empreint d'étonnement et d'une certaine angoisse croissante, à l'idée des mauvaises nouvelles qu'apportait avec sa venue le fauve …

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Dim 04 Mai 2014, 18:31


La bête réagit au nom prononcé mais n'esquissa pas un geste pour essayer de s'approcher du vampire. Jamais il ne l'avait apprécié, jamais il ne lui avait attribué le quelconque mérite, et pourtant  le voilà qui suppliait de ses yeux doux, creusés par la fatigue du voyage et de recherches infructueuses qui s'étendaient sur plusieurs nuits déjà, l'aide du vampire, à peine en état de l'écouter attentivement dans cette position de faiblesse. « Faites monter une bassine d'eau glacée et un linge quelconque, histoire que je puisse éponger son front. Une fièvre assez puissante devrait s'en suivre pendant la soirée. » quémanda-t-il et l'aubergiste s’exécuta sans plus tarder. Faisant monter le vampire avec délicatesse et l'installant sur le lit à deux places – qu'il occupait entièrement – l'orine fit signe au fauve de s'installer face à lui dans la table ronde en bois puant. Les deux fenêtres ouvrant la chambre sur le monde, laissaient à présent entrer les courants froid de la nuit qui se préparait, présageait une tempête, une pluie torrentielle qui apporterait avec elle beaucoup plus qu'une destruction silencieuse des récoltes environnantes.

Il se servit une tasse de thé, la femme de l'aubergiste étant devenue l’apprentie de Luka dans cet art qu'il maniait avec un certain génie et tirant profit de leur palpes gustatives pour son ardeur appliquée, et croisa les jambes, insolent. « Je t'en aurait bien servit mais je crains que ta langue ne soit pas adaptée à ce genre de mélanges. Du moins, c'est ce que j'ai ouï dire. » commença-t-il dans ce ton légendaire qui avait, et ce sans exception, le mérite de tirer hors de son interlocuteur le pire de ce dernier. Il avait cette vile manie d'énerver son prochain, de provoquer en eux une colère assez forte pour que toute ambition ou convoitise mesquine ne soit dévoilée au grand jour. Il voulait préserver l'innocence de Luka, tout comme le vampire voulait l'arracher à la mort qui si souvent était venue le guetter. Cela dit, cette fois la situation divergeait un peu des précédentes puisque l'animal qu'il avait en face de lui n'avait rien d'un étranger, bien que leurs rapports n'aient jamais été fixés et que Kyle préfère les garder secrets. La seule chose qui comptait réellement c'est qu'ils partageaient autrefois la même vie, la même maîtresse mais que hélas, celle-ci l'avait lâchement abandonné.

Portant la tasse à sa bouche, il en but la moitié d'une seule traite, espérant que la réponse de l'animal ne tarderait pas à arriver. Cependant, pour sa plus grande fureur, il n'en fit rien et attendit simplement le bon moment pour lancer un sujet beaucoup moins ludique sur lequel ils s'interrogeaient tous, même Venom – le loup renfermé – qui restait dans son coin à l'autre bout de la pièce. « Je ne suis pas venu pour de telles sottises donc je saurais m'en passer. Si je suis là, c'est pour une affaire de la plus grande importance, outre cela jamais je n'aurais dérangé votre vie si … paisible. » fit-il pour répondre à la provocation du jeune garçon alors que quelques instants plus tôt, il feint l'ignorance totale, n'ayant ne serais-ce cligné des cils. Se tenant droit, il reprit cette fois dans un ton moins agacé, faisant preuve toutefois d'un désespoir notable, qui n'était guère étonnant et qui saurait provoquer l'empathie chez l'adolescent vu que cela le concernait de près. « Ma maîtresse … a disparu. Hélas, cela fait des jours entiers, mais que dis-je, des semaines que je ne l'ai plus revu. Je m'inquiètes énormément pour sa sécurité. » laissa-t-il échapper dans un moment de faiblesse, de petitesse, moment où il se sentit complètement à la merci d'autrui tant son impuissance l'accablait.

Kyle n'hésita pas une seconde à enfoncer le clou, encore suspicieux de la véracité de ses angoisses. « Tu sais bien qu'elle aime disparaître de la circulation pour soudainement revenir alors pourquoi tant de chichi à ce sujet ? Elle doit bien s'amuser à tes dépends … » cracha-t-il avec une certaine amertume qui jusque là n'avait encore jamais surgit quand il revenait à parler de la demoiselle absente et injoignable, après tant d'essais ratées, de tentatives gaspillées. Rien d'étonnant dans sa réaction et Chadow ne semblait pas lui en vouloir cette arrogance mais les faits restaient les mêmes et les nier ne les avancerait à rien. « Si je n'étais pas sûr de ce que j'avance, je ne serais pas venu ici pour commencer ! Pourquoi tu crois qu'elle t'a abandonné ? Elle t'a juste laissé derrière, confié à un maître qui saurait s'occuper de toi. Tu as de la chance, elle s'inquiétait pour toi. » vociféra-t-il à son tour avec ce même ton de rancune affective qu'avait employé Kyle quelques instants auparavant. Se voir abandonné mais jamais ne pouvoir le reprocher à celle qui fit l'acte. S'en vouloir de pas avoir remarqué un moment de solitude, un dérèglement de ses émotions qui aurait pu tout déclencher, mais se demander parallèlement si au final elle les avait jamais réellement aimé. Tant de questions pour deux individus ayant perdu tout repère après que celle à les avoir fourni ne soit partie sans crier gare.

