« Hum… Où est-ce que… »
Abel était allongé au sol, du sable plein la bouche et assailli par un terrible mal de crâne. Mais comment diable était-il arrivé ici ? Le jeune bélua s’appuya sur ses mains et entreprit de se relever. Mauvaise idée…
« Oh… »
Sa vue se troubla et il retomba lourdement sur le sol. Le soleil était haut dans le ciel et la chaleur n’arrangeait pas les choses au beau milieu de ce désert. Du sable, du sable et des dunes à perte de vue, s’étendant dans toutes les directions. Mais que faisait-il ici ? Abel n’avait aucun souvenir de comment il était arrivé si loin. Etait-ce le désert des humains ? Mais il était bien au délà des montagnes de l’Edelweiss enneigée, si loin du rocher au clair de lune… S’était-il transformé ? Pourquoi ? Abel ne contrôlait pas son totem, il ne savait rien de lui et les rares fois où il avait pris le dessus sur lui, le jeune bélua s’était toujours retrouvé à des kilomètres de là où il se trouvait la veille, sans savoir comment ni pourquoi il avait été jusque-là. Lui avait-il encore fait le même coup ? Mais cette fois ci, il l’avait laissé dans de beaux draps… Comment allait-il se sortir de ce désert ? Il n’avait aucun moyen de savoir où se diriger.
« Le soleil… L’Est… »
Il devait être à peu près midi, le soleil était quasiment à la verticale. Impossible de repérer le couchant du levant, impossible de savoir où étaient le Nord et le Sud…
« Alia ! »
Abel se retourna en panique, et soupira se soulagement lorsqu’il vit la jeune panthère se diriger vers lui, comme si de rien était. Son pelage noir était plein de sable et sa langue pendait de sa gueule, sans doute pour tenter d’évacuer une partie de la chaleur qu’elle emmagasinait.
De l’eau… Abel se tourna sur lui-même, mais l’horizon était brouillé aussi loin qu’il pouvait voir. Sans eau ils n’allaient pas tenir bien longtemps.

Allez, il faut marcher. Le jeune bélua pris Alia sans ses bras et, tâchant tant bien que mal de les couvrir eux deux sous sa cape pour les protéger du soleil, il se mit en marche dans une direction aléatoire, espérant que la fin du désert était dans cette directement, et si possible pas trop loin. Mais après une bonne heure de marche, ce fut comme s’il n’avait pas bougé. Toujours le même décor, toujours ce sable à perte de vue… Abel tomba à genoux, et Alia laissa échapper un miaulement étonné. Elle avait l’air de mieux supporter la chaleur que lui, mais sentait bien que son compagnon était en difficulté. Malheureusement, elle ne pouvait pas lui être d’une grande utilité dans cette situation.
Le jeune bélua chercha des yeux un signe à l’horizon, et vit une silhouette se détacher peu à peu. Etait-il en train de délirer ? Certainement, personne ne pouvait se promener dans le désert. Mais plus le temps passait, plus la silhouette se rapprochait…
Alors qu’elle arrivait sur lui, le mal de crâne ne laissait entrevoir que le visage d’une bienveillant humaine qui le recouvrit d’un voile. Enfin un peu d’ombre… La jeune humaine lui tendit une gourde d’eau et, n’ayant plus la force de se demander s’il rêvait, Abel pris de grandes gorgées d’eau.
« Mm… Merci… Je… »
Le jeune bélua versa un petit peu d’eau dans le creux de sa main pour qu’Alia puisse boire un petit peu elle aussi.
« Je ne sais pas comment je suis arrivé ici… Mais… qui es-tu ? »
Abel n’était pas très cohérent, mais ses yeux brillaient de gratitude. Quel chance il avait eu de tomber sur cette humaine… Sans elle il serait surement mort.

Le sable, le soleil, la chaleur… Tout ça commençait à faire tourner la tête du jeune bélua, un petit peu d’eau fraiche lui fit le plus grand bien. Après quelques gorgées d’eau, il sentait déjà ses idées se remettre tout doucement en place. Alia était en sécurité, désaltérée, et la jeune panthère émit un petit miaulement content en regardant Raveeshka. A présent que sa vision était moins brouillée, il pouvait mieux distinguer les traits de la jeune humaine. Elle avait l’air gentille, et après tout il n’avait aucune raison de se méfier de celle qui venait de lui sauver la vie.
« Je m’appelle Abel, et elle c’est Alia. Je suis un bélua, je viens du Sud, près du rocher au clair de lune. Nous sommes bien loin de chez moi… »

