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 L'oiseau de la cascade (Abel Erond)

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Dim 26 Jan 2014, 22:50


Je m’étais arrêtée au bord l’eau avant de m’allonger dans l’herbe. J’entendais au loin couler la rivière, car je m’étais arrêtée au niveau d’une minuscule cascade. Je sentis que je m’assoupissais, sombrant malgré moi dans un sommeil sans rêves. C’était une belle après-midi, mais j’étais sans cesse fatiguée le jour, car je vivais la nuit. Je n’y pouvais rien, les ténèbres me réveillaient malgré moi, et je passais des heures à regarder les astres du dessus, à leur parler parfois, sans que mes  paupières ne se ferment. La nuit dernière n’avait pas fait exception, et le ciel dégagé de la région m’avait permis de m’enivrer de visions célestes, jusqu’à ce que l’aube ne me saisisse et que je m’endorme en même temps que se couchait la lune.

Je me sentais si bien que j’avais l’impression de m’enfoncer dans le sol. Je devais être dans quelque songe pour que tout autour de moi soit si beau, si pur. L’eau elle-même était si limpide que je ne pouvais la concevoir comme réelle. J’étais allée nager ce matin après mon réveil, moi qui avais toujours eu peur des eaux profondes et de ce qu’elles renfermaient. L’onde était si translucide que je voyais à travers sans problème, et je rinçais mes longs cheveux avec joie. Cela faisait longtemps que je n’avais pas pu en profiter. Après cette halte, j’avais continué à suivre la rivière, je voulais voir les cascades cristallines et j’avais décidé de suivre le cours d’eau jusqu’à elles.

Le soleil était bas lorsque je m’éveillais, dérangée par le chant d’un oiseau. Celui-ci s’était posé non loin de moi, et je le regardais en souriant. C’était une version miniature de mon oiseau. Son sifflement était agréable, et je ne bougeais pas de peur de l’effrayer. Il sautilla plus loin, avant d’être rejoint par ses semblables. Il y avait désormais devant moi un petit attroupement de boules de plumes, de tailles variables et piaillant gaiement. Je ne pus m’empêcher de rire devant ce spectacle.

L’un d’eux sauta jusqu’à l’eau où il s’ébroua tandis que les autres s’envolaient, rejoignant sûrement leur nid pour la nuit. Je me tournais et m’allongeais tête vers la rive, pour continuer à l’observer. Le bruit de l’eau recouvrait tout le reste, et mon cœur manqua de sortir hors de ma poitrine quand j’aperçus sur la rive opposée un prédateur inopportun. La panthère fixait l’oiseau, il n’était pas bien gros, mais suffisamment remarquable pour lui servir de repas, et je craignais de ne pas être la seule à avoir eu cette idée.

Avant que je n’ai eu le temps de me lever pour effrayer l’oiseau et le sauver d’une mort certaine, le fauve bondit, se jetant sur sa proie. Je lâchais un cri d’effroi et je me jetais vers l’eau en direction de l’animal, mais je me retins au dernier moment de rejoindre la panthère. Je gardais un semblant de raison et j’avais je n’aurai pu survivre contre un chasseur né pour tuer.

Je me trouvais au bord de la rive, et ne sachant que faire, je hurlais à l’animal de déguerpir, presque les larmes aux yeux. Il était sans doute trop tard pour mon ami l’oiseau, mais par principe je ne voulais pas qu’il se fasse dévorer devant moi. Je ramassais des cailloux sur la rive, m’apprêtant à les jeter sur le fauve quand celui-ci détourna la tête.
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Dim 26 Jan 2014, 23:44


Alia était allongée, ses pattes avant tendues et ses yeux rivés sur sa proie. La jeune panthère était un prédateur impitoyable, telle était sa nature, et même si elle n’était encore qu’une enfant, de plus en plus elle était capable de se nourrir seule, attrapant çà et là un petit rongeur pas assez méfiant ou un poisson qui passait trop près d’elle. Mais la proie qu’elle avait devant elle était différente, il s’agissait d’un petit oiseau, et ces derniers avaient la fâcheuse tendance de s’envoler avant que la créature ne puisse refermer ses crocs sur eux. Elle avait beau essayer de les bloquer avec ses pattes, ils parvenaient toujours à s’enfuir avant qu’elle ne soit sur eux, à son plus grand déplaisir. Celui qu’elle avait devant elle allait-il être différent ? Elle n’avait qu’une seule façon de le découvrir, mais pour cela elle devait attendre le bon moment. Les petites créatures ailées chantaient, sautillaient, s’envolaient, revenaient… Alia, elle, restait parfaitement immobile, tapie dans les herbes, à l’affut du moindre signe qui trahirait la faiblesse de l’un d’entre eux. Elle leva une patte, se glissa lentement vers l’avant, s’approchant peu à peu…

Abel était à quelques dizaines de mètres de là, cherchant à atteindre le lit de la rivière tout en dévorant un fruit sucré absolument délicieux qu’Amarel avait cueilli pour lui avant d’en faire repousser un en tout point identique à celui qu’elle venait de ramasser, sous les yeux admiratifs de son compagnon. Le bélua était heureux, il s’entendait à merveille avec la dryade et, même si elle n’était pas des plus bavarde, elle s’avérait être d’une compagnie agréable.
Leur chemin les avait menés jusque dans les terres d’émeraude, avant qu’ils ne remontent vers les berges de la rivière éternité. Celle-ci était bordée de bosquets plus ou moins denses qu’Amarel semblait apprécier, et si elle n’avait rien contre les plaines, c’était bien en forêt qu’elle se sentait le mieux. Mais alors que les deux amis avançaient côte à côte, un cri perçant résonna dans l’air, faisant s’envoler les oiseaux perchés sur les branches aux alentours.

Le bélua franchi les quelques mètres qui le séparaient du fleuve en toute hâte, avant de tomber sur une scène qu’il eut un petit peu de mal à comprendre. Une jeune femme aux vêtements mouillés se tenait sur la rive, les yeux chargés de larmes et semblait s’apprêter à lancer une pierre sur Alia en lui hurlant de s’en aller, alors que l’animal l’observait avec un regard étonné. Abel du bien reconnaître qu’il ne chercha pas à analyser la situation ni les raisons qui pouvaient pousser cet être à menacer ainsi la panthère. Ses yeux se mirent à briller d’un éclat orangé et le bélua laissa échapper ce qui ressemblait à un grognement bestial alors qu’une colère sourde montait en lui, menaçant de lui faire perdre le contrôle de son corps. Ses dents lui faisaient mal à l’intérieur de sa bouche, un instinct de protection prenant peu à peu le pas sur sa raison. Il devait se calmer, il devait contrôler son totem, mais ce n’était pas chose aisée lorsque l’on s’en prenait à l’un des êtres qu’il chérissait le plus au monde.
Alors qu’Abel luttait pour ne pas laisser sa partie animale gagner le terrible combat qu’il se livrait à lui-même, le bélua fut surpris de voir Amarel le ramener en arrière en le tirant derrière elle alors qu’elle se plaçait entre lui et la rehla. Les quelques lianes qu’elle portait comme seuls vêtements s’étendirent légèrement et vinrent se saisir de la panthère pour la porter en sécurité près d’Abel. La dryade leva ses bras et parla d’une voix douce et cristalline, dont la tendresse contrastait avec la colère du bélua qui peinait à redescendre.
« Ne soyez pas brutale, cette créature ne vous a pas attaqué. Cet oiseau était-il de vos amis ? »
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Lun 27 Jan 2014, 18:40


J’étais restée immobile après avoir levé le poing, le regard de la panthère m’avait pétrifiée. Elle n’avait simplement pas l’air de comprendre ce que je lui voulais, ce qui, au lieu de me mettre en rage, acheva de m’affliger. Je remarquais alors les deux autres individus, un homme et une femme, l’un apparemment agressif, et l’autre calme. Je vis au premier coup d’œil qu’elle n’avait rien d’humain, mais j’en fus presque rassurée : quel humain aurait compris que l’on pleure la mort d’un petit oiseau blanc ?