Kyle laissa son poing s'écraser contre le mur adjacent. Il se mordillait la lèvre inférieur, laissait échapper quelques injures qu'il prenait soin de murmurer toutefois pour ne pas déranger le vampire qu'il croyait dans un sommeil profond. Il se rassit, les bras enchaînés l'un à l'autre avant de les disposer sur la table, appuyant sur ses deux mains liées son menton et ses yeux baissés. « Comment cela s'est-il produit ? Où l'a-t-on aperçu pour la dernière fois ? » questionna-t-il dans une sorte d'interrogatoire, la façon de parler du vampire ayant visiblement déteint sur l'orine également. Son regard se plissait sous les larmes cachées de la bête, une étape qu'il avait fort heureusement déjà traversé et tout cela il le devait à Luka qui avait su l'accueillir et lui bâtir une nouvelle maison, un foyer chaleureux qui ne saurait le devenir que plus encore à travers les âges. Le fauve hocha de la tête pour preuve de son ignorance et ajouta simplement  « Près de la Forêt des Murmures je dirais … » avant de se taire définitivement.

Un silence de mort se fit, personne n'ayant idée des meilleures paroles à prononcer dans une telle situation. Mais c'est alors, comme sorti de parmi les morts, que Luka se redressa, ôtant avec imprudence le bandeau frais qu'on avait déposé sur son front et qu'il commença à se relever. « Kura est une jeune femme forte avec beaucoup de répondant. Je doute qu'il lui soit arrivé quoi que ce soit. Nous partirons à sa recherche dès l'aube. » annonça-t-il en guise de déclaration de guerre pour tous ceux dans la pièce, hormis Venom et son semblable qu'il sommait de rester au logis le temps qu'ils inspectent la zone suspecte. Ils n'avaient aucune preuve, aucun élément tangible qui pourrait les aider d'une manière ou d'une autre, mais ils devaient tenter le tout pour le tout. Ils commencèrent alors, après un sommeil raccourci par le coq qui ne leur porta aucunement conseil, par interroger quelques villageois avec toujours la même question ''Avez-vous vu'', suivie d'un portrait dressé à la hâte, et une réponse négative qui s'ensuivait à son tour. La chance n'était pas de leur côté, elle ne leur souriait plus depuis bien longtemps et ils étaient loin de savoir à quel point celle-ci ne leur était point favorable en ce jour de pluie battante, humidifiant les yeux et les accoutrements des deux amis. La Forêt des Murmures, une fois de plus ...

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Dim 04 Mai 2014, 18:41


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Une journée entière s'était écoulée depuis son trajet insalubre de la veille et pourtant il se voyait réitérer la marche lente d'un condamné, porter cette même expression de lassitude extrême et de pure fatalité, affronter pieds et mains liés un destin funèbre. Une seule chose divergeait et encore ce n'était qu'un détail, ayant achevé sa course matinale chez la gente dame qui l'avait, avec tant de bonté, accueillit pas plus de dix heures en arrière. Il la salua rapidement, d'une manière beaucoup moins formelle qui sembla lui plaire, alors que de sa bouche des milliers de questions saillaient déjà. Elle, qui habitait aux abords de la forêt, devait savoir, mieux que personne croyait-il, ceux qui siègent en ce lieu, ceux qui s'y aventurent, ceux qui s'y piègent sans retour. L'espoir de ne pas avoir à parcourir de nouveau l'étendue forestière s'évanouit aigrement cependant, avec la maigre attente de savoir la jeune femme en sécurité, hors de tout danger potentiel. « Nombreux sont ceux à franchir le seuil de cette forêt et il m'est souvent impossible de me remémorer tous leurs visages. Pardonnez mon geste mais je doute qu'une jeune femme de sa condition s'y soit rendue. Par contre, j'ai vu … » bafouilla-t-elle dépitée sans la moindre attention de la part du vampire une fois sa première phrase terminée. Elle le salua du revers de la main espérant qu'ils retrouveraient au plus vite celle qu'ils cherchaient, qui qu'elle eusse été.