Une chouette blanche s’approcha doucement en regardant la jeune panthère, qui sortit la tête de la cape sous laquelle elle se cachait. Les deux animaux s’observèrent un instant et Alia, curieuse, pencha légèrement la tête sur le côté, ce qui acheva de rassurer Abel. La créature avait toujours eu des réactions assez différentes avec les gens, c’était comme si elle pouvait sentir s’il y avait du bien en eux, et les rares personnes avec qui elle s’était montrée méfiante ou hostile s’était révélées mal intentionnées. Le fait qu’elle ronronnait doucement en regardant Raveeshka et Oni avec ses petits yeux curieux en disait long sur eux. Ils étaient dignes de confiance.
« Je pense que je peux dire que je suis perdu… Je n’ai aucune idée de comment je suis arrivé là, heureusement que tu passais par là, je ne serais certainement jamais sorti de ce désert sinon… »
Abel sourit à son interlocutrice. Oui, il avait vraiment de la chance…
« Mais toi, qu’est-ce que tu viens faire au beau milieu de ce désert ? Tu n’as pas l’air perdue pourtant… Tu cherches quelque chose ? »
Le jeune bélua avait entendu de nombreuses légendes au sujet de ce désert. Il abritait de nombreux humains répartis en tribu nomades qui se déplaçaient en fonction de saisons, de point d’eau en point d’eau, sans rester au même endroit plus de quelques semaines. Des créatures venaient de l’ensemble du continent naturel pour arpenter ces terres, à la recherche d’aventures, de trésor ou de renommée.

Peut-être Abel allait-il pouvoir suivre cette humaine quelques temps, du moins jusqu’à ce qu’ils ne reviennent vers des contrées plus « civilisées » depuis lesquelles il pourrait retrouver son chemin vers le rocher au clair de lune. En tout cas, pour l’instant sa compagnie ne lui était pas désagréable, bien au contraire. Le jeune bélua était toujours content de faire de nouvelles rencontres, et les humains, bien que parfois en difficulté, étaient souvent des êtres bienveillants, et son peuple entretenait des relations amicales avec tous ceux qui respectaient Phoebe et ses dons à la terre. Pourquoi ne pas suivre l’exemple de son peuple en essayant d’en apprendre plus sur elle ? Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’il pourrait rencontrer quelqu’un au beau milieu d’un désert.

Abel ne fut pas étonné de voir Alia faire connaissance avec la chouette et, les observant avec un sourire amusé, il les laissa se découvrir l’un l’autre. La jeune panthère à plaques avait toujours été curieuse, surtout devant des espèces qu’elle ne connaissait pas. Ce n’était pas la première fois qu’ils rencontraient des inconnus au détour d’un chemin, mais la créature pouvait ressentir la gratitude de son compagnon envers leurs sauveurs, elle n’avait donc aucune raison de se méfier.
Une quête ? Le bélua avait entendu parler de cette fameuse pyramide qui se dressait dans le désert, attendant de pouvoir tester la bravoure de ceux qui étaient assez fous pour s’y aventurer. Mais à ce que l’on savait, personne n’était pour l’instant parvenu jusqu’à son sommet. Raveeshka était bien courageuse, et cela forçait l’admiration.
« On dit que la pyramide est gardée par des créatures étranges. Elles doivent protéger quelque chose de très précieux. »
Abel n’avait pas soif de richesses et de trésors, mais l’aventure pouvait amener bien d’autres récompenses, plus précieuses encore. Quoi de plus beau qu’une amitié naissante ? Peut-être que la jeune femme accepterait qu’il la suive dans sa quête. Après tout, sans elle il risquait de se perdre à nouveau, et il aurait certainement moins de chance si cela venait à se reproduire.

Mais pour l’instant, ils allaient devoir tâcher de trouver des provisions pour terminer la route qui les séparaient de la pyramide. Raveeshka n’avait pas dû prévoir de la nourriture et de l’eau pour quatre… Ils allaient devoir trouver un village ou un campement, où peut-être que quelqu’un accepterait de les aider. Bien que pauvres, les humains qui vivaient en ces lieux avaient la réputation d’être des hôtes généreux, ce qui était tout à leur honneur.
Abel tâcha de protéger Alia dans ca cape du mieux qu’il pouvait. Même si à présent elle avait pu boire un petit peu, il ne pouvait pas se permettre de la laisser trop longtemps au soleil, elle était encore trop jeune. La considération de Raveeshka pour le bonheur de la jeune panthère à plaques ravit le bélua et l'intéressée, emmitouflée dans la cape, laissa échapper un petit grognement de contentement. Parfois les humains pouvaient se montrer assez insensibles au bonheur des animaux, mais celle-ci semblait différente, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Ceux qui respectaient la nature étaient souvent des êtres bons et bienveillants, alors que ceux qui la méprisaient ne méritaient que la même chose.