Je sursautais quand elle m’adressa la parole, et je lâchais la pierre que je tenais avant de m’essuyer le coin des yeux. Je n’aimais pas tellement qu’on me voit pleurer, j’avais appris que les signes d’émotions trop fortes étaient souvent mal perçus dans le monde, et qu’il valait mieux avoir l’air impassible qu’hystérique. En temps normal, j’aurai pu m’offusquer de la réflexion de la nymphe, mais je la regardais avec un air perplexe, et un peu penaud. Ma tristesse ne s’était néanmoins pas envolée et je marchais vers l’endroit où se trouvait le félin quelques instants auparavant. Un petit tas de plumes sanguinolent gisait au sol et je me mordis la lèvre pour retenir mes larmes.

Je ne cherchais pas à comprendre les raisons de mon attachement irrationnel pour les oiseaux. C’était comme cela, je ne me posais plus de questions. Au moins y avait-il quelque chose qui avait de la valeur à mes yeux sur cette terre. Je me penchais pour ramasser les restes de l'animal et je tâchais de remettre de l’ordre dans ses plumes, comme l’on remettrait en place les cheveux d’une personne.
Je regardais la dryade avant d’hocher la tête, gardant d’abord le silence avant d’ajouter doucement.

- Les oiseaux sont mes amis. Ce n’est pas juste. Il ne l’aurait même pas nourri…

J’ignorais jusque-là l’homme, car il m’avait effrayé à son arrivée. Il avait l’air aussi sauvage que la panthère. Celle-ci était restée en arrière, là où la femme l’avait amené, et semblait écouter la scène d’un air interrogatif. Mais je me faisais peut-être trop d’illusions concernant l’éclat que je lisais dans les prunelles de l’animal. Comment pouvait-il s’interroger sur la situation ? Quoiqu’il en soit, je ne me considérais pas comme comestible, alors si elle se demandait si je pouvais faire office de repas, c’était non. Et puis j’étais certaine que la nymphe ne l’aurait pas permis, elle avait l’air d’une gentille personne.

Je m’avançais vers le trio, l’oiseau mort toujours dans mes mains, ignorant complètement le troisième individu et gratifiant la dryade d’un regard timide tandis que je passais à côté d’elle. Je m’arrêtais à son niveau, ne voulant pas l’inquiéter sur mes intentions, et je m’agenouillais pour me retrouver au même niveau que le fauve. Je posais l’animal mort devant lui et déclarais :

- Ne le mange pas s’il te plait.

Je ne savais pas ce que j’attendais au juste, un signe de compréhension peut-être.

- Je sais que tu n’as pas fait cela pas méchanceté.

Je fixais le félin, puis, perdue dans son regard hypnotisant, je tendais la main vers lui, dans une sorte de transe, puis j’interrompis brusquement mon geste et, apeurée, je ramassais délicatement l’oiseau avant de m’éloigner et de me tourner vers l’homme, soudain moins menaçant que la proximité d’une bête sauvage.

- Et toi, tu es le seul à ne pas être intervenu dans cette histoire, qui es-tu ?


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Mar 28 Jan 2014, 17:40


Amarel baissa les yeux vers le petit oiseau et laissa Malys s’approcher, le visage un peu triste. Si elle ne voyait en cette scène que l’ordre normal des choses, l’expression la plus simple de la nature, elle ne pouvait toutefois pas ignorer la peine de cette jeune femme qui avait perdu un être qui comptait à ses yeux. Abel aurait réagi bien plus vivement encore s’il avait vu quelqu’un s’en prendre à un panthère à plaques, et il commençait à mieux comprendre le geste de Malys, bien qu’il eut encore du mal à l’accepter. La jeune panthère, quant à elle, ne comprenait pas bien ce qu’il se passait, mais elle pouvait sentir la douleur qu’elle avait infligée à la rehla. Pensant d’abord qu’elle avait pu lui voler sa proie ou la contrarier d’une quelconque façon en envahissant son terrain de chasse, elle finit par comprendre l’attachement qu’elle avait envers ce petit animal, et leva les yeux vers Abel dont la respiration semblait se calmer un petit peu. La colère laissait peu à peu sa place à la compassion.
En plongeant son regard dans les yeux d’Alia, il vit qu’il n’avait pas besoin de lui demander d’obéir à la rehla, car même si elle n’avait pas compris ses mots, elle avait eu tout le loisir de ressentir ses émotions et se sentait un petit peu penaude d’avoir provoqué tant de tensions alors qu’elle ne faisait que chasser, comme elle pouvait le faire tous les jours sans que cela ne cause le moindre problème.

Alia approcha sa tête de la main de la jeune femme mais, contrairement aux caresses habituelles qu’elle pouvait recevoir, elle constata avec étonnement que la rehla semblait avoir peur d’elle. Elle n’était pourtant pas agressive, et quand bien même elle aurait voulu lui faire du mal, elle aurait eu beaucoup de mal à l’inquiéter avec ses petits crocs et ses griffes minuscules. La créature pencha la tête sur le côté, attendant de voir si elle allait revenir vers elle, délaissant l’oiseau qui avait causé tous leurs problèmes.

Le bélua et la dryade restèrent silencieux, graves, observant Malys non sans ressentir une certaine culpabilité vis-à-vis des agissements d’Alia.
Abel, après quelques instants de réflexions, se décida enfin à s’avancer. Son totem s’était quelque peu calmé, et la colère avait disparu de ses yeux en même temps que leur teinte orangée. Il n’était à présent plus une menace pour Malys, et Amarel s’écarta lentement, comprenant qu’elle leur avait évité le pire.
Le bélua avait le visage terne et marqué lorsqu’il parla enfin.
« Excuse ma réaction, j’ai parfois du mal à me contrôler lorsqu’on menace de s’en prendre à elle. Cette jeune panthère s’appelle Alia, voici Amarel, et je suis Abel, du peuple de Phoebe. Je suis désolé pour cet oiseau, les panthères sont des prédateurs, elle ne pensait pas mal faire… J’espère que tu le comprendras comme je comprends ta douleur. Je ne peux malheureusement pas lui rendre la vie… »
Abel s’accroupit aux côtés du petit corps de l’oiseau et posa la paume de sa main sur le sol. Autour du petit amas de plumes poussèrent quelques fleurs plutôt réussies qui vinrent entourer la dépouille pour lui former un petit lit de verdure.
« A présent il repose aux côtés de la Lune. Elle veillera sur lui, ne t’en fais pas. »
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Mer 29 Jan 2014, 20:24


Une légère brise se levait, et ce vent bienvenu chassa les derniers restes de mon abattement. Ce n’était qu’un petit oiseau parmi d’autre, et si j’avais vu en lui un regard familier, je l’oublierai bien vite. Il en mourrait chaque jour, pour des raisons naturelles contre lesquelles je ne pouvais rien. Je regardais l’inconnu parler avant d’hocher la tête, une expression déterminée sur le visage. Je comprenais ce qu’il voulait dire, et cela me semblait juste.

Je poussais une petite exclamation de surprise lorsqu’il fit pousser des fleurs autour de mon oiseau. C’était très beau, et je n’avais jamais vu quelqu’un utiliser ce pouvoir, même si je savais que certains êtres en étaient dotés. Je posais un dernier regard sur la tombe de fortune et puis le détournais vers le petit groupe. Le vent soufflait toujours, et le soleil atteignait l’horizon. Bientôt les étoiles se lèveraient et me réconforteraient complètement.

- Merci.

Je remarquais alors seulement sa mention à la Lune, qui avait mis un certain temps à parvenir à mon esprit, et je souris. J’avais toujours considéré l’astre de la nuit comme une puissance bienfaitrice, qui veillait sur moi et mon peuple, c’était amusant de constater qu’il en était de même pour cet homme. J’ignorais tout du peuple de Phoebe, mais on m’avait récemment éclairé sur l’existence des béluas.  Mes yeux s’attardèrent sur Alia, et à nouveau cette impression de similarité me saisit sans que je puisse me l’expliquer. Je laissais échapper ma pensée malgré moi.

- Est-ce ta sœur ?