Des effluves argentées accompagnées une fois de plus par la rosée du matin, s'élevaient au dessus des conifères et sapins constituant la forêt qui, vue de l'extérieur, n'avait rien du chaos anarchique que Luka avait pu entrevoir la veille. A même le sol, traînaient toutefois des restes de ces brumes puissantes sous la forme de volutes de fumée dissimulant, de leur surface opaque, les chemins saccadés et révélant ainsi la nature obsolète de l'endroit. Sur le sol s'était formée une couche de feuilles mortes, piétinées par le peu de voyageurs insensés qui s'y aventuraient, litière dont émanaient des vagues de senteurs de musque et d'humidité que le vent emportait dans ses spirales continues. Vision trouble, offusquée, une silhouette se dessinant sur un horizon torve, des bruits de pas comme sortis du néant. Une mer agitée de sensations pesantes, torrides, l'empêchaient de continuer et il mettait, tout ceci et bien plus encore, sur le compte des maudites hallucinations qui le damnaient, le poursuivaient. Et il craignait, plus que jamais, de se retrouver prisonnier de ces lieux, sachant à ce jour que c'était là un avenir tout à fait plausible. Un manoir. Une seule demeure avec en son sein les créatures les plus terrifiantes cherchant un abris, un recueil pour survivre ne serais-ce qu'une nuit de plus dans ce qui était pour eux leur plus grand terrain de chasse : une bâtisse qui trône au centre des bêtes de foire comme de la verdure la plus grotesque, indescriptible sous les nuages noirs de pluie qui après avoir déserté le ciel, n'y laissent sculptée qu'une toile de gris perpétuel, aussi sombre et repoussante qu'elle n'aurait jamais pu l'être.

Quelques faibles rayons lumineux parvenaient encore à l'accompagner, Luka s'éclipsant ainsi sans cesse dans la pénombre. Un jeu, jeu de taille dans un échiquier aux dalles noires comme blanches. Deux forces majeures, ombre et lumière, s'affrontant avec inconstance dans ce qui semblait le théâtre le plus dérisoire de tous les temps, sans personne pour assister à l'épique duel, vision insolite comme venue d'un autre monde. La porte, juste devant lui. Sa main frêle, chétive vint se porter sur la poignée mais s'y échoua comme décidée à ne pas forcer la serrure, entrevoir ce qui se cachait à l'intérieur. La jeune femme, gardienne éternelle de la belle demeure, serait peut-être à même de lui fournir des informations pertinentes alors pourquoi tant d'hésitation ? Peur soudaine ? Pourquoi ne pouvait-il pas baisser la clenche et donner simplement un pas à l'intérieur ? Cela semblait au dessus de ses forces. Ses jambes flanchèrent et tout son corps en fit de même, des visions étranges assaillant son esprit confus et perturbé.

Une musique. La forêt l'appelait. Les ténèbres vociféraient son nom et le sommaient de leur revenir. Il entendait leurs voix, fortes et aiguës, suaves mais impérieuses telles un chant mélodieux, un air que même les sirènes ne pouvaient reproduire ou égaler, tant par sa beauté que par sa cruauté. Une mélodie aux accords réguliers, allant crescendo, faisant monter le rythme des battements et des pulsations. Il semblait comme dépossédé de toute volonté propre ainsi attiré, ainsi privé de toute volonté propre. Un craquement derrière lui, accompagné d'un couinement d'animal apeuré prenant la fuite, le sortirent de sa rêverie alors qu'il avançait déjà, éperdu des ombres. Il s'assit, les deux mains contre son front. Mais que faisait-il enfin ? Comment se sortir de l'emprise qu'avait sur lui la forêt alors qu'en son sein il devenait esclave de sa fureur ? Mais il lui fallait la traverser, le destin de Kura en dépendait et malgré le peu de contact que sa courte visite leur avait permis, il ne pouvait supporter d'avoir agis en simple spectateur … Une trop bonne âme ne fait jamais bonne affaire mais lui, était loin de le comprendre.

Il ferma les yeux. Le tronc contre son dos lui permettait une certaine stabilité, les racines contre ses jambes lui assuraient l'immobilité, tandis que l'herbe et les pétales tombantes rafraîchissaient son corps brûlant et apaisaient sa tête malade. Des visions. Des scènes rejouées ou des passages qu'il avait encore à vivre ? Une première. Un jeune homme, une flaque de sang, deux cadavres au sol. Une deuxième. Âme errante, regard dément, vue sur l'enfer de la débauche. Tant d'autres défilèrent sous ses yeux meurtris. Une énième. Des yeux écarlates brillant dans le noir absolu, des canines allongées, un titan lui faisant face, ce dernier sur la défensive. Ses yeux se rouvrirent sous l'horreur de la scène. Il s'essuya le front, sur lequel coulaient quelques perles de sueurs froides, tandis qu'il portait à ses canines amoindries, une main révoltée. Tentant de se lever, il se figea à l'entente d'un bruit, un son de branches et feuillages qui n'aurait pu être causé que par une créature assez grande pour les effleurer.