Alors qu’ils se mettaient en route, Abel fit un grand sourire à la jeune humaine.
« Tu sais où aller ? Dis, je ne voudrais pas t’embêter, mais… Est-ce que tu accepterais que je t’accompagne à la pyramide ? J’aimerais la voir de mes propres yeux ! Quoi que nous puissions y trouver tu pourras le garder, c’est simplement par curiosité ! »

Abel fut heureux d’entendre la réponse de Raveeshka. Il n’avait besoin que d’une excuse pour explorer ce désert avec elle, et la perspective d’atteindre le sommet de la pyramide à ses côtés avait de quoi le réjouir. Seul, il n’aurait sans doute pas pu espérer arriver jusqu’au haut de ce tombeau antique, mais accompagné d’une combattante douée telle que sa jeune amie semblait l’être, peut-être pourrait-il mener à bien cette mission ? Abel se demandait vraiment quels trésors cette pyramide pouvait recéler.
Mais dans l’immédiat, leur préoccupation était à trouver de quoi se ravitailler. Par chance, la jeune humaine semblait connaître un chemin en direction d’un campement des siens et elle lui indiqua la route à suivre. Le bélua ne l’aurait sans doute pas repéré seul, mais il semblait en effet qu’une faible trace, presque entièrement recouverte par les mouvements du sable, se frayait un chemin entre deux dunes en tout point similaires à celles qui les entouraient. Comment faisait-elle pour se repérer ? Le soleil était au zénith et ne laissait trahir aucune direction. Abel était impressionné par le sens de l’orientation de Raveeshka, et fut d’autant plus content d’être tombé sur quelqu’un qui semblait connaître ce désert bien mieux que lui.

Le jeune bélua se dirigea donc vers le chemin qu’elle lui avait indiqué, et les deux aventuriers marchèrent pendant quelques dizaines de minutes avant d’apercevoir leur but. Abel commençait à avoir à nouveau très soif, la chaleur tapant sans pitié sur son corps qui était plutôt habitué à l’humidité et l’ombre des forêts qui bordaient le rocher au clair de lune. Ce campement tombait à pic ! Devant eux se dressaient une demi-douzaine de tentes tantôt blanches tantôt brunes, partiellement recouvertes de sable. Des fagots de bois avaient été disposés en une palissade de fortune, sans doute plus pour se protéger du vent que d’éventuels assaillants. Après tout, ces hommes ne devaient pas avoir beaucoup d’objets de valeur… A quoi bon quelqu’un aurait-il été assez fou pour les attaquer ?
« Regarde, là-bas ! »
Abel hâta le pas en directement des habitations, pressé de rencontrer ses habitants. Tout d’abord méfiants, certains le fixaient intensément, tandis que d’autres sortaient la tête de leurs tentes pour venir voir d’eux même d’où provenait cette agitation. Un homme, tout vêtu d’un habit blanc qui lui recouvrait le corps et la tête, se précipita dans la plus grande des tentes, et quelques instants plus tard un vieil homme barbu sorti derrière lui. Scrutant les deux nouveaux venus l’espace d’une seconde, il s’approcha d’un pas décidé et, arrivé près d’eux, leur tendis ses deux mains ouvertes.
« Je suis Anas, le chef de ce campement. Si vous venez en paix, vous pourrez bénéficier de l’hospitalité. Si c’est la guerre que vous cherchez, je vous demanderais de passer votre chemin. Nous n’avons aucune richesse. »
Le jeune bélua s’inclina légèrement devant le chef de la tribu, et écarta les pans de sa cape pour lui montrer qu’il n’avait aucune arme sur lui.
« Nous venons en amis. Nous sommes en route vers la pyramide et ne demandons que des provisions pour la route. Nous avons de quoi payer. »
Anas eut un mouvement de recul en entendant parler de leur destination. Peut-être savait-il des choses qu’ils ignoraient ?

Abel écouta avec attention la conversation entre Raveeshka et le chef du village. La détermination de son ami sembla surprendre Anas, mais eut au moins le mérite de lui signifier qu’il était inutile de tenter de les en dissuader. Ils allaient monter en haut de cette pyramide coûte que coûte. Après un petit moment de réflexion, le vieil homme leva vers eux des yeux de mystère, comme s’il cherchait à les sonder du regard. Le silence sembla durer une éternité, mais lorsqu’il décida de le briser, ce fut non pas pour tenter de les empêcher de partir affronter les dangers de la pyramide, mais au contraire pour leur demander de l’aide.