Je ne parlais évidemment pas de liens de sang, plutôt d’une sorte de lien affectif fort, tout comme je me considérais comme la fille de l’oiseau blanc. Mon usage étrange du vocabulaire m’avait valu quelques quiproquos, mais je persistais à parler comme je l’entendais. La vérité n’était pas dans l’agencement des mots, ni dans le sens qu’on voulait bien leur donner, elle flottait là quelque part, et je tâchais de m’en approcher du mieux possible par mes propres moyens, peu importait les conventions sociales et langagières.

- Je comptais me rendre aux cascades cristallines, j’en ai tant entendu parler que j’espérais les voir de mes propres yeux.

Je venais tout juste de me rappeler de ma destination, et de songer à ce qui m’attendait. En vérité, il y avait plusieurs choses que je voulais vérifier en ce lieu. C’était là que le vieil ermite m’avait dit de me rendre si je venais à oublier qui j’étais et ce que je faisais sur cette terre. Il m’avait raconté que la rivière avait des vertus fantastiques, et était capables de réveiller les rêves les plus fous que l’on avait enfoui en soi pour diverses raisons. C’était un lieu où l’on se rappelait de son identité, de ses songes et de ses idéaux, dédié au souvenir et à la paix intérieure.

Plus le temps avait passé depuis mon départ de la forêt, plus j’avais perdu consistance, je me sentais absente à moi-même. J’avais peu à peu pris conscience de morceaux manquants de moi, des questions sans réponses qui restaient, et du manque de sens évident à toute cette comédie qui nous entourait tous, cette réalité onirique et ces rêves concrets qui se jouaient de nous, s’amusant à nous perdre parmi les paradoxes. Il fallait que je remette de l’ordre dans mon esprit, et c’était mon pèlerinage. Je ne voulais plus errer comme une âme en peine dans un monde incompréhensible. Le temps des réponses viendrait, j’en étais sure, mais pour l’instant, il fallait que je comprenne l’espace.

- Un vieux sage m’a un jour raconté que l’on pouvait renouer avec soi-même sur les bords de cette rivière. Et vous, que faites-vous en ce lieu ? Accepteriez-vous que je marche auprès de vous quelques instants, que je ne vous quitte pas en me rappelant des panthères comme des tueuses d’oiseaux ?

La vérité, c’était que j’avais peur de retrouver mon apathie si je venais à rester seule à nouveau. Les dialogues et les rencontres m’avaient ces derniers temps maintenus dans la course des choses, mais j’étais sans cesse terrifiée à l’idée de replonger dans l’oubli total de la marche inéluctable du temps.
Plus la nuit approchait, plus je me sentais pleine de vie, réveillée et chez moi, là, sous le ciel.


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Jeu 30 Jan 2014, 19:26


La douce brise qui s’était levée alors que le soleil se couchait peu à peu avait quelque peu rafraîchi l’atmosphère, l’odeur de la forêt et de l’herbe fraîche se mêlant à celle de l’eau de la rivière éternité. Abel fut heureux de constater que la rehla semblait se calmer tout doucement, relativisant la perte de cet oiseau. Il s’en serait voulu si Alia avait malencontreusement tué un être plus cher à ses yeux. Bien qu’elle soit libre et sauvage, le bélua se sentait quelque peu responsable des agissements de la panthère, surtout lorsqu’elle donnait la mort. Mais telle était le rôle du prédateur qu’elle était. Elle ne tuait jamais par envie ou par jeu, mais par nécessité, pour sa survie, et Abel préférait la voir trouver elle-même nourriture que de devoir lui en procurer. Après tout, s’il lui arrivait quelque chose, elle devrait se débrouiller seule dans la jungle de la vie, et il préférait qu’elle y soit préparée. Toujours en voyage, toujours à errer sur les routes, ce n’était pas une vie des plus répondantes ni des plus sûres que le bélua aurait pu choisir… Mais là était sa place. Ce n’était pas en restant tranquillement au rocher au clair de lune qu’il allait pouvoir servir sa déesse et les siens.

Les paroles de Malys le firent sourire. Etrangement, et bien qu’il aurait eu du mal à expliquer le lien qui l’unissait à la créature, les mots de la rehla auraient difficilement pu être mieux choisis.
« Les béluas sont liés aux esprits animaux. Lorsque la Lune nous a déposés sur ce monde, elle a enfoui en nous l’une de ses créations pour que nous vivions au plus près de ses fils et de ses filles. Les miens appellent ça le totem, et le mien est une panthère à plaques, comme Alia. Je l’ai recueillie après la mort de sa mère. Elle n’aurait pas pu survivre seule, j’ai fait ce que Phoebe aurait voulu de moi, et aujourd’hui nous sommes toujours ensemble. On peut dire qu’elle est de ma famille, oui. »
D’habitude, lorsqu’Abel parlait de son lien avec Alia, ses interlocuteurs réagissaient étrangement, ne comprenant pas qu’on pouvait être plus attaché à un animal qu’à un être humain. Mais Malys semblait apprécier la nature. Peut-être qu’elle aurait plus de facilité à comprendre le lien qui les unissait…

Les cascades cristallines étaient à l’opposé de là où le bélua voulait se rendre, mais maintenant qu’elle le disait, c’était vrai que ces lieux devaient être magnifiques. Amarel aimerait certainement les voir. Après tout, c’était pour cela qu’elle l’accompagnait, il devait se préoccuper un petit peu d’elle, et cela ne ferait que retarder leur retour de quelques jours… Peut-être pourraient-ils faire un détour et accompagner Malys quelque temps ? Son histoire l’intriguait, et il avait envie d’en savoir plus à son sujet. Peut-être pourrait-il ainsi en apprendre plus sur elle et sur son peuple.
Abel se tourna vers la dryade en lui lançant un regard interrogateur.
« J’en serais ravie. »
N’en attendant pas moins, le bélua revint vers Malys avec un air entendu.
« Les panthères sont des êtres fascinants. Alia est encore jeune, mais je suis sûr que sa compagnie vous sera agréable, en espérant qu’elle ne touche plus aux oiseaux… »
L’intéressée baissa légèrement la tête. Bien qu’il ignorait comment c’était possible, la créature semblait comprendre ses mots. Elle allait certainement éviter de chasser d’autres volatiles pendant un bon moment…
Les quatre compagnons se mirent donc en route, longeant la rivière pour remonter progressivement vers les cascades. Abel ne savait pas exactement à quelle distance ils étaient de leur but, mais ce voyage s’annonçait paisible et agréable, ce qui était assez rare pour être apprécié. Dans le ciel, la nuit laissa apparaître une myriade d’étoiles qui scintillaient faiblement. Pour les béluas, elles étaient les larmes de la déesse qui pleurait son amour impossible avec la Terre, mais on disait que les rehla pouvaient lire dans les astres. Abel était pressé de voir si les légendes étaient vraies.
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Dim 02 Fév 2014, 18:54


Ce fut la nymphe qui répondit à ma question, suite à un bref regard vers son compagnon bélua. Je souris, j’étais soulagée. Pendant un instant, j’avais craint de m’être emportée et d’avoir outrepassée les lois communes de la sociabilité. Certes Abel m’avait éclairé sur son lien avec la panthère, mais j’étais sans cesse inquiète de confondre diplomatie et confiance, politesse et gentillesse, hypocrisie et maîtrise de soi. Moi-même je ne m’embarrassais pas de ces notions complexes que je trouvais désincarnées, c’était justement tout le problème. Cependant le trio semblait littéralement apprécier le naturel, et je me rassurais en jetant un œil au-dessus de moi. Nous n’étions pas dans une ville bondée aux codes incompréhensibles, nous étions sous les étoiles, avec la Lune pour seule juge. Tout allait bien.

Je n’avais pas pu m’empêcher de jeter un œil à la panthère durant son explication, mais je l’avais écouté avec un air intéressé, tout cela était fascinant. Tout ce que je savais de son peuple était qu’il était composé d’être mi animaux, mi humains, mais j’ignorais que les choses se présentaient de la sorte. J’avais appris à ne pas croire au hasard, peut-être car cela m’ennuyait, et je fus convaincue en quelques instants qu’Alia ne pouvait avoir été mise sur sa route qu’en raison de ce lien spécial qu’ils possédaient. Je fus stupéfaite de remarquer que pour une fois, je comprenais ce qui était dit. Tout cela ne ressemblait pas aux spectacles de marionnettes auxquels j’avais à faire habituellement, c’était quelque chose que j’avais vécu, que j’étais capable de ressentir, même à moindre échelle. Alors que je m’émerveillais de ma capacité d’empathie inattendue, j’opinais et répondais doucement :

- Je comprends oui. Mais ce totem, cet esprit, cela veut dire que tu peux l’invoquer ?