Il prit un certain recul, se réfugiant contre l'écorce rugueuse de l'arbre en fleur. Il se croyait à l'abri de tout regard mais continuait de sentir tout de même un regard perçant braqué sur lui. L'anxiété accrut et ses sens en alerte lui sommaient de fuir pendant qu'il en était encore temps. Il ne savait rien de la taille de la bête ni de sa fureur mais le danger planait loin des clairières, qu'il ne pouvait atteindre en aucune façon d'où il était. Les pas se faisaient plus rapides, moins superflus, plus réels en somme. Sa présence devenait claire et accablante, faisant surface devant le vampire subitement empêchant celui-ci une quelconque préparation. Une figure svelte contre toute attente mais pas moins musclée pour autant. Élégante sans aller dans l'excès, un corps aux allures de guerrier néanmoins avec une tenue des plus formelles. Sortant de l'ombre, un regard topaze ensorcelant et un frimousse blafarde n'ayant rien d'intimidant. « Vous allez bien ? » prononça-t-il d'une voix ni calme ni désabusée, un parfait équilibre entre les deux. Mais concernée par son bien être aurait-on dit. Le saisissant par le bras, l'amical étranger le fit s'installer sur un tronc d'arbre à demi tranché sur lequel leur parvenaient quelques faibles lueurs lumineuses, avant de sortir sa besace – baignant dans une liqueur peu rassurante de par son odeur – et de lui en administrer.

Il le laissa respirer, le médicament faire son effet. La pâleur de son visage à la fleur de l'âge inquiétait l'homme tout particulièrement, effleurant sans relâche de ses doigts rudes la peau lisse du petit être. Celui-ci, tentant de se remettre du mélange affreux qu'on lui avait fait boire, ne leva la tête que quelques minutes plus tard, désirant voir de plus près le visage du mystérieux voyageur dont les intentions ne semblaient – pour plus surprenant que cela puisse paraître – mesquines ou perverses. C'est avec ce geste que l'homme inconnu vit fleurir sous ses yeux cette belle fleur qu'il avait suspecté un simple bouton de printemps. Ses paupières, aux longs cils noirs, s'ouvrirent lentement pour laisser s'épanouir la mère bleutée, cette couleur des profondeurs marines, nuance du ciel le plus limpide. Ses lèvres rosées s'ouvraient et se fermaient dans des mouvements graciles pour remercier son sauveur, celui-ci béat devant ce spectacle qui était pour lui si captivant. Luka l'ignorait encore mais il était prêt à le découvrir. Peut-être pas à le croire, mais ce n'était pas l'essentiel de la chose.

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Dim 04 Mai 2014, 18:43


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L'homme s'assit soudainement à ses côtés comme éprit d'une toute nouvelle découverte, une foudre qui l'aurait frappé de plein de fouet et dont il peinait à s'en remettre. Par inquiétude pour l'individu mystérieux, Luka se pencha vers lui tout en lâchant d'un regard confus ces termes peu recherchés. « Vous êtes sûr que ça va ? » L'homme tressaillit à l'écoute de sa voix et se redressa immédiatement sans oser croiser son regard. « N'ayez crainte, je vais bien. J'étais juste … surpris de ma découverte »

Le vampire lui prêta un regard désapprobateur, rien de plus. Il n'était pas dupe et avait bien compris qu'il cherchait – pour une raison quelconque qui ne concernait en rien son engeance terrifiante pour la plupart – à éviter non seulement son regard mais aussi son touché. N'ayant rien d'autre à lui dire, il lâcha un soupir profond avant de le remercier une fois de plus et commencer à se distancier, étant assuré de la présence de son orine quelque part, s'étant visiblement encore une fois séparés. Une main le saisissant par derrière d'une poigne considérablement plus puissante que la sienne, le força cependant à rester.Avec un léger mouvement de recul, il se retrouva de nouveau face à l'homme dont le visage,empreint d'une émotion nouvelle, ému le vampire au point de le faire rester.Il était tordu par la douleur mais déchiré par un sourire entre le soulagement et la béatitude. Jamais il n'avait eu affaire à un tel comprimé d'émotions dans un même sourire exprimant à la fois peine et bonheur comme si ces deux sentiments pouvaient réellement être complémentaires.

Ne croyant pas une seconde être à l'origine de sa souffrance, la cause de tant de chagrin, il le fit s'asseoir contre son gré sur le rebord du tronc émancipé, n'ayant idée de ce qu'il devait lui dire pour le calme ou le consoler. Inutile puisque l'homme fit le premier pas,  et un des plus surprenants qui plus est. « Luka ! » cria-t-il d'émotion tout en serrant ses deux mains contre les siennes, comme pour s'assurer de sa présence. « Mais Pourquoi ? Comment est-ce possible ? Tu ne peux pas être là ! » dit-il avec de bien grands gestes. « Attendez … » « Tu es mort … Tu le devrais, je l'ai vu et senti ! Et pourtant, tu es bien présent ! » enchaîna-t-il sans attendre. « Que diable … Mais de quoi vous parlez ? » « Luka ! Dis moi que tout est vrai !! » ajouta-t-il désemparé, sans forces ni rationalité auxquelles rester fidèle, comme une bête, au bord des larmes. En dépit de toutes ces larmes et retrouvailles pour le moins touchants, Luka lui semblait rester de marbre, froid et distant comme si cela ne le concernait aucunement. Sur son visage l'on pouvait lire l'effarement, le détachement mais aussi une certaine empathie comme s'il croyait l'homme devant lui complètement fou ou juste pathétiquement dans le faux concernant celui à qui il se confessait.