Le jeune bélua croisa le regard de Raveeshka qui semblait lui demander de prendre une décision pour eux, mais il savait déjà que la jeune humaine avait soif d’aventure et cherchait des défis à relever pour prouver au monde sa valeur. Elle aurait certainement dit oui sans plus d’hésitation, aussi Abel se laissa-t-il tenter par la proposition d’Anas. Mais avant de lui communiquer leur enthousiasme, ils devaient tenter d’en apprendre plus.
« Une mission vous dites ? Que peuvent donc faire pour vous deux aventuriers tels que nous ? »
Le chef du village et le bélua échangèrent un sourire entendu, comme si le vieil homme avait déjà compris qu’ils accepteraient sa quête sans qu’ils n’aient besoin de le dire.
« Oui, puisque vous semblez vous diriger vers cette pyramide maudite, vous devez être au courant des histoires que l’on raconte à son sujet. Il y a de cela plusieurs années, un ami à moi est parti avec un petit groupe d’entre nous pour tenter de découvrir ce qui se trouvait en son sommet, mais ce fut la dernière fois que j’entendis parler de lui… »
Un éclair de tristesse passa dans le regard d’Anas. Les deux hommes devaient être très proches.
« Je me moque bien des richesses que vous pourrez trouver, mais pour honorer la mémoire de mon avis, j’aimerais savoir ce vers quoi il se dirigeait. J’aurais bien tenté moi-même cette ascension, mais les saisons ont été dures avec moi, et j’ai peur de ne plus avoir la fougue qui m’animait étant plus jeune. Aujourd’hui, peut-être que vous pourrez me rendre ce service… C’est bien la dernière chose qu’il me reste à accomplir avant de mourir. »

Abel avait beau ne pas être très rassuré à propos de la malédiction que l’on prêtait à cet endroit, il savait que Raveeshka ne pourrait refuser une telle offre, et il n’avait pas envie de passer pour un lâche aux yeux de son amie. Il accepta donc la requête du vieil homme, qui ne cacha pas sa joie.
« La pyramide est à un jour de marche et une tempête va se lever. Vous allez dormir ici ce soir et nous vous fournirons toutes les provisions dont vous avez besoin demain au petit matin ! »
Sans leur laisser le temps de répondre, Anas les entraîna derrière lui vers une tente qui semblait inoccupée et leur désigna l’entrée.
« Vous êtes ici chez vous ! Ce soir, nous prierons les dieux pour vous. Puissent-ils vous accompagner et vous apporter l’aide dont vous aurez besoin. »
Le jeune bélua ne put s’empêcher de sourire en regardant son amie. Si on lui avait dit qu’il passerait la nuit dans un campement nomade au beau milieu du désert, il n’aurait sans doute pas voulu le croire. Peut-être allaient-ils pouvoir profiter de la soirée pour en apprendre plus auprès de leurs hôtes ?

Abel commençait à se réjouir de ce voyage. La journée avait si mal commencé, il avait cru mourir alors qu’il s’était réveillé au beau milieu du désert, sans eau ni sans aucune idée de comment en sortir. Et puis il y avait eu Raveeshka, et la perspective d’une aventure passionnante. Il y avait eu ces nomades, leur gentillesse, et l’occasion qui leur était offerte d’apporter un petit peu de réconfort dans le cœur d’un vieil homme qui n’en avait probablement plus pour longtemps… Le désert était traitre et dangereux, et pour survivre à ces conditions extrêmes, les hommes avaient du très tôt apprendre à s’entraider, même s’ils n’avaient rien d’autre à offrir qu’un peu d’eau, de nourriture, et un abris pour la nuit. Le bélua n’avait pas fait attention à la tente qui leur avait été proposée pour la nuit. Lui avait eu l’habitude, par le passé, de dormir à la belle étoile dans les forêts du rocher au clair de lune, et ignorait encore que les nuits pouvaient être glaciales dans le désert, au moins autant que les journées étaient brulantes.