Quelques instants plus tard, nous étions en marche vers les cascades. Le chœur nocturne qui emplissait mon esprit s’élevait petit à petit dans l’air, mais je savais que j’étais la seule à l’entendre. Je n’y prêtais tout d’abord que peu d’attention, toute occupée que j’étais à détailler mes camarades de marche.

- Je ne pense pas qu’elle le fasse devant moi non ? C’est étrange, mais je jurerais qu’elle a parfaitement compris ce qu’il s’est passé tout à l’heure.

Comme je me rappelais d’un détail, je tournais la tête vers la nymphe et le bélua et ajoutais :

- Au fait, mon nom est Malys.

En temps normal, je préférais communier seule avec les constellations une fois la nuit venue, mais je me sentais étrangement bien en cet instant. Mon oiseau avait été bien vite oublié et j’observais d’un air curieux les mouvements élégants d’Alia. Le soleil avait totalement disparu, et l’encre du ciel me ravissait. Les astres chantaient et je me surpris à fredonner une mélodie inconnue et entêtante. Je ne pouvais mettre ni mots, ni notes sur le son que j’entendais et qui bourdonnait à l’intérieur de mon âme. C’était la première fois -il me semblait- que la mélopée était si pure, mais c’était peut-être qu’elle me touchait simplement plus. On m’avait raconté que la présence d’autres êtres inscrits dans le Destin bouleversait les chansons de la nuit.

Je fermais les yeux tout en continuant d’avancer, je ne craignais ni de tomber, ni de trébucher, car les étoiles étaient mes yeux et je voyais à travers la terre et ses secrets. Je tournais la tête en direction d’Abel, du moins, dans la direction dans laquelle je savais qu’il se trouvait. Je le voyais à travers mes paupières closes, mais nul homme ne se trouvait devant moi, et c’était une panthère à plaques que je contemplais. Néanmoins je le reconnaissais, comme si quelque chose en lui produisait un écho semblable au bélua que j’avais rencontré précédemment. Je compris alors ce que le jeune  homme m’avait décrit des enfants de Phoebe et des esprits animaux. Ils étaient aussi indivisibles que le ciel l’était des étoiles, et aussi réels que la Lune elle-même.

Soudain, un murmure se détacha des autres, dansa devant mes prunelles, insaisissable comme le vent. Je l’observais telle l’irisation d’un coquillage nacré, tâchant de saisir ses couleurs et des éclats. Des images virevoltantes m’envahissaient et j’ouvris les yeux, prise de vertige, sans pour autant les faire disparaître. Je chuchotais :

- Son frère, son double, tu es la panthère, je comprends maintenant. Vous avez tous deux perdus ce qui vous était cher. Le cerf repose en paix désormais. La mère aussi.

Je le fixais d’un air troublé. J’avais vu des choses que je ne devais pas voir, qu’il ne m’avait pas dites, et je ne comprenais pas ce que cela signifiait. En instant ses douleurs, ses joies, son passé et peut-être son futur avaient défilés devant moi sans que je puisse les saisir. Je n’avais aperçu que quelques bribes de tout cela, et cette intrusion dans l’âme d’autrui m’avait profondément perturbée. Je tremblais imperceptiblement.

J’aurais pu me sentir honteuse, comme une voleuse de mémoire, mais je restais bouleversée, car durant toute cette scène, une évidence ne m’avait pas échappé : ce n’était pas moi qui avait cherché ces visions, mais elles qui étaient venues me trouver. Je levais la tête vers les astres pâles. Leur chant avait un sens, leur chant était le monde. Cette découverte m’obsédait.

Alia était partie plus loin, du moins, je ne l’avais pas vu, et la dryade n’était sans doute qu’une expression trop pure de la nature pour que je puisse la saisir, si bien que c’était l’essence même du bélua qui m’avait frappé.

- Pardon si j’ai été offensante. Je n’ai pas l’habitude.




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Lun 03 Fév 2014, 17:59


Abel appréciait la fraicheur de la nuit, préférant la pâle lueur de sa déesse à l’éclat aveuglant du soleil. Les étoiles brillaient dans le ciel, se reflétant dans l’eau de la rivière aux endroits où elle n’était pas troublée par le courant et scintillant partout aux alentours. La légère brise qui soufflait sur les berges leurs amenait des effluves de terre et de roche mouillée qui parfumaient l’atmosphère et lui donnait un air apaisant, de ceux qui rappelaient au bélua pourquoi il chérissait tant la nature.
La curiosité de la rehla ne lui était pas désagréable, au contraire. Abel était conscient que la dualité de son peuple était parfois difficile à saisir pour ceux qui n’étaient pas initiés à ce genre de choses, et parler de son esprit animal sans être pris pour un fou était trop rare pour qu’il n’en profite pas un petit peu.
« En réalité, l’esprit existe en moi, en sommeil. Lorsque je parviens à faire le vide et à entrer en contact avec lui, je peux parfois sentir ses pensées, ses craintes, ses envies. Il y a des cérémonies magnifiques au rocher au clair de lune où nous communions avec nos totems. Elles nous permettent de mieux les connaître et les comprendre, de mieux nous accepter mutuellement. Les plus grands des miens, les Totems et les gardiens de Phoebe se sont fait totalement accepter et peuvent contrôler leur esprit. Pour ma part, j’en suis encore loin… Mon totem est sauvage et parfois ses réactions sont trop vives, je ne peux pas le canaliser quand il s’emporte… »
Le bélua jeta un œil en direction de Malys, un peu honteux.
« C’est ce qui a manqué de se produire lorsque je t’ai vu prête à lancer cette pierre à Alia. Je l’ai senti s’éveiller en moi, du plus profond de mon cœur. Il était en colère… S’il m’avait surpassé, j’aurais pris sa forme et il aurait été maître de mon corps. Tu m’aurais vu devenir l’animal. Je ne sais pas ce qu’il aurait pu faire… »
La voix tremblait de manière presque imperceptible. Il venait de mentir, car il savait pertinemment ce qu’il aurait fait. Abel se sentait dangereux, il ne voulait pas être une menace pour les êtres innocents, mais parfois il devait bien reconnaître que le contrôle qu’il avait sur son totem était bien relatif…
« Je travaille dur pour améliorer ma relation avec lui, mais c’est un animal sauvage, emprisonné dans un corps qui n’est pas le sien. Ma volonté est une cage dont il aimerait s’échapper… J’espère qu’un jour nous pourrons vivre en harmonie. »