Il ne savait quoi dire ni quoi faire et se contentait de rester, les yeux dans le vide si l'on puis dire tandis que ceux du voyageur se figeaient sur des souvenirs lointains, se perdaient dans le courant de mémoires que Luka ne partageait aucunement. « Tu... tu ne te souviens pas de moi … ? » s'enquit-il auprès du jeune homme perplexe, lui étant victime d'une autre averse d'émotions qui cette fois se partageaient entre la déception et le chagrin, tous deux parfaitement équitables. Il s'éloigna de lui, se rassit et plantant son visage entre ses mains, il soupira de douleur. « Je ne devrais pas m'en plaindre. Au moins, tu es vivant. Aussi, il n'est guère étonnant que tu n'en gardes plus aucun souvenir, c'est une histoire d'il y a plus d'un siècle après tout … » Il se tut, referma ses traits comme s'il venait d'exposer là des sentiments interdits, opprimés qu'il ne voulait guère exposés au regard d'autrui, trop précieux pour cela. « Je … ne suis juste pas le ''Luka'' dont vous parlez. Je regrette. » répliqua le vampire qui continuait de croire dur comme fer que cet homme n'avais jamais fait partie de sa vie. « Comment est-ce possible ? La ressemblance est frappante ! Même si je dois avouer qu'avant tu avais l'air plus … vivant et … chaud … Mais quel est ton nom ?? D'où viens-tu ? Que faisais-tu étant jeune ? » demanda l'homme, ne se décidant pas à lâcher prise fort heureusement pour lui car c'était là la seule manière de déchiffrer l'effroyable réalité.

Luka lui ne semblait pas du même avis ni aucunement ravis de son insistance, mais par politesse, maxime qu'il avait toujours respecté, il se daigna à lui répondre, n'omettant pas de lui livrer un certain détail sur un plateau d'argent. « Je m'appelle Luka, il est vrai. Quant à d'où je viens, il serait difficile de vous en faire part car ce village n'existe plus à ce qu'on m'a dit. Et comme vous dites, nous ne sommes pas du tout les mêmes. » insista-t-il tout en dévoilant ses deux canines, blanches immaculées et élancées, ainsi que ses orbes écarlates qu'il pouvait afficher à volonté sans en perdre le contrôle. « Le doute se fait sentir. Est-ce possible que tu ne gardes aucun souvenir de ta jeunesse ? Cela expliquerait tout ! C'est impossible que tu ne sois pas le ''Luka'' que j'ai connu ! » « Combien de fois vais-je devoir me répéter avant que compreniez que je ne suis pas celui que vous cherchez ?! » vociféra Luka, plus indigné qu'on ne l'aurait cru au premier abord.

Il s'empressait de partir, de quitter les lieux car il avait ce pressentiment que quelque chose se brisait en lui. Quelque chose de sensible, fragile auquel il n'avait jamais touché et qu'il ne désirait pas voir éclater en morceaux, impossible de réparer. Une conscience l'ordonnait de bloquer les paroles de cet homme car à elles seules elles suffiraient à anéantir tant d'années de lutte acharnée. Il s'apprêtait à entendre une vérité qu'il n'avait jamais voulut connaître, en dépit de son désir intense de compréhension, car il savait. Il savait bien qu'une fois qu'il le saurait, jamais plus il ne serait le même. « Attends ! » s'écria le voyageur de la manière la plus prévisible qui soit, le rendant captif de ses bras musclés et de sa voix stridente mais tendre. « Je suis désolé ! Je ne voulais pas te froisser ni te faire peur mais … Je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est bien toi que j'ai en face de moi … écoute au moins ce que je voulais te raconter, sur toi, moi ou nous … Ta vie de jadis j'entends. » Il avait prononcé – peut-être consciemment – les mots tabous, ceux qui empêcheraient à coup sûr Luka de partir même si l'envie l'en prenait de nouveau. Une vie jusque là secrète, une vie que jamais personne, même pas lui-même, n'avait conscience de l'existence. Mais lui si. Il le connaissait. Il l'avait connu plutôt et il savait des choses. Comment était-il ? Qui étaient ses parents ? Avait-il de la famille proche ? Ou qui sait quelqu'un qui lui tenait à cœur ? Était-il réellement malade comme le prétendit sa mère de si nombreuses années ? Tant de questions qu'il s'était toujours interdit de poser. Une porte sans clé ou une clé sans verrou. Lui il avait la solution, il l'avait libéré.

