« A la mémoire de Lilith, directrice du sanctuaire. ».
« A la mémoire de Mimi, partie trop tôt. ».

Lilith regardait les inscriptions qui se trouvaient sur deux stèles voisines. Il s'agissait de sa tombe ainsi que celle de son enfant. Elle les savait vides, Jun n'ayant laissé aucune trace de ses meurtres, brisant son habitacle ainsi que celui de sa fille. Elles avaient disparu sans laisser de traces, pas la moindre. Pourtant, devant son absence, sa mort avait été déclarée. Après tout, elle avait été puissante, si puissante que l'ancien Mârid avait souhaité faire d'elle son capitaine des armées. Bien sûr, elle ne l'avait jamais été, mais elle l'avait voulu également. Pour une raison particulière : pour faire en sorte que les civils ne soient jamais tourmentés par les caprices des puissants. Toutes ces femmes violées, tous ces enfants laissés orphelins, tous ces pillages, elle souhaitait que cela cesse. Néanmoins, elle avait été gênante. Elle avait aidé à trouver l'antidote lorsque les morts-vivants avaient envahi les terres du Yin et du Yang et elle faisait le bien autour d'elle, un bien qui ne plaisait pas à certains hauts placés maléfiques. Alors, pour lâcher un vent glacial, l'empereur noir avait décidé de l'éliminer. Elle regrettait tellement de n'avoir pas été capable de se défendre. Mais, après la mort du roi des démons, elle avait gardé son habitacle sur elle, ne souhaitant plus jamais le confier. Là était son erreur. Elle aurait dû le donner à Violette qui l'aurait caché dans un endroit où les êtres faits de magie ne l'auraient jamais trouvé. Et sa fille adoptive, où était-elle à présent ? La dernière fois qu'elle l'avait vu, elle était reine des humains. Quant était-il à présent ? Était-elle au moins vivante ?

Elle finit par se détourner des écritures, faisant un signe aux quelques personnes qui se trouvaient avec elle. Elle avait organisé une journée afin de fleurir le cimetière, demandant la participation de quelques fées. Ce n'était pas un mouvement énorme mais puisque certains défunts avaient été oublié depuis longtemps par leur famille, peut-être était-ce une bonne chose de leur rendre hommage ? En attendant, il y avait quelques fleurs sur sa tombe, ainsi que celle de Mimi. Sans doute des enfants du sanctuaire, les orphelins à qui elle avait réussi à trouver des parents adoptifs après l'invasion des zombies. Elle ne pouvait pas le savoir mais ça l'avait touché, réellement. Elle n'avait jamais revendiqué une quelconque place dans ce monde, une quelconque reconnaissance, mais le fait de voir qu'on ne l'avait pas oublié la rendait heureuse. Alors, elle se disait que si ceux qui avaient péri, pour n'importe quelle cause, savaient que des vivants pensaient encore à eux, ils en seraient heureux, comme elle l'était aujourd'hui.

« Normalement, d'autres individus devraient nous rejoindre d'une minute à l'autre. ». Lilith sourit à la jeune femme qui venait de lui annoncer cette nouvelle. Cette dernière était artisan, elle fabriquait des poteries et avait bien voulu contribuer à cette journée en fournissant plusieurs gros vases. Avec la magie des fées et un peu de travail, le cimetière serait bientôt fleuri et, de ce fait, magnifique. Et puis, quelques hommes étaient ici pour réparer les tombes qui avaient été abîmées avec le temps. La nouvelle ange sourit, se disant qu'à peine après sa réincarnation, elle se retrouvait de nouveau débordée de travail. Néanmoins, dès qu'elle voyait les yeux brillants d'un enfant, dès qu'elle voyait les Hommes unis, alors elle ressentait ce petit pincement dans son cœur, elle sentait ses yeux s'humidifier par le pouvoir de ce que les êtres pouvaient faire, dès qu'ils étaient ensembles. Alors peu importait le nombre d'heures qu'elle passerait à organiser ce genre d'événement, peu importait qu'elle dorme peu, qu'elle oublie de manger, le résultat en valait la peine.

Lilith croisa le regard d'un homme aux ailes aussi blanches que les siennes. Un ange. Elle n'en avait jamais croisé depuis qu'elle avait été elle-même réincarnée. Elle le fixa un instant, ses yeux contemplant son sourire avant de détourner le regard pour le poser sur d'autres bénévoles. Ange. Cette notion sonnait tellement étrangement aux oreilles de l'ancienne djinn. On lui aurait murmuré cette confidence des années auparavant, elle aurait simplement rit au nez du messager. Comment cela était-il possible au final ? Elle n'avait pas fait que le bien dans son existence. Elle ne comprenait pas et, finalement, elle ne se sentait pas à la hauteur de représenter la pureté angélique. Bien entendu, elle s'était renseignée sur son état, prenant connaissance des pêchés. Elle n'avait pas peur de ces derniers à l'exception d'un seul : la colère. Oh la luxure lui avait longtemps collé à la peau mais le fait de devenir mère change parfois les femmes. Quant à la colère, elle l'effrayait car elle avait horreur des injustices. Elle savait que la rage pouvait la prendre devant l'une d'elles, surtout lorsqu'elle se retrouvait impuissante devant un fait qui la dépassait. Elle avait pleuré de rage bien plus d'une fois dans sa vie et c'était cette rage qui la perdrait, elle en était certaine. Mais, pour le moment, elle était belle et bien ange et ferait tout pour le rester le plus longtemps possible. Ce qui l'embêtait, c'était cette image angélique. Les êtres pensaient que si elle faisait tout ça aujourd'hui, c'était à cause de l'influence du peuple auquel elle appartenait, mais non. Elle avait toujours cru en un monde meilleur et le fait de changer d'état ne lui avait en aucun cas changé ses idées.

La jeune femme finit par se déplacer. Rien ne servait de rester planter devant sa propre tombe, une tombe vide, n'étant que symbolique. Elle fixa son pantalon noir, époussetant la terre qui s'était déposé sur celui-ci, vérifiant par la suite son haut beige à tout hasard. De toute façon, elle n'était pas ici pour rester immaculée, elle avait du travail.

Décidant de rejoindre l'ange qui travaillait la terre, elle lui sourit, s'approchant de lui doucement. Que devait-elle lui dire ? Elle ne savait pas s'il y avait des salutations spéciales en ce qui concernait son peuple, quelque chose à faire ou à dire qui refléterait simplement une certaine politesse. Néanmoins, elle se dit qu'un sourire et des salutations standards suffiraient et si ce n'était pas ainsi qu'il fallait s'y prendre, il le lui dirait sans doute. « Bonjour, je m'appelle Lilith. ». Elle ne s'appelait pas vraiment Lilith mais disons que lorsque l'on passe des siècles et des siècles à se faire appeler ainsi, le pseudonyme devient le prénom et le prénom s'oublie, sonne faux, s'émousse. Alors même si sa mère l'avait appelé ainsi à la naissance, ce prénom était une sorte d'étranger pour elle. « Et vous ? ». Elle avait envie de le connaître, de lui poser des questions sur son état d'ange, mais pas aussi rapidement. Ils devaient faire connaissance avant. « Puis-je vous aider ? Vous n'avez qu'à me dire ce que je dois faire et puis je m'exécuterai. Je ne suis pas très douée avec les plantes mais je ne demande qu'à apprendre. ». Elle était toujours optimiste, toujours prête à se confronter à l'inconnu ou au méconnu.