Les cérémonies au rocher au clair de lune finiraient certainement par les rapprocher, mais en attendant il ne pouvait que tenter de s’éloigner au maximum des situations qui pourraient déchaîner son totem, et s’entraîner à réprimer ses accès de colère lorsqu’ils se manifestaient.
Alia aimait bien ce qu’elle ressentait en provenance de la rehla. C’était un être paisible et poétique qui se révélait bien plus calme et bienveillant qu’il ne l’avait été lorsqu’elle l’avait rencontré. Les petits yeux de la panthère étaient tournés vers Malys et elle poussait de temps à autre un petit miaulement discret en sa direction, comme pour tenter d’attirer son attention. Comprenant qu’on parlait d’elle, la petite créature quitta la sécurité des bras de son compagnon en sautant sur le sol pour se diriger vers la rehla, passant furtivement entre ses jambes pour venir se planter devant elle, prête à prendre appui sur ses pattes arrière.
« C’est une créature bien plus intelligente qu’elle n’en a l’air. Je ne sais pas comment, mais elle ressent certaines choses, elle comprend les gens et… attention ! »
Sans prévenir, la petite créature bondit vers Malys et, plantant çà et là ses petites griffes pour tenter de se hisser, grimpa maladroitement dans les bras de la rehla devant le regard un petit peu embêté du bélua. Une fois stabilisée, elle laissa échapper un petit grognement de contentement et se mit à ronronner en venant se blottir contre sa nouvelle porteuse.
« Excuse-la… Si elle te dérange pose-la par terre. D’habitude elle ne fait jamais ça avec les inconnus… »
Cette marche était vraiment extraordinaire et allait le devenir encore plus. Lorsque Malys ferma les yeux et se mit à fredonner un air étrange, le bélua la regarda avec émerveillement. Alors c’était donc vrai… Etait-ce là la mélodie que chantaient les étoiles ? La rehla avait l’air commence absorbée par ce qu’elle entendait, et bien que ses paupières étaient closes, elle semblait n’avoir aucun mal à se diriger. Lorsque sa tête se tourna vers lui, Abel fut surpris de voir qu’elle parvenait à le localiser parfaitement alors qu’il ne faisait pour ainsi dire presque aucun bruit en marchant sur l’herbe fraîche. Mais ses mots le troublèrent encore plus.
Lorsque sa voix s’éleva dans les airs, Abel fut frappé de stupeur. Le cerf, Bralia, comment pouvait-elle savoir ? Même Amarel ne savait pas ce dont elle parlait, elle n’avait pas pu lui dire. Etait-elle capable de lire le passé ? Abel mit plusieurs longues secondes à se remettre de cette expérience déroutante. Ses pas étaient devenus mal assurés.
« Ce… ce n’est rien, mais… Comment peux-tu savoir cela ? «
Abel ne l’avait même pas sentie s’introduire dans son esprit. Il n’avait pas constaté la présence gênante que l’on pouvait ressentir lorsqu’un magicien sondait notre âme. L’avait-elle simplement lu dans les étoiles ? Que pouvait-elle lui dire d’autre ? Tout ceci était fascinant aux yeux du bélua, mais il était encore trop sous le choc pour pouvoir l’exprimer. Cette Malys était décidément pleine de surprises…
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Mar 04 Fév 2014, 19:48


J’avais difficilement repris ma respiration, j’avais eu le souffle coupé par ce que je venais d’observer et il me fallut quelques instants pour revenir à la réalité. Je fixais Abel et me concentrais sur sa voix pour me convaincre que tout cela n’avait rien d’un rêve, mais l’atmosphère qui flottait autour de moi me semblait de plus en plus onirique. Les étoiles ne s’étaient pas tues, je m’étais simplement détachée de leur chant fantastique et je n’entendais plus que la mélodie, sans chercher à comprendre. Je réalisais seulement maintenant l’effort que j’avais eu à fournir pour lire et exprimer ce que j’avais entraperçu dans l’immensité du cosmos.

Je n’étais pas la seule à avoir été saisie par l’expérience, et comme je l’avais pressenti, Abel réagit vivement à ce que je venais de dire. Il n’avait pas l’air de m’en vouloir, mais la phrase l’avait atteint. Comment diable pouvais-je lui expliquer ? Je n’étais pas supposée parler de mon peuple qui était bien souvent méconnu et de toute façon, outre notre nom et notre lien au ciel nocturne, les secrets de mes semblables m’étaient tout à fait inconnus. Je décidais de lui faire confiance et de lui expliquer du mieux que je le pouvais la manière dont j’avais appris cela, après tout, lui m’avait bien parlé des esprits animaux.

- Je ne sais pas comment d’expliquer. Les étoiles murmurent et je les comprends. Mais je n’arrive pas à tout saisir, leur chant est complexe et puissant.

Je tremblais alors que je prenais la parole, comme si je craignais que quelque éclair ne me foudroie, impressionnée par la puissance qui s’étendait au-dessus de nous. Mais tant que je ne dévoilais pas les secrets du monde, je ne risquais rien.

- Je ne sais pas exactement ce que j’ai dit sur toi, je veux dire, je ne t’ai pas volé de souvenirs. J’ignorais même si cette scène avait déjà eu lieu… Sur le moment, je comprenais, mais je t’avoue que tout cela m’échappe et me dépasse maintenant que j’essaie de l’exprimer…

J’avais oublié la présence d’Alia et d’Amarel et je les cherchais des yeux en m’en rappelant brusquement. J’avais été surprise par la réaction de la panthère mais elle ne m’avait pas dérangé, j’étais même plutôt honorée de me voir ainsi acceptée par l’animal auquel j’avais bien failli jeter quelques pierres un peu plus tôt. Je l’avais gardé quelques instants dans les bras, réchauffée par son pelage avant de la redéposer au sol. Je n’étais pas très forte, et je n’aurai pas pu la porter bien longtemps.

- C’est étrange de penser que les gens que nous aimions restent là, quelque part dans le chant des étoiles, qu’ils ne disparaissent jamais vraiment.

Je souris, je trouvais l’idée réconfortante, même si je savais qu’elle ne réparait pas l’absence d’un être cher. Je me demandais ce qu’il avait pu arriver à ce Cerf, mais je n’osais poser la question, j’en avais vu suffisamment pour savoir que le sujet n’étais pas des plus agréables pour le bélua. Une autre chose m’intriguait, la Panthère, l’esprit je voulais dire. Je l’avais aperçu lors de ma transe et le discours d’Abel m’avait un peu inquiété, mais il avait aussi piqué ma curiosité. Après tout, cela arrivait à tout le monde de s’emporter, si l’esprit était calme, y avait-il un risque ? Des voix résonnaient à nouveau à mes oreilles et je manquais de me laisser emporter malgré moi par mon imagination. J’avais décidément du mal à me concentrer.

La Lune d’argent s’élevait au-dessus de l’horizon, et je souris à cette vision. J’ignorais pourquoi mais j’appréciais de la voir, sa pâle lueur m’emplissait d’une émotion singulière, encore différente de celle provoquée par le chant de la nuit. Je regardais Abel, lui aussi était sensible à la Lune de ce qu’il avait dit. Je lui désignais d’un geste.

- C’est ta mère aussi non ? Ou bien celle de la Panthère.

J’avais prononcé ce mot avec dignité, comme si une sorte de respect s’imposait lorsque j’évoquais l’esprit. Je le dévisageais ostensiblement, tâchant de retrouver sur ses traits des points communs avec l’animal que j’avais aperçu. Peut-être après tout qu’à force vivre avec ils s’échangeaient caractéristiques ?

- Cette Panthère, ton totem je veux dire, est-ce que maintenant que tu es calme, tu pourrais le laisser s’exprimer ? Ou bien c’est trop dangereux ?

J’avais très bien compris que si danger il y avait, j’étais la première concernée. J’avais quelques tours dans ma manche, mais je n’étais pas sure de pouvoir devancer la rapidité d’un félin si j’avais à m’échapper.

- Je t’ai vu sous cette forme tout à l’heure, dans le chant des étoiles. Maintenant je suis curieuse, je l’admets.



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Jeu 06 Fév 2014, 01:01


Abel s’était tant bien que mal remis en marche, mais l’image du cerf allongé aux côtés de la panthère à plaques avait du mal à quitter son esprit. C’était sans doute une des pires choses qu’il avait vécu, et à chaque fois qu’il y repensait, il était partagé entre la tristesse d’avoir perdu celui qui fut comme un père pour lui, et l’envie de retrouver le démon qui avait fait ça. Sa déesse avait été bien injuste ce jour-là en rappelant à elle son mentor, lui arrachant les quelques repères qu’il pouvait avoir. Depuis, les démons dansaient dans ses cauchemars, menaçant de lui faire perdre la tête.
Malys n’y était pour rien dans cette affaire. Elle n’avait fait que retranscrire ce qu’elle avait lu dans les étoiles, décelant un souvenir fort qui déterminait ce qu’Abel était aujourd’hui. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, lui-même aurait préféré lui offrir des souvenirs plus heureux. Ce n’était pas comme s’il n’en avait pas, car si l’on exceptait cette tragédie, Phoebe avait toujours été plutôt bonne envers lui. La déesse était bonne et son amour était pur. Tous ceux qui suivaient ses volontés ne pouvaient qu’être heureux.