La soirée fut agréable, et Abel profita de ces moments passés avec leurs hôtes pour tenter d’en apprendre plus sur la culture humaine. Il n’avait jamais eu l’occasion de s’aventurer dans le désert auparavant, et il comptait bien en profiter pour ne pas rentrer sans quelques histoires qu’il pourrait conter aux siens. Mais, même si tout cela était très intéressant, la partie qui attira le plus son attention fut lorsqu’Anas évoqua leur destination.
« Vous êtes bien courageux de vous aventurer dans cette pyramide. Les gardiens de ces lieux n’aiment pas les visiteurs, c’est ce qui a du causer la perte de mon ami. Vous devrez vous montrer prudents. »
Des gardiens ? Le bélua ne savait pas trop s’il parlait d’une présence mystique ou de réelles créatures qui pourraient leur vouloir du mal, mais après tout, à présent qu’ils étaient prévenus, ils pourraient certainement s’en sortir.

Plus tard dans la soirée, Abel vit Raveeshka se retirer dans la tente, et lui-même, qui commençait à avoir froid alors que la température déclinait rapidement, ne tarda pas à la suivre. Récupérant au passage quelques fruits parmi ceux que leur avait offerts la tribu humaine, le bélua s’approcha pour entendre la voix de son amie. Parlait-elle toute seule ? Après une seconde d’hésitation, il se décida à entrer.
« Tiens, j’ai pris ça en partant. »
Abel tendit un fruit à Raveeshka avec un sourire avant de chercher un endroit où s’installer. Il n’y avait presque rien sous la tente, à part deux couvertures étendues à même le sol pour servir de lits. Le jeune bélua ne put réprimer un frisson en pensant à la nuit qu’il allait passer. Finalement, en y réfléchissant bien, la chaleur de la journée n’était pas si désagréable…

Alia tourna quelques instants autour de la tente, jouant avec les petites brindilles asséchées qu’elle trouvait çà et là aux abords des habitations des nomades. C’était la première fois qu’elle s’aventurait dans un désert, et la sensation du sable sous ses pattes lui était inconnue. Elle avait encore un peu de mal à gérer cette nouvelle texture sur laquelle elle s’appuyait, ce lui la faisait souvent déraper de manière assez ridicule à chaque fois qu’elle changeait de direction de manière un peu trop rapide. Mais la créature était contente de constater que la nuit avait nettement rafraîchi l’air. Elle qui était habituée aux forêts du Sud du continent naturel, la fraîcheur du désert était pour elle douce et apaisante, au contraire de la chaleur assommante du soleil qui l’avait mise en difficulté plus tôt dans la journée. En plus, elle s’était faite un nouvel ami sous la forme de cet être étrange qui accompagnait Raveeshka. Elle avait déjà vu des chouettes dans la forêt, mais jamais d’aussi près et jamais une qui ne l’aurait laissé approcher aussi près qu’Oni le faisait. Elle ne semblait pas méfiante, et en ressentant le lien qui l’unissait à la jeune humaine que son compagnon semblait apprécier, elle comprit qu’elle n’avait aucun intérêt à lui faire du mal. Aussi la laissait-elle voleter au-dessus de lui, tentant parfois de l’attraper avec ses petites pattes pour jouer, mais sans succès tant les réflexes de la créature dépassaient les siens.

Abel quant à lui savourait enfin quelques instants de repos. La traversée n’avait pas été facile pour lui. Plus de soleil, plus de chaleur étouffante, de l’eau à volonté, un toit où s’abriter et la compagnie de Raveeshka. Tout s’arrangeait au final…
Le bélua fut surpris en entendant la proposition de son amie.
« Dormir dehors ? Mais tu es folle, tu vas mourir de froid ! Quelle idée, je préfèrerais encore te laisser la tente pour toi toute seule que de t’obliger à faire ça. Et tu sais… ta compagnie ne me dérange pas, au contraire. »
Abel fit un sourire à Raveeshka. Il était vrai qu’il n’avait pas côtoyé beaucoup d’humais, mais elle semblait aimable, bien qu’elle s’était montré quelque peu méfiante au départ. Mais après tout, il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir pour ça… Parfois, le monde était cruel, et il valait mieux y être préparé.
« Mon loisir préféré… »
Abel se redressa et se mit assis en tailleur pour faire face à son amie.
« Tu t’es déjà aventurée dans les terres de mon peuple ? Il y a de grandes forêts, absolument magnifiques, qui s’étendent sur des dizaines de kilomètres. Je pense que ce que je préfère lorsque je ne suis pas sur la route, c’est m’y promener, et observer çà et là les miracles de Phoebe. C’est vraiment quelque chose que j’aime. Peut-être qu’un jour je pourrais te montrer tout ça ! Et toi ? Que fait une belle humaine lorsqu’elle ne cherche pas de pyramides maudites ? »