Mais pour Luka, cet homme n'était rien de plus qu'un parfait inconnu détenant des informations alléchantes à son sujet et usant de ces dernières pour se rapprocher du vampire. Il usufruit de sa puissance et se contenta de la même pour le contrôler, ce sans aucune mauvais intention possiblement. Pour l'homme cependant, la vérité était toute autre mais étrangement, Luka resta aussi froid que la glace, imperturbable quant à son comportement et sa façon d'agir en sa compagnie.

Il ne voulait pas se rapprocher de lui ni revivre des expériences passées dont il ne portait aucun souvenir. Il ne voulait pas voir dans ses yeux le reflet d'un homme qui n'était plus, qui était décédé il y  a de cela des centaines d'années mais qu'on continuerait de confondre avec son lui présent. Il ne voulait pas être l'ombre d'un autre, même si ce premier s'agissait effectivement du Luka humain qu'il avait pu être. Il ne voulait pas non plus revenir à sa vie d'antan. Tout ce qu'il convoitait, c'est ces vieux souvenirs qui prenaient la poussière mais qui était au même temps si précieux. Il voulait découvrir, apprendre, savoir en somme qui se tenait là aujourd'hui. Quels étaient ses antécédents, comment il était parvenu jusque là, qui il avait fréquenté par le passé, non pas pour y revenir mais pour s'en séparer. Son passé ne lui avait rien apporté d'enviable ni de doucereux, au contraire que des souvenirs sombres et peu plaisants dont il se détachait graduellement pour son propre bien. Sa vie changeait et il subissait les changements à ce  même rythme constant, au fur et à mesure qu'il s'ouvrait au monde, qu'il s'épanouissait grâce à lui ou que ce dernier le faisait crouler sous des horreurs répétées. Il acceptait tout, même  sa nature vampirique et sanguinaire à présent. Il ne ressentait donc à son égard rien d'autre qu'une pure et simple curiosité, ce qui ne semblait pas être son cas, mais il s'en moquait. Il n'obtiendrait de lui rien d'autre en dépit de toutes les tentatives qu'il pourrait esquisser.

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Dim 04 Mai 2014, 18:45


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Reprenant sa place sans que le moindre sourire ne vienne orner son visage angélique, attitude des plus cocasses et absurdes pour ceux ayant l'habitude de le côtoyer, il porta son visage impassible vers celui de l'homme qui commença son long récit aussitôt, voyant dans les yeux de Luka cette seule et unique demande. « Tout d'abord, je me présente. Je m'appelle Finrir et … je viens du même village que toi, bien que nous n'ayons rien en commun encore à ce jour. » commença-t-il dans un ton résigné mais solennel toutefois. Il avait comprit les intentions du vampire et n'avait d'autre choix que de les accepter, bien que son envie de se rapprocher de lui, tisser à nouveau des liens, soit quasi limpide, transparente. « Je viens d'une famille d'elfes – comme tu peux le voir – assez aisée de surcroît, mais je te jalousais. Je jalousais ce petit homme qui souriais constamment comme si rien ne pouvait te détruire, t'attrister. Toi qui était aimé par eux, des parents aimants, comme s'ils pouvaient tout abandonner pour toi … Pour ma part, j'étais l'enfant déshonoré de la famille, indésiré mais qui n'empêche, portait le nom de ma famille, leur sang coulant dans mes veines. Je ne pouvais me permettre de le salir en aucune façon et mes parents prirent toutes les dispositions pour ce que cela n'arrive jamais. » fit-il avec un sourire maigre et amoindri l'air de dire que c'était une affaire délicate, quelque chose qu'il n'aimait pas conté mais qui ne lui valait en aucun cas la pitié d'autrui, lui-même ne s'en souciant plus à présent. Luka n'en fit rien, ne dis pas un mot, ne fis pas un pas et garda cette même expression inébranlable, bien qu'un rictus étrange l'ait déformé légèrement.