La jeune rehla l’intriguait de plus en plus. Ses pouvoirs semblaient tellement profonds… Abel aurait donné cher pour pouvoir lui aussi entendre le chant des étoiles. Il n’était pas bien sûr de croire aux visions du futur car, s’il pouvait comprendre que le passé était ancré dans nos mémoires et accessibles à qui saurait le déchiffrer, le bélua était convaincu que l’avenir était à écrire et que chacune des décisions que prenaient chacun des êtres vivants sur ces terres contribuaient à créer ce qu’allait être l’avenir. A quoi bon se battre si tout était déjà décidé et immuable ? Même Phoebe ne devait pas savoir de quoi serait fait demain, car dans le cas contraire bon nombre de tragédies n’auraient jamais eues lieu…
Abel leva les yeux vers les étoiles avec un air pensif.
« Aux côtés de la Lune tout doit être tellement plus beau… J’espère qu’il y est et qu’elle prend soin de lui. Il a donné sa vie pour défendre nos forêts. »

Alors qu’ils marchaient le long de la rivière, le terrain commençait à devenir plus accidenté, le long chemin qui bordait les berges laissant peu à peu la place à un sentier sinueux. Les cascades cristallines étaient plus hautes, presque à l’orée de la forêt des murmures. S’il avait dû s’y rendre seul, Abel y serait allé sous sa forme animale, s’économisant ainsi quelques heures de marche. Mais Malys ne pourrait certainement pas suivre la cadence. A moins que… La rehla avait l’air si proche de la nature… Peut-être voudrait-elle faire l’expérience de s’en approcher un petit peu plus…
Le bélua aimait bien sa compagnie. Ce n’était pas tous les jours qu’il avait l’occasion de parler de son peuple à une âme bienveillante.
« Ma mère était une bélua et mon père un humain, mais je ne l’ai pas connu. La Lune est en quelques sortes ma mère spirituelle. Par contre, c’est elle qui a créé mon esprit animal, ainsi que toute la faune et la flore pour en peupler la terre. Sans elle tout ceci ne serait qu’un désert aride et sans vie. Beaucoup pensent être maîtres de tout cela, mais sans elle il n’y aurait rien eu ici-bas. »

La curiosité de la rehla l’amusa. Ce n’était pas la première fois qu’on lui demandait de montrer son esprit animal. Mais de la part de Malys, cela n’avait pas l’air d’être déplacé. Elle voulait simplement découvrir son peuple, et dans l’état dans laquelle il était, il fallait bien reconnaître que le risque était faible, et de toute manière en cas de besoin Amarel pourrait le ligoter dans ses lianes le temps qu’il ne reprenne sa forme humaine.
« Je peux le contrôler quand il est calme. Si tu tiens à le voir... »
Les yeux d’Abel se mirent soudain à briller d’un éclat orangé perçant et à l’intensité croissante. Au fond de son cœur, un bouillonnement familier sembla s’intensifier peu à peu et le bélua lui abandonna progressivement son corps, faisant tomber les barrières qu’il avait érigé pour le canaliser à l’intérieur de lui. Sa peau s’assombrit peu à peu et commença à se couvrir d’un pelage noir parsemé de zones grises rugueuses et son visage se déforma peu à peu pour ressembler à celui d’un animal. A force de se pencher en avant, Abel se laissa tomber en avant en réprimant un petit grognement, ses pattes griffèrent le sol un instant, et la transformation fut complète. Le bélua avait alors pris la forme de son esprit et étira longuement ses pattes avant, cherchant du regard ses compagnons. Il lui fallait toujours quelques instants pour s’adapter à sa forme féline. Les couleurs du monde avaient changé de manière drastique, seul le bleu et le vert lui apparaissant désormais, et il n’était pas toujours facile de s’y retrouver lorsque l’on passait de l’un à l’autre. Par contre, la faible lueur des étoiles et de la lune semblaient à présent éclairer la zone comme si elle avait été en plein jour, lui permettant de détailler chaque mouvement, chaque bruissement de feuille au loin comme s’il était survenu près de lui, tandis que son champs de vision lui permettaient de balayer une aire bien large qu’un humain.
Après quelques secondes, Abel se dirigea vers Malys en levant vers elle des pupilles rondes entourées d’un iris orange. Il pouvait sentir une aura d’appréhension autour de lui, aussi choisit-il de ne pas s’avancer plus, attendant de voir ce que la rehla pensait de sa nouvelle apparence avant de s’approcher plus. Modulant ses cordes vocales non sans peine, Abel parvint à articuler quelques mots qui ressemblaient plus à un grondement qu’à autre chose, mais tout de même assez intelligibles pour être compris avec un petit effort.
« Le voici… N'ais pas peur, c'est toujours moi qui contrôle ce corps.»
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Lun 10 Fév 2014, 19:08


Au fur et à mesure que la nuit s’élevait, l’air devenait plus frais et vif, et je sentais que je me réveillais et que je maîtrisais parfaitement tous mes sens. Au lieu de m’assourdir, le chant des étoiles embellissait tout ce que je voyais, l’habillant d’un voile mystique fabuleux et par moments, je ne pouvais m’empêcher de chantonner tous bas les refrains que j’entendais sans comprendre. J’écoutais toutefois avec attention le discours du bélua, chacun de ses mots portait en lui une connaissance précieuse et nouvelle pour moi et je ne voulais pas en perdre un seul. Je tâchais de comprendre ce qu’il me disait en me rappelant de ce que j’avais entre-aperçu mais mes souvenirs s’effaçaient désormais et je ne voulais pas reprendre ma transe avant qu’il n’ait terminé son explication.

J’ignorais à quelle distance se trouvaient les cascades, mais je supposais que nous pourrions les entendre dès que nous serions assez près… J’espérais y arriver avant l’aurore car je voulais contempler le fracas de l’eau sous les étoiles, mais je ne marchais sans doute pas assez rapidement pour cela. Je n’étais pourtant pas fatiguée, mon rythme naturel était décalé, et je dormais souvent dans la matinée, et parfois l’après-midi quand je me sentais lasse ou au contraire trop bien pour faire autre chose que rêver.

- J’ignore si la Lune ne voit que des belles choses, mais son éclat est tel qu’elle doit bien atténuer les laideurs du monde.

J’aimais beaucoup l’explication selon laquelle la Lune avait créé les esprits animaux. Cela voulait dire que mon oiseau venait lui aussi de celle qu’il appelait Phoebe, et donc que finalement, je n’étais pas si éloignée de son peuple que je l’avais d’abord cru. D’ordinaire, je ne prêtais attention aux mythes religieux que parce que ceux-ci étaient de jolies histoires, mais ils me semblaient toujours si éloignés de la vérité que je n’y croyais pas du tout et que je me contentais d’apprécier le conte. Là c’était différent, je ressentais moi-même quelque chose de spécial dans l’aura lunaire, et je trouvais plus que vraisemblable les mots d’Abel. Je souris pour signifier mon accord avec son discours. Je lui aurai volontiers parlé de l’oiseau, mais à un autre moment, je voulais d’abord en apprendre plus sur les esprits animaux.

Lorsque je lui avais demandé, je n’osais pas croire qu’Abel s’exécuterait, pourtant en un instant seulement, il laissa l’esprit se manifester et bientôt, je fis face à la Panthère. Je fus un peu effrayée de constater que l’animal n’aurait eu aucun mal à me tailler en pièce et je restais immobilisée, attendant un signe du bélua qui me rassurerait sur le contrôle spirituel qu’il avait du félin. Je tressaillis presque lorsqu’il s’approcha de moi, mais je ne bougeais pas, fascinée par l’idée que je voyais exactement ce que les étoiles m’avaient montrées quelques instants auparavant. Le fauve était une version plus grande d’Alia et cette pensée ainsi que la phrase évidemment formulée par Abel achevèrent de me rassurer.

Je m’agenouillais pour me mettre au même niveau que l’esprit et je fixais ses yeux. Je ressentais le même écho que devant le jeune homme, c’était bien la même personne ! Emue par ce constat, je levais ma main et l’approchais de la tête de l’animal. J’hésitais un instant avant de le toucher, mais contrairement à la scène précédente presque similaire où j’avais fait face à Alia, je finis par effleurer le pelage de la Panthère du bout des doigts, simplement pour signifier que je ne la craignais pas et que je faisais confiance au bélua.

De nombreuses interrogations se bousculaient dans ma tête. J’avais toujours soutenu être un oiseau, mais cela n’était dû qu’à mon enfance et à mon affinité avec l’air, jamais je n’avais réellement eu d’ailes, ni de plumes et je n’avais connu que mon corps habituel d’anthropomorphe. J’étais restée silencieuse un long instant et afin de ne pas mettre Abel mal à l’aise, je demandais à voix basse :

- Comment est-ce, d’être la Panthère ?

J’avais décidé de renommer l’esprit ainsi. Je ne voulais pas le nommer juste « panthère » et Abel était pour moi le nom du bélua. Certes, les deux n’étaient qu’un mais cela ne me troublait pas de nommer différemment deux choses d’un même tout, n’était-ce pas ce que je faisais couramment avec le rêve et la réalité ? C’était peut-être cela au fond, peut-être que la Panthère était le rêve et Abel la réalité, à moins que ce ne soit l’inverse ? La dualité de son être me touchait, comme si elle raisonnait sur une corde sensible de mon âme.

- Tu ne me feras pas de mal ? Je peux te faire confiance ?

Un léger doute subsistait et je voulais l’anéantir en le formulant. Je n’avais pas peur du mal qu’il puisse me faire en tant que tel, mais plutôt du fait que cela soit possible, qu’il brise l’harmonie que j’entrevoyais depuis que la nuit était tombée et que la Lune s’était levée.
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Jeu 13 Fév 2014, 19:28


Amarel observait la scène avec un petit peu de recul, laissant Abel s’approcher de la rehla en posant sur lui un regard attentif. Ce n’était pas la première fois qu’elle le voyait prendre la forme de son totem, et elle avait pour habitude de se méfier quelque peu lorsqu’il revêtait cette apparence. Ses lianes pouvaient rapidement venir l’immobiliser en cas de besoin, et elle avait déjà dû se servir de ce stratagème par le passé pour l’empêcher de commettre des erreurs et laisser le temps au bélua de reprendre le dessus. Mais cette fois ci l’esprit animal semblait apaisé, et à travers les yeux d’Abel on aurait presque pu le voir scruter Malys.
Le bélua était heureux de voir qu’il n’avait aucun mal à garder le contrôle. Soit il avait fini par progresser dans cet exercice, soit son totem était particulièrement calme, mais quoi qu’il en fût son corps de substitution lui répondait à merveille. Abel devait bien reconnaître qu’il adorait sa forme animale. Tout était certes différent, mais il se sentait tellement plus proche de cette nature qu’il aimait tant… Le vent frais qui commençait à lui glacer les os quelques minutes auparavant s’était transformé en une douce caresse, et la pénombre en une clarté qui lui permettait d’entrevoir leur chemin à des dizaines de mètres, ce qu’il aurait été bien incapable de faire en temps normal. Des odeurs inconnues envahissaient ses sens. Il en venait même parfois à se demander pourquoi il ne resterait pas sous cette forme tout le temps…

Alia avait parfois un comportement étrange lorsqu’il prenait la forme de son espèce, et agissait comme si elle retrouvait un vieil ami, bien qu’elle sache que c’était toujours son compagnon qu’elle avait en face d’elle. La créature se mit à lui tourner autour en posant sur lui des yeux espiègles, comme si elle s’apprêtait à lui bondir dessus, ce qu’elle ne manquait pas de faire de temps à autres, sans doute pour jouer ou tester sa force. En y repensant, c’était vrai qu’elle se comportait comme s’il était son frère.

Le bélua laissa Malys s’habituer tout doucement à sa présence et à sa nouvelle forme, et s’assura que son totem resterait tranquille avant de s’approcher. La rehla semblait quelque peu craintive, comme il aurait pu s’en douter, mais à sa grande surprise elle finit par s’agenouiller à son niveau. Ses yeux se plongèrent sans les siens, et Abel fit un effort pour qu’ils renvoient un air aussi doux et inoffensif que possible, sans réellement savoir si cela marcherait. Les expressions de son visage étaient plus limitées, et il était souvent obligé de faire passer beaucoup de choses dans son regard lorsqu’il avait affaire à une créature humanoïde. Les animaux, eux, comprenaient bien plus aisément ses attitudes, sans qu’il ait besoin de parler, simplement en analysant ses gestes, presque comme s’ils étaient tous doués du même don qu’Alia…
Lorsque la main de la rehla s’approcha de lui, le bélua baissa légèrement la tête et ferma les yeux jusqu’au moment où il sentit le contact de ses doigts contre son pelage. Cela lui procura une sensation agréable, mais plus encore, il fut très heureux de constater qu’elle ne trouvait pas son apparence repoussante. Abel avait eu affaire à des réactions bien vives lorsqu’il s’était montré à des humains sous sa forme animale, allant de la méfiance à l’agressivité en passant par le dégoût et la peur. C’était sans doute une des premières fois que quelqu’un avait une réaction affectueuse et bienveillante envers lui.
Soudain, Abel sentit une émotion remonter du plus profond de son cœur et briser toutes les barrières qu’il avait vainement essayé de placer entre son totem et la rehla. Le bélua fut horrifié, sentant en une fraction de seconde que le contrôle allait lui échapper et que rien ne pourrait plus se mettre entre lui et Malys. Il voulut lancer un regard paniqué vers Amarel pour lui demander d’intervenir, mais c’était déjà trop tard. La tête de l’animal se déplaça lentement vers le bras de la rehla et, ouvrant sa gueule qui laissa apparaître une rangée de crocs acérés, la panthère lécha sa main d’un petit coup de langue. L’instant d’après, le bélua repris aisément le contrôle, comme si son totem, ayant terminé d’exprimer ce qu’il voulait, l’avait à nouveau rendu maître de son corps.

Abel resta un instant cois, ne comprenant pas bien ce qui venait de se passer ni les raisons de l’élan que son totem venait d’avoir. Il s’écoula plusieurs secondes avant qu’il ne se décide à parler.
« C’est un petit peu étrange au départ, beaucoup de mes repères changent, j’ai souvent besoin de quelques secondes pour m’adapter. Mais après… On se sent vraiment bien, comme une partie de la faune en totale harmonie avec ce qui nous entoure. Les animaux ont une raison d’être, un but, un rôle à jouer dans cette symbiose. Ils n’ont pas besoin de se construire une existence et une ambition comme le font les hommes. Ils sont justes libres de vivre, d’être, sans aucune contrainte… »
Ce qui ressemblait étrangement à un sourire se dessinait sur le visage de la panthère. Le bélua semblait parvenir plus facilement à articuler à mesure que le temps passait, et cela lui demandait moins d’effort.
« Ne t’en fais pas, je n’ai aucune envie de te faire du mal. Et mon totem non plus visiblement… Tu n’as pas à te méfier de moi. J’aime ta présence, ton aura. Tu as quelque chose que ces humains n’ont pas… Malys, j’aimerais te montrer quelque chose. »
Le bélua s’approcha lentement d’elle et colla sa tête contre la rehla. Il s’apprêtait à user d’une magie puissante que son peuple avait appris à maîtriser et dont il pouvait se servir pour transmettre une partie de l’énergie de son totem à quelqu’un pour une durée limitée.
« Tu vas sentir une énergie entrer en toi. Ne résiste pas, ais confiance en moi. Je vais te faire vivre quelque chose que tu n’as sans doute jamais vécu, et j’espère que tu en ressortiras grandie. »

Après quelques instants, le bélua se recula de quelques pas, attendant le moment où le règne animal ferait effet, pressé de voir quelles seraient ses réactions en devenant une part intégrante de ce qu’il chérissait plus que tout au monde.
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Mar 25 Fév 2014, 17:10


Je n’avais plus peur, c’était une certitude. Tout sentiment négatif, tout doute et toute crainte s’étaient échappés de mon âme et seul restait un apaisement limpide et certain. Je souriais en regardant la Panthère, et la réaction de l’esprit m’arracha un léger rire. Je ne m’étais pas attendu à cela, mais c’était une chose agréable que de se savoir acceptée. J’aurai souhaité moi aussi pouvoir lui expliquer mille secrets, mais il semblait si savant déjà ! J’écoutais avec soin, comme j’aurai aimé connaître autant les choses du monde moi aussi !