« J'étais donc surveillé constamment et en permanence par des hommes que ma famille avait jugé ''acceptable'' et ''distingués''. Ils n'étaient rien de plus que des monstres sans scrupules qui pouvaient faire de tout pour me réduire au silence mais je fus heureux, heureux car eux au moins ne restreignaient pas mes mouvements. Je pus trouver une certaine liberté. J'étais au plus bas, certes, personne n'osait m'approcher, il est vrai, et pourtant … toi que je jalousais tant, tu as été le seul à me venir en aide. » insista l'elfe comme s'il voyait là le premier élément d'une longue succession de circonstances qu'il revaudrait toujours au petit être. Il reprit ce même sourire nostalgique sur son visage, d'une douceur maladive qui semblait déteindre sur le vampire à ses côtés qui, malgré ce sentiment d'élément extérieur à toutes ces mémoires, se sentit bien, à l'aise. « Tu venais d'une famille les plus pauvres d'un village quasi disparu mais j'aimais me prélasser chez toi après une dure journée car j'avais l'impression de revivre et cette fois en paix. Je t'aidais quand je le pouvais, c'était amusant d'être à tes côtés. Nous avons passé la plupart de notre enfance ensemble et malgré nos environnements antagonistes, tu étais un enfant futé et particulièrement agité. Tu ne restais jamais en place mais tu avais cette candeur innocente qui te suivait où que tu ailles. Tu étais apprécié de tous car chacun d'entre eux voyait en toi la gentillesse et la loyauté. C'est ce qui les attirait vers toi et te rendait si unique. » acheva-t-il allègrement avant qu'une face démente ne remplace celle qui jusque là était empreinte de bonheur et d'une si chaleureuse émotion. Ses traits changèrent du tout au tout, son sourire se déforma, son rire se tut, ses yeux se plissèrent tandis que ses sourcils annonçaient une énorme douleur dans ce qui s'en suivait. Luka l'avait pressentit mais il fut surpris de la voir arriver si vite, cette fin qui était celle de son récit et de la vie de ce jeune garçon dans ses mémoires.

« Mais hélas, tout a changé abruptement quand tu es tombé malade. On ne te permettait plus de sortir, ni de prendre l'air, ni d'être au contact d'autrui en dépit de tout l'amour et le travail que tu fournissais pour nourrir ta famille. Ils ont commencé à travailler d'arrache-pied pour pouvoir te soigner, payer les médicaments qui t'étaient nécessaires. Les premiers mois ils y parvinrent par miracle avec les moyens du bord mais la suite ne fut pas si tendre … Je les aidais dans ce que j'ai pu avec le peu d'influence que j'avais au sein de la famille mais rien n'y faisait, ton état empirait chaque jour. » bafouilla Finrir pendant que ses deux mains se torturaient dans une poigne de fer qui l'empêchait de sombrer à des souvenirs qui semblaient pour lui bien tourmentés. « Ta mère et ton père étaient … désespérés. Leur santé détériora à son tour et à vue d’œil. J'ignorais quoi faire, jeune et impuissant que j'étais à l'époque et je ne fis rien jusqu'à la fin. Je t'ai vu lutter. Je t'ai vu sourire et pleurer. Chaque nuit où tu m'appelais, j'accourais à ton chevet pour te réconforter, toi qui t'en voulais d'infliger une telle chose à ceux qui t'aimaient sans frontières. ''Ils ne le méritent pas'', tu disais. Mais toi non plus. Jamais tu n'aurais du tomber malade, jamais tu n'aurais du souffrir de la sorte. Jamais tu n'aurais du supporter ces nuits sans sommeil, ces journées sans fin que tu passais à fixer le carreau de verre de ta fenêtre. Jamais tu n'avais fait de mal pour qu'une telle chose t'accable ainsi, au point que la mort vienne te dérober la seule chose qui importait. Ta vie. » dernier mot qu'il cracha, comme si une haine inépuisable s'en dégageait. Il eut un mouvement de recul, tourna la tête pour observer le vampire - on ne peut plus surpris - mais fut soulager de ne pas le voir décamper dans la seconde. Il s'excusa longuement avant de reprendre un semblant de calme intérieur, comme si la suite exigeait beaucoup plus de lui que tous les contes antérieurs.

« C'est une jeune femme médecin qui nous l'annonça le moment venu. Tu étais là, allongé sur un lit de toile, des draps soyeux et blancs qui allaient de pair avec ta peau pâle, et pure. Tu ne respirais plus. Tu étais comme endormi, tes yeux clos, mais tellement paisible au même temps. Nous n'avons pas eu le temps de faire notre deuil qu'on te nous arrachait déjà. Elle disait avoir besoin de toi, qu'il était de son devoir de comprendre la maladie pour l'empêcher d'attendre autrui mais … Je ne compris jamais ce qu'il advint de toi. Nous t'enterrâmes et te laissâmes ainsi. Chaque année je vins me recueillir sur ta tombe où je croyais que tu reposais …  Mais voilà que toutes mes certitudes s'effondrent en retrouvant sur les lieux d'un travail hasardeux que je n'ai mené par pur caprice … » Son récit s'acheva sur cette dernière affirmation, lui-même ignorant probablement quoi dire de plus maintenant qu'il revenait au vampire de réagir. Et il craignait cette réaction. Il en avait si peur que ses mains en tremblaient, que son souffle se faisait lourd, nerveux. Luka n'était pas dupe, il le comprit.