Libres de vivre, sans aucune contrainte… Les mots résonnaient étrangement dans ce paysage. Ils faisaient sûrement partie d’une plus grande vérité, le secret de Phoebe, sans que je sache pourquoi, les paroles du bélua réveillaient un écho profond et ancien parmi les murmures des étoiles. J’avais l’impression qu’être si proche d’une réponse ou d’une vérité transcendante que ma main se mit à trembler. Je l’éloignais d’Abel afin qu’il ne s’en rende pas compte, et une fois de plus, je fixais les yeux de la Panthère. Je me calmais aussitôt.

Je le laissais approcher sans un mouvement de recul, trop curieuse et trop respectueuse pour m’inquiéter des intentions du félin. Je ne remarquais tout d’abord qu’un léger changement dans ce que j’entendais. Les chants des étoiles étaient à la fois plus diffus et plus forts, comme s’ils intensifiaient autour de moi. Bientôt, je sentis l’énergie dont il parlait, mais je ne bougeais pas et je fermais les yeux, laissant la magie opérer sans rien dire. Comme emportée par la musique de la nuit, j’eus l’impression de tourbillonner au-dessus de moi-même, de m’envoler sans quitter le sol. Le vent lui-même prenait une autre teinte et au bout d’une seconde infinie, je retrouvais un semblant de réalisme.

Etais-je assise ou bien debout sur le sol ? Je n’osais ouvrir les paupières pour le constater. J’entendais mille bruits autour de moi, le souffle des deux panthères et la gracieuse présence d’Amarel me semblaient des évidences et étaient aussi clairs pour mes yeux clos que l’éclat de la Lune lorsque je la contemplais. Je n’avais pas froid, l’air était léger et pur. Bien entendu, tous ces constats m’arrivaient sous la forme d’impressions vagues et mes pensées s’approchaient bien plus d’émotions que de réflexions rationnelles, il ne me semblait même pas penser aux mots.

J’ouvris enfin les yeux et regardais autour de moi, émerveillée. La nuit était là, pourtant jamais je ne l’avais vu dans toute sa splendeur… Je réalisais enfin. Il avait laissé la Panthère s’approcher plus près de moi que j’imaginais cela possible, et croyez-moi, si un fauve pouvait rire, je ne m’en serai pas privée. Au lieu de cela, je regardais Abel, tâchant de lui communiquer mon ravissement. Je n’avais pas encore osée bouger, peut-être de peur de ne pas réussir à maîtriser ce corps étranger. J’avançais une patte devant moi, plus une autre. Mes mouvements me semblaient fluides et silencieux. Ravie, je mis à marcher en cercle autour du bélua, le fixant avec un air de surprise perpétuelle.

Je n’osais essayer de parler, ne voulant pas briser par une tonalité humaine cette communion inattendue avec le règne animal. Afin de lui faire comprendre que j’étais reconnaissante d’une telle marque de confiance, je m’approchais du bélua et frottait un instant ma tête contre son cou, puis je me tournais vers Alia, qui paraissait encore plus expressive désormais. Mue par je ne sais quel instinct, je tendis ma patte vers elle, la poussant gentiment, comme dans les sortes de jeux que les chats ont parfois.

Je me sentais alerte, pleinement éveillée, bizarrement capable de séparer le rêve de la réalité et de comprendre le monde. J’entendais presque les cascades au loin et j’étais plus que jamais déterminée à m’y rendre. Je bondis vers Abel et je le fixais d’un air aussi enthousiaste que possible.
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Jeu 27 Fév 2014, 19:26


Abel se demandait s’il avait bien fait de proposer cette expérience à la rehla. C’était la première fois qu’il se servait de ce pouvoir qui et, si lui commençait à s’habituer aux transformations que son totem lui imposait parfois, il se demandait comment une personne totalement étrangère à ce phénomène allait réagir. Il recula légèrement au moment où le corps de Malys commença à changer. Celle-ci ferma les yeux alors qu’un beau pelage noir couvrait lentement son corps. Alia s’immobilisa et pencha légèrement la tête sur le côté, ne comprenant pas bien pourquoi quelqu’un d’autre se transformait peu à peu. Elle était habituée aux changements d’apparence de son compagnon, mais c’était la première fois qu’elle voyait quelqu’un d’autre ressembler à son espèce. Lorsqu’elle reconnut en Malys une de ses semblables, la petite créature poussa un petit miaulement de contentement et s’approcha sans se méfier. Elle pouvait sentir que c’était encore la rehla qui se trouvait dans ce corps, et bien que leur rencontre ait été assez tendue, la petite panthère s’était bien vite rendue compte que son aura ne dégageait rien de malveillant. Elle commençait même à l’apprécier, ce pourquoi elle s’arrêta à côté d’elle en ronronnant.

Abel, quand à lui, attendait le moment où elle ouvrirait les yeux avec impatience. Au moment où elle le fit enfin, ils semblèrent s’éclairer d’une lueur d’émerveillement, ce qui ravi le bélua au plus haut point. Elle aurait pu avoir peur, ou pire, mais elle semblait au contraire apprécier de voir la vie à travers les yeux d’un animal. Les autres créatures qui peuplaient ce monde pouvait faire preuve d’autant d’empathie qu’elle le voulait, il était quand même très difficile d’imaginer ce que pouvait voir et penser une panthère, comment elle pouvait ressentir le monde qui l’entourait. Abel avait toujours trouvé cela fascinant, et c’était sans doute pour cela qu’il se sentait aussi proche de la nature. Elle avait quelque chose de beau et harmonieux, bien au-delà de ce qu’il pouvait comprendre, quelque chose qu’il pouvait approcher d’un peu plus près lorsqu’il revêtait cette apparence.
La rehla bougea l’une de ses pattes, puis l’autre en cherchant à trouver une coordination qui lui permettrait d’avancer. Abel se rappelait qu’au début, lorsqu’il commençait à peine à maîtriser ses transformations, il avait eu un petit peu de mal à s’adapter et il lui arrivait encore d’être un petit peu maladroit si son totem n’envoyait pas ces signaux instinctifs qui lui permettaient de se reprendre. Mais Malys semblait se débrouiller très bien, et il ne lui fallut que quelques instants avant de parvenir à marcher autour du bélua.
Lorsqu’elle vint frotter sa tête contre son cou, Abel constata avec joie que la rehla semblait aussi chercher cette harmonie que ce pouvoir permettait d’atteindre. Un être humain n’aurait certainement jamais fait une telle chose, et Malys semblait agir selon les instincts qu’une telle créature aurait pu avoir.

Le bélua la suivit du regard en tâchant de lui renvoyer une expression amicale, tandis qu’Alia se déplaçait lentement pour venir à côté d’elle. Malys lui ressemblait beaucoup, en plus grand, mais maintenant qu’elles appartenaient à la même espèce la ressemblance était frappante. La petite panthère semblait amusée par la situation, et lorsque la rehla tendit sa patte pour la pousser, elle sauta rapidement pour se placer sur le côté et s’appuya dessus comme si elle cherchait à grimper maladroitement sur son épaule.
Abel les regarda jouer avec un air amusé. Il était vraiment content de voir comment Malys prenait les choses, et il posa sur les deux panthères un regard bienveillant.

Lorsque Malys releva la tête, elle sembla tourner son regard vers le lointain. Abel savait qu’ils n’étaient plus très loin, et il leva les yeux vers la dryade qui avait observé toute la scène sans dire un mot, observant ses compagnons avec affection.
« Partez devant, je peux suivre des chemins à travers la forêt que vous n’auriez pas pu emprunter. Je vous retrouverez aux cascades. »
Abel hocha la tête avec gratitude et regarda Malys un instant avec un regard plein de défi, avant de prendre une grand impulsion sur ses pattes arrière pour s’élancer vers les cascades. Faire la course avec elle alors qu’elle venait à peine de s’habituer à la transformation n’était pas très louable, mais Abel se sentait d’humeur joueuse. Et qui sait, peut-être allait-elle le surprendre ?
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L'oiseau de la cascade (Abel Erond)

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