Il s'acharnait contre son sort. Il le refusait, se tourmentait à s'en rappeler depuis des années. C'est ainsi que Luka comprit. Il avait passé le dernier siècle de leurs vies à se remémorer constamment leurs moments passés ensemble, à s'infliger cette prison et cette torture mentale comme s'il se niait à oublier. Comme si pour lui, oublier était la plus méprisable trahison envers celui qu'il admirait et qu'il chérissait étant enfant. Enfant qu'il resta à ses yeux toutes ces années malgré son passage à l'adolescence et les nombreuses années qui s'étaient écoulée, lentes et douloureuses. Des cernes sous ses yeux, des cauchemars qui devaient assiéger ses heures endormi comme celles éveillé. Luka était pour lui son sauveur comme son fléau. Celui qui sans le savoir avait influé dans sa vie, y avait joué le rôle décisif sans jamais le désirer ni même en être conscient. Il devrait s'en vouloir, essayer de palier à ce manque dans sa vie, alors pourquoi refusait-il d'assumer cette responsabilité ? Peut-être car il ne se sentait pas si concerné et qu'il souhaitait juste le délivrer de son emprise … C'était le meilleur choix pour lui même si le concerné n'approuvait pas cette décision …

« Je suis désolé, Finrir. Je n'ai pas souvenir de cette époque et même après tout ça, je ne peux pas me rappeler de toi .. Je ne veux pas te paraître froid ou sans cœur, mais je ne suis plus celui que tu aimerais voir en moi. Je ne suis pas pur, je ne suis pas cet ange immaculé auquel tu tenais. Cette jeune femme dont tu parles, c'est ma mère. Celle qui me déroba à la mort et qui m'accueillit dans sa vie et au sein de son peuple. Je regrette peut-être de ne jamais avoir revu ceux qui me donnèrent naissance mais … la vie que j'ai mené par la suite est la seule qui m'appartienne réellement. Je n'avais plus de problèmes monétaires mais notre rang nous apporta bien des problèmes. J'ai souffert, des années, des siècles, jusqu'à en arriver à ce point. » Il sourit ironiquement. Il savait ce qu'il fallait pour le désillusionner, le dépourvoir de toutes ces illusions à son insu, et il n'hésiterait pas à le faire dans le besoin. Or, c'était le cas. « Je suis un vampire … Je me suis sali les mains plus de fois que tu ne pourrais l'imaginer … J'ai commis des crimes, tué des gens autrement que pour me nourrir … Il vaudrait mieux pour toi d'oublier. Oublie-moi comme moi j'ai fait et tu iras mieux. Tu n'auras plus de peine et ton cœur saura guérir par lui seul. C'est un au revoir. » finit Luka simplement car il y avait mêlé un peu de son pouvoir d’aliénation et il ne s'attendait visiblement pas à une réponse.

Il se remit debout et commença à marcher avant que l'homme ne revienne de plus belle, une fois de plus, le prenant par les épaules mais sans y appliquer une force quelconque. Luka ne pouvait se résoudre à le contrôler entièrement car pour lui une poupée écervelé n'était que tristesse et pitié. « Pourrions-nous … nous revoir ? Je voudrais savoir ce que tu es devenu. Oublier qui tu étais mais pas qui tu es maintenant ! C'est toujours un non ? » esquissa-t-il dans ce même ton honnête mais peu confiant. Cependant, une main étrangère vint lui soustraite l'entité de porcelaine entre ses mains pour se l'approprier à son tour. Le petit s'y agrippa comme si sa vie en dépendait et comme si l'elfe était pour lui la plus grande menace parmi les vivants. Luka ébouriffa sa crinière légèrement, avec un sentiment de malaise intense qui l'occupait. Il ignorait quoi lui répondre mais ne voulait pas le rejeter de la sorte car les blessures du cœur sont dures à guérir et il ne le savait que trop bien … Lui lançant alors un sourire informe et le saluant du revers de la main, il se laissa emporter par Kyle qui semblait pas déceler en lui l'influence néfaste, nocive du gaillard.

« Je suis rentré dans le manoir, tu n'y étais plus quand j'en suis sorti. Je me suis fait un sang d'encre, je t'ai cherché partout et voilà dans quelle état je te retrouve. As-tu perd l'esprit ?! Et qu'est-ce qu'il te voulait d'abord c'lui là ?» grogna-t-il avec un certain agacement, comme s'il boudait qu'il l'ait encore une fois abandonné de la sorte et que quelqu'un d'autre s'en soit approché en son absence. « Je suis désolée Kyle ! Je me … contrôlais pas tout à fait quand je suis parti. Et quant à lui … Rien, Kyle. Il m'a juste … confondu avec quelqu'un … » répondit-il pour ne pas causer plus de désarroi à l'orine et n'y voyant pas un si grand mensonge, juste une déformation de la vérité. L'orine bondit de suite sur lui avec un enthousiasme très surprenant. « Il existe vraiment quelqu'un d'aussi beau que toi ? » « Kyle, arrête d'exagérer bon sang. Mais on dirait bien … » sans jamais réellement finir sa phrase …

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# Les champignons, c'est bon pour la santé # ( SOLO